Grenelle de l'environnement (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Discussion générale

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Mmes Jouanno et Létard, MM. Apparu et Bussereau et moi-même sommes très heureux de mettre avec vous la dernière main à ce texte fondateur. Nous remercions collectivement le Sénat pour la qualité de ses travaux et pour la part qu'il a prise à l'ensemble des discussions : M. le président Emorine, MM. Sido et Braye ainsi que Mme Blandin ont assisté au Grenelle et un groupe de suivi a été institué. Un véritable dialogue démocratique s'est engagé entre le Parlement et les acteurs de la société civile. Chacun a pu faire part de ses convictions, de ses doutes, de ses inquiétudes ; tous ont exprimé le fol espoir d'une révolution écologique.

L'examen du texte au Parlement l'a grandement amélioré, qu'il s'agisse des principes généraux -je pense à la définition de la « forêt durable »-, des mesures de protection des mers territoriales en outre-mer, de la lutte contre le dégazage en mer, de la tarification incitative sur les déchets qui sera mise en place plus rapidement, du carnet de santé des salariés qui sera généralisé d'ici le 1er janvier 2013 ou de diverses autres mesures adoptées par les députés. Nous avons évalué avec précision -ce qui n'était pas chose facile- l'impact de la nouvelle stratégie énergétique sur les villes et les campagnes, l'agriculture, l'extension du tissu urbain, l'industrie énergétique, nos manières de produire et de consommer.

Je passe aujourd'hui l'essentiel de mon temps à l'étranger, pour préparer le sommet de Copenhague qui sera l'un des grands rendez-vous de l'histoire de l'humanité. Eh bien, je puis vous dire que ce texte solide, négocié par tous les secteurs de la société, répond aux demandes pressantes et justifiées du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Selon une étude réalisée par le Boston Consulting Group qui vous a été adressée, les mesures déjà prises en France, dont ce texte est le couronnement, devraient, sauf accident, réduire de 25 % nos besoins en énergie et de 24 % nos émissions de gaz à effets de serre en 2020 par rapport à 1986. Or la France émet déjà trois fois moins de gaz à effets de serre par habitant que les États-Unis ! Cet effort spectaculaire, auquel tous acceptent de contribuer, permet à l'Europe de se fixer l'objectif d'une baisse de 30 à 35 % des émissions d'ici à 2020.

En outre, le Grenelle permettra de créer 650 000 emplois nouveaux, dont 80 % au cours des 32 premiers mois. Nous nous engageons sur la voie d'une croissance solide et durable.

Depuis que cette réforme est engagée, elle est apparue peu à peu comme irréversible. C'est pourquoi les appels à candidatures pour les projets déjà votés en première lecture ont rencontré tant de succès. En ce qui concerne les tramways en sites propres, 37 villes ont répondu à l'appel pour 50 projets et 400 kilomètres de lignes, ce qui représente 6 milliards d'euros d'investissements. Tous ces projets sont prêts à être réalisés. Quand on sait combien de temps il faut pour définir un tracé, se concerter avec les acteurs locaux, procéder aux expropriations nécessaires et mobiliser les financements, on se rend compte que les Français ont une grande confiance dans l'évolution entamée ! Quatre cents kilomètres, c'est plus que tout ce que nous avons fait au cours des 40 dernières années ! Dans deux ans, de nouvelles lignes seront mises en chantier pour relier les agglomérations et les quartiers, valoriser l'espace, créer des transports en commun fiables et accueillants, permettre à nos concitoyens de mener une existence plus douce et plus heureuse.

Ce mois-ci, 9 000 équipements photovoltaïques ont été installés, contre 200 il y a deux ans au cours du même mois. Le premier appel d'offres pour les centrales solaires régionales a été couronné de succès, ainsi que les deux premiers appels d'offres pour les centrales alimentées par la biomasse. Nous avons déjà plus que satisfait les prescriptions du Sénat. Pas moins de 5 000 éco-prêts à taux zéro ont été souscrits dès le premier mois, 7 000 le deuxième mois, et entre 10 et 15 000 devraient l'être au cours du troisième mois. Tout cela démontre que ce projet de loi répond aux attentes de la société française.

Ce texte, qui aborde des sujets très variés -l'énergie, les transports, la biodiversité, l'agriculture, la santé, l'habitat, l'urbanisme, l'éducation...- n'a pas d'équivalent dans le monde.

En recourant à la méthode comparative du benchmarking, pour reprendre ce mauvais anglicisme, quinze programmes du Grenelle de l'environnement sont parmi les deux ou trois premiers parmi les programmes des pays les plus avancés. Au total, la France détient donc le leadership.

Il y a quelques heures, le Président Obama, après l'adoption du plan climat énergie Waxman dont nous nous réjouissons bien qu'il soit très en retrait sur le texte français -mais nous espérons contribuer à son amélioration- a déclaré, en substance, que celui qui contrôlera les technologies vertes contrôlera l'économie mondiale. De fait, le XXIe siècle sera celui de la bataille des énergies renouvelables. Les pays industrialisés, c'est-à-dire vous et moi, utilisons 40 fois plus d'énergie qu'au moment de notre date de naissance. D'ici vingt ans, les besoins énergétiques du monde, malgré nos efforts d'efficacité énergétique, auront progressé de 50 %. Face à cette situation, les pays industrialisés, qui ont fondé leur développement sur les énergies fossiles, ont décidé de faire évoluer leur mix énergétique : l'Europe de 20 %, la France de 23 % et les États-Unis. Cette bataille des énergies renouvelables, nous ne la menons pas pour notre pays, mais pour la construction d'une filière professionnelle mondiale. Les pays en développement, dont le quart de la population n'a pas encore accès à l'énergie primaire, auront, grâce aux énergies renouvelables, enfin accès au progrès. En ce sens, les énergies renouvelables sont un programme de justice sociale et de progrès social.

La bataille des énergies renouvelables est donc lancée. De nombreux pays, entraînés par l'Allemagne, ont décidé de créer une agence mondiale des énergies renouvelables pour mettre en commun les moyens appropriés. Lors de la réunion de Charm el-Cheikh, les membres, après discussion, ont départagé les candidats pour accueillir le siège de la nouvelle agence et prendre sa direction. Les Émirats arabes unis, grand producteur pétrolier qui s'est lancé dans les énergies renouvelables avec la construction d'Al Masdar, la première ville sans carbone, et veut investir des moyens considérables dans cette nouvelle agence, ont remporté la bataille pour le siège avec 153 voix contre l'Allemagne, très engagée dans les énergies renouvelables. Quant à la bataille pour la direction générale, elle a été gagnée par la France contre l'Espagne ou encore l'Italie... (Applaudissements à droite)

M. Jacques Blanc.  - Bravo !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - La désignation de Mme Pelosse, ma directrice adjointe de cabinet qui a négocié le Grenelle ainsi que le paquet européen climat énergie, a marqué la reconnaissance du leadership français en matière de lutte contre le changement climatique, lundi dernier à Charm el-Cheikh. Nous continuerons de jouer ce rôle grâce à vous ! (Applaudissements à droite)

M. Jacques Blanc.  - Et avec vous !