Débat sur le tourisme outre-mer (Suite)

M. Adrien Giraud.  - M. Magras n'a pas traité de toutes les collectivités ultramarines mais s'est attaché au cas des Antilles. Il faut tenir compte de la spécificité de nos territoires. Nous pouvons nous inspirer de ses recommandations.

Je félicite le nouveau président du Comité du tourisme mahorais et souhaite le démarrage d'une véritable politique touristique à Mayotte, avec le soutien financier de l'État, encore insuffisant.

Notre territoire, grand lagon fermé, est devenu département français. En pleine mutation économique et sociale, Mayotte se développe rapidement.

Le président de la République a promis sur place une aide de l'État pour favoriser son développement touristique. Parmi ses atouts, sa position géographique, un lagon exceptionnel qui en fait le temple de la plongée, une faune et une flore d'une grande richesse. Mayotte doit offrir à ses visiteurs de vraies occasions de rencontre et d'échange avec la population. On a compté plus de 53 000 touristes en 2010, dont 48 % de France ; Mayotte ambitionne d'augmenter le chiffre d'affaires touristique, aujourd'hui de 30 millions d'euros.

Les axes de la politique de développement du tourisme sont les suivants : construire son image, améliorer la desserte aérienne, créer des circuits combinés avec les territoires voisins -Réunion, Maurice, Madagascar, Kenya-, développer l'hébergement, former aux métiers touristiques. Le comité du tourisme mahorais y veille, ainsi qu'à la propreté du paysage. Il faut aussi préserver la qualité écologique du lagon, développer l'artisanat local, soutenir les microprojets touristiques, multiplier les chambres d'hôtes, renforcer la diversité de l'offre.

Il faut envisager le département touristique dans une logique de gouvernance participative.

Le tourisme offre à Mayotte un fort potentiel d'emplois et de valeur ajoutée. Les pouvoirs publics doivent favoriser l'initiative.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Adrien Giraud.  - Mais attention à ne pas réduire le développement économique au seul tourisme. Je compte sur le volontarisme des acteurs. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Larcher.  - Je me félicite que les analyses de M. Magras convergent avec celles de la mission que je présidais en 2009. Même constat de la crise du secteur, mêmes causes identifiées. Je souscris pleinement à ses onze recommandations.

Il est urgent d'élaborer un véritable projet de développement. Il faut aussi développer une logique de « subsidiarité », en collaboration avec les autres îles de la région.

Aucun plan d'envergure n'a encore été adopté en faveur du secteur. Mais le contexte a changé, il y a une prise de conscience. Le président du conseil général de la Martinique a fait du développement du tourisme une priorité, avec l'objectif d'augmenter la fréquentation et la dépense moyenne des touristes, pour en faire un pilier du développement de la Martinique. Mais une forte implication de l'État s'impose. Le président de la République a promis, en janvier, que l'État nous y aiderait.

Madame la ministre, les banques ne soutiennent pas le tourisme. Comment développer le financement nécessaire ? Quid du prix des billets ? Comptez-vous participer aux projets promotionnels ? Comment adapter le classement hôtelier aux réalités locales ?

La reprise est en cours ; elle ne pourra se poursuivre que si chacun joue le jeu, à commencer par le Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Marsin.  - (Applaudissements sur les bancs RDSE) Je me réjouis de ce débat. Le tourisme antillais connaît un réel déclin depuis dix ans. Il peut pourtant irriguer notre économie. Mais point de résultat durable sans stratégie. Le tourisme est perçu comme une activité juteuse pour les promoteurs, consommatrice de subventions : il faut favoriser l'implication de la population.

Clientèle de masse, tous azimuts, ou clientèle choisie ? Le touriste américain a toujours représenté une cible alléchante mais il est difficile à attirer et fidéliser. Bref, le retour sur investissement n'est pas garanti. Outre les Canadiens, la clientèle européenne me semble receler de fortes potentialités : c'est pourquoi il faut développer la desserte depuis Roissy.

Quel type de structure développer ? Le parc hôtelier se dégrade. Il faut aussi développer d'autres formes d'hébergement, comme les gîtes, qui favorisent l'échange avec la population. Nos territoires insulaires y sont adaptés. Il faut inciter les structures à se développer, se regrouper. Il y a là un enjeu socio-économique, mais aussi politique.

Il faut développer l'apprentissage des langues étrangères, mettre fin à la dégradation de nos paysages par des déchets. Beaucoup reste à faire pour améliorer l'image des territoires. Au-delà du relooking, c'est l'avenir de nos populations qui est en cause. Nos richesses naturelles, véritables trésors, doivent être mises en valeur.

Le rapport de M. Magras propose un choix clair : un tourisme intégré et choisi, et non subi. Une volonté politique locale affirmée peut créer les conditions d'une nouvelle dynamique de développement durable. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

Mme Gélita Hoarau.  - Le tourisme, porteur d'emplois, est une piste pour sortir l'outre-mer de son marasme économique et social. Chaque territoire a ses atouts et ses handicaps. Au cours des années 1990, le nombre de touristes a doublé à La Réunion ; après une chute due au Chikungunya, le chiffre est remonté, mais ne décolle pas : le tourisme ronronne. Pourtant, l'île ne manque pas d'atouts, même si elle n'a que 30 kilomètres de plages : nature exubérante, volcan en activité, 800 kilomètres de sentiers de randonnées, montagne, mer et écotourisme. La création du parc national et de la réserve maritime a permis de préserver des sites remarquables du mitage urbain.

Depuis le 1er août 2010, 40 % du territoire sont inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais cette richesse naturelle est fragile : il faut la préserver et la valoriser. La biodiversité est en péril : un tiers des espèces végétales sont menacées. Il faut former à la protection de ce patrimoine, avec un service d'intérêt public.

L'Union européenne a accordé des financements en la matière, faisant de la diversification une priorité. Si le développement des produits haut de gamme est positif, le parc d'hébergement de qualité reste rare. La Réunion manque de foncier.

Il faut diversifier la clientèle, aujourd'hui venue à 80 % de France. Les pays du grand Océan indien sont un vivier mais la politique sécuritaire impose des barrières administratives impossibles. M. Jégo proposait d'installer des bureaux de distribution de visas dans les aéroports ; M. Fillon promettait d'intégrer la Réunion dans Schengen. Nous attendons... Il est aujourd'hui possible d'entrer sans visa si l'on passe par l'île Maurice et une agence de voyages. Quel mépris à l'égard des Réunionnais et de nos voisins! (M. Jean-Paul Virapoullé approuve)

Le potentiel touristique de la Réunion est réel. Encore faut-il que tout le monde en soit conscient ! (Applaudissements à gauche)

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.  - Le territoire et l'environnement sont désormais indissociables. Le conseil interministériel du 12 juin a montré le regain d'intérêt pour l'environnement en outre-mer. Le parc marin de Mayotte est appelé à jouer un rôle essentiel dans la préservation des espèces, la régulation de la pêche et le tourisme.

L'essor aéroportuaire a désenclavé le département et multiplié le nombre de touristes : 53 000 en 2010. Mais l'hébergement fait défaut : 750 lits en 2007. Le plan d'aménagement prévoit pourtant 150 000 touristes en 2020 !

Le plan de mise en valeur de la mer a identifié neuf sites hôteliers d'envergure éventuels. Des appels à projets ont été lancés ; une dizaine de projets ont été reçus.

Nous nous inscrivons dans une perspective de développement durable, prévoyant l'aménagement de l'aéroport, du littoral, des circuits de randonnée, des centres administratifs, etc. Un nouvel aéroport doit être construit. C'est un projet d'intérêt national, favorisant les continuités territoriales. Des études doivent porter sur les conséquences sur l'écosystème marin. Pour créer la piste longue, il faudra déroger à la loi Littoral.

Il n'est pas question de se lancer dans un tourisme de masse destructeur mais dans un tourisme vert. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Les quatre DOM ont pour point commun la prépondérance économique du tourisme. Par le biais de la défiscalisation, des milliards ont été investis, mais le tourisme recule. C'est une question de culture. J'ai accompagné Sir Gaëtan Duval, père fondateur de Maurice : là, il n'y a pas eu de défiscalisation mais la mobilisation d'un peuple pour sortir de la misère, par la culture de l'accueil et du travail bien fait ! Nous sommes des enfants gâtés de la République. Pourquoi se cacher la vérité ? Lorsqu'on a un cancer, il vaut mieux le savoir...

Nous, élus, sommes là pour indiquer la direction et les sacrifices nécessaires. Parlementaire depuis vingt-et-un an, je n'ai fait que voter des lois pour encourager le tourisme ! Il faudra bien dire un jour aux ultramarins de valoriser l'accueil, le professionnalisme, au lieu de l'amateurisme ! La défiscalisation ne doit plus être un produit financier abusif pour contribuables aisés mais un projet de développement industriel porté par des professionnels.

Il y a le frein de la langue : pour accueillir des touristes, il faut parler anglais, allemand ou espagnol. Ouvrir les offices de tourisme le week-end. Et avoir la culture du rêve : ne transformons pas celui des touristes en cauchemar !

Je suis ici pour rendre service aux ultramarins.

M. Serge Larcher.  - Merci du service !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Les compagnies aériennes fixent librement leurs tarifs ; voyons donc s'il n'est pas possible d'augmenter la défiscalisation sur les avions ! (M. Serge Larcher s'esclaffe) Ne polémiquez pas : mon attitude est responsable.

M. Serge Larcher.  - Vous vous trompez de bonne foi.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Retroussons nos manches : tout n'est pas de la responsabilité du Gouvernement ! (Applaudissements à droite)

M. Claude Lise.  - L'opinion martiniquaise reconnaît que le tourisme est essentiel au développement de l'île. Mais il traverse une très grave crise. Les mesures prises depuis 2009 n'ont pas produit les effets escomptés, à cause des retards d'application et des complexités de procédure : ainsi les hôtels ne pourront-ils bénéficier d'aides qu'à condition d'avoir acquitté toutes leurs dettes fiscales et sociales. Il faut assouplir les règles !

Il faut aussi rétablir le dispositif « emploi-solidarité » et supprimer temporairement le plafond de dette publique de 60 %.

J'en appelle à une révolution culturelle : le tourisme durable implique de valoriser notre patrimoine naturel et culturel et de construire des infrastructures de qualité. Pourquoi ne pas décréter les Antilles « zones prioritaires de tourisme durable » ? Mais rien ne se fera sans moyens. L'État doit accompagner financièrement les initiatives locales, conformément aux engagements pris en janvier par le président de la République.

Tous les acteurs doivent être associés et assurés de la rentabilité de leurs projets. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

M. Robert Laufoaulu.  - Je remercie MM. Magras et Emorine. Le développement du tourisme en outre-mer implique la sauvegarde de l'environnement : car ces zones sont à la fois parmi les plus riches au plan de la biodiversité et les plus menacées.

Grâce à ses outre-mers, la France est par exemple le seul pays à posséder des récifs coralliens dans tous les océans. Or, les revenus touristiques afférents sont estimés à 10 milliards de dollars !

Ces récifs sont désormais mieux protégés dans la zone de Bonaire, mais ce n'est pas le cas ailleurs.

Un récent rapport a souligné les retombées économiques du corail, et les dangers environnementaux et humains de sa disparition. Un nouveau programme est prévu pour 2011-2015.

Un nouveau projet existe pour desservir Wallis-et-Futuna : il faut se donner les moyens d'accueillir les touristes, notamment ceux qui vont aux îles Fidji. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Gillot.  - La Guadeloupe, avec son patrimoine naturel, culturel et culinaire, a un énorme potentiel mais le tourisme y est en crise. Il faut être lucide. L'instabilité sociale et les tarifs hôteliers élevés nous handicapent.

Le rapport de M. Magras est précis. Oui, tous les acteurs doivent se mobiliser.

Pour s'ouvrir à de nouveaux marchés, il faut développer le bilinguisme : au moins une langue étrangère devrait être enseignée dès le primaire.

La préservation de l'environnement est indispensable : j'appelle de mes voeux une nouvelle législation sur l'affichage publicitaire sur le littoral.

L'État doit aider au renouvellement du parc hôtelier, intolérablement obsolète.

Le succès du tourisme antillais renforcera le rayonnement de la France et créera des emplois. Il suppose que l'État se mobilise avec les collectivités. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Associer le tourisme et l'environnement est pertinent et je remercie la commission et M. Magras. Le constat est partagé et je me concentrerai sur les recommandations.

Oui, le tourisme doit être un secteur prioritaire pour le développement.

En Martinique comme en Guadeloupe, j'ai perçu une évolution, impulsée notamment par les chambres consulaires. Mais une véritable révolution culturelle est nécessaire. Il faut se développer par et pour le tourisme : la consommation de produits-pays dans les hôtels y concourt.

Le tourisme ne peut réussir sans professionnalisme. L'État accompagne les collectivités dans le domaine, bien plus qu'en métropole. Le tourisme fait partie des secteurs prioritaires visés par la Lodéom, d'où des franchises fiscales et sociales.

Des conférences locales sur le tourisme ? J'ai déjà lancé le Comité d'orientation stratégique du tourisme (Cost). On assiste depuis quelque temps à une reprise de l'activité.

Sur les langues étrangères, vous avez raison, les expériences périscolaires sont déjà couronnées de succès, ainsi que la filière d'excellence du lycée. Il est difficile, pour l'heure, d'aller plus loin.

La desserte des Antilles depuis Roissy permettra de toucher le public européen mais révélera nos faiblesses car ce nouveau public sera plus exigeant : d'où la mission que j'ai confiée au président d'Atout-France. Je viens de signer le contrat de destination.

Une défiscalisation de projet ? Mon ministère donne la priorité aux projets dont la rentabilité économique est sûre. La durée d'utilisation du bien a été portée de cinq à sept ans par la Lodéom ; ne risquons pas de remettre en cause l'attractivité du dispositif. N'excluons pas la construction hôtelière car à Mayotte, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie, les hôtels sont encore trop rares. Pour la rénovation hôtelière, un dispositif simplifié a été créé.

L'État se mobilise également pour la formation, grâce au contrat d'études et de perspective en Guadeloupe.

Sur la rénovation du port de Pointe-à-Pitre, le débat public a été lancé. Il faut pouvoir accueillir les croisières.

Quant aux visas à La Réunion, madame Hoarau, les procédures ont bien été assouplies, par exemple pour les Sud-Africains.

Enfin, il faut favoriser le tourisme vert : nos outre-mers disposent de patrimoines exceptionnels.

Les chambres d'hôtes et gîtes permettent de découvrir les territoires et il faut les développer et les professionnaliser.

La création d'un « passeport biodiversité » vise à sensibiliser les touristes : il sera distribué à partir de novembre. Sur les déchets, les collectivités ont d'importants pouvoirs de police.

La volonté existe, il faut la traduire en action. Le Gouvernement est mobilisé. La situation actuelle n'est pas une fatalité mais il faudra mettre en oeuvre des actions avec constance, dans un partenariat entre l'État, les collectivités et les professionnels. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Magras, au nom de la commission de l'économie.  - Je remercie le président du Sénat d'avoir autorisé ce rapport, Mme la ministre d'avoir représenté le Gouvernement au cours de ce débat, la commission d'avoir demandé son inscription à l'ordre du jour, et tous les participants. Si la dynamique actuelle portait ses fruits, je serais un sénateur heureux. (Applaudissements)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 20.

présidence de M. Gérard Larcher