Questions cribles sur l'éducation et l'ascension sociale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur « l'éducation et l'ascension sociale ».

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Avec les enseignants, les parents et les élèves mobilisés ces derniers mois contre les réformes de l'éducation nationale je partage l'aspiration populaire à une école de l'égalité, de la justice et de la réussite pour tous. L'école publique doit permettre l'émancipation de tous, sans exclusive. Or, l'égalité des chances ne valorise en réalité que le mérite individuel. Loin de faire reculer les inégalités devant l'éducation, elle laisse de côté l'immense majorité des élèves issus des milieux populaires. Cette politique stigmatise même ceux qui ne s'en sortent pas et elle nie la possibilité pour le plus grand nombre de se construire un avenir, chacun à son rythme. Faire reculer les inégalités devant l'éducation, c'est offrir à chacun les moyens de construire sa propre vie scolaire et intellectuelle, sans que les conditions économiques, d'origine et de position sociale ne la déterminent. C'est donc bien à l'État de garantir, sur l'ensemble du territoire, la présence d'un service public de l'éducation, réalisant l'égalité d'accès pour tous à un haut niveau de culture.

Mais c'est l'exact opposé de votre politique, qui favorise l'école privée, renforce l'élitisme et réduit des voies d'insertion aussi indispensables que l'enseignement professionnel ou agricole. Il faut stopper la réduction du nombre de fonctionnaires, refuser leur précarisation et l'amenuisement de l'offre éducative.

Monsieur le ministre, allez-vous donner aux parlementaires un bilan de la loi dite « d'égalité des chances » et engager une réforme qui mérite ce nom, une réforme qui fasse de l'éducation nationale un outil d'égalité sur l'ensemble du territoire ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.  - Lorsque je suis arrivé à ce ministère, j'ai constaté, au vu des proportions si différentes d'enfants d'ouvriers ou d'employés en sixième puis en terminale, que l'égalité n'était pas réelle et qu'il fallait favoriser le brassage et l'ascension sociale. C'est l'objet de notre réforme ! Quand on réforme le lycée professionnel pour qu'il mène à un emploi, on travaille pour l'égalité ; quand on réforme le lycée pour que l'orientation y soit une ouverture permanente et non un couperet, on travaille pour l'égalité.

Mais je ne veux pas opposer égalité et excellence, je suis pour une école publique de l'excellence, pour une école de l'élitisme -ce mot ne me fait pas peur- mais qui, en même temps permette à tous de trouver leur voie. La réforme a pour but de diminuer le nombre de ceux qui sortent du système scolaire sans aucun diplôme.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Confrontés à l'explosion des exigences et de la colère des banlieues, vous avez fait adopter en 2006 la loi dite d'égalité des chances. Quatre ans après, le bilan est maigre. Outre le fait que le CPE a été massivement rejeté, la Halde pointe aujourd'hui la persistance de discriminations de toutes sortes, qui font qu'à diplôme égal, on n'accède pas aux mêmes catégories socioprofessionnelles. La discrimination positive, qui instaure des quotas et des internats d'excellence, ne répond pas à l'exigence d'acquisition du plus haut niveau de connaissances pour tous.

Il faut des moyens supplémentaires, il faut des enseignants supplémentaires, il faut des Rased, des infirmières, des médecins scolaires ! Il faut des co-psy et des comités d'information et d'orientation ! Mais il faut aussi réfléchir à l'offre pédagogique dont a besoin l'école du troisième millénaire pour donner à tous un accès égal au savoir et à la citoyenneté.

Et je réitère ma demande d'un bilan sur la loi « d'égalité des chances ».

M. Daniel Dubois.  - La réussite scolaire et la bonne orientation sont la condition de la réussite professionnelle. Comment améliorer leurs performances alors que depuis vingt ans, dans notre pays, il n'y a jamais eu autant de dépenses pour l'éducation ? Et alors que notre système continue à engendrer l'échec scolaire -150 000 jeunes sortent encore du système sans maîtriser la lecture !

La réussite se joue dès le plus jeune âge et, comme le note la Cour des comptes, l'école élémentaire « constitue le socle sur lequel tout repose ».

J'ai regroupé sur mon territoire de 8 000 habitants -la communauté de communes du Haut Clocher- treize écoles en trois sites uniques, reliés à la fibre optique, équipés de tableaux blancs interactifs et de 30 ordinateurs portables, animés par un espace numérique de travail, et je les ai dotés de tous les services périscolaires qu'attendent les parents. Je souhaite également bâtir un Conseil local de l'éducation qui regrouperait enseignants, parents, élus et services sociaux pour, sans cesse, améliorer les résultats scolaires en lien avec le collège.

Comment envisagez-vous de participer au financement de l'école du XXIe siècle ? Comment comptez-vous faciliter les synergies locales entre équipes pédagogiques, parents et élus locaux ? Comment envisagez-vous de rendre plus transparents les résultats des évaluations pour les rendre utiles à la décision publique ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Vous avez raison de souligner qu'il n'ya jamais eu autant de moyens affectés à l'éducation nationale : cela prouve la volonté du Gouvernement d'investir pour l'avenir. Le problème, ensuite, est d'assurer la meilleure efficacité possible de ces dépenses.

Je vous félicite pour votre sens des responsabilités, votre investissement personnel et votre volonté de moderniser l'offre numérique de votre collectivité. Le plan de relance, quant à lui, équipera 6 700 écoles en numérique. Votre communauté de communes a bénéficié de ce plan. D'ici quelques semaines, j'annoncerai un plan plus vaste digne d'une école du XXIe siècle.

En matière de synergie entre les différents acteurs locaux, on a renoncé à créer des Conseils locaux de concertation car ils avaient été perçus comme des structures supplémentaires superflues. Cependant la direction des établissements est un vrai problème et j'ai confié au député Frédéric Reiss une mission sur ce sujet afin d'améliorer les synergies entre l'éducation nationale et les familles.

M. Daniel Dubois.  - C'est indispensable car on en est encore, souvent, à l'école de Jules Ferry. La réussite scolaire doit être au rendez-vous et elle dépend des tous premiers débuts. Vous devez faire progresser, rapidement, les synergies entre pédagogues, parents et élus territoriaux.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'école ne joue plus, depuis longtemps déjà, son rôle de promotion sociale. Pourtant, depuis les ZEP, les dispositifs correcteurs ont été multipliés soit au sein de l'éducation Nationale soit dans le cadre de la politique de la ville. Certains de ces dispositifs se sont révélés heureux. D'autres sont redondants voire franchement discutables. Globalement, ils n'ont pas enrayé le déclin de l'école comme outil de promotion sociale.

En effet, ces dispositifs manquent l'essentiel : l'amélioration des apprentissages fondamentaux à l'école primaire -lecture, écriture, calcul- qui, depuis longtemps, ne sont plus assurés correctement. Et ces insuffisances qui frappent d'abord les enfants les moins favorisés, se répercutent ensuite en inégalités croissantes à tous les niveaux de l'enseignement.

Cette véritable destruction des fondements de l'école républicaine vient de loin : elle procède du triomphe des pédagogies dites « nouvelles » depuis la fin des années soixante. Ces pédagogies nouvelles, encore appelées « constructivistes » parce que l'élève est censé construire lui-même son savoir, tel un petit Champollion devant les tablettes hiéroglyphiques, ont fait la preuve de leur inefficacité : la méthode globale par exemple n'a jamais remplacé pour l'apprentissage de la lecture la méthode syllabique qui doit rester un élément essentiel de cet apprentissage.

Toute l'expérience historique montre que les enfants des couches populaires ont d'abord besoin d'une école structurée et d'un bon enseignement des matières de base. Quelles directives allez-vous donner en ce sens ?

Votre prédécesseur a instauré à l'école élémentaire la semaine de quatre jours -pour ne pas dire la semaine des quatre jeudis. Votre circulaire de la rentrée encourage le retour à la semaine de neuf demi-journées « chaque fois qu'elle rencontre l'adhésion » : elle sonne comme un renoncement. Or on n'a jamais vu que les élèves puissent apprendre mieux en travaillant moins. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Luc Chatel, ministre.  - Je partage en grande partie vos propos. Le Gouvernement a réformé l'école primaire afin de la recentrer sur les fondamentaux : nouveaux programmes et aide personnalisée de deux heures pour les élèves qui rencontrent des difficultés.

Hier, j'ai annoncé un plan de prévention contre l'illettrisme où je replace la maternelle au coeur du dispositif avec le retour à certains fondamentaux comme le vocabulaire. A l'entrée du cours préparatoire, il y a aujourd'hui des différences majeures entres les élèves : certains, venant de milieux défavorisés, ne connaissent que 150 mots alors que d'autres en maîtrisent 700 ! Or, il est très difficile de combler cet écart par la suite. L'apprentissage du par coeur est aussi essentiel. J'ai également décidé que les élèves devraient travailler sur les grands textes de la littérature. Ainsi, l'école de la République redeviendra celle que nous avons connue. Avec les internats d'excellence, on en revient aussi au fondamentaux en permettant aux élèves méritants d'accéder au meilleur et à l'ascension sociale grâce à leur travail.

M. René-Pierre Signé.  - Il faut commencer tôt !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Apprendre le vocabulaire aux enfants de maternelle devrait passer par l'écriture ! On ne peut pas apprendre le vocabulaire si on n'a pas appris à lire et à écrire. Tous les experts estiment que la semaine de neuf demi-journées respecte les rythmes de l'enfant et qu'elle donne plus de temps pour l'acquisition des apprentissages fondamentaux. Mais votre circulaire ne veut rien dire, monsieur le ministre ! Ou bien il y a adhésion des conseils d'école à la semaine de neuf demi-journées, et vos encouragements ne sont pas nécessaires, ou bien tel n'est pas le cas et vous prenez acte du fait accompli. Il faut avant tout encourager ceux qui veulent prendre en compte l'intérêt des enfants et qui ne demanderaient qu'à vous obéir pour revenir à la semaine de neuf demi-journées ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Jacques Legendre.  - Je remets aujourd'hui ma casquette de président de la mission d'information que notre commission avait conduite en 2007 sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles.

Nous avions alors, à l'unanimité, dénoncé le caractère socialement fermé des classes préparatoires aux grandes écoles dans un rapport au titre significatif : Halte au délit d'initié. Ces classes préparatoires, et donc les grandes écoles, semblaient se refermer de plus en plus aux milieux défavorisés. Nous avions alors attiré l'attention du Gouvernement et je me réjouis qu'il ait décidé de réagir en imposant 30 % de boursiers dans les classes préparatoires. Cet indicateur est intéressant mais il ne s'agit pourtant pas de la solution au problème. Ce qui écarte les jeunes des milieux défavorisés des prépas, c'est d'abord le sentiment qu'elles ne sont pas pour eux. C'est aussi un problème d'orientation, de logement et d'inégale présence des classes préparatoires sur le territoire national : Paris compte à elle seule dix-sept prépas tandis que vingt départements en sont totalement dépourvus ! Quelles mesures allez-vous prendre pour favoriser l'accès de tous les jeunes aux classes préparatoires et donc aux fonctions de direction dans notre pays ?

M. René-Pierre Signé.  - Et il y a des prépas privées en pagaille !

M. Luc Chatel, ministre.  - Nous partageons le même objectif. Le 11 janvier, le Président de la République a demandé aux grandes écoles de jouer leur rôle dans le renouvellement et la diversification des élites. Si nous voulons davantage de jeunes issus des milieux défavorisés au plus haut niveau, il faut assurer un bon brassage et un bon fonctionnement du système au mérite.

Depuis 2007, nous avons beaucoup avancé : l'objectif de 30 % de boursiers en prépas a été atteint début 2010, soit un an plus tôt que prévu. Aujourd'hui, chaque lycée présente au moins 5 % d'élèves en classe prépa. Pour accompagner les élèves de milieux défavorisés et assurer le lien entre lycées et prépas, Mme Pécresse et Mme Amara ont créé les « cordées de la réussite ».

Le comité interministériel à l'égalité des chances de novembre dernier a décidé de multiplier le nombre de classes préparatoires, notamment en technologie. A la rentrée dernière, nous avons ouvert la première prépa professionnelle. Diversifier les voies d'accès à l'excellence permettra de faire accéder au meilleur niveau les élèves des milieux défavorisés.

M. Jacques Legendre.  - Nous devrons déployer des classes préparatoires en zones rurales. C'est plus difficile que de créer des internats d'excellence. Certes, les enfants des banlieues rencontrent des difficultés, mais je rappelle que vingt départements n'ont pas du tout de prépas.

Mme Françoise Cartron.  - Ces dernières années, les inégalités sociales se sont accentuées : la carte scolaire les reflète, les cristallise et concentre les difficultés dans un certain nombre d'établissements scolaires. La sectorisation telle qu'elle existait connaissait des dysfonctionnements comme les stratégies de contournement mises en place par certaines familles inquiètes pour l'avenir de leurs enfants. Face à ce constat, le Gouvernement a décidé d'assouplir la sectorisation, instituant ainsi les inégalités scolaires, ghettoïsant encore plus certains établissements. Il ne suffit pas de détricoter l'existant pour mener une politique plus juste. Il ne suffit pas non plus de quelques mesures censées aider les plus méritants pour aller vers plus d'égalité. L'enquête de L'OCDE montre que l'écart excessif entre les établissements constitue un des éléments les plus défavorables à la performance du système éducatif français. De même le rapport de la Cour des comptes de novembre 2009 estimait que l'abandon de la carte scolaire s'est traduit par une plus grande concentration des facteurs d'inégalité dans les collèges classés en zone sensibles. Au nom du libre choix, l'égalité d'accès de tous les jeunes à l'éducation est remise en cause.

Allez-vous poursuivre cette politique de désectorisation de l'école, sacrifiant ainsi de nombreux enfants captifs dans leur quartier, ou allez-vous affecter les moyens nécessaires aux établissements sensibles pour leur permettre de devenir des lieux d'excellence pédagogique pour tous ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Luc Chatel, ministre.  - Nous ne sacrifions pas les élèves en assouplissant la carte scolaire alors que vous-même, en son temps, en avez à juste titre reconnu les limites. Vous aviez raison de dénoncer les pratiques de contournements qui faisaient la part belle à un système à deux vitesses.

Depuis 2007, nous avons donc assoupli la carte scolaire en prévoyant des priorités rigoureuses notamment pour les handicapés, les boursiers, les fratries : nous avons ainsi satisfait deux demandes sur trois. Nous voulons aller plus loin, afin de mettre fin à la ghettoïsation provoquée par le système précédent. Nous maintiendrons les moyens dans les établissements appelés à perdre des effectifs afin de donner aux équipes locales les moyens de repartir avec des projets pédagogiques attractifs.

Nous allons permettre aux établissements du réseau ambition-réussite de recruter des enseignants sur profil et de mettre en place de vrais projets pédagogiques. Ainsi, nous parviendrons à contrer les dérives de la carte scolaire observées ces dernières années.

Mme Françoise Cartron.  - L'intention est louable, mais les effets sont contraires. La désectorisation a ghettoïsé encore un peu plus les établissements. Les collèges ambition-réussite ont ainsi perdu plus de 10 % de leurs meilleurs élèves. Plutôt que d'abolir la carte scolaire, il serait préférable d'en redéfinir les contours afin qu'il y ait une vraie mixité sociale dans tous les établissements scolaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christian Demuynck.  - En présentant, le 14 décembre 2009, les dépenses d'avenir du grand emprunt national, le Président de la République a annoncé la création de 20 000 places d'internats d'excellence dans les prochaines années. Pour atteindre cet objectif ambitieux, le Gouvernement a prévu d'y consacrer 500 millions.

Ce programme original, mené en liaison avec la politique de la ville, offre un cursus complet à des jeunes motivés issus de milieux défavorisés et améliore leurs chances de réussite ; il favorise la mixité sociale. Le premier internat d'excellence a ouvert à Sourdun, en Seine-et-Marne. Le bilan de la première année est encourageant : 1 600 élèves ont été accueillis en 2009 tandis que les effectifs devraient plus que doubler d'ici la rentrée 2010. J'espère que la Seine-Saint-Denis pourra elle aussi avoir son internat et faire émerger de nouvelles élites de ses quartiers en difficulté.

Pouvez-vous me confirmer que la volonté du Gouvernement est bien de multiplier les internats d'excellence ? Pouvez-vous faire le point sur la rentrée 2010 et nous préciser votre feuille de route pour l'utilisation du grand emprunt ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Les internats d'excellence sont un modèle éducatif nouveau qui renoue avec l'école de la République. Ils sont une priorité du Gouvernement. Ils offrent une pédagogie personnalisée grâce au recrutement d'enseignants sur profil et d'assistants d'éducation qui interviennent notamment après la classe. L'objectif est d'ouvrir 20 000 places ; 200 millions d'euros ont été engagés à ce jour et onze nouveaux établissements ouvriront à la rentrée prochaine. Je suis prêt à travailler avec vous sur un projet en Seine-Saint-Denis pour la rentrée 2011.

Ce dispositif répond bien au souci d'assurer une meilleure égalité des chances ; il donne la possibilité à des élèves prometteurs et travailleurs, issus de milieux difficiles, de réussir leur parcours scolaire.

M. Christian Demuynck.  - Je me réjouis de la création prochaine d'un internat d'excellence dans mon département. (M. le ministre indique d'un sourire qu'il n'a rien dit d'aussi définitif) Ces internats sont à n'en pas douter un bon moyen d'aider les jeunes des quartiers difficiles à réussir.

M. Jean-Luc Fichet.  - Les carences de plus en plus criantes de l'enseignement public laïc nourrissent le développement du soutien scolaire privé et avec lui la ségrégation géographique et sociale. Il y a les parents qui peuvent l'offrir à leurs enfants et ceux dont les ressources permettent au mieux de vivre. On sait que les élèves qui reçoivent des cours payants accèdent plus facilement aux classes préparatoires, où 55 % des élèves sont des enfants de cadres et de professions libérales, et seulement 16 % des enfants d'ouvriers, d'inactifs ou d'employés.

Un crédit d'impôt a été instauré en 2007 pour les familles non imposables, une sorte de parallèle avec les 50 % de la rémunération brute d'un salarié à domicile qui peuvent être déduits de leurs impôts par les familles imposables. Le marché du soutien scolaire pouvant être estimé à 800 millions d'euros, cette dernière disposition en coûte donc 400 à l'État. Avec cette somme, on pourrait financer les postes d'enseignants qui font défaut dans l'enseignement public. Cette situation est injuste, inégalitaire et contraire aux fondements de notre République. Quelles mesures comptez-vous prendre pour permettre un juste accès de tous à un enseignement public de qualité, et mettre fin à l'abonnement des milieux ouvriers à l'échec scolaire ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Vous avez cité des chiffres que j'ai moi-même évoqués dans un entretien récent. Si le soutien scolaire a toujours existé, je reconnais qu'il est passé en quelque sorte du stade artisanal au stade industriel. La meilleure réponse, c'est le soutien scolaire public, c'est l'école devenant son propre recours. Une aide personnalisée de deux heures par semaine, assurée par de vrais professeurs, a été instaurée dans le primaire ; de même qu'un accompagnement éducatif au collège pour les élèves qui y restent entre 16 heures et 18 heures. Un accompagnement personnalisé de deux heures par semaine sera mis en place dans les lycées à la rentrée prochaine, sur le temps scolaire, pour préparer les meilleurs à aller plus loin et aider les moins bons à rattraper leur retard. Vous le voyez, le système éducatif public apporte une réponse interne à cette question.

M. Jean-Luc Fichet.  - Je crois comme vous qu'il vaut mieux améliorer les conditions d'enseignement à l'intérieur de l'école que favoriser les démarches de soutien scolaire en dehors d'elle. Reste que le soutien interne est encore insuffisant, d'autant que s'il a lieu en dehors du temps scolaire, ce sont encore les plus défavorisés qui en seront exclus. Je me félicite des orientations que vous avez tracées ; nous verrons dans les mois et années à venir si elles réussissent à faire régresser le soutien privé.

M. Jean Louis Masson.  - Tout le monde est favorable à la démocratisation de l'enseignement supérieur. Mais l'origine sociale est un facteur de plus en plus discriminant, évolution à mettre en parallèle avec l'augmentation des frais d'inscription et du coût des études. Se contenter d'augmenter les bourses, c'est une plaisanterie ! Qui ne connaît une famille dont les revenus dépassent à peine le plafond et qui ne peut bénéficier d'une bourse ?

Le coût des études dans les écoles de commerce, 10 000 à 20 000 euros par an, est un scandale ; c'est d'ailleurs là que la ségrégation sociale est la plus criante. Je me souviens d'un temps où les études dans les grandes écoles scientifiques étaient gratuites -raison pour laquelle on les choisissait plutôt que celles de commerce. On assiste aujourd'hui à un véritable spectacle de Grand Guignol. Le responsable de Sciences-Po tient de grands discours sur sa volonté d'ouvrir son établissement aux jeunes des quartiers, mais il porte dans le même temps les frais d'inscriptions à 10 000 euros. C'est une honte !

M. Luc Chatel, ministre.  - Le sujet relève davantage de la compétence de Mme Pécresse. Mais je n'ai pas le sentiment qu'augmenter de 80 000 le nombre de boursiers puisse être considéré comme une plaisanterie. Le plafond de revenus a été porté de 27 000 à 32 000 euros et le montant des bourses augmenté en trois ans de 6,5 %, voire de 13 % pour les étudiants les plus défavorisés. Il y a certes encore des efforts à faire, notamment dans les écoles de commerce, où le nombre de boursiers n'est que de 20 %. Mme Pécresse a engagé un effort sans précédent, qui sera poursuivi.

M. Jean Louis Masson.  - La question n'est pas celle des bourses mais le niveau scandaleux des frais d'inscription ! Notre pays était exemplaire il y a trente ou quarante ans ! Les études coûtent aujourd'hui de plus en plus cher ! Il est honteux de cautionner les pratiques de Sciences-Po !

M. le président.  - Au nom du Sénat, je remercie M. le ministre de l'éducation de s'être prêté à cette séance de questions cribles.