Abrogation du conseiller territorial

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial.

Discussion générale

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi.  - Cette proposition de loi a été inscrite dans les temps et examinée en toute sérénité par la commission des lois.

M. Michel Delebarre.  - Exact !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi.  - Je me réjouis que cette proposition de loi ait réuni toute la gauche sénatoriale. Le débat sur la réforme de 2010 a été fort durant la campagne sénatoriale, car l'intercommunalité forcée et le conseiller territorial ont pesé lourd dans le basculement du Sénat. C'est que l'existence des communes et départements était menacée ; les élus humiliés ont réagi... Le nouveau mandat du conseiller territorial devait être la « clé de voûte » de la réforme. Quid de notre tradition d'autonomie communale et de décentralisation ? Un projet de loi a modifié les calendriers électoraux pour permettre d'appliquer la réforme en 2014... avant même que le Parlement n'ait discuté la création de ce nouveau mandat.

La mission Belot n'a débouché sur aucun accord. Les critiques de cette réforme sont vives. Ainsi, 52 % des maires considèrent la création du conseiller territorial comme une mauvaise chose.

Les lois de 1982 et 1983 accroissaient la liberté des collectivités territoriales. Celle de 2010 instaure des tutelles ! Les Français sont attachés à la proximité. Or, le nombre des élus diminue et ils seront plus éloignés de la population.

Le mode de scrutin était renvoyé à un autre texte. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours marquera la fin de la parité, alors que le scrutin proportionnel dans les régions avait permis de l'installer. Vous avez programmé la fin de la parité, pourtant objectif constitutionnel depuis 1999.

Le projet de loi initial renvoyait à une ordonnance la répartition des conseillers par département. En créant un bloc d'élus siégeant au conseil général, mais rattachés à la région, vous méconnaissez la spécificité des départements. Région et départements ; intercommunalité et communes : dans chaque groupe, l'une des deux collectivités est vouée à disparaître...

Avec votre réforme, l'effectif de certaines assemblées deviendrait pléthorique, exigeant des travaux d'aménagement au coût l'emportant sur les économies attendues. Il n'y a pas d'étude d'impact véritable. Seul un tour de passe-passe a permis au texte d'aboutir en CMP et d'être promulgué.

Les élus locaux ont récusé votre réforme, faite pour les grands groupes qui feront leurs choux gras des missions que les collectivités ne pourront plus assumer. En abrogeant le conseiller territorial, la majorité sénatoriale permettra à notre assemblée de jouer son rôle constitutionnel, légiférant dans l'intérêt des collectivités et de leurs habitants. (Applaudissements à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois.  - Le temps est venu de ramener un peu de calme et de sérénité dans le paysage local, après ce que je qualifie de « paquet territorial » associant la réforme de la taxe professionnelle, les nouveaux schémas territoriaux et la création du conseiller territorial.

Que cache tout cela ? Quel est cet être hybride, qui précède... la suppression des départements ? Il faut au moins un débat clair ! Vos arrière-pensées suscitent bien des angoisses et des inquiétudes.

Nous avons des désaccords, mais aussi une différence de méthode : nous préférons la concertation au passage en force du Gouvernement. Les élus de l'ancienne majorité sénatoriale ont même vu les députés et le Gouvernement escamoter une partie de leurs propositions.

Nous voulons une remise à plat. La proposition de loi Sueur laisse à chacun le soin de s'engager dans l'intercommunalité en toute connaissance de cause. Nous supprimons aujourd'hui le conseiller territorial et demain, à l'occasion des états généraux des élus locaux, nous voulons préparer une réforme qui s'appuie sur une réflexion globale, une mobilisation de tous les élus locaux pour construire l'avenir au lieu de demeurer dans l'attente.

Préservons notre système politique de cet OGM qu'est le conseiller territorial. L'enfant ne pouvait survivre vu les conditions de sa conception...

Les arguments avancés en faveur du conseiller territorial étaient tous d'ordre économique, mais ils ne résistent pas à l'examen ! Le Gouvernement avait promis d'abords 70 millions d'euros d'économies, ramenés à 45 -plutôt une quinzaine en réalité, puisque vous avez dû augmenter le nombre d'élus sous la pression du Conseil constitutionnel. Résultat : l'aménagement des hémicycles atteindrait 600 millions d'euros.

M. Bruno Sido.  - Au moins !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Certaines assemblées accueilleront plus de 300 élus !

En créant un conseiller territorial, à la jointure de la région et du département, vous prétendiez résoudre des problèmes de compétences. Si ces problèmes existent, réglons-les. En tout cas le conseiller territorial ne le fera pas ! On nous accuse de mettre à bas la réforme de la décennie et on nous oppose l'exigence démocratique : est-il plus démocratique de voter une fois au lieu de deux ? Sur quel bilan et quel programme ? Que deviendra la proximité ? Les maires des petites communes ont bien compris les conséquences de la création du conseiller territorial avec l'extension de la circonscription.

Parité ? La proportionnelle dans les conseils régionaux l'a fait progresser. Le seul moyen de la faire avancer encore, c'est de modifier les règles applicables aux partis politiques, mais je n'aurai pas la cruauté de rappeler les pénalités financières infligées à certains, plutôt à droite...

Le conseiller territorial n'est pas la bonne solution : après deux censures du Conseil constitutionnel et trois lectures dans chaque assemblée, il n'a toujours pas convaincu. Il est temps de mettre fin à cette situation ubuesque.

« Je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, vivent les rats », selon la formule attribuée à une chauve-souris par La Fontaine. Aujourd'hui, mieux vaut se débarrasser de cet étrange animal hybride.

Je proposerai un amendement rédactionnel. J'espère que le Gouvernement par respect pour le Sénat, inscrira le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale... (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - En raison de la Conférence des présidents, et pour permettre au président de la commission des lois d'entendre la réponse du ministre, je vais suspendre la séance.

La séance est suspendue à 19 h 25.

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présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.