Allocution de M. le président du Sénat

M. le président.  - Les grands électeurs nous ont adressé le 25 septembre un message fort. Un intérêt nouveau pour le Sénat est né dans le pays. Nous ne devons pas décevoir cette attente, ni trahir cet espoir, mais faire vivre le changement dans un Sénat ancré dans son temps et tourné vers l'avenir. Un Sénat qui privilégie le débat à l'affrontement, qui n'est pas fermé sur lui-même mais ouvert sur la société. Notre assemblée sera ainsi respectée dans son rôle législatif et de contrôle.

Déjà, les contacts avec les présidents de groupe ont permis de mettre en place une bonne gouvernance. Le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement et entre les deux assemblées doit faire vivre un bicamérisme assumé et équilibré, dans un contexte rendu difficile par la crise. Avec M. Accoyer, nous avons décidé de nous rencontrer régulièrement.

Le Sénat doit être conforté dans ses prérogatives législatives et de contrôle. Il doit être attentif à la qualité de la loi et à sa nécessité, et le Gouvernement éviter les lois émotionnelles ou de circonstance. Nos collectivités sont submergées de normes coûteuses, souvent inutiles et inapplicables.

Je propose donc un débat sur des lois de simplification, élaborées en liaison avec les élus locaux, pour stabiliser les normes. (Marques d'approbation sur divers bancs de l'UMP).

L'équilibre de nos institutions appelle un usage parcimonieux de la procédure accélérée, que le ministre des relations avec le Parlement sera tenté de demander sous la pression des députés de la majorité : faire vivre la navette, c'est assumer le débat démocratique. Pour mieux organiser notre travail, je demande au Gouvernement un calendrier prévisionnel semestriel et je demande aux présidents de groupe et de commission de s'appliquer cet effort de programmation interne.

Le contrôle des politiques publiques doit être ambitieux et à l'abri des conflits d'intérêts -une notion à définir précisément et à étendre, dans le sens des préconisations de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêt dans la vie publique : nous devons nous appliquer ce que nous prônons pour nos concitoyens. Le Sénat doit faire évoluer les administrations, protéger les citoyens et les usagers conformément à sa tradition historique de défenseur des libertés publiques

Enfin, l'urgence écologique s'impose à nous, ainsi que M. Paul Vergès l'a rappelé dans son beau discours lors de la séance d'installation. Je proposerai donc de créer deux nouvelles commissions, comme le permet la constitution depuis 2008 et comme l'a fait l'Assemblée nationale, outre la création d'une délégation à l'outre-mer.

Pour être restauré dans son rôle de représentant des collectivités territoriales, le Sénat doit se placer au coeur du dialogue restauré entre l'Etat et les collectivités.

La réforme territoriale doit être abrogée et entièrement repensée. Allant dans le mauvais sens, elle s'est accompagnée d'une révision générale des politiques publiques aux effets dévastateurs dans les territoires, se traduisant par une réforme des services de l'Etat illisible pour nos concitoyens et préjudiciable aux collectivités territoriales. La recentralisation est une régression. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre) Je propose que le Sénat joue un rôle de premier plan dans la relance de la décentralisation.

Lorsque je l'ai rencontré, M. Fillon m'a dit que la carte intercommunale ne serait pas imposée par un passage en force. Ce qui imposera de corriger la loi. Mais ce ne sera pas suffisant.

Dès cet hiver, le Sénat pourrait organiser des états généraux des collectivités territoriales pour dresser un constat du présent et esquisser des perspectives d'avenir pour renforcer les libertés et la solidarité locales. Ainsi, la prochaine législature pourra conduire une nouvelle décentralisation à l'initiative et avec les mots du Sénat. Au centre du dispositif, un nouveau pacte financier avec l'Etat, comportant le respect de l'autonomie fiscale, le financement national des allocations de solidarité et une péréquation adaptée. Le Sénat doit aussi formuler des propositions novatrices sur la place des services publics en milieu rural et dans les zones urbaines en difficulté. Il faut par un aménagement équilibré garantir l'accès équitable aux services publics et réduire les inégalités territoriales ! Il faut en particulier conforter le soutien juridique et technique aux communes.

Le Sénat doit être l'inspirateur et le garant d'une nouvelle gouvernance des territoires et d'un nouveau pacte de confiance entre l'Etat et les élus locaux.

Enfin, notre majorité dans sa diversité veut un mode de fonctionnement interne rénové, un souhait partagé sur tous les bancs. Par respect pour l'opposition, nous avons proposé qu'elle préside la commission des finances. Pour respecter la diversité, je propose de ramener à dix l'effectif nécessaire à la constitution d'un groupe. (Mouvements divers à droite)

La rénovation du Sénat doit être visible : nous connaissons le rôle de Public Sénat. Mais il faudra mieux faire comprendre à nos concitoyens le processus d'élaboration de la loi et le travail parlementaire.

L'image de notre institution reste dégradée et le train de vie du Sénat est souvent stigmatisé dans la presse. Il faut aller vers un Sénat plu modeste, sans craindre les regards extérieurs, en particulier celui de la Cour des comptes, si la séparation des pouvoirs est respectée. Le précédent Bureau du Sénat avait opté pour un budget indexé sur l'inflation. Il faut aller plus loin et le réduire en volume. A cette fin, les programmes de travaux seront réduits au strict nécessaire pour l'entretien de notre magnifique patrimoine. Nous devrons aussi nous pencher, sans tabou mais sans céder à la démagogie ni à quelque emballement médiatique, sur la question des moyens mis à disposition des sénateurs. Un groupe de travail s'en saisira rapidement.

Le Sénat a été au rendez-vous de l'alternance ; il doit être à celui du changement. Nous avons un intérêt commun à faire vivre le pluralisme. Je souhaite également des relations confiantes, transparentes et apaisées avec le Gouvernement, pour mieux défendre l'intérêt général. Etre le président de tous les sénateurs dans un Sénat conforté, rénové et respecté, tel est le rôle que je compte assumer avec votre concours et votre aide. (Applaudissements à gauche, au centre et sur certains bancs à droite)