Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Politique générale (I)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Monsieur le Premier ministre, sans l'intervention des forces de l'ordre, notre pays aurait dû être frappé aujourd'hui par un terrible attentat, qui a été déjoué par nos services de renseignement. Sous état d'urgence, la France est dans une situation qui exige la concentration et la mobilisation totale de l'exécutif.

Pourtant, le président de la République et vous-même menez une magistrale partie de go pour savoir qui encerclera l'autre et qui, de lui ou de vous, se présentera à l'élection présidentielle. Les Français sont choqués et inquiets par cette situation, où vous semblez davantage préoccupés par la primaire que par la sécurité des Français. Ce faisant, vous attisez la flamme d'une crise institutionnelle.

Comment le Premier ministre et le président de la République, après avoir été battus aux primaires, pourront-ils continuer d'exercer leurs fonctions ?

M. Didier Guillaume.  - Ce n'est pas à la hauteur !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - D'autant qu'après la publication d'un livre de confidences, le président de la République fait face à une contestation inédite de son autorité de la part de sa majorité, du Premier ministre et des Français.

Quelles assurances pouvez-vous donner à nos concitoyens que l'intérêt supérieur de la Nation prime sur tout le reste et que le Gouvernement est en ordre de marche jusqu'à la fin du quinquennat ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Comme je le disais hier à l'Assemblée nationale, vous évoquez une crise institutionnelle qui n'existe pas. Pour un Premier ministre, il ne peut en être autrement dans les institutions de la Ve République. J'entretiens des rapports de confiance et de respect avec le président de la République. Cette polémique n'intéresse pas les Français.

Au moins, mettons-nous d'accord sur un point : la menace lourde du terrorisme a appelé la mobilisation et l'extrême engagement des forces de l'ordre et des services de renseignement, jour et nuit, qui mérite tout notre hommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et sur quelques bancs au centre et à droite)

Si quelque chose nous empêche de dormir et nous mobilise, le président de la République, le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense et moi-même, c'est bien évidemment le risque terroriste. Car les menaces demeurent fortes, on l'a encore vu sur des vidéo récemment.

Voilà ma conception des institutions. Le reste, c'est la bataille politique. Il est logique que nous participions au débat, pour défendre ce que nous avons fait et critiquer le programme de François Fillon, dur pour les Français, notamment les plus modestes. (Marques d'indignations à droite)

Les défis sont considérables ; c'est l'honneur des politiques d'essayer d'y répondre. De grâce, ne doutez pas un seul instant de notre mobilisation pour protéger les Français et les intérêts de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Politique générale (II)

M. François Grosdidier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le quinquennat s'achève...

M. Jean-Louis Carrère.  - Voilà le meilleur !

M. François Grosdidier.  - ... dans la crise de régime, passant de la dyarchie à l'anarchie. Le pédalo s'est transformé en Radeau de la Méduse, perdu à bâbord... (Les claquements de pupitres et les exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain couvrent la voix de l'orateur) ... sans boussole.

Dans Un président ne devrait pas dire ça..., le président de la République livre des secrets d'État. Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez qualifié cette publication de catastrophe. Le président de l'Assemblée nationale est plus sévère encore, d'anciens ministres font campagne contre le président de la République, d'autres qui le sont encore spéculent sur sa candidature, et vous-même suggérez que vous vous présenterez contre lui. (Les exclamations redoublent) La République est devenue un canard sans tête !

M. Alain Bertrand.  - Un peu de respect !

M. François Grosdidier.  - Heureusement qu'il ne reste que six mois !

M. Alain Bertrand.  - Nous allons regagner !

M. François Grosdidier.  - Alors que la menace terroriste sévit, comment comptez-vous préserver la dignité des plus hautes fonctions de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; protestations bruyantes sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Malgré la menace, la France démontre qu'elle est un grand pays démocratique. Vous l'avez-vous-mêmes montré avec la primaire de la droite. Et nous devons en faire la démonstration tout au long de la campagne qui vient. La violence et le cynisme de votre question me heurtent. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE) La politique conçue ainsi ne m'intéresse pas. Parlons de formation, de culture, de protection sociale, de vos projets pour la santé et pour les plus modestes, de nos alliances avec les États-Unis et la Russie, de l'Europe, au lieu de commenter comme le ferait la presse - ce qui n'a aucun sens et abime la politique.

Je revendique très tranquillement et avec fierté un bilan ancré à gauche, car la démocratie a besoin d'une gauche et d'une droite pour faire reculer l'extrême droite. Pas d?arrogance, un peu de modestie, l'élection présidentielle n'est pas faite. Vous n'imaginiez pas vous-même il y a quelques semaines faire campagne pour François Fillon... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

M. François Grosdidier.  - (Huées sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Vous ne croyez pas vous-même un mot de ce que vous dites, tiraillé entre lucidité et loyauté. C'est pathétique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Brexit

M. Jean-Claude Requier .  - Voilà six mois que les Britanniques ont choisi démocratiquement de quitter l'Union européenne. Nous le regrettons, mais il faut le traduire en actes. Or le Royaume-Uni n'a toujours pas activé l'article 50 du Traité de Lisbonne. Cela devrait être fait au premier trimestre 2017, différant d'autant le début des négociations officielles.

Sans attendre, les discussions ont commencé sur les conditions du divorce : sans surprise, on apprend que les Britanniques cherchent à obtenir le beurre et l'argent du beurre... La Pologne, la Suède et les Pays-Bas ont réagi fermement. La France partage-t-elle leur position ? Plusieurs points doivent être abordés : place de la City, situation des trois millions de ressortissants européens au Royaume-Uni, accès au marché unique. Estimez-vous, comme l'Allemagne, qu'il n'est pas question de diminuer ni de marchander les libertés européennes les unes contre les autres ? Le prix du divorce ne doit-il pas être d'abord payé par celui qui a choisi de partir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Vous avez raison : nous ne souhaitions pas le départ du Royaume-Uni, mais c'est le choix souverain et libre du peuple britannique.

Nous avons une position claire et ferme : pas de pré-négociation avant le déclenchement de l'article 50. Mme May a dit vouloir le faire en mars 2017 - peut-être devra-t-elle consulter la Chambre des communes. Nous souhaitons que le Royaume-Uni ait quitté l'Union avant le renouvellement de la Commission et du Parlement européens.

Deuxième principe : le lien entre les quatre libertés doit être maintenu : pas d'accès au marché unique, par exemple, sans libre circulation des personnes. Troisième principe : aucun État tiers ne saurait avoir un statut plus favorable qu'un État membre.

L'unité des Européens sera décisive. Comme il a été décidé à Bratislava en septembre, nous devons désormais nous concentrer sur l'avenir de l'Union à 27 : sa cohésion, sa sécurité, ses investissements, sa jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Requier.  - Au rugby, les Britanniques restent nos adversaires privilégiés. Et au rugby comme en amour, il faut donner avant de prendre ! (Rires et applaudissements)

Mine de la Montagne d'Or en Guyane

Mme Marie-Christine Blandin .  - Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'industrie. La société canadienne Colombus Gold annonce une campagne de prospection minière en Guyane pour la société Nordgold... dans la plus grande réserve de biodiversité.

Alors que la France a ratifié le protocole de Nagoya sur les droits des peuples autochtones et que le code minier n'a toujours pas été révisé, nous nous interrogeons sur cette annonce. L'équipement arrivera sur site en décembre. Ce n'est pas un filon qu'on éclate au piolet, mais la montagne qu'on pulvérise et lessive avec des produits toxiques sur deux fois la surface de Paris.

Oui ou non, M. Macron (Mouvements divers à droite) a-t-il signé une autorisation de prospection exclusive ? Si la France n'autorisait pas l'exploitation, quel montant de dédommagement devrait-elle payer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste, républicain et citoyen, écologiste et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics .  - Je vous prie d'excuser l'absence de MM. Sapin et Sirugue, en déplacement.

La prospection en Guyane est encadrée par un schéma départemental d'orientation minière approuvé le 31 décembre 2011, après une longue concertation locale. L'exploitation minière est actuellement autorisée dans une quarantaine de sites, dans le respect de toutes les dispositions du code de l'environnement. La Compagnie de la Montagne d'Or a une concession sur un gisement d'or de taille mondiale dans une zone autorisée.

L'opérateur a réalisé de nombreuses études environnementales, notamment au titre des ICPE. Les élus locaux, avec vigilance, soutiennent le projet qui créera 800 emplois directs et 2 500 à 3 000 emplois indirects, dont 95 % d'emplois locaux avec une filière de formation à la clé.

Vous êtes élue du Nord, région minière, et je suis élu d'une région ferrifère, je connais les conséquences environnementales post-industrielles de l'activité minière. Croyez en la vigilance du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Marie-Christine Blandin.  - J'en déduis que c'est signé... Il faudra respecter la loi. Il faudra une consultation des Amérindiens et Bushinenge, recueillir l'avis de la CNDP, prévoir des mesures de compensation.

Vous voulez exploiter l'or d'une montagne où il n'y en a que 2 grammes par tonne, alors qu'il y en a 200 grammes par tonne dans nos téléphones. La mission d'information du Sénat a révélé qu'il y avait là, avec la filière du recyclage, un gisement d'emplois incomparable... (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UDI-UC et socialiste et républicain)

Politique industrielle

M. Thierry Foucaud .  - Monsieur le Premier ministre, pas une semaine ne passe sans que la fermeture de sites ou d'entreprises soit annoncée. À cette dramatique litanie vient de s'ajouter Airbus, qui annonce la suppression de 1 064 postes, malgré un carnet de commandes record et de larges bénéfices. Et quand elles se portent bien, nos entreprises sont bradées à des capitaux étrangers, comme Technip... Malgré les milliards du CICE et autres cadeaux fiscaux distribués sans contrepartie, la destruction d'emplois progresse - Sanofi a touché 17 millions d'euros au titre du CICE, PSA 74 millions, Michelin 18 millions...

Par deux fois, nous avons réclamé un débat au Sénat sur la situation de l'industrie française (l'orateur brandit des feuillets) et nous n'avons eu pour réponse que votre silence... Quand sera-t-il inscrit à l'ordre du jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics .  - En 2012, l'industrie française était dans une position très difficile. (Mouvements divers à droite) Le Gouvernement, volontariste, lui a redonné des marges d'action, en lui facilitant l'accès au financement avec Bpifrance, en faisant baisser le coût du travail avec le CICE...

Mme Annie David.  - Ce n'est pas le sujet !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - ... et le pacte de responsabilité, et en veillant à un coût de l'énergie concurrentiel. Nous avons soutenu l'innovation avec Nouvelle France industrielle en 2013 ou Industrie du futur en 2015 et nous nous attachons aujourd'hui à nos filières stratégiques. Nous avons promu les intérêts de l'industrie française et l'avons défendue contre les pratiques anti-concurrentielles.

Certains cas interpellent, M. Sirugue rencontre en ce moment même les dirigeants d'Airbus. Le Gouvernement est attentif aux conséquences des restructurations industrielles et à l'accompagnement des salariés. Il veille à ce que les discussions entre partenaires sociaux se déroulent de façon transparente et constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Thierry Foucaud.  - Je n'ai pas eu de réponse à ma question. Droit dans vos bottes, vous nous répétez que « tout va bien » ! Tous les jours, des entreprises licencient, alors même que nous distribuons des milliards aux grands groupes, via le CICE, entre autres !

M. le président.  - Concluez.

M. Thierry Foucaud.  - Et que dire des faveurs consenties aux grandes surfaces ? Avec quelles conséquences sur les prix, les importations, l'emploi ?

M. François Grosdidier.  - Il a raison !

M. Thierry Foucaud.  - Nous demandons un débat sur l'industrie en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs à droite)

Chiffres du chômage

Mme Anne Émery-Dumas .  - Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

Pour le deuxième mois consécutif, le nombre de demandeurs d'emploi est en nette diminution : - 2,8 % sur un an, la plus forte baisse depuis 2008. (Rires à droite) Les chiffres de l'Insee corroborent cette tendance. Les jeunes sont particulièrement concernés, grâce à des dispositifs ciblés, ainsi que les chômeurs de longue durée. Or bien que la commission d'enquête sénatoriale ait levé toute ambiguïté sur la fiabilité des chiffres du chômage, les polémiques persistent. (On les estime fondées à droite)

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, ce qui dans les bons résultats (Nouvelles exclamations à droite) est l'effet des mesures volontaires du Gouvernement ou du début du redressement économique qui se manifeste par la hausse sensible des créations nettes d'emploi dans la sphère marchande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Certains sénateurs de droite ont ri à l'annonce des chiffres égrenés par Mme Emery-Dumas. (On le justifie sur ces mêmes bancs) Votre propre commission d'enquête a montré, au terme d'un travail sérieux et approfondi, que les chiffres du chômage étaient fiables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Que le chômage baisse n'est pas une bonne nouvelle pour la gauche ou pour la droite, mais pour la France, et pour celles et ceux qui retrouvent un emploi.

Oui, le chômage baisse, notamment chez les jeunes. 101 000 demandeurs d'emploi en moins selon Pôle Emploi, 118 000 selon l'Insee, c'est la plus forte baisse depuis 2008 et pour les jeunes, depuis 2007, grâce à la garantie Jeunes, dont vous vouliez la fin ! (Vives exclamations à droite)

Enfin, vous l'avez dit, les 210 000 créations nettes d'emploi au cours des six derniers trimestres sont très encourageantes. (Même mouvement ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Financement des retraites agricoles

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Madame la ministre de la santé, la conférence agricole devait trouver une solution financière à l'épineux problème du financement de la revalorisation des petites retraites agricoles, à hauteur de 75 % du smic.

François Hollande avait promis, en avril 2012, de traiter le problème grâce à la réduction du nombre de retraités et à la solidarité nationale. M. Le Foll a annoncé, lui, une hausse progressive du taux de cotisation sur les retraites complémentaires des agriculteurs, un prélèvement de cotisations sociales sur tous les revenus des associés non-exploitants et une ponction sur des réserves de la MSA.

Or la crise agricole est passée par là. Sur les 300 millions d'euros nécessaires, il en manque 100 millions. Votre Gouvernement envisagerait une augmentation de 0,5 à 2 points du taux de cotisation sur la retraite complémentaire. Face à la précarité des agriculteurs, la MSA et la FNSEA demande à l'État de faire jouer la solidarité nationale.

Le Gouvernement tiendra-t-il enfin ses engagements ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Le Gouvernement tient ses engagements (Protestations à droite) La retraite de 670 000 exploitants retraités a été revalorisée grâce à la solidarité nationale, pour un coût total de 900 millions d'euros par an pour le budget de l'État.

La pension minimale a été portée à 74 % du smic, et sera à 75 % comme prévu en 2017. Nous avions engagé un plan, avec Stéphane Le Foll, reposant sur la lutte contre la fraude sociale, une hausse de cotisations abandonnée pour tenir compte de la situation difficile de l'agriculteur, et la solidarité. Nous avons relancé la concertation, en proposant une répartition différente entre ces trois sources et poursuivrons les discussions dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Pierre Médevielle.  - Dans les engagements du président de la République, en avril 2012, il n'était pas question d'une hausse des cotisations. (Applaudissements au centre et à droite)

Politique étrangère

M. Claude Malhuret .  - Ma question s'adressait à Mme Royal, qui doit assister ce dimanche aux obsèques de l'un des plus grands criminels du XXe siècle. Près de 100 000 morts, exécutés, assassinés, torturés, emprisonnés à vie, des millions de boat people, un cinquième du peuple cubain exilés, dont des milliers de morts en mer, des dizaines de milliers d'autres vies perdues par la misère, la malnutrition, le désastre économique causé par le communisme qui fut, avec le nazisme, l'un des deux plus grands fléaux du XXe siècle.

Je veux offrir quelques instants de mon temps de parole en hommage à la mémoire de l'ensemble des victimes de Fidel Castro. (Mmes et MM. les sénateurs, sur la plupart des bancs au centre et à droite se lèvent et observent un instant de silence, tandis qu'on crie à l'hypocrisie sur plusieurs bancs à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous vous croyez au théâtre ?

M. Claude Malhuret.  - On aurait pu espérer que les complices de Castro fassent preuve désormais de plus de pudeur... Ne croyez-vous pas cette visite très inopportune ? (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain ; applaudissements sur certains bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

M. Robert Hue.  - Et les meurtriers de Salvador Allende ?

Mme Éliane Assassi.  - Qui n'a pas été en vacances à Cuba parmi vous ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - La France a adressé ses condoléances au peuple cubain. M. Jean-Pierre Bel, envoyé spécial du président de la République, s'est rendu aux obsèques de Fidel Castro (Exclamations ironiques à droite ; marques d'approbation sur plusieurs bancs à gauche), Mme Royal, présente dans la région, se rendra à La Havane pour la fin du deuil national. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)

Comme de nombreux pays, comme le pape, la France souhaite accompagner la démocratisation de Cuba, développer ses relations dans tous les domaines avec La Havane. Elle abordera la question du progrès de la démocratie et des droits de l'homme dans le cadre du dialogue politique avec les autorités cubaines. Elle souhaite que l'embargo américain soit levé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur ceux du groupe écologiste)

M. Claude Malhuret.  - « L'histoire m'absoudra » disait Castro. Il se trompait. Elle le désignera, aux côtés de Staline, de Kim Jong-Il et de Pol Pot, comme l'un des pires bourreaux de leurs peuples. Et que dire du triste spectacle devant la statue de Simon Bolivar, des gesticulations du Comandante Jean-Luc Mélenchon, l'admirateur de tous les tyrans pourvu qu'ils soient marxistes ? (Marques d'impatience à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et le pape ?

M. le président.  - Concluez !

M. Claude Malhuret.  - Juanita Castro, la soeur du dictateur, exilée depuis des décennies, ne sera pas cette semaine à La Havane, mais Ségolène Royal, elle, y sera ! (Applaudissements sur de nombreux bancs au centre et à droite ; protestations sur plusieurs bancs à gauche)

Réforme de la sécurité sociale

Mme Catherine Génisson .  - Ma question s'adresse à Mme Touraine, ministre du rétablissement de nos comptes sociaux ! (Exclamations à droite)

Depuis dimanche, nous connaissons le nom du candidat de la droite. M. Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012, est comptable des résultats de la droite en matière de politique de santé : déficit de 17,4 milliards d'euros, déremboursements de médicaments, franchise médicale, entre autres. Combien d'infirmiers, d'aides-soignantes, de médecins et autres personnels de santé parmi les 500 000 postes de fonctionnaires qu'il entend supprimer ?

En 2017, grâce à notre Gouvernement, les comptes sociaux seront à l'équilibre. Le candidat de la droite et du centre, lui, souhaite que les soins, hors maladies graves et affections de longue durée, ne soient plus remboursés : traitement de la grippe, suivi de la grossesse... (Vives protestations à droite)

Mme Sophie Primas.  - Vos propos sont honteux !

M. le président. - N'oubliez pas votre question !

Mme Catherine Génisson.  - Les plus modestes seront les plus touchés. Pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler les raisons de votre réussite ? (Vives protestations à droite)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Vous avez raison de rappeler que nous avons rétabli les comptes sociaux. (Cris à droite) Il n'y a donc aucune justification autre qu'idéologique aux propos de M. Fillon. Il annonçait vouloir « casser la baraque », il fallait comprendre qu'il voulait casser notre « sécu »... (On se récrie derechef à droite)

Selon le programme de M. Fillon, une femme enceinte - ni malade grave, donc, ni en affection de longue durée - ne pourra voir ses consultations remboursées. (On crie « Mensonge ! » à droite) Cela représente 600 euros, outre 2 500 euros de frais d'accouchement ! Dix millions de personnes de plus de 60 ans vont chez le médecin plus de six fois par an : leurs consultations ne seraient plus remboursées non plus... (Le tollé à droite couvre la voix de la ministre)

M. le président. - Concluez !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - De cela, nous ne voulons pas, et c'est pourquoi nous continuerons à défendre notre sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur ceux du groupe écologiste, tandis que la bronca à droite se poursuit)

Centre pénitentiaire de Valence

M. Gilbert Bouchet .  - Le centre pénitentiaire de Valence, inauguré en 2015, a été le lieu d'une nouvelle mutinerie, la deuxième en deux mois, partie de son quartier de longues peines.

Deux détenus ont menacé avec un couteau un agent pénitentiaire afin de lui voler son jeu de clés. Le surveillant blessé a été relâché et admis aux urgences. Les surveillants se sont ensuite mis en sécurité. Les détenus ont alors ouvert des cellules sur les trois étages de ce quartier réservé aux lourdes peines. Un incendie s'est déclaré, des renforts ont été appelés. Plusieurs cellules ont été détruites avec d'importants dégâts matériels.

Heureusement, les équipes d'intervention y ont mis un terme rapidement ; il faut les en remercier et saluer leur efficacité.

Les actes violents et prises d'otages se multiplient en prison, sans parler de la radicalisation. Le centre de Valence, à la pointe de la surveillance électronique par caméras, dérange et de nombreux détenus souhaitent obtenir par ce biais leur transfert vers d'autres établissements.

Des sanctions sont indispensables, ainsi que d'autres actions déterminées, pour mettre fin à cette insécurité pénitentiaire.

Monsieur le garde des sceaux, quelles sont vos propositions pour réduire le nombre de prises d'otages en prison, améliorer par des moyens humains et financiers, mais aussi pour adresser un message de fermeté ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Monsieur le sénateur, ce qui s'est produit à Valence est exceptionnel à plus d'un titre.

Cette mutinerie, la troisième, et non la deuxième en deux mois, puisque les précédentes ont eu lieu les 17 et 25 septembre derniers, a éclaté dans une maison centrale, ce qui est exceptionnel, dans un quartier qui vient d'être ouvert ; il est donc loin d'être en surpopulation puisqu'il n'y avait que 40 détenus pour 63 places.

Heureusement, il n'y a pas eu d'otages. Je veux adresser toutes mes félicitations aux agents des équipes régionales d'intervention et de sécurité qui ont rétabli la situation en trente minutes.

Les dégâts sont certes très lourds. Le Figaro parle d'un million d'euros, ce qui est infondé. Mais nous discuterons avec l'opérateur privé de l'établissement, géré dans le cadre d'un partenariat public-privé, l'estimation qu'il nous fournira. Les fauteurs de troubles ont été sanctionnés, déplacés le soir même, comme c'est le cas à chaque fois qu'un tel évènement se produit.

Diriger un établissement, enfin, c'est être responsable. J'attends les propositions de l'inspection des services pénitentiaires que j'ai diligentée à ce sujet dès demain matin.

M. Gilbert Bouchet.  - Ce n'est pas une réponse, monsieur le ministre. Je me rends dans cet établissement le 5 décembre et je crains qu'elle ne laisse le personnel pénitentiaire que je vais rencontrer sur sa faim.

Lutte contre le sida

Mme Dominique Gillot .  - Le 1er décembre est la journée mondiale de lutte contre le sida, qui continue de véhiculer tant de souffrances et d'idées reçues. Plus de 30 000 de nos concitoyens seraient porteurs du VIH sans le savoir, alors que quelque 6 000 nouveaux cas sont recensés chaque année.

Depuis les années 1980, le dépistage, le traitement du VIH ont progressé, et surtout la prévention. Or quelques maires se sentant bien-pensants se sont offusqués d'une campagne comprenant des affiches où deux hommes s'enlacent... Face à cette censure, vous avez justement saisi la justice, madame la ministre de la santé. La santé ne saurait être otage d'une morale rétrograde, héritée d'une vision traditionnelle que nous avions su mettre à distance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - En effet, le sida n'est pas une maladie du passé : 6 000 nouveaux cas, 30 000 porteurs du virus en France qui ne le savent pas.

La prévention est indispensable, d'abord à destination des publics les plus à risque, parmi lesquels les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, et ne se rendent pas forcément dans les lieux fréquentés par la communauté homosexuelle, où des messages spécifiques de prévention sont affichés. Je ne comprends pas que la campagne actuelle ait choqué.

Elle s'ajoute à la diffusion de l'autotest en pharmacie et à un nouveau traitement prophylactique. Mais la première prévention reste le préservatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur ceux des groupes écologiste et RDSE)

Délivrance des cartes nationales d'identité

M. Daniel Laurent .  - Depuis le 30 octobre 2016 et la création du fichier national TES (titres électroniques sécurisés) la disposition précisant que les demandes de carte nationale d'identité sont déposées auprès des mairies a été abrogée, afin de sécuriser la procédure de délivrance des titres.

Or, en Charente-Maritime, seules 27 mairies, sur 469 communes disposent des équipements nécessaires à la nouvelle procédure. Le flux des demandes de carte nationale d'identité est en outre très supérieur à celui des demandes de passeport et les délais d'attente risquent de s'en trouver considérablement allongés. De plus, les dotations aux collectivités territoriales baissent, alors que la compensation devrait être intégrale ! Face au mécontentement des maires, que faites-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Veuillez excuser l'absence de M. Cazeneuve, en déplacement.

Le rapport complet de l'Inspection générale de l'administration (IGA) a été communiqué à l'Association des maires de France (AMF) en mai 2016. Toutes les mesures ont été prises pour aider les communes : dotation supplémentaire de 13,5 millions d'euros, indemnisation de 4 millions d'euros aux communes les plus sollicitées, subvention pour celles qui assument pour la première fois le recueil des données, délivrance de 230 équipements nouveaux, dont un à Rochefort, en Charente-Maritime, monsieur le sénateur.

Dans les communes qui n'assumeront plus cette mission, au nombre de 34 000 environ, l'important est de maintenir les liens entre les services municipaux et la population.

C'est pourquoi cent dispositifs de recueil mobiles seront déployés, dont un en Charente-Maritime. Toutes les communes volontaires pourront aussi disposer d'un nouveau service d'aide à la demande de titres ; grâce à un équipement informatique de base, nos concitoyens pourront ainsi faire leur pré-demande en mairie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Daniel Laurent.  - L'accompagnement financier n'est pas à la hauteur, l'AMF s'en est plaint. Votre Gouvernement montre encore une fois le peu d'intérêt qu'il porte à nos communes et à nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

Vaccination contre la grippe

M. David Rachline .  - Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, avec les premiers frimas, nos compatriotes les plus fragiles, personnes âgées et femmes enceintes en particulier, se préoccupent de la vaccination de la grippe.

Alors que le candidat soutenu par la majorité sénatoriale veut laisser tout ce qui n'est pas considéré comme grave au secteur privé, donc la grippe, peut-être par souci de plaire à M. de Castries, ancien grand patron d'une compagnie d'assurances, dont on dit qu'il pourrait devenir ministre en charge de ce secteur notamment, ou pour lutter posteriori contre le gaspillage commis par sa grande amie, ancienne ministre de la santé, qui avait acheté pour 300 millions d'euros de vaccins inutiles ?

Faudra-t-il donc demain être très riche, très malade ou étranger pour se faire soigner et vacciner ?

Madame la ministre, quel dispositif le Gouvernement a-t-il mis en place pour permettre à nos compatriotes les plus fragiles, en particulier les personnes âgées isolées, d'accéder à cette vaccination ? Combien coûte-t-il ? A-t-on évalué les économies qui en résultent pour notre sécurité sociale en cas d'épidémie ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - La grippe n'est pas une maladie anodine, contrairement à ce que l'on entend parfois : elle tue 9 000 personnes chaque année, souvent des personnes âgées, mais pas uniquement. C'est pourquoi les vaccins sont pris en charge à 100 % pour les personnes fragiles, comme les plus de 65 ans et les femmes enceintes.

Si les taux de vaccination remontent - 50 % pour 48 % l'année dernière - il faut faire mieux. Dans le PLFSS, une expérimentation de la vaccination chez le pharmacien sera menée pour en faciliter l'accès. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. David Rachline.  - Nous avons le même souci de défendre notre système de santé. Mais vous êtes coresponsables avec l'UMP de notre perte de souveraineté, en vous soumettant aux diktats de Bruxelles. Nous souhaitons, avec des millions de nos compatriotes, la retrouver.

Prochaine séance mardi 6 décembre 2016, à 9 h 30.

La séance est levée à 16 h 10.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus