Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Discussion générale (Suite)

M. Jean Desessard .  - Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale traduit le pacte de responsabilité et de solidarité, lequel définit l'objectif du Gouvernement : alléger le coût du travail pour relancer l'activité. L'intention est louable... On espère, avec la manne financière de 41 milliards d'euros, CICE compris, accordée aux entreprises, créer 190 000 emplois.

La confiance se construit, elle ne se décrète pas. L'expérience l'a prouvé, les allègements de charges profitent toujours au capital plus qu?au travail. Entre 1993 et 2013, la part de la valeur ajoutée allouée aux salaires est restée stable tandis que celle allouée aux dividendes est passée de 6 % à 14 %... L'impact en termes d'emplois des allègements est peu évident...

Ces allègements seront financés par une réduction des dépenses publiques de 50 milliards d'euros. Là est le paradoxe : comment reconnaître les besoins en matière de santé, de justice, d'action sociale, de dépendance tout en annonçant un plan d'économies sans précédent ?

Les écologistes ne sont pas les seuls à faire cette analyse. Les 50 milliards d'économies, selon la direction du Trésor, devraient entraîner la suppression de 250 000 emplois et coûter 1,4 point de PIB cumulé d'ici 2017, là où le pacte créera 190 000 emplois et produira un gain de croissance de 0,6 point.

Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale prévoit aussi le gel de certaines prestations. Nous nous félicitons de ce que le rapporteur à l'Assemblée nationale ait supprimé celui des aides au logement. Subsiste toutefois celui des pensions de retraites supérieures à 1 200 euros.

Nous ne cautionnons pas une politique de l'offre indifférenciée qui s'accompagne d'une fragilisation des retraités. Les écologistes prônent un autre modèle, la transition énergétique, des incitations ciblées pour favoriser le comportement vertueux des entreprises, une CSG progressive. Il n'y a aucune certitude que les allègements de charges sur les bas salaires créent de l'emploi.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Absolument !

M. Jean Desessard.  - Nous proposons la conditionnalité des allègements de charges, une baisse des cotisations sociales de 500 euros par mois et par apprenti, l'ouverture des emplois d'avenir aux chômeurs de longue durée, une exonération de C3S pour les entreprises qui communiquent sur leur politique de salaire, de dividende et d'optimisation fiscale, la suppression du gel des retraites.

Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale accorde des cadeaux aux entreprises, sans contrôle ni contreparties et affaiblit notre protection sociale. Il ne correspond pas, en l'état, aux attentes des écologistes. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Mon intervention diffère radicalement de celle de M. Desessard. Enfin, après un an de valses-hésitations sur le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le président de la République, une ébauche de mesures nous est présentée, mais à quel prix ? Ce texte parce qu'il ménage la chèvre et le chou, le Medef et l'aile gauche de la majorité, ne peut contenter personne.

Les exonérations de charges sur les bas salaires complètent modestement le dispositif Fillon ; vous ne posez pas le problème d'une véritable réforme de la politique familiale...

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - Que ne l'avez-vous fait auparavant !

Vous supprimez la C3S en vous bornant à un transfert vers le régime général après avoir déplafonné il y a deux ans les cotisations retraite et maladie des travailleurs indépendants. Vous voulez rendre du pouvoir d'achat aux salariés les plus modestes, tout en oubliant que vous avez fiscalisé les heures supplémentaires et alourdi leurs impôts. Tout cela seulement à partir de 2015, alors que notre économie est exsangue, et sans donner aucune indication sur le financement de ces mesures - le rapporteur général lui-même le dit. Soyez tranquilles, nous a dit madame la ministre, on trouvera la solution en 2015 ; il y a un plan, ajoute le rapporteur de la commission des finances. Peu d'éléments concrets, en somme...

Pourquoi ce projet de loi maintenant ? On n'a vu pareille présentation que deux fois en vingt ans ! Pardonnez-moi l'expression, mais il fait pschitt ! On aurait pu en faire l'économie et attendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'automne. Les seules données financières dont nous disposons ne sont pas des économies mais un ralentissement de la dépense. Vous gelez certaines prestations sociales et, en particulier, les retraites des classes moyennes, ce que nous n'acceptons pas. Vous supprimez 160 millions du Fonds de modernisation des hôpitaux - cela ne s'imposait pas. Reste devant nous le fameux plan pour la dépendance - comment sera-t-il financé ?

Nous sommes loin du choc de compétitivité, si nécessaire à la France. Sur les services à la personne, les emplois à domicile, M. Eckert a annoncé qu'il envisageait par décret une modulation de l'abattement. Notre rapporteur général propose un abattement de 1,5 euro, nous voudrions aller plus loin, au moins 2 euros, voire rétablir en partie le calcul au forfait.

Il faudrait aussi favoriser les entreprises innovantes, pénalisées dans la compétition mondiale, en étendant les allègements à trois, voire quatre fois le smic ; réviser le CICE afin qu'il soit accessible aux start-up et non pas seulement à la grande distribution ou à La Poste. La TVA anti-délocalisation que vous avez supprimée, fait son chemin dans les esprits... Il faudrait au moins étudier des augmentations de TVA ciblées et importantes par exemple sur les produits importés. La TVA pourrait aussi favoriser les produits écologiques. Tout le monde sait que c'est la solution, même les ministres des finances de la zone euro qui recommandent un allègement de la fiscalité pesant sur le travail compensé par une augmentation des taxes sur la consommation...

L'autodestruction est une sorte d'autopunition, en réponse à un échec personnel, souvent motivé par un besoin d'attention...

M. Jacky Le Menn.  - De quoi parlez-vous ? De vous-même ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - M. Cardoux donne dans la psychologie !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Après avoir détricoté tout ce qu'avait fait le précédent gouvernement, vous détricotez votre propre ouvrage.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - C'est une obsession...

M. Jean-Noël Cardoux.  - Les emplois d'avenir, le temps partiel, la pénibilité, pomme de discorde avec les partenaires sociaux et usine à gaz que nous avions dénoncée, la loi Alur qui freine la construction de logements, et bientôt, le président de la République l'a lui-même annoncé, les mesures néfastes à l'apprentissage que vous avez votées. Nous avions pourtant tiré la sonnette d'alarme, vous ne nous avez pas écoutés.

Vous réagissez aujourd'hui. C'est bien, mais pas assez vite et pas assez fort. Le groupe UMP s'abstiendra sur la partie recettes, malgré les insuffisances de ce texte. Nous souhaitons que la discussion aille à son terme, mais je crains que nous nous opposions au texte final. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Roche .  - Pourquoi une loi rectificative en 2014 qui ne s'appliquera qu'en 2015 ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - Les retraités !

M. Gérard Roche.  - Ce texte consiste en un double chèque en blanc ; du Parlement au Gouvernement, du Gouvernement aux entreprises.

Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale dépense sans compenser. Il met en oeuvre l'essentiel des mesures de relance du pacte de responsabilité et de solidarité sans financer les pertes de recettes pour la protection sociale. Comment voter ce dispositif sans vision d'ensemble ? Nous sommes censés accepter 7,7 milliards de dépenses sans savoir comment elles seront financées. Madame le ministre, nous ne doutons pas que le budget de l'État les compensera. C'est reculer pour mieux sauter. Comment ces dépenses seront-elles compensées ? Par des économies ou des recettes nouvelles ?

Nous ne pouvons qu'approuver des allégements que nous appelons de nos voeux depuis longtemps. Il faut décharger le travail, ce que font les deux premiers articles du projet de loi. Mais c'est encore insuffisant. À terme, c'est la totalité des cotisations famille qui ont vocation à disparaître.

Quelles économies structurelles ? La suppression des conseils généraux ? Ils ne coûtent pas cher ! Où sera le gain budgétaire ? Et il paraît qu'un sous-préfet est plus important qu'un président de conseil général... (M. René-Paul Savary applaudit vigoureusement ; exclamations sur les bancs socialistes) Mais je m'égare... (Sourires)

Le groupe UDI-UC soutient aussi la suppression de la C3S. Cette grande réforme fiscale, allez-vous la mener à bien ? Il faut le dire !

Malheureusement, madame le ministre, vous n'avez pas renoncé au gel des pensions de retraite. Je vous connais un peu : vous ne pouvez nous dire qu'une famille peut vivre décemment avec 1 200 euros bruts par mois...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Enfin !

M. Gérard Roche.  - Il faut prendre des mesures fiscales courageuses et de bon sens. La CSG est un impôt à faible taux et assiette large. La TVA taxe les importations, qui représentent 30 % du PIB. Elle est moins injuste que ce que l'on dit, parce que les produits de première nécessité sont assujettis au taux réduit.

M. Jean Desessard.  - Absolument !

M. Gérard Roche.  - Les baisses de charges seront-elles conditionnées à l'évolution des effectifs ? Sera-t-il possible de distinguer les effets d'aubaine des vraies embauches ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - Faut-il ne rien faire ?

M. Gérard Roche.  - Ce qu'il faut, c'est restaurer les marges des entreprises pour qu'elles créent des emplois. Les gains dus aux allègements doivent aller au facteur travail, à la masse salariale, à l'embauche, à l'investissement, pas à la rémunération du capital, sauf cas spécifiques d'ouverture du capital en vue d'investir.

Nous pourrions supprimer les allègements ou imposer des amendes aux entreprises qui ne joueraient pas le jeu, celles qui utilisent les allègements de charges pour rémunérer les actionnaires. Qu'en pensez-vous ?

La TVA sociale est le complément indissociable des allègements de charges. Madame le ministre, je n'espère pas vous convaincre, mais le vote du groupe UDI-UC en dépend. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christiane Demontès .  - Le ton va changer ! Le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Ce texte s'inscrit dans la logique du redressement dans la justice à l'oeuvre depuis 2012. Il s'agit de trouver de nouveaux moyens dédiés à l'emploi, l'investissement, la croissance. Ce texte rationnel prend le possible en considération. Il marque la première étape de mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, un pacte qui repose sur trois piliers : compétitivité, responsabilité, solidarité.

Sur la forme, vous l'avez dit, madame la ministre, la Cour des comptes a certifié la sincérité et l'exactitude des comptes de chacune des branches de la sécurité sociale, de chacune des caisses nationales. C'est sans précédent. La politique menée depuis 2012 a entraîné la baisse des déficits sociaux, qui sont passés de 17,4 milliards en 2011 à 12,5 milliards en 2013. En 2010, le déficit des comptes sociaux se creusait de 4,5 milliards d'euros avec une croissance de 1,6 % ; en 2013, avec une croissance atteignant à peine 0,1 %, il reculait de 2 milliards d'euros...

M. Jean Desessard.  - M. Cardoux n'en a pas parlé !

Mme Christiane Demontès.  - Le sérieux budgétaire s'est accompagné d'un souci de justice : aucun déremboursement, aucun nouveau forfait depuis 2012. En 2010, la dette de la Cades était étalée et l'autorisation de découvert de l'Acoss portée de 70 à 130 milliards...

Notre système de retraites a été pérennisé, avec des avancées notables : les carrières longues - prendre sa retraite à 60 ans quand on a commencé à travailler plus tôt, c'est normal (applaudissements sur les bancs socialistes) -, la reconnaissance de la pénibilité, la prise en compte de la durée de maternité. D'autres progrès ont été enregistrés, l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, l'extension de la CMU-C, l'aide à la complémentaire santé. (M. Jacky Le Menn approuve) Ce sérieux budgétaire donne naissance à une véritable politique de santé publique.

Pour la compétitivité des entreprises et l'emploi, une série de mesures sont prises au-delà du CICE. L'article 2 bénéficiera avant tout aux PME. Le zéro cotisation patronale Urssaf sera effectif dès le 1er janvier 2015. La première étape de suppression de la C3S est actée, de même que la baisse du taux des cotisations familiales de 5 % à 2,25 %, en faveur des travailleurs indépendants.

Ce texte conforte la justice sociale et le pouvoir d'achat. Je suis surprise d'entendre certains vouloir aujourd'hui aller plus loin ; ils n'ont rien fait lorsqu'ils étaient au pouvoir. L'article premier concerne 5,2 millions de salariés du privé, qui verront leur pouvoir d'achat augmenté de 500 euros par an ; 2,2 millions de fonctionnaires civils et militaires seront eux aussi concernés. Ces dispositions complètent les baisses d'impôt décidées en loi de finances rectificative. Dans cette même logique de soutien du pouvoir d'achat, l'allocation de logement familiale est revalorisée, de même que les retraites inférieures à 1 200 euros - cela touchera 50 % des retraités de notre pays.

Les économies reflètent les efforts réalisés par nos administrations, qui sont progressifs. Les ménages modestes, ni la moitié des retraités, ne sont concernés.

Je sais, madame la ministre, que vous partagez mes craintes quant à l'évolution du FSV, dont le volume progresse, ce qui doit mobiliser notre vigilance. Autre crainte, que la baisse des cotisations sur les bas salaires ne crée une trappe ; il est heureux que l'alinéa 48 de l'article 2 mette en place une évaluation spécifique.

Nous considérons que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est responsable économiquement, socialement et politiquement. Il apporte des réponses appropriées à la question centrale de l'emploi. Le groupe socialiste le votera avec fierté. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Très bien !

M. Ronan Kerdraon .  - Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale met en oeuvre la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité voulu par François Hollande et confirmé par le Premier ministre. Je salue les premiers résultats de la politique de réduction des déficits sociaux menée depuis deux ans, laquelle ne doit nullement nous conduire à revoir à la baisse notre protection sociale ni à renoncer à une politique solidaire, plus que jamais nécessaire.

L'emploi est la priorité des Français ; les articles 2 et 3 du projet de loi y sont consacrés.

Les allègements de cotisation doivent inciter à la création d'emplois, mais être accompagnés de garanties. L'autre volet du texte est relatif au plan d'économies de 50 milliards. Le logement pèse lourd dans les budgets des ménages - je me félicite que les députés aient supprimé le gel des aides au logement. Les Français consentent depuis des années de lourds efforts. François Mitterrand le disait : « L'égalité n'est jamais acquise, c'est toujours un combat ». Nous savons que vous le menez, madame la ministre.

Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et le projet de loi de finances rectificative doivent être examinés conjointement, comme l'a très bien dit Jean-Pierre Caffet. D'où mon amendement sur l'exonération du versement transport des associations et fondations reconnues entreprises solidaires d'utilité sociale, que je présente à nouveau dans le cadre du présent projet de loi. L'impact financier de la mesure décidée dans le projet de loi de finances rectificative est très aléatoire. Les cliniques privées entreraient dans son champ d'application, ce qui représenterait une distorsion de concurrence à l'encontre des hôpitaux publics. Pour le territoire de Saint-Brieuc dont je suis l'élu, cela représenterait une perte de 1,4 million d'euros, 10 % du produit du versement transport. Il faut assurer la cohérence des conditions d'application de ces règles pour éviter tout contentieux entre les associations et les autorités organisatrices de transport ; je propose d'exonérer les associations et fondations bénéficiant de l'agrément ESS, ainsi que les instituts de lutte contre le cancer.

Ce projet de loi marque le point de départ du pacte de responsabilité et de solidarité. Nous le soutenons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Aline Archimbaud .  - Madame la ministre, nous partageons votre volonté de diminuer la dette de la sécurité sociale, pour assurer la pérennité de notre système de solidarité nationale, mais pas votre manière de faire, dont nous croyons qu'elle hypothèque l'avenir de la sécurité sociale. En cela, nous relayons l'inquiétude des professionnels de la santé publique et des travailleurs sociaux, qui se demandent où les coupes auront lieu : plus de 9 milliards d'euros de diminutions pérennes de recettes de la sécurité sociale, sans moyens pérennes en face !

Je crains que les mesures proposées ne mettent en péril l'équilibre financier de notre système de solidarité. Une autre vision de notre système de santé, conduisant à dépenser autrement, en augmentant les dépenses d'investissements, entraînerait des économies durables. Ainsi la pollution de l'air coûte chaque année entre 30 milliards et 50 milliards d'euros à la sécurité sociale ; je ne comprends pas qu'on tarde à prendre des mesures pour la réduire. Nous voulons aussi rendre l'attribution de la CMU complémentaire automatique pour les bénéficiaires du RSA, simplifier l'accès aux soins pour les plus démunis. On peut en attendre des économies très importantes. Pourquoi ne prenez-vous pas des mesures de santé environnementale ?

Les refus de soins coûtent cher, éloignent du système de santé les plus précaires qu'on retrouve plus tard, leur état aggravé, dans les services d'urgence et dont la prise en charge coûte alors beaucoup plus cher...

Pourquoi ne pas décréter un moratoire sur le vaccin Gardasil ?

Au lieu de cela, vous nous demandez de signer un chèque en blanc aux entreprises, sans aucune garantie de création d'emplois.

Les écologistes présenteront des amendements à ce texte qu'en l'état, nous ne pouvons pas voter. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Georges Labazée .  - Souvenez-vous, lors de l'examen de la loi relative à l'économie sociale et solidaire, nous avions préservé l'exonération de versement transport pour les associations et fondations dont elles bénéficiaient depuis cinquante ans. Elle a été supprimée dans le projet de loi de finances rectificative, ce qui est lourd de conséquences pour le secteur médico-social. Plusieurs dizaines de millions d'euros sont en jeu et ces associations et fondations, qui sont déjà exclues du bénéfice du CICE, pourraient devoir se séparer d'un millier d'emplois. Madame la ministre, en cette année 2014 où l'engagement associatif a été déclaré grande cause nationale, je vous demande d'accepter l'amendement de M. Kerdraon que j'ai cosigné, pour continuer d'exonérer du versement transport les associations et fondations agréées entreprises solidaires d'utilité publique. Ce serait sinon dramatique pour elles comme pour les personnes souvent vulnérables qu'elles accompagnent au quotidien. Ce texte n'est peut-être pas le bon véhicule mais réfléchissez-y d'ici l'automne ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marisol Touraine, ministre .  - Merci pour vos interventions de qualité, vous avez été nombreux à souligner l'importance de ce texte. Réduction de la dette et des déficits, restauration de la compétitivité des entreprises, soutien du pouvoir d'achat, voilà nos trois objectifs, que l'on pense souvent contradictoires. Or ils forment un tout cohérent, comme M. Caffet et Mme Demontès l'ont bien montré.

Des droits nouveaux ont été acquis depuis deux ans, notamment pour les femmes ; c'est une réalité, non pas une pétition de principe. Monsieur Watrin, le Medef ne dicte pas la politique du Gouvernement ; ce qui me préoccupe, ce n'est pas ce que pense ou dit le Medef, c'est de donner de nouveaux droits aux Français, à commencer par le droit au travail. Pour cela, nous avons besoin des entreprises qui, seules, peuvent créer des emplois : sans elles, tous ces droits ne seront que mirage. (Marques d'approbation à droite)

De grâce, monsieur Roche, nous nous connaissons bien, nous travaillons ensemble ; concédez-moi un Mme « la » ministre... Pourquoi attendre ? avez-vous demandé, monsieur Cardoux. Pour les entreprises, le plus important est la lisibilité, des perspectives, des mesures sanctionnées par un vote clair du Parlement. D'où l'importance de l'adoption de ce texte.

M. Desessard, vous avez évoqué des garanties. Dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, la Fédération de la chimie s'est engagée à créer 47 000 emplois dans les années qui viennent. Vous le voyez, contreparties il y a. Que la négociation collective se saisisse de ces questions pour évaluation.

Cette exigence de compétitivité s'accompagne d'un souci de justice. M. le rapporteur général l'a souligné et je l'en remercie car je ne l'avais pas assez fait ; nous maintenons le plan pauvreté et les Français modestes ne sont pas mis à contribution. Quand effort il est nécessaire de consentir, nous devons faire appel à toute la communauté nationale. Pour l'emploi des jeunes, que les retraités contribuent me semble fondé. La solidarité intergénérationnelle n'est pas seulement un slogan.

Madame Archimbaud, je défendrai les perspectives de long terme lors de l'examen du projet de loi de santé publique ; les réformes de longue haleine ne produisent pas d'effet immédiat. Si je partage vos propos sur l'accès aux droits et la lutte contre les refus de soins, je ne partage pas votre défiance à l'égard de la vaccination. Les études sont probantes : les vaccins sont efficaces. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE, à droite et au centre)

Mmes Catherine Deroche et Catherine Procaccia.  - Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Mais trop de Français y renoncent encore et mettent en danger leur santé et celle des autres.

Messieurs Kerdraon et Labazée, je suis attentive à la question du versement transport dans le secteur médico-social non lucratif.

Adopter ce texte de mobilisation, c'est offrir des perspectives, en particulier à notre jeunesse. J'en appelle à votre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°66, présentée par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (n° 689, 2013-2014).

Mme Isabelle Pasquet .  - Pour la deuxième fois depuis la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale, le Parlement doit examiner un projet de loi rectificative. Celui-ci est pour le moins singulier : il ne modifie pas les tableaux d'équilibre, il acte un renversement de doctrine. Le pacte de responsabilité et de solidarité, personne ne peut le contester, ne correspond pas aux engagements de campagne du président de la République. Il reflète les idées libérales du Medef : Pierre Gattaz l'appelle le pacte de confiance. Le Premier ministre, à Berlin qui plus est, a repris ce terme. Tout en feignant ne pas vouloir que le mot soit répété, le patron des patrons a déclaré à la presse avoir apporté ce pacte au Gouvernement sur un plateau. Quelle curieuse conception du dialogue social !

Cette méthode n'est pas la seule raison de notre opposition à ce texte. Celui-ci porte un nouveau coup à notre protection sociale en temps de crise sociale. Car la crise n'est pas seulement économique, elle est aussi sociale, même si les journalistes, les économistes et le Gouvernement ne parlent que de la crise économique, oubliant que celle-ci frappe durement les plus modestes, les précaires, les retraités, les jeunes et les malades. Selon l'Observatoire de la pauvreté, l'écart entre les Français les plus pauvres et les plus riches s'est accru considérablement : en 2000, le revenu moyen des 20 % de Français les plus riches équivalait à 4,1 fois celui des 20 % les plus pauvres ; on est passé à 4,6 en 2011.

En dix ans, l'écart s'est creusé de 12 %. C'est la conséquence des mesures prises en faveur des plus riches par Nicolas Sarkozy et du refus de François Hollande de prendre les décisions courageuses contre le capital et la finance que nous réclamions ensemble lorsque le Sénat était majoritairement à gauche et l'Assemblée nationale encore à droite.

Les aspirations de nos concitoyens n'ont pas changé, conduisant à l'élection de François Hollande. Hélas, plutôt que de sécuriser l'emploi en interdisant les licenciements boursiers, vous avez transposé l'ANI qui autorise les employeurs à licencier pour motifs économiques, même en l'absence de difficultés économiques. Vous avez permis aux grandes entreprises de réduire leur part de financement de la formation professionnelle et supprimé une partie de la mutualisation du financement qui profitait aux salariés des petites entreprises. Plutôt que d'instaurer une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu, vous avez maintenu durant un an le gel du barème. Vous avez imposé une taxe aux retraités ; vous avez augmenté la TVA et soumis à l'impôt sur le revenu des salariés la participation des employeurs au financement des contrats d'assurance santé complémentaire.

Chacun de ces renoncements a pesé sur les familles. Vous voudriez amplifier ce mouvement avec ce texte qui nous vient tout droit du baron Seillière, de Laurence Parisot et des Gattaz père et fils, qui ont fait tant de mal à la France. L'histoire se répète : comme en 1980, les allégements de charge se traduiront par des destructions d'emplois. Contrairement à ce qu'affirme le Medef, le poids des cotisations sociales n'a cessé de baisser, sans parler des exonérations, du CIR, du CICE. Et tout cela pour quoi ? Un chômage massif. Tous les observateurs sérieux, dont la Cour des comptes, le disent : cette politique est condamnée. La sérieuse rapporteure générale de l'Assemblée nationale démontre que le pacte de responsabilité et de solidarité aura un impact récessif qui se traduira par la suppression de 60 000 emplois. Autant de futurs chômeurs à indemniser !

Les Économistes atterrés ont publié un rapport sur les allégements Fillon qui ont inspiré le pacte de responsabilité et de solidarité ; il est éclairant : 75 000 euros par emploi ! Quant au CICE, il est censé favoriser la création de 150 000 emplois pour un coût de... 20 milliards.

Pour le groupe CRC, il n'est pas question de fragiliser notre protection sociale, le dernier amortisseur qu'il nous reste. Le Medef a toujours rêvé de la suppression de la branche famille, première étape d'une explosion du système. Les gouvernements Ayrault et Valls y ont contribué, avec la loi sur les retraites puis le présent collectif. Le patronat émet l'idée que les prestations de la branche famille sont sans lien avec le travail, et M. Sapin en est d'accord ! Quand il était ministre du travail, il a dit qu'il n'y avait pas de lien entre le fait d'avoir un enfant et celui d'exercer un travail. Pourtant, la taxe sur les salaires représente aujourd'hui 30 % du financement de cette branche qui devrait être assuré par les employeurs. À notre pacte social, on substitue un pacte d'irresponsabilité.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC invite le Sénat à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Jacqueline Alquier .  - Je le dis d'emblée, le groupe socialiste votera contre cette question préalable. Ce projet de loi est un texte de responsabilité : préparer l'avenir dans une situation que tout le monde sait difficile. La stratégie courageuse du Gouvernement consiste à revenir sur la logique du creusement des déficits. Baisse des impôts, justice, réduction du coût du travail pour relancer la croissance, cette démarche marque une rupture avec la politique du précédent gouvernement.

Discutons ce texte, en particulier l'amendement sur les cotisations des particuliers employeurs.

En ces temps difficiles, soyons tenaces et têtus, comme nous y a invités la ministre ; notre jeunesse l'espère ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et certains bancs du RDSE)

M. Jacky Le Menn.  - Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Avis défavorable, bien entendu, puisque la commission des affaires sociales a approuvé mon rapport.

Mme Marisol Touraine, ministre .  - Le Gouvernement n'oppose pas progrès social et compétitivité de notre économie. Face à un choix majeur pour notre pays, j'invite le Sénat à repousser cette motion.

Le scrutin public est de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°224 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 208
Pour l'adoption 21
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 16 juillet 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 25.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques