SÉANCE

du mercredi 11 février 2009

67e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 10 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Attribution de fréquences de réseaux mobiles (Déclaration du Gouvernement)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'attribution de fréquences de réseaux mobiles, conformément à l'article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.  - Je suis très heureux de concrétiser un engagement que j'ai pris ici même lors de l'examen de la loi du 3 janvier 2008. Ce débat traduira également les engagements formulés le 12 janvier dernier par le Premier ministre lors de la réunion interministérielle sur l'économie numérique.

Les technologies de l'information et de la communication ont représenté ces dix dernières années la moitié du différentiel de croissance observé entre les États-Unis et l'Europe. Elles comptent aussi pour 40 % des gains de productivité de notre économie. Il faut attendre des innovations dans ce secteur un impact déterminant pour l'ensemble de l'industrie. Celles-ci trouvent des applications dans des secteurs aussi importants que l'automobile, l'aéronautique, la télémédecine ou la formation.

Dans cette période de crise économique sans précédent, vous connaissez la volonté du Gouvernement. Nous devons certes nous mobiliser pour faire face à l'urgence financière et économique par le plan de relance, mais aussi poursuivre les réformes pour préparer la France au monde « d'après-crise ». La crise est dure, violente, mais elle prendra fin un jour. Et, ce jour-là, nous devrons être prêts à rebondir plus vite que les autres. Il faut dès aujourd'hui investir dans des relais de croissance stratégique, dont les technologies de l'information et de la communication font naturellement partie. D'où la politique très ambitieuse menée par le Gouvernement dans ce domaine, notamment pour le développement de la concurrence.

Cela répond à mon sens à plusieurs enjeux, dont le premier est industriel et économique. La concurrence est saine pour stimuler le marché. Selon les analystes, elle assurerait une croissance de 7 % du marché global des télécommunications. Les investissements générés par l'arrivée d'un éventuel nouvel entrant sur le marché du mobile seront importants pour l'économie et l'emploi, du fait de la construction d'un nouveau réseau, de la recherche de nouveaux services et de la distribution des offres correspondantes. Il ne sera pas dans l'intérêt des opérateurs historiques de réduire la voilure de leurs investissements, notamment pour la couverture du territoire -sujet qui vous est cher à juste titre. Nous veillerons à ce que les engagements pris dans ce domaine soient tenus : l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) devra les contrôler. Vous avez renforcé ses pouvoirs de sanction, et nous n'hésiterons pas à les mettre en oeuvre.

Le deuxième enjeu porte sur le pouvoir d'achat des consommateurs. D'après les simulations réalisées par nos services, l'ouverture du marché des mobiles à un nouvel acteur devrait entraîner à terme une baisse de 7 % des prix pour les consommateurs. Ces simulations tiennent compte de l'observation de ce qui s'est produit dans certains pays européens lors du passage de trois à quatre opérateurs. Cela représente 1,2 milliard d'euros par an de pouvoir d'achat « rendu » aux Français, sur un marché qui s'élèvera à environ 21 milliards de chiffre d'affaires en 2015.

Le troisième enjeu concerne l'innovation. L'entrée de nouveaux acteurs va bousculer les opérateurs historiques et intensifier la course technologique en faveur de nouveaux produits et services. Nous parlons de la prochaine génération de services : aujourd'hui, le triple play concilie dans une même offre la télévision, l'internet et le téléphone. Demain, grâce à l'offre quadruple play, il sera possible de consulter de n'importe quel terminal, chez soi ou au bureau, l'ensemble de ses documents et données personnelles. C'est un nouvel âge de la convergence qui s'ouvre. Or, si nos opérateurs nationaux sont bien placés dans cette course technologique, ils ne sont pas pour autant en avance sur leurs concurrents européens. Une stimulation saine du marché serait bienvenue pour mettre toutes les chances de notre côté et répondre à l'ambition fixée à la fois par l'Europe avec la stratégie de Lisbonne et par le Président de la République : faire de la France, d'ici 2012, un pays leader dans ce domaine.

Pour comprendre les orientations du Gouvernement sur ce dossier complexe, il faut savoir d'où nous venons. En 2000 et 2001, dans le contexte de l'emballement financier et économique créé par la « bulle internet », l'État avait fixé un prix de 5 milliards d'euros pour les licences 3G, alors la première étape vers le portable haut débit. Seuls deux opérateurs avaient répondu à cette offre, qui avec le recul paraît vertigineuse. Un troisième, Bouygues, avait renoncé. Deux éléments ont alors joué : le dégonflement de la bulle internet et la volonté du Gouvernement de l'époque d'éviter un duopole qui aurait tué toute concurrence. Il a donc été décidé de baisser le prix de la licence. L'État fixa une redevance fixe à 619 millions et une redevance variable de 1 % du chiffre d'affaires.

La situation actuelle n'est pas très éloignée : l'appel à candidatures que l'État a lancé en 2007 pour l'attribution de nouvelles fréquences n'a pas trouvé preneur. Il faut donc, comme par le passé, revoir notre offre pour permettre à de nouveaux concurrents de se positionner tout en garantissant une égalité de traitement de l'ensemble des opérateurs. Dans le même temps, il faut aussi veiller à soutenir la croissance du secteur et la couverture du territoire, et à valoriser convenablement ces nouvelles fréquences. Cela représente beaucoup d'argent pour les finances publiques. Nous avons donc demandé à l'Arcep de mener une consultation publique, réalisée au cours de l'été 2008.

Comme l'a annoncé le Premier ministre le 12 janvier dernier, nous pensons qu'il est souhaitable de diviser le « paquet » de fréquences supplémentaires en trois lots : un lot de 2 x 5 MHz réservé à un nouvel entrant, à un tarif non discriminatoire par rapport aux offres précédentes ; l'accès à la bande de 900 MHz, essentielle pour les enjeux de couverture du territoire ; deux autres lots de 2 x 5 Mhz chacun, pour lesquels tous les opérateurs y compris les historiques pourront postuler. Comment le nouvel opérateur sera-t-il choisi, sur quels critères ? Ce ne sera pas un critère de prix, puisque nous proposons que celui-ci soit fixé en amont selon une règle simple, dans un souci d'équité avec les opérateurs existants : le prix correspondrait au tiers du prix accordé précédemment, 619 millions, soit environ 206 millions, pour un tiers des fréquences attribuées. Différents raisonnements pourraient justifier de demander plus, ou moins.

Nous proposons la solution qui, de l'avis de nombreux experts apparaît comme la plus juste et la plus sûre juridiquement. Du reste nous avons sollicité l'avis du Conseil d'État.

Si le critère financier est écarté, quels autres critères feront la différence ? Nous procéderons à une « procédure de soumission comparative », ce qu'on pourrait appeler en termes plus parlants un « concours de beauté ». Il s'agit de voir quels postulants présentent les meilleures garanties et proposent les meilleurs engagements, notamment en matière : d'ampleur et de rapidité des déploiements ; de cohérence et de crédibilité du projet ; de capacité à stimuler la concurrence au bénéfice du consommateur ; d'environnement ; de qualité de service.

Dans un souci d'équité il paraît souhaitable que les critères retenus en 2009 soient similaires à ceux qui avaient permis d'attribuer les premières licences en 2001 et 2002. Il convient notamment de faire en sorte que le nouvel entrant déploie un réseau sur l'ensemble du territoire, afin de favoriser la concurrence, même dans les campagnes. Ainsi, pour le lot réservé, le Gouvernement s'oriente vers la reprise des mêmes obligations minimales de couverture que celles proposées dans les précédents appels à candidatures. La diminution de la quantité de fréquences sur laquelle porte l'appel à candidatures pour la bande 2,1 GHz n'a pas d'impact sur la capacité du nouvel entrant à déployer sur l'ensemble du territoire : c'est en effet à partir de la bande de 900 MHz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses. Il y aura accès afin de bénéficier de conditions aussi avantageuses que les opérateurs existants pour la couverture du territoire.

Ainsi, dans cet appel à candidatures pour un nouvel entrant, nous ferons jouer la concurrence non pas sur le prix, mais sur la capacité à répondre à des engagements. Le but est de tenter d'obtenir des engagements allant au-delà des obligations minimales, notamment en termes de couverture du territoire. L'entrée de nouveaux acteurs sur le marché doit absolument être compatible avec un objectif ambitieux de couverture du territoire. Nous ne souhaitons pas de quatrième opérateur au rabais.

Pour faciliter la couverture en téléphonie mobile de quatrième génération, la loi de modernisation de l'économie a prévu d'imposer la mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses. L'Arcep, chargée de définir les conditions de cette mutualisation, devrait prochainement rendre ses conclusions sur ce sujet. Partager les investissements à quatre et non plus à trois permettra aussi de couvrir plus loin. Le partage des fréquences disponibles a un autre avantage, celui de permettre, grâce aux deux lots de fréquences restants, de répondre à la demande des opérateurs qui souhaitent des fréquences supplémentaires.

Le prix offert par les opérateurs pour ces deux lots de fréquences ouverts à tous, pourrait être un critère déterminant. La loi de modernisation de l'économie a permis de mettre aux enchères certaines fréquences. Ce pourrait être le meilleur moyen pour l'État de vendre au meilleur prix. Nous nous orientons donc vers une mise aux enchères ou une procédure de soumission comparative permettant d'évaluer, au-delà du critère prix, les engagements des opérateurs existants de nature à favoriser le dynamisme du marché français. Par exemple, les opérateurs pourraient être incités à s'engager à assouplir les conditions d'accueil des MVNO sur leur réseau si un critère de stimulation de la concurrence était retenu.

Pour la couverture du territoire, il n'y a pas matière à demander aux opérateurs historiques d'aller plus loin que les engagements de couverture 3G très ambitieux -parfois au-delà de 99 % de couverture de la population- qui ont déjà été pris. En revanche, il faudra s'assurer que ces engagements ont été respectés, ce qui n'est pas encore pleinement le cas aujourd'hui. Le Gouvernement y veillera. C'est notamment pour cela, qu'ensemble, nous avions renforcé, dans la loi de modernisation de l'économie, les pouvoirs de sanctions de l'Arcep dans ce domaine.

Je souhaite que l'attribution de ces nouvelles fréquences soit décidée après celle du premier lot de fréquences, réservé à de nouveaux acteurs. Cela permettrait au lauréat du premier lot de se positionner sur les autres. Ce serait pour lui la possibilité d'acquérir des fréquences supplémentaires, et pour l'État, celle d'obtenir un meilleur prix.

Il est important d'attribuer rapidement ces fréquences 3G, car cela s'inscrit dans le cadre d'une politique beaucoup plus large en faveur de l'économie numérique et qui passera par l'attribution, dans les années à venir, de nouvelles bandes pour l'internet mobile à haut débit. Il s'agit d'une part de la bande de 2,6 GHz -qui devrait être libérée par les militaires à partir de 2010- et qui offre de grandes capacités, permettant ainsi une bonne couverture des zones denses. Il s'agit d'autre part des fréquences de la bande 790-862 MHz -qui seront libérées, dans le cadre du dividende numérique, avec l'extinction de la télévision analogique d'ici au 1er décembre 2011 -et qui ont d'excellentes propriétés pour la couverture du territoire. Une attribution conjointe de ces fréquences traitera simultanément les problèmes des zones denses et des zones rurales et, ainsi, réduira le risque de fracture numérique pour le très haut débit mobile.

Nous attendons vos propositions et, à l'issue de ce débat, le Gouvernement lancera la procédure d'attribution de la quatrième licence. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Avant de passer la parole à Mme la Secrétaire d'État chargée de l'économie numérique, je ne résiste pas au plaisir de saluer la présence dans les tribunes des adjoints au maire de la ville de Marseille. Autant de sénateurs en réserve ! (Applaudissements)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.  - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs les Marseillais, le débat d'aujourd'hui nous permet d'exposer la vision stratégique de notre pays en matière de fréquences, mais aussi en matière d'économie numérique. Mon collègue Luc Chatel vous a présenté la politique du Gouvernement sur les fréquences à 2,1 GHz et 2,6 GHz, ainsi que sur la sous-bande de fréquences 790-862 MHz qui seront affectées à l'internet mobile à très haut débit. Pour les fréquences à 2,1 GHz, nous souhaitons voir émerger un nouvel opérateur mobile, au profit des Français et de la couverture des territoires.

Je souhaite exposer brièvement quelques-uns des enjeux de l'économie numérique qui sont au coeur des projets territoriaux : le dividende numérique, le passage à la télévision tout numérique, la télévision mobile personnelle et les nouveaux services audiovisuels et, plus globalement, l'aménagement numérique des territoires.

La France connaît une opportunité historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ». Le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences, et dégagera ce qui est communément appelé « le dividende numérique ». Ces fréquences basses permettent de diviser considérablement le coût de déploiement des réseaux mobiles en zones peu denses, ce qui est essentiel pour la couverture des territoires. Ce dividende numérique est une occasion unique pour notre pays et pour l'Europe, comme l'a été le GSM, de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique. Il contribuera à l'aménagement du territoire en développant l'internet à très haut débit, grâce à l'affectation de la sous-bande 790-862 MHz. La procédure d'attribution de ces fréquences sera lancée d'ici à la fin de l'année 2009, selon plusieurs critères : valorisation du patrimoine immatériel de l'État, couverture du territoire et concurrence. Le dividende numérique permettra le développement des nouveaux services de télévision : télévision haute définition, télévision mobile personnelle, radio numérique. Il contribuera surtout à la croissance économique grâce aux nouvelles infrastructures qui seront déployées avec ces fréquences.

Quelles sont les étapes suivantes ? Nous menons des travaux avec nos partenaires européens pour que l'Europe tout entière bénéficie de ce dividende. Le Royaume-Uni vient de prendre une décision identique à celle du gouvernement français et l'Allemagne devrait le faire dans les prochaines semaines. Nous espérons convaincre nos autres partenaires afin que le dividende numérique devienne une réalité européenne.

En ce qui concerne le passage à la télévision tout numérique, le dividende numérique ne sera perçu que si nous réussissons le déploiement sur l'ensemble du territoire national des dix-huit chaînes de télévision gratuite en qualité numérique, et l'arrêt de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011.C'est l'une de mes priorités. La TNT offre en premier lieu davantage de choix pour le téléspectateur, plus d'information, plus de culture, plus de loisirs. En deuxième lieu, c'est aussi plus de qualité. La TNT, enfin, c'est la simplicité de n'avoir pas à changer de téléviseur. Ses réseaux vont couvrir 95 % de la population, les 5 % de foyers restants pourront s'équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les dix-huit chaînes nationales de la TNT. Une offre de TNT gratuite par satellite est déjà en place, une deuxième offre devrait émerger dans les prochains mois afin de donner plus de choix aux Français.

Mais pour réussir le passage au tout numérique, il faut s'assurer que l'ensemble des foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. C'est là le défi le plus ambitieux. Trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89 %, seuls 60 % des foyers sont aujourd'hui équipés d'au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 30 % seulement ont équipé l'ensemble de leurs postes. Il faut donc, dès maintenant, accélérer le rythme d'équipement des foyers.

C'est l'objectif du dispositif national d'accompagnement du public présenté le 6 novembre et qui sera mis en place avant le 31 mai 2009. L'accompagnement des publics sensibles, personnes âgées et handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l'État. De leur côté, les ménages à faibles revenus seront eux aussi aidés pour l'acquisition et l'installation du matériel de réception. L'opération pilote de Coulommiers, la semaine dernière, livre ses premiers enseignements. La mobilisation des élus et des associations est la clé de la réussite et les conditions de l'assistance financière doivent être simplifiées. Un effort accru d'information est nécessaire, notamment pour expliquer les quelques problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des neuf autres communes environnantes.

Un second site pilote sera mis en oeuvre à Kaysersberg à partir du 14 avril et jusqu'au 27 mai 2009, puis ce sera le tour du Nord-Cotentin en juin, de l'Alsace et de la Basse-Normandie à la fin de l'année. La Lorraine, la région Champagne-Ardennes, puis la Franche-Comté, la Bretagne et la région Pays-de-Loire suivront en 2010. Je réunis demain le Comité stratégique pour le numérique afin de finaliser rapidement le dispositif national d'accompagnement du public vers la télévision numérique et de publier l'ensemble du calendrier de l'opération avant la fin du mois de mai 2009.

Le dividende numérique permet en outre d'offrir de nouveaux services audiovisuels aux usagers, dont la télévision mobile personnelle (TMP). Le Japon et la Corée, mais aussi l'Italie, l'Autriche et la Suisse ont pris de l'avance. Il n'y a pas de raison que la France reste à l'écart de cette évolution majeure des modes de consommation télévisuelle. Reste que la définition du modèle économique de la TMP est complexe. Je vais lancer, en association avec le CSA, une mission de médiation afin d'examiner la possibilité de commencer les travaux d'investissement sur un réseau pilote autour d'un noyau dur d'intervenants, principaux opérateurs de télécommunications et chaînes de télévision.

J'en viens enfin à l'aménagement numérique des territoires. Dans ce domaine, l'implication budgétaire de l'État est constante. Depuis 2002, les investissements sur les réseaux d'initiative publique sont estimés à 2,5 milliards d'euros, dont près de 50 % pris en charge par les investisseurs privés et 34 % par les collectivités territoriales. L'État, au travers des contrats de plan, et l'Europe, au travers des fonds européens, en ont assumé 16 %.

Sur la période 2007-2013, 300 millions d'euros seront consacrés par l'État à l'aménagement numérique des territoires avec comme priorités l'accès au haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et le soutien aux collectivités. L'internet haut débit est devenu une commodité essentielle au même titre que l'eau ou l'électricité. Près de 2 % de la population, répartis sur une fraction significative du territoire, ne sont aujourd'hui pas desservis par les différents réseaux d'accès à l'internet haut débit fixe : un à deux millions de Français sont ainsi exclus de la société de l'information. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé le 12 janvier afin d'identifier des opérateurs universels du haut débit fixe susceptibles d'offrir à tous un accès à l'internet haut débit à un tarif inférieur à 35 euros par mois, matériel compris. Ils seront labellisés. Plusieurs opérateurs se sont déjà porté candidats.

En outre, dans le cadre de la loi LME, un réseau rural mobile de troisième génération, mutualisant les équipements, permettra d'assurer à tous les Français d'ici 2012 un accès au haut débit mobile. Des expérimentations seront lancées dans les prochaines semaines.

Les collectivités locales ont contribué à l'émergence de plus de 100 réseaux d'initiative publique et investi plusieurs centaines de millions d'euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues. Une circulaire va bientôt permettre la mise en place des instances de coordination État-collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. L'État accordera dans ce cadre une aide financière. Deux décrets vont prochainement accélérer l'aménagement numérique des territoires : l'un porte sur le droit à la connaissance des réseaux instauré par la LME, l'autre autorisera une meilleure connaissance de la couverture des services. Permettre enfin aux collectivités territoriales d'investir de façon minoritaire dans les sociétés qui déploient les réseaux facilitera leur intervention dans le très haut débit. Une étude a été lancée avec la Caisse des dépôts et consignations sur la place de l'investissement public dans le très haut débit. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre Hérisson, représentant de la commission des affaires économiques.  - Je me réjouis, au nom de la commission des affaires économiques, de la tenue de ce débat. Le sujet mérite en effet, pour technique qu'il soit, d'être discuté au Parlement et spécialement au Sénat -chambre dédiée à la prospective.

Le spectre hertzien revêt une importance stratégique essentielle, surtout au regard de l'exigence toujours plus grande de nos concitoyens pour la mobilité. L'homme contemporain vit de plus en plus connecté à des réseaux variés et s'attend à pouvoir l'être à tout moment et où qu'il se trouve. Or seule la transmission par radiofréquences peut satisfaire cette attente. C'est dire l'enjeu que représentent l'attribution des fréquences et la nécessité pour le Parlement de débattre de l'affectation du domaine public hertzien, ressource rare et vecteur de croissance pour notre économie.

Le Premier ministre en a pris acte le 12 janvier en inscrivant le numérique dans la logique de relance de l'économie française, et donné le coup d'envoi à la procédure d'attribution de fréquences destinées au très haut débit mobile : la bande 2,6 GHz, destinée au déploiement de capacités en zones denses, et la bande 800 MHz, aujourd'hui utilisée par la radiodiffusion télévisuelle, que ses qualités de propagation destinent, dès l'extinction de l'analogique, à compléter la précédente pour la couverture du territoire en haut débit mobile. Conformément aux préconisations de la Commission du dividende numérique présidée par M. Retailleau, l'arrêté du 22 décembre 2008 attribue cette bande 800 MHz à l'Arcep à compter du 1er décembre 2011.

Dans ce schéma, il n'était plus possible de laisser en jachère les fréquences restant à attribuer à l'UMTS dans la bande 2,1 GHz. Sans compter que les opérateurs mobiles existants ont besoin de visibilité : si un nouvel entrant était autorisé dans la bande 2,1 GHz, leur cahier des charges leur imposerait de lui restituer des fréquences dans la bande 900. Enfin, ce qui ne peut être négligé, l'attribution des fréquences disponibles viendrait alimenter le fonds de réserve pour les retraites jusqu'à 619 millions, si l'on considère les annonces faites par le Gouvernement le 5 février relatives au prix de la licence. Le surplus de recettes fiscales sera cependant diminué de la baisse de recettes d'impôts sur les sociétés liée à la moindre rentabilité probable des opérateurs mobiles ...

L'attribution de la bande 2,1 GHz a connu une histoire mouvementée. Le premier appel à candidatures de 2000 proposait quatre licences, mais deux seulement furent attribuées en 2001 au prix fort de 4,95 milliards d'euros. Après l'éclatement de la bulle financière, le prix de ces licences a été divisé par huit ; au terme d'un nouvel appel à candidatures, une troisième licence est accordée fin 2002 à Bouygues Télécom pour 619 millions d'euros, prix rétroactivement appliqué à Orange et SFR. Un troisième appel à candidatures est lancé en 2007, mais celle d'Iliad, qui exigeait un étalement du paiement de la redevance, est rejetée en octobre 2007. Le Gouvernement ayant souhaité, par la loi Châtel, reprendre la main pour fixer les redevances UMTS, le Parlement a demandé en contrepartie la tenue d'un débat préalable au Parlement. C'est ce débat que nous tenons aujourd'hui.

C'est donc un quatrième appel à candidatures que le Gouvernement demande à l'Arcep de lancer, dans une forme qui laisse espérer qu'il ne restera pas infructueux : trois lots de 5 MHz chacun sont proposés, ce qui correspond à la largeur d'un canal UMTS, l'un étant réservé à un nouvel entrant et les deux autres mettant en concurrence nouveaux entrants et opérateurs existants. Ce schéma semble sage, qui doit dynamiser le marché. Il n'est cependant pas aisé de mesurer le degré de concurrence sur celui-ci ; l'amende infligée par le Conseil de la concurrence aux trois opérateurs en place pour la période 2000-2002 a pu légitimement nourrir des soupçons d'oligopole. Les investissements à consentir pour acquérir une licence et déployer un réseau sont en effet considérables ; si les opérateurs mobiles virtuels n'ont pu animer la concurrence, leur part de marché ne dépassant pas 5 %, c'est en raison des conditions que les opérateurs de réseau leur consentent, conditions que le Conseil de la concurrence a parfaitement analysées dans son avis de juillet 2008. Outre que ces opérateurs virtuels sont pour la plupart prisonniers de leur opérateur-hôte, leur croissance externe est bridée par la préemption de leur base de clients par ce dernier...

L'apparition d'un quatrième opérateur de réseau pourrait changer la donne, même s'il n'existe pas de corrélation évidente entre le nombre d'opérateurs et le niveau des prix : ceux-ci sont très élevés en Allemagne, qui compte quatre opérateurs UMTS, mais très bas en Finlande, qui en compte trois... L'exemple espagnol, où le quatrième opérateur peine à exister, appelle aussi à la prudence. En France, le marché mobile étant déjà relativement mûr, l'effort des opérateurs en place est la fidélisation du client. Un nouvel entrant devrait nécessairement déployer une stratégie ambitieuse en termes de prix ou d'innovations. Un nouvel entrant qui proposerait par exemple déjà des accès internet fixes pourrait s'appuyer sur le transport quasi gratuit de la voix sur IP pour étendre son réseau de téléphonie mobile. Des offres attractives et illimitées en quadruple play pourraient ainsi se développer.

Mais cette évolution ne doit pas être obtenue à n'importe quel prix. Il est essentiel que l'attribution d'une licence à un nouvel entrant se fasse de manière équitable pour ne pas déstabiliser l'industrie du mobile. Proposer le lot à un prix proportionnellement équivalent à celui acquitté par les trois premiers opérateurs semble raisonnable. Certains s'interrogent cependant sur la rigueur et la valeur juridique de la méthode retenue. Les uns estiment que le lot réservé devait être survalorisé.

Pour d'autres, le lot ne représentant que le tiers de la bande occupée par les trois opérateurs historiques, il est normal que le nouvel entrant paie moins cher au MHz. A-t-on trouvé un compromis équitable en fixant le prix à 206 millions ? La question devait être posée.

Assurer l'équité, c'est également exiger que le nouvel entrant contribue à la réduction de la fracture numérique de la même manière que les opérateurs existants. Le déploiement de la norme 3G a pris du retard, l'Arcep doit obtenir des opérateurs existants qu'ils respectent leurs obligations, notamment en utilisant la bande 900 MHz initialement dédiée au GSM. La couverture du territoire, en particulier des zones rurales, est un objectif essentiel, M. Sido y reviendra dans quelques instants.

Le programme est ambitieux, sans être irréaliste. Pour faciliter le déploiement d'un quatrième réseau, le nouvel entrant sera autorisé à exploiter la bande 900 MHz afin de déployer à moindre coût son réseau. A titre temporaire, il bénéficiera également de l'itinérance sur l'un des réseaux GSM existants. Enfin, point crucial, dès qu'il couvrira 25 % de la population, il aura accès aux sites 2G réutilisés en 3G. Cette mutualisation des installations, outre qu'elle permettra de diviser par quatre le coût de l'extension de la norme 3G prévue dans la loi de modernisation de l'économie, paraît le meilleur moyen de répondre aux inquiétudes croissantes devant les risques sanitaires que comporte l'exposition aux ondes électromagnétiques. (M. Michel Teston acquiesce) Madame le ministre, sur ce dernier point, pouvez-vous rassurer la population...

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Pierre Hérisson, représentant de la commission.  - ... ainsi que confirmer aux opérateurs votre volonté de développer les réseaux numériques ? Lancer un Grenelle des antennes, comme vous l'avez suggéré à l'Assemblée nationale, serait l'occasion de traiter au fond cette question lancinante, qui a pris un tour nouveau avec le récent arrêt de la cour d'appel de Versailles. Le Gouvernement doit se positionner pour ne pas laisser au juge toute latitude dans l'interprétation du principe de précaution.

Enfin, assurer l'équité, c'est aussi impliquer le nouvel entrant dans la nécessaire dynamisation de la concurrence du marché de la téléphonie mobile. L'octroi d'une quatrième licence, a souligné le Conseil de la concurrence dans son avis de juillet dernier, peut créer une dynamique positive à condition « qu'elle s'accompagne d'un déverrouillage des conditions techniques, tarifaires et contractuelles faites aux MVNO ». A cet égard, le Gouvernement entend-il assortir l'attribution des trois nouveaux lots d'obligations claires à l'égard des opérateurs virtuels ? Ceux-ci pourraient concurrencer les opérateurs de réseaux grâce à des contrats plus courts et moins exclusifs.

Pour conclure, la commission des affaires économiques soutient la décision du Gouvernement d'attribuer, sans plus tarder, les fréquences restées disponibles. L'opération doit être menée avec prudence et équité, favoriser la concurrence et l'investissement, bénéficier au consommateur d'aujourd'hui et de demain, quel que soit l'endroit où il se situe sur le territoire. Car c'est bien de mobilité dont nous parlons ! (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

M. Raymond Vall.  - Couverture des zones blanches mobiles, généralisation de la TNT, accès haut débit pour tous sont des chantiers prioritaires du plan numérique. Je salue la volonté de placer la France au premier rang des grandes nations numériques. Pour autant, je déplore que ce débat parlementaire soit tronqué. Outre que le calendrier de l'appel à candidatures est bouclé et la redevance fixée, les conditions d'attribution des fréquences, si l'on en croit la présentation de l'opération aux médias, favorisent un candidat autrefois évincé, Free, qui a déjà annoncé une réduction de la facture de chaque foyer de 1 000 euros par an. Considérant cette baisse des prix, qui augmentera le pouvoir d'achat à condition d'être pérenne, je peux comprendre un appel à candidature taillé sur mesure.

L'opération constitue un moyen de valoriser le patrimoine immatériel de l'État, ce qui n'est pas anodin en ces temps difficiles. Puisque le Parlement s'est dessaisi avec la loi Chatel du 3 janvier 2008 du pouvoir de fixer le montant de la licence, il doit veiller à ce que le nouvel entrant soit soumis aux mêmes règles que ses concurrents.

Tout d'abord, le quatrième opérateur acquittera une licence de 206 millions, ce qui paraît dérisoire par rapport à la somme de 619 millions qu'ont dû déboursée chacun des opérateurs historiques. Il aurait fallu préserver un droit d'entrée plus juste, le nouvel entrant bénéficiant des investissements réalisés par les opérateurs en place pour couvrir 99 % du territoire et déployer la 3G.

Ensuite, prenons garde de ne pas fragiliser les emplois des opérateurs existants, écueil souligné par de nombreux analystes et le rapport de la direction du Trésor. Si le nouvel entrant détient 10 % des parts du marché, ils annoncent une perte de 25 % de leurs revenus, ce qui entraînerait des suppressions d'emplois et une détérioration du service rendu qui se révèle parfois insuffisant. A preuve, le manque de réactivité de certains opérateurs après le passage de la tempête Klaus dans le sud-ouest de la France... (Mme Odette Terrade acquiesce) Cette perte devra donc être compensée.

Enfin, la qualité du service public dont on peut craindre une dégradation puisque, pour la couverture ADSL, seul l'opérateur historique remplit ses obligations dans de nombreux départements, et la préservation des opérateurs de réseaux virtuels, dont M. Hérisson a rappelé toute l'importance pour la baisse des prix. L'absence de clauses d'exclusivité et de droits de priorité dans l'appel à candidatures permettra de préserver ces petits opérateurs.

Pour conclure, permettez-moi d'insister sur les objectifs de couverture du territoire. Il est crucial que le candidat s'engage à couvrir 80 % du territoire dans la première phase, et non les 25 % annoncés, ce qui limiterait l'engagement à couvrir Paris et Lyon ! La couverture des zones rurales doit être le premier critère d'attribution. N'oublions pas l'enjeu premier : réduire la fracture numérique ! Aussi, sans être hostile à ce plan, j'engage le Gouvernement à préserver la qualité de service, l'emploi, l'aménagement équilibré de notre territoire dans les meilleurs délais. II est temps que la politique du Gouvernement prenne en compte les besoins réels des territoires ruraux ! (Applaudissements au centre)

M. Bruno Retailleau.  - Depuis quelques mois, la Chine compte plus d'internautes et l'Inde plus de téléphones mobiles que les États-Unis. C'est dire que la révolution numérique est, au bon sens du terme, systémique. Elle doit, plus que les deux révolutions industrielles qui l'ont précédée, redessiner la carte de la prospérité mondiale. Sur ce nouveau front, la France a, comme L'Europe, des atouts -pénétration du haut débit, prix du triple play- mais aussi des retards -sur le très haut débit, par rapport au continent asiatique, sur l'investissement, deux fois plus faible qu'aux États-Unis, deux à quatre fois plus faible qu'en Europe du nord.

Votre objectif est de créer l'environnement numérique le plus avancé possible, pour placer notre pays dans le peloton de tête des grandes nations et relever une nouvelle ambition de croissance. La politique du spectre est, à ce titre, capitale et je me réjouis de ce débat, même s'il ne doit pas se conclure par un vote : les fréquences sont un bien public et un potentiel économique et social important ; les allouer, c'est affecter une ressource rare. Aussi la gestion du spectre par l'État ne saurait rester patrimoniale et ne viser que la maximisation d'un profit immédiat. Elle engage des décisions stratégiques pour préparer l'avenir.

Les choix que vous proposez sont intéressants. Ils doivent relever trois défis. Premier défi, celui des technologies, qui devront répondre à une double exigence : plus de débit, plus de mobilité. Les nouveaux usages, en simultanéité, sont de plus en plus gourmands en bande passante. Ericsson estime qu'entre 2007 et 2012, le trafic sera multiplié par sept en Europe occidentale. Le très haut débit constitue une réponse. Il faut des tuyaux de taille à répondre à l'explosion des usages. La société de l'information est aussi une société de la mobilité. On n'y navigue pas avec un fil à la patte. Le très haut débit mobile fait partie, au même titre que le filaire, des grandes infrastructures de demain. Il y a donc du sens à aider les opérateurs du fixe à converger vers le mobile : 5 mégahertz représentent un début ; il faudra passer à la vitesse supérieure pour assurer l'avenir. 2012, c'est demain. Se pose donc dès à présent la question du dividende numérique. Il faudra, pour le mobile, des tuyaux à 100 en crête et à 15 au moins en débit moyen, si l'on veut un réseau d'emblée dimensionné pour les vingt ans à venir.

Le deuxième défi est économique. Quel éco-système mettre en place pour optimiser les surplus économiques et sociaux ? A trois, à trois et demi, à quatre ? L'essentiel, en tout état de cause, est de prendre aujourd'hui les décisions qui partout en Europe ont déjà été prises. Je sais que le passage au tout numérique est un très grand chantier et j'espère, madame la ministre, que vous aurez les coudées franches pour le piloter. La France n'est pas en avance. Affecter les fréquences en or dès 2009 est un bon choix dans la perspective du LTE : les industriels ont besoin de visibilité pour anticiper et reproduire le succès du GMS, fruit, faut-il le rappeler, d'une harmonisation européenne.

Pour l'heure, sur la 3G, attribuer une quatrième licence a un sens pour autant que l'on ne privilégie pas un modèle « low cost », un comportement de « passager clandestin » : le gain pour le consommateur ne doit pas se faire au détriment de l'investissement, qui conditionne l'avenir ; pour autant, aussi, que l'on s'attache au respect scrupuleux, par l'opérateur, de ses obligations. Il me semble que votre solution est la mieux bordée du point de vue juridique. M. Hérisson a raison de souligner que ce n'est pas le nombre des opérateurs sur le marché qui garantit la baisse des tarifs (M. Alain Gournac approuve), ainsi que nous l'enseigne l'exemple allemand, mais bien le déverrouillage du marché. Il faut que les petits puissent réussir. La moyenne européenne, pour les MVNO, est à 18 %... chez nous moins de 5 %. Mais l'ouverture ne suffit pas. Le Conseil de la concurrence estime, dans ses conclusions, que l'Arcep devra réunir l'ensemble des opérateurs pour refonder un modèle de développement pour les MVNO. La quatrième licence peut donc aider à débrouiller le marché, mais en partie seulement.

Troisième défi, la couverture du territoire.

M. Alain Gournac.  - Les zones d'ombre !

M. Bruno Retailleau.  - La France est le pays européen dont la densité démographique est la plus faible. L'indicateur pertinent est celui de la ruralité : 31 % chez nous, contre 20 % en Allemagne, 10 % en Italie et 4 % au Royaume-Uni... Cette spécificité française est facteur de fragilité : le phénomène est sensible à chaque déploiement de nouveau réseau.

Mes chers collègues, songez qu'en ce début de XXIe siècle, il est des terroirs où l'on ne peut capter que cinq stations de radios contre plus de cinquante à Paris.

L'aménagement du territoire ne saurait être une variable d'ajustement : il ne doit pas pâtir de cette quatrième licence.

M. le président.  - Il est temps de conclure.

M. Bruno Retailleau.  - Le critère de la couverture doit rester central. 80 % en huit ans ? C'est beaucoup trop lent à mon sens. D'autant que la troisième échéance, pour SFR et Orange, est pour bientôt. Il ne faut pas que l'Arcep transige sur ce point.

Je conclurai par trois remarques. Il est bon d'associer des fréquences hautes, à gros débit dans les zones denses et à bas débit, fiable, dans les zones peu denses. Le Conseil économique et social relève qu'en 2020, pas plus de 40 % des Français ne seront reliés à la fibre optique. Preuve que le haut débit doit être multimodal, fixe et mobile. La mutualisation est capitale. Il n'est pas question que les abonnés autres qu'à l'un des deux opérateurs du dividende ne puissent pas se connecter hors des grandes villes. La spécificité de la régulation française a tenu à la mise en concurrence par les infrastructures. Pensons aux budgets des collectivités locales, qui sans cela seraient encore davantage sollicités.

Dernière question (« Ah ! » sur plusieurs bancs), la prévisibilité. La France sait faire preuve de beaucoup d'imagination pour fabriquer de nouvelles taxes et sa jurisprudence se révèle parfois en contradiction avec les analyses scientifiques. Il faudra aller plus loin qu'un Grenelle des antennes. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a voté il y a quelques jours un amendement visant à faire prévaloir le principe d'une exposition la plus faible possible aux ondes radioélectriques. Le Gouvernement doit se montrer très ferme et inverser la charge de la preuve pour le déploiement des réseaux. Autant de décisions essentielles pour la France de demain. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Teston.  - Notre débat est conforme à l'article 22 de la loi du 3 janvier 2008. A la demande du Gouvernement, l'Arcep va lancer un appel d'offres pour une quatrième licence UMTS en trois lots de 5 mégahertz chacun, dont l'un serait réservé à un nouvel entrant ; l'Arcep lancera également une consultation sur l'attribution des bandes libérées par la télévision analogique et par les militaires à partir de 2010. Nous débattons cependant dans un contexte très particulier puisque nous avons appris dans la presse le prix du ticket d'entrée le 5 février, avant le débat à l'Assemblée nationale. Ce procédé n'est guère respectueux de la lettre et de l'esprit de la loi. Les parlementaires ont-ils été victimes de la course de vitesse entre deux ministres voulant marquer leur territoire ?

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Michel Teston.  - Y a-t-il place sur le marché pour un nouvel opérateur dans un contexte de profonde crise et quelles seront les répercussions pour les trois autres opérateurs ? La téléphonie mobile compte 58 millions d'utilisateurs et le nombre d'appels passés sur un portable a dépassé pour la première fois en 2008 celui des appels passés depuis un fixe. Comme il n'y a que trois opérateurs en France, le Gouvernement tient qu'il y a place pour un quatrième et en escompte une croissance du marché de l'ordre de 7 %. L'analyse de la situation en Europe conduit au constat de la place marginale du quatrième opérateur qui tient par exemple 2,5 % du marché en Espagne et qui connaît de grandes difficultés pour se maintenir : il est donc conduit à vendre à l'un des trois autres opérateurs, comme il l'a fait aux Pays-Bas et comme il cherche à le faire en Allemagne ou en Grande-Bretagne. En outre, il est vraisemblable que le marché de la téléphonie mobile subisse les conséquences de la crise -on évoque une contraction de 6 %.

Le Gouvernement veut améliorer le sort des LVMO. Je discerne mal en quoi l'arrivée d'un quatrième opérateur répond à cette question. Un nouvel opérateur est-il opportun maintenant ? A moins que cela n'ait un lien avec la taxe de 0,9 % sur le chiffre d'affaires des opérateurs pour financer les chaînes publiques ? Le Gouvernement voudrait inciter les trois opérateurs actuels à ne pas augmenter leurs tarifs... L'arrivée d'un nouvel opérateur fera-t-elle d'ailleurs baisser les prix ? Le Gouvernement, qui n'arrive pas à tenir ses engagements en matière de pouvoir d'achat, attend une baisse des prix de 7 %. Les associations attendent de connaître les modalités de l'appel à concurrence : si les tarifs baissent sans déstabiliser le marché, elles estiment que ce sera bénéficiaire. En réalité, le prix moyen à la minute de mobile constaté en France est inférieur à ce qu'il est dans des pays qui possèdent quatre opérateurs : l'augmentation de la concurrence ne garantit pas une baisse des prix. En revanche, le nouvel opérateur ne sera-t-il pas tenté par les solutions low costs ? Il ne disposera dans un premier temps que de 5 mégahertz. Il est donc possible que ces tarifs ne soient compétitifs que là où il possède un réseau et qu'il attende de bénéficier de la clause d'itinérance.

Les cahiers des charges annexés aux licences actuelles précisent des obligations en matière d'aménagement du territoire et chaque opérateur investit un milliard l'an pour améliorer son réseau. Précisément, la clause d'itinérance permet d'utiliser le réseau des concurrents dès que l'on atteint 25 % de la population -il suffit pour cela de couvrir l'Ile-de-France et les cinq autres plus grandes agglomérations. L'article 119 de la loi « Modernisation de l'économie » prévoit encore que l'autorité de régulation déterminera les conditions de partage du réseau de troisième génération. Le nouvel opérateur peut donc se contenter de profiter des infrastructures des autres opérateurs sans investir, d'où un risque de ralentissement des investissements et un moindre effort de réduction de la fracture numérique. Il convient que les exigences en matière d'aménagement du territoire soient les mêmes que pour les trois autres opérateurs.

La procédure offre-t-elle toutes les garanties d'un strict respect des règles de la concurrence ? Le nouvel opérateur obtiendra un droit d'accès pour 206 millions à comparer aux 619 millions payées par les trois autres pour un lot de 15 mégahertz : il en obtiendra dix pour le prix de cinq. Comment ses concurrents réagiront-ils à ces conditions favorables et ne risquent-ils pas de considérer la procédure d'attribution comme une aide d'État déguisée ?

Et s'il n'y avait qu'un seul candidat, attribuerait-on la licence ou lancerait-on un nouvel appel à candidature ? Si on en croit les rumeurs, le seul candidat pourrait être l'opérateur qui, refusant de débourser 619 millions pour 15 mégahertz, avait demandé au juge des référés de mettre fin à la procédure.

L'actualité immédiate m'amène à poser encore une question. Confirmant un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, la cour d'appel de Versailles vient d'ordonner le démontage d'une antenne de téléphonie mobile en invoquant l'incertitude quant à son impact sur la santé. Or le nouvel opérateur devra installer des antennes. A l'Assemblée nationale, madame la ministre, vous avez évoqué un « Grenelle des antennes ». Pourquoi pas ? S'il est justifié d'appliquer le principe de précaution, il faudra aussi revenir sur la question.

Nous serons très attentifs aux modalités de l'attribution : concours de beauté ou enchères ? Il sera essentiel que l'État retire au moins 619 millions des trois lots.

Un recensement opéré avec l'Association des départements de France montre que 364 communes sont situées en zone blanche et de très nombreuses autres en zone grise : l'objectif doit-il être d'attribuer une quatrième licence ou d'obtenir une couverture complète par les trois opérateurs existants ? Il y a encore du travail à réaliser... (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Maurey.  - Je me réjouis de ce débat car le paysage numérique connaît une évolution permanente, qu'elle soit technologique ou politique et administrative. La stratégie France numérique 2012 a enfin reconnu le haut débit comme une commodité essentielle, au même titre que l'eau ou l'électricité. Nous souhaitons vivement que chaque Français puisse en bénéficier au 1er janvier 2010. Le 12 janvier, le Premier ministre a présenté une stratégie d'ensemble pour les réseaux de téléphonie mobile.

Il était temps, car le retard dans l'affectation de ses fréquences nuit à notre compétitivité.

L'arrivée d'un quatrième opérateur, annoncée par le Premier ministre, favorisera la concurrence : les tarifs de détail devraient baisser de 7 %, et, loin d'être concurrencés, les MVNO devraient voir leurs parts de marché augmenter, à condition que soient levés certains obstacles réglementaires. Une concurrence accrue favorisera l'innovation, l'émergence de nouveaux services, de nouvelles offres, et améliorera le taux de pénétration du mobile. Enfin, les investissements attendus du quatrième opérateur sont évalués à 1,5 milliard.

L'Arcep veillera à l'équité entre les opérateurs. La licence ne doit pas être bradée, d'autant que la concurrence accrue affectera les résultats des opérateurs et, partant, les recettes de l'État. Le quatrième opérateur devra être soumis aux mêmes obligations de couverture que ses concurrents. Il faudra mutualiser les infrastructures, tout en évitant que le nouvel arrivé se contente de profiter de l'itinérance offerte par ses concurrents, au risque que ce « comportement de coucou » décourage les investissements.

L'implantation de pylônes est de plus en plus difficile. La récente décision de la cour d'appel de Versailles a de quoi inquiéter les opérateurs, les élus et les utilisateurs.

M. Daniel Raoul.  - Eh oui !

M. Hervé Maurey.  - Comment concilier le principe de précaution et l'arrivée d'un quatrième opérateur développant son propre réseau sans multiplier les pylônes ? C'est la quadrature du cercle ! Il faut, plus que jamais, préserver la capacité des opérateurs français sur les marchés internationaux. L'Arcep devra rester vigilante, même si le nombre de postulants est limité, quitte à ne pas attribuer la licence si les critères ne sont pas remplis. Elle doit assurer les conditions de la concurrence sans fragiliser les opérateurs existants : la quadrature du cercle, encore ! Nous attendons les réponses du Gouvernement.

En dépit des assurances, je crains que la concurrence renforcée nuise à la couverture numérique du territoire. Nombre de communes n'ont toujours aucune couverture en téléphonie mobile et en haut débit. C'est le cas dans mon département, qui, hélas, a refusé de signer la convention avec l'État et les opérateurs. Il est inacceptable de parler de très haut débit quand certains territoires n'ont même pas le haut débit ! Les territoires sans couverture numérique sont voués à mourir.

La taxe de 0,9 % sur les opérateurs de télécommunications équivaut à 380 000 raccordements à la fibre optique de moins. L'amendement, cosigné par MM. Retailleau, Hérisson et moi-même, permettant de déduire de l'assiette de cette taxe les investissements en faveur du numérique, a malheureusement été limité par un sous-amendement. Il faudra y revenir. Les objectifs en matière de couverture ne sont pas tenus : l'Arcep devra prendre des sanctions que je souhaite exemplaires. (M. Daniel Dubois applaudit)

Le nouvel entrant couvrira en priorité les zones rentables. Les collectivités locales risquent d'être à nouveau sollicitées pour la couverture de la TNT : elles ne peuvent faire plus. A l'État de jouer son rôle. Je m'étonne d'entendre M. Chatel déclarer il n'y a pas matière à demander aux opérateurs d'aller plus loin !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - 99 % !

M. Hervé Maurey.  - Il faut au contraire exiger d'eux une couverture à 100 %, comme pour le téléphone fixe. Comment sinon atteindre l'objectif du haut débit fixe et mobile pour tous en 2012 ?

La couverture du territoire devrait bénéficier de la crise. Selon Mme Kosciusko-Morizet, « les investissements dans l'économie numérique sont des plus productifs car ils accroissent la compétitivité de l'ensemble des autres secteurs de l'économie. En outre, les emplois de l'économie numérique sont peu délocalisables ». Or le numérique est le grand absent du plan de relance, contrairement au plan américain. Dans son discours du 2 février, le Premier ministre n'a cité qu'une mesure ponctuelle ; le Président de la République ne l'a pas évoquée du tout. Notre assemblée, qui est celle des territoires, attend tout particulièrement des mesures fortes en faveur du développement numérique des territoires, et par là même, de l'économie tout entière. (Applaudissements à droite)

Mme Odette Terrade.  - C'est par un amendement de dernière minute que, le 14 décembre 2007, le Gouvernement avait précisé les modalités d'attribution des fréquences UMTS, et prévu que le produit des droits d'entrée et des redevances serait affecté au Fonds de réserve des retraites. Trois opérateurs -Orange, SFR et Bouygues- ont acquitté 619 millions pour une fréquence, et acquittent une redevance de 1 % de leur chiffre d'affaires.

Les articles 114 et 119 de la loi de modernisation de l'économie prévoient que la quatrième licence soit mise aux enchères, sous la responsabilité de l'Arcep, et permettent un partage de la fréquence et, partant, du prix d'entrée.

Si le prix proposé au principal candidat, Iliad, propriétaire notamment de Free, était trop faible, on s'exposait en effet à un recours des trois opérateurs historiques devant la Commission européenne. D'où le choix de conditions spécifiques d'attribution et du partage de la quatrième fréquence en trois, ce qui justifie que Free ne s'acquitte pas du même droit d'entrée que les autres ! Bref, on adapte le texte aux intérêts des groupes susceptibles d'en tirer parti.

Le quotidien Les Echos titrait d'ailleurs le 12 janvier dernier : « Le quatrième opérateur mobile : le résultat d'un intense lobbying ».

Pourquoi le groupe Free ne peut-il s'acquitter de la même contribution que les autres ? C'est peut-être qu'il a consacré l'ensemble de ses moyens au cours des dernières années à racheter les uns après les autres les opérateurs présents sur le marché, comme Alice, Infonie et Liberty Surf, au lieu d'améliorer sa médiocre qualité de service. Iliad s'était aussi positionné sur le marché du renseignement téléphonique en réservant l'un des numéros mis en vente, avant de se retirer moins de six mois après l'attribution du service par l'Autorité de régulation !

La loi a été mise au service du développement d'un groupe dont l'image s'est détériorée et qui privilégie le rendement sur toute autre considération, au détriment notamment de la couverture extensive du territoire. Voilà une drôle de manière de faire de la loi l'expression de l'intérêt général ! Il est à craindre que les quelques dizaines d'emplois créés par Iliad ne suffisent pas à compenser les centaines de destructions d'emplois dans la filière.

L'octroi d'une quatrième licence tombe à pic pour les finances publiques en cette période de crise financière. Rappelons que les droits d'entrée et les redevances des opérateurs alimentent le Fonds de réserve des retraites, et que la loi sur l'audiovisuel prévoit de taxer le chiffre d'affaires des opérateurs de communications électroniques. Le Fonds de réserve des retraites, ayant placé l'essentiel de ses ressources sur le marché des actions, a beaucoup souffert de la crise financière : la valeur des actions qu'il détient a chuté de 20 % en 2008, ce qui laisse douter de sa capacité d'intervention en 2020, date où il est censé remédier au déséquilibre démographique du « papy boom »... Ce mauvais usage des deniers publics est une nouvelle raison de s'opposer aux choix du Gouvernement.

Treize ans après la loi Fillon-Larcher sur les télécommunications, malgré la concurrence, les zones blanches subsistent pour l'accès à internet et la couverture des réseaux de téléphonie mobile demeure médiocre. Permettez-moi de le dire à tous les partisans du libéralisme sans rivage ni entraves : il faudra un jour s'interroger sur cette logique européenne qui conduit à l'approfondissement continu de la fracture numérique. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Sido.  - On peut se demander si le marché français de la téléphonie mobile a besoin de davantage de concurrence : les opérateurs actuels ont répondu à la forte croissance du marché en assurant un bon niveau de service et un prix qui se situe dans la moyenne européenne. Cependant, le taux de pénétration du téléphone mobile en France est encore inférieur à la moyenne européenne et l'évolution des prix est moins favorable au consommateur que sur certains marchés étrangers. Les trois opérateurs actuels constituent une sorte d'oligopole, condamné en 2007 pour entente. Les innovations existent, mais les opérateurs se copient les uns les autres, si bien que l'offre reste presque identique.

Ce marché a donc besoin d'une concurrence renforcée pour servir les intérêts des consommateurs. (M. Jean Desessard se montre dubitatif) Faut-il accorder une plus grande part du marché aux MVNO ou créer un quatrième réseau ? La part de marché des MVNO reste marginale -5 % contre 25 % en Allemagne et 15 % au Royaume-Uni- alors qu'ils étaient considérés il y a peu comme un moyen de renforcer la concurrence. Leurs offres restent concentrées sur les cartes prépayées et les forfaits de faible durée. Le Conseil de la concurrence relevait en juillet dernier que les contrats qui les lient aux opérateurs de réseaux sont extrêmement contraignants : les tarifs négociés permettent aux opérateurs de contrôler la pression concurrentielle ; les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau, sont contraints de transmettre des informations commerciales essentielles, et ont dû consentir à des clauses d'exclusivité souvent très longues, ce qui les empêche de renégocier leurs contrats en faisant jouer la concurrence. Le Conseil soulignait que l'arrivée de nouveaux opérateurs pourrait profiter aux MVNO : nous y sommes presque.

Le Premier ministre a donc décidé d'attribuer une quatrième licence. Mais l'apparition d'un nouvel opérateur n'implique pas nécessairement un renforcement de la concurrence : Bouygues, entré sur le marché un an et demi après les deux premiers opérateurs, a été condamné quelques années plus tard pour entente avec ces derniers. Sans doute le cahier des charges du nouvel opérateur apportera-t-il des garanties à ce sujet.

Celui-ci aura-t-il les moyens financiers et pratiques de déployer un nouveau réseau ? Cette opération coûte entre 1,5 et 2 milliards d'euros, et nous ne savons pas si l'arrêt de la cour d'appel de Versailles fera jurisprudence. Les antennes présentent-elles ou non un risque pour la santé ? Il faut trancher ce point rapidement et je me réjouis, madame la ministre, que vous ayez décidé de lancer un « Grenelle des antennes ».

L'octroi d'une quatrième licence doit absolument s'accompagner d'une meilleure couverture du milieu rural. Pourtant les phases 2 et 3 de la loi sur l'itinérance, dont j'ai été l'initiateur, ne sont toujours pas achevées. Certes, le renforcement de la concurrence devrait faire baisser les prix ; mais dans certaines campagnes, les habitants n'en sont pas à comparer lequel des trois opérateurs est le moins cher, mais à se féliciter que l'un des trois soit présent ! Le débat ne doit pas porter seulement sur le prix du service, alors que celui-ci n'est pas encore assuré sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Desessard.  - L'attribution de nouvelles fréquences de téléphonie mobile pose un grave problème de santé publique. En effet, elle entraînera nécessairement l'implantation de nouvelles antennes-relais et l'augmentation des rayonnements électromagnétiques qui présentent des risques indéniables pour la santé.

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas prouvé !

M. Jean Desessard.  - Le développement récent de la technologie mobile, avec l'apparition de la 3G, a conduit les opérateurs à augmenter considérablement la puissance de leurs antennes, soumettant les populations riveraines à des rayonnements de plus en plus nocifs.

De nouvelles preuves scientifiques sont venues récemment étayer la thèse de la nocivité des ondes électromagnétiques pour la santé, monsieur Sido. Le rapport Bio-Initiative, publié en août 2007 par un groupe de scientifiques européens indépendants des pressions des opérateurs et des constructeurs conclut que les normes actuelles ne protègent nullement la population : elles ne prennent en compte que les effets thermiques des ondes et laissent de côté les effets non thermiques encore mal connus. Or des cancérologues, parmi lesquels le professeur Belpomme, ont constaté depuis dix ans une multiplication des cancers des glandes salivaires, qui ne sont pas protégées par la boîte crânienne lors de l'utilisation du téléphone portable. Ce dernier peut également entraîner l'accumulation de molécules toxiques dans le cerveau, par l'ouverture de la barrière hémato-encéphalique, provoquant des tumeurs du cerveau et peut-être le développement précoce de maladies neuro-dégénératives comme la maladie d'Alzheimer. (M. Bruno Sido se montre dubitatif) On constate également une hausse suspecte des cas de leucémie chez les enfants, et des risques pour les foetus ont été mis en évidence.

Qui devons-nous croire ? Les opérateurs de téléphonie mobile et les industriels, qui s'obstinent à nier que les ondes électromagnétiques représentent un risque sanitaire, ou les scientifiques et les médecins qui apportent, jour après jour, de nouvelles preuves de ces risques et demandent l'application du principe de précaution ? Nous ne pouvons rester les bras croisés face à une possible catastrophe sanitaire.

Le récent arrêt de la cour d'appel de Versailles ordonnant le démontage d'une antenne-relais de Bouygues Telecom nous impose de prendre nos responsabilités. Depuis, de nombreux concitoyens contactent des associations comme Robin des Toits, Priartem, Ecologie sans frontière, Agir pour l'environnement, et ont l'intention d'engager des procès contre les opérateurs. De nombreuses villes ont déjà fixé des seuils d'exposition maximum. A Valence, le maire a créé des zones d'exclusion dans un rayon de 100 mètres autour des écoles. A Paris, une charte fixe un plafond à 2 volts par mètre en moyenne sur 24 heures, mais il y a des dépassements dans la journée.

L'insécurité juridique est désormais trop grande, tant pour les élus locaux que pour les opérateurs. Actuellement, nous nous contentons de suivre la recommandation de la Commission européenne dont les seuils, compris entre 41 volts et 61 volts par mètre, sont trop élevés par rapport à ceux appliqués par nos voisins européens : 4 volts par mètre en Suisse, 0,6 volt en Toscane, à Salzbourg ou à Valence, en Espagne. Ce sont souvent les plus modestes de nos concitoyens qui se voient imposer des antennes à proximité de leurs habitations. Ne parvenant plus à convaincre les syndicats de copropriété, les opérateurs de téléphonie mobile se tournent aujourd'hui vers les organismes HLM. Aux inégalités sociales viennent donc se superposer des inégalités environnementales. A la question de la puissance des rayonnements s'ajoute celle de l'accumulation des antennes.

Madame et monsieur les ministres, il est urgent de mettre en place une politique nationale fondée sur le principe de précaution. Une autorité nouvelle, indépendante, devrait recevoir les plaintes de nos concitoyens et sanctionner les opérateurs lorsque les règles ne seront pas respectées. Elle effectuerait des mesures et ordonnerait le respect des normes, par le démontage des antennes ou par la modification des installations litigieuses. Elle pourrait également mener des études épidémiologiques afin d'identifier les zones de surexposition. Il faudra aussi revoir les procédures d'installation et recourir à un processus de décision démocratique, avec une autorisation préalable du maire sur le modèle du permis de construire, et une étude d'impact sanitaire et environnementale. Les scandales sanitaires passés, comme ceux de l'amiante ou des éthers de glycol, nous rappellent que l'on ne peut négliger la santé à long terme et que le principe de précaution, inscrit dans la Constitution, doit s'appliquer.

Je salue votre idée, madame la ministre, d'un Grenelle des antennes associant non seulement les opérateurs et les autorités sanitaires, mais aussi les élus locaux et les associations. Si l'idée de base en était que l'internet est aussi fondamental pour l'espèce que l'eau, comme vous l'avez dit tout à l'heure, cela poserait un problème car cette affirmation est très exagérée. Nous devons étudier l'impact et la nocivité des ondes électromagnétiques en respectant le principe de précaution : en multipliant les antennes, nous multiplions les risques, et ces effets sont cumulatifs dans le temps. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Fouché.  - Nous sommes bien entendus tous attentifs aux risques liés aux technologies nouvelles.

Ce débat sur la quatrième licence mobile est également celui de la fin de la fracture numérique. En 2012, l'ensemble du territoire doit être couvert par le haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique terrestre. Grâce à un quatrième opérateur, les zones blanches seront-elles mieux couvertes ? La couverture totale du territoire relève-t-elle d'une mission de service universel ?

Le Gouvernement nous a utilement éclairés sur l'avancement du plan numérique 2012, en zones rurales notamment, ainsi que sur ses projets pour la couverture des zones blanches de la téléphonie mobile, et le développement des réseaux en fibre optique et de la télévision mobile personnelle. Une question se pose cependant : le passage au tout numérique sera-t-il bien effectif le 30 novembre 2011, malgré la crise mondiale ? Dans nos territoires les plus reculés, il s'agira d'un bouleversement. Mais si la TNT et la téléphonie mobile n'arrivent pas à l'heure dite, la fracture numérique n'aura jamais été aussi criante. Madame la ministre, les départements sont également inquiets : seront-ils sollicités pour le financement de la TNT ?

La volonté de mettre fin à la désertification et de créer une dynamique au profit des espaces ruraux est récente : elle date du Ciadt de juillet 2001 et des orientations présentées par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre. Le grand départ en a été donné en juillet 2003 avec la signature d'une convention entre l'Autorité de régulation des télécommunications, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, les trois opérateurs mobiles et le Gouvernement. Plusieurs lois ont suivi, afin de donner des chances nouvelles à ces territoires. Il s'agissait de permettre aux habitants de nos campagnes de bénéficier du même niveau de services, de la même ouverture au monde, que les habitants des villes. Pour s'implanter sur un territoire, s'y développer ou simplement y rester, ils doivent avoir accès aux techniques nouvelles. La complémentarité entre le monde rural et le milieu urbain a sans cesse été prêchée, mais n'a pas été appliquée aussi souvent. Les disparités s'atténuent, mais un grand fossé subsiste entre les moyens des communautés de communes et ceux des communautés d'agglomération. L'essor des technologies de l'information et de la communication est essentiel pour l'attractivité et le développement des territoires ruraux. Nous ne pouvons nous permettre d'entretenir un quelconque retard d'application.

Pour la téléphonie mobile, les opérateurs ne se sont pas bousculés pour installer des pylônes dans la France profonde alors qu'il était bien plus rentable de le faire dans les villes. Madame le ministre, vos prédécesseurs avaient envisagé de couvrir la totalité des communes à la fin de 2007, puis ont reporté l'échéance. Nous sommes donc face à trois opérateurs prospères, d'un côté, et des citoyens subissant une inégalité injustifiée, de l'autre. J'appelle donc de mes voeux un engagement ferme du Gouvernement. Si nécessaire, l'État doit imposer aux opérateurs, qui en ont les moyens, la charge de cette couverture afin que la question soit réglée en 2012.

La quatrième licence de téléphonie mobile 3G ne peut que réjouir le consommateur, surtout dans les zones rurales non encore couvertes. Il est toutefois regrettable que ce projet soit mal accueilli par les trois opérateurs, qui évoquent déjà des suppressions d'emplois. Les abonnements de mobiles ont tellement progressé que la place existe pour un quatrième opérateur. La concurrence devrait stimuler le marché, qui n'est pas seulement à partager, mais aussi à conquérir. Cette décision va dans la bonne direction. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - La parole est au ministre -nous devrons suspendre à 13 heures.

M. Jean Desessard.  - Qu'il passe au haut débit ou qu'il mette de l'huile ! (Sourires)

M. le président.  - Monsieur le ministre aura le droit, comme chacun d'entre vous, à un litre d'huile d'olive de la commune de Charleval, dont le conseil municipal est ici ! (On apprécie)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Je m'en réjouis d'avance !

Je souhaite d'abord rappeler quelques chiffres. Les réseaux mobiles de deuxième génération couvrent aujourd'hui 99 % de la population française. La difficulté réside certes dans le 1 % restant, je le sais en tant qu'élu local rural, et dans l'intégration des communes associées au mode de calcul pour les zones blanches, comme l'a rappelé Bruno Sido.

Un plan de couverture des zones blanches de la téléphonie mobile, auquel sont associés les opérateurs, l'Arcep, les associations de collectivités et l'État permettra d'achever la couverture de tous les centres-bourgs d'ici 2011. Le taux de couverture des réseaux 3G est aujourd'hui de 70 % et les opérateurs ont pris des engagements ambitieux allant jusqu'à plus de 99 % de la population. Une vérification de la fiabilité des cartes de couverture est en outre menée par I'Arcep, ce qui atteste d'une prise en compte sérieuse de ce problème de couverture. La loi de modernisation de l'économie permet à l'Autorité de prendre des sanctions en cas de retard et de non-respect des engagements.

Les opérateurs qui l'ont souhaité ont été autorisés à réutiliser leurs fréquences 2G, dont les propriétés physiques les rendent plus intéressantes pour la couverture du territoire, pour faire de la 3G.

Le nouvel opérateur bénéficiera pour une période de six ans d'une prestation d'itinérance sur les réseaux 2G des autres opérateurs dès lors que son réseau couvrira plus de 25 % de la population, ce qui lui permettra d'offrir à ses clients un service complet dès l'ouverture commerciale du réseau.

Si nous débattons aujourd'hui d'un quatrième opérateur, c'est que la concurrence n'a pas bien fonctionné et qu'elle n'a pas permis aux MVNO d'y trouver leur place. C'est pourquoi parmi les critères d'attribution des deux lots non réservés à un nouvel entrant, nous mettrons, outre le critère financier, celui de l'amélioration des conditions d'accueil des MVNO.

Ferions-nous un appel d'offre sur mesure pour un nouvel entrant ? Non, en réalité, plusieurs opérateurs se sont montrés intéressés par une quatrième licence : le groupe Bolloré, Altitude Télécom ou le groupe Inquam. Nous ne sommes pas à l'abri d'une surprise...

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État.  - Comme nombre d'entre vous l'ont souligné, la couverture des zones rurales en haut débit mobile est essentielle. Je lancerai dès les prochaines semaines des expérimentations en matière de mutualisation des réseaux. Il faut aussi penser à achever le plus rapidement possible la couverture du territoire en téléphonie mobile de deuxième génération. II reste 364 communes à couvrir : 80 % d'entre elles seront couvertes d'ici fin 2010 et la totalité en 2011.

Cependant, ces statistiques présentent deux insuffisances. D'abord, les communes sont considérées comme couvertes dès lors que le centre-bourg dispose de couverture mobile, ce qui ne satisfait pas une majorité de leur population. En outre un accord est intervenu entre l'État, l'Arcep et les opérateurs en 2007 pour les axes de transport « prioritaires » mais cette définition semble quelque peu restrictive : les autoroutes, les axes routiers principaux -un axe par liaison- reliant au sein de chaque département la préfecture aux sous-préfectures, et les tronçons de routes sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins 5 000 véhicules par jour. Je lancerai rapidement une réflexion pour améliorer la couverture des communes situées en zones blanches et celle des axes de transport prioritaires.

Sur l'harmonisation des fréquences du dividende numérique, nous avançons : la Finlande, la Suisse, le Royaume-Uni se sont alignés sur notre proposition. L'Allemagne y réfléchit et devrait prochainement prendre une décision positive. L'Irlande, la Norvège et les Pays-Bas ont eux aussi lancé des études. Reste à convaincre l'Espagne. Nous y travaillons.

L'effet des ondes électromagnétiques sur la santé est un problème complexe qui suscite des inquiétudes, parfois contradictoires puisque ce sont souvent les mêmes qui s'en plaignent et qui réclament la couverture de leur territoire et l'accès à de plus en plus de services. Les élus locaux ne sont pas bien armés pour répondre à ces inquiétudes. Elles en viennent à gagner les opérateurs eux-mêmes qui s'interrogent désormais sur la possibilité de respecter leurs engagements.

C'est donc le bon moment pour réunir tout le monde autour d'une table, dans l'esprit du Grenelle. Cela n'a jamais été fait. Avec la ministre de la santé, nous réunirons le 19 mars opérateurs de téléphonie, radiodiffuseurs, associations d'élus et de consommateurs, scientifiques. Nous pourrons procéder à des comparaisons internationales et nous interroger sur la très grande disparité des normes selon les pays. Une autre piste sera d'encourager la mutualisation des équipements.

M. Desessard a proposé de créer une nouvelle Autorité. Mais il en existe déjà : l'Agence nationale des fréquences et la Fondation santé et radiofréquences.

Bien entendu, les parlementaires seront conviés à cette table ronde. (Applaudissements à droite et au centre).

M. le président.  - Le débat est clos.

Acte est donné de cette déclaration du Gouvernement.

La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 15 h 5.