Reconquête de la biodiversité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Je suis très heureuse de présenter devant vous ce texte qui veut donner un nouvel élan à la protection et à la valorisation de nos richesses naturelles, en donnant force de loi à ce choix, à ce modèle de civilisation nouveau : agir non plus contre la nature mais avec elle, la traiter en partenaire dans une chaîne dont nous faisons partie. Créer la croissance verte et la croissance bleue, c'est notre nouvelle frontière, une nouvelle alliance entre l'humanité et la nature.

Je remercie vos commissions et leurs rapporteurs, qui ont minutieusement examiné le texte. En 2007 déjà, les sénateurs Laffitte et Saunier avaient rédigé, au nom de l'Opesct, un rapport au titre éloquent : « La biodiversité, l'autre choc, l'autre chance », qui disait déjà l'urgence à agir et le potentiel scientifique, technique et économique de la diversité du vivant.

Adopté en mars dernier par l'Assemblée nationale, ce texte a aussi bénéficié de la contribution des ONG et associations et de consultations participatives, à l'initiative de Joël Labbé, que je félicite, recueillant 50 000 votes.

Ces contributions ont alimenté des amendements, et nous regardons encore comment y donner suite.

Ce texte s'inscrit dans le même esprit que la loi pour la transition énergétique : avec ces deux textes, la France se dote du cadre législatif le plus complet, le plus volontariste d'Europe. Ils donnent corps à une avancée majeure en reconnaissant la relation entre réchauffement climatique et biodiversité, les impacts du dérèglement climatique sur les écosystèmes, et la valorisation de la biodiversité comme solution d'atténuation et d'adaptation à la dérive du climat. En témoigne l'agenda des solutions qui accompagne l'accord de Paris. De nombreuses coalitions internationales ont été signées pour agir sans délai, comme le pacte de Paris sur l'eau, qui regroupe 305 organisations et 87 États.

Je pense aux actions de replantations des mangroves dont je me suis engagée à protéger 55 000 hectares d'ici 2020, surtout outre-mer, ou aux récifs coralliens, essentiels comme nurseries pour la faune aquatique, l'épuration des eaux ou la captation du carbone, dont 75 % seront protégés d'ici 2021.

La COP21 a accéléré la prise de conscience des enjeux et donne un éclairage particulier à vos travaux. Dans ce contexte d'urgence, alors que l'activité humaine détruit la biodiversité à un rythme inédit, au point que certains experts parlent de sixième extinction de masse, ce texte s'attaque à un problème global : 60 % des espèces sont en effet en situation défavorable en Europe, et 420 millions d'oiseaux ont disparu en trente ans. La biodiversité s'érode à une cadence qui dépasse sa capacité de régénération.

Selon Hubert Reeves, nous coupons la branche sur laquelle nous sommes assis ; c'est nous qui sommes désormais dans le collimateur de ce phénomène destructeur. La reconquête de la biodiversité, impérative, est possible mais nécessite la mobilisation de tous. Faire de l'urgence une chance, rétablir avec la nature des relations fructueuses, bonnes pour la santé et l'emploi, faire de la France un pays d'excellence environnementale, tel est l'objectif.

La France est riche en merveilles naturelles : c'est le premier pays européen pour la variété des oiseaux, des mammifères et des amphibiens ; elle possède le deuxième domaine maritime, la quatrième superficie de récifs coralliens. C'est aussi le sixième pays abritant le plus d'espèces menacées...

Cette loi de mobilisation inscrit des principes opérationnels et crée l'Agence française pour la biodiversité, outil d'expertise et de pilotage unique au monde regardé avec attention par nos voisins.

Au fil des ans, la France s'est dotée de moyens de protection de ses paysages, comme le Conservatoire du littoral, les parcs nationaux et régionaux, les parcs marins ou les grands sites. Mais face à la pression croissante des activités humaines, cela reste insuffisant.

Pour tirer parti du patrimoine sans l'épuiser, nous inscrivons dans le code de l'environnement trois grands principes : d'abord, la solidarité écologique, la reconnaissance scientifique de l'interaction des écosystèmes, car la biodiversité est un tissu vivant de la planète dans lequel tout se tient, qu'il ne s'agit pas de mettre sous cloche. Deuxième principe : le triptyque « éviter, réduire, compenser », c'est-à-dire anticiper, intégrer en amont les impacts sur la biodiversité. La compensation n'est pas un permis de détruire mais une obligation de responsabilité. D'où l'importance d'une élaboration partenariale et participative des politiques ; d'où la mise en mouvement des territoires autour des trames vertes et bleues et l'arrivée de la deuxième étape du fonds de transition énergétique. Troisième principe : innover sans piller, soutenir l'innovation et les emplois de la croissance verte et bleue en luttant contre la biopiraterie. Les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles doivent être mises en valeur pour le profit des populations, des petites entreprises et de la recherche. Le potentiel est grand, dans l'agroalimentaire, la cosmétique ou la pharmacie. Je veillerai à ce qu'aucun dépôt intempestif de brevet ne vienne limiter l'accès à des ressources dont il s'agit de partager les bénéfices.

L'Agence française pour la biodiversité, avec une seule instance scientifique, une seule instance de concertation déclinée dans les outre-mer, sera plus efficace que les trop nombreux organismes existants.

M. Jean-Louis Carrère.  - Tous localisés à Paris !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - C'est un outil très attendu, qui reprend un engagement du président de la République lors de la conférence environnementale de 2014. Une mission de préfiguration a été installée dès octobre 2014. L'Agence sera donc opérationnelle tout de suite. Atelier sur les outre-mer en février dernier, séminaire en mai, assises de la biodiversité à Dijon en juin dernier associant les professionnels de la biodiversité : la concertation a été large.

L'Agence française pour la biodiversité bénéficiera, outre son budget de 230 millions d'euros, de 60 millions d'euros au titre des programmes d'investissement d'avenir. Elle regroupera l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), le groupement d'intérêt public Atelier technique des espaces naturels, l'Agence des aires marines protégées, l'établissement public des Parcs nationaux de France. Elle passera des conventions de partenariat avec le Museum d'histoire naturelle, l'Ifremer, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage par exemple (ONCFS). Je sais que certains regrettent que ce dernier ne la rejoigne pas mais le partenariat devrait créer une dynamique positive. Sa logique en réseau permettra de faire des économies de fonctionnement. Ce sera un lieu d'excellence menant des actions de recherche volontaristes, assurant une meilleure visibilité de notre stratégie et un décloisonnement des instruments.

Je déposerai des amendements afin de lever une ambiguïté de la loi Modernisation de l'action publique afin que les communes ou EPCI qui ont transféré leur compétence dans le domaine de l'eau à un syndicat puissent lever la taxe prévue à cet effet. Je vous proposerai une rédaction souple pour permettre l'adoption d'un dispositif particulier, région par région : ce qui compte, c'est l'efficacité. Toutes les collectivités sont concernées, notamment les départements qui gèrent les espaces naturels sensibles. L'élargissement de la compétence des agences de l'eau apportera plus de financement.

Les paysages du quotidien contribuent puissamment à l'image de la France et à la qualité de vie des Français. Ils font partie de notre histoire, de notre identité commune. Je remettrai le 3 février le grand prix des paysages : les citoyens du monde doivent prendre soin de leur jardin planétaire et en partager les beautés.

La biodiversité est très concrète : elle concerne la santé de tout un chacun. Une nature malmenée, c'est un risque sanitaire accru. Ce texte facilitera le recours au traitement naturel de l'eau, interdit le rejet en mer d'eaux de ballast non traitées et fait la part belle au génie écologique, encouragé par le plan santé environnement 2015-2019. Parmi les objectifs de santé publique : la réduction de l'utilisation des pesticides, le développement du programme « terre saine, communes sans pesticide », l'interdiction de l'épandage autour des écoles, la restauration de la qualité écologique des eaux marines, avec l'interdiction, dès 2016, des sacs plastiques à usage unique.

Nous avons prévu des actions d'accompagnement de la loi, dans lesquelles les collectivités territoriales ont toute leur place, notamment les territoires à énergie positive.

La biodiversité est une opportunité de développement économique et de création d'emplois ancrés sur les territoires. C'est la croissance bleue et la croissance verte : innovation scientifique et technique, développement de filières d'avenir, création d'emplois peuvent s'appuyer sur la transition énergétique. Les emplois directs dans les parcs naturels ou les aires marines protégées sont déjà 40 000. Les métiers des jardins et paysages représentent 150 000 emplois, et un marché de 10 milliards d'euros ; la pêche, l'agriculture, la sylviculture, la première transformation : deux millions d'emplois, et cinq millions d'emplois indirects, dans le tourisme, la filière bois, la cosmétique.

L'essor rapide du génie écologique qui représente déjà un demi-millier d'entreprises et 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires est le signe avant-coureur du possible et une raison supplémentaire d'agir. Le présent texte doit accentuer ce tournant en facilitant la création de réseaux de startups et de PME dans le bio-mimétisme et la bio-inspiration.

Comme le disait Robert Barbault : « La biodiversité est une véritable bibliothèque d'innovations, auprès de laquelle les bibliothèques de tous nos pays réunis ne représentent même pas un bout d'étagère ». Je pourrais aussi citer la chimie verte, soutenue par le programme des investissements d'avenir, ou les trophées de la stratégie nationale de la biodiversité... Les exemples ne manquent pas.

Il s'agit d'une loi d'action et de mobilisation des forces vives, qui poursuit aussi un objectif de simplification. J'ai été attentive aux remarques de vos commissions sur les quinze habilitations à légiférer par ordonnances : tous ces articles seront supprimés, soit que les ordonnances aient été intégrées dans le texte, soit que les questions aient été traitées par circulaire (M. Jean-Claude Lenoir s'en félicite). C'est ma façon de vous montrer combien je suis sensible à la qualité de vos travaux et de coconstruire avec vous cette loi magnifique. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain, RDSE et écologiste)

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Adopté en Conseil des ministres en 2014, ce texte a déjà connu un long cheminement. Ma tâche de rapporteur a été passionnante : les très nombreuses auditions menées et contributions reçues, que j'ai toutes décortiquées, ont fini de me convaincre que le sujet est capital. Merci aux collègues de la commission de l'aménagement du territoire, et à son président, qui ont rendu possible la construction d'une solution, sans doute imparfaite, mais qui atteint un équilibre pragmatique et réfléchi. La commission a adopté 222 amendements, issus de tous les groupes ; elle a repris la quasi-totalité de ceux de Mme Primas, une vingtaine d'amendements de simplification de Rémy Pointereau, une dizaine d'amendements portés par M. Cardoux au nom du groupe d'études chasse.

Il s'agit, avec ce texte, de la planète que nous laisserons à nos petits-enfants, aux conditions de la survie sur terre. Elizabeth Kolbert, lauréate du prix Pulitzer, a enquêté sur « La sixième extinction ». Elle relève que nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle de l'anthropocène, celle de la première extinction massive d'espèces causée par la seule action humaine. Les signaux d'alarme pleuvent : le taux d'extinction des amphibiens est 45 000 fois plus élevé que la normale ; un tiers des coraux, des mollusques d'eau douce, des requins et des raies, un quart des mammifères, un cinquième des reptiles, un sixième des oiseaux sont en voie d'extinction. Nous devons, en conscience, changer notre regard sur notre modèle de développement, sur notre action quotidienne. Saisissons la crise comme une opportunité dynamique pour valoriser la vie sur terre, tout en la protégeant.

Ce texte n'est pas une énième loi agricole, une loi chasse ou une loi nature statique consistant à mettre les paysages sous cloche ; c'est la clef de réussite de l'accord de Paris comme la loi de transition énergétique. Si nous ne le prenions pas au sérieux, nous ne ferions que reculer pour mieux sauter. On ne peut plus cloisonner les sujets en arguant d'intérêts sectoriels. Nous avons tous salué l'accord historique signé par plus de 190 pays. Nous sommes certes 348, mais le Sénat gagnerait à se situer comme déjà par le passé au-dessus de la mêlée, en montrant son engagement, son sens de la responsabilité et sa modernité.

Notre commission a eu la conscience de l'urgence, cherché raisonnablement un compromis équilibré, recentré le texte sur ses véritables enjeux en excluant les articles anti-chasse ou pro-chasse, hors sujet, et allégé les contraintes pour les acteurs.

La commission a supprimé à titre conservatoire l'article 34, qui crée des zones prioritaires pour la biodiversité. Nous nous sommes rendus en Alsace avec MM. Longeot et Médevielle, auxquels s'est joint M. Kennel. Il est toujours important d'aller sur le terrain.

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Nous avons constaté que la création de la zone prioritaire de biodiversité était inutile, compte tenu du travail déjà mené entre la chambre d'agriculture, les services de l'État et les agriculteurs ; la ministre en a convenu avec nous. Ce n'était pas le bon outil pour protéger le grand hamster.

Je me suis aussi rendu avec Mme Primas dans les Yvelines, département confronté à de gros problèmes d'urbanisation, où la compensation a été rendue obligatoire. Mise en oeuvre de manière intelligente et pragmatique, elle offre un complément de revenu aux agriculteurs et n'est plus douloureuse avec la contractualisation.

Nous devons simplifier le droit et alléger les contraintes, sans verser dans le simplisme - forme de poujadisme - ni dans l'opacité et la complexité, ennemies du législateur. Nous avons opté pour une rationalisation de l'Agence française pour la biodiversité.

Le titre IV tient compte de la position exceptionnelle de notre pays -  à la fois fournisseur et utilisateur de ressources génétiques  - au regard du protocole de Nagoya. Il s'agit de garantir que les ressources seront utilisées de manière durable et que les collectivités locales recevront des retombées justes et équitables. Je souhaite que nous réussissions cette mutation. Le pape François - en dehors de toutes considérations théologiques - nous appelle à redéfinir le progrès ; cet appel devrait nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - L'accélération fulgurante du développement économique aux XIXe et XXe siècles, emblématique de la conquête de l'homme sur la nature, a été un corollaire du progrès et de la prospérité, malheureusement au détriment de l'environnement. Depuis maintenant un demi-siècle, nous avons pris conscience de la raréfaction des ressources et de la dégradation des écosystèmes. Le monde économique doit intégrer ces enjeux nouveaux ; l'économie bleue et l'économie verte montrent que la protection de l'environnement peut aussi être une opportunité.

La législation environnementale a pris depuis les années 1970 une importance croissante au niveau national, européen et même mondial, comme en témoignent la généralisation des études d'impact, les directives Oiseaux et Habitats, et plus récemment l'Accord de Paris.

Ce texte arrive après les lois Grenelles I et II, qui en ont construit les fondations. La commission des affaires économiques s'en est saisie pour avis car préoccupations environnementales et économiques ne sont pas dissociables. L'ensemble des acteurs économiques -  agriculteurs ou chasseurs, premières vigies de la biodiversité, doivent être associés dans une démarche partenariale, loin de l'écologie punitive. Certaines dispositions, surtout après la première lecture à l'Assemblée nationale, n'en étaient malheureusement pas éloignées. La multiplication des zonages, l'enchevêtrement des normes suscitent l'incompréhension sur le terrain, voire l'hostilité.

La commission des affaires économiques a donc proposé de supprimer certaines mesures source de complexité pour les élus locaux, notamment en matière d'urbanisme : ainsi des articles 29 bis, 32 quater, 36 quinquies A et 34, en privilégiant le réalisme plutôt que l'idéologie. À l'article 33, nous rappelons que le but principal est le développement, en équilibrant les obligations et contreparties des agriculteurs. Nul doute que nous aurons de riches débats à l'article 35, sur les résidus de produits pharmaceutiques ou l'interdiction des néonicotinoïdes...

Il ne n'agit pas d'une loi chasse ou d'une loi pêche. À cet égard, de nombreux amendements adoptés nuitamment par l'Assemblée nationale ont été mal perçus, notamment dans les zones rurales, où la chasse est socialement centrale. Merci à M Cardoux pour notre travail conjoint sur ce sujet.

Attention enfin, aux articles 18 et suivants, à ne pas pénaliser la recherche, publique ou privée, alors qu'une compétition mondiale fait rage dans le génie génétique. Je défendrai au nom de la commission des affaires économiques des positions qui ont été guidées par un souci d'équilibre entre le développement économique et la préservation de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - La commission de la culture s'est saisie pour avis des articles 69 à 71 ainsi que de l'article 74, mais pas sur la création de l'Agence française pour la biodiversité, même si certaines de ses missions nous intéressent. Nous vérifierons que les établissements d'enseignement et de recherche consultent bien les bases de données prévues et que la diffusion des connaissances sur la biodiversité est effective.

Nous avons cherché à concilier la protection du patrimoine avec le développement économique et à mieux associer les citoyens. Ce texte prévoit un grand ménage de printemps dans les 4 800 sites inscrits, qui représentent 2,5 % du territoire. Il est vrai qu'on y trouve de tout. La procédure date de 1930, l'inscription sur la liste départementale a été utilisée à des motifs hétérogènes et n'assure pas une protection suffisante. Ainsi, l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'est-il que consultatif...

Le Gouvernement propose à l'article 69 de geler la liste des sites inscrits et de les redistribuer par arrêté dans d'autres catégories d'ici 2026. Certains seraient tout bonnement radiés : les sites dégradés de manière irréversible ou privilégiés par ailleurs. C'est surtout le gel qui inquiète les élus et les associations : l'impossibilité à l'avenir d'inscrire un site nous privera d'un outil souple, antichambre du classement et permettant un accès aux architectes des bâtiments de France. Faut-il croire que le Gouvernement veuille recentrer ses forces sur les sites les plus sensibles en laissant les collectivités territoriales orchestrer seules la protection de leur territoire ?

À l'article 74, les députés ont supprimé -  contre l'avis du Gouvernement et de la commission  - la dérogation relative aux bâches publicitaires lors de travaux sur les monuments classés ou inscrits, qui permettait d'affecter des recettes publicitaires aux travaux. Nous proposons de la rétablir.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.  - C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a rétabli la dérogation telle qu'elle existe aujourd'hui - et décidé de travailler sur le sujet dans le cadre de la loi Création, architecture et patrimoine que nous examinerons très prochainement. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements au centre) Je veux d'abord féliciter Jérôme Bignon qui a fourni un travail colossal, rencontré près de 200 personnes, dans un délai contraint. Je remercie aussi les rapporteurs pour avis des commissions des affaires économiques et de la culture, ainsi que l'ensemble des membres de la commission du développement durable et des groupes politiques qui ont permis l'adoption consensuelle de ce texte. Merci à vous enfin, madame la ministre, pour votre écoute.

Ce texte a été adopté par notre commission le 8 juillet dernier avec plus de 220 amendements, qui reflètent toutes les sensibilités. Il est équilibré, réaliste, pragmatique, et même simplificateur, à l'image de ce que notre commission avait proposé pour la loi sur la transition énergétique, ce qu'appréciera M. Pointereau.

Je souhaite que nos débats en séance se déroulent eux aussi, comme en commission, sans a priori idéologique, sans postures, sans clivage partisan, mais de manière constructive. Les enjeux doivent nous rassembler. Ils prolongent l'accord historique signé à Paris le 12 décembre dernier. À nous de respecter l'engagement pris devant toute la planète, de le mettre en oeuvre concrètement et ce projet doit y contribuer.

Les interactions entre climat et biodiversité sont nombreuses : croissance des animaux, des plantes, migrations, voire disparitions d'espèces dépendent directement du réchauffement climatique. Le GIEC prévoit d'ailleurs la disparition de 20 % à 30 % des espèces animales et végétales, du fait du réchauffement climatique. La France est particulièrement exposée en raison de la diversité de ses territoires, notamment outre-mer.

Les écosystèmes agissent en retour sur nos cultures, nos civilisations, nos modes de vie, qu'ils ont contribué à modeler. Grâce à des stratégies efficaces, il est possible d?atténuer les conséquences du changement climatique. La biodiversité peut ainsi freiner la croissance du taux de CO2, au moyen des puits de carbone.

Elle n'est pas enfin sans lien sur notre économie, elle représente à cet égard un atout, car elle fournit des opportunités économiques et d'innovation -  je pense au biomimétisme.

Ce texte est donc bienvenu, et attendu : adopté en conseil des ministres le 26 mars 2014, à l'Assemblée nationale le 24 mars 2015, par notre commission en juillet, il offre une vision juste et dynamique de la biodiversité. Il nous revient d'adopter une vision plus équilibrée et plus pragmatique du texte voté à l'Assemblée nationale, sans bouleverser les équilibres trouvés, une vision positive. Veillons à légiférer sans perdre de vue l'intérêt général ! (Applaudissements au centre, ainsi que sur les bancs du RDSE ; M. Jérôme Bignon, rapporteur, et Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis, applaudissent également)

Mme Évelyne Didier .  - Quatre ans après la Conférence environnementale, nous voici enfin réunis pour protéger la biodiversité, donc assurer un avenir à l'humanité. La France a un rôle particulier à jouer, qui possède la deuxième façade maritime au monde, grâce notamment à ses territoires d'outre-mer, chers à Paul Vergès, ici présent.

Ce texte, dans la lignée de la loi fondatrice de 1976, est très attendu. Nous partageons toutefois la vision de la biodiversité comme système vivant, dynamique et interactif et non plus seulement, comme dans la loi de 1976, comme élément purement patrimonial.

Il y a urgence à agir, les chiffres ont été rappelés : 17 000 espèces disparaissent chaque année ! Les scientifiques tirent tous le signal d'alarme, en signalant ce qu'ils nomment la « sixième crise d'extinction ». Il y a dix ans déjà, un colloque organisé ici-même par nos collègues Jean-François Legrand et Marie-Christine Blandin, parrainé par Hubert Reeves, en dressait le constat. Le consensus progresse dans la société civile, grâce à des personnalités comme Nicolas Hulot, qui nous appelle à oser changer la société.

La création de l'Agence française pour la biodiversité procède d'une bonne démarche : la biodiversité est un tout. Or 225 millions d'euros lui seront consacrés, qui représentent les moyens additionnés des structures existantes ; les besoins étaient pourtant chiffrés à 400 millions d'euros par an par les deux rapports de préfiguration... Une chose est claire : les ressources des agences de l'eau - 150 millions - ne suffiront pas. De plus, ce financement provient en très grande partie - 80 % - des ménages ! L'élargissement des compétences des agences de l'eau -  à l'ensemble de la biodiversité terrestre  - par l'amendement adopté à l'Assemblée nationale ne peut donc pas nous satisfaire. Le Grenelle avait pourtant abouti à l'objectif de 300 millions d'euros par an fléché vers la biodiversité. Enfin qu'attendre des agences si l'État continue de ponctionner leur fonds de roulement ?

La mission de préfiguration renvoie maintenant la question du financement au comité pour l'économie verte : espérons qu'elle ne subisse pas le même sort que Bercy a réservé en matière fiscale au groupe sur les déchets ! Un débat doit rapidement être ouvert sur les moyens de l'Agence française pour la biodiversité, sujet encore évoqué aux Assises nationales de la biodiversité de 2015.

Il est regrettable que le dialogue n'ait pas été plus poussé avec les organisations syndicales, qui loin de considérer la création de l'agence comme une chance, s'inquiètent d'abord des conditions de la disparition de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). Ainsi, 76 suppressions d'emplois sont prévues en 2016 dans le périmètre de la future Agence française pour la biodiversité : est-ce cohérent ? Le statut du personnel de l'office doit être précisé. En attendant, nous soutiendrons leur grève, le 4 février prochain. Nous déposerons un amendement d'appel sur ce point.

L'Agence française pour la biodiversité travaillera avec les régions volontaires, dites-vous madame la ministre. Nous n'approuvons pas cette tendance au transfert de compétences... L'État ne doit pas se désengager du soutien à la biodiversité. Le Conseil national est, lui, opportun, de même que l'article 4 sur les stratégies nationales. Toutefois, nous proposerons des amendements sur la notion de services écosystémiques et nous opposerons aux tentatives de marchandisation de la nature, qui se multiplient avec les brevets sur le vivant et appauvrissent la notion de bien commun qui devrait prévaloir. Certains se résolvent à faire prendre en charge la nature par le marché. Si tous les pays et l'OMC décidaient de faire de la politique, on pourrait affirmer que l'économie est au service des hommes et pas le contraire. Mais je rêve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen ; M. Joël Labbé applaudit aussi)

Nous proposerons de rétablir, au titre V, l'article sur les produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes.

Le principe ERC est reconnu dans notre droit et nos engagements internationaux. Mais le dispositif de réserves d'actifs, dont l'efficacité n'est pas démontrée, engage la financiarisation du vivant ; nous ne le soutiendrons pas.

À quand une COP sur la biodiversité à Paris madame la ministre ?

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Il y en aura une au Mexique en décembre.

M. François Patriat.  - Très bien !

Mme Évelyne Didier.  - Madame la ministre, je salue votre engagement et votre écoute, ainsi que ceux de notre rapporteur. Ce texte marque des progrès, nous serons attentifs à leur application. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, du groupe écologiste ; M. Raymond Vall applaudit aussi)

M. Hervé Poher .  - (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Le projet de loi s'intitule : « reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Chaque mot compte. La reconquête, voilà une véritable ambition. Oui, le champ d'intervention est ambitieux, qui embrasse tout notre patrimoine commun, notre héritage, reçu, si j'ose dire, en indivision. Il en va de notre responsabilité : quelles que soient nos sensibilités, face aux enjeux de la « sixième extinction » on ne peut plus attendre ni rester inerte.

On reproche souvent aux décideurs un manque de continuité dans l'action. Ce reproche ne peut vous être fait, madame la ministre : vous avez un fil rouge, une vision ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Dans cette enceinte, on entend surtout les termes juridiques code, norme, droit. Permettez-moi de situer mon intervention sur un autre terrain, plus philosophique, mettre de la tendresse dans un océan de pragmatisme...

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Hervé Poher.  - J'ai eu l'honneur de présider un parc naturel régional, terrain d'expérimentation, d'exception, d'excellence. Permettez-moi de citer mon dernier discours en cette qualité. « N'oubliez jamais, disais-je, que les gens ont besoin qu'on leur raconte une histoire : joyeuse ou triste, vraisemblable ou impossible, réaliste ou fantasmagorique... Peu importe : le principal, c'est qu'on leur raconte une histoire.

« Si nous, décideurs, nous ne le faisons pas, les gens écriront une histoire eux-mêmes et le résultat ne sera pas toujours ce qu'on aurait souhaité ».

Le mot « reconquête » signifie tout cela : une belle aventure, celle racontée par Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand. L'ours, le dauphin, l'éléphant, font partie de notre enfance. Une fleur, fût-elle modeste, est l'image même de la beauté ; un coucher de soleil sur un horizon vierge offre un moment de plaisir inoubliable ; la coccinelle reste, elle, pour les enfants, la bête à bon dieu (On apprécie sur divers bancs) : que d'histoires à raconter ! N'oublions pas ce que veulent les gens, n'oublions pas notre patrimoine commun !

Nous avons des débats ; il est normal que chacun défende sa vision de la nature, la situation des agriculteurs. Mais n'oublions pas que la nature n'est pas réductible à des normes, car elle engage tout le vivant.

Je vous en remercie au nom, madame la ministre, de ce texte qui parle à notre raison mais aussi à notre coeur, à celui de grand-père qu'est le mien. Puisse ce texte préparer l'avenir des générations futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci pour ce discours très littéraire !

M. Ronan Dantec .  - Près d'un an après sa première lecture à l'Assemblée nationale, nous abordons enfin ce texte ! À ce stade du débat, j'ai déjà quelques craintes. Celle d'abord, que la coalition de lobbies de toute sorte, mus par la conception d'une agriculture toujours plus shootée aux produits phytosanitaires, le droit des uns de chasser sans contrainte, des autres de polluer de même, de réaliser des infrastructures qui alimentent le BTP, ne fasse résonner ici cette petite musique bien connue, selon laquelle « l'environnement, ça commence à bien faire » !

Il faut beaucoup d'abnégation pour faire avancer ce pays sur la voie de la protection de la nature. Il suffit de comparer la situation de l'ours en France et chez nos voisins pour s'en convaincre. En Espagne et en Italie, on brandit volontiers dans les régions concernées leur présence comme un argument de promotion touristique. En Grèce, une autoroute a été détournée pour ne pas leur nuire. Dans nos Pyrénées, pendant ce temps, deux ours bruns mâles en désespoir de se perpétuer, parcourent en vain des dizaines de kilomètres en se frottant sur les troncs pour y laisser leur trace olfactive. (Mouvements divers) Oui, en France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, on n'est pas capable de relâcher deux ourses pour permettre leur reproduction dans les Pyrénées occidentales d'où elles ont totalement disparu...C'est aussi dans notre beau pays que l'on défend bec et ongle la chasse à la glu - je m'étonne que personne n'ait encore demandé le retour des pièges à mâchoires... (Fortes exclamations à droite)

Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis.  - Provocations inutiles !

M. Ronan Dantec.  - Les schémas régionaux de cohérence écologique et de la diversité, adoptés l'an passé, sont de réelles avancées. On ne peut donc que s'inquiéter du souhait de Xavier Bertrand, à peine élu, de supprimer le CRCE, outil clé de la protection de la biodiversité de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

La question de la compensation restera centrale. Pour certains aménageurs, le principe ERC revient surtout à éviter ou réduire la compensation (Sourires...)

La spoliation des communautés locales de leur savoir-faire fera aussi l'objet de notre vigilance...

Trouver l'équilibre entre activité humaine et protection de l'environnement est un impératif. À défaut, nous disparaîtrons.

Avançons et ne laissons pas les ourses célibataires se morfondre dans nos Pyrénées. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Stéphane Ravier .  - La biodiversité doit être un souci permanent car sans elle, plus de vie humaine. Elle doit être envisagée dans sa globalité. Ce texte révèle aussi une contradiction majeure, puisqu'il s'appuie sur le modèle économique ultralibéral et mondialiste qui crée ce qu'il combat. Comment peut-on continuer à débattre ici la main sur le coeur de la biodiversité et en même temps de continuer à négocier ou plutôt à se faire tordre le bras par les cosignataires du traité TAFTA ? Défendons plutôt notre patrimoine économique ! Dans ma région, 15 millions de repas de cantine sont servis annuellement dans les lycées. Qu'attendons-nous pour les approvisionner produits localement ? Nul doute que le super-résistant niçois relaiera mon appel (Sourires)

Pendant que vous prônez ici le respect de la nature, le Premier ministre laisse faire sans broncher une pollution chimique sans vergogne qui menace les calanques marseillaises, en autorisant le rejet de polluants toxiques par la société Altéo, au nom du chantage à l'emploi : autre incohérence...

La mal nommée chasse à la glu fait encore l'objet de l'acharnement idéologique d'ayatollahs verdoyants n'ayant connu d'autres marais que celui des bobos de Paris... Heureusement que la commission a supprimé son interdiction ! En revanche, nous réitérons notre soutien à l'interdiction des néonicotinoïdes et nous regrettons que la commission ait supprimé cette interdiction.

Nous sommes, nous, favorable à une véritable écologie, débarrassée de tout écologisme. Je conclurai avec les propos du Saint-Père dans son encyclique Laudato Si, largement citée lors de la COP21 : « Une stratégie de changement réel exige de repenser la totalité des processus, puisqu'il ne suffit pas d'indure des considérations écologiques superficielles pendant qu'on ne remet pas en cause la logique sous-jacente à la culture actuelle ».

M. Guillaume Arnell .  - Je m'exprimerai sur un autre ton. Le projet de loi crucial et attendu prolonge les décisions prises à la COP21 ; le Gouvernement confirme ainsi des priorités.

En août dernier, l'ONG Global Footprint Nework, inventeure du concept d'empreinte écologique, révélait que la couverture de nos besoins nécessiterait une planète supplémentaire ; deux, d'ici 2030 ! C'est dire l'ampleur du défi que nous devons relever.

La France possède le deuxième espace maritime au monde, une triple façade maritime, une biodiversité remarquable grâce aux outremers et se situe au cinquième rang mondial pour le nombre d'espèces menacées. Notre responsabilité est toutefois globale, et dépasse nos frontières ; 15 % des espèces mondiales sont en danger.

Cette loi annonce un tournant majeur pour la prise de conscience environnementale. En tentant de fournir des alternatives concrètes, cette loi et la loi Transition énergétique offrent des solutions viables pour emprunter le chemin d'une croissance verte et bleue. Cette politique ne se limite pas à la volonté de limiter la détérioration de la biodiversité : elle encourage également la recherche et l'innovation, maillons indispensables de la chaîne de transition écologique.

La création de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), instance unique, unifiera la mise en oeuvre de la stratégie écologique. Le Comité national de biodiversité est une autre avancée. En charge du pôle développement durable de ma collectivité, j'insiste sur l'indispensable représentation dans ces deux instances, de tous nos territoires d'outre-mer qui abritent une part colossale de la biodiversité de notre pays.

La détérioration des mangroves nous rend plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Les dégâts causés à Saint-Martin par les multiples ouragans, Luis et Marilyn en 1995 et plus récemment Gonzalo nous l'ont amèrement rappelé. La prolifération des algues sargasses sur nos littoraux et l'arrivée d'espèces dévastatrices dans nos eaux - tel le poisson-lion - sont autant de menaces à la préservation de notre biodiversité.

Ces phénomènes ont aiguisé notre sensibilité à ces questions, et nous restons vigilants sur le niveau de la mer. Nous serons soucieux de diffuser les bons messages à nos compatriotes et suivrons ces débats avec le plus vif intérêt. Nous voulons l'approuver. Notre vote de mardi prochain dépendra de leur résultat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)

Mme Chantal Jouanno .  - Ces questions suscitent parfois des oppositions fortes parce qu'elles engagent des philosophies de l'homme. La création de l'AFB est une avancée incontestable. Elle avait déjà été prévue par le Grenelle, que je présidais alors. Ma vie de secrétaire d'État à l'écologie fut écourtée. Je regrette que l'Office national de la Chasse et de la faune sauvage (ONCFS) n'intègre pas l'Agence, d'autant que le monde de la chasse connaît bien la biodiversité.

La ratification du protocole de Nagoya reconnaîtra officiellement que la biodiversité participe au développement économique ainsi que son caractère patrimonial pour les peuples autochtones. Pour ces deux seules raisons, j'approuve ce texte.

Nous devrions assister ici même à des débats scientifiques avec Hubert Reeves, Gilles Boeuf, Jean-Marie Pelt, s'il était encore parmi nous, pour battre en brèche l'idée darwinienne selon laquelle l'homme s'opposerait au reste de la nature. Du protozoaire à la sexualité humaine, il y a un continuum ; nos cellules sont d'ailleurs majoritairement d'origine extra-humaine... Vous êtes tous, du reste, une ode à la biodiversité : songez que vous contenez dix fois plus de cellules non humaines qu'humaines... C'est dire la gravité qu'aurait la 6e extinction.

La clarification de la compensation, l'interdiction du chalutage profond des néonicotinoïdes, de certaines méthodes de chasse comme celle à la glu...

M. Stéphane Ravier.  - Allez sur le terrain, vous verrez ce qu'il en est !

Mme Chantal Jouanno.  - ...sont indispensables. Je vous invite à écouter les scientifiques, plutôt que de faire de la politique. (« Oh ! » à droite ; applaudissements au centre, ainsi que sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)

M. Louis Nègre .  - Notre époque semblait n'avoir que des incertitudes et des inquiétudes à nous proposer. L'accord de la COP21 nous a offert une accalmie, et le travail de Jérôme Bignon nous trace des perspectives.

Il faut questionner notre modèle économique, j'en conviens. Notre modèle de développement nous emprisonne dans une forme d'adolescence économique dont il nous faut sortir.

La loi de transition énergétique nous permettait déjà de sortir de ce paradigme et de bousculer quelques lobbies. Cette loi la complète et revêt un caractère d'urgence : notre maison brûle - pour reprendre les mots tant du pape François que d'Hubert Reeves.

Le rapport, en juin dernier, des plus grandes universités américaines, évoquait une 6e extinction de masse : la maison est en feu !

Saint-Exupéry l'a dit : on n'hérite pas la terre de nos aïeux, on l'emprunte à nos enfants... Notre responsabilité humaine, morale et politique est engagée.

Ce texte comporte des avancées importantes, ambitieuses - mais son architecture est-elle cohérente ? Je serai critique sur des articles additionnels introduits à l'Assemblée nationale, qui affaiblissent la rédaction initiale : l'article 74 contre les bâches publicitaires, par exemple, sans parler des centaines d'amendements apparus ces derniers jours. Ces ajouts confirment l'adage « le mieux est l'ennemi du bien » - je salue les suppressions faites en commission.

Ce texte ne fait cependant qu'effleurer la réforme des polices de l'environnement, c'est dommage. Même remarque pour le système d'accès et de partage des avantages - toutes les inquiétudes ne sont pas levées.

Enfin, à l'article 33, notre rapporteur a sécurisé le nouveau contrat, au bénéfice des professions agricoles : les agriculteurs seront libres de consentir aux obligations environnementales ; je compte sur leur compétence, leur connaissance du terrain, leur amour de la nature pour être ambitieux dans la reconquête d'une biodiversité dont les Français sont si fiers...

À l'article 69, la possibilité de réinscrire de nouveaux sites est une bonne chose.

Ce texte rationnel et ambitieux était devenu brouillon après son passage à l'Assemblée nationale ; le Sénat fait oeuvre utile en lui redonnant force, équilibre, pragmatisme : je voterai ce texte nécessaire pour l'avenir de la planète.