Ports d'outre-mer (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État et diverses propositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports.

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Le 26 janvier, la Haute assemblée a adopté le projet de loi en confirmant ses grandes orientations. La CMP est parvenue à un accord. La procédure parlementaire suppose le compromis : je me réjouis du maintien de dispositions introduites par le Sénat, et salue l'excellente ambiance qui a prévalu lors de nos travaux. Les échanges ont été fructueux avec mon homologue de l'Assemblée nationale.

Deux apports importants du Sénat ont été maintenus, liés à la problématique des prix, qui est à l'origine de la crise sociale de 2009. D'une part, la CMP a maintenu une disposition introduite à l'initiative de M. Serge Larcher, qui institue la présence d'un représentant des consommateurs au sein du Conseil de développement des ports d'outre-mer. D'autre part, l'article 2 bis, introduit à mon initiative, a été maintenu. Cette disposition concernant la transparence a une portée symbolique.

D'autres dispositions votées par le Sénat n'ont cependant pas été retenues, ainsi de la modification de la composition du Conseil de surveillance qui aurait renforcé la représentation des collectivités territoriales ; je regrette cette interprétation restrictive de l'article 73 de la Constitution. Ainsi également de la demande de rapports sur la maîtrise des coûts et le port de Mayotte, et de la disposition imposant que les membres du Conseil de développement puissent être choisis le cas échéant parmi les professionnels. La suppression de cette disposition ne remet toutefois pas en cause les initiatives très intéressantes lancées en Martinique.

Cette réforme essentielle est très attendue. Je me réjouis qu'elle entre en vigueur avec plusieurs éléments introduits par le Sénat. Pour organiser sans tarder le transfert du personnel des chambres consulaires et des services de l'État, il convient de désigner les préfigurateurs aussi vite que possible.

Sénateurs et députés se sont agacés de la méthode du Gouvernement, consistant à introduire six articles l'habilitant à transposer par ordonnance six textes européens ; la commission de l'économie du Sénat les avait supprimés, la CMP les a rétablis. Il n'est pas acceptable que le Gouvernement invoque l'urgence alors qu'il est lui-même responsable du retard. Je rappelle que MM. Emorine, Bizet et Longuet avaient dû déposer une proposition de loi pour accélérer la transposition des normes européennes. Par esprit de responsabilité, car nous ne voulons pas exposer la France à de lourdes sanctions financières, nous avons décidé de ne pas nous opposer aux ordonnances de transposition.

Mais des questions de fond demeurent. Pouvez-vous nous confirmer que des dispositions seront prévues pour l'adaptation à l'outre-mer des dispositions relatives à la formation des transporteurs routiers ?

En votant ce texte à l'unanimité, le Sénat montrera une fois encore son attachement à l'outre-mer. (Applaudissements à gauche)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Kosciusko-Morizet et de M. Mariani.

Cette réforme fait consensus et je m'en félicite. Je remercie votre Haute assemblée et son rapporteur pour la qualité des débats. On ne peut tout obtenir en CMP, chacun doit faire un pas. Je remercie le président Raoul pour sa participation constructive à la recherche du consensus.

Cette réforme marque une étape cruciale pour la compétitivité de nos ports ultramarins ; elle est essentielle pour leur meilleure intégration dans leur environnement régional et pour leur développement. Les échanges sur ce projet de loi ont principalement porté sur la gouvernance des ports, le contrôle des prix et les ordonnances. La CMP a abouti à une vision partagée qui soutient l'équilibre de la réforme voulue par le Gouvernement.

Un représentant des consommateurs siègera au sein du conseil de développement ; les observatoires des prix et des revenus sont consacrés ; les collectivités territoriales accueillant un port sur leur territoire formuleront un avis sur la nomination de personnalités qualifiées au conseil de surveillance. Sur ce dernier point, je relève que les chambres consulaires sont des établissements publics nationaux qui ne peuvent être soumis à la tutelle des collectivités territoriales : il y a là un risque d'inconstitutionnalité.

Président de commission, je me suis battu pendant 25 ans contre les rapports, je comprends que celui portant sur l'évolution du port de Mayotte ait été refusé. Mais le Gouvernement sera vigilant ; et votre commission sur l'application des lois peut jouer son rôle.

Le travail des préfigurateurs permettra de mettre en oeuvre la réforme au plus tard le 1er janvier 2013, ce qui suppose la rédaction de sept décrets.

Je me félicite de l'attitude responsable des membres de la CMP, qui ont réintroduit les six articles de transposition. La France pourra ainsi honorer ses engagements européens et éviter de lourdes sanctions financières. Le Gouvernement va ainsi pouvoir publier très rapidement ces ordonnances, notamment celle étendant aux conducteurs routiers indépendants les règles en matière de temps de travail applicables aux travailleurs salariés.

Je souhaite enfin, sur la base des éléments présentés par M. Jean Leonetti lors du conseil des ministres du 27 juillet 2011, que soit renforcée à l'avenir la participation du Parlement au processus d'intégration du droit européen. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - En 2008, la réforme des ports a laissé de côté les ports d'outre-mer, en raison de la disparité de leurs statuts. À l'heure où 90 % du commerce mondial se fait par voie maritime, la France méconnaît les atouts dont elle dispose. Il n'est pas trop tard pour les faire valoir, le déclassement des ports français n'est pas une fatalité. Le groupe UCR approuve l'extension de cette réforme aux ports ultramarins. On a attendu quatre ans pour mettre les ports d'outre-mer au diapason ; il eût été possible d'aller plus vite, sans négliger les spécificités locales, comme le permet l'article 73 de la Constitution. Le choix du maintien des établissements publics nationaux illustre ces spécificités. Pendant quatre ans, la compétitivité de ces ports s'est dégradée, alors que le trafic transitant par Panama ne cesse de croître.

Je salue la réforme de la gouvernance et la clarification des missions de ses organes. Je me félicite que la CMP ait soutenu la consécration de l'Observatoire des prix et des revenus, dont les missions sont étendues à l'analyse des coûts de passage portuaires.

Ce texte autorise en outre le Gouvernement à transposer six directives par ordonnance. Ces cavaliers législatifs avaient été supprimés par la commission de l'économie. Je salue leur rétablissement par la CMP, car les directives conditionnent la création d'un espace européen des transports. C'est une opportunité pour nos services logistiques. Les transports de marchandises représentent un enjeu économique et écologique crucial. En outre, la France n'a pas les moyens de verser à Bruxelles des amendes pour non-transposition de directives.

Le groupe UCR votera ce texte. (Applaudissements au centre)

M. Patrick Ollier, ministre.  - Très bien !

Mme Cécile Cukierman.  - M. Paul Vergès aurait aimé être présent. La benjamine que je suis s'exprimera au nom du doyen de notre assemblée.

Cette réforme est impatiemment attendue, notamment à la Réunion. Comme l'a souligné la rapporteure, le désengagement de l'État a entraîné l'application de tarifs portuaires sans rapport avec la réalité et en conséquence un renchérissement des prix outre-mer.

L'article proposé par la majorité sénatoriale sur l'Observatoire des prix et des coûts a été maintenu, c'est essentiel. À la Réunion, les compagnies pétrolières engrangent des bénéfices colossaux, mais le prix de l'essence à la pompe ne cesse d'augmenter. Professionnels comme particuliers en sont victimes, en l'absence d'un réseau de transports collectifs développé ; l'abandon du projet tram-train par la présidence régionale sera lourd de conséquences.

La question du coût de la vie outremer est un chantier encore à déblayer ; il faudra bien démanteler les monopoles et les rentes de situation.

Il y a dans ce texte des articles inacceptables, ceux qui visent à transposer par ordonnances des directives européennes. N'ayant rien à voir avec les ports ultramarins, ils tendent seulement à éviter des sanctions financières. Ce n'est pas superflu vu l'état de nos finances, mais il incombait au Gouvernement d'agir plus tôt ! La cohérence du texte est ainsi compromise.

Il aura fallu quatre ans pour voir naître ce projet de loi. Que de retards accumulés ! Nous voterons ce texte, car il est très attendu par les professionnels et les partenaires sociaux. Mais nous tenons à redire qu'il appartient au Parlement de se prononcer sur le processus décisionnel européen. Il en va du respect du Parlement ! (Mme la rapporteure applaudit)

M. Robert Tropeano.  - L'objectif de compétitivité affiché par la réforme de 2008 est encore loin d'être atteint. Je salue l'esprit constructif qui a prévalu pour élaborer ce texte très attendu. Je remercie notre rapporteure, guidée par la volonté d'aboutir, qui l'a amenée à revenir sur certaines positions adoptées au Sénat en première lecture. Ces sacrifices étaient le prix à payer pour porter cette réforme essentielle sur les fonts baptismaux.

Des points très importants de notre vote ont été retenus par la CMP : la présence d'un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement, introduite à l'initiative de Serge Larcher, et l'article 2 bis qui consacre les observatoires des prix. Je comprends que M. Daniel Raoul et Mme Odette Herviaux aient choisi de s'abstenir sur les articles 3 à 8 afin de ne pas faire échouer la CMP, mais le Gouvernement ne peut invoquer l'urgence pour dessaisir les parlementaires de leurs droits, alors qu'il est le seul responsable des retards pris dans la transposition du droit européen. L'article 9 est aussi un cavalier, qui porte un enjeu important, celui des pollutions marines orphelines.

Le rapport de la mission sur les ports d'outre-mer concluait à l'urgence de ces réformes il y a déjà deux ans. Le groupe du RDSE votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Patrick Ollier, ministre.  - Merci !

Mme Leila Aïchi.  - Ce texte ne concerne qu'en partie la gouvernance des ports d'outre-mer : deux articles seulement lui sont consacrés ! La réforme qu'il engage est tardive et insuffisante ; elle ignore les enjeux d'un développement durable et concerté, le respect de l'environnement, l'économie locale. Les ordonnances sont en outre inacceptables.

Chaque département d'outre-mer a ses spécificités, mais tous dépendent de l'Hexagone, pour la consommation comme pour l'énergie. La gouvernance des ports était obsolète ; la direction bicéphale diluait responsabilité et efficacité. Il est aberrant que les concessionnaires aient utilisé les excédents d'exploitation des ports pour financer des aéroports... L'État s'est désengagé. Les ports sont devenus des concessions autonomes sans qu'il s'en offusque. La présence de représentants des consommateurs et l'intégration des collectivités territoriales sont des avancées importantes.

Nous, écologistes, réaffirmons qu'il est nécessaire de penser une autre politique des ports, écologique et solidaire. Les transports maritimes assurent une alternative à la route. Il faute mettre un terme à la dualité État-chambres de commerce et d'industrie.

Cette réforme aurait pu être plus ambitieuse. Il y manque une réforme de la manutention, les enjeux du transfert du personnel ne sont pas traités et on n'y trouve aucun projet stratégique de développement et d'investissement. Nous sommes loin d'une réforme portuaire globale.

L'accord en CMP était cependant nécessaire, mais la réinsertion des articles relatifs à la transposition des directives pose problème. L'urgence européenne est un prétexte pour dessaisir le Parlement, parce qu'il a été incapable d'agir à temps -ou pour éviter le débat... C'est un acte de mépris à l'égard du Parlement.

Les avancées acquises par le Sénat méritent d'être appliquées. C'est pourquoi nous voterons ce texte. N'y voyez, monsieur le ministre, aucun satisfecit quant à votre méthode. (Mme la rapporteure, applaudit)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction adoptée par la CMP.

M. Robert del Picchia.  - Ce texte répond aux exigences de performance et de compétitivité internationale, ainsi qu'aux attentes de l'outre-mer. Je salue l'attitude responsable de la CMP, qui a estimé qu'il y avait bien urgence à respecter nos engagements communautaires dans le domaine des transports maritimes, routiers et aériens.

Le groupe UMP apporte son soutien entier à ce projet de loi.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.