Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.

Médias, livre et industries culturelles

M. le président.  - Nous allons examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles».

M. François Baroin, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l'audiovisuel public s'élèvent à 4,38 milliards d'euros, contre 4,36 milliards d'euros en 2014, soit une légère hausse de 0,43 %. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés.

Le Gouvernement a annoncé son intention de supprimer, à l'horizon 2017, l'ensemble des dotations budgétaires dédiées aux sociétés de l'audiovisuel public. On peut s'interroger sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés. J'estime que le Gouvernement manque de courage sur ce point. Plutôt que de réformer l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public afin de tenir compte des nouveaux usages, comme l'ont fait nos voisins allemands, la politique « court-termiste » consiste à augmenter l'an prochain le montant de la redevance de 2 euros supplémentaires, ce qui pèsera sur le contribuable.

Des travaux sont en cours sur cette question, qui pourrait être traitée dans le projet de loi de finances pour 2016. On en entend parler tous les ans.

L'Agence France Presse (AFP) bénéficie d'un traitement favorable, en lien avec son nouveau contrat d'objectifs et de moyens qui clarifie les relations financières qu'elle entretient avec l'État, à la demande de la Commission européenne. Les performances commerciales de l'agence ont par ailleurs progressé, mais cette tendance positive doit être confirmée en 2015.

S'agissant des aides à la presse écrite, les dotations sont stables pour la plupart des aides, à l'exception de l'aide à la modernisation sociale de la presse d'information politique et générale. La réduction s'explique par l'évolution de la démographie de la population concernée. La seule autre dotation qui diminue est celle du fonds stratégique pour le développement de la presse. Cela me paraît paradoxal, même contestable, alors que ce fonds est présenté comme l'outil principal pour permettre à la presse de s'adapter aux évolutions du numérique.

Nous nous inquiétons de l'accélération de la disparition des diffuseurs de presse, qu'il s'agisse des kiosquiers ou des maisons de la presse, notamment dans les villes moyennes. Je regrette, à cet égard, que le Gouvernement ne puisse pas proposer des mesures d'accompagnement.

En ce qui concerne les dépenses fiscales du secteur, l'extension du taux super réduit de TVA à 2,1 % aux publications de presse en ligne fait peser un risque de contentieux communautaire, et donc de sanction financière en cas de condamnation.

Le soutien aux radios locales associatives demeure stable, pour la cinquième année consécutive, ce qui me paraît satisfaisant, ces radios jouant un rôle fondamental de proximité, notamment dans les territoires les plus reculés. Je relève également la préservation des crédits d'intervention déconcentrés en faveur de la politique du livre.

Le chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France, devra être surveillé avec attention. Son coût global a en effet été réévalué de 6,3 millions d'euros par rapport à la prévision initiale, pour un montant global de 218,3 millions d'euros.

S'agissant des dépenses culturelles, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est transféré vers le programme 334 « Livre et industries culturelles » de cette mission, alors qu'il était précédemment rattaché au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». Cette évolution paraît cohérente, le CNC étant une institution fondamentale pour le dynamisme de l'industrie culturelle qu'est le cinéma. L'opérateur n'est pas mis à contribution dans le cadre de l'assainissement général des comptes publics. Que pense, madame la ministre, l'ancienne magistrate de la Cour des comptes que vous êtes de la doctrine du Gouvernement en matière de fiscalité affectée ?

Enfin, le sort de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) demeure incertain. La dotation budgétaire de 6 millions d'euros, stable par rapport à 2015, après deux années de baisse, ne permet pas de considérer que cet organisme peut remplir correctement ses missions, la Haute autorité ayant subi une baisse de 51 % de sa subvention budgétaire en quatre ans. Le Gouvernement doit soit supprimer la Hadopi, soit lui donner les moyens de fonctionner. Cette situation d'entre-deux n'est pas satisfaisante. Le Gouvernement manque d'ambition.

L'année 2015 sera cruciale pour la plupart des organismes de l'audiovisuel public. France Télévisions, dont les moyens publics diminuent de 0,5 % par rapport à 2014, doit revenir à l'équilibre financier. Il y a de fortes incertitudes, tenant notamment au caractère erratique de ses ressources publicitaires. Dans ces conditions, l'entreprise publique devra poursuivre avec détermination la réforme entamée en 2013. Le processus d'élaboration du prochain contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 se met par ailleurs en place. Ce document devra trancher la question de l'avenir de France 3.

France Médias Monde bénéficiera d'une hausse de sa dotation, en cohérence avec le contrat d'objectifs et de moyens signé en avril 2014. La réalisation des objectifs a été perturbée par la réduction imprévue des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. L'État doit respecter ses engagements contractuels. Les sociétés concernées ont besoin d'un minimum de visibilité sur leurs ressources, même si elles doivent de leur côté poursuivre les efforts engagés pour réduire leurs dépenses.

Arte bénéficiera également d'une légère hausse de sa dotation, après deux années de baisse. Le groupe se distingue depuis deux ans par sa stratégie de reconquête de l'audience et de développement du numérique et par sa capacité à maîtriser ses charges de fonctionnement. Il faudra confirmer, en 2015, ces bons résultats.

Radio France bénéficiera d'une dotation stable. Il lui faudra mettre en oeuvre le plan stratégique du nouveau président visant à « adapter l'entreprise aux exigences d'une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital ». Il faudra par ailleurs voir si l'ouverture du nouvel auditorium augmentera la fréquentation des concerts, alors que la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes début 2015.

Enfin, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) retrouvera, en 2015, un niveau de dotation comparable à celui de 2013, après une ponction de 20 millions d'euros sur son fonds de roulement en 2014. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, devra définir un nouveau projet immobilier susceptible de garantir la préservation des collections dans les meilleures conditions. La nouvelle présidente ambitionne de renforcer les ressources propres de la société.

En conclusion, ce budget manque d'ambition, que ce soit pour l'accompagnement de la presse dans son processus de modernisation et de restructuration, pour la réforme du financement de l'audiovisuel public ou la protection des droits de propriété intellectuelle.

La commission des finances vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers. En revanche, elle vous propose d'adopter les mesures purement formelles décalant l'entrée en vigueur des dispositions adoptées l'an dernier sur le crédit d'impôt jeux vidéo. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015 de France Médias Monde et le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde ont fixé des ambitions hélas limitées pour notre audiovisuel extérieur.

En 2015, la dotation de France Médias Monde progresse de 0,9 %, celle de TV5 Monde stagne à son niveau de 2014. Il leur est demandé de faire mieux avec des ressources publiques moindres. Leur capacité à trouver les ressources publicitaires nécessaires est faible. Le principal gisement de ressources se trouve dans les économies. Mais France Médias Monde a déjà connu deux plans sociaux et doit harmoniser le statut de son personnel, ce qui aura un coût. C'est donc avant tout sur le fonctionnement qu'il lui faut agir. Malgré des résultats encourageants, les deux entreprises se heurtent aux limites de l'exercice.

La dégradation de la parité de l'euro par rapport au dollar a un coût. Les deux entreprises ont financé la mise à niveau de leurs outils, mais le passage à la haute définition oblige à des arbitrages au niveau des programmes. Ce n'est pas un tabou, mais cela pourrait affecter l'audience -je pense notamment au décalage de la diffusion de RFI en Bambara, aux sous-titrages de TV5. Est aussi menacé le développement de la production propre : lancement d'une chaîne pour enfants en Afrique, ou d'une chaîne Art de vivre en appui à notre diplomatie économique.

À défaut de ressources supplémentaires, levons les contraintes pour leur permettre d'être plus compétitives sur le marché publicitaire. Notre commission prônait la diffusion d'émissions en langue arabe portant nos valeurs républicaines ; cela est désormais possible par le cahier des charges. Mais là encore, les moyens manquent.

Sans modification de la trajectoire financière, c'est bien leurs missions qu'il faudra revoir. Nous demandons que le prochain contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde nous soit soumis. Dans un tel contexte, je ne puis suivre la commission des affaires étrangères qui a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public. Je m'abstiendrai donc.

Mme Maryvonne Blondin.  - C'est dommage !

M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Après une indispensable réorganisation en 2012 et 2013, France Médias Monde et TV5 Monde sont désormais dotées de documents stratégiques. La maquette budgétaire de l'audiovisuel a été simplifiée. Leurs dotations publiques sont désormais inscrites au compte spécial « Avances à l'audiovisuel public ». Les ressources augmentent de 0,9 % pour France Médias Monde et sont stables pour TV5 Monde.

L'audiovisuel extérieur est désormais exclusivement financé par la contribution à l'audiovisuel public. L'arrivée du numérique, la diffusion de France 24 sur la TNT, en Ile de France, et sur internet ont élargi leur audience. Le cahier des charges de France Médias Monde le permet et il faut que cela se traduise dans les faits, par exemple, par la diversité des programmes en langue arabe non confessionnels.

Il faudra veiller à ce que ce nouveau mode de financement n'altère pas les programmes, qui restent des leviers de l'influence française dans le monde.

Attention à ce qu'il n'y ait pas de réajustement en loi de finances rectificative, comme ce fut le cas l'an dernier. Cela conduit à reporter des projets -comme la diffusion de RFI en Bambara, alors que la France est engagée au Mali et au Sahel.

Ces deux entreprises sont des lilliputiennes, face aux grands médias : attention à ce qu'elles ne soient pas marginalisées lors du partage du produit de la contribution à l'audiovisuel ! Notre commission y veillera tout particulièrement. Elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'avance. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - La perspective de supprimer à l'horizon 2017 toute subvention budgétaire de l'audiovisuel public va dans le bon sens, mais la hausse de trois euros de la contribution ne suffira pas. De plus en plus de Français délaissent leur téléviseur pour accéder au contenu de l'audiovisuel public sur des supports numériques -ce qui fait baisser l'assiette de la contribution.

Le Gouvernement n'a transmis aucun élément sur la fraude, or celle-ci risque d'augmenter avec la hausse de la contribution. Pourquoi ne pas s'inspirer de l'exemple allemand, où ce sont les foyers qui sont taxés ?

Les crédits de France TV baissent de 0,5 %. L'objectif de retour à l'équilibre en 2015, prévu par le contrat d'objectifs et de moyens, ne sera pas atteint. Le retour à la publicité de 20 heures à 21 heures et lors des grands évènements sportifs me laisse circonspect. C'est tout le projet de France TV qu'il faut revoir. Sur quelles bases sera nommé le prochain président ? Sur le projet des candidats ou sur celui de l'État tel que recommandé par le rapport Schwartz ?

Arte a vu son audience augmenter de 33 % en deux ans ; le projet de loi de finances préserve ses moyens.

Radio France bénéficie de 86,7 millions d'euros ; elle ne pourra absorber la baisse de ses ressources propres : le directeur prévoit un manque de 15 millions d'euros. Faut-il fusionner les antennes, supprimer un orchestre, engager un plan de départs volontaires ? Le contrat d'objectifs et de moyens devra trancher. Les travaux de la maison de Radio France devront être achevés rapidement, alors que leur déroulement et le récent incendie ont perturbé le personnel, qu'il convient de rasséréner.

S'agissant de l'INA, le prochain contrat d'objectifs et de moyens devra présenter un nouveau projet immobilier.

Quel est votre sentiment sur le projet de décret modifiant le régime de la contribution des services de télévision à la production audiovisuelle, dont les dernières versions traduisaient la volonté du législateur de rechercher un équilibre dans les modalités d'attribution des mandats de distribution en cas de coproduction ?

Le CSA ayant rendu hier son avis sur ce projet de décret, quand sera publié ce décret, attendu par tous les acteurs ?

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Dans un contexte difficile, l'essentiel a été préservé en ce qui concerne l'audiovisuel public extérieur. Des clarifications bienvenues sont intervenues, avec un financement reposant entièrement sur la contribution à l'audiovisuel public. Mais les menaces n'ont pas disparu ; il faudra être vigilant. La stabilité de la ressource et l'indépendance du financement sont une bonne chose.

La fusion de France Médias Monde est un acquis ; ce sont les conditions du rapprochement entre les entités qui posent question. Les syndicats redoutent le futur statut commun. On comprend leur appréhension mais je suis, pour ma part, confiante. L'objectif d'un accord au premier semestre 2015 est crédible, souhaitons qu'il insuffle un nouvel esprit commun.

Les moyens de France Médias Monde ont baissé de 10,5 millions d'euros par an entre 2011 et 2015 -soit une économie de 54 millions d'euros pour les comptes publics, avec une baisse des effectifs de 255 ETP. Ces économies n'ont pas empêché le développement de la version arabophone de France 24. L'antenne en langue bambara de RFI est sur les rails, c'est fondamental.

Il faut mieux valoriser les antennes de France Médias Monde, ce qui passe par une diffusion de France 24 sur tout le territoire et pas seulement en Ile-de-France.

TV5 a comme grandes priorités le basculement en haute définition, le lancement d'une chaîne enfants en Afrique et d'une chaîne art de vivre en Asie. Le téléspectateur français est en droit de pouvoir accéder à ces programmes de qualité. La diffusion sur la TNT coûterait de 13 à 15 millions d'euros, du fait du surcoût de droits à payer.

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption de ces crédits, ce que le groupe socialiste déplore.

M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - La situation de la presse continue de se dégrader gravement. Ce budget n'est pas à la hauteur des défis en cours, même si les crédits sont globalement maintenus.

Je commencerai par évoquer la question du taux « super réduit » de TVA qui permet une certaine neutralité technologique et favorise la transition numérique. La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) n'a pas caché sa préoccupation compte tenu de l'évolution du contentieux engagé devant la Cour de justice de l'Union européenne concernant le livre numérique. Une remise en cause du taux réduit serait très préjudiciable.

Les aides directes à la presse subissent une baisse de 3 %, d'autant plus dommageable qu'elle est justifiée par un transfert de crédits au bénéfice de l'AFP. En somme, la presse est mise à contribution pour soutenir l'AFP, curieuse conception de la solidarité, alors que le soutien à l'AFP relève au premier chef de l'État.

Les baisses concernent surtout les aides à la modernisation sociale de la presse d'information politique et générale. L'aide à l'équipement des commerces de presse est maintenue au même niveau que l'année dernière, soit 4 millions d'euros. Les crédits consacrés au Fonds stratégique pour le développement de la presse connaissent, pour leur part, une baisse de 500 000 euros, à 30,45 millions d'euros.

J'en viens à la situation de Presstalis, qui reste difficile. Au lieu de réfléchir à une rationalisation du secteur à travers, par exemple, la création d'un « monopole régulé » qui permettrait de maximaliser les mutualisations, on affaiblit les deux opérateurs en privilégiant des coopérations longues à négocier et encore plus difficiles à mettre en place, comme le projet de mise en commun des moyens de transport.

Concernant l'aide au transport, les accords Schwartz 2009-2015 avaient fixé à 180 millions d'euros le montant d'aides de l'État ; elle sera, en fait, de 130 millions d'euros, l'État estimant que le CICE permettra à La Poste de compenser la baisse. Il reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre, mais au détriment d'un secteur de la presse très mal en point.

Nous devrons nous prononcer sur le budget de l'AFP sans connaître le contenu exact du prochain contrat d'objectifs et de moyens, alors que l'Assemblée nationale devrait examiner le 17 décembre prochain la proposition de loi de Michel Françaix qui prévoit sa réforme. Il serait souhaitable que le contrat d'objectifs et de moyens prévoie un rythme de revalorisation de la subvention à l'AFP régulier. Il reste du chemin à parcourir...

L'AFP ne pourra survivre sans le maintien d'aides publiques. Aucune des grandes agences mondiales ne vit de ses seules ressources propres.

La commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la presse au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Colette Mélot, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Pour mettre fin au suspense, si présent dans les industries de la culture, je vous annonce que votre commission de la culture vous recommande de rejeter les crédits du programme 334 « Livre et industriels culturelles ». C'est l'immobilisme du Gouvernement que nous souhaitons sanctionner par ce vote.

La culture devrait être préservée des coupes massives dans les dépenses publiques. Or, dans ce programme, il n'en est rien. Ce budget au fil de l'eau ne doit son augmentation qu'à un jeu d'apparence. Vous condamnez les grands opérateurs à des restructurations et à l'abandon de leurs missions. Que dire de votre inertie dans des champs stratégiques pour notre exception culturelle ? Combien de rapports pour que notre pays réussisse la transition numérique ? Je pense aux contributions de MM. Marini et Retailleau, mais aussi de M. Rome ou encore de Pierre Lescure, sans parler du rapport dit des deux Collin. Le projet de loi sur la création, la régulation européenne : on les attend -comme on attend Godot.

Nous avons eu l'audace, en son temps, de créer l'Hadopi. Hélas, vous ne lui donnez pas les moyens de vivre ni de se développer, comme le préconisait le rapport Imbert-Quaretta, pas plus qu'au CNL, qu'à la BNF, malgré l'urgence et l'importance de la numérisation de notre patrimoine, pour construire une offre culturelle numérique française.

Le Sénat a défendu les libraires avec ardeur en légiférant sur la vente à distance et le prix unique du livre. Certes, notre Gouvernement n'a cure du commerce de détail, comme on le voit sur la réforme des professions réglementées...

M. Jacques-Bernard Magner.  - Les libraires commerçants au détail ?

Mme Colette Mélot, rapporteure pour avis.  - ...mais il est indispensable de défendre les petits libraires ; ils sont à la culture ce qu'est la tranche à l'ouvrage imprimé ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Loïc Hervé .  - C'est la première fois que je m'exprime à la tribune du Sénat, j'en mesure l'honneur. Les missions du champ culturel se ressemblent ; on y retrouve les mêmes travers : stabilisation illusoire des crédits, absence de choix stratégique. La hausse des crédits de 0,43 % masque mal l'insoutenabilité des finances du secteur, faute de choix politiques. La dotation de France Télévisions est au coeur de l'effort budgétaire ; or, les seuls gains de productivité ne couvrent pas cet effort, ce qui le fragilise.

Sur le fond, nous soutenons son financement exclusif par la contribution à l'audiovisuel public et le relèvement de son montant, qui reste l'un des plus faibles d'Europe. Mais la part de la contribution à l'audiovisuel public baisse de 3 %... L'effet d'affichage laisse à désirer !

La réforme, déjà préconisée en 2010 par Mme Morin-Desailly, s'impose plus que jamais : le rendement de la contribution à l'audiovisuel public pourrait s'effondrer avec l'obsolescence de son assiette. France TV attend des décisions politiques sur son périmètre. Le temps est venu de dresser le bilan de la loi de 2009.

France TV est la seule télévision publique européenne à ne pas pouvoir diffuser les principaux matchs de la coupe du monde ou de l'Euro de foot. Les ressources publicitaires ne représentent que 400 millions d'euros. Le véritable enjeu n'est pas là, mais dans la réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Radio France elle aussi vit grâce à la contribution à l'audiovisuel public. La Maison de la radio a dû faire d'importants travaux et vient de subir un incendie. Nous sommes solidaires. France 24, RFI et TV5 Monde doivent être renforcés.

La diminution des aides à la presse reste maîtrisée. Mais celles-ci ne devraient-elles pas aller davantage vers la PQR ? Les crédits du livre sont affectés à 80 % à la BNF. Je salue le plan de soutien aux librairies, qui via le CNL, bénéficie de 2 millions d'euros.

Le jeu vidéo est devenu la première industrie culturelle française. Si nous voulons éviter les délocalisations, il faut la soutenir. Le groupe de travail du Sénat a fait des recommandations précieuses.

Enfin, le traitement infligé à la Hadopi est inacceptable : il manque 1,5 million pour que cette autorité administrative puisse fonctionner, et elle ne peut plus puiser dans sa trésorerie. C'est une tentative d'asphyxie budgétaire. Si le Gouvernement veut supprimer la Hadopi, qu'il le fasse ! Mais ce budget, décidément, reflète jusqu'à la caricature l'impossibilité du Gouvernement à faire des choix politiques ! (Applaudissements à droite)

Mme Corinne Bouchoux .  - La légère hausse des crédits de la mission préservera des éléments essentiels, lecture, livre, presse, AFP et audiovisuel public. Reste la question du financement des industries culturelles, leur adaptation au numérique et la préservation du pluralisme, qui est en grand danger.

France TV doit encore réaliser de vrais efforts de gestion : les taux de marges de producteurs extérieurs sont très élevés, avec des producteurs-animateurs en situation de quasi-salariat. C'est un business model peu sain.

L'alignement de la TVA sur la presse en ligne sur celle de la presse papier était une revendication portée par le groupe écologiste. C'est une bouffée d'air. La presse quotidienne d'intérêt général va de plus en plus mal. Les ventes chutent, le prix au numéro augmente. En centres villes, en régions, les kiosques disparaissent. Les jeunes ne lisent plus la presse, même gratuite. Les aides à la presse devront tenir compte de la défense et de la protection des journalistes, des photojournalistes en particulier. Nous appelons à une rénovation des aides à la presse.

Le Fonds de soutien à l'expression radiophonique est resté bloqué à son niveau de 2010. Le restera-t-il ? Vous nous avez donné des espoirs en commission, madame la ministre. Sur l'Hadopi, où en sommes-nous ? Le président de la République avait annoncé sa suppression. La réponse graduée est caduque, l'effet pédagogique sur les internautes reste très controversé. Nous attendons toujours sa suppression. Une mission d'information serait utile à ce sujet.

Nous saluons les efforts fournis pour la BPI et la BNF : tant mieux pour les Parisiens, mais quid des bibliothèques de province ? Et du site de Sablé ?

Mme Françoise Laborde.  - Très bien ! (Mme Nathalie Goulet approuve)

Mme Corinne Bouchoux.  - Ce budget, madame la ministre, tel qu'il nous est parvenu initialement, nous l'avons soutenu en commission, où notre avis favorable n'a hélas pas été suivi par la majorité sénatoriale. Nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

Mme Françoise Laborde .  - « Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, écrivait Victor Hugo, mettez des livres partout. » Oui, la lecture reste un enjeu majeur de politique publique, qu'on lise sur une tablette, un écran, qu'on feuillette un beau livre ou une bande dessinée. Les Français ne liraient plus. Cela s'applique aussi bien à la littérature, à la presse qu'aux modes d'emploi ou aux manuels de bricolage... On lit de moins en moins. Les résultats des enquêtes montrent une dégradation des performances de lecture des élèves français de 10 ans par rapport à la moyenne européenne. La lecture est une compétence décentralisée, mais l'État a un rôle à jouer en maintenant ses concours aux 1 700 bibliothèques, aux 2 500 librairies indépendantes, à la promotion de la lecture par les associations auprès du public défavorisé. La transmission des savoirs passe par la lecture. C'est pourquoi il faut continuer à l'encourager. Les contrats territoire-lecture créés en 2010 méritent d'être étendus. Il convient de continuer à réfléchir sur l'amplitude horaire des grandes bibliothèques publiques. Ils sont insuffisants en France : 30 heures hebdomadaires en moyenne, contre 100 heures à Copenhague ou à Amsterdam. Aux États-Unis, les bibliothèques universitaires restent ouvertes 20 heures sur 24, voire 24 heures sur 24 en période d'examen. C'est un élément important pour combler les inégalités entre étudiants, car certains ne trouvent pas chez eux cet indispensable espace de travail et de réussite. Une pétition a recueilli 10 000 signatures pour élargir les horaires des bibliothèques des collectivités locales.

Le programme 180 contient les aides à la presse. Nous saluons les mesures déjà prises concernant la modernisation du secteur. Le modèle économique de la presse n'est plus viable à l'ère du tout numérique, qui doit nous amener à repenser aussi le soutien et la diffusion. N'enterrons pas trop vite, toutefois, la presse papier. Le groupe RDSE plaide pour une réflexion à moyen et long terme à ce sujet.

La majorité du groupe RDSE votera ces crédits.

M. Michel Savin .  - Ce budget est sanctuarisé pour les trois ans à venir, comme vous l'aviez annoncé, madame la ministre, lors de votre prise de fonctions. Nous pensons que le secteur de la culture doit être épargné des choix budgétaires en raison de son poids économique, 3 % du PIB.

Pourtant, ce budget masque des situations contestées, ainsi la réduction des dépenses d'investissement du programme 334, alors que la compétition internationale et la mutation numérique nécessite des moyens importants. Les autorisations d'engagement diminuent, les crédits de paiement augmentent. Cet effet ciseau de 64 millions d'euros pèsera sur les années à venir. L'État se désengage qui, pour régler ses dépenses, puise dans le fonds de roulement de ses opérateurs, BNF ou Hadopi par exemple.

Le projet de loi sur la création, évoqué pour 2014, a été maintes fois repoussé. Bien que le Gouvernement ait annoncé la suppression totale des dotations budgétaires aux entreprises de l'audiovisuel public d'ici 2017, il reporte la réflexion sur des ressources pérennes.

L'avenir du financement de l'audiovisuel public repose sur une augmentation constante de la contribution à l'audiovisuel public, ex-redevance. L'écran de télévision devient obsolète. Revoir l'assiette de la contribution devient incontournable, comme l'a déclaré François Baroin. À quoi rime cette augmentation de 2 euros de la contribution audiovisuelle publique sinon à reporter à plus tard les décisions indispensables ?

Je souhaite évoquer la protection des droits d'auteur, alors que les usages sont bouleversés à l'ère numérique. La faiblesse du fonds de roulement de l'Hadopi ne lui permet plus d'assumer les missions que le législateur lui a confiées. Sa dotation devrait être augmentée de 1,5 million d'euros, selon sa direction. Des députés ont présenté un amendement d'appel mais le budget est tellement contraint... À l'État de prendre ses responsabilités : qu'il supprime l'institution ou qu'il lui donne les moyens d'agir. Il est regrettable que le Gouvernement n'assume pas.

Il faut aller plus loin et plus vite dans l'adaptation au numérique. Le groupe UMP repoussera les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline .  - Je concentrerai mon propos sur l'audiovisuel public et la presse, et sur la défense du pluralisme, essentiel à la démocratie.

Sur la contribution à l'audiovisuel public, je rappelle que l'on ne peut effacer le passé. La dernière fois que nous avons discuté de l'audiovisuel public ici, c'est à propos d'une loi qui supprimait la publicité sur France Télévisions.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Eh oui !

Mme Nathalie Goulet.  - Cela avait déjà été décidé avant le vote.

M. David Assouline.  - Nous avions alors annoncé ce qui allait se passer, rappelé que l'audiovisuel public marche sur deux pieds, la publicité et les subventions publiques, ce qui le préservait de la dépendance tant à l'égard du marché que de l'État. Je l'avais dit : quand les vaches maigres budgétaires arriveront, l'État aura d'autres priorités, il réduira la dotation. Nous y sommes. Heureusement que le Gouvernement actuel a redynamisé la contribution à l'audiovisuel public.

M. David Assouline.  - Je m'en réjouis. Il est évident que les nouveaux usages battront en brèche le dynamisme de cette contribution qui subsiste encore mais qui ira s'épuisant.

Je suis content qu'il y ait un consensus. J'ai entendu MM. Baroin et Leleux. Il faudra assumer ce débat, avec force, devant l'opinion publique : si nous sommes tous d'accord pour élargir l'assiette, il ne faudra pas que certains restent tapis au coin du bois, comme trop souvent. J'ai entendu M. Copé, dans la commission Copé sur l'audiovisuel public, dire « moi vivant, la redevance n'augmentera pas d'un seul euro ».

Je lance un défi : faisons ensemble avancer l'audiovisuel public. On peut rétablir une tranche de publicité, cela ne me gêne pas dès lors que l'essentiel de l'audiovisuel public est financé par la redevance, qui est en quelque sorte un actionnariat populaire. En même temps, il faudra, en 2015, ouvrir un débat sur le contenu et sur le périmètre. Dès le premier semestre 2015, il y aura le renouvellement du président du groupe, la remise d'un rapport. C'est le moment. Je souhaite que le Parlement soit associé à un vrai débat de fond.

Pour 2015, la dotation budgétaire baisse certes, mais elle est compensée par la hausse du produit de la contribution à l'audiovisuel public.

Sur la presse, je serai plus bref car nous y reviendrons à l'occasion de l'examen de cet amendement surréaliste de l'une de nos collègues...

Mme Nathalie Goulet.  - Il est de mauvaise humeur.

M. David Assouline.  - Les aides sont heureusement maintenues. On peut discuter de ce qui ne va pas. Je pense qu'il faut une réforme, c'est évident, mais ce n'est pas en proposant la suppression des aides qu'on la mènera. Les plus faibles mourraient et ce serait un coup fatal porté au pluralisme. Cet acquis ne doit pas être remis en cause dans son principe, mais je partage certaines questions posées par Pierre Laurent.

Je redis l'importance pour les socialistes du service public de l'audiovisuel, qu'ils considèrent comme un bien précieux et qu'ils soutiennent. Son budget est préservé, mais il faudra prendre l'an prochain un nouveau départ, pour France TV en particulier. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

M. Pierre Laurent .  - La mission Médias est en très faible augmentation, voire en baisse en euros constants. Les objectifs budgétaires des prochains mois sont extrêmement préoccupants : le Gouvernement entend réduire les aides budgétaires de 32 % d'ici 2017.

L'objectif assumé est de se reposer sur des ressources propres, en l'occurrence la contribution à l'audiovisuel public, qui devra être fortement revalorisée. Le budget 2015 est le premier volet de ce plan pluriannuel, de cette extinction programmée. L'État transfère sa responsabilité publique sur le budget des ménages.

Et pourtant, le compte n'y est pas. La fragilité de France TV est telle que le contrat d'objectifs et de moyens a été révisé l'an dernier et que les objectifs 2015-2020 ont été revus. On annonce encore 650 ETP en moins, ce qui entrave la capacité de l'entreprise à remplir ses missions de service public. Les difficultés financières mériteraient, à rebours de son désengagement programmé, une réflexion forte de l'État sur le renforcement de l'audiovisuel public, affaibli par la suppression de la publicité en 2009 sans compensation.

Or, aucune pensée stratégique nouvelle n'est venue établir une stratégie d'avenir, comme si la domination du privé était un tabou, alors que certains évoquent sans fard le repli de la télévision publique.

L'ensemble des maillons de la chaîne du livre souffrent, comme je l'ai constaté au dernier Salon du livre de jeunesse à Montreuil. Ce renoncement, car c'en est un, de la part du Gouvernement ne peut nous convenir. Il en va de même pour les aides à la presse. Comprenez donc que nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

Mme Maryvonne Blondin .  - Le déploiement de la lecture sur tout le territoire, en faveur de tous les publics, est bien une priorité du Gouvernement et des collectivités territoriales. C'est ainsi que les bibliothèques font partie des équipements quotidiens. Le livre est l'objet culturel fondamental du processus d'apprentissage, le premier qu'appréhende l'enfant. « La lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté » disait Mauriac. Naguère populaire, elle est devenue plus élitiste, plus variée et prend des formes plus modernes.

L'école a un rôle crucial à jouer pour réhabiliter le livre et la lecture. Or, des faits récents montrent que la lecture serait déconsidérée. « Trop de lecture » a-t-on reproché aux méthodes pédagogiques d'une professeure agrégée de français, comme l'on disait « trop de notes » à Amadeus. (M. Jacques Bernard Magner le déplore)

N'oublions pas que 7 % des 18-65 ans qui ont été scolarisés en France sont illettrés. C'est préoccupant. Nous en reparlerons avec le ministre de l'éducation nationale et avec vous aussi, madame la ministre.

Le CNL participe à la diffusion de la lecture, avec les contrats de territoires. À ceux qui oublieraient le rôle fondamental du livre, je conseille d'observer plus attentivement la guerre culturelle qui se mène dans les zones de conflits : « c'est presque tout que de savoir lire » disait Alain. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - Vos interventions démontrent tout l'intérêt de votre Haute Assemblée pour la culture. Avec près de 4,4 milliards de crédits, ce budget augmente de 0,42 %. Son ambition : renforcer l'excellence française, instrument du rayonnement culturel de notre pays. La mission « Médias » concerne de nombreux champions nationaux, comme l'AFP ou notre modèle de cinéma. Nos productions sont primées, nos acteurs récompensés. Trop souvent, on mesure mal la part de la culture dans l'attractivité de la France... et dans son activité économique.

Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de 2013 qui confiait au CSA le soin de nommer les dirigeants de l'audiovisuel public, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l'indépendance financière de ces sociétés, par la hausse de l'apport de la contribution à l'audiovisuel public. Une réintroduction de la publicité en soirée n'a pas été retenue en 2015, faute d'étude d'impact, car les équilibres sont fragiles.

Comme l'a annoncé le président de la République, une réflexion doit être engagée sur le financement de l'audiovisuel public en 2015. Monsieur Baroin, contrairement à ce que vous avez prétendu, la méthode du Gouvernement est la bonne, qui passe par la concertation plutôt que par des décisions brutales, comme ce fut le cas dans le passé récent.

Les grands équilibres des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Médias Monde sont et seront respectés. La subvention de l'INA retrouve un niveau proche de celui de 2013.

Madame Garriaud-Maylam, madame Lepage, l'élargissement de la diffusion de France Médias Monde sur le territoire national est prévu. France 24 est disponible sur la TNT en Ile-de-France. Mais leur rôle premier reste d'être diffusé ailleurs dans le monde.

Pour France Télévisions, l'État actionnaire exprimera sa vision stratégique, puis le CSA choisira un nouveau président au premier semestre 2015, dans une période où le numérique a transformé les usages et les attentes du public. Le travail d'analyse à ce sujet sera mené par les services de l'État ; le Parlement sera consulté par le groupe de travail.

Les taxes affectées au compte de soutien du CNC sont la base de notre système de financement du cinéma. C'est pourquoi nous avons voulu mettre fin à leur écrêtement. J'espère que la majorité sénatoriale reviendra sur sa décision de priver le CNC d'une part considérable de ses ressources -ce choix montre les limites de votre attachement à l'exception culturelle française. Le fonds a été autorisé à puiser dans ses réserves pour compenser le recul de 10 % du budget initial 2014, pour éviter tout effet récessif préjudiciable à la diversité de la création, et donc à l'emploi.

Je tiens à marquer mon attachement à la filière musicale, alors que l'écoute de musique est au coeur des pratiques culturelles des jeunes. Le numérique a emporté tous les modèles préexistants. J'ai décidé de réformer le crédit d'impôt phonographique afin de le rendre plus incitatif : soutien à l'enregistrement d'albums, poursuite de l'aide aux réseaux et aux labels indépendants. Par ailleurs, près de dix plateformes de musique en ligne innovantes seront aidées. Les relations entre auteurs, interprètes, producteurs et plateformes seront restructurées et améliorées.

L'année 2014 a vu une importante modernisation des aides à la presse : le décret concernant le Fonds stratégique pour le développement de la presse est paru en juillet dernier. Nous ne distinguons plus, désormais, en matière de TVA, entre la presse papier et la presse en ligne, conformément au principe de neutralité technologique qui reflète l'évolution des moyens.

Parallèlement, les critères de l'aide au portage ont été revus. L'aide aux éditeurs prend davantage en compte les volumes portés. Comme le souligne Pierre Laurent, et comme l'a montré M. Assouline, des enjeux majeurs demeurent devant nous. La chute des ventes au numéro des titres de la presse quotidienne nationale ne sera pas soutenable pour la filière. Il convient de mutualiser les moyens entre les messagers, rechercher une plus grande efficacité économique du publipostage, pour lequel des travaux sont en cours entre La Poste et la presse.

L'aide au pluralisme est préservée. L'État a souhaité concentrer ses moyens en faveur de la qualité de l'information. Ainsi, l'aide à l'AFP augmente de 5 millions d'euros.

En 2014, nous avons aussi sécurisé le financement public communautaire de l'AFP, une des trois grandes agences mondiales. Le contrat d'objectifs et de moyens sera signé avant la fin de l'année.

Les crédits de la Hadopi seront maintenus. Leur montant cette année tient compte de la situation financière de cette autorité administrative, qui peut puiser dans sa trésorerie.

M. François Baroin, rapporteur spécial.  - Drôle de gestion.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Pour le livre et la lecture, la capacité d'investissement du ministère est restaurée cette année. La remise aux normes du quadrilatère Richelieu touche à sa fin et pèse moins dans le total des crédits de la mission, nous pourrons donc consacrer 18 millions d'euros en trois ans au site Tolbiac, et rénover la BPI, qui retrouve son rôle central d'animation du réseau des bibliothèques publiques.

Madame Mélot, vos propos sur les librairies sont un peu sévères : les deux tiers du réseau Chapitre ont pu être sauvés, leurs emplois avec. On ne peut prétendre non plus que l'État asphyxie ses opérateurs !

Les médiathèques forment le premier réseau d'accès à la culture et au savoir de notre pays. Madame Blondin, la journée du 8 décembre sera consacrée à des échanges avec les élus locaux et nationaux sur la place des bibliothèques. J'espère, madame Laborde, que vous pourrez y participer.

Je suis très attachée à l'équité des règles de concurrence entre les entreprises agissant sur notre territoire, quel que soit leur siège d'exploitation. J'y travaille depuis deux ans et demi. Le Gouvernement a pris plusieurs mesures à cet égard. En 2015, nous ferons en sorte, avec les Allemands et les Italiens, qu'une directive soit prise pour lutter contre l'optimisation fiscale.

Il est faux de dire que le Gouvernement et le ministère de la culture ne sont pas mobilisés.

Je trouve ridicule d'opposer la défense de l'industrie culturelle à la promotion de notre patrimoine culturel. La culture n'est pas une marchandise. Elle appartient bien, en revanche, à une économie. Les artistes, les auteurs expriment leur sensibilité. Je suis fière que la Chine soit notre deuxième marché pour nos droits du secteur du livre : c'est bon pour nos maisons d'édition et pour le rayonnement de notre littérature. Je suis heureuse de mettre mon action au service du rayonnement de notre culture et de nos créateurs en France et à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

ARTICLE 32 État B

M. le président.  - Amendement n°II-346, présenté par Mme N. Goulet.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse

 

130 117 832

 

130 117 832

Livre et industries culturelles

 

 

 

 

Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique

 

 

 

 

TOTAL

 

130 117 832

 

130 117 832

SOLDE

- 130 117 832

- 130 117 832

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement -de mauvaise humeur-, je l'ai déposé en 2008, 2009, 2010 avec toujours les mêmes promesses : voilà des subventions renouvelées chaque année, même si les critères d'attribution en ont été affinés. Depuis le temps qu'on lui donne ces aides à la modernisation, on n'a jamais vu la presse en si mauvais état !

En son temps, le président Marini s'était engagé à faire établir un détail de la justification des dépenses liées à ces aides. D'où mon amendement d'appel donc, afin d'ajuster les aides aux besoins et non de les renouveler systématiquement. Il y a des différences très importantes entre les titres et les marchés. Je souhaiterais que le Gouvernement s'engage à nous informer sur la répartition de ces aides et des dépenses concernées. C'est le minimum du contrôle budgétaire. S'il s'agit de modernisation, combien d'années durera-t-elle ? En quoi consiste-t-elle ? Et à quel prix ?

M. François Baroin, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. Je suis un peu tombé de l'armoire en le découvrant puisqu'il est radical : il supprime tout le dispositif des aides à la presse. J'en comprends à présent l'esprit : au Gouvernement de vous répondre ! (Sourires) À titre personnel, avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis défavorable, vous vous en doutez. Les aides à la presse trouvent une justification dans la Constitution : l'État entend défendre le pluralisme des médias et tant le Conseil constitutionnel que le Conseil d'État ont reconnu que l'aide à la presse d'information politique générale y concourt. Ce soutien se fait dans le respect de la liberté et de l'indépendance de la presse -au plan éditorial mais aussi économique.

Les aides sont accordées sur le fondement de critères objectifs, au cas par cas, après passage devant une commission paritaire où la presse est représentée. Elles ne doivent pas devenir une rente ni aller toutes vers les plus gros acteurs. J'attache une grande attention à l'écosystème des médias ; nous voulons favoriser la diversité des titres de presse. C'est dans cet esprit que l'aide à la presse régionale va être réformée progressivement à partir de cette année. Les petits projets d'investissement sont traités de façon accélérée au sein du fonds stratégique pour le développement de la presse.

Reste que la situation de la presse est difficile : le chiffre d'affaires a reculé pour la sixième année consécutive en 2013. Tous les secteurs sont touchés. Nous veillons à ce que les deniers publics n'interviennent pas là où les fonds privés sont présents et suffisants. Enfin, la transparence est garantie et les critères sont connus. Toutes les informations à ce sujet figurent sur le site internet du ministère.

M. David Assouline.  - L'explication de cet amendement est un peu courte... On touche à un sujet sensible, à un secteur en plein bouleversement, où les gens sont à cran. On ne peut proposer, dans un tel contexte, des mesures à l'emporte-pièce. Je ne ferais pas du soutien à la presse people ou Mickey un critère de respect du pluralisme mais saluons de vrais progrès réalisés en matière de transparence. Les éléments sur les aides et les critères d'attribution sont disponibles en ligne. La convention cadre entre l'État et les entreprises de presse, la simplification des obligations déclaratives, la réforme du fonds stratégique, le plafonnement de l'aide à 25 % pour un seul groupe, tout cela va dans le bon sens.

Depuis le 1er février 2014, la presse en ligne bénéficie enfin du taux super-réduit de 2,1 %, comme la presse papier : c'est l'un des éléments du pluralisme à défendre car c'est la presse de demain.

Mme Françoise Laborde.  - Mon groupe ne votera pas cet amendement. Il faut trouver un équilibre entre presse papier et presse en ligne. Une réflexion à long terme sur le devenir économique de la presse s'impose.

M. Pierre Laurent.  - Nous ne voterons évidemment pas cet amendement, qui serait un arrêt de mort pour la plupart des journaux de ce pays. Nous parlons de la démocratie, du pluralisme, du débat d'opinion. Cet amendement n'est pas très sérieux. Ce n'est pas parce qu'on est aidé que l'on est laxiste. La plupart des rédactions travaillent dans des conditions difficiles. On vante souvent d'autres modèles économiques. La presse gratuite, elle, ne bénéficie pas d'aides : a-t-elle rendu un grand service au pluralisme et à la qualité de l'information ?

Sans doute faut-il veiller à ce que ces aides servent bien leurs objectifs, que les grands groupes n'en captent pas l'essentiel.

J'espère que les auteurs de cet amendement sont aussi exigeants envers les patrons auxquels on accorde tant d'aides et de crédits d'impôts !

Mme Nathalie Goulet.  - Je vais retirer cet amendement. Soit, il y a eu des avancées ces deux dernières années -mais nous ne débattions pas de la deuxième partie du projet de loi de finances. Certains titres reçoivent des aides qui ne se justifient pas forcément.

L'amendement n°I-346 est retiré.

À la demande du groupe UMP, les crédits de la mission sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°64 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 133
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 56 quinquies est adopté.

L'article 56 sexies est adopté.

Les crédits du compte spécial, État D, sont adoptés.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 5 décembre 2014, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques