CDG Express (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Laurence Cohen .  - Le CDG Express est loin de faire l'unanimité. Si l'on interrogeait les Franciliens, ils seraient massivement contre... Ce projet n'est de toute façon pas pour eux.

Comme Pierre Laurent le faisait remarquer dans sa question orale de mai dernier, les sillons occupés ne pourront pas être utilisés par d'autres RER. Le billet, fort cher, à 24 euros, ne pourra pas même être utilisé dans le métro une fois arrivé à la gare de l'Est, et les titulaires d'un Pass Navigo ne pourront pas l'utiliser pour se rendre à Charles-de-Gaulle.

Pour seulement 22 000 passagers hypothétiques pour le CDG Express, il y en a 900 000 bien réels sur le RER B. Nous nous prononcerons donc contre ce projet et pour le droit à tous de bénéficier de transports collectifs de qualité.

Mme Évelyne Yonnet .  - Le CDG Express est un projet fabuleux pour l'avenir. Rapide et propre, il avancera à haute vitesse et placera Paris au niveau des autres hubs des capitales européennes. Il est un atout majeur pour l'attractivité de Paris et son image. L'aéroport Charles-de-Gaulle a accueilli 65 millions de voyageurs en 2015.

Néanmoins, j'émets des réserves quant à l'état du RER B, très vétuste. Certaines villes limitrophes de Paris en Seine-Saint-Denis n'auront de métro qu'en 2019. Les élus locaux se félicitent toutefois du rattrapage en cours, puisqu'il y a les tramways et davantage de bus.

Comment penser la ville de demain si les retards s'accroissent ? Que penser du tarif de CDG Express et de son accessibilité pour les Franciliens ?

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Pour 22 000 passagers hypothétiques par jour, on dégrade les conditions de voyage de tous les autres. En outre, l'ouverture de la ligne 17 fera baisser de 15 % l'affluence du CDG Express. La menace d'une privatisation plane. La question n'est pas celle de montage financier mais celle du financement par les pouvoirs publics.

M. Louis Nègre, rapporteur.  - Avis défavorable. Le CDG Express est un service commercial destiné aux passagers de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Il ne remplit pas les mêmes objectifs que la future ligne 17. Il ne faut pas confondre le CDG Express avec les transports du quotidien.

N'opposons pas le projet de CDG Express, qui répond à l'objectif d'intérêt général de renforcer l'attractivité de la région capitale, et les projets intéressant les Franciliens, qui relèvent du service public de transport.

À ce dernier titre, 125 millions d'euros ont été débloqués pour financer les investissements nécessaires à la rénovation du RER B.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Il n'est pas raisonnable d'opposer le CDG Express et les transports du quotidien. On n'a pas évoqué le développement durable mais le CDG Express fera passer la proportion de trajets par la route de 60 % aujourd'hui à 40 % demain. Je suis étonné de votre positionnement définitif contre ce projet. Avis défavorable.

M. Philippe Dallier.  - Élu de Seine-Saint-Denis, territoire si particulier, je crois qu'on ne pourra pas concilier tous les projets. Les projets remontent à 2000. On m'expliquait alors qu'on installerait la base de chantier aux Pavillons-sous-Bois pour créer des navettes qui allaient relier Paris à l'aéroport sans s'arrêter nulle part. On sait ce que cela a donné.

Le projet CDG Express est désormais nécessaire pour l'attractivité de la région, c'est vraiment un projet d'intérêt national. Il suffit d'emprunter l'A3 ou l'A1 et d'observer ses abords pour s'en convaincre : on a l'impression d'être partout sauf au coeur de l'Europe... L'herbe n'est pas coupée, des ordures partout... Il faudra aussi s'occuper de cela... (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit)

Mme Catherine Procaccia.  - Si le CDG Express va vite, on ne verra plus les dépotoirs...

Mme Laurence Cohen.  - Je me réjouis d'entendre nos collègues défendre le développement du ferroviaire, que nous étions bien seuls à soutenir contre les cars Macron....

Les populations ne soutiennent guère le projet de CDG Express, car elles savent bien qu'il contribuera à dégrader davantage les conditions de transport sur la ligne du RER B. Nous nous opposons à ce que le projet initial de Christian Blanc, qui consistait à desservir les centres d'affaires, jeté à la porte soit réintroduit par la fenêtre, en contradiction avec les besoins des populations. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Vincent Capo-Canellas.  - Le CDG Express représente un espoir pour les voyageurs, celui d'une séparation des flux. Pour les personnes qui empruntent quotidiennement la ligne, il n'est pas commode de se trouver aux côtés de gens chargés de bagages.

N'opposons pas le CDG Express et la modernisation du RER B, les deux projets peuvent être menés de front. On sait que l'A1 sera thrombosée à l'horizon 2030.

Mme Aline Archimbaud.  - Le CDG Express est aussi opportun sous l'angle du développement durable, il faut le redire.

Monsieur le ministre, à quoi correspondent les 125 millions d'euros destinés au RER B ? Cette enveloppe suffira-t-elle à financer tous les travaux nécessaires ? Il faudrait refaire le tunnel de Châtelet... La Seine-Saint-Denis attend depuis des années. Les 32 milliards du Grand Paris Express ne peuvent-ils servir aussi au CDG Express - je pense à la ligne 17 ?

On parle d'un basculement de 6 % des voyageurs du RER B vers le CDG Express... Ce n'est pas beaucoup... Je n'ai pas bien compris la nécessité de séparer les flux...

Une modernisation structurelle du RER B et l'utilisation de la  17 permettraient de répondre à tous les défis.

M. Philippe Dominati.  - Monsieur le ministre, le principal utilisateur du CDG Express, Air France, considère-t-il oui ou non le projet utile ? À ma connaissance, deux dirigeants au moins ne le pensent pas, craignant que la compétitivité de l'aéroport en pâtisse.

L'actuel président d'ADP et son prédécesseur ont, eux, manifesté des avis divergents. Pourquoi la société ADP ne participe-t-elle pas financièrement au projet ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Pourquoi séparer les flux ? Parce que les voyageurs munis de bagages ont, très naturellement, besoin de place. À défaut que feront-ils ?

Mme Catherine Procaccia.  - Ils prendront le taxi...

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Ou un VTC... Chacun peut le comprendre. Et on sait ce qu'est l'encombrement d'A1 et d'A3.

Les 125 millions d'euros financeront des installations de retournement, des aiguillages supplémentaires... Le détail de ces travaux est public et déjà bien connu. Le transport du quotidien, je l'ai déjà dit à l'Assemblée nationale, sera prioritaire, notamment le RER B.

Monsieur Dominati, j'ignore quelle était la position des dirigeants d'ADP. Le Gouvernement continue à travailler sur l'équilibre du projet, aucune solution, sinon la taxe sur les billets d'avion avant 2023, n'est écartée.

La compagnie Air France, vous le savez, s'est montrée réticente à participer immédiatement au financement de CDG Express, qui participera pourtant à son attractivité.

CDG Express n'est pas un simple projet de transport, c'est un projet de développement économique.

Mme Éliane Assassi.  - Je sais bien que pragmatique ne rime pas toujours avec politique... Mais comment la circulation de trains directs et d'omnibus sur les mêmes voies pourrait-elle être sans effet sur les cadencements ? Quant au fret, le rapport de l'enquête publique est clair, qui évoque des risques de perturbations... Voulons-nous faire transporter davantage de marchandises par la route ?

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Pozzo di Borgo.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La réalisation de l'infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle prévue par l'ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 précitée ne peut faire l'objet d'aucun financement direct de l'État hormis les seuls frais déjà ordonnancés et ceux relatifs à la rupture des relations contractuelles afférentes audit projet, dans le respect des règles de droit commun.

Toute clause contraire est réputée non écrite.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Cet amendement, qui avait déjà été voté en 2010 à l'unanimité du Sénat lors du projet de loi relatif au Grand Paris, garantit que le projet CDG Express ne donnera lieu à aucun financement direct de l'État. Mais je le retire, compte tenu des éléments qui ont déjà été donnés.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le premier alinéa du I de l'article L. 2111-3 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le 2° de l'article L. 2111-10-1 n'est pas applicable à la participation de SNCF Réseau au financement de la société mentionnée au premier alinéa du présent I. »

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Sans un tiers financeur, autant organiser les obsèques du CDG Express. D'où cet amendement qui rétablit la dérogation à la règle d'or.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante : 

Après le premier alinéa du I de l'article L. 2111-3 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le 2° de l'article L.2111-10-1 n'est pas applicable à la participation de SNCF Réseau aux fonds propres et quasi-fonds propres de la société mentionnée au premier alinéa du présent I, dès lors que SNCF Réseau bénéficie d'une rentabilité suffisante au titre du projet de liaison ferroviaire Paris-Aéroport Charles-de-Gaulle. »

M. Vincent Capo-Canellas.  - Pour répondre à M. Dominati, le président d'ADP estime le CDG Express essentiel pour la plateforme aéroportuaire - son prédécesseur y était favorable, mais attendait une décision de l'État.

Le projet est mûr. La règle d'or est une bonne règle, mais en l'espèce, sans dérogation, impossible d'aller voir les banques... Mon amendement de compromis conditionne la participation de SNCF Réseau aux fonds propres et quasi-fonds propres de la société de projet à un niveau de rentabilité couvrant les risques pris.

M. Louis Nègre, rapporteur.  - La commission a émis un avis favorable aux amendements nos4 et 5 qui sont d'ailleurs contradictoires, contre mon avis.

Le Gouvernement justifie la dérogation à la règle d'or par deux artifices juridiques. Il soutient d'abord, contre l'avis de l'Arafer, que le CDG Express est un investissement de maintenance plutôt qu'un investissement de développement. Et que ce n'est pas un investissement direct. Mais il creusera l'endettement ferroviaire de plusieurs centaines de millions d'euros... En d'autres termes, la règle d'or que le Gouvernement a fait voter il y a deux ans est clairement violée.

L'amendement n°4 rectifié ne résout pas le problème. La règle d'or n'a pas pour objet de distinguer endettement rentable et non rentable, elle prescrit une diminution de la dette ferroviaire avant tout nouvel investissement. Et que serait une « rentabilité suffisante » ?

Aujourd'hui, la règle d'or n'est pas formellement applicable, le calcul du ratio d'endettement étant encore inconnu. Comment y déroger ? Le Gouvernement a lui-même créé une situation d'insécurité juridique contre laquelle il souhaite se prémunir...

Supprimer la dérogation ne signe pas la mort du projet. Comptons sur l'imagination fertile de Bercy ! Les avances remboursables sont une piste parmi d'autres. Nul besoin de convoquer les obsèques du CDG Express, c'est prendre le Parlement en otage. Que le Gouvernement prenne ses responsabilités : il y va de notre crédibilité à tous.

M. Philippe Dallier.  - Il est délicat de s'affranchir d'une règle que nous avons votée... Mais ne donnons pas le sentiment que nous voulons enterrer le CDG Express. Si nous en sommes là, c'est bien parce que les porteurs du projet ont soutenu dès 2000 qu'il s'autofinancerait sans problème par la billetterie... Ce qui n'est pas vrai. Rendons-nous à la raison, il faut trouver d'autres solutions. L'État ne sortira pas son chéquier vu l'état des finances publiques. Je voterai donc l'amendement n°4 rectifié qui constitue le meilleur compromis.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Je préfère un débat transparent au Parlement à l'ingéniosité supposée de Bercy... Le Conseil d'État a souhaité solliciter l'Arafer sur le décret, raison pour laquelle celui-ci n'est pas encore publié.

Nous avons voulu sécuriser la procédure dès lors que l'absence de financement public est inscrite dans la déclaration d'utilité publique. Je salue les efforts de M. Capo-Canellas, mais mentionner la nécessité de rentabilité suffisante dans la loi... Je comprends la démarche mais je sais le Sénat soucieux d'éviter les lois bavardes.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire... Pour avancer, ce que tout le monde souhaite, il faut trouver un milliard d'euros de financement bancaire - le dossier doit être solide. Dès lors que l'absence de financement public est dans la DUP, aussi à l'article 2 de la loi sur le Grand Paris, il faut une rentabilité suffisante. ADP est une société cotée... Il faut un retour de 50 millions par an... La question doit pouvoir être résolue... Ma proposition me semble un utile compromis.

M. Philippe Dominati.  - Si les principes peuvent être bafoués à la première occasion, enterrons tout de suite la règle d'or... Les surcoûts sont fréquents sur ce type d'opération. Pensez à Eole, à Météor ou à Orlyval... Comment y ferons-nous face ?

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Si la commission a adopté les amendements nos5 et 4 rectifié contre les avis du rapporteur, c'est parce certains commissaires n'ont pas pu assister la réunion...

Mme Éliane Assassi.  - C'est cela la démocratie !

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - La démocratie, c'est aussi de me laisser parler... Vouloir déroger à la règle d'or - nous l'avons votée à plusieurs reprises - avant que son décret d'application soit paru, c'est tout de même extraordinaire ! Cette règle a été adoptée pour tenter de mettre fin à la situation financière dramatique de la SNCF. La dette de SNCF Réseau et SNCF Mobilité, de 50 milliards, en augmentation de 3 milliards par an, devrait être stabilisée à 60 milliards dans dix ans si tout va bien... Ne chargeons pas davantage le groupe SNCF alors qu'il fait et fera face à la concurrence. D'autant que le Gouvernement, contrairement à ce qu'il a annoncé en juin, a refusé d'alléger sa dette.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'amendement n°4 rectifié est adopté ;

l'article premier bis est ainsi rétabli.

L'article premier ter est adopté, de même que les articles premier quater et 2.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Roger et Mme Yonnet.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle desservira deux arrêts sur le territoire du département de la Seine-Saint-Denis.

M. Gilbert Roger.  - En octobre, 2 h 9 d'incidents ont été recensés sur le RER B et 3 h 23 sur le RER E... Le CDG Express ne doit pas se faire au détriment de l'entretien des lignes de transport du quotidien. D'où cet amendement prévoyant deux petits arrêts en Seine-Saint-Denis.

M. Louis Nègre, rapporteur.  - Avis défavorable. Le CDG Express est un projet commercial qui vise une clientèle spécifique. La ligne 17 du Grand Paris Express répondra à votre demande.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - On peut être pour ou contre le projet, mais évitons de le dénaturer. Si cet amendement vise à souligner le besoin d'investissements dans les transports du quotidien, je crois vous avoir rassuré. Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'ensemble du projet de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°44 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 310
Contre 30

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 17 h 55, reprend à 18 h 05.