Certificats d'obtention végétale

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux certificats d'obtention végétale.

Discussion générale

M. Christian Demuynck, auteur de la proposition de loi.  - Je remercie le président Larcher et le président Émorine, grâce à qui cette proposition de loi a pu être inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Je remercie également M. Pointereau qui a considérablement amélioré mon texte.

Entre sécheresses et pluies diluviennes, les conditions climatiques rendent de plus en plus aléatoires les productions agricoles mondiales. À quoi s'ajoutent la diminution des surfaces agricoles et l'absence de sécurité alimentaire dans certains pays. Pour produire plus et mieux, il faut réinvestir dans l'agriculture et encourager la recherche, a dit le président de la République lors du G20 agricole. Je sais, monsieur le ministre, l'importance que vous accordez à l'innovation dans la sélection végétale. Pour cela il faut des moyens ; la recherche dans ces domaines doit être reconnue et soutenue. C'est l'objectif de cette proposition de loi.

La filière semencière française est une référence. Avec un chiffre d'affaires de 2,5 milliards, elle est le deuxième exportateur et le troisième producteur mondial de semences. Mais la seule société Monsanto investi cinq fois plus dans la recherche que les 75 entreprises de sélection de notre pays.

Dans les années 1960, l'importance de la création variétale a été reconnue les créateurs de nouvelles variétés se sont vu reconnaître le bénéfice de l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, aux termes duquel « chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique dont il est l'auteur. » La France a créé en 1961 un droit spécifique de propriété intellectuelle sur l'obtention végétale, le certificat d'obtention végétale (COV). Grâce à quoi le rendement du blé, par exemple, a été multiplié par trois.

Notre proposition de loi remédie au retard pris par la France dans la mise en oeuvre de la convention Upov, dont la dernière version date de 1991 ; elle conforte la spécificité du COV : reconnaissance de la nouveauté dans les champs ; maintien de l'accès à la variété nouvelle pour la sélection -c'est l'exception de sélection, indispensable aux chercheurs et notion opposée à celle du brevet qui bloque totalement l'accès à la variété brevetée ; interdiction de l'appropriation indue de la variété par l'introduction d'un gène breveté.

Nous introduisons le concept de « variété essentiellement dérivée », qui évitera que les multinationales des biotechnologies s'approprient totalement la variété d'origine en demandant un COV sur une forme modifiée de celle-ci après avoir simplement introduit un gêne breveté dans une variété protégée existante,

Enfin, cette proposition de loi améliore la pratique du COV en renforçant la rémunération de la recherche : je veux parler des semences de ferme. L'effort de financement, insuffisant, n'est pas équitablement réparti ; certains exploitants ne contribuent pas au financement de l'innovation. L'exemple du blé tendre est éclairant.

Si l'agriculteur a utilisé des semences certifiées, il contribue au financement de la recherche à hauteur de 10 euros par hectare -sa production lui en rapporte 1 400 ; s'il a utilisé des semences de ferme issues de variétés nouvelles protégées, il contribue à hauteur de 3,50 euros ; enfin, s'il a utilisé des semences de ferme issues de variétés anciennes non protégées, il ne contribue logiquement pas.

Les agriculteurs contribuent chaque année pour près de 27 millions d'euros à partir des semences certifiées et pour plus de 8,5 millions d'euros à partir des semences de ferme.

Ce texte autorise enfin les semences de ferme, donne un cadre légal à l'accord sur le blé et l'étend à d'autres espèces.

Attendue par les obtenteurs français et une grande majorité des agriculteurs, ce texte apporte des réponses équilibrées et ambitieuses à des problèmes majeurs.

Certains de nos collègues doutent de ce texte. Sous prétexte de lutter contre la brevetabilité du vivant, ils veulent en réalité affaiblir le seul système qui garantisse le droit du créateur et celui de la société ; ils nous livreraient pieds et poings liés aux multinationales des biotechnologies...

Un auteur que je crois apprécié de mes collègues de gauche disait : « ni le blé, ni la vigne n'existaient avant que quelques hommes, les plus grands des génies inconnus, aient sélectionné et éduqué lentement quelques grains ou quelques cèpes sauvages ». Cet auteur, c'est Jean Jaurès...

Cette proposition de loi se veut une modeste reconnaissance du travail de nos sélectionneurs, ces génies inconnus, ainsi qu'une contribution à la sécurité alimentaire mondiale. Elle est conforme aux valeurs de la France. (Applaudissements à droite)

M. Rémy Pointereau, rapporteur de la commission de l'économie.  - Chacun des 69 membres de l'Upov a mis au point des COV. À la différence du brevet, avec le COV, chacun peut librement utiliser une variété existante pour en créer une nouvelle. Cette proposition de loi adapte le droit français à la nouvelle convention de 1991. Nous avions adopté un tel texte, à l'initiative de M. Bizet, en 2006 ; mais il a été rendu caduc par le changement de législature. La ratification de la convention de 1991 n'est possible que si la France adapte son droit national.

Le problème est très technique. Une centaine de pays n'ont pas encore choisi leur système de protection et ils sont tentés d'adopter celui, plus simple, du brevet. La France doit donc se battre en faveur du COV ; sa position est fragilisée tant qu'elle n'a pas adapté son droit.

L'existence des discordances entre le régime national et l'européen est source de confusions, qu'il faut réduire.

Le texte donne enfin un cadre juridique aux semences de ferme, à ce jour illégales.

Enfin, il faut soutenir notre recherche en la matière. Depuis vingt ans, les rendements stagnent à cause des aléas climatiques, mais aussi parce que la recherche manque de dynamisme et s'oriente dans d'autres directions. Il faut que nos entreprises de sélection, qui proposent chaque année de 500 à 600 variétés nouvelles, toutes espèces confondues, tirent les fruits de leur travail pour financer la recherche.

La proposition de loi reprend en l'adaptant le texte adopté par le Sénat en 2006. Elle étend le droit de l'obtenteur d'une variété à une variété différente mais dite « essentiellement dérivée » ; il autorise la production de semences de ferme à des fins de réensemencement sur la même exploitation, sous réserve d'une indemnité à l'obtenteur ; il procède à plusieurs modifications du code de la propriété intellectuelle sur des points mineurs pour l'adapter à la convention Upov. Pour bénéficier d'un COV, l'obtenteur devra satisfaire aux critères DHS : variété distincte, homogène et stable. Le texte prévoit également les cas de nullité des certificats.

La commission n'a pas modifié l'économie générale de la proposition de loi. À l'article premier, la définition de la « variété » a été restreinte au seul champ de la propriété intellectuelle. À la demande de M. Raoul, l'article 2 exclut l'appropriation d'une ressource naturelle existante qui aurait seulement été découverte. L'article 14 relatif aux semences de ferme a été légèrement modifié pour faire place aux accords interprofessionnels sur les semences de ferme, sur le modèle de l'accord blé tendre de 2001. Les autres modifications sont mineures.

Nous mettons en place les bases d'un système de conservation des ressources : les végétaux vivent et il convient de ne pas les laisser mourir.

Nos obtenteurs, qui sont souvent des PME, ont besoin d'être confortés. Conserver nos atouts, trouver un juste équilibre, telle est l'ambition de ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

Sur l'article 14, je demande la disjonction de l'amendement n°47 de réécriture afin d'éviter une discussion commune.

Mme la présidente.  - Quelle est la position du Gouvernement sur cette demande ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.  - Soit.

Le Sénat, consulté, vote la disjonction.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.  - Je suis très heureux de vous retrouver ce soir pour cette proposition de loi. La semaine dernière, Paris était la capitale de l'agriculture mondiale. Les objectifs du G20 étaient clairs : investissement, transparence sur les stocks et les productions, coopération entre États, régulation des marchés agricoles financiers. Ces exigences doivent aussi être manifestées dans l'agriculture nationale.

Il faut produire plus, et nous ne le pourrons pas sans la recherche. Cette proposition de loi apporte une réponse, certes très technique, mais efficace. Il faut trouver un juste équilibre entre la protection des propriétaires et l'intérêt des utilisateurs. Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cette proposition de loi, que j'avais promis que nous examinerions ensemble lors de la loi de modernisation agricole. Vous voyez que je tiens mes engagements.

Améliorer notre dispositif, c'est d'abord ne pas opposer obtenteurs et agriculteurs. Une recherche forte, c'est une agriculture forte ! Je regrette que d'aucuns dans le passé aient voulu les opposer. L'agriculture, ce n'est pas le Moyen âge ! Nous sommes dans le camp du progrès, nous refusons les caricatures passéistes. Les récents événements sanitaires montrent la vanité d'une vision irénique de l'agriculture d'hier.

M. Daniel Raoul.  - Provocation !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Non, réalisme, contre toute vision passéiste.

M. Daniel Raoul.  - Contre qui ?

Mme Marie-Christine Blandin.  - C'est qui, la « vision passéiste » ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je vois, au G20, que les pays en développement demandent avant tout davantage de coopération ; nous avons le devoir de les aider. Ces pays ne nous demandent pas de leur fournir du blé produit chez nous, mais que nous les aidions à produire davantage et mieux chez eux.

Il n'y a pas d'agriculture durable sans innovation agronomique. Nos engagements en matière de réduction des intrants, engrais et pesticides, seront tenus.

Je le redis : pas d'agriculture compétitive, durable, productive, sans recherche performante. Celle-ci a un coût. Toutes les grandes puissances agricoles investissent massivement dans la recherche. Celle-ci doit bénéficier d'une juste rémunération par le paiement de droits sur l'usage de semences protégées.

Le texte clarifie les conditions d'utilisation des semences de variétés protégées. La situation actuelle est absurde : un agriculteur qui a acheté des semences n'a pas le droit de ressemer les graines qu'il a récoltées ! C'est pour le moins difficile à expliquer -et donc à faire respecter. Quand les règles ne sont pas justes, elles ne sont pas respectées. Pour les céréales à paille, le réensemencement concerne 50 % des semences utilisées ! Le texte autorise cet usage. C'est du bon sens, qui n'est pas toujours près de chez nous. Pour les petits agriculteurs, ce droit aux semences de ferme sera gratuit. Pour les plus grands, le droit sera fixé par négociations.

La proposition de loi permet aussi de consolider notre modèle de protection de la propriété intellectuelle. Dans le cas du COV, il y a un équilibre entre le propriétaire et l'utilisateur ; dans le cas du brevet, le premier a tous les droits, y compris sur les produits dérivés. Le COV évite la privatisation d'une ressource naturelle par certaines firmes. Si Monsanto avait l'idée de breveter quelques gènes bien placés sur une autre plante, nous serions démunis ; il faut donc le COV.

L'article 15 bis sur la préservation de variétés anciennes est excellent. La bonnotte de Noirmoutier doit être préservée, même si je préfère personnellement la ratte du Touquet. (Sourires)

Cette proposition de loi est une excellente chose. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yvon Collin.  - Cette proposition de loi reprend un texte déposé sur le bureau du Sénat en décembre 1996 et adopté en 2006 -mais jamais mis en oeuvre. Nous avons donc eu le temps de la réflexion...

Les semences ont longtemps fait l'objet d'échanges non marchands entre les agriculteurs. Avec les nouvelles techniques de sélection est apparu un nouvel acteur, le semencier, qui a voulu protéger ses innovations ; est né le COV, variante soft du brevet. La totalité des semences industrielles sont issues de variétés sélectionnées par des centaines de générations d'agriculteurs, qui n'ont jamais été rémunérés pour cela !

La place occupée par la recherche française agricole est très remarquable, à l'Inra en particulier.

Ce texte ouvre à nos entreprises obtentrices de nouvelles perspectives. Mais des questions subsistent. Quelle recherche voulons-nous ? Dans quel but ? Et par qui ? L'équilibre entre obtenteurs et agriculteurs est-il obtenu ? Avons-nous besoin d'une telle profusion de variétés de blé génétiquement très proches ? La recherche semble privilégier la sélection de variétés hybrides ou modifiées ; verra-t-on les multinationales confisquer la totalité des semences ? Porter la protection jusqu'à 30 ans a-t-il beaucoup de sens ?

Le texte met fin à une situation choquante : l'utilisation illégale mais tolérée des semences de ferme, pratique indispensable pour relever les défis de demain ; elle doit être reconnue comme un droit inaliénable de tous les agriculteurs. Ceux-ci font du blé, ils font du soja, mais ils doivent également faire des marges ; entre une semence de ferme à 20 euros l'hectare et une certifiée à 120 euros, l'arbitrage est vite fait...

De prime abord, le texte apparaît équilibré. Mais qu'en est-il de l'autoconsommation et de l'alimentation du bétail ? A défaut d'autoriser toutes les espèces, il faudrait reprendre les 21 de la liste communautaire.

Nous sommes tentés de le voter, à condition que nous obtenions des réponses à nos questions et que l'on n'aille pas vers une brevetabilité de la nature. Et sur ce point, les perspectives de l'Union européenne nous inquiètent. S'il s'agit de lutter contre les prédateurs qui veulent s'approprier la nature, ce patrimoine commun, nous ne pouvons qu'être d'accord. Sera-ce vraiment le cas avec ce texte ? J'aimerais être rassuré...

M. Gérard Le Cam.  - Le sujet est complexe, sur le plan scientifique comme sur le plan juridique. Au-delà de la technicité, le principe essentiel est celui de l'interdiction de la brevetabilité du vivant. Mais le COV risque de porter atteinte aux droits des agriculteurs... La protection du brevet s'étend à tout acte de commercialisation. Le brevet sur le gène limite l'accès de l'agriculteur à la variété. En outre, la concomitance du brevet et du COV pèse doublement sur l'agriculteur, tenu de payer des royalties.

En cas de contamination de la récolte, l'agriculteur n'est pas protégé d'une accusation de contrefaçon. On l'a vu récemment, quand deux agriculteurs du Missouri ont attaqué Bayer et obtenu gain de cause devant le tribunal.

Bayer a d'ailleurs reconnu qu'il n'y avait pas moyen d'empêcher la propagation des semences.

En commission, la majorité a évoqué les problèmes de rendement, sans identifier les vraies causes de sa diminution, à commencer par l'homogénéisation des sols et l'obligation d'utiliser des semences certifiées. Le modèle reposant sur la monoculture intensive et les PGM ne nous convient pas.

L'article 15 bis est bienvenu.

En revanche, l'autorisation très encadrée des semences de ferme ne nous semble pas conforme aux engagements internationaux. Nous défendons la gratuité de l'utilisation des semences de ferme.

Les recherches des obtenteurs doivent être rémunérées, mais restons prudents : leur objectif est avant tout commercial. C'est pourquoi il faut avant tout renforcer les moyens de la recherche publique et surtout de l'Inra affaibli par la RGPP. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Marcel Deneux.  - Cette proposition de loi est intéressante pour nos semenciers, et pour la « ferme France » en général. Pour améliorer les rendements, la sélection des semences est indispensable. La France est le premier producteur de semences, le deuxième exportateur, grâce à 74 entreprises, certains très anciennes.

La recherche joue un rôle crucial, d'où l'importance des COV. Or le cadre juridique national actuel est inadapté. Ces COV sont régis par une convention de 1961 qui offre une protection limitée à 20 ou 25 ans. La convention de 1991 réaffirme la primauté du COV sur le brevet, et étend les droits de l'obtenteur. Enfin, elle légitime et encadre la pratique des semences de ferme.

L'Union européenne, membre de l'Upov, a adopté un règlement, qui s'applique à titre subsidiaire : on peut donc choisir son cadre réglementaire !

Le Sénat s'est prononcé en 2006 mais le processus est resté inachevé. Pour la crédibilité de notre débat, monsieur le ministre, usez de votre influence, qui est grande, pour faire aboutir ce texte au plus tôt ! Je félicite enfin M. Pointereau, qui a rendu le sujet compréhensible pour les non initiés.

Le groupe UC votera le texte issu des travaux de la commission et souhaite qu'il aboutisse rapidement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Raoul.  - Monsieur le ministre, je n'ai pas bien compris quels étaient les moulins à vent contre qui vous avez joué les Don Quichotte dans vos propos liminaires ! Personne, ici, n'est contre la recherche, évidemment ! (On s'en félicite à droite)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Très bien !

M. Daniel Raoul.  - Le texte adopté par le Sénat en 2006, devenu caduc, n'est pas sans pertinence, et il fallait légiférer sur les COV. Nous avons dans ce secteur un leadership à consolider, face au danger de brevetabilité du vivant. L'Anjou est au coeur de ce secteur stratégique. Une nouvelle variété, c'est dix ans de recherche et 100 000 euros ! Les entreprises privées bénéficient du CIR, créé par le gouvernement Jospin et étendu avec succès en 2008.

Le COV, c'est la garantie de la qualité et de la sécurité. Il s'agit de favoriser la création et non la découverte ; merci au rapporteur d'avoir accepté d'évoluer sur ce dernier point.

Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce que ce texte ne se perde pas dans les catacombes avant d'arriver à l'Assemblée nationale, comme le précédent ? (« Très bien ! » à droite) Il s'agit de mettre la France en conformité avec une législation internationale dont elle a été pourtant été la pionnière. (Mme Brigitte Bout approuve)

La France a mis quinze ans à ratifier la convention Upov ; la question des variétés essentiellement dérivées doit être revisitée. Un fait troublant ne doit pas être négligé : avec un même génotype, on peut obtenir des phénotypes différents.

Cinquante ans après la convention de 1961, notre législation a le mérite de laisser le champ libre à la négociation interprofessionnelle ! On l'a vu sur le blé tendre.

Je connais à Savennières des gens qui cultivent par loisir des variétés anciennes qu'ils sont incapables de donner à des voisins. Même l'Inra vient se fournir chez eux !

Les sommes prélevées doivent permettre de soutenir la recherche, et notamment la recherche publique. Je ne sais pas où sont les esprits obscurantistes dénoncés par le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Pas ici !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.  - Ce n'est pas vous qui êtes visé !

M. Daniel Raoul.  - Cherchons un accord interprofessionnel avant de recourir sinon à l'arme nucléaire, du moins au décret en Conseil d'État.

J'espère que vous suivrez l'avis de la commission, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et de la commission)

Mme Brigitte Bout.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) En octobre 2005, j'avais attiré l'attention du Gouvernement sur les inquiétudes des obtenteurs. Certaines variétés protégées risquaient de tomber dans le domaine public, je pense en particulier au blé tendre ou à la pomme de terre Mona Lisa. L'allongement de la durée de protection des COV a permis à la France de s'aligner sur la réglementation communautaire et pérennisé des sources de revenus légitimes permettant aux obtenteurs de financer la recherche. Notre proposition de loi est devenue la loi de 2006. Nous avons su réagir pour protéger la filière semencière française. La sélection végétale est un enjeu économique : 500 millions d'euros, dont 180 pour les exportations, et 7 000 emplois. Dans le Nord-Pas-de-Calais, c'est un secteur stratégique. Nous avons notamment développé les pommes de terre Mona Lisa, Charlotte et ratte du Touquet.

Vu le contexte agricole difficile, il faut que nos entrepreneurs puissent lutter à armes égales dans un marché très concurrentiel, et développer des variétés nouvelles.

La proposition de loi de M. Demuynck, dont je suis cosignataire, s'inspire de la convention de l'Upov de 1991. Elle définit l'étendue des droits des obtenteurs.

L'autorisation des semences de ferme vient enfin corriger une situation paradoxale. Le texte accroît la liberté des agriculteurs sans mettre en danger la sélection nationale, en s'appuyant sur la convention Blé tendre.

L'innovation est une clé de la compétitivité comme du respect de l'environnement et de la biodiversité. Je souhaite, monsieur le ministre, que cette proposition de loi puisse être adoptée par notre assemblée. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Christine Blandin.  - La France évolue dans un environnement mondial et européen bien complaisant aux intérêts des grandes multinationales. Le brevet protège l'inventeur et informe le citoyen. En matière de COV, nous entrons dans la complexité d'une oeuvre collective. Ce texte prévoit-il la juste rémunération des obtenteurs ?

En quelque trois milliards d'années, la vie a produit la diversité des espèces. Puis les agriculteurs ont, depuis des milliers d'années, sélectionné les plantes. C'est le savoir collectif qui a contribué à la survie de l'humanité et à la civilisation.

Le vivant ne saurait être un domaine où seul le marché ferait la règle.

La palette de possibilités qu'est le vivant ne saurait être la propriété de quiconque. Imagine-t-on un prix Nobel de physique interdire que l'on continue à travailler sur la thermoluminescence ?

Qu'est-ce que l'obtention ? Une variété si travaillée qu'elle en devient distincte, homogène et stable. Tout travail, tout service méritent rémunération. Le service, pas la matière ! La tendance à la réduction des types de plantes et graines comestibles ne va pas dans le sens de l'intérêt général. La fixité des caractères exigée tend plus vers le clone que la diversité. Or l'humanité a besoin de diversité !

En France, un certain sens de l'éthique a garanti les semences de ferme, au coeur du métier de paysan. Il est inadmissible d'entraver l'échange entre paysans de petites quantités de semences : nous devons garantir le respect de leurs droits ; l'alimentation des générations à venir en dépend !

La légitimité de l'obtenteur se limite à la vente d'un service. Le champ de ses prérogatives ne saurait couvrir les autres semences. Les intérêts défendus ici ne sont pas ceux de tous les paysans, ni des générations futures dont l'alimentation dépend de la réelle variété des céréales, légumes et fruits. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.