Débat sur la sécurité sociale des étudiants

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la sécurité sociale des étudiants, à la demande du groupe UMP.

Mme Catherine Procaccia, au nom du groupe UMP .  - Il y a un an, je rendais, avec M. Kerdraon, un rapport sur la sécurité sociale et la santé des étudiants, qui a fait grand bruit dans la presse ; les journalistes, qui eux aussi ont des enfants, ont été consternés par la situation. Le rapport nous a valu le privilège de recevoir des e-mails très personnalisés décrivant des demandes d'entente préalable restées sans réponse au bout d'un an, des cartes Vitale attendues durant six mois. Nous n'avons toutefois pas eu l'occasion de le présenter à Mmes Touraine et Fioraso...

Si les étudiants sont globalement en bonne santé, malgré les affirmations de certaines mutuelles, ceux qui le sont moins pâtissent depuis de nombreuses années d'un système défaillant. La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, va plus loin dans les critiques et propose des pistes d'amélioration qui vont dans notre sens. Je suis donc heureuse de l'inscription de ce débat à l'ordre du jour, même si j'aurais aimé en être avertie plus d'une semaine à l'avance... Madame la ministre, vous pourrez ainsi apporter des réponses et rassurer les étudiants et leurs parents. Le Gouvernement doit se saisir de cette question.

Les sénateurs ont posé 217 questions sur les mutuelles étudiantes au Sénat, les députés 460. Impressionnant ! 98 questions depuis le début de l'année au palais Bourbon... À ce rythme, le ministère ne peut se contenter de copier-coller pour satisfaire aux interrogations des parlementaires... (Mme Catherine Deroche approuve)

En 1947-1948, lorsque le système a été créé, le monde étudiant était tout autre ; les étudiants étaient moins nombreux, les études plus brèves. L'informatique et la carte Vitale n'existaient pas, non plus que l'alternance. L'Unef a créé la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef) en 1948, qui a détenu le monopole jusqu'en 1972, sauf en Lorraine. Le scandale de la Mnef n'a pas été isolé ; les mutuelles régionales n'ont pas été épargnées.

Les deux mutuelles existantes, le réseau des mutuelles régionales et La Mutuelle des étudiants (LMDE) offrent des prestations identiques. Elles sont indépendantes. Le système est passé de compliqué à abracadabrantesque... Les règles d'affiliation, qui dépendent de la profession des parents, sont extrêmement diverses ; les allers et retours entre régimes sont complexes à gérer ; les mutuelles commercialisent également des complémentaires santé, ce qui est source de confusion. Nous avons proposé dans notre rapport de lever cette ambiguïté en labellisant la seule activité d'assureur. La Cour des comptes relevait d'ailleurs que l'adhésion au régime complémentaire était financièrement peu avantageuse. Est-il légitime que l'assurance obligatoire finance les complémentaires santé ?

Trois solutions sont possibles pour mettre fin aux dysfonctionnements. La première, la plus sage, est une gestion partagée avec le régime général. On peut douter qu'elle suffise. La deuxième est plus rationnelle, c'est le retour à un organisme unique, pour mettre fin à une concurrence plutôt douteuse. Mais est-ce envisageable pour 2 millions d'étudiants ? La Smerep n'est pas un modèle d'efficacité et l'amélioration de la situation à la LMDE tarde à venir. Quoi qu'en pense mon collègue Kerdraon, je ne crois pas que confier toutes les responsabilités à cette dernière soit opportun. Les préconisations de la Cour des comptes ne vont pas dans ce sens. Et l'existence même d'un régime étudiant spécifique suppose d'affilier plusieurs centaines de milliers de jeunes chaque année.

La troisième solution est la plus simple : supprimer le régime délégué et maintenir l'affiliation des étudiants au régime dont, mineurs, ils dépendaient ; 35 à 40 % des moins de 20 ans demeurent ayants droit, 6 % des étudiants ont une activité salariée et les enfants de cheminots restent affiliés au régime spécial jusqu'à 28 ans. Les systèmes informatiques existent, les coûts de gestion baisseraient.

La Cour des comptes avance une quatrième hypothèse que je qualifierai de mi-chèvre, mi-choux et non de normande pour ne pas froisser le président Dupont (sourires) : donner le choix aux étudiants entre le maintien du statut d'ayant droit de leurs parents et l'affiliation à une mutuelle étudiante. Ce pourrait être une étape transitoire avant la remise en cause du régime délégué. Mais les mutuelles seraient incontestablement déstabilisées. Madame la ministre, nous attendons de savoir quelle solution a votre préférence...

J'ai proposé de nombreux amendements dans le cadre du projet de loi sur l'enseignement supérieur ; deux seulement ont été retenus, visant à renforcer le suivi vaccinal et le renforcement des programmes régionaux de prévention. L'accès à la CMU pour les étudiants en situation de précarité a été favorisé par le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale ; c'est un progrès. Mais les étudiants demeurent affiliés en octobre, alors que la rentrée universitaire a lieu en septembre : avancer leur affiliation d'un mois serait une mesure de bon sens - que le couperet de l'article 40 m'a empêchée de proposer. Les informations sont, en outre, insuffisamment dématérialisées. De plus, je défends le lancement d'opérations de mutations inter-régimes, indispensables au traitement plus rapide des dossiers et à l'envoi plus prompt de la carte Vitale - la plupart des étudiants s'inscrivent dès le mois de juillet. Il est anormal que le régime général n'autorise pas la transmission systématique de certaines informations, comme le nom du médecin traitant.

La ministre de la santé a décidé d'étendre le tiers payant ; il est d'autant plus inacceptable que les délais d'obtention de la carte Vitale atteignent six mois. Je propose de créer un droit opposable à la carte Vitale après deux mois ; un critère de performance, comme le nombre de cartes non envoyées, pourrait être intégré à la convention d'objectifs et de moyens. Autre indicateur possible : le taux de non-remboursement et de non-réponse aux assurés. La Cour des comptes relève que ceux-ci ont une chance sur quatorze de joindre un conseiller au téléphone - et le taux ne s'améliore pas. Il faut développer les services sur Internet, car tout ne peut se faire en guichet et trop de dossiers sont déclarés perdus.

En un an, peu de choses ont évolué, malgré les articles de presse, malgré l'enquête d'UFC-Que Choisir, malgré le rapport de la Cour des comptes. Comment justifier aujourd'hui le maintien d'un régime séparé ? Les 93 millions d'euros économisés pourraient aller à des politiques de prévention ciblées, efficaces et évaluées. Madame la ministre, les étudiants et leurs parents en ont assez. Pensez à eux ! (Applaudissements à droite)

M. Ronan Kerdraon .  - La santé des étudiants nous tient tous à coeur. Les jeunes sont certes moins malades que le reste de la population, mais cela ne justifie pas la dégradation d'un système de sécurité sociale étudiante sans équivalent dans l'Union européenne. La précarité des étudiants s'accroît : 20,3 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté contre 14 % dans la population générale. Ils sont 63 % à considérer que la société ne leur offre pas les conditions nécessaires à leur réussite. Le renoncement aux soins est une réalité : 34 % d'entre eux ont renoncé à se soigner en 2011, contre 25 % en 2005 et 15 % dans la population générale.

Le tiers payant sera généralisé d'ici 2017 ; j'avais proposé d'en faire bénéficier les étudiants dès l'année prochaine, mais les contraintes budgétaires de l'heure ne l'ont pas permis. Dans notre rapport de décembre 2012, Catherine Procaccia et moi-même avions déploré une qualité de service globalement insatisfaisante. L'enquête d'UFC-Que Choisir en septembre 2012 a confirmé nos observations : des délais de remboursement importants et une grande difficulté à joindre un correspondant. Le taux de décrochés, soit le pourcentage d'appels entrants et traités, peut varier du simple au double selon les endroits. Un tiers des nouveaux étudiants sont sans carte Vitale trois mois après leur affiliation.

Le rapprochement entre la LMDE et la MGEN a été un progrès, en particulier sur les activités de liquidation. Mais le processus d'affiliation reste une première cause de difficultés. L'ouverture des droits dès le 1er septembre représenterait une véritable avancée. Les mutuelles étudiantes reçoivent les informations des établissements d'enseignement supérieur et de la recherche dans des formats variable ; le formulaire n'a pas été actualisé depuis trente ans... Ces informations sont traitées selon le bon vouloir des organismes, et la gestion des flux, très saisonnière, est peu efficace.

Il est temps de mettre fin à la concurrence commerciale sauvage que se livrent les deux organismes ; leur fusion permettrait des améliorations tout en conservant l'exigence d'autonomie - la revendication originelle de 1948 reste d'actualité. La fin de la dualité signerait la disparition des surcoûts de gestion - en confiant la liquidation des prestations et le contrôle, voire la gestion de la carte Vitale, à l'assurance maladie.

Le mutualisme étudiant manque des moyens nécessaires en termes de prévention - 1,3 euro seulement par an et par étudiant. Les frais de gestion, quant à eux, s'élèvent à 13,7 % des remboursements, contre 4,5 % dans le régime général. Et au total l'État prélève 13 euros sur 100 euros de cotisations...

L'urgence est la mise en place d'un chèque santé national - certaines collectivités ont montré l'exemple. Laurent Wauquiez l'avait proposé en 2006 et François Hollande a souhaité l'ouverture d'une concertation. L'aide à la complémentaire santé (ACS) peut être un autre levier d'action ; mais les critères d'attribution sont trop restrictifs. En dix ans, le coût de la sécurité sociale étudiante a augmenté de 17 %. Agissons pour enrayer la dégradation de l'état de santé des étudiants, et donc alléger les charges futures qui pèseront sur le régime général.

M. Jacques Chiron.  - Tout à fait !

M. Ronan Kerdraon.  - Les structures d'assistance et de prévention aux étudiants, comme les 59 Services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (Sumpps) que compte notre territoire, sont dépourvus des moyens nécessaires pour remplir leurs missions, et demeurent peu connus : seul 1,9 % des étudiants s'y rendent lorsqu'ils sont malades. De plus, les étudiants en BTS ou en classes préparatoires ne sont pas couverts. D'autres structures sont à la disposition des étudiants, comme les bureaux d'aide psychologique et les services d'accueil des étudiants handicapés. Entre 2000 et 2012, les jeunes handicapés poursuivant des études supérieures sont passés de 7 000 à 13 000. C'est bien, mais nous pouvons, nous devons faire mieux. Les inégalités persistent selon les filières de formation. Des moyens supplémentaires doivent être alloués aux Sumpps. Un rapport d'inspection pourrait être commandé sur ces structures.

Entre parenthèses, la sécurité sociale des étudiants dépend de trois ministères : les affaires sociales, l'enseignement supérieur et l'éducation nationale. Trois ministères pour s'occuper de cet âge stratégique où s'élaborent les pratiques et habitudes de soins. L'ensemble des syndicats étudiants sont mobilisés sur ce sujet où il nous reste bien du travail à accomplir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

M. Gilbert Barbier .  - Le groupe de travail sur la santé des étudiants a auditionné de nombreuses personnes et proposé de nombreuses pistes de réflexion.

La loi du 23 septembre 1948 reposait sur une idée généreuse : étendre aux étudiants le régime de sécurité sociale applicable aux salariés ; un demi-siècle plus tard, le système est devenu inefficace et coûteux. En septembre 2012, l'UFC-Que Choisir, dont on peut parfois critiquer les enquêtes, en avait dressé un constat accablant : les files d'attente aux guichets sont interminables, le remboursement des prestations et le délai de traitement des questions sont démesurément longs. Plus grave, un tiers des nouveaux affiliés attendent leur carte Vitale trois mois après leur inscription et ne bénéficient donc pas du tiers payant. Les dysfonctionnements sont aggravés par la concurrence que se livrent les mutuelles nationales et locales et la confusion volontaire entre sécurité sociale et complémentaire santé. À chaque rentrée, les mutuelles se livrent à une vraie bataille pour attirer les étudiants, qui ignorent pour 37 % d'entre eux le caractère facultatif des complémentaires - qui sont 20 à 30 % plus chères que les complémentaires classiques.

En 2011, les mutuelles ont dépensé 93 millions en frais de gestion, soit 13 % des prestations ! La Cour des comptes s'en est émue. La Cnam a pourtant versé à ces mutuelles, en 2011 et 2012, 54,77 euros par étudiant, contre 44,29 euros par affilié aux mutuelles de fonctionnaires. Nous ne pouvons continuer ainsi.

La question est simple : quel avenir pour la sécurité sociale étudiante ? Faut-il conserver le régime délégué et le confier à une seule structure ? Je ne le crois pas. La Cour des comptes propose une autre solution, la reprise de la gestion de la population étudiante par les caisses d'assurance maladie. Cette solution aurait le mérite d'améliorer la qualité de service et permettrait une économie de près de 70 millions d'euros.

Madame la ministre, vous avez tous les éléments en main. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Corinne Bouchoux .  - Sans vouloir être grandiloquente et politiquement incorrecte, il faut à l'évidence changer quelque chose... La sécurité sociale, disent les étudiants, c'est Kafka. Ils sont 19 % à n'avoir pas de complémentaire, contre 6 % en moyenne dans la population. Les étudiants boursiers sont par définition éligibles à l'ACS mais ils en sont exclus à cause de trois obligations cumulatives : un logement indépendant, l'absence de pension alimentaire de leur famille, et l'indépendance fiscale. À quoi s'ajoutent deux injustices : le montant de la bourse sur critères sociaux est inclus dans l'assiette des revenus pour l'instruction de la demande d'ACS - obtenir une bourse réduit les chances d'obtenir l'aide ; et les étudiants financent eux-mêmes l'ACS dont ils sont exclus.

Des collectivités territoriales ont tenté de pallier les lacunes du dispositif : 7 000 jeunes en ont profité entre 2012 et 2013 dans la région Pays de la Loire. Aline Archimbaud a fait d'intéressantes propositions pour systématiser la demande d'accès à l'ACS. Nous attendons encore l'arrêté qui doit être pris sur le fondement des dispositions votées récemment à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'article 45 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi qu'un décret d'application de l'ANI. Un espoir est-il encore permis en la matière ? La santé des étudiants n'est ni de gauche ni de droite. Leur système de protection sociale doit être inclusif et autant que possible aligné sur le droit commun. Les étudiants vous regardent, madame la ministre, ils comptent sur vous ! (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Deroche .  - Je salue Mme Procaccia et M. Kerdraon pour le rapport de grande qualité qu'ils ont remis l'année dernière. Outre par leur travail, le système a été critiqué par la Cour des comptes et UFC-Que Choisir, ils l'ont rappelé. Les frais de gestion des mutuelles étudiantes ont progressé de 7,3 % entre 2005 et 2011, contre 5 % pour les caisses primaires et leur productivité est moindre. La LMDE connaît de plus un déséquilibre chronique.

Le mode de gestion délégué doit être reconsidéré. Mieux partager les tâches de gestion avec l'assurance maladie est une piste, mais le système demeure encore trop complexe. Ne garder qu'une seule structure fait débat, les co-rapporteurs divergent ; cette solution serait mal perçue par les mutuelles. Elle n'a pas mes faveurs. Enfin, conserver l'affiliation originelle des étudiants paraît radicale mais cela réduirait considérablement les coûts et les délais de traitement des dossiers.

La Cour des comptes l'a d'ailleurs recommandé : 70 millions d'économies résulterait du rapprochement entre le régime de la sécurité sociale étudiante et le régime obligatoire. Cela vaudrait mieux que des solutions transitoires dont on sait qu'elles durent. J'ajoute que la suppression des régimes spéciaux vaudrait pour d'autres mondes que celui des étudiants mais ce n'est pas le sujet du débat de ce soir.

J'espère, en tout cas, que le Gouvernement donnera suite à l'excellent rapport de Mme Procaccia et de M. Kerdraon. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Joël Guerriau .  - Toutes choses égales, la prévention, qui est une priorité depuis 2004, n'est pas suffisamment mise à l'honneur dans le régime des étudiants. En somme, il s'agit de réinjecter un peu d'Orient dans notre système occidental : ne dit-on pas que le médecin chinois est payé seulement lorsque le patient est en bonne santé ? Le dépistage précoce des cancers décuple les chances de guérison, on le sait bien. Il faut donc mettre l'accent sur la prévention pour les étudiants qui n'ont jamais été aussi nombreux : ils représentent dorénavant 36 % des 18-25 ans.

Les Smupps manquent de tout, et l'autonomie des universités a accentué le phénomène puisque, la dotation étant globale, aucun crédit n'est plus fléché vers ce poste de dépense. Ces services sont mal identifiés par les étudiants : un tiers des élèves de licence seulement se présentent à la visite médicale de prévention. Une seule solution : rattacher les Smupps aux Crous.

On pourrait penser que la sécurité sociale étudiante fasse mieux dans le curatif que dans le préventif. Il n'en est rien, l'enquête UFC-Que Choisir a dressé un bilan accablant en septembre 2012. La Mnef, créée par l'Unef, le syndicat socialiste des étudiants, a fait sa mue après le scandale que l'on sait, mais ses performances sous le nom de la LMDE demeurent mauvaises. Pour éviter tout risque de captation politicienne, coupons le mal à la racine et supprimons le régime délégué, unique en Europe. Cela aussi, c'est une mesure de prévention ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - La crise frappe plus durement les jeunes : 34 % d'entre eux sacrifient leur santé à des impératifs économiques et ils sont 19 % à ne pas être couverts par une complémentaire, soit trois fois plus que la moyenne nationale. La loi de 1948 consacrait l'autonomie des étudiants avec la création d'un régime délégué. Nous partageons ce qui était son objectif en soutenant l'idée d'une allocation étudiante. Malheureusement, au nom de l'autonomie, des déviations ont eu lieu : concurrence entre mutuelles, système complexe et transitoire avant d'entrer dans la vie professionnelle, laissant de longues périodes où l'étudiant n'est pas couvert, remboursements trop tardifs...

Alors, quelles réponses ? Elles sont nécessairement complexes car il faut tenir compte des spécificités du monde étudiant. L'enjeu n'est pas tant de supprimer un régime spécial qui, comme tout régime spécial, affaiblit le régime général. Si réforme il y a, elle doit être globale : il faut procéder à l'élection des délégués qui n'a pas eu lieu depuis dix-sept ans, mettre l'accent sur la prévention, faciliter l'accès à la CMU et à l'ACS et exonérer les étudiants de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance.

Voilà les pistes à suivre pour les mutuelles étudiantes et, surtout, les étudiants, un âge important où se forment les habitudes et les pratiques de santé pour toute la vie. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Cartron .  - Le rapport de Mme Procaccia et M. Kerdraon a avancé des réponses fortes. Un tiers des 2,4 millions d'étudiants renoncent aux soins par manque de temps, pour préférer l'automédication, par contrainte financière. Certaines pathologies touchent particulièrement les étudiants : celles liées à des conduites addictives ou le stress qui va augmentant à mesure que le jeune avance dans les études. Le système des mutuelles étudiantes a peu évolué, il peine ; cela a été dit.

Si les jeunes sont majoritairement en bonne santé, les habitudes qu'ils prennent dans cette période charnière sont déterminantes pour la suite de leur existence. Nous devrons être attentifs aux résultats que publiera le nouvel Observatoire de la vie étudiante mardi prochain. Une enquête au long cours, menée par l'Inserm et les universités de Bordeaux III et de Versailles nous apportera des informations statistiques détaillées.

Durant l'examen de la loi sur la refondation de l'école de la République, le groupe socialiste du Sénat a porté de nombreux amendements en matière de santé scolaire. Le plan national pour la vie étudiante prévoit l'ouverture d'une trentaine de centres de santé étudiants dès 2014, qui auront pour mission de prévenir, d'informer et de coordonner les acteurs ; tel est l'enjeu qui est devant nous ! (Applaudissements à gauche)

M. René-Paul Savary .  - Je ne ferai pas entendre une note très différente en remerciant ceux qui nous ont fait rêver -  Mme Procaccia et M. Kerdraon - en proposant des pistes d'amélioration. J'ai modestement participé à quelques auditions. J'y ai découvert que de nombreux étudiants confondent sécurité sociale et complémentaire santé. En matière de prévention, une mesure ô combien symbolique serait d'avancer la date d'affiliation : le 1er septembre. Pour mieux prévenir, il faut des médecins, et, donc, ouvrir le numerus clausus ; ce n'est pas si compliqué que cela.

La prévention à cet âge recouvre l'insistance sur les vaccinations ainsi que l'information sur les pratiques addictives et le binge drinking, la fragilité psychique dans un moment de crise sociétale, le dépistage de maladies comme le sida.

N'y allons pas par quatre chemins : il faut supprimer le régime délégué, former plus de médecins, des médecins préventionnistes formés sur les prédispositions génétiques et la médecine prédictive.

Pour lutter contre la précarité des étudiants, il faut un statut social des étudiants ; je suis sur la ligne de M. Kerdraon sur ce sujet.

Une mission parlementaire, madame la ministre, pourrait vous aider si vous ne pouvez, seule, répondre à tous ces problèmes. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Maryvonne Blondin .  - Félicitations aux rapporteurs pour leur travail très fouillé. En 2011, une enquête menée par la Mutuelle des étudiants auprès de 8 500 étudiants montrait que 19 % d'entre eux n'étaient pas couverts par une complémentaire, soit six points de plus qu'en 2005. Quand on sait que la sécurité sociale ne rembourse plus que 55 % des soins courants, il y a de quoi s'interroger. On risque de voir encore s'accroître les renoncements aux soins optiques, dentaires, gynécologiques. Sans parler de la difficulté d'accéder à la contraception ; certains régimes ont d'ailleurs créé des pass contraception. Mais la santé, c'est aussi la santé psychique : 30 % des étudiants se déclarent déprimés, 26 % se sentent seuls. Cela paraît évident mais disons-le : un étudiant en bonne santé réussit mieux dans ses études. Prenons soin en particulier des étudiants étrangers qui nous font l'honneur de venir dans notre pays ; ils se sentent plus isolés encore.

Le programme budgétaire 231 « vie étudiante » a vu ses moyens croître de 6 %. Hélas, la prévention ne représente que 3 % contre 97 % pour le curatif. Le conventionnement entre les ARS et les Smupps est prévu dans les textes ; il doit devenir réalité, nous avons besoin d'un pilotage de la politique de santé étudiante.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Maryvonne Blondin.  - Un engagement politique fort s'impose, après que notre amendement renforçant le rôle des Crous en matière de santé est mort sur l'autel de la CMP sur la loi relative à l'enseignement supérieur et la recherche.

Qui ne souhaite avoir « un esprit sain dans un corps sain » ? (Applaudissements à gauche)

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci pour ce débat, il n'est pas si fréquent que le Parlement se saisisse de la question des étudiants qui est pourtant essentielle pour l'avenir de notre pays. Merci aux rapporteurs pour leur rapport qui reste d'actualité un an après.

Le Gouvernement s'est saisi à bras-le-corps du dossier concernant les conditions de vie des étudiants. Il a consacré 457 millions d'euros supplémentaires aux bourses afin de combattre les causes sociales de l'échec à l'université. Grâce à un nouvel échelon « 0 bis », plus de 55 000 boursiers recevront une aide de 100 euros par mois qui accroîtra de dix points leurs chances de réussite. La création d'un échelon « 7 » dont bénéficieront plus de 30 000 boursiers particulièrement défavorisés leur donne, avec 550 euros par mois, un niveau de ressources propice pour leurs études. De plus, le budget des aides individuelles annuelles a augmenté de 4,5 millions d'euros pour soutenir les étudiants en rupture familiale.

S'agissant de la santé des étudiants, nous tiendrons l'objectif de trente centres de santé étudiants. Il en existe dix-neuf ; cinq aboutiront bientôt. Nous modifierons leur nom : « Campus santé » sonne mieux que Smupps... J'ai obtenu davantage pour la prévention.

Mme Touraine, dont je vous prie d'excuser l'absence, a pris des mesures, dont le lien automatique entre une bourse sur critères sociaux et l'ACS ou encore l'extension de la CMU aux étudiants en rupture familiale. Beaucoup reste à faire pour améliorer l'accès des étudiants aux soins dentaires, optiques, gynécologiques et psychiatriques, ainsi que pour les dissuader d'abuser du tabac et de l'alcool. Je pense en particulier aux abus imposés lors de ce que l'on n'appelle plus « bizutage » mais « intégration » ; ce sont toujours des actes barbares auxquels il faut mettre fin.

Grâce à l'enquête menée à Bordeaux III et Versailles, nous pourrons préciser notre politique de prévention.

J'en viens au régime lui-même. Les chiffres varient. Quoi qu'il en soit, entre 10 et 20 % des étudiants n'ont pas souscrit de complémentaires et le chiffre grimpe à 40 % chez les étudiants dont les parents gagnent moins de 1 500 euros par mois.

La situation de la LMDE est très difficile : elle n'est plus capable de traiter les dossiers dans des délais acceptables, ni même de répondre au téléphone. Le rapprochement avec la MGEN a permis d'améliorer le service rendu.

Bientôt, l'Igas, l'IGF et l'IGAENR rendront des rapports ; dans l'attente, pardonnez-moi par avance de ne pas vous donner des réponses trop catégoriques sur vos propositions.

Notre pays, et ce n'est pas partisan de le dire, a choisi un modèle unique en 1948 ; celui de l'autonomie des étudiants. Parce qu'elles parlent le même langage, les mutuelles lancent des campagnes de prévention mieux comprises des jeunes : voyez les vidéos pour informer sur le VIH. Mais il est bien difficile de s'y retrouver dans les mutuelles étudiantes ; avant de venir au Sénat, nous avons réalisé un quizz au sein de mon cabinet et nous étions tous bien en peine de dire à quel régime étaient affiliés les étudiants de notre entourage. (Sourires) Le système est complexe. Une complexité qui est accrue pour les étudiants salariés et les doctorants. Il faudra faciliter les passages inter-régimes.

J'ai bien entendu vos remarques sur l'avancement de la date d'affiliation : je m'engage à fixer la date au 1er septembre dès 2014 ! (Applaudissements)

Avec Mme Touraine, je crois qu'il est possible de concilier la riche histoire de la sécurité sociale étudiante et l'efficacité au service des étudiants qui ne justifiera jamais l'immobilisme. La Cour des comptes juge l'actuel duopole superflu et source de confusion. Il faut aller vers quelque chose de fiable, efficace et simple. Le Gouvernement n'a pas l'intention de tergiverser au moment de proposer un service de qualité.

Sur la base de vos propositions et de celles des inspections générales, je vous présenterai au printemps prochain un plan pour améliorer les conditions de vie des 2,4 millions d'étudiants. Il répondra, j'en suis certaine, à vos attentes. Merci pour ce débat constructif et serein. (Applaudissements sur tous les bancs)

Le débat est clos.