SÉANCE

du vendredi 9 décembre 2011

39e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Gérard Le Cam.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Repos dominical (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical. Nous entamons la discussion des articles.

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

Avant l'article premier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant leur examen en commission en première lecture dans l'assemblée à laquelle appartient leur auteur, les propositions de loi des membres du Parlement qui entrent dans le champ défini au premier alinéa font également l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une négociation entre ces organisations. Les modalités de mise en oeuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée. »

Mme Catherine Procaccia.  - Cet amendement vise à étendre le principe de concertation préalable avec les partenaires sociaux défini par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, dont je fus la rapporteure au Sénat, aux propositions de loi d'origine parlementaire.

Nous profitons de l'occasion pour introduire cette disposition, qui a été approuvée par les partenaires sociaux, dans le code du travail.

Les dispositions en vigueur ne leur permettent pas de se saisir d'un texte d'origine parlementaire. L'avis du Conseil d'État peut déjà être sollicité, signe d'un début de convergence. De même, un protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux a été élaboré par les assemblées, à l'initiative de la majorité -on sait que la gauche, voir les 35 heures, tend à s'exonérer de ce type de consultation. J'invite donc la majorité sénatoriale à adopter cet amendement puisque M. Ayrault a fait adopter une proposition de loi en ce sens à l'Assemblée et que Mme Le Texier l'avait demandé en 2007. J'espère un consensus.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure de la commission des affaires sociales.  - Cet amendement est, vous le savez, un cavalier. Avant d'inscrire cette disposition, il faudrait faire le bilan du protocole conclu en 2009 à l'initiative du président Gérard Larcher et appliqué à titre expérimental. Une question, madame Procaccia : avez-vous mis en oeuvre ce protocole sur la proposition de loi Warsmann 4, dont vous êtes la rapporteure ? Une vingtaine d'articles sont pourtant concernés...

Je vous invite à rédiger une proposition de loi pour l'adoption d'une telle disposition.

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.  - Le Gouvernement est totalement favorable à cet amendement, qu'il ne considère pas comme un cavalier puisque la proposition de loi est de nature sociale.

M. Ronan Kerdraon.  - Voilà un amendement cavalier... Je fais observer que nous avions, à l'époque où le président Larcher était ministre du travail, mis en garde contre le risque de voir le Gouvernement solliciter des propositions de loi pour éviter le passage par le dialogue social.

Un protocole a depuis été signé. Et une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale : inscrivez-là à notre ordre du jour, c'est une meilleure voie. Cessons d'adopter des dispositions d'importance au débotté, au détour d'amendements : nous ne voterons pas celui-ci.

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - Si l'intention est noble, nous nous étonnons que la disposition soit présentée sous forme d'amendement et non de proposition de loi. Il est paradoxal de prôner plus de dialogue et de procéder par voie d'amendement, c'est-à-dire la seule voie qui n'exige aucun formalisme...

Quid, madame Procaccia, de la proposition de loi Warsmann sur la simplification du droit, qui autorisera un employeur à faire travailler ses salariés 48 heures une semaine et 10 la suivante, sans qu'ils puissent refuser ? C'est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation et il n'y a eu aucune concertation, à moins que vous ne considériez comme telle la simple transcription dans la loi des propositions du Medef !

Mme Isabelle Debré.  - Il est primordial, dans une démocratie, d'établir un dialogue constant entre les élus et les représentants socioprofessionnels. La loi votée il y a trois ans, en fixant les responsabilités de chacun, a structuré utilement les relations contractuelles. Un agenda social, feuille de route annuelle, est, en outre, élaboré depuis 2007 avec les partenaires sociaux. Nous préférons un compromis constructif à l'affrontement stérile. Il s'agit ici de pousser plus loin, en allant au bout de l'innovation introduite à l'initiative de la majorité gouvernementale, qui vise à étendre l'obligation de négociation préalable aux propositions de loi. Ce n'est pas ainsi qu'avait procédé la gauche dans la malheureuse affaire des 35 heures. Lors de l'examen de la loi Mallié, Mme Le Texier avait déposé un amendement quasi identique : vous ne vous en étiez pas offusqués. Nous reprenons, en somme, son initiative. Le protocole Larcher, je le rappelle, reste expérimental. Mme David avait demandé qu'il puisse « évoluer », pour ne pas mettre les groupes dans l'impossibilité de profiter d'une niche parlementaire. Dont acte. Nous ne la suivons pas. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - L'obligation introduite il y a trois ans par la loi de modernisation du dialogue social d'une concertation préalable à l'examen de tout texte de nature sociale fut une avancée symbolique et qui a permis d'aboutir, dans le consensus, à de grandes réformes : modification des règles de la représentation syndicale, rupture conventionnelle du contrat de travail. Étendre cette obligation aux propositions de loi constituerait une nouvelle avancée et la marque de notre volonté d'écoute et de respect mutuels. Il est vrai que vous n'en êtes pas les champions : les 35 heures ont été imposées d'en haut, par la loi. Vous récidivez aujourd'hui. (Applaudissements à droite)

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l'adoption 134
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Article premier

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Les malentendus sur le travail dominical s'expliquent par une vision idéologique et désuète : le choix est le propre de la démocratie, à condition qu'il soit libre et éclairé. La société française s'est transformée : la perception du repos du dimanche est mise à l'épreuve d'une nouvelle socialité. Les 35 heures n'ont-elles pas produit des effets sur le mercredi et le vendredi ?

La loi Mallié, validée par le Conseil constitutionnel, en prenait acte. Le dimanche n'a plus le monopole du repos. Nombre d'artisans et de commerçants, notamment dans l'alimentaire, travaillent le dimanche matin. Même chose dans les services publics, auxquels les Français sont très attachés.

Une société habituée au confort des services, une société de loisirs poussent naturellement au travail du dimanche, jour aussi actif que les autres, pour les horaires et la consommation.

J'ajoute que le dimanche n'est plus considéré comme le jour du Seigneur : il devient difficile de défendre sa sacralité dans une société éloignée des pratiques religieuses. Le dimanche est souvent un jour de solitude : à Paris, un ménage sur deux est composé d'une personne seule.

Loisirs, tourisme, consommation : le repos des uns génère l'activité des autres. Les 35 heures ont favorisé cette évolution. Le travail du dimanche, dès lors qu'existent des mécanismes de compensation, ne peut plus rester, à cette aune, un tabou : je voterai contre cet article.

M. Jean Desessard.  - Dans l'intérêt des familles, de tous les citoyens, nous soutenons ce texte. C'est à la suite d'une grève générale, en 1906, que fut énoncé ce principe, que la loi Mallié de 2009 a entamé, au nom de l'adage sarkoziste « travailler plus pour gagner plus ». Résultat : les conditions de travail se dégradent. Dans le contrat, la subordination du salarié est la règle : on est loin du volontariat. Le travail du dimanche, en particulier dans la grande distribution, nuit à la santé, à la vie familiale, à la vie sociale. Le dimanche est un temps de repos commun, au bénéfice de tous. Je voterai cet article.

M. Pierre Charon.  - Je m'étonne que cet article émane d'une initiative communiste. Dies dominicus : jour du Seigneur, le dimanche fait référence aux assemblées des premiers chrétiens. Quand on connaît les rapports entre les communistes et l'Église...

Mme Annie David, rapporteure.  - Communiste et chrétien, c'est donc pour vous incompatible ?

M. Pierre Charon.  - Il est vrai qu'ils ont toujours eu le goût du dogme et des célébrations liturgiques. Vous auriez pu, au moins, rebaptiser le dimanche jour de l'humanité.

Le repos du dimanche a toujours souffert de nombreuses dérogations. Ainsi, dans le secteur public. Le combat est celui de l'emploi. D'où vous vient le zèle sacralisant ? Revenir sur le travail du dimanche est une idée de riche et la France n'en a pas les moyens. Paris, en tout cas, vit au rythme du monde et ne pourrait plus supporter les procédures sans fin de dérogations à la fermeture du dimanche. Nous ne voterons pas cet article.

Mme Catherine Procaccia.  - Le législateur a le devoir de prendre en compte les évolutions de la société. Du reste, bien des dérogations existent déjà. Ce fut le cas dès 1906, on en dénombrait déjà beaucoup en 1913.

Pour répondre aux nouveaux modes de vie, la loi Mallié de 2009 a prévu de nouvelles dérogations. Il y en a aujourd'hui plus de 180, sans compter les dérogations préfectorales. L'arrivée d'internet a profondément changé la consommation : fermer le dimanche, c'est souffrir de sa concurrence. Les commerces de proximité doivent pouvoir ouvrir le dimanche.

Mme Annie David, rapporteure.  - La loi Mallié les pénalise !

Mme Catherine Procaccia.  - Voyez nos banlieues : c'est l'absence d'animation, de vie qui conduit à la violence. (Exclamations à gauche) Interdire le travail du dimanche est contraire à nos valeurs républicaines. Le dimanche, c'est le jour où l'on a plaisir à se réunir en famille et à faire les magasins pour des achats en commun.

Mme Annie David, rapporteure.  - C'est vous qui le dites. Et ceux qui sont derrière les comptoirs ne sont pas, par définition, en famille.

Mme Catherine Procaccia.  - Nous sommes, quant à nous, pour le libre choix : nous ne voterons pas cet article.

M. Ronan Kerdraon.  - Je suis stupéfié ! La vie de famille, c'est donc pour vous traîner ses gamins dans un chariot de supermarché ? Pour moi, le dimanche, c'est une autre vie de famille, la vie associative, le sport, pas le consumérisme à tout va. D'ailleurs, les Français n'en ont plus les moyens. Et l'ouverture des grandes surfaces le dimanche, c'est la mort du commerce de proximité.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Savary et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Le dimanche est le « premier jour » : celui de la semaine chrétienne et juive. C'est sous Constantin que l'Église a obtenu, au IVe siècle, que le dimanche devienne jour de repos. Mais nous sommes au XXIe siècle. Que faites-vous de la loi de 1905 ? Le principe de laïcité ne s'impose donc plus, pour vous, dans cette matière ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'indigne)

Pour beaucoup de nos concitoyens, il est intéressant, tant pour eux que pour leur famille, de travailler le dimanche. Cela est aussi nécessaire au dynamisme de l'économie : nous demandons la suppression de cet article.

Mme Annie David, rapporteure.  - L'historien Robert Beck rappelle qu'à partir de 1906, le dimanche n'a plus rien de religieux. La loi de sanctification du dimanche, de 1814, tombée en désuétude, a été abolie en 1880 : la réaffirmation du repos dominical, en 1906, est radicalement laïque, pour combattre la fatigue des salariés. Le Sénat a voté cette loi. Le mouvement des employés du commerce s'était alors fortement mobilisé : l'espérance de vie dans cette branche était inférieure à 40 ans pour 45 % d'entre eux ! C'est la mobilisation populaire qui a ouvert cette conquête. La commission est, évidemment, défavorable.

Mme Nadine Morano, ministre.  - On aura compris que le débat est purement idéologique, pour ne pas dire politicien.

Mme la rapporteure fait référence au XIXe siècle : voilà la référence de la gauche qui, au XXI° siècle, refuse de voir les évolutions de la société. Quelles communes ont demandé des Périmètres d'usage de consommation exceptionnel (Puce) ? Deux communes communistes et douze communes socialistes. Il était bon de le rappeler. 250 000 salariés sont concernés, dans 32 Puce, dont Plan de Campagne à Marseille.

Le travail du dimanche fait l'objet de dérogations. Cela est normal. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Mme Christiane Hummel.  - Les dérogations de la loi Mallié n'ont été votées que pour le plus grand intérêt des salariés. Mais vous ne songez qu'à détricoter ce que nous avons construit patiemment en leur faveur. Vous voulez tout déconstruire, même ce qui garantit leur sécurité.

M. Ronan Kerdraon.  - En le chômage ? C ?est la sécurité ?

Mme Christiane Hummel.  - Le dimanche est une journée consacrée à la vie sociale et familiale. Les élus que nous sommes ne font-ils pas travailler les fonctionnaires le samedi et le dimanche, en cette veille de Noël, pour assurer le bien-être de leurs concitoyens ?

Cet article entend interdire toute dérogation au repos dominical. Mais c'est refuser de voir la réalité économique et commerciale. Le principe du repos dominical est bon mais des dérogations sont nécessaires. Pourquoi vouloir faire peur aux gens ? Faire des courses demande du temps. Il faut supprimer cet article. (Applaudissements à droite)

M. Ronan Kerdraon.  - Mme David est toujours au parti communiste, M. Desessard est écologiste et tous ensemble, nous appartenons à la majorité du gauche du Sénat. Il fallait le rappeler à Mme la ministre. On nous fait de longs cours d'histoire qui remonteront bientôt jusqu'à Mathusalem, plutôt que de tirer le bilan de la loi Mallié : pas de garanties apportées au volontariat, explosion des infractions au travail dominical (exclamations à droite), distorsion de concurrence entre les Puce et les autres zones.

Oser affirmer que le lien social se tisse entre les rayons des supermarchés ! Il faut le faire !

Mme Isabelle Debré.  - J'aurais préféré qu'on ne légifère pas. Mais nous avons été obligés de le faire. Pendant des années, on a laissé faire, des habitudes ont été prises et aucune garantie n'était, de fait, assurée aux salariés. Quand j'ai présenté l'amendement en faveur des commerces de meubles, c'était pour favoriser les achats réfléchis. On ne peut pas acheter une chambre d'enfant à l'aveuglette, à la sortie de l'école. Pourquoi les meubles ? Parce qu'il y avait une convention collective, à la différence des commerces de bricolage.

La loi Maillié n'est sans doute pas parfaite mais quel meilleur critère avez-vous pour accorder les dérogations ? Allez-vous remettre en cause les 180 existantes ? Des salariés ont manifesté devant l'Assemblée nationale et à Plan de Campagne pour défendre leur droit à travailler le dimanche. On est dans la défiance, il faut aller vers la confiance. Dans les zones d'intérêt touristique, nous avons obligé à la négociation. C'est une avancée.

Certains commerces d'alimentation connaissent des contentieux, c'est vrai, mais peu nombreux et la loi Mallié est une grande avancée pour les salariés. Les achats du dimanche ne pouvaient, contrairement à ce que vous dites, se reporter la semaine, et de nombreux emplois seraient perdus. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Dominique Watrin.  - Cet article serait une simple déclaration de principe, dites-vous ! Mais M. Mallié lui-même déclarait que le repos dominical était dans l'intérêt des salariés. Il est aussi dans celui des familles : on ne peut déplorer le délitement de la famille et pousser au travail dominical. (M. Ronan Kerdraon approuve) Cette offensive contre le repos dominical n'est pas le fait de ce seul gouvernement, c'est tout un mouvement européen : le libéralisme qui voit dans les droits des freins à l'activité économique. Au nom de quoi, il faudrait toujours réduire davantage les droits des salariés. Cette fois au nom de la laïcité - laissez-la à ceux qui la défendent vraiment !

Face à cette offensive patronale, la résistance s'organise, en France et en Europe, à l'initiative des syndicats. Vies familiale et salariale doivent pouvoir se concilier. Nous voterons contre cet amendement.

M. Jean Desessard.  - Mme la Ministre a dit qu'il s'agissait d'un discours idéologique et politicien. Il faut choisir, madame, c'est l'un ou l'autre. Je penche pour l'idéologie. Celle de la gauche est de défendre les salariés, cette fois en réaffirmant le principe du repos dominical. Vous dites, madame, qu'il faut « faire confiance ». Vous croyez vraiment que, quand on laisse le capitalisme gérer les rapports sociaux, cela va dans l'intérêt des salariés ? C'est tout le contraire. On va vers une exploitation toujours aggravée.

M. Alain Gournac.  - Oh la la ! « L'exploitation » !

M. Jean Desessard.  - Regardez autour de vous : temps partiel, précarité, salaires en baisse. Qui défend les salariés ? Les syndicats et la loi. La loi protège et vous voulez faire confiance aux patrons pour améliorer le sort des salariés. On croit rêver.

Et puis, il faudrait consommer aussi le dimanche ! On est quoi ? Producteurs et consommateurs. Pourquoi pas aussi des acteurs de notre développement personnel ? Vers quelle société voulez-vous nous emmener ?

M. Alain Gournac.  - Une société de liberté.

M. Jean Desessard.  - Cet article n'est pas politicien, il est fondé sur une conception de la société. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - En prévision de Marseille Capitale européenne de la culture 2013, un accord a été signé le 7 décembre, qui prévoit les conditions dans lesquelles le repos dominical pourra être accordé si les effectifs et l'organisation du travail le permettent.

Si l'on généralise l'ouverture des commerces le dimanche, il faudra bien les approvisionner, et donc aussi les grossistes. Si tous les commerces ouvrent, les crèches aussi devront ouvrir pour accueillir les enfants. De proche en proche, tout le monde travaillera le dimanche. (Applaudissements à gauche)

Mme Chantal Jouanno.  - On croirait, à vous entendre, que la loi Mallié a tué le repos dominical. Elle n'a créé que 31 Puce et ne concerne que 10 000 salariés. Personne ici ne veut généraliser le travail le dimanche.

Les écologistes sont favorables à la décroissance, il est donc logique qu'ils veuillent entraver la croissance. Vous suspectez systématiquement le patronat.

M. Ronan Kerdraon.  - Les patrons, pas l'entreprise en tant que telle.

Mme Chantal Jouanno.  - S'il y a eu des excès, des dérapages, le patronat n'a pas de mauvaises intentions par rapport aux salariés.

Pourquoi s'opposer systématiquement au travail le dimanche ? Vous estimez que les politiques seraient mieux placés que les individus pour savoir ce qui est souhaitable. Savez-vous comment se passe la vie des femmes le samedi ? Elles font le taxi pour les enfants, emmènent l'un à son heure de poney, l'autre à son cours de musique. (Exclamations ironiques à gauche) Il faut bien qu'elles puissent faire leurs courses le dimanche.

Mme Chantal Jouanno.  Vous connaissez des mères de famille ? (Exclamations à gauche)

Mme Corinne Bouchoux.  - Ce qui vient d'être dit concerne une catégorie de femmes, un certain milieu privilégié. Qui ici a travaillé le dimanche ?

M. Alain Gournac.  - J'ai payé mes études ainsi !

Mme Corinne Bouchoux.  - Les mamans qui font le taxi, ce n'est pas la règle. Une société de consommation frénétique n'est pas notre tasse de thé. Les courses le dimanche, cela crée aussi du surendettement, de la frustration, une société qui marche sur la tête. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Vous êtes injuste, madame Jouanno.

Personne n'a fait, à gauche, le procès des entreprises. Je vous demande de retirer vos propos.

Mme Chantal Jouanno.  - Assumez vos propos !

M. Jean-Pierre Plancade.  - C'est à vous que je m'adresse.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. Jean Desessard.  - Nous serions pour la décroissance. Mme Jouanno a été ministre de l'écologie, elle devrait savoir de quoi il retourne. Ce que nous disons, c'est que, si l'on ne change pas notre mode de consommation, nous serons condamnés par manque de ressources alimentaires et énergétiques. Nous ne disons pas que nous aurions envie de faire de la décroissance. Nous faisons une analyse politique de la situation du monde, de laquelle nous concluons qu'il faut un autre modèle de développement, avec de la croissance dans des domaines comme le logement et pas pour la consommation des droits matériels.

M. Gournac a travaillé le dimanche ? Que je sache, c'était avant la loi Mallié ! (Sourires) Et vous deviez être bien payé pour pouvoir financer par ce seul moyen vos études. Ce ne serait plus possible.

L'article premier est adopté.

Article 2

Mme Catherine Procaccia.  - Cet article protège les salariés qui travaillent dans les zones touristiques et les Puce. Mais il interdit le travail dominical dans les autres zones, dont il freine ainsi le développement économique. Les attentes des populations ne sont pas les mêmes partout. J'en sais quelque chose dans le Val-de-Marne où 30 % de la population a moins de 25 ans et n'a pas les mêmes habitudes de vie que dans les territoires ruraux. Le centre commercial de Thiais réalise 35 % de son chiffre d'affaires en une seule journée. On ne peut revenir sur les autorisations actuelles.

Cet article manque de pragmatisme juridique et de cohérence. Un centre commercial est créé juste à côté d'Ikéa, qui a toujours ouvert le dimanche, et il a dû fermer au prétexte qu'il n'y avait pas, sur sa commune, d'habitudes de consommation dominicale. Résultat : 80 emplois supprimés. Vous souhaitez que les employeurs proposent à leurs salariés de ne plus travailler le dimanche. C'est possible dans de grandes enseignes comme Leroy-Merlin, pas dans les plus petits magasins.

La vraie liberté, c'est d'avoir le choix, de travailler, de consommer, d'ouvrir son magasin. (Applaudissements à droite)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Cet article rompt avec l'équilibre auquel était parvenue la loi Mallié. Les salariés qui travaillent dans une zone touristique savent qu'ils risquent de travailler le dimanche. (On ironise à gauche) Quand le travail dominical à un caractère exceptionnel, la loi doit protéger les salariés. Pourquoi créer la différence entre des situations diverses ? La loi Mallié a fait ses preuves. La négociation collective fonctionne.

Avant 2009, la majorité des conventions collectives contenaient des contreparties. C'est ainsi que celle des fleuristes prévoyait deux jours de repos consécutifs, dont un dimanche toutes les huit semaines.

Vous voulez casser des dispositifs prévus par la loi de 2009, qui est pourtant protectrice pour les salariés. Il faut prendre en compte le caractère intrinsèquement touristique de certaines zones. Pour ne parler que de ce que je connais, trouveriez-vous normal que la Promenade des Anglais soit déserte le dimanche ? Ou Cagnes-sur-Mer, Vence, Chartres ? Depuis 2009, le travail du dimanche ne s'est pas généralisé. Le groupe UMP ne votera pas cet article. (Applaudissements à droite)

Mme Christiane Kammermann.  - Cet article prétend renforcer les droits des salariés travaillant le dimanche. Mais la loi de 2009 prévoyait déjà des avantages pour ceux qui travaillent ce jour-là.

L'encadrement du volontariat figure aussi dans la loi Mallié. Rien de nouveau, donc. Les choses sont claires : la loi offre de fortes garanties aux salariés. Cet article n'apporte rien. Les dérogations sont encadrées et des contreparties sont prévues.

Le choix des salariés ne serait pas libre, dites-vous ? L'absence de travail n'est-elle pas pire ? Les droits des salariés doivent être respectés, bien évidemment. La loi de 2009 les garantissait. Les accords d'entreprises ont permis de mettre en oeuvre la loi. Grâce aux nouvelles règles de représentativité, ils se concluront désormais au plus près du terrain.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le temps de parole est écoulé !

Mme Christiane Kammermann.  - La loi de 2009 permet une extension limitée du travail dominical. Je voterai donc contre cet article. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - On n'en est pas aux explications de vote, mais aux prises de parole sur l'article...

M. Alain Gournac.  - Seuls 10 000 salariés sont concernés par le Puce. Y a-t-il péril en la demeure ? Comment envisager une croissance basée sur la consommation si vous l'entravez ? Les communes touristiques sont montrées du doigt ; elles ont le mérite d'être animées le dimanche ! Ne découragez pas les commerçants ni les salariés.

En Champagne, il faut ouvrir les caves pour les touristes. Mon collègue Savary vous parlerait du lac Saint-Hubert, un des plus beaux d'Europe. Qu'y feraient les touristes s'ils ne pouvaient s'y restaurer et accéder au parc qui le borde ? (On ironise à gauche) Le repos dominical serait indispensable. Certes, il vaut mieux travailler la semaine que le dimanche et la journée que la nuit. Mais il faut des salariés dévoués pour les services de secours, pour faire vivre le tourisme. Les gardes de médecins sont également nécessaires.

La protection des salariés est indispensable mais on ne peut se passer du travail du dimanche. La déstructuration de la famille à cause du travail du dimanche ? Le chômage est bien plus déstructurant. Plus il y a de travail, plus il y a de richesse. Le travail de nuit n'est pas ce que l'ont fait de mieux pour la santé.

M. Ronan Kerdraon.  - On en sait quelque chose au Sénat !

M. Alain Gournac.  - Pourtant, il en faut ! Il en va de même pour le travail du dimanche. Cette proposition de loi est dogmatique.

Mme Annie David, rapporteure.  - Le temps est dépassé !

M. Alain Gournac.  - Il ne faut pas la voter. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Cet article témoigne de votre mésinterprétation de la loi Mallié. Elle avait permis l'ouverture du commerce le dimanche dans les zones touristiques et dans les Puce. Ce dispositif avait été validé par le Conseil constitutionnel. Contrairement à ce que vous dites, la loi Mallié ne remet pas en cause le repos dominical. Des dérogations étaient déjà possibles, sans autorisation.

L'OIT épinglerait la France sur le travail dominical, dites-vous ? Pourquoi alors Force ouvrière a-t-elle signé l'accord sur Plan de Campagne ? Vous voulez dicter aux partenaires sociaux ce qui doit figurer dans les accords collectifs. Des oukazes !

Mme Annie David, rapporteure.  - Le temps est dépassé !

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - A Plan de Campagne, la situation est claire et les avantages des salariés nombreux.

M. Ronan Kerdraon.  - Merci patron !

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je souhaite donc la suppression de cet article.

M. Pierre Charon.  - Cette proposition de loi stigmatise les employeurs et les consommateurs du dimanche. Si vous êtes opposés à la consommation ce jour-là, fermez les restaurants ! Vous voulez contraindre les Français à pratiquer du sport ou de la culture le dimanche, plutôt que de consommer. C'est une atteinte à leur liberté. Vous attentez aussi à leur égalité puisque toute la France, première destination touristique du monde, n'est pas classée en zone touristique, même à Paris !

Cet article réaffirme le principe du volontariat. La loi de 2009 prévoyait qu'un refus de travailler le dimanche ne pouvait constituer un motif de radiation de Pôle emploi. Comment prouver qu'un refus d'embauche est dû à un refus de travailler le dimanche ? Le travail dominical permet à certains salariés d'augmenter leurs salaires. Mieux vaudrait que les jeunes puissent travailler le week-end pour se consacrer à leurs études.

Il a souvent été fait référence aux mères élevant seules leurs enfants. Et puis, les enfants ne doivent-ils pas être chez l'autre parent un week-end sur deux ? Le dispositif soulève de nombreuses questions et nous ne pouvons le voter dans la précipitation. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Hummel et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Christiane Hummel.  - Depuis la loi de 1906, le code du travail dispose qu'on ne peut faire travailler un salarié plus de six jours de suite. Pour le travail du dimanche, des dérogations ont existé dès l'origine. La loi Mallié a apporté un équilibre et des garanties. Pourquoi voulez-vous l'entamer sans même une concertation préalable avec les partenaires sociaux ?

Vous n'avez pas le monopole de l'intérêt porté aux familles. Voyez ce qu'avait proposé Mme Debré. Quand le travail du dimanche est exceptionnel, le volontariat du salarié est garanti par la loi ; lorsqu'il fait partie de l'activité intrinsèque de l'entreprise, c'est la négociation sociale qui fixe les contreparties. Vous remettez en cause cet équilibre. L'alinéa 6 de cet article révèle votre mépris du dialogue social, et une drôle d'idée des relations dans l'entreprise. Vous avez une étrange conception de l'entretien d'embauche...

Mme Annie David, rapporteure.  - Et vous du temps de parole...

Mme Christiane Hummel.  - ...sans doute y a-t-il bien longtemps que vous n'en avez pas passé... Contre votre autoritarisme brutal, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Cet article 2 définit les droits et garanties des salariés. Les maques tombent : vous n'en voulez pas. Que demandons-nous ? Tout simplement que dans les communes qui seront ouvertes, les salariés bénéficient de garanties et d'un repos compensateur. On voit bien à qui sont destinées toutes vos déclarations compassionnelles : aux entreprises, et tant pis pour les salariés !

Mme Nadine Morano, ministre.  - Dans les zones et communes touristiques, nous donnons priorité à l'accord collectif, auquel il faut faire confiance. Il n'est pas justifié de réclamer, en cas d'accord, l'assentiment individuel du salarié. Les accords ont fait leur preuve. Et vous excluez les accords d'entreprise, les mieux adaptés à la réalité de terrain. Voyez celui signé chez Kiabi, dans une Puce : les garanties sont là !

Je ne partage pas votre conception du dialogue social. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement de suppression. (Applaudissements à droite)

Mme Isabelle Debré.  - On ne peut jamais donner assez de libertés dès lors que les abus sont sanctionnés.

Pour les jeunes, les étudiants, il est plus utile de travailler le dimanche, où ils sont mieux payés. Les jeunes couples qui ont à faire des investissements, acheter une maison peuvent aussi y avoir intérêt. C'est quand viennent les jeunes enfants que se pose le problème et que l'on a moins envie de travailler le dimanche. La vie est faite d'évolution, d'étapes... Il faut de la souplesse. C'est pourquoi la loi Mallié a encadré les choses. Je voterai donc cet amendement de suppression.

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 165
Contre 171

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Annie David, rapporteure.  - Je reprends l'amendement n°12 rectifié, que Mme Escoffier ne pouvait défendre ce matin.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°14, présenté par Mme David, au nom de la commission.

Alinéa 12

Supprimer les mots :

l'évolution de

Mme Annie David, rapporteure.  - Il s'agit d'alléger le texte.

Mme Nadine Morano, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public sur l'article.

Mme Isabelle Debré.  - Les scrutins publics se suivent rapidement... La gauche manque de sénateurs sur ses bancs. Je demande une suspension pour préparer les bulletins.

La séance, suspendue à 11 h 45, reprend à 11 h 50.

A la demande du groupe CRC, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 171
Contre 165

Le Sénat a adopté.

Article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Kammermann et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Christiane Kammermann.  - Cet article remet en cause la possibilité de faire ses courses le dimanche dans les commerces de détail jusqu'à 13 heures, pratique validée par la loi Mallié à la plus grande satisfaction des commerçant et des consommateurs.

L'article réserve la faculté d'ouverture aux commerces de moins de 500 m². L'intention est louable, puisqu'elle vise à défendre le petit commerce, mais n'est pas adaptée.

Cet article est malvenu, tant au plan économique, en cette période de crise, pour les commerces d'une surface supérieure à 500 m², que pour les consommateurs, qui ont pris l'habitude de faire leurs courses le dimanche. La loi Mallié a veillé à protéger le petit commerce : nous sommes donc défavorables à cet article.

Mme Annie David, rapporteure.  - Défavorable à l'amendement.

Mme Nadine Morano, ministre.  - Le Gouvernement est favorable. Il est louable de vouloir protéger les petits commerces de centre-ville mais on se trompe ici de débat. La loi de 2009 est une loi d'équilibre : les grandes surfaces ne peuvent ouvrir que jusqu'à 13 heures et les abus sont sanctionnés -108 procès-verbaux dressés en 2010 dans Paris intra muros.

M. Ronan Kerdraon.  - Il n'y a jamais de mauvais moment pour bien faire. Les supermarchés qui vendent majoritairement de l'alimentation peuvent, depuis la loi de 2009, ouvrir le dimanche matin : ils font concurrence aux petits commerces alimentaires mais aussi dans d'autres secteurs. On le voit dans les Côtes-d'Armor. Dans les zones non touristiques, le besoin n'est pas avéré.

Il faut recadrer les choses : c'est pourquoi j'ai proposé un amendement en ce sens, qu'a adopté la commission. Le seuil de 500 m² est suffisamment important pour permettre partout l'ouverture des supérettes réellement alimentaires. La plus grande entreprise de France, soit l'ensemble de nos commerçants et artisans, ne pourra que s'en satisfaire.

Mme Isabelle Debré.  - Je m'étonne de voir que nos collègues de gauche ne sont pas là pour défendre leur propre proposition de loi ; ils sont contraints de multiplier les scrutins publics. Chapeau bas cependant à mes collègues femmes du groupe CRC... Pour la loi Mallié, l'hémicycle était plein. Je regrette de le voir vide aujourd'hui, sur un tel débat de société. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Je vous fais observer que nous sommes, en cet instant, plus nombreux que vous : il n'y aura pas de scrutin sur cet amendement. Et dois-je vous rappeler que vous avez, quand ce texte a été mis à l'ordre du jour, pratiqué une obstruction féroce, déposant en particulier deux motions de procédure, ce qui est sans précédent. Nous ne l'avons pas fait sur les textes que vous présentez dans vos niches. Il était bon de rappeler pourquoi ce débat a été découpé en tranches et pourquoi nous sommes là -et certains ont dû venir de loin- ce vendredi matin.

M. Jean Desessard.  - Je vous fais observer que les membres du groupe CRC sont ici très nombreux et que tous les partis de la majorité sénatoriale sont représentés. Vous voici dans l'opposition : cela vous rend, d'un seul coup, beaucoup plus bavards... Alternance...

J'ajoute que le scrutin public, tel qu'il est pratiqué ici, n'est pas constitutionnel. Peut-être y aura-t-il un jour une réforme pour que les présents seuls votent avec une seule délégation de vote par personne. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Je remercie les sénatrices du groupe UMP d'être là : elles sont aujourd'hui majoritaires. Pour le reste, M. Desessard a dit ce qu'il en était de l'alternance...

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas défendu.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - La majorité présidentielle prend toutes les mesures nécessaires à la croissance. Voyez le projet de loi de finances pour 2012. Rendre possible le travail du dimanche, sur la base du volontariat, en fait partie. Comment peut-on interdire à quelqu'un de travailler le dimanche s'il le souhaite ? Le texte de 2009 est clair. Vous montez en épingle quelques dérives, dûment sanctionnées puisque la loi prévoit déjà que le refus du salarié ne saurait le pénaliser, ni à l'embauche, ni dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.

La possibilité de travailler le dimanche ne saurait donc être assimilée, ainsi que vous le faites, à un esclavage moderne. Comment peut-on autoriser l'ouverture de certains magasins et pas d'autres ? L'égalité entre salariés et entre concurrents est rompue. D'ailleurs, comme les salariés, les consommateurs sont favorables à l'ouverture des commerces le dimanche. La loi doit soutenir les efforts des entreprises pour traverser la crise.

M. Alain Gournac.  - L'article 3 nie les réalités économiques. La situation antérieure à la loi Mallié était pire, lorsqu'entreprises et salariés étaient fragilisés. Le Cese, le Conseil d'analyse économique, s'y accordent : si l'équilibre est difficile à trouver, la faculté d'ouvrir le dimanche présente, aux plans économique et de l'emploi, bien des avantages. Et n'oublions pas que 77 millions de touristes ont visité la France en 2010.

Avant la loi Mallié, le nombre et la complexité des dérogations prévues par la loi étaient sources de contentieux. Le rapporteur du Cese insistait, en 2007, sur le lien entre insécurité juridique et fragilité économique. D'où notre opposition à cet article 3. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Cayeux et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Christiane Kammermann.  - La loi prévoit que le préfet peut étendre à plusieurs établissements de la même localité l'autorisation d'ouverture accordée à un établissement, à condition qu'ils exercent la même activité et accueillent la même clientèle. L'article 3, en remettant cette disposition en cause, nie les réalités économiques des territoires. Il accroît le risque de créer des situations de rupture d'égalité entre commerces et d'engendrer une multiplication des contentieux.

Mme Annie David, rapporteure.  - Les commerçants cherchent à obtenir des dérogations en mettant en avant celles dont bénéficient leurs collègues alentour. L'administration n'est pas toujours insensible à leurs arguments, comme on l'a vu en Ille-et-Vilaine. Le législateur doit indiquer clairement que le respect du repos dominical n'est pas en soi constitutif d'une distorsion de concurrence. Défavorable.

Mme Nadine Morano, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

Mme Christiane Kammermann.  - En pleine crise, préserver la stabilité des entreprises des zones touristiques doit être pour nous un impératif. Supprimer les dispositions introduites par la loi Mallié, c'est rétablir des distorsions de concurrence, c'est supprimer des milliers d'heures de travail, au détriment, bien souvent, des jeunes et des étudiants.

Selon le rapport Méhaignerie, 50 000 commerces et 250 000 emplois seraient concernés. Le Gouvernement a demandé une évaluation de l'impact économique de la loi de 2009 : il n'est pas sérieux, tant que nous n'en disposons pas, d'adopter un texte qui va détruire des milliers d'emplois. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - La commission est défavorable. Si nous revenons sur la loi Mallié, c'est qu'elle a élargi au-delà du raisonnable les dérogations dans les zones et communes touristiques. Nous y revenons, pour les proportionner à l'objectif poursuivi : accueillir les touristes dans de bonnes conditions dans les zones concernées.

Mme Nadine Morano, ministre.  - Favorable. Un exemple suffira. Il n'est pas compréhensible d'autoriser un vendeur de lunettes de soleil à ouvrir et de l'interdire à un vendeur de lunettes de vue. L'insécurité juridique pour les entreprises, les salariés, les consommateurs a disparu avec la loi de 2009. Avez-vous pensé aux 250 000 salariés concernés ?

Mme Catherine Procaccia.  - Mme la ministre a démontré que l'on en reviendrait à la situation ancienne et elle a repris l'exemple des lunettes de soleil, cher à M. Bertrand. On pourrait en prendre bien d'autres.

Les touristes ont changé, ils viennent toute l'année. Faut-il qu'ils trouvent des magasins portes closes ? Avec cet article, il en est fini de la sécurité juridique voulu par la loi Mallié. J'ai vraiment du mal à vous suivre... Vous êtes nostalgiques du passé. Vous voulez revenir en arrière ou faire du sur place... Les bras m'en tombent.

Le comité de suivi a démontré que les solutions les plus favorables aux salariés ont été mises en place.

Mme Christiane Hummel.  - Sénateur du Var, je vous rappelle que ce département est le plus touristique de France.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Paris, qui est département !

Mme Christiane Hummel.  - Il accueille des touristes toute l'année. Comment vais-je expliquer aux salariés qu'ils ne pourront plus travailler ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Votre comportement, madame Borvo, est bien dommageable...

Mme Annie David, rapporteure.  - Caricature ! Une fois de plus...

M. Jean Desessard.  - Nous ne sommes pas opposés au travail du dimanche mais toutes les professions ne doivent pas travailler ce jour-là.

Mme Isabelle Debré.  - On ne dit pas ça !

M. Jean Desessard.  - Comme l'espace est fait de multiples paysages, le temps est fait de moments différenciés. Mais vous voulez gommer toutes ces différences. Du lundi au dimanche, ce ne sera plus rien que morne plaine... Dans la vie, le temps demande à être différencié en moments spécifiques qui appellent la prévision. Mais vous voulez une société anonyme, dépersonnalisée, grise.

Mme Laurence Cohen.  - Une société par actions !

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

Mme Christiane Hummel.  - Cet article est directif, voire contraignant. Circulez, il n'y a rien à voir, dites-vous en quelque sorte...

Depuis la loi Mallié, les demandes de Puce ne se sont pourtant pas accélérées. Et vous voulez les supprimer. Voulez-vous en revenir à la situation illégale antérieure ? N'êtes-vous pas les représentants des collectivités territoriales ? Il ne s'agissait que d'adapter le droit aux réalités du terrain, en privilégiant le volontariat.

Nombre de maires socialistes et communistes ont voulu des Puce. Et que dire des salariés qui veulent travailler le dimanche ? Les consommateurs plébiscitent l'ouverture dominicale. Croyez-vous qu'ils viendront dans les magasins le lundi ?

Pourquoi ne pas attendre la publication du rapport d'évaluation de la loi ? Vous recréez de l'insécurité juridique. Nous ne pouvons l'accepter. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Gilles et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Cet article empêche de nouveau recours au Puce.

Avec la loi Mallié, il ne s'agissait pas de généraliser le travail du dimanche mais de l'encadrer. Vous voulez dicter aux partenaires sociaux ce qui doit figurer dans les accords. Nous n'avons vraiment pas la même culture. Pourtant, douze maires socialistes et deux maires communistes ont demandé à bénéficier du Puce. Pourquoi renoncer à améliorer le revenu de nos compatriotes ?

Mme Annie David, rapporteure.  - Défavorable.

Mme Nadine Morano, ministre.  - Favorable. Le texte initial supprimait purement et simplement les Puce. La gauche, gênée, est revenue sur sa position. Elle a compris, heureusement, qu'il ne fallait pas supprimer les Puce existants. Des demandes de création de Puce ont été, depuis 2009, déposées et nombre d'entre elles refusées. Le Gouvernement est donc défavorable à cet article. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - Mme la ministre a tout dit. Cet article 5 poserait de graves problèmes aux Puce.

Le commerce par internet n'est pas fermé le dimanche. Pensez à ces personnels derrière leurs écrans, qui travaillent sur des plates-formes téléphoniques. Y avez-vous songé, madame la rapporteure ? L'achat par internet est loin de développer le lien social : je lui préfère, de loin, l'animation de nos centres commerciaux. Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme aux libertés la loi Mallié. Les Puce ne sont pas ouverts partout, puisque dix-sept demandes ont été refusées. Le groupe UMP ne votera pas cet article.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Bruguière et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Cet article traite des communes touristiques. Nous ne saurions l'accepter, d'autant que les demandes, depuis 2009, n'ont pas augmenté. Il n'y a que cinq zones touristiques de plus depuis cette date. Cet article remettrait en cause l'équilibre trouvé entre salariés et consommateurs.

Mme Annie David, rapporteure.  - Cet amendement aurait dû tomber avec l'adoption de l'article 2. Avis défavorable.

Mme Nadine Morano, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Lorrain et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Christiane Kammermann.  - Cet article est de coordination avec l'article 4. Nous y sommes donc opposés. Avant 2009, les possibilités de dérogation ne répondaient pas aux réalités commerciales.

La France est un pays touristique. Notre patrimoine culturel est un véritable joyau. (M. Jean Desessard ironise) Il faut le rappeler, monsieur le sénateur !

Les touristes qui viennent le week-end en France doivent pouvoir consommer. D'ailleurs, le Cese l'avait demandé. N'invoquez pas, de grâce, la généralisation du travail dominical ! Nous refusons le retour au droit antérieur qui a montré ses limites. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Avis défavorable. Cet article prévoit des consultations obligatoires, qui existaient déjà dans le code du travail. Voulez-vous vraiment supprimer ces consultations ? Il ne s'agit ici que de coordonner certaines dispositions avec ce que nous avons voté.

Mme Nadine Morano, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

L'article 8 demeure supprimé

Vote sur l'ensemble

Mme Isabelle Debré.  - La loi de 2009 mérite d'être toilettée. Je regrette que, pour des raisons politiques ou idéologiques, cette proposition de loi soit examinée aussi rapidement. Le groupe UMP votera contre et je compte sur l'aide de nos collègues députés. (Applaudissements à droite)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Ce texte est trop politicien. La nouvelle majorité a choisi comme stratégie de remettre en cause tout ce qui a été voté depuis cinq ans. En détricotant tout ce qui a été fait, vous portez atteinte à l'image du Sénat et l'opinion publique finira par se demander à quoi il sert. (Applaudissements à droite)

Sur le fond, vous remettez en cause un texte pragmatique, vous revenez sur des assouplissements bienvenus. Je le regrette. La loi Mallié a prévu de tenir compte des particularités dans des zones délimitées. Soucieux que le principe du volontariat fût respecté, M. Maurey avait demandé au Gouvernement de nous fournir des informations sur l'harmonisation des contreparties apportées aux salariés : nous les attendons encore...

A Paris, première zone touristique de France, nous souhaitons que les grands magasins du boulevard Haussmann puissent être ouverts le dimanche. Vous proposez de bloquer les Puce, comme s'il n'y avait aucune évolution de l'activité économique. C'est maladroit et ce texte pourrait avoir des conséquences désastreuses. Faisons confiance à la démocratie sociale.

Nous voterons contre. (Applaudissements à droite)

M. Jean Desessard.  - Merci au groupe CRC pour cette proposition de loi. Comme militant du social, je suis nostalgique du temps du plein emploi, où le code du travail n'était pas attaqué comme le fait le Gouvernement. Aujourd'hui que le chômage est là, il faut des garde-fous sociaux.

Pour l'écologiste que je suis, le débat de ce matin était très intéressant. J'y ai entendu toutes sortes de choses étranges. Que pour préserver le lien social, par exemple, il n'était que d'envoyer tout le monde en famille dans les supermarchés le dimanche ! Consommer et produire toujours plus ! C'est aller à notre perte.

Une redistribution des richesses et du travail est indispensable. Des temps de repos, de loisirs sont donc nécessaires.

Je voterai donc ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Cette proposition de loi tombe à pic. Elle n'a rien d'incongru. Deux ans après la loi Mallié, les lacunes sont connues. Il n'est jamais trop tard pour bien faire...

Il y a bien d'autres chantiers à ouvrir. Le statut de l'auto-entrepreneur ainsi a montré ses limites, voire son illégitimité puisqu'il légalise en somme le travail au noir. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve) Il y a là matière à légiférer, comme nous le faisons ce matin.

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 13 h 10.

*

*          *

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 15 h 10.