Violences faites aux femmes (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous souhaitons tous que cette proposition de loi aboutisse rapidement. Il faut donc terminer ce soir pour que ce texte soit voté par l'Assemblée nationale avant la fin de la session ordinaire. Ce pourrait être le 28 juin. Si la discussion ne s'achève pas jeudi soir, cela nous reporte à l'automne...

Discussion des articles

Article premier

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Cet article est une innovation majeure qu'il faut saluer. L'accompagnement qu'il crée est utile à la victime.

Je regrette donc que l'article 40 incite à l'auto censure. Sans rapidité d'exécution, sans possibilité d'organiser sa mobilité géographique, les bénéficiaires les plus vulnérables de l'ordonnance de protection se retrouveront vite à la case départ. Puisse la loi de finances apporter les crédits nécessaires à une bonne exécution de ce texte.

Plus jamais une femme souhaitant porter plainte pour harcèlement ou violence ne doit être contrainte de s'en tenir à déposer une main courante ni reconduite à la frontière ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'approuve la suggestion de M. Hyest et nous ferons notre possible.

La loi de 2006 a un volet répressif mais lui manque la prévention. Or le bilan est lourd : il n'y a que 8 % des victimes qui osent porter plainte ! On voit là un effet de la prégnance de la domination masculine dans la société, et du recul de la mixité dans certaines couches de la population.

Le texte voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale est le fruit d'un long dialogue avec les associations agissant sur le terrain. Si nous pensons possible d'améliorer le dispositif prévu, nous considérons qu'il serait regrettable que ce texte soit édulcoré par le Gouvernement ou la majorité sénatoriale. Or le risque n'en est pas minime, vu l'insistance de certains à résumer le problème à une question de conflit au sein des couples. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Christiane Kammermann.  - Après le poignant témoignage de Mme Dini, je vous raconterai l'histoire de Julie qui, à 38 ans, tombe éperdument amoureuse de Pierre, un vrai prince charmant, censément issu d'une grande famille. Au bout de deux mois de cohabitation, Pierre devient méprisant et agressif et Julie tombe sous son emprise. Agent immobilier, Julie crée son affaire, et Pierre, au nom de ses connaissances juridiques et informatiques, lui met la tête sous l'eau alors qu'il vit à ses crochets. Quand elle le quitte, elle subit un harcèlement sans fin. Elle serait « folle » alors qu'elle a toujours manifesté le plus grand équilibre psychique. Piratant ses relations internet, il la coupe de tout contact et lui fait perdre ses clients. Elle porte plainte pour piratage informatique, harcèlement, usurpation d'identité. Elle enquête et retrouve d'anciennes victimes de Pierre, apprenant ainsi qu'il a pu aller jusqu'à des intentions meurtrières.

Ce n'est que cinq mois plus part que Pierre est convoqué à la gendarmerie.

M. le président.  - Je dois vous couper la parole.

Mme Christiane Kammermann.  - C'est bien dommage ! il y aurait tant à dire !

M. le président.  Amendement n°59, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le juge organise l'audience au cours de laquelle les parties peuvent être entendues séparément.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.  - La rapidité ne doit pas nuire à la sécurité et à l'efficacité. Le moyen le meilleur est donc l'assignation, le référé d'heure en heure qui peut permettre une audience dans les 48 heures. Avec la lettre recommandée, on risque de perdre beaucoup de temps. Ne chargez pas les forces de police de tâches chronophages, éloignées de leur fonction directe.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

à l'issue de ces auditions, le juge statue sans délai sur la demande

Mme Françoise Laborde.  - L'expérience espagnole montre que la brièveté du délai est décisive quant à l'efficacité du mécanisme de l'ordonnance de protection. Le code civil ne prévoyant aucun délai en cas de référé, quelle que soit la situation, je propose simplement de préciser que la décision du juge aux affaires familiales intervienne « sans délai ».

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois.  - Chacun de nous est sensible au propos de Mme Kellermann, même si elle a été interrompue.

Nous créons quelque chose d'innovant avec l'ordonnance de protection. Si l'on garde les techniques de convocation actuelle, on échoue. L'assignation d'heure à heure échappera totalement à un citoyen dénué d'avocat ; ce serait aller à l'encontre de ce que nous recherchons : la simplicité de la procédure. Le juge pourra fort bien indiquer son choix à la partie demanderesse. Contre l'amendement n°59.

En matière de référé, le juge n'a aucun délai par définition. L'amendement n°8 rectifié est donc inutile.

L'amendement n°8 rectifié est retiré.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de besoin, le juge aux affaires familiales peut statuer par ordonnance sur requête.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'ordonnance sur requête, qui est une décision non contradictoire, est dérogatoire par rapport à nos procédures ; toutefois, elle permettra d'assurer la sécurité de la personne en danger dans la mesure où cette dernière pourra obtenir une décision sans que l'auteur des violences soit immédiatement informé de sa démarche.

Mme Dini a bien montré hier que le violent faisait tout pour n'être pas entendu par le juge. J'avais cru comprendre que le Gouvernement avait accepté le texte adopté à l'unanimité des députés...

M. François Pillet, rapporteur.  - Sans débat contradictoire, on risquerait d'affaiblir notre texte. (Mme Odette Terrade proteste) Le juge peut prendre les mesures que vous souhaitez, mais notre texte doit être absolument conforme au principe du procès équitable.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable : cet amendement est anticonstitutionnel.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7, première phrase

Après les mots :

s'il estime

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

que des éléments sérieux produits devant lui et contradictoirement débattus rendent vraisemblables la commission des faits de violences alléguées et le danger auquel la victime est exposée.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Il faut éviter toute confusion entre le juge pénal et le juge aux affaires familiales. Le droit et les procédures doivent être parfaitement lisibles. Je retire cet amendement au profit de celui du rapporteur.

L'amendement n°61 est retiré.

M. le président. - Amendement n°64 rectifié, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 7, première phrase

Remplacer le mot :

soupçonner

par les mots :

considérer comme vraisemblables

M. François Pillet, rapporteur.  - Notre amendement nous a été un peu soufflé par M. Buffet : il faut éviter toute connotation pénale...

L'amendement n°64 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L'ordonnance de protection atteste la situation de danger subie par la partie demanderesse.

Mme Odette Terrade.  - Nous voulons donner une valeur probante à l'ordonnance de protection sans pour autant présager de la décision qui sera rendue au fond sur les violences alléguées et ainsi en préservant les droits de la personne mise en cause. Le juge aux affaires familiales ne sera pas le seul interlocuteur de la victime de violences, qui est souvent dans une situation de grande détresse psychique et de grand dénuement socio-économique.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'ordonnance de protection ne peut évidemment pas devenir un enjeu de preuve entre le juge pénal et le juge civil.

Défavorable, d'autant que la modification apportée par la commission devrait vous rassurer.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par Mmes Dini, Bout et Henneron, MM. Laménie et Milon, Mme Payet et MM. Vanlerenberghe et Gournac.

I. - Alinéa 10, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, sauf refus de sa part ou en cas de circonstances particulières.

II. - Alinéa 11

Après le mot :

violences

insérer les mots :

, sauf refus de sa part,

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'alinéa 3° du nouvel article 515-11 du code civil, louable dans ses intentions, ne prend pas en compte le fait que, dans certains cas, la victime ne souhaite pas rester dans un lieu connu de son partenaire ou qui lui rappelle de mauvais souvenirs.

Cet amendement précise donc que l'attribution du logement du couple à la victime reste automatique, à moins qu'elle ne s'y oppose, ce qui conduira le juge à lui poser la question.

M. François Pillet, rapporteur.  - Nous sommes d'accord : il faut éviter que le juge soit contraint de laisser la victime là où elle ne le veut pas. Mais le juge ne peut pas décider ultra petita, ce qui vous satisfait en droit, comme en fait.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°41 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 7° Avec l'accord de l'intéressée, désigner une personne morale habilitée qui sera chargée d'assurer l'accompagnement de la partie demanderesse pendant toute la durée de l'ordonnance de protection.

Mme Mireille Schurch.  - Nous rétablissons la version adoptée par l'Assemblée nationale, plus protectrice des droits de la victime. Certes, la victime peut recevoir le soutien bénévole d'une association sans habilitation judiciaire ; cependant, un accompagnement décidé par le juge peut lui être très utile.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Chevènement et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall.

Alinéa 16

Après les mots :

personnes morales qualifiées

insérer les mots :

conventionnées avec le ministère de la justice

Mme Françoise Laborde.  - Les associations d'aide aux victimes généralistes ayant fait l'objet d'un conventionnement par les chefs des cours d'appel offrent une garantie de sérieux aux victimes durant leur parcours judiciaire.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la partie demanderesse, afin qu'elle la contacte.

Mme Virginie Klès.  - La commission des lois est revenue sur le texte de l'Assemblée nationale. L'expérience du parquet de Versailles montre l'utilité que le juge intervienne en l'affaire.

Si notre amendement relève du règlement, que le Gouvernement prenne des engagements !

M. François Pillet, rapporteur.  - Les associations accomplissent un travail remarquable. Ne l'édulcorons pas. Ces amendements font des associations des parties au procès, ce qui n'est ni de leur intérêt, ni de celui des victimes. Il ne serait pas sain non plus de calquer la situation de ces victimes sur celle des incapables majeurs ou de l'assistance éducative. Et puis, la victime peut vouloir changer d'association. Défavorable donc à l'amendement n°47, ainsi qu'au n°7 rectifié, qui réduirait le nombre d'associations susceptibles d'être proposées à la victime.

La commission préfère une présentation à la victime d'une liste d'associations. C'est à ce niveau - qui relève de la circulaire- que l'action doit être amorcée. Quelles sont les explications du Gouvernement là-dessus ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable aux trois amendements : l'accompagnement ne sera vraiment efficace que s'il y a adhésion volontaire de la victime. Les magistrats seront sensibilisés à la question.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'insiste. Il est évident que l'accord de l'intéressée serait requis. Le texte a été voté ainsi par l'Assemblée nationale unanime ; il est anormal de revenir là-dessus.

L'amendement n°47 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7 rectifié..

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis.  - Je voterai l'amendement n°14 : c'est ignorer la faiblesse et la fragilité des femmes victimes de violences. Ce n'est pas la même chose de présenter une liste et de mettre en contact avec une association.

L'amendement n°14 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Statuer le cas échéant sur la perception et l'administration temporaire, par la personne morale habilitée, des allocations familiales versées pour l'éducation des enfants ».

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Il est judicieux que le juge aux affaires familiales ait à statuer sur la perception des allocations familiales : les femmes victimes de violences, surtout si elles sont étrangères et en situation irrégulière, n'y ayant pas droit sont dans une dépendance totale.

Le juge aux affaires familiales est tuteur sur les mineurs mais non sur les majeurs, alors que les allocations familiales sont versées jusqu'à 20 ans.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je voudrais vous rassurer. Le juge aux affaires familiales a déjà la possibilité de statuer sur la personne qui percevra les allocations familiales. Déjà, même au cas où il n'y a pas de violence, le juge statue dans le sens que vous souhaitez, y compris par une mesure de tutelle. Ce surajout à la loi n'apporte rien, ni en droit, ni en fait.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 17, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours

M. Roland Courteau.  - Les procédures sont longues et ne concernent pas seulement celles liées au divorce puisque cette ordonnance ne bénéficie pas seulement à des épouses victimes de violences. Les effets de l'ordonnance doivent pouvoir se poursuivre durant toutes les procédures civiles et pénales liées aux violences quel que soit le statut du couple.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 17, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elles peuvent être également prolongées jusqu'au procès lorsque qu'une procédure pénale est engagée à l'encontre de l'auteur des violences.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Il faut tenir compte de la vie réelle, de la fragilité et de la précarité de la victime et pour cela prolonger la mesure de protection de la victime en tant que de besoin afin de lui éviter d'éventuelles représailles en temps différé, jusqu'à ce que des décisions définitives soient prises.

M. François Pillet, rapporteur.  - Ces amendements procèdent d'une confusion sur le rôle de l'ordonnance de protection, qui doit n'être que temporaire. Hors des procédures de divorce, la prolongation ne se justifie pas puisque le juge civil intervient dès la séparation de corps. En cas de procédure pénale, le juge a encore plus de pouvoirs. En changeant les termes de l'ordonnance de protection, on irait contre l'intérêt des victimes.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - Je suis entièrement convaincu.

Les amendements n°s15 et 31 sont retirés.

M. le président. - Amendement n°48, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 17, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

En cas d'éléments nouveaux, le juge aux affaires familiales peut, à tout moment et après avoir invité chacune des deux parties à s'exprimer, imposer à la personne assignée une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer ou modifier tout ou partie de ces obligations ou accorder une dispense temporaire d'observer certaines d'entre elles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il s'agit d'encadrer les pouvoirs accordés au juge aux affaires familiales pour modifier les dispositions de l'ordonnance de protection de manière à garantir aux personnes en danger une certaine sécurité juridique, pas de leur imposer quoi que ce soit ! Une procédure en deux temps va contre les intérêts de la victime de violences. Le mécanisme que nous proposons est plus respectueux de la victime.

M. François Pillet, rapporteur.  - Encadrer ainsi les pouvoirs du juge remet en cause la procédure retenue par la commission, supprimant la possibilité de saisir le juge pour modification, ce qui est contraire au droit des deux parties. Et votre amendement interdirait au juge de prendre une mesure complémentaire, comme la confidentialité du domicile, s'il ne l'avait pas décidée d'entrée de jeu.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La procédure en deux temps, j'y insiste, fragilise la victime. Vous dites que la protection peut être améliorée dans le temps, mais ce peut aussi être le contraire... Ne laissons pas les victimes dans l'incertitude.

M. François Pillet, rapporteur. - Une précision : la procédure en deux temps permettra au juge, s'il a un léger doute sur le sérieux des violences, de prendre une ordonnance tout de même. Sinon, par peur d'être instrumentalisé, il risque de ne pas donner suite.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19 heures 30.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.

M. le président.  - Le président Hyest vous a tout à l'heure appelés à la concision. Je compte sur vous.

Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mmes Payet, Férat et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Merceron, Soulage, Amoudry et Deneux.

I. - Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les mêmes conditions, cette dispense temporaire peut être délivrée à la personne majeure menacée  de viol ou de toute autre agression sexuelle au sens des articles 222-23 et 222-27 du code pénal. Les personnes victimes de ces deux dernières infractions et menacées de subir des représailles après un dépôt de plainte peuvent aussi se voir délivrer une ordonnance de protection, si aucune mesure de contrôle judiciaire n'a été prise en amont. Les personnes victimes de la traite des êtres humains au sens des articles 225-4-1 à 225-4-6 du code pénal ou du proxénétisme au sens des articles 225-5 à 225-10 du même code  peuvent aussi se voir délivrer une ordonnance de protection.

II. - Alinéa 19, après la troisième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Cette inscription est levée à la demande de la personne concernée.

Mme Anne-Marie Payet.  - Cet amendement vise à élargir l'ordonnance de protection aux personnes sans lien conjugal qui peuvent être elles aussi, menacées de viol, d'autres agressions sexuelles ou bien encore de représailles à la suite d'une plainte déposée contre des agresseurs n'ayant pas fait l'objet de mesures de contrôle judiciaire. Les victimes de la traite des êtres humains sont elles aussi en danger.

De plus, si le juge ordonne, à la demande d'une personne menacée de mariage forcé, l'interdiction temporaire de sortie de territoire et si cette interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République, cette inscription doit pouvoir être levée à la demande de la personne concernée.

M. François Pillet, rapporteur.  - Prescrire la levée de l'interdiction temporaire de sortie du territoire est inutile : le juge peut apprécier si la personne agit de son plein gré.

Quant à l'extension du bénéfice de l'ordonnance de protection, j'y suis défavorable : l'ordonnance de protection n'aura d'efficacité que dans les relations intrafamiliales. Dans les exemples que vous citiez, il n'y a pas de relation civile avec l'agresseur. Cela relève du juge pénal, qui a infiniment plus de pouvoirs que le juge aux affaires familiales. Évitons de fourvoyer les victimes dans des procédures inadaptées.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall.

Alinéa 18

Après les mots :

mariage forcé

insérer les mots :

ou de mutilation sexuelle

Mme Françoise Laborde.  - L'exposé des motifs de ce texte rappelle que les violences coutumières - mariages forcés, excision- sont inacceptables. Elles doivent être également visées. L'Assemblée nationale a hélas supprimé la référence à ces violences : nous la rétablissons.

M. François Pillet, rapporteur.  - Mon raisonnement est le même que pour l'amendement précédent : pour les mutilations sexuelles, le juge compétent est le juge des enfants, doté de beaucoup plus de pouvoirs que le juge aux affaires familiales. Encore une fois, n'égarons pas les victimes. Retrait ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable. La protection de ces victimes relève du juge pénal.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP.

Mme Odette Terrade.  - Vous vouliez aller vite et vos collègues de l'UMP ne sont pas venus !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas moi ! Je fais ce que je peux pour faire venir mes collègues. Maintenant, si vous voulez que l'adoption du texte soit reportée à octobre...

L'amendement n°9 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 157
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 19

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 515-14. - Une ordonnance de protection peut également être délivrée à la personne majeure menacée de viol ou de toute autre agression sexuelle au sens des articles 222-23 et 222-27 du code pénal par le juge, saisi par la personne menacée ou, avec son accord, par le ministère public, à l'issue de la procédure prévue par l'article 515-10 du présent code.

« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 6° de l'article 515-11.

« Ces mesures sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Elles peuvent être prolongées au-delà pendant toute la durée des procédures civiles et pénales en cours. »

Mme Mireille Schurch.  - Nous voulons que les femmes menacées de viol et de toute autre agression sexuelle puissent bénéficier d'une ordonnance de protection.

Les menaces de viol ou d'agression sexuelle peuvent provenir de l'entourage social ou du voisinage.

Les violences sexuelles sont plus fréquentes à l'extérieur des ménages, et les victimes en connaissent le plus souvent l'auteur. Quand une femme est menacée de viol, elle n'ose pas toujours porter plainte. L'ordonnance de protection pourrait leur bénéficier, et mettre fin à l'indifférence à l'égard de ces femmes.

M. François Pillet, rapporteur.  - Encore une fois, ne mélangeons pas les genres. Le viol est un crime. Une femme qui en est menacée doit déposer plainte. Dans les deux heures, l'auteur des menaces peut être placé en garde à vue. Pendant 48 heures, il sera mis au frais et la victime protégée ; passé ce délai, le juge pénal peut prendre des dispositions qui vont bien au-delà de celles qui sont à la disposition du juge des affaires familiales. Je comprends votre intention, louable, mais ce serait rendre un mauvais service à la victime que de lui laisser penser que l'ordonnance de protection est la solution dans ce cas. Je ne peux être favorable à votre amendement qui serait contreproductif au regard de vos intentions, que je partage.

L'amendement n°44, repoussé par le Gouvernement, est retiré.

L'article premier est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 14 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - La mise en disponibilité demandée par un fonctionnaire ou assimilé est accordée de droit lorsque ce dernier bénéficie d'une ordonnance de protection tel que prévue par les articles 515-9 et suivants du code civil. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Une mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire dans un certain nombre de cas. Cet amendement vise à permettre à la victime de violences familiales de bénéficier de cette faculté destinée à faciliter sa mobilité, pour se mettre en sécurité.

M. François Pillet, rapporteur.  - Pourquoi pas, mais la liste des disponibilités de droit est fixée par décret : c'et une mesure réglementaire. Une remarque cependant : la mise en disponibilité de droit suspend le traitement. Est-ce vraiment l'intérêt de la victime ? Mais pourquoi pas ... Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Ce sujet ne relève pas, en effet, de la compétence du législateur.

Les décrets prévoient déjà une disponibilité de droit pour motifs familiaux, ainsi que pour convenances personnelles, pour une durée de trois ans renouvelable. Votre amendement est satisfait. En revanche, l'attention de l'administration sera appelée, par le biais d'une circulaire, sur la situation des personnes bénéficiant d'une ordonnance de protection. Le sujet sera également abordé lors du séminaire des DRH de la fonction publique.

Retrait ou rejet.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Le texte adopté à l'Assemblée nationale comprend déjà des mesures d'ordre réglementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas une raison pour continuer !

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Vous dites que la possibilité est déjà offerte, mais elle doit être de droit, comme pour l'adoption.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°32 est mis aux voix par scrutin public. (Marques d'impatience à gauche)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 140
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 27 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les centres de gestion des collectivités territoriales et les autres employeurs des fonctions publiques d'État, hospitalière et territoriale, peuvent mettre en place des dispositifs compatibles avec le principe d'égalité, visant à faciliter l'aboutissement des demandes de mutation, de détachement ou de mise à disposition des fonctionnaires ou assimilés bénéficiant d'une ordonnance de protection telle que prévue aux article 515-9 et suivants du code civil. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Disons que nos amendements sont défendus : j'expliquerai mon vote quand l'avis pourra être favorable...

M. François Pillet, rapporteur.  - Mon cher collègue, de grâce, évitons de nous attarder sur des dispositions réglementaires, quand nous avons d'importantes dispositions à venir.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°33 est retiré.

Article premier bis

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 3 et 5

I. - Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :

Les victimes sont également informées des peines encourues par le ou les auteurs des violences et des conditions d'exécution des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

Mme Odette Terrade.  - Cet amendement vise à renforcer l'obligation d'informations des victimes. Si les victimes ne connaissent pas les moyens mis à leur disposition pour échapper à l'auteur des violences, elles ne connaissent pas non plus les peines encourues par ce dernier. Or, l'audition des associations a révélé que cette absence d'information les dissuade souvent de faire appel à la justice dans la mesure où, ne pouvant pas évaluer les effets de leur démarche, elles craignent les éventuelles représailles dont elles pourraient faire l'objet.

M. François Pillet, rapporteur.  - La victime reçoit déjà une grande masse d'informations par la police judiciaire. Si l'on précise les peines encourues, deux fois sur trois, elle retire sa plainte. Avis défavorable.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Virginie Klès.  - Dans les phénomènes d'emprise, il y a inversion de la culpabilité : l'information de la victime est essentielle.

L'amendement n°49 est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté, ainsi que les articles premier ter et premier quater.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

III. - Le dernier alinéa de l'article 141-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 141-4 sont applicables; les attributions confiées au juge d'instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République. » ;

IV. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 394 du même code est complétée par les mots : « , ainsi que celles de l'article 141-4; les attributions confiées au juge d'instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République. ».

M. François Pillet, rapporteur.  - Amendement de coordination.

L'amendement n°63, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à cinq ans pour des violences ou des menaces commises

par les mots :

condamnée pour des violences ou des menaces, punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, commises

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Cet amendement est extrêmement important ; je le défends en pensant à toutes ces femmes mortes faute de dispositif de protection.

Le dispositif que nous introduisons dans la loi n'est pas le bracelet électronique d'assignation à domicile. Ici, l'objectif de ce dispositif expérimenté en Espagne est de protéger la femme d'une approche potentielle de l'homme qui lui veut du mal.

Le Gouvernement souhaite revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale que votre commission des lois a modifiée. Il comprend sa volonté de mettre en cohérence ces nouvelles dispositions avec le droit actuel, d'où la condition d'une peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée. Mais depuis la loi pénitentiaire de novembre 2009, il est possible de placer sous surveillance électronique une personne non encore condamnée, dès lors que la peine encourue est de cinq ans.

Il serait paradoxal de permettre une surveillance électronique jusqu'au jugement, et devoir l'interrompre si la peine est inférieure à cinq ans.

C'est la peine encourue, non la peine prononcée, qui doit être le critère, sauf à limiter considérablement le dispositif.

Le rapport Geoffroy rappelle que les violences donnent lieu à des durées moyennes d'emprisonnement ferme assez faibles, trop faibles. Votre rédaction, au regard de ce constat, est très limitative.

L'Observatoire de la délinquance souligne que les violences conjugales entraînant des incapacités de travail inférieures à huit jours ne sont punies que de quelques mois de prison.

Or, la spécificité de ces violences c'est qu'elles vont crescendo dans le temps, ainsi que nous l'ont rappelé Mme Dini et Mme Kammermann, à travers leurs témoignages émouvants.

On sait aussi que seulement 9 % des femmes battues osent porter plainte.

En fait, elles craignent que la mesure d'éloignement ne soit pas respectée. Or, on sait que c'est dans ces moments que le risque de passage à l'acte est le plus grand.

Le Gouvernement souhaite que ce dispositif apporte à ces victimes la meilleure protection possible.

Si je parle avec tant de force, c'est que des femmes ont perdu la vie. Que dirons-nous au fils de Tania, assassiné par son conjoint dont elle était séparée ? La surveillance électronique aurait pu la sauver. Il ne faut pas d'autre Tania ! Des milliers de femmes attendent que la peur change de camp.

Revenir au texte de l'Assemblée nationale respecte le principe de proportionnalité. Le Gouvernement veut revenir à l'équilibre initial en pensant à toutes ces femmes mortes de façon absurde ; il faut éviter que de nouvelles Tania ne vivent dans la terreur, faute de bracelet électronique.

M. François Pillet, rapporteur.  - Avec beaucoup de respect, permettez-moi de vous dire que la flamme du discours ne suffit pas. Nul ne peut douter de l'engagement sincère de la commission, mais il ne faut pas passer à côté du sujet.

Depuis 2005, le placement sous surveillance électronique mobile est possible avant la condamnation en cas d'assignation à résidence, pendant l'exécution de la peine en cas de liberté surveillée et après la peine en cas de mesure de surveillance de sûreté visant à prévenir la récidive.

Nous autorisons ici le bracelet dans deux cas : assignation à résidence et suivi judiciaire. Le droit ne l'autorise actuellement qu'en cas de dangerosité constatée, après condamnation à une peine de sept ans.

La commission, conformément au souhait des députés, a abaissé ce seuil à cinq ans, à condition que l'on parle de peine prononcée, non encourue.

Un recours devant le Conseil constitutionnel est désormais toujours possible. Je vous parie que le premier avocat venu déposera une question préjudicielle de constitutionnalité : le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 décembre 2005, parle « d'infractions strictement définies et caractérisées par leur gravité particulière ». Voulez-vous imposer un bracelet à quelqu'un qui aura été condamné à six mois avec sursis ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Pourquoi pas ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Non : c'est contraire à la décision du Conseil constitutionnel !

On ne peut faire d'expérimentation en matière pénale ! C'est pourquoi, sans discours enflammé, mais avec la même conviction que vous, j'émets, au nom de la commission des lois unanime, un avis défavorable.

M. Paul Blanc.  - Je ne suis pas un juriste mais un simple médecin généraliste, mais ici, nous agissons comme législateur. Je suis favorable à la prévention : le bracelet électronique peut éviter des drames. Je ne peux entendre vos arguties juridiques. N'attendons pas le meurtre pour dire : « si nous avions su ».

Le cas est le même qu'en psychiatrie, quand il y a injonction de soins.

En toute conscience, je voterai l'amendement.

Mme Virginie Klès.  - Je suivrai le rapporteur. Le risque d'inconstitutionnalité est au reste patent. Ce qui protège les auteurs, c'est l'utilisation abusive de la médiation pénale dans ces cas de violences, qui ne sert à rien. La garde à vue, elle, est efficace !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je suivrai le rapporteur. Et sur les arguments juridiques et parce qu'hélas, on sait que le bracelet électronique n'empêchera personne de passer à l'acte.

Si on veut mettre des moyens, que l'on dote les femmes concernées de téléphones portables pour appeler en cas d'agression.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il faut prendre garde, quand on légifère, de maintenir l'équilibre entre la juste répression et les libertés publiques. Le Conseil constitutionnel a été très net. Certains, ici, étaient déjà très réservés sur le bracelet électronique post-peine. Le législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, l'a réservé aux cas les plus graves. On est déjà descendu de dix à sept ans.

Jusqu'où descendra-t-on ? La peine une fois exécutée, on ne peut imposer une privation de liberté. Faire du droit, c'est aussi respecter la Constitution, respecter les libertés publiques.

M. Alain Fouché.  - Il a raison !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le bracelet, ce n'est pas pour dire « on le condamne légèrement et on lui met un bracelet ! » C'est peut-être populaire, mais cela ne veut rien dire ! Que les magistrats soient plus sévères avec certains individus, mais qu'on ne bouleverse pas l'équilibre entre les grands principes de notre droit. La commission unanime a repoussé l'amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Richard Yung.  - Après le plaidoyer du président Hyest, je me trouve sans arguments supplémentaires.

C'est vraiment un débat de conscience, entre ceux qui veulent prévenir et ceux qui veulent poser les règles. La réduction de la durée est déjà inquiétante. Il faut que le bracelet électronique conserve une signification. Et puis le Gouvernement nous parle de peines, non pas prononcées ou exécutées, mais potentielles. Entrer ainsi dans le virtuel serait très dangereux.

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis.  - Je ne suis pas du tout juriste et je ne vois pas ce bracelet comme une peine, puisque son porteur aura pour seule contrainte de ne pas approcher sa victime potentielle. Ce que nous voulons, c'est protéger une femme...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cela revient à une assignation à résidence !

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis.  - Je ne le vois pas ainsi. Je voterai l'amendement du Gouvernement.

M. Paul Blanc.  - C'est assimilable aux caméras de surveillance...

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Je veux relever ce que je considère comme une incohérence. Nous travaillons ensemble à la définition d'un nouvel outil. Le juge peut exiger que ce bracelet soit porté à un moment où la personne est sous contrôle judiciaire. Cela ne vous choque pas.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Relisez la décision du Conseil constitutionnel !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Il s'agit d'empêcher l'agresseur potentiel d'approcher sa victime potentielle à moins de 400 mètres. J'ai vu comment le système fonctionnait en Espagne : si la personne pénètre dans ce rayon, le dispositif sonne. C'est cela, et rien d'autre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Mais non !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Si. Avant la condamnation, il y a le principe d'innocence et vous autorisez pourtant le bracelet pour une personne sous contrôle judiciaire ! Pourquoi le refuser ici ? En l'occurrence, il s'agira d'une décision prise par un juge ! Il appréciera si le bracelet s'impose. Nous sommes dans des processus très subjectifs : faites confiance au juge ! Pas de bracelet électronique alors qu'il a été condamné à une peine avec sursis ! Présumé innocent, il a le bracelet, condamné, il ne l'a plus ! Votre rédaction est incohérente. Et puis pour condamner quelqu'un à cinq ans pour des violences conjugales, il en faut vraiment beaucoup ! (Mme Muguette Dini renchérit)

Mon souci est que les femmes soient protégées. Le Gouvernement assume sa position. Je les ai rencontrées, ces femmes, en Espagne. Attention, il est dans les 400 mètres. Quand il est dans votre dos avec son couteau, votre téléphone ne sert à rien, madame !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est la même chose pour le bracelet !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Mais non, il ne peut pas s'approcher de la femme qui risque de se faire massacrer. Nous devons nous doter de moyens technologiques sur toute la ligne, de moyens efficaces !

Un vote de conscience ? Il y a aussi la cohérence du droit ! Il faut protéger de toutes nos forces ces femmes qui risquent d'être victimes de l'irréparable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous mélangez tout, ce qui rend le dialogue malaisé. Le juge estime en fonction des faits la peine applicable ; et le port du bracelet électronique est une modalité d'exécution de celle-ci. Mais il s'agit ici de tout autre chose. Vous détournez une procédure exceptionnelle qui a été créée pour éviter la récidive dans les cas les plus graves. La banaliser serait une erreur de droit, que les magistrats n'appliqueront pas parce qu'ils considéreront que le droit doit être respecté.

Vous défendez votre point de vue avec passion, mais les passions sont bonnes quand elles sont raisonnables.

Mme Jacqueline Panis.  - Pourquoi se priver des technologies nouvelles ? Le bracelet électronique n'existait pas en 2005.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est faux !

Mme Jacqueline Panis.  - Je voterai l'amendement du Gouvernement.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - Il est vrai qu'il en faut beaucoup pour que l'individu soit condamné à cinq ans ! J'ai trop vu de victimes. A titre personnel, je voterai l'amendement du Gouvernement.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3

M. le président. - Amendement n°50, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 2

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

1° Le premier alinéa de l'article 371-1 est ainsi rédigé :

« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant, c'est-à-dire la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits et la garantie de sa protection. » ;

II. - Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation d'un des parents pour des atteintes à l'intégrité physique ou psychique de l'autre parent, le juge aux affaires familiales doit refuser le droit d'hébergement au parent auteur des violences. Il doit en outre organiser le droit de visite de ce parent dans un espace de rencontre qu'il désigne. L'exercice de ce droit de visite doit avoir lieu en présence d'un représentant de la personne morale habilitée visée à l'article 515-11. »

Mme Éliane Assassi.  - Sans remettre en cause la coparentalité, nous voulons protéger les enfants et le parent victime de violences. L'exercice de l'autorité parentale comme l'exercice des droits de visite et d'hébergement sont utilisés par les auteurs de violences soit comme moyens de pression sur les victimes, soit comme une occasion renouvelée de passage à l'acte.

Il est difficile de trouver un bon équilibre entre la nécessité de protéger l'enfant et la volonté de maintenir les relations familiales ; mais peut-on imaginer que l'hébergement chez le parent violent puisse se dérouler dans la sérénité ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement définit l'intérêt de l'enfant. L'énumération que vous proposez risque plutôt d'affaiblir la notion. Il n'y a pas lieu de distinguer lorsque la loi ne distingue pas. Certains besoins peuvent être légitimes sans pour autant être « fondamentaux ».

Vous voulez d'autre part priver automatiquement du droit d'hébergement le parent violent. Il n'est pas certain que celui-ci instrumentalisera ce droit. Dès lors que le juge a un doute, il peut surseoir à statuer sur le droit d'hébergement de l'enfant jusqu'à réalisation d'une enquête sociale. Cela se produit beaucoup plus souvent que vous ne l'imaginez.

En outre l'article 3 bis renforce les garanties dans le sens que vous souhaitez. Nous invitons le juge aux affaires familiales à porter une attention accrue au moment souvent critique de la remise de l'enfant. Défavorable donc.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Sur l'énumération, je ne suis pas plus favorable que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

Sur le second point, je considère que le juge doit pouvoir statuer sur le cas concret qui lui est soumis. Le droit en vigueur le lui permet. Il est inutile en outre de prévoir que les visites se font en présence de la personne morale habilitée. Défavorable.

Mme Virginie Klès.  - Dans les violences au sein des couples, la première victime est l'enfant. Pour le protéger, il faut d'abord savoir si l'on a affaire à un phénomène d'emprise ou de conflit familial.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'enfant est souvent le témoin de la violence ; à ce titre, il est déjà largement victime. Si le père a été condamné, l'enfant ne peut plus être sous sa garde. On ne peut être à nos yeux gravement violent et bon père.

M. Roland Courteau.  - Nous ne sommes pas favorables au I mais très favorables au II. Peut-on voter par division ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Il y a une cohérence dans l'amendement, et donc dans ma réponse : cet amendement ne peut pas être scindé.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié quater, présenté par Mmes Payet et Morin-Desailly et MM. Merceron, Soulage, Amoudry et Deneux.

I. - Alinéa 8

Remplacer les mots :

une phrase ainsi rédigée

par les mots :

deux phrases ainsi rédigées

II. - Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, si une procédure pénale est engagée pour des atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne de la part d'un des parents à l'encontre de l'autre ou sur les enfants, la résidence de l'enfant est déterminée automatiquement par le juge aux affaires familiale chez le parent qui n'est pas poursuivi. La décision pourra être modifiée par le juge ou  le tribunal à l'issue de la procédure engagée. »

Mme Anne-Marie Payet.  - Si une procédure pénale est engagée par un parent pour violences perpétrées par l'autre, la résidence de l'enfant doit être fixée par le juge aux affaires familiales chez le parent qui n'est pas poursuivi. Au regard de l'article 373-2-8 du code civil, le juge peut certes statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; mais l'expérience prouve que tout est fait pour maintenir le lien parental même si des violences graves sont exercées sur l'un des parents par l'autre.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 8

1°) supprimer les mots : 

Le premier alinéa de

 2°) remplacer les mots : 

une phrase ainsi rédigée

par les mots : 

un alinéa ainsi rédigé

M. François Pillet, rapporteur.  - Notre amendement est purement rédactionnel.

L'amendement n°6 rectifié quater aboutit à une sanction dans un cas où les faits ne seraient pas avérés. Craignons une automaticité des plaintes et une instrumentalisation du juge. Celui-ci doit bénéficier d'une marge d'appréciation, par exemple pour fixer la résidence chez un tiers.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Favorable à l'amendement n°62, rédactionnel. Défavorable au n°6 rectifié quater : le juge doit pouvoir statuer au cas par cas dans l'intérêt de l'enfant. Un tel amendement pousserait à une instrumentalisation de la procédure pénale. L'enfant ne doit pas avoir à changer de résidence au gré des procédures et des décisions judiciaires. Seul le juge aux affaires familiales doit être compétent pour statuer sur la résidence des enfants.

L'amendement n°6 rectifié quater est retiré.

L'amendement n°62 est adopté, ainsi que l'article 3, modifié.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes morales habilitées visées au dernier alinéa de l'article 515-11 du code civil, chargées d'assurer l'accompagnement d'une personne victime de violence conjugale bénéficiant d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du même code, peuvent percevoir et administrer, de façon temporaire, les allocations familiales dues au profit des enfants concernés, en lieu et place de l'allocataire en titre, lorsque ce dernier est la personne mise en cause.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Il s'agit de permettre aux personnes morales en charge de l'accompagnement d'un parent victime de violence conjugale, dont le conjoint violent est seul allocataire, de percevoir et gérer ces ressources temporairement, le temps des démarches de régularisation de la situation de la victime, afin que cette dernière ne soit plus dépendante de son conjoint violent pour ce qui concerne l'entretien de ses enfants.

M. François Pillet, rapporteur.  - Défavorable à cet amendement de coordination avec un amendement antérieurement rejeté.

L'amendement n°34 est retiré.

Article 3 bis A

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 373-2-8 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge peut également être saisi par l'un des parents à l'effet de statuer sur le refus de consentement de l'autre parent à l'accomplissement de soins médico-psychologiques concernant la personne de l'enfant. »

Mme Mireille Schurch.  - Nous voulons faciliter l'accès à l'information. Les femmes victimes de violences n'ont, souvent, pas une bonne connaissance de leurs droits. Les conséquences des violences conjugales sont importantes sur les enfants aussi, même si l'on n'en parle guère.

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement est inutile : le juge a déjà ce pouvoir.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Cet amendement reprend une disposition qui figurait dans la proposition de loi initiale. Il n'est pas de liste limitative recensant les désaccords entre les parents. Défavorable.

L'amendement n°51 est retiré.

L'article n°3 bis A demeure supprimé.

Les articles 3 bis, 4 et 4 bis sont adoptés.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 2 et 3

Rédiger comme suit ces alinéas :

La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :

Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour et en accorde le renouvellement.

M. Yannick Bodin.  - La proposition de loi prévoit que l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour et doit en accorder le renouvellement, mais seulement dans le cadre de l'ordonnance de protection. Nous souhaitons aller plus loin et prévoir que le renouvellement de la carte de séjour soit accordé d'office, sauf menace contre l'ordre public, à l'étranger dont la communauté de vie a été rompue à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint.

Il ne faudrait pas que se multiplient comme aujourd'hui les différences de traitement d'un département l'autre.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'équilibre défini à l'Assemblée nationale est satisfaisant. Restons-en là.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable. L'ordonnance de protection concerne des violences graves et avérées, qui justifient une protection immédiate. Sans une telle ordonnance, il faut que le préfet puisse procéder à un examen minutieux au cas par cas.

M. Yannick Bodin.  - Nous voulions aider le Gouvernement à gérer cette question : il est souhaitable qu'il n'ait pas à intervenir après la décision d'un préfet qui aurait pris une position non conforme au texte. Si le Gouvernement se met en situation de devoir intervenir, il prend un risque...

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'amendement n°18 est devenu sans objet.

L'article 5 est adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5 :

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 316-4. - Après la décision judicaire définitive concernant la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte pour une infraction mentionnée au premier alinéa de l'article 132-80 du code pénal, sauf si la décision déclare que le fait n'a pas été commis. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Le méchant reste souvent impuni faute de preuves suffisantes, bien que les actes violents persistent. Une victime sous emprise porte souvent plainte tardivement, alors que les marques de violence ne sont plus visibles. Comment prouver en outre la relation de cause à effet entre la violence psychologique et les difficultés de la victime ?

L'absence de condamnation peut donc avoir des conséquences désastreuses pour la victime. Une étrangère qui s'est engagée dans un parcours d'insertion doit-elle compter sur la condamnation de son bourreau pour pouvoir être régularisée ?

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mmes Payet et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Merceron, Soulage et Deneux.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

peut être délivrée

par les mots :

doit être délivrée

Mme Anne-Marie Payet.  - Il est défendu.

M. François Pillet, rapporteur.  - Défavorable aux deux amendements.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'amendement 5 rectifié bis est retiré.

L'article 6 est adopté.

Article 6 bis

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il s'agit là des rapports franco-algériens. Les ressortissantes algériennes ne bénéficient pas du droit commun : victimes de violences, si elles quittent le domicile conjugal, elles ne peuvent conserver leur titre de séjour. Nous souhaitons que le droit commun leur soit appliqué.

La Cimade relève que malgré la circulaire d'octobre 2005, les autorités françaises ne délivrent plus de titre de séjour aux ressortissantes algériennes dans cette situation. Les cours administratives d'appel de Paris et de Bordeaux ont statué dans le même sens, qui ne me paraît pas être celui que souhaite le Gouvernement. Il faut vraiment préciser les choses.

L'article 6 bis est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 211-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2-2. - Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu de l'article L. 313-11 ou L. 431-2, dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. »

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Nos collègues socialistes ont eu l'élégance de reprendre le même amendement à leur compte.

De nombreuses femmes étrangères, bénéficiant d'un titre de séjour du fait de leur mariage avec un conjoint français, ou binational, ou étranger disposant d'un titre de séjour en France, se voient dérober leur pièce d'identité et leur titre de séjour à l'occasion de vacances dans leur pays d'origine. Ceci empêche l'épouse de rentrer en France et permet au mari d'engager une procédure de divorce ou de répudiation, tout en sachant que les dispositions réglant le divorce seront moins favorables à la femme qu'en France, et difficilement applicables sur le sol français. Dans certains cas, il y a même séquestration des enfants du couple par la belle-famille.

L'interruption de la vie conjugale du fait du seul conjoint français ou résidant en France, dans une situation qui relève au surplus de l'abandon de famille, est, de fait, entérinée par l'administration française.

Quoique contraire aux droits humains, la répudiation est parfois inscrite dans les faits par le tribunal de Nantes pour des questions de délai.

La délivrance d'un visa de retour devrait donc être de droit dans de tels cas.

M. le président.  Amendement n°19 rectifié bis, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 211-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2-2. - Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu de l'article L. 313-11 ou L. 431-2, dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. »

M. Richard Yung.  - Notre amendement est très proche du précédent : je me réjouis que nos points de vue se rejoignent. Il s'agit d'aider ces femmes en situation de détresse à rentrer en France. En 2007, j'ai été saisi par une ressortissante algérienne ; après une visite en Algérie, son mari est rentré en France sans elle et a conservé son passeport algérien et sa carte de séjour française. Quand elle s'est présentée au consulat général de France, on ne savait comment traiter son cas : il n'est pas prévu. Il faut mettre un terme à de telles situations. Notre amendement introduit une notion supplémentaire : la volonté de répudiation du mari.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'amendement de Mme Garriaud-Maylam a l'avantage d'être codifié : je propose à M. Yung de retirer le sien, qui est satisfait.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le mari, en empêchant l'épouse de quitter son pays d'origine, espère bénéficier, en effet, d'une procédure de divorce plus favorable qu'en France. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'assemblée.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je propose à M. Yung de rectifier son amendement pour le rendre identique au n°1.

M. Richard Yung.  - D'accord.

Les amendements identiques n°s1 et 19 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

L'article 7 est adopté.

Article 8

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

du code pénal, les mots :

insérer les mots :

« de relaxe ou de non-lieu déclarant » sont remplacés par les mots : « de relaxe ou de non-lieu, déclarant » et les mots :

Mme Virginie Klès.  - Rectification syntaxique : la virgule change le sens.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je ne suis pas excellent grammairien. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Je ne vois pas la différence : défavorable.

Mme Virginie Klès.  - C'est la grammaire ! (On ironise à gauche)

L'amendement n°20 rectifié est adopté, ainsi que l'article 8, amendé.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 225-10-1 est abrogé ;

2° À l'article 225-25, les mots : « , à l'exception de celle prévue par l'article 225-10-1, » sont supprimés.

II. - Au 5° de l'article 398-1 du code de procédure pénale, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

M. Richard Yung.  - L'amendement vise à abroger le délit de racolage passif introduit en 2003.

Si nous partageons l'objectif de lutte contre les réseaux mafieux, nous considérons que le délit est inefficient et injuste. La stigmatisation des personnes prostituées est infondée. La convention contre la traite la condamne. Le droit commun suffit pour réprimer les atteintes à la moralité et à la tranquillité publiques. Ce délit renvoie les personnes prostituées dans des zones de non-droit, où elles sont plus encore en danger.

L'introduction de ce délit nous fait glisser d'un régime abolitionniste vers un régime prohibitionniste. Le comportement des policiers s'est durci, pour faire du chiffre. A l'Assemblée nationale, Mme Brunel avait présenté un amendement similaire, qu'elle a retiré contre la promesse d'un groupe de travail. Trois mois ont passé. Qu'en est-il ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Un tel sujet mérite une réflexion approfondie : c'est la seule raison de mon avis défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous examinerons la loi sur la sécurité intérieure en septembre. Ce sera alors le moment de vérifier la pertinence du dispositif. Ce texte n'est vraiment pas le véhicule approprié ! Où est le lien ?

M. Richard Yung.  - Violences faites aux femmes !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Le groupe de travail s'est réuni dix jours après l'engagement pris : il rendra ses conclusions avant fin juin.

Mme Michèle André.  - Il y a quelques semaines, nous interrogions le ministre de l'intérieur. L'ensemble des associations demande instamment que l'on revienne sur ce délit. Les brimades que subissent les personnes prostituées en font des victimes de violences. Fin juin, c'est demain !

M. Alain Fouché.  - Certes, la prostitution n'est pas interdite en France, où elle est fiscalement admise, et le délit est mal défini. Sans compter que l'on renvoie les personnes prostituées, comme l'a dit M. Yung, dans des zones dangereuses de non-droit. Je voterai l'amendement.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté, ainsi que l'article 9 bis.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall.

Alinéa 2

Après les mots :

un nombre suffisant de logements

Insérer les mots :

, répartis géographiquement,

Mme Françoise Laborde.  - L'article 10 tend à réserver, dans chaque département, des logements pour les victimes de violences conjugales. Le législateur doit veiller à une bonne répartition de ces logements.

M. François Pillet, rapporteur.  - Amendement satisfait par le droit positif : sagesse.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Les femmes victimes sont prioritaires pour l'accès à un logement social. L'article 10 prévoit des conventions spécifiques avec les bailleurs.

Mais certains ne pourront pas répondre à l'objectif que vous fixez, au détriment de la signature des conventions. Un fléchage excessif limitera la rotation dans le parc HLM.

L'amendement n°10 rectifié est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

L'article 10 bis A est adopté.

Article 10 bis B

M. Roland Courteau.  - Nous souhaitons insérer dans la loi le principe de formation continue des professionnels en contact avec les victimes de violences, pour un meilleur dépistage et un meilleur accompagnement. Cette demande figurait dans notre proposition de loi de 2006, et dans celle de 2007.

Entre les administrations et les personnels, la coordination fait défaut. Seuls se forment les plus motivés, les formations n'étant pas obligatoires.

Hélas, l'article 40 nous a été opposé : il faudra se satisfaire d'un simple rapport du Gouvernement au Parlement. Cela dit, le Gouvernement a pris des engagements. Où en est-on ?

Mme Mireille Schurch.  - Un cinquième des victimes de violences et un tiers des victimes de violences sexuelles restent murées dans le silence. Le repérage est donc fondamental. D'où la nécessité de former les professionnels. Les députés l'avaient bien compris, mais l'article 40 leur a été opposé, comme à nous.

Nous sommes favorables à l'article qui prévoit un rapport car le Parlement doit être informé. Reste que la formation est essentielle, en particulier pour assurer la coordination entre les acteurs. En Auvergne, des formations ont été dispensées aux gendarmes et aux policiers en Haute-Loire, aux intervenants à domicile dans le Cantal, aux assistants sociaux... mais il manque des formations communes. Seuls 32 départements ont installé un référent violences conjugales. En Auvergne, le groupement régional de santé publique avait lancé un programme : il a disparu. La RGPP, hélas, compromet bien des initiatives. Comment, dès lors, faire de la prévention via la formation si dans les services d'urgences des hôpitaux, par exemple, le personnel n'est pas capable de détecter les violences ?

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Il est en effet important d'assurer une formation commune, pluridisciplinaire. Les maternités, où 800 000 naissances ont lieu chaque année, peuvent être un espace adéquat de prévention. A Draguignan, un gynécologue a mis en place une procédure pour déceler les couples en difficulté et essayer de prévenir le pire. Cette expérience mériterait d'être mieux connue.

M. Le Président.  - Il est minuit, nous ne pouvons terminer ce soir.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous reprendrons ce débat à 19 heures comme l'avait prévu la Conférence des Présidents : il reste peu d'amendements et la concision sera toujours de mise.

Prochaine séance demain, jeudi 24 juin 2010, à 9 heures.

La séance est levée à minuit.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 24 juin 2010

Séance publique

A 9 HEURES

Proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux (n° 268, 2008-2009).

Rapport de Mme Anne-Marie Escoffier, fait au nom de la commission des lois (n° 519, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 520, 2009-2010).

Proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap (n° 191, 2009-2010).

Rapport de M. Paul Blanc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 530, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 531, 2009-2010).

A 15 HEURES

Proposition de loi sur le recours collectif (n° 277, 2009-2010).

Rapport de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois (n° 532, 2009-2010).

Question orale avec débat n° 62 de M. Serge Lagauche à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l'égalité des chances dans l'enseignement primaire et secondaire.

M. Serge Lagauche attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l'abandon progressif du principe de justice sociale dans la politique éducative depuis 2002.

Que ce soit, avec la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école ou plus récemment avec le volet éducatif du plan espoir banlieue, on assiste à la multiplication des dispositifs de sélection des élèves « méritants » au détriment de la promotion collective, gage de justice sociale.

Ce n'est pas critiquer la mise en oeuvre des mécanismes d'admission préférentielle dans les filières sélectives du supérieur que de souhaiter que le Gouvernement s'intéresse tout autant à ces 150 000 élèves, qui chaque année, se retrouvent sans qualification à l'issue de leur parcours scolaire. La volonté de faire émerger une élite doit s'accompagner d'une volonté de faire progresser parallèlement l'ensemble des élèves et, en particulier, ceux qui ont le moins de chance de réussir.

De nombreuses actions sont engagées dans la prévention des sorties sans qualification. Au vu des chiffres persistants en matière de décrochage scolaire, il convient d'engager sans tarder une évaluation de ces dispositifs.

Premièrement, concernant les 170 000 élèves déclarés en situation de handicap, scolarisés en 2007, les professionnels déplorent unanimement un dépistage trop tardif. D'une part, les enseignants référents sont submergés par le nombre de dossiers arrivés trop tardivement, d'autre part, il semblerait utile de redéfinir le rôle des auxiliaires et des employés de vie scolaire.

Deuxièmement, on constate une persistance d'un échec scolaire plus élevé parmi les élèves socialement défavorisés, phénomène d'ailleurs amplifié par la dérégulation de la carte scolaire. Dès lors, ne doit-on pas redéfinir les missions et le réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) pour plus d'efficience ? De même, ne conviendrait-il pas de s'interroger sur les capacités d'accueil des établissements régionaux d'enseignement adapté (Erea) et des sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) ? Comment faire pour que les aides personnalisées et les stages de remise à niveau dans l'enseignement primaire répondent mieux aux besoins des élèves ?

La mise en oeuvre de politiques publiques ambitieuses et exceptionnelles pour les élèves présentant des handicaps dans leurs apprentissages - qui peuvent se combiner -tels que difficultés socio-économiques, troubles linguistiques, cognitifs, comportementaux ou médicaux dès la petite enfance, est donc urgente. Il faudrait l'assurer par une politique ciblée en premier cycle et en secondaire permettant de réduire le nombre d'élèves en décrochage scolaire en particulier dans les territoires qui font face aux plus lourds handicaps et ainsi réduire l'énorme coût social des adultes qui n'ont pas acquis les qualifications de base indispensables pour trouver leur place dans la société.

Il souhaite donc connaître les dispositifs que le Gouvernement pourrait mettre en place pour éviter aux élèves les plus en difficulté le décrochage scolaire, tout comme il a mis en place, des dispositifs d'admission préférentielle dans le supérieur pour ceux en situation de réussite issus de milieux sociaux défavorisés.

A 19 HEURES ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (n° 340, 2009-2010) et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (n° 118, 2009-2010).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 564, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 565, 2009-2010).

Avis de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 553, 2009-2010).

Rapport d'information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 553, 2009-2010).