Lutte contre les discriminations (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme Bariza Khiari à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur les dispositifs de lutte contre les discriminations.

Mme Bariza Khiari, auteur de la question.  - Cette question a pour objectif de faire un bilan d'étape sur la politique gouvernementale en matière de lutte contre les discriminations. Toute inégalité de traitement, fondée sur un critère illégitime, est une offense aux valeurs de notre République et à notre volonté de vivre-ensemble. Liberté, méritocratie, égalité des droits, solidarité nationale, laïcité, justice, respect de la dignité humaine : ces termes devraient être les balises de l'action publique dans notre combat contre les discriminations, qui est la condition du pacte républicain. Dans les relations sociales, quotidiennement, massivement, impunément, voire même inconsciemment, les pratiques discriminatoires fragilisent ce pacte. La responsabilité du Gouvernement est de les dénoncer et de les combattre.

Le grand débat sur l'identité nationale a-t-il permis de contribuer à ce vivre-ensemble ? Non. Pendant plusieurs semaines, nous avons assisté, médusés, à un concours de propos inqualifiables, lors de débats organisés par les préfectures, c'est-à-dire l'État lui-même. Ce débat, loin de promouvoir les valeurs fondamentales de la communauté nationale, les a piétinées ; loin de lutter contre les tentations de repli identitaires, il les a encouragées. Et nous n'avons même pas, dans l'opposition, la satisfaction de nous réjouir qu'il vous ait électoralement desservi tant il a donné une nouvelle vigueur médiatique aux préjugés et aux stéréotypes racistes. Les personnes issues de l'immigration qui vivent sur le territoire de la République, qu'elles soient étrangères ou françaises, en sont les premières victimes.

Ce résultat est d'autant plus condamnable qu'un apparent consensus politique avait émergé ces dernières années sur la nécessité de combattre les pratiques discriminatoires qui, aussi répandues et banalisées que corrosives, alimentent le repli identitaire. Tous les acteurs sociaux en sont désormais conscients, à l'exception regrettable de l'exécutif. Les initiatives, tant dans certaines entreprises qu'à l'échelle des collectivités locales, se sont multipliées : Toulouse a lancé un observatoire des discriminations ; Paris et la Halde ont signé un partenariat pour mener des actions de sensibilisation ; Lille également ; le conseil régional d'lle-de-France a signé une convention sur le recrutement et la gestion de ses personnels et créé un observatoire des bonnes pratiques. Le parti socialiste s'est engagé, pendant la campagne des régionales, à adopter une charte prévoyant la création de missions régionales de lutte contre les discriminations chargées de mettre en oeuvre des engagements concrets.

Le Président de la République ne manque pas une occasion de rappeler l'importance de cette lutte, son attachement à la méritocratie et à l'égalité des chances, Mais ces pratiques discriminatoires prospèrent dans l'absence manifeste de volonté politique : le droit existant peine à être appliqué et les décisions du législateur ne sont pas suivies d'effet.

Les 18 critères de discrimination recensés par le code pénal sont de nature différente mais ils ont une racine commune : la méfiance à l'égard de ce qui est perçu comme différent. Cette méfiance, pétrie de préjugés et d'ignorance, aboutit à reléguer, sinon à exclure de la société des segments de plus en plus importants de la population : nos seniors qui, grâce à un système de soins encore performant, vivent mieux et plus longtemps mais sont évincés du marché de l'emploi ; les femmes qui, grâce à un barème fiscal familial adapté et des structures d'accueil pour la petite enfance, sont nombreuses sur le marché du travail mais dont l'évolution de carrière est moins favorable que celle des hommes, sans même parler du niveau de leur salaire ; et surtout tous ceux, français ou non, issus de la dernière grande vague d'immigration, qui peinent à trouver aussi bien un travail qu'un logement. D'après l'enquête Trajectoires et Origines, menée par l'Ined et l'Insee, une personne issue de l'immigration, titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur, se sent plus discriminée qu'une personne non diplômée. On peut arguer avec raison que l'instruction mène à une conscience plus aiguë des discriminations. On peut surtout en déduire que la République peine à honorer sa promesse méritocratique envers les enfants d'immigrés, français ou étrangers, en raison de leur origine et de la couleur de leur peau. Cette injustice banalisée, quotidienne, impunie ne constitue pas seulement une blessure individuelle ; c'est une offense à la méritocratie républicaine dont s'enorgueillit la France.

Aucune pratique discriminatoire n'est anodine : parce qu'elle remet en cause la personne dans sa dignité, ses conséquences immédiates et de plus long terme sont mortifères aussi bien pour l'individu que pour la société. Les discriminations aboutissent à des morts sociales. On dit à nos jeunes : faites des études, c'est votre sésame. Or, à diplôme équivalent, les jeunes issus de l'immigration tout comme les ultra-marins ont beaucoup plus de difficulté dans l'accès à l'emploi que les autres, sans même parler des difficultés d'accès au logement. Le pacte républicain est pour eux un miroir aux alouettes. Les discriminations privent de son sens la notion d'égalité et réduisent le pacte républicain à une coquille vide, laissant place à des demandes communautaires inacceptables.

Le Parlement a voté trois dispositifs contre la discrimination. Aucun n'a été appliqué... A ce jour, le bilan gouvernemental est négatif. Certes, plusieurs collègues de votre gouvernement sont issus de l'immigration, et je ne conteste pas la portée symbolique de leur nomination mais je déplore que cette diversité gouvernementale serve de paravent à des propos inadmissibles et à des calomnies de caniveau : quand les ministres, les élus et les candidats de la majorité persistent à faire l'équation entre Noirs, Arabes et délinquants multirécidivistes, on est en droit de s'interroger sur la considération que vous portez au modèle républicain.

La banalisation des contrôles de police au faciès, dénoncée prudemment par la Commission nationale de déontologie de la sécurité et sévèrement par Amnesty International, participent de cette stigmatisation généralisée et, pire, lui confère un aspect quasi-institutionnel. La polémique actuelle autour des propos d'un « pilier de bar du PAF » s'inscrit dans ce climat délétère où le tir à vue sur les « Noirs et les Arabes » devient une activité tolérée. La population immigrée ou issue de l'immigration n'est pas plus et pas moins délinquante que la population issue du « corps traditionnel français ». Par ailleurs, les actes de délinquance ne s'expliquent pas par le patronyme ou le taux de mélanine mais par des variables sociales bien identifiées.

La seule avancée notable de ces cinq dernières années repose sur la création et l'activité de la Haute autorité de lutte contre les discriminations. Et cette innovation institutionnelle ne peut être portée au crédit de la majorité : la création de la Halde résulte d'une directive européenne annoncée dans le traité d'Amsterdam de 1999. Martine Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, a mis en place, dès 2000, le Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations, le Geld, qui l'a préfigurée. Sous la présidence de Louis Schweitzer, à qui je tiens à rendre un hommage appuyé, cette Haute autorité, pourvue pourtant de moyens budgétaires limités, devenue une institution connue de près de 40 % de nos concitoyens, est parvenue, sur certains dossiers, à faire évoluer les pratiques et la réglementation : je pense notamment à la carte famille nombreuse, désormais accessible aux familles étrangères. Ses avis, même non suivis d'effet, permettent aux acteurs sociaux de s'interroger sur leurs pratiques, et d'y remédier. La Halde est partie prenante des procédures judiciaires, sa spécialisation est gage d'efficacité.

On entend dire que le Sénat, à l'occasion de l'examen de la loi organique fin mai prochain, serait fortement « incité » à intégrer la Halde dans le giron du futur Défenseur des droits. Pourquoi la faire disparaître du paysage institutionnel alors que le chantier de la lutte contre les discriminations est à peine commencé ? Créée en 2005, la Halde a vu le nombre de saisines passer de 1 500 pour sa première année à plus de 10 000 pour 2009. En menant avec conscience son travail d'expertise sur les textes de lois et sur la compatibilité de notre législation avec les traités internationaux, la Halde est au coeur des missions que nous lui avons, nous, parlementaires, confiées. Je pense qu'il est, à cet égard, injustifié de lui reprocher de jouer son rôle. La Halde ne s'est pas mise au dessus du Parlement.

Mme Bariza Khiari, auteur de la question.  - Elle a tenu avec efficacité son rôle d'expertise juridique et je ne comprends pas qu'on lui reproche de jouer son rôle quand nous-mêmes, législateurs, nous ne parvenons pas à contrôler l'application de nos votes. Nous avons ensemble, de part et d'autre de l'hémicycle, voté trois dispositifs de lutte contre les discriminations : le CV anonyme, la création d'un dispositif d'aide aux vieux travailleurs migrants et la suppression des emplois liés à une condition de nationalité. Or, aucun de ces votes n'a été suivi d'effet. Pourtant, la lutte contre les discriminations ne peut se cantonner à de grands discours généreux, et il vaut mieux des décisions limitées mais effectives. Je regrette le temps et l'énergie perdus dans les débats récurrents sur les statistiques ethniques et les velléités de discriminations positives. Nous devons changer nos pratiques, pas nos principes. La lutte contre les discriminations doit s'appliquer à faire de l'ingénierie sociale.

La mise en place du CV anonyme aurait permis, au moins à l'étape de la sélection des candidatures, de gommer les différences tant raciales que sociales, ne laissant la place qu'à des données objectives d'expérience, de compétences et de formation. Notre tradition de méritocratie républicaine impose l'anonymat aux concours et examens écrits. Il faut aujourd'hui étendre ce principe au CV : anonymat au moment de la sélection des CV permettant au recruteur d'intervenir en toute objectivité, sur les seuls critères de qualification, suivi d'un entretien avec le candidat lui permettant alors de faire valoir sa personnalité, cet outil aurait une portée pédagogique évidente et permettrait de lutter contre le conformisme des recruteurs et l'autocensure des candidats à l'emploi. Évidemment, je n'ai pas la naïveté de croire qu'il s'agirait d'une potion magique. Ce n'est qu'un outil parmi d'autres.

Après son adoption dans le cadre de la loi pour l'égalité des chances, le Gouvernement a renoncé à sortir le décret d'application. J'avoue avoir été surprise d'entendre en janvier dernier, face à un panel de Français réunis à l'occasion d'une émission de télévision, le Président de la République se flatter d'avoir fait adopter ce dispositif...

Pourquoi, monsieur le ministre, cette disposition législative, pourtant revendiqué par le Président, n'est-elle toujours pas appliquée ?

La deuxième mesure inappliquée malgré son vote au Parlement concerne les chibanis, ces vieux travailleurs migrants venus du Maghreb pour travailler en France dans les années 1960 et 1970, avec l'intention de retourner dans leur pays. Le quotidien de ces hommes vieux, seuls, pauvres et souvent analphabètes tourne autour du foyer Sonacotra, de parties de dominos et de maigres sommes envoyées à leur famille restée au pays.

De facto, ils sont aujourd'hui assignés à résidence car ils ne perçoivent habituellement que 150 euros par mois au titre de la retraite contributive après une vie professionnelle ponctuée de contrats courts et mal rémunérés, pas toujours déclarés. Avec le minimum vieillesse, ils disposent au total de 620 euros mensuels, mais à condition de résider en France de façon « stable et régulière ». Les chibanis sont ainsi confrontés à un dilemme : rester en France pour aider leur famille ou rentrer chez eux avec une retraite minuscule. Ils restent donc, mais dans des conditions d'extrême solitude.

Lorsqu'il a discuté le projet de loi relative au droit au logement opposable, le Sénat a voté -en plein accord avec M. Borloo- pour un dispositif innovant permettant à ces retraités pauvres de rentrer chez eux pour de longues périodes tout en préservant leurs ressources. Ce vote symbolique est intervenu deux ans après l'adoption de l'article sur les aspects positifs de la colonisation, une formule à l'incidence déplorable sur les populations issues des anciennes colonies. Il était temps que la République fasse taire ses atavismes coloniaux ! Le nouveau dispositif aurait pu y contribuer, puisqu'il reconnaissait que des immigrés issus d'anciennes colonies et ayant contribué à la reconstruction de la France avaient droit à une retraite décente. L'unanimité du Sénat sur cette question est à son honneur car mettre fin à la situation inacceptable des chibanis est une question de dignité, pour eux et pour la République.

Monsieur le ministre, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il toujours pas adopté le décret d'application de ce vote unanime ?

La troisième disposition votée par le Sénat concernait les professions dont l'accès est soumis à la double condition de diplôme et de nationalité, conformément à une législation obsolète moralement condamnable qui n'accorde pas les mêmes droits aux ressortissants extra-européens et aux européens, à formation et diplôme identiques.

Bien qu'elle ait été votée à l'unanimité en février 2009, la proposition de loi que j'avais déposée pour supprimer la condition de nationalité n'a toujours pas été soumise à l'Assemblée nationale. Il est vrai qu'une partie du texte a été intégrée dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Ainsi, les professionnels de la santé ne sont plus soumis à la clause de nationalité depuis août 2009... à condition d'obtenir une carte de séjour, ce qui reste très difficile.

Je ne peux passer sous silence le lien qui existe entre votre criminalisation systématique de l'immigration et les discriminations dont souffrent nos concitoyens. En ce moment même, le conseil des ministres examine la sixième loi depuis 2002 tendant à durcir les conditions d'entrée et de séjour des étrangers. Une fois encore, l'étranger est par principe traité comme un criminel. C'est du harcèlement législatif !

Il semble que, pour resserrer les rangs de sa majorité, le Gouvernement souhaite revenir à ses fondamentaux en faisant adopter une loi anti-burqua. Cet accoutrement n'a rien d'une prescription coranique. Il est donc abusif de l'appeler voile intégral islamique comme l'a fait hier un grand journal du soir. Cette qualification erronée contribue à stigmatiser une confession, donc une partie de la population française.

Les socialistes condamnent avec fermeté le port du voile intégral, incompatible avec les valeurs de la République et pouvant troubler l'ordre public. Il nous semble toutefois nécessaire de privilégier la pédagogie sur la démagogie pour combattre cette pratique sectaire. Nous nous opposerons donc à une inacceptable loi de circonstance : l'intégration ne suppose pas de stigmatiser encore une population déjà confrontée au racisme et à la discrimination.

La France que nous aimons est celle d'une République de citoyens égaux, sans distinction d'origine, de sexe ou de religion. C'est celle qui a réussi pendant des décennies à sublimer les identités particulières pour forger une identité collective tournée vers l'égalité, la méritocratie et un avenir commun. Les déclarations, les décisions et les non-décisions du Gouvernement fragilisent quotidiennement cette France-là et dessinent une société fracturée marquée par l'exclusion.

Par des mesures simples, des parlementaires de tous bords ont voulu s'attaquer aux pratiques discriminatoires. Leurs trois votes adressent un message aux populations concernées. Pourquoi n'ont-ils pas été suivis d'effet ? (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Éliane Assassi.  - Ce débat sur la lutte contre les discriminations est bienvenu, même s'il faudrait plus d'une heure et demie et un auditoire plus large pour atténuer les dégâts causés par la politique discriminatoire du Gouvernement et par les clichés xénophobes de certains ministres. Qu'elles soient électoralistes ou qu'elles expriment un racisme ordinaire, ces phrases ont de quoi donner le vertige. Mais ce n'est pas le plus grave, car les paroles s'envolent alors que les écrits restent.

En effet, les politiques conduites par le Président de la République et son gouvernement n'ont fait qu'aggraver les discriminations raciales, sociales ou générationnelles.

Le discours prononcé le 17 décembre 2008 par le Président de la République à l'École polytechnique est particulièrement éloquent. Passant en revue, pour s'en indigner, les différents espaces où sévissent les discriminations, M. Sarkozy a demandé si l'on « pouvait encore parler de République quand l'école ne parvient plus à compenser les handicaps sociaux ». Interrogation paradoxale puisque son Gouvernement a supprimé des postes de professeurs : 11 000 en 2008,13 000 en 2009 et 16 000 suppressions sont programmées en 2010, au détriment des établissements situés dans les quartiers les plus défavorisés. Les filières professionnelles comptabilisent le plus grand nombre de suppressions.

Face à cette pénurie dramatique, les internats d'excellence font pâle figure, eux qui devaient être le dispositif phare du volet éducation de la « dynamique espoir banlieues ».

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ils sont excellents !

Mme Éliane Assassi.  - Nous n'en avons pas la même vision.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous ne les avez pas vus !

Mme Éliane Assassi.  - Passons sur l'option pour la discrimination positive plutôt que pour l'augmentation générale des moyens et regardons les résultats : aujourd'hui, 120 élèves de la quatrième à la seconde sont entrés dans ce dispositif. Ils devraient être 500 à l'horizon 2011. Ainsi, des centaines de postes sont supprimés au détriment de milliers d'élèves, pour un seul placé en internat d'excellence !

Dans ce même discours, le Président de la République s'est interrogé : « Comment faire aimer la République à ceux qu'elle tient à l'écart ? A ceux qui ont la conviction que quoi qu'ils fassent, les sacrifices qu'ils consentent, ils ne peuvent pas réussir ? » Question légitime à l'aune de l'abstention massive dans les quartiers populaires, notamment parmi les jeunes. Le dernier rapport publié par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles a montré que la situation s'était dégradée depuis 2005 dans les quartiers de la politique de la ville. En zone urbaine sensible, le chômage est plus grave que partout ailleurs. A diplôme, sexe, origine du père et nationalité identiques, un jeune a 1,3 fois moins de chances d'obtenir un emploi stable s'il habite une zone urbaine sensible. S'ajoute un enclavement très fort et une présence insuffisante de l'État, qui se désengage en supprimant des services publics.

L'exemple des inégalités face à la santé est criant car l'accès aux soins est toujours moins garanti avec une réforme hospitalière qui aggravera les inégalités territoriales, alors que les franchises médicales ferment la porte des soins devant bon nombre de nos concitoyens. C'est ce qu'affirme le Conseil d'État dans son arrêt du 6 mai 2009 annulant partiellement le décret de 2007 au motif que le montant des franchises pouvait « compromettre le droit à la santé ».

La loi sur le handicap du 11 février 2005 a été vidée de toute portée à coups de reports, de dérogations, de retrait de l'État et de régression de l'allocation aux adultes handicapés. Face à ce terrible constat, l'Association des paralysés de France a déclaré 2009 « année noire du handicap ».

Enfin, dans ce discours, le Président de la République s'est demandé comment « faire comprendre la République à l'enfant qui se sent prisonnier de son milieu, de son quartier, de ses origines ». Certainement pas en durcissant les conditions d'accès à une résidence légale ! La politique délirante d'expulsion produit les pires résultats en termes de discrimination : les parents sont retirés à leurs enfants, des jeunes adultes sont expulsés dans un pays qu'ils ne connaissent pas, des femmes repartent dans un pays qu'elles avaient fui pour vivre libre, des personnes sont renvoyées dans un territoire en guerre. Enfin, ceux qui ont réussi à obtenir un permis de séjour ou la nationalité française malgré le labyrinthe bureaucratique subissent encore le stigmate de leurs origines. Selon une enquête conduite en 2008 par l'Insee et l'Ined, les immigrés et les enfants d'immigrés représentaient 22 % de la population adulte résidant en France, mais 40 % des personnes ayant subi une discrimination. A en croire une étude tout aussi récente réalisée par deux chercheurs du CNRS, la probabilité de subir un contrôle inopiné par les services de police varie de un à sept en fonction de la couleur de sa peau.

Ces discriminations sont banalisées par les confusions gouvernementales entre immigration, identité nationale, religion et délinquance. La création d'un ministère de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale contribue à l'amalgame. Comme l'a déclaré à juste titre, en 2007, M. Diène, rapporteur spécial de l'ONU contre le racisme, lorsqu'il a été entendu par le comité des droits de l'homme de l'ONU, ce ministère contribue à une « lecture ethnique et raciale des questions politiques, économiques et sociales », il revient à envisager la politique de l'immigration comme « un enjeu sécuritaire et comme une menace à l'identité nationale ».

Qu'a fait le Gouvernement face à la multiplication des discriminations, auxquelles s'ajoutent les inégalités dans le monde du travail ? Les internats d'excellence ne concernent qu'une grosse centaine d'élèves. La présence d'élèves boursiers dans les classes préparatoires n'est qu'un objectif. L'augmentation de l'AAH à l'horizon 2012 ne lui permettra pas d'atteindre le seuil de pauvreté. Le plan espoir banlieues n'est qu'une coquille vide.

Quant aux autorités indépendantes, le Gouvernement a supprimé la Commission nationale de déontologie et de sécurité, ainsi que le Défenseur des enfants, au profit d'un « défenseur des droits » aux prérogatives vastes et floues... Et nous redoutons le pire pour la Halde également.

Depuis trois ans, la lutte contre les discriminations a fait l'objet de débats, de plans de communication, de rapports, dont le rapport Sabeg, sans doute classé à la verticale. Pendant ce temps, la casse sociale et le démantèlement des services publics ne font que multiplier le nombre de cas de discriminations. Je mets un zéro pointé au Gouvernement ! (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini.  - Je partage largement le point de vue exprimé par Mme Khiari. Si le Gouvernement veut être crédible dans la lutte contre les discriminations, il doit passer des paroles aux actes et prendre enfin les mesures réglementaires qui s'imposent. Voilà quatre ans que le CV anonyme a été introduit dans la loi à l'initiative du président About. Que la mise en place de cette novation prenne un peu de temps, soit ; mais après quatre ans de réflexions et de négociations sans résultat, seule la complexité explique-t-elle cet échec ? Le Gouvernement doit montrer plus de volonté et de détermination.

Interrogeons-nous sur l'évolution de la langue et des mots. La lutte contre les discriminations renvoie à l'un des plus vieux problèmes des sociétés humaines : l'injustice et l'inégalité. Les esclaves romains parlaient d'affranchissement, les révolutionnaires français exigeaient l'égalité des droits, nous dénonçons les discriminations : mais quelle conception de la société véhicule souterrainement ce nouveau vocabulaire ?

La Révolution française nous a légué une lourde promesse : celle d'abolir l'injustice et les inégalités sociales. Jusqu'à une période récente, c'était un combat collectif, porté par l'idée de progrès. Nous allions vers une société plus juste et plus équitable. A partir des années 70, la confiance en l'avenir s'est fissurée, les inégalités et le sentiment d'injustice ont gagné du terrain. La promesse n'est pas tenue. Qui est responsable de ce recul ? Le basculement sémantique est contemporain de la faille apparue dans l'idée de progrès. Parler de discrimination, c'est évoquer une volonté de traiter moins bien, voire d'exclure. S'il y a des injustices, c'est la responsabilité de ceux qui maltraitent. On perçoit bien le danger politique et l'erreur intellectuelle : ce vieux problème des injustices, nous l'imputons désormais à certaines personnes, qui discriminent et qui maltraitent. Quelle régression ! Le combat pour l'égalité, hérité des Lumières, reposait sur un espoir d'amélioration commune à l'ensemble de la société. La lutte contre les discriminations, au contraire, renvoie chaque individu à ses origines et généralise la suspicion envers les autres. Il fait l'impasse sur les aspects collectifs pour tout ramener à l'individu. Il réduit les problèmes généraux à des questions de personnes.

En matière de logement par exemple, chacun sait qu'il est plus difficile de devenir locataire lorsque l'on porte un nom à consonance étrangère. Mais quel est le véritable problème ? C'est évidemment le manque de logements ! Le combat pour l'égalité d'accès au logement insiste sur le déséquilibre entre l'offre et la demande ; la lutte contre les discriminations laisse penser que si certains n'ont pas de logement, c'est parce que d'autres ne veulent pas leur louer un appartement. D'un côté, on cherche à résoudre une difficulté qui concerne toute la société. De l'autre, on appuie sur ce qui divise, on ramène des problèmes collectifs à des cas personnels.

Autre exemple, le droit européen ne comporte pas de principe général « à travail égal, salaire égal » mais énumère les motifs pour lesquels l'employeur n'a pas le droit de traiter moins bien un salarié : l'origine, la race, le sexe, l'orientation sexuelle. Le repli sur soi dans une posture victimaire est inévitable : pour protester contre une inégalité salariale, un employé ne pourra faire valoir un principe général, il devra montrer que l'employeur a voulu délibérément le traiter différemment en raison de ses origines ou de son orientation sexuelle. Comment dès lors maintenir la cohésion sociale ? Le Gouvernement doit réagir à Bruxelles. La commission des affaires sociales a adopté, il y a deux ans, à l'unanimité, une résolution demandant la modification de la sixième directive en cours de négociation. Or les représentants de la France à Bruxelles n'en ont tenu aucun compte. La directive est pourtant dangereuse et la France gagnerait à rejoindre l'Allemagne dans son opposition ferme.

Soyons fidèles à l'héritage des Lumières, efforçons-nous de bâtir une société plus juste en rassemblant les citoyens, préférons le combat pour l'égalité à la lutte contre les discriminations. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE ; M. Jean-Jacques Hyest applaudit aussi)

M. Charles Gautier.  - Le groupe socialiste a déposé en 2009 une proposition de loi pour supprimer la condition de nationalité dans l'accès à certaines professions libérales ou privées. Pour dix d'entre elles subsistait en effet une condition qui ne se justifiait plus et qui provoquait des discriminations envers les ressortissants extracommunautaires titulaires des diplômes français requis. Je fus rapporteur de la commission des lois sur le texte. Nous avions écarté les avocats et les guides-interprètes, pour des raisons de forte concurrence internationale. Les cas des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens ont été réglés dans la loi HPST. Restaient quatre professions, architectes, vétérinaires, géomètres-experts, experts-comptables : des personnes diplômées, intégrées dans notre société, maîtrisant notre langue et en situation régulière, en étaient rejetées. Qu'une telle restriction s'applique aux emplois d'officiers publics ou ministériels se comprend. Mais elle n'a plus lieu d'être dans ces professions où elle est apparue au XIXe siècle ou au XXe, entre les deux guerres mondiales, en une période de crise et de tension internationale. Il y a là une hypocrisie car on emploie ces personnes en sous-traitants, ou en contractuels dans la fonction publique. L'État contourne ses propres règles !

Un architecte étranger peut gagner un concours international mais il ne peut ouvrir un cabinet en France... Il devra se faire embaucher par un cabinet français pour travailler sur son projet !

C'est la même chose pour les vétérinaires, alors que le problème est à peu près réglé pour les médecins : autrement dit, nous sommes plus exigeants envers ceux qui soignent nos chats et nos vaches qu'envers ceux qui soignent nos enfants ! (Mme Bariza Khiari s'amuse)

Voilà pourquoi notre Haute assemblée a adopté à l'unanimité la proposition de loi de Mme Khiari, mais celle-ci n'a jamais été mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. La loi hospitalière ayant résolu une part du problème, le chemin est court pour arriver au port ! En tant que rapporteur de cette proposition de loi, j'insiste, avec Mme Khiari, pour que l'on règle au plus vite le sort de ces quatre professions. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

Mme Françoise Laborde.  - Dans l'histoire de notre pays, les vagues successives de migrations ont enrichi le corps de la Nation. Les chiffres publiés récemment par l'Office des migrations internationales de l'ONU montrent que la France est la deuxième terre d'accueil de migrants. Patrie des droits de l'homme, elle peut s'enorgueillir d'une longue tradition d'accueil : le droit du sol fut introduit dans la Constitution de 1791. Il est vrai que lorsque ce droit fut entériné en 1889, ce fut surtout pour fournir des hommes aux armées, car on était alors obsédé par l'idée d'une revanche contre l'Allemagne.

Face aux vagues successives d'immigration, la première réaction fut de pointer l'étranger du doigt, de lui assigner le rôle de bouc émissaire avant de l'accepter. Cela n'a pas changé. Mais aujourd'hui, il est urgent de définir un nouveau modèle d'intégration pour ces étrangers, et surtout pour leurs enfants, français à part entière. Le corps social de notre pays est divers mais une mince élite détient tous les leviers du pouvoir politique et économique. Quel espoir la République peut-elle offrir aux filles et aux fils d'immigrés lorsqu'ils subissent dans leur vie quotidienne la lèpre des discriminations ? Comment ne pas s'inquiéter des chiffres alarmants de l'abstention dans certains quartiers populaires aux élections régionales ? Comment ne pas être consterné lorsque le Gouvernement impose une réforme des collectivités territoriales qui s'affranchit du principe de parité entre hommes et femmes ?

L'égalité des citoyens, proclamée à l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, n'est encore qu'une chimère. Aux discriminations visibles s'en ajoutent de plus insidieuses, qu'elles visent le sexe, l'origine ethnique, l'origine sociale, l'orientation sexuelle ou l'opinion politique. Les délits de faciès et de patronyme sont d'une consternante banalité : la Halde a enregistré en 2009 une hausse de 21 % des requêtes.

La République ne doit laisser personne au bord du chemin. Dans son discours à l'École polytechnique du 17 décembre 2008, le Président de la République, affichant son volontarisme, annonça des mesures qui allaient dans le bon sens : diversification de la composition des classes préparatoires aux grandes écoles, création d'internats d'excellence, généralisation du curriculum vitae anonyme, création d'un « label diversité » pour les administrations et les entreprises, diversification des nominations aux postes de hauts fonctionnaires. Mais ces annonces n'ont pas été suivies d'effets.

Depuis 2002, la ségrégation sociale n'a pas reculé d'un iota. La nomination médiatisée de personnalités « issues de la diversité » à de hauts postes dissimule mal la multiplication des zones reléguées aux marges de la République. La rénovation bâclée des grands ensembles urbains a également produit une forme de ségrégation, sur laquelle je reviendrai lors de l'examen du projet de loi sur le Grand Paris. (M. Yvon Collin approuve) Les divers plans de lutte contre les discriminations ont englouti des dizaines de millions d'euros sans résultats probants.

L'égalité des chances n'est pas l'égalité absolue. L'école, creuset de la diversité sociale, doit favoriser l'ascension sociale. Hélas, malgré le dévouement des enseignants, elle n'est plus en mesure de donner à chaque élève, quel que soit son milieu ou son origine, les mêmes chances d'épanouissement et de mobilité sociale. Le recrutement des élèves des grandes écoles demeure caractérisé par l'endogamie : la part des élèves de l'ENA issus de milieux populaires a reculé pour stagner autour de 12 % entre 1980 et aujourd'hui. (M. Jean-Jacques Hyest le confirme) Nos compatriotes sont écoeurés par la morgue d'une élite repliée sur elle-même. L'école de la République souffre des coupes budgétaires et des réductions d'effectifs décrétées au nom de la RGPP. Elle pâtit également de conceptions pédagogiques rétrogrades imposées pour des raisons idéologiques. Dès lors, comment s'étonner que 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans qualification, que le taux d'échec universitaire atteigne un niveau inégalé ou que les discours communautaristes séduisent une part croissante de la population ? Comment donner espoir à ces jeunes qui réussissent de brillantes études mais qui se heurtent au mur des discriminations fondées sur l'origine ou la couleur de peau ?

L'idéal républicain du RDSE est incompatible avec le repli sur soi et la négation des valeurs de tolérance et d'ouverture qui font la tradition de notre pays. Le communautarisme est un symptôme auquel votre Gouvernement ne réagit que par la méfiance envers autrui : le débat sur l'identité nationale, bien loin de produire l'effet escompté, a redonné une vigueur nouvelle au Front national. Nous réprouvons la politique du Gouvernement en matière d'immigration et d'intégration. Comme l'ont dit Mme Escoffier et M. Mézard à cette tribune, la politique du chiffre n'est pas conforme à notre tradition humaniste ; elle ne produit que rancoeur, méfiance et discriminations. Les plans de lutte contre les discriminations demeurent insuffisants, et je remercie Mme Khiari de donner l'occasion au Sénat de débattre de ce sujet.

L'histoire de France montre que le repli sur soi ne peut constituer une solution durable : nous avons toujours chèrement payé les soubresauts identitaires. La montée de l'extrémisme aux dernières élections doit nous alerter. C'est lorsqu'elle a su accueillir et intégrer que la France a éclairci son avenir. Fier de sa tradition d'humanisme et de tolérance, attentif au respect des valeurs fondamentales de la République, le groupe RDSE condamnera toujours avec force toutes les formes de discrimination et saura se mobiliser pour faire reculer ce fléau. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'ai entendu avec plaisir certaines interventions mais les réquisitoires dressés contre la politique du Gouvernement me paraissent injustifiés. C'est une loi de 2004 qui a créé la Halde, même si elle résulte d'une directive de 1999 ! Quoi qu'il en soit, évitons les querelles stériles et faisons front pour combattre les discriminations.

M. Yvon Collin.  - Nous sommes tous d'accord sur ce point.

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'ai été sensible à ce qu'a dit Mme Dini : il ne faut pas confondre les inégalités et les discriminations, comme certains organismes ont tendance à le faire. Mme Khiari a rappelé qu'il existe dans le code pénal 23 incriminations visant divers types de discriminations. Voilà ce qu'il faut combattre. Vous me permettrez de faire un peu de philosophie, comme Mme Dini. Considérons des personnes plutôt que des individus : toutes les personnes ont droit au respect de la société, tout particulièrement celles qui souffrent de difficultés comme les handicapés. Cela rejoint la Déclaration des droits de l'homme de 1789 mais aussi l'article premier de la Constitution de 1958.

L'article premier de la Constitution rappelle que la France « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

On nous reproche de ne rien faire : c'est faux ! Les internats de l'excellence et les écoles de la deuxième chance, ça marche ! Mais, en l'occurrence, il ne s'agit pas de discriminations à proprement parler. En revanche, quand une personne n'obtient pas de travail alors qu'à diplôme égal, d'autres sont recrutés, on peut parler de discrimination. Seuls les concours de la fonction publique assurent une stricte égalité. En revanche, la suppression du rang de classement à la sortie va favoriser la cooptation. Je salue tout ce qui a été fait dans les grandes écoles et à Sciences Po : il s'agit d'une grande réussite.

La lutte contre les discriminations est un combat permanent. En outre, il faut prendre garde à ne pas se focaliser sur un seul aspect du problème. Ainsi, le monde rural est victime de nombreuses discriminations. Il est plus difficile pour un enfant qui vit dans un canton reculé, même en Ile-de-France, d'accéder à de hautes études qu'à ceux qui habitent en banlieue. Cela fait partie des inégalités territoriales.

Un mot sur la Halde : depuis cinq ans, ses rapports sont très intéressants. Elle a ainsi découvert que les femmes enceintes étaient victimes de discriminations, en dépit des lois qui les protègent. Sur 10 000 dossiers déposés par an à la Halde, seul un millier est traité car les autres ne ressortent pas de sa responsabilité. De plus, je regrette qu'il n'y ait eu que 12 transmissions au parquet. Il revient à la justice de faire appliquer les lois !

Dans un proche avenir, nous allons discuter de la création d'un défenseur des droits ; il ne s'agit pas d'un super médiateur car ses pouvoirs seront beaucoup plus importants. La commission des lois ne tient pas à multiplier le nombre d'autorités administratives indépendantes. Il faut sans doute commencer à en agréger un certain nombre, comme l'Espagne l'a récemment fait. Le droit à l'égalité est un droit fondamental comme les autres. (Applaudissements à droite)

M. Claude Jeannerot.  - La lutte contre les discriminations doit aussi porter sur le droit au logement, acquis depuis l'adoption des lois Quilliot de 1982 et Besson de 1990. Ce droit fondamental est devenu opposable avec la loi Dalo en 2007. Malgré les nombreux dispositifs juridiques en place, le droit effectif au logement est tenu en échec et les discriminations d'accès au logement se manifestent souvent. Elles s'incarnent dans la concentration des populations d'origine étrangère dans certaines communes, favorisant ainsi l'apparition de véritables ghettos. Nous appelons tous de nos voeux une vraie mixité sociale qui constitue un des remparts les plus efficaces contre la discrimination. La question de l'accès sans discrimination au logement relève pour une large part de la responsabilité des bailleurs sociaux et privés. A ce titre, je salue le partenariat entre l'union sociale de l'habitat et la Halde. La publication, fin 2009, d'un guide des procédures d'attribution de logements sociaux, intégrant une contribution de la Halde, rappelle que la transparence dans les procédures d'attribution est indispensable à la mixité sociale.

Pour autant, nous ne pouvons nous satisfaire de la situation actuelle : l'éradication des discriminations ne saurait reposer que sur la bonne volonté des bailleurs sociaux et privés. La France a voulu favoriser la mixité sociale avec la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain du 13 décembre 2000 imposant le fameux 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants, la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 et enfin la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite loi Boutin, adoptée le 25 mars 2009. Mais ces mécanismes sont inefficaces ou, pour le moins, insuffisants. En effet, selon le comité régional de l'habitat, 44 % des communes d'Ile-de-France ne respectent pas la loi SRU.

Quelles mesures convient-il de mettre en oeuvre pour lutter contre les discriminations pour l'accès au logement ? Le rapport de la Halde de 2009 et l'association SOS racisme proposent plusieurs mesures pour promouvoir l'égalité. Pour éviter la concentration des populations étrangères dans les secteurs les plus défavorisés, diverses actions sont nécessaires, comme la construction et la réhabilitation de logements sociaux, le respect de la loi SRU, la réquisition de logements sociaux dans les villes ne respectant pas la loi, le rachat de logement privés par les offices HLM dans les villes où il n'y a plus de place pour construire des logements sociaux, l'obligation pour chaque nouvel ensemble de logements privés de proposer 20 % de logements à loyer modérés,

Enfin, il y a lieu de tirer un premier bilan de la loi Dalo dont un des effets pervers est de concentrer les demandes de logement par les personnes défavorisées sur certaines zones géographiques.

Même si elles sont nécessaires, les lois seules ne peuvent endiguer les discriminations : il faut une volonté politique.

M. Alain Fouché.  - La discrimination est une inégalité de traitement fondé sur l'origine, le sexe, le handicap, dans des domaines tels que l'emploi, le logement ou l'éducation. Notre législation en matière de lutte contre les discriminations a donné lieu à de nombreux textes, qui ont considérablement élargi le champ des infractions. Diverses dispositions ont été conçues pour encourager l'action des victimes.

Je tenais, à l'occasion de ce débat, à saluer la récente nomination de Jeanette Bougrab à la tête de la Halde et le travail accompli par son prédécesseur, Louis Schweitzer.

La saisine directe est possible pour tout citoyen. La remise en cause des stéréotypes passe par la mobilisation des acteurs de tous les domaines où des discriminations peuvent apparaître. La Halde encourage d'ailleurs ses partenaires à développer de bonnes pratiques. Il est du devoir de chacun, et des élus que nous sommes, de s'employer à les vérifier. Ces dernières années, beaucoup d'initiatives ont été prises pour changer la donne. Je pense à Sciences Po ; à l'Institut Montaigne, qui a mobilisé plus de 2 000 entreprises autour des engagements de sa charte de la diversité ; à certaines écoles de commerce, qui ont mis en place des mécanismes de tutorat pour apporter aux jeunes des quartiers défavorisés le soutien de ceux qui ont réussi ; aux lycées qui ont instauré des formations pour aider les élèves de condition modeste à intégrer les classes préparatoires ; aux « cordées de la réussite lancées pour établir davantage de passerelles entre les établissements scolaires, les grandes écoles et les universités. Ces initiatives déterminées sont encourageantes. Mais c'est l'ensemble de notre société qu'il faut mettre en mouvement pour favoriser la promotion sociale.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les mesures que le Gouvernement a engagées en matière de lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi et du handicap et la manière dont sont prises en compte les victimes de discrimination ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Etienne Antoinette.  - La politique en faveur de l'égalité des chances des Français d'outre-mer n'a émergé que tout récemment, avec la mise en place de la délégation du même nom.

Dans un contexte où la notion d'identité nationale est totalement dévoyée, la situation des ultra-marins apporte un éclairage particulier sur les discriminations liées aux origines ethniques ou territoriales. Les discriminations qu'ils subissent ne peuvent être rattachées aux barrières linguistiques, culturelles, religieuses, ou de nationalité auxquelles on souhaiterait parfois réduire de façon caricaturale les causes des inégalités. Nous parlons bien ici de Français de générations multiséculaires vivant des situations pour une part similaires à celles subies par les personnes étrangères ou issues de l'immigration, notamment dans l'accès à l'emploi, au logement, ou même aux soins -comme si la carte vitale, par exemple, n'offrait pas les mêmes garanties sur l'ensemble du territoire français.

D'autres discriminations sont surdéterminées par les situations propres aux régions et collectivités d'outre-mer au regard de la métropole : l'éloignement, les différences de niveau de vie, le coût de la mobilité, la fracture numérique, les difficultés d'accès aux études supérieures créent des inégalités très insuffisamment corrigées par les politiques publiques.

En 2007, par exemple, seuls 18 % des étudiants boursiers guyanais avaient accès à un logement du Crous et l'an dernier, les bons de passage ont été supprimés sans que soient mis en place les nouveaux dispositifs d'aide à la mobilité ou de continuité territoriale, qui sont d'ailleurs loin de bénéficier à toutes les personnes concernées.

Enfin, certaines de ces discriminations sont légales. Elles résultent du fonctionnement même des institutions et sont générées par des principes réputés égalitaires, mais de fait discriminants puisqu'ils ne tiennent pas compte des réalités ou des handicaps de départ de certains. Il en est ainsi des modalités de sélection pour l'entrée dans les écoles d'excellence, des procédures d'accès aux concours et de leur déroulement, y compris dans la fonction publique, de certaines réglementations dont les ultra-marins ne peuvent bénéficier car elles sont inapplicables outre-mer ou tardivement adaptées.

Depuis deux ou trois ans, les pouvoirs publics ont reconnu ces réalités et l'on peut saluer le travail de la Délégation pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer.

La mission d'information du Sénat sur les DOM et les états généraux de l'outre-mer ont également porté, en 2009, un éclairage important dans plusieurs domaines.

Cependant, au-delà des constats, l'analyse des dispositifs mis en place récemment ou des mesures annoncées par le Président de la République lors du comité interministériel pour l'outre-mer de novembre dernier, ressemble encore à des tentatives éparses de limiter, ici et là, les effets les plus grossiers de ces discriminations, ou les injustices systémiques les plus flagrantes, plutôt qu'à l'élaboration d'une politique volontariste réelle visant à les corriger à la base.

Par exemple, l'interdiction de refuser une caution résidant outre-mer constitue une avancée juridique importante mais quelle en est l'efficacité réelle lorsque les freins à l'accès au logement sont ailleurs et que les discriminations selon l'origine se poursuivent de façon détournée ? Qu'attendre de la possibilité de déposer un dossier depuis sa région d'origine pour un ultra-marin en voie de déménagement lorsque les bailleurs se sentent libres de refuser certains locataires en vertu de leurs origines ethno-raciales ou territoriales ?

Nombre de dispositifs relèvent de partenariats, conventions et autres chartes de la diversité qui, ne dépendant que de la bonne volonté des uns ou des autres, n'apparaissent guère que comme de « beaux gestes » là où il faudrait l'affirmation du droit. Car il est vital pour le pacte républicain que le droit prenne toute sa place dans la lutte contre les discriminations, qu'elles soient directes ou indirectes.

On sait la difficulté qu'il y a à prouver une discrimination directe, même lorsque l'action est portée par une association reconnue. On sait aussi les difficultés qu'ont les parquets à caractériser les faits de discrimination, tant il est facile pour leurs auteurs de biaiser.

Quand donc passera-t-on, monsieur le ministre, des gestes charitables à un réel renouvellement des politiques publiques en matière de lutte contre les discriminations ? Quels moyens supplémentaires le Gouvernement compte-t-il donner aux instances compétentes telles la Halde, mais surtout aux parquets, pour faire évoluer la prise en charge des dossiers des plaignants afin que la loi garantisse enfin véritablement le respect du pacte républicain ?

M. Martial Bourquin.  - Je remercie ma collègue Bariza Khiari d'avoir une fois de plus remis l'ouvrage sur le métier en interpellant notre assemblée sur la lutte contre les discriminations. De fait, des piqûres de rappel s'imposent sans cesse tant l'exclusion prend des formes changeantes et tant l'égalité, pourtant inscrite au fronton de nos mairies, n'est pas naturelle. Elle est le fruit d'un travail quotidien difficile, toujours enthousiasmant, jamais satisfaisant. Surtout lorsque certains discours politiques s'appliquent à dresser différentes catégories de population les unes contre les autres, en espérant en tirer quelque avantage électoral. J'ai été véritablement choqué par le débat sur l'identité nationale initié par M. Besson. En quelques mois, sous prétexte de libérer les paroles et les initiatives, j'ai vu des actions pour l'égalité réalisées dans la discrétion par des travailleurs sociaux, par des militants associatifs, par des élus, des pères et des mères, considérablement mises à mal. Un vrai gâchis. Qui pourrait ignorer que la crise économique et sociale que nous traversons risque d'attiser, dans un réflexe bien connu de peur, le rejet de l'autre, le sentiment d'injustice ainsi que la tendance à l'auto-discrimination ? Pourquoi mettre de l'huile sur le feu, jouer aux apprentis sorciers dans un contexte humain, économique et social que nul n'est vraiment en capacité de maîtriser ? Les exemples historiques ne manquent pas où l'on a vu se lier crise économique, désespoir social et rejet de l'autre. Et le cocktail de la désindustrialisation, de l'exclusion et de la précarité, conjugué au débat sur l'identité nationale, a eu pour résultat la résurgence du Front national.

Dimanche 14 et 21 mars, des signaux inquiétants ont été émis : 70 % des habitants des quartiers dits difficiles ne se sont pas déplacés pour voter, 80 % au premier tour. Ces citoyens ont exprimé, dans un silence assourdissant, un message d'une violence rare : ils se sont volontairement placés hors la République, hors de la communauté nationale, hors de la société, en prenant acte, d'une certaine façon, du fait que société ne voulait pas d'eux. A ces habitants, que je côtoie dans mes responsabilités de maire d'une commune de 15 000 habitants, et en particulier aux plus jeunes, j'aimerais pouvoir dire comme André Gide, « Il y a d'admirables possibilités en chaque être. Persuade-toi de ta force et de ta jeunesse. Sache te redire sans cesse, il ne tient qu'à moi. » Mais je ne veux pas leur mentir. Ces jeunes gens qui viennent en mairie demander de l'aide ont tout fait pour s'intégrer : des études, des formations, un comportement exemplaire. Ils veulent de toutes leurs forces accéder à une vie normale, paisible, payer des impôts, accéder à un premier emploi. Mais c'est pour eux un vrai chemin de croix. Et les rares exemples, très médiatisés, qu'on affiche les renvoient à leurs propres échecs.

Je crois cependant que le moyen le plus efficace pour briser ces barrières, c'est de leur proposer un travail, très vite. Pas de travailler plus pour gagner plus, nous n'en sommes pas là. Juste travailler, obtenir ce fameux premier emploi, se stabiliser, rebondir pour partir ailleurs. Commencer une vie normale.

Le dispositif des zones franches urbaines est trop peu efficace. Il crée surtout des effets d'aubaine. Chez moi, j'ai constaté le déménagement fiscal de professions libérales qui s'implantent dans des zones franches, empochent l'argent de la défiscalisation, embauchent dans le meilleur des cas une demi-secrétaire et une femme de ménage, et souvent se regroupent afin de licencier. Les contreparties en termes d'emploi sont trop faibles et les contrôles insuffisants.

Jusqu'à maintenant, seuls les emplois jeunes ont démontré leur efficacité. Dans ma commune, qui compte 15 000 habitants, j'en ai 35, et 95 % d'entre eux ont débouché sur un CDI. Changez-en le nom si vous y tenez pour des raisons idéologiques, mais faites quelque chose ! Sinon, il y a là une bombe à retardement et nous paierions très cher notre inaction.

Il faudrait aussi que les services publics et la poste cessent d'abandonner ces quartiers ou ces communes entières. Déjà, chez moi, le bureau de poste réduit ses horaires...

L'abbé Pierre disait que l'on ne peut pas, sous prétexte que l'on ne peut rien faire un jour, ne rien faire du tout. Je pense aussi à ce proverbe asiatique qui dit que si l'on donne un poisson à celui qui a faim, il le mange, mais si on lui apprend à pêcher, il aura toujours à manger.

Donnons une chance à ces jeunes qui souhaitent seulement vivre comme tout le monde ! La lutte contre la discrimination, c'est la lutte pour la dignité de l'homme. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.  - Je tiens tout d'abord à excuser mon collègue Éric Besson, retenu au conseil des ministres qui se tient exceptionnellement en ce moment, où il doit présenter un projet de loi relatif à l'intégration, l'intégration et la nationalité.

Je me sens personnellement très concerné par le sujet. Depuis vingt ans, j'agis en ce sens dans ma mairie de Mulhouse, avec pour partenaires des gouvernements successifs. C'est un sujet qui appelle la plus grande humilité, et aussi un sentiment d'urgence. Je sais aussi que la discrimination suscite un esprit de victimisation, qui lui-même ne facilite pas l'intégration. Il faut donc agir sur tous les leviers.

Mme Khiari a tenu des propos parfois un systématiques, voire caricaturaux -je le dis avec un esprit de nuance car je veux aller au fond des choses. Je partage la conviction que la République doit garantir la plus grande justice pour tous et surtout envers les plus faibles. L'acceptation des différences qui la traversent est pour notre société une occasion de devenir plus forte parce que plus humaine, plus efficace, parce que plus juste. Nous sommes tous égaux mais nous sommes tous porteurs de différences. La volonté de notre peuple, c'est de marcher vers la plus grande intransigeance vis-à-vis des discriminations.

La lutte pour l'égalité des chances était un engagement fort de la campagne de Nicolas Sarkozy, qui rappelait dans son discours de Palaiseau, en citant Clemenceau, que « la République n'est rien qu'un instrument d'émancipation, un instrument d'évolution par l'éducation de tous ».

Les discriminations ne concernent pas que les jeunes issus de l'immigration. Le genre, l'âge, le handicap, l'apparence physique, l'orientation sexuelle, politique ou confessionnelle sont aussi prétextes à discriminations. La Halde offre un recours à tous ceux qui se sentent discriminés. Je salue l'arrivée à sa présidence de Jeannette Bougrab, que j'ai connue et appréciée au Haut conseil à l'intégration.

Le Gouvernement agit contre les discriminations. Plusieurs ministères ont proposé des mesures concrètes lors du Comité interministériel à l'égalité des chances, tenu le 23 novembre. En matière d'emploi, l'outil le plus important que nous ayons mis en place est le label « Diversité » mis en place par le ministère de l'intégration, avec l'appui des ministères du travail et de l'emploi. De tels labels ont une grande efficacité, même s'ils ne reposent que sur le volontariat.

En novembre 2009, le commissaire à la diversité, le ministre du travail, le secrétaire d'État à l'emploi et le ministre de l'intégration ont lancé avec Pôle Emploi et des cabinets de recrutement une expérimentation à grande échelle pour évaluer les effets de cette méthode. Elle concerne plusieurs centaines d'entreprises de toutes tailles et de plus de 50 salariés dans sept départements. Cette action s'achèvera en avril et ses résultats seront connus d'ici fin juin. En fonction des conclusions, il s'agira de se prononcer sur les suites à donner au projet de décret, sans doute après une nouvelle consultation des partenaires sociaux.

L'action en faveur de la diversité s'appuie sur un partenariat actif avec l'ensemble des structures associatives qui agissent contre les discriminations dans l'entreprise. J'ai connu des périodes où des entreprises cherchaient désespérément du personnel à embaucher et où pourtant, la discrimination fonctionnait à plein, parfois par peur ou par ignorance.

Les témoignages de chefs d'entreprise montrent que des événements positifs se multiplient : c'est une des forces de notre pays. Il faut arriver à provoquer le déclic par une démarche volontariste. Des conventions avec les secteurs professionnels y contribuent dans l'hôtellerie, la restauration, l'informatique, les mutuelles ou les assurances. Des entreprises donnent l'exemple, elles en font même un élément de leur image de marque vis-à-vis de la clientèle et c'est leur intérêt bien compris. Les branches peuvent également jouer un rôle.

Nous avons d'autres pistes pour promouvoir la diversité sans reconnaître de communauté autre que nationale. Le prix de l'intégration, attribué par un jury national, permet, même si cela ne suffit pas, de montrer qu'il n'y a pas que les grands sportifs dont le parcours peut être donné en modèle et susciter des vocations. Une allocation finançant un parcours de réussite professionnelle est attribuée à des étudiants issus de l'immigration. Et les autres, dira-t-on ? Mais l'exemplarité permet de lutter contre le découragement.

Parmi les questions extrêmement concrètes, il y a d'abord le déficit de maîtrise du français, qui est facteur de discrimination. Je ne vise pas ici les jeunes sortis très tôt du système scolaire mais des moins jeunes dont la vie quotidienne se retrouve extrêmement compliquée : cela gêne le vivre-ensemble. Je ne citerai pas toutes les mesures qui existent. C'est la loi du 20 novembre 2007, c'est l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a repris des formations linguistiques, c'est aussi les efforts pour les personnes non francophones. J'ai créé naguère, dans ma ville, une école spécialisée pour les primo-arrivants où se côtoyaient les enfants de cadres écossais et ceux d'immigrants venus d'Anatolie ; cela a bien fonctionné pendant des années. Le dispositif a évolué : aujourd'hui, des classes d'initiation dispensent un enseignement en petits groupes. N'oublions pas l'exercice de la parentalité, qui n'est pas simple mais tellement important : il s'agit d'ouvrir l'école aux parents sur la base du volontariat. Je n'oublie pas non plus toutes les actions pour l'accès au droit.

Vous avez évoqué, madame, l'accompagnement des immigrés âgés. Nous connaissons bien cette population spécifique. Voilà plusieurs dizaines de milliers de personnes, pour la plupart maghrébines, vivant dans la solitude. Nous avons lancé un plan de transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales. Nous n'avons pas d'autre choix mais cela représente une déstabilisation pour les intéressés. Déjà 212 foyers ont été refaits pour 8 millions. Le Gouvernement souhaite compléter cette action par des mesures sociales. Il faut également penser aux veuves comme à tous ceux qui vivent isolés dans des logements souvent médiocres. Ils connaissent des conditions matérielles difficiles. Des lieux de vie permettront d'entretenir le lien social.

Mme Khiari a dit des choses justes, mais d'autres quelque peu caricaturales. Ceux qui se font soigner en France ne souhaitent pas toujours retourner dans leur pays. Ils peuvent désormais y séjourner six mois sans perdre le bénéfice de l'aide. Nous travaillons d'ailleurs sur une extension à d'autres allocations.

Oui, madame Dini, il faut promouvoir la diversité et l'emploi est un creuset, un creuset où se rencontrent toutes les différences. M. Hyest a cité l'exemple de la fonction publique territoriale : voilà en effet un outil puissant d'intégration. On voyait naguère des emplois de catégorie C, quelques-uns de catégorie B, mais l'on rencontre de plus en plus de jeunes cadres issus de l'immigration, d'abord des filles, d'ailleurs, mais les garçons s'y mettent de plus en plus. Tous les employeurs sont concernés par cette démarche.

Mme Laborde a émis quelques critiques à l'encontre de la Halde. Soyons exigeants mais reconnaissons qu'elle a accompli un gros travail depuis cinq ans. L'Association des maires des grandes villes de France, quand je la présidais, a été la première association d'élus à conventionner avec elle. Sachons balayer devant notre porte et jouer le jeu.

Mme Assassi a évoqué le labyrinthe bureaucratique de la nationalité. Je lui rappelle qu'avec 108 000 nouveaux Français et 30 000 Français par le droit du sol, la France est le premier pays d'Europe pour l'accès à la nationalité.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est trop long !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - J'ai été interrogé sur cette question la semaine dernière au cours d'un débat parlementaire. Comme élu territorial, mon intervention est souvent sollicitée pour fluidifier les procédures, mais une acquisition automatique n'aurait guère de sens. Il faut voir la fierté des personnes reçues au cours des cérémonies que l'on organise depuis un certain temps, avec le préfet en uniforme !

M. Yvon Collin.  - C'est émouvant !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Mais vous n'avez pas totalement tort en souhaitant lever certains freins administratifs.

Monsieur Charles Gautier, je ne nie pas l'insuffisance des progrès en matière d'emplois fermés mais l'accès relativement aisé à la nationalité permet aux personnes motivées de surmonter les difficultés. En outre, la condition de nationalité se justifie dans certains cas. Il ne faut pas toujours la jeter aux orties !

J'ai déjà fait référence à l'excellente intervention de M. Hyest, qui a rappelé un certain nombre d'exemples positifs. En fin juriste, il a évoqué le rôle majeur de la justice, car le couperet doit parfois tomber.

M. Jeannerot a parlé de la mixité sociale dans le logement, un sujet très important. Mais nous ne pouvons ignorer les fortes tensions sur le marché des logements sociaux, en Ile-de-France et ailleurs.

Monsieur Fouché, comme vous, je crois à la mobilisation de tous. Vous avez interrogé le Gouvernement sur les mesures récentes en faveur des victimes et des personnes handicapées. L'Observatoire interministériel de l'accessibilité a été installé le 11 février. Il devra notamment suivre les progrès en la matière et inciter aux bonnes pratiques. Mme Desmarescaux en fait partie, aux côtés d'associations de personnes handicapées ou à mobilité réduite. Cet observatoire permettra de mieux appliquer la loi du 11 février 2005. Incontestablement, nous devons encore avancer, mais que de progrès ont déjà été accomplis ! La loi de 2005 a permis d'accroître de 20 % la scolarisation d'enfants handicapés : on en compte aujourd'hui 180 000 dans nos écoles. Mentionnons aussi les mesures prises en matière d'audiovisuel à destination des déficients auditifs.

Monsieur Antoinette, vous avez évoqué les discriminations à l'encontre de nos compatriotes ultra-marins, tout en reconnaissant la réalité des mesures positives prises. Il est vrai que les difficultés subsistent mais, comme secrétaire d'État à la justice, je tiens à souligner notre détermination à agir en ce domaine. Certes, il est parfois difficile de prouver les discriminations directes mais les parquets diligentent systématiquement une enquête minutieuse lorsqu'ils sont saisis. Il reste qu'une piqûre de rappel n'est pas inutile : merci pour vos propos !

Monsieur Bourquin, à titre personnel, je partage largement votre avis quant aux effets pervers des zones franches, un sujet que je connais bien. Globalement, ces zones ont permis de créer beaucoup d'emplois en quinze ans mais les effets pervers qui persistent font désordre puisque le dispositif devait principalement favoriser les embauches des jeunes issus de ces zones.

Comme vous le voyez, le Gouvernement et sa majorité sont très sensibles à ce sujet, sur lequel nous partageons d'ailleurs les mêmes valeurs républicaines : nous voulons tous combattre les discriminations et considérons la diversité comme une force la France.

Par les mesures qu'il a prises, le Gouvernement de la République a déjà parcouru un chemin considérable. Il entend poursuivre dans cette voie. (Applaudissements au centre et à droite)

Prochaine séance demain, jeudi 1er avril 2010, à 9 h 30.

La séance est levée à 19 h 25.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 1er avril 2010

Séance publique

A 9 HEURES 30

1. Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003.

A 14 HEURES 30

2. Question orale avec débat n°55 de M. Jean-Claude Danglot à M. le ministre chargé de l'industrie sur l'avenir de l'industrie du raffinage en France.

M. Jean-Claude Danglot attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur l'avenir du raffinage en France et sur la nécessité de maintenir cette activité industrielle dans notre pays.

Alors que le Gouvernement prône la revitalisation de l'industrie française, qui a perdu 100 000 emplois depuis janvier 2009, et l'indépendance énergétique, le groupe Total a annoncé qu'il ne procéderait pas à la révision des installations, procédure préalable à l'autorisation d'exploitation. Cette décision qui touche la raffinerie des Flandres de Dunkerque-Mardyck relance les inquiétudes qui pèsent sur l'avenir de la raffinerie des produits pétroliers en France. Cette fermeture reportée de manière éhontée par le groupe pétrolier pour cause d'élections régionales, dans le plus grand mépris de ses salariés, est sans aucun doute le premier acte d'un désengagement plus large du marché du raffinage.

La suppression des sites de raffinage entraînerait non seulement des effets désastreux dans le domaine de l'emploi, mais priverait également notre pays d'un outil industriel de première importance pour la politique énergétique.

En effet, la construction de nouvelles unités de raffinage ou la délocalisation des sites nationaux dans les pays producteurs pose des difficultés stratégiques en termes d'indépendance énergétique. Le coût du transport des produits raffinés est beaucoup plus élevé que celui du pétrole brut. De plus, on peut légitimement s'inquiéter des risques de délocalisation pour la pétrochimie, très dépendante de l'industrie du raffinage et des prix des matières premières issues du pétrole. L'entreprise GPN, filiale de Total usine chimique située à Mazingarbe dans le Pas-de-Calais, est un exemple des répercussions de la politique du groupe sur une large palette d'activités industrielles. La cession de l'usine chimique à l'espagnol Maxam risque d'entraîner la suppression de 74 emplois directs.

Enfin, au moment où le Gouvernement met l'accent sur le développement durable, il devrait peser le coût environnemental, en termes de transports, de la délocalisation des activités de raffinage.

Il souhaiterait donc connaître les intentions concrètes du ministre chargé de l'industrie afin de relancer l'activité industrielle de raffinage en France. Il souhaiterait également connaître les actions qu'il entend mener pour que le groupe pétrolier Total adopte des choix conformes aux intérêts sociaux, économiques et environnementaux de la France.