Égalité réelle outre-mer (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

Discussion générale

M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Il y a une semaine, jour pour jour, nous examinions le texte sur le statut de Paris. J'évoquais alors le fait que le Sénat n'avait pas été entendu par l'Assemblée nationale, ce qui justifiait la question préalable que nous déposions.

Aujourd'hui, c'est tout l'intérêt du bicamérisme qui s'illustre, ainsi que l'apport de notre assemblée, qui représente tous les territoires, à commencer par les outre-mer.

Je salue le travail de concertation mené par notre délégation aux outre-mer, présidée par Michel Magras, dont ce texte reprend certaines recommandations, notamment en matière foncière. Nous avons voulu tout mettre en oeuvre pour résoudre une situation problématique dans nos territoires ultramarins, qui cause en particulier des tensions sociales.

Malgré l'inflation législative subie à l'Assemblée nationale, nous avons abordé ce texte dans une visée pragmatique. L'ambition est avant tout de réduire les inégalités qui subsistent entre l'outre-mer et l'Hexagone, mais aussi de prendre en compte les atouts, les ressources et les potentialités des territoires ultramarins. La différenciation territoriale ne crée pas de différences, elle s'appuie sur les richesses de chaque territoire.

Les rapporteurs des différentes commissions n'avaient pas tous le même avis et nous étions parfois loin des positions des députés. Nous avons retenu chaque fois que possible les solutions du texte de l'Assemblée nationale, en les rendant si nécessaires plus conformes au droit : article sur le Small Business Act, problèmes quotidiens - d'urbanisme par exemple -, questions foncières... Les rapprochements ont été nombreux.

Sur les commémorations, les positions étaient diverses au Sénat ; nous avons réussi à trouver un équilibre avec le texte de l'Assemblée nationale en prenant en considération tous les arguments.

Bien sûr, nous nous sommes heurtés à des sujets compliqués qui ont aiguisé le débat. Forts de situations vécues, les sénateurs des différents groupes ont su proposer des solutions concrètes, notamment sur le problème de l'eau en Guyane, ou sur l'orpaillage.

Nous avons dû faire preuve d'une certaine réactivité sur des sujets qui nous ont été soumis en dernière minute, comme l'indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie. En CMP, nous avons porté un regard aussi juste et pragmatique que possible sur le texte pour corriger les erreurs du passé.

Enfin, je salue nos collègues de l'Assemblée nationale. Si parfois nous avons l'impression de nous heurter à un mur, cela n'a pas du tout été le cas sur ce texte, grâce au travail que nous avons accompli avec Victorin Lurel, le rapporteur de l'Assemblée nationale, pour lever les obstacles.

Ce texte a montré que le Sénat pouvait porter la voix de tous les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MmeCatherine Génisson et Françoise Férat applaudissent aussi)

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », dit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le combat pour l'égalité est constitutif de l'histoire de France. Et pourtant, certains citoyens souffrent encore de criantes inégalités selon le lieu où ils habitent.

Rien ne peut excuser ces différences et ces retards. Il est plus que jamais temps de garantir l'égalité réelle aux citoyens ultra-marins. Il y va de notre dignité et de notre fierté.

Porter une politique de fierté, c'est défendre la justice sociale. Gaston Monnerville, Léopold Bissol, Raymond Vergès et Aimé Césaire se sont battus pour que la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane sortent du statut colonial et deviennent des départements, par la loi du 19 mars 1946.

En dépit du contexte économique difficile de l'après-guerre, les parlementaires n'ont pas transigé avec les principes de la République, ils ont voté cette loi à l'unanimité. Car oui, les outre-mer sont la France, les outre-mer font la France.

Grâce au soutien du président de la République, à l'action des Premiers ministres Valls et Cazeneuve, les montants des indemnités socialistes seront harmonisés avec ceux de l'Hexagone. C'est une belle et grande avancée.

Il faut aussi construire un nouveau modèle de développement pour l'outre-mer. Les plans de convergence seront déterminants, élaborés en dialogue avec l'État mais au plus près du terrain.

Porter une politique de fierté, c'est aussi lutter contre toutes les discriminations, que ce soit pour l'obtention d'un crédit bancaire en métropole en dépit d'une domiciliation outre-mer, ou en matière de visibilité dans les médias.

Nous demandons au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de donner plus de place aux outre-mer dans les programmes, notamment d'actualité.

Porter une politique de fierté, c'est poursuivre le combat contre la vie chère. Ainsi en Guyane et à Mayotte, les grandes et moyennes surfaces devront négocier un tarif de gros maximal pour les petits commerces de détail - je songe notamment aux doukas à Mayotte.

Porter une politique de fierté, c'est aussi renforcer la continuité territoriale au bénéfice des territoires ultramarins : aligner les tarifs postaux sur ceux de l'Hexagone, accorder une aide au transfert du corps du défunt pour les familles résidant en métropole...

C'est encore lutter contre le mal logement, en simplifiant les procédures pour construire davantage, afin que chacun vive dans un logement décent, favoriser l'accession au logement social, financer la réhabilitation d'un parc privé et social vieillissant. Toutes les familles ultramarines doivent pouvoir s'inscrire dans un parcours de logement.

La mobilité est trop souvent conçue comme un départ vers l'Hexagone : elle peut également être une mobilité retour ! Nous encourageons les jeunes à revenir cinq ans après leur formation, après une première expérience professionnelle acquise dans l'Hexagone. La Martinique sera en 2020 le deuxième département le plus vieux de France. Voilà pourquoi il faut innerver le tissu économique, grâce à l'expérimentation du dispositif formation en mobilité. Les jeunes ultramarins ne trouvent pas toujours sur place les stages qu'ils recherchent.

La Polynésie française fut le théâtre de 193 essais nucléaires entre 1966 et 1996 : notre Nation y a gagné son indépendance stratégique et militaire, vitale aujourd'hui, au prix cependant de conséquences tragiques au plan sanitaire.

En février 2016, le président Hollande a reconnu le fait nucléaire et annoncé une meilleure indemnisation des victimes des essais, comme cela avait été fait pour les combattants de la Seconde Guerre mondiale issus des colonies.

Conformément aux engagements du président de la République, le Gouvernement a assoupli considérablement les critères en vigueur pour percevoir cette indemnisation, qui étaient trop restrictifs.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - Une commission sera mise en place pour que cette mesure soit mise en oeuvre rapidement, et pour évaluer les dispositifs.

M. Guillaume Arnell.  - Très bien !

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - C'est l'honneur du président de la République, de ce Gouvernement d'avoir porté cette réforme majeure. Comme c'est l'honneur de notre pays de regarder son histoire en face, avec ses ombres et ses lumières.

M. Roland Courteau.  - Exactement.

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - C'est avec émotion que je m'exprime, alors que le projet de loi arrive au terme de son parcours législatif. Comme élue locale de La Réunion puis comme ministre des outre-mer, j'ai défendu à chaque instant cette belle valeur de l'égalité.

Nous pouvons être fiers du chemin parcouru. Le Gouvernement a pris toute sa part dans la démarche collaborative qui a fait naître ce texte. Plusieurs membres de votre assemblée méritent des remerciements appuyés pour une implication constructive et résolue à commencer par les rapporteurs du texte : Mathieu Darnaud, Michel Magras, Chantal Deseyne, Vivette Lopez, Thani Mohamed Soilihi.

Je remercie aussi George Pau-Langevin, à l'initiative de ce projet de loi, mais aussi les citoyens qui ont participé à la consultation numérique.

Nous pouvons être heureux de porter au plus haut, avec ce texte, la fierté des ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE ; Mme Françoise Férat applaudit également)

M. Jean Desessard .  - Les territoires d'outre-mer connaissent depuis des décennies des différences économiques et sociales héritées de l'époque coloniale : inégalités dans l'éducation, services publics inefficaces, lacunes sanitaires, difficultés d'accès à l'emploi ou au droit, sont régulièrement dénoncés par les habitants.

Nous avons récemment échangé avec les communautés amérindiennes, Palikurs, Wayanas, Kalina, Teko, Wayampi, Lokono et bushinengués, que ma collègue Aline Archimbaud a rencontrées en Guyane en 2015 et qui à Paris, en novembre 2016, exprimaient leur colère face à la lenteur des changements.

La République est à la fois une et diverse. C'est une richesse, mais aussi une source de difficultés. À rebours du jacobinisme, il faut mettre en place les conditions d'une amélioration en prenant en compte chaque territoire.

Lutte contre l'orpaillage en Guyane, indemnisation des victimes des essais nucléaires dont les radiations correspondent à 9 900 fois la bombe de Hiroshima, tels sont certains des acquis de ce texte. Nous espérons que la commission créée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale la semaine dernière ne remettra pas en question ce progrès, car la loi Morin est une loi de présomption, qui ouvre l'indemnisation aux demandeurs et à leurs ayant-droits. La rédaction introduite ainsi dans le projet de loi n'est pas très claire sur ce dernier point...

J'ai quelques regrets. Nous souhaitions créer un observatoire du suicide en Guyane, face à ce phénomène qui touche surtout les populations amérindiennes.

Les populations autochtones sont favorables à un tel observatoire, contrairement à ce qui a pu être dit. La mesure a été supprimée en CMP. C'est refuser de voir le mal-être des jeunes Amérindiens - un suicide a encore eu lieu la semaine dernière. Avec Annie David alors présidente de la commission des affaires sociales, nous étions allés au Québec pour étudier les solutions adoptées là-bas contre le suicide. Elles fonctionnent ! Il faudrait s'inspirer de ce modèle.

Les langues autochtones devraient aussi être reconnues si l'on veut lutter contre l'échec scolaire et l'échec de l'intégration sociale.

Compte tenu des avancées, le groupe écologiste votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Nous arrivons au terme du parcours de ce projet de loi. Initialement composé de 15 articles, il nous est revenu de l'Assemblée nationale enrichi de 100 articles. Le Sénat en a supprimé 33, adopté 36 conformes et l'a encore enrichi de 61 articles nouveaux. Une CMP s'est réunie le 6 février. Les 14 sénateurs et députés ont su dépasser leurs points de divergence. Le texte contribuera à résorber les écarts sociaux et économiques qui subsistent entre l'outre-mer et l'Hexagone.

L'harmonisation des prestations sociales est une mesure attendue pour lutter contre la pauvreté. Le Small Business Act, la continuité territoriale et numérique au profit des étudiants, les aides aux familles endeuillées, les mesures en faveur du logement, la réhabilitation des baux emphytéotiques, les améliorations dans le fonctionnement et les moyens de la justice... Toutes ces mesures sont des avancées considérables.

Mayotte, que je représente, a fait l'objet d'un traitement particulier. Je vous en remercie. La minoration de 60 % de la valeur locative fera baisser la pression fiscale... en attendant que la réforme des valeurs locatives s'applique à tout le territoire. La question foncière à Mayotte est un verrou majeur au développement de l'île. Des dispositions à l'initiative de la délégation aux outre-mer ont heureusement été adoptées sur ce point.

Je remercie le président de la République qui, dès novembre 2014, a voulu accélérer la marche vers l'égalité en faveur des outre-mer, mais aussi Victorin Lurel dont le rapport a préfiguré le projet de loi ; et je vous remercie également, madame la ministre. Je salue le travail des rapporteurs.

Mme Gélita Hoarau .  - Après l'accord en CMP et le vote favorable à l'Assemblée nationale, il nous appartient de nous prononcer sur ce texte. Le texte issu de la CMP est un bon compromis. Je regrette cependant le manque d'engagement financier de l'État sur les plans de convergence. Comment les outre-mer pourront-ils parvenir à cette convergence si ces moyens ne sont pas définis ?

Parmi les satisfactions, la représentativité syndicale en outre-mer, nécessaire pour renouer le dialogue social. Certains syndicats d'outre-mer pourront négocier avec leurs homologues hexagonaux pour mettre en oeuvre des accords collectifs signés en métropole. Je me félicite du compromis trouvé. L'acceptation d'une clause de revoyure au 1er janvier 2019 est satisfaisante.

Le rétablissement de l'article étendant les prestations scolaires, notamment pour la cantine en maternelle, est un autre point de satisfaction. Dommage que la CMP n'ait pas rétabli l'article sur la valorisation énergétique des déchets...

Mais comment un texte arrivé en fin de mandature pourrait-il effacer les inégalités que nous connaissons depuis 1946 ? Comment ce texte peut-il ne pas prendre en compte certains aspects comme la transition énergétique ou la démographie ? Il n'a hélas pas non plus élargi les responsabilités des élus d'outre-mer. Le financement des mesures sociales n'est pas précisé.

Nous voterons ce texte, même si nous restons dubitatifs sur sa capacité à soutenir une réelle politique de développement durable outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

M. Guillaume Arnell .  - En première lecture au Sénat, chacun s'est exprimé sur sa conception de l'égalité réelle. Cette notion doit selon moi se concevoir dans l'acceptation des spécificités et de la diversité des territoires.

M. Jean Desessard.  - Absolument.

M. Gilbert Barbier.  - Très bien !

M. Guillaume Arnell.  - Concilier la reconnaissance des handicaps des territoires ultramarins tout en valorisant leurs atouts : tel est l'équilibre à trouver.

Après l'inflation du nombre d'articles à l'Assemblée nationale, la suppression de 33 articles au Sénat, l'adoption conforme de 36 autres et l'ajout de 61, le texte est considérablement modifié. Il constitue une avancée pour les outre-mer et toute avancée est bonne à prendre. Quelques regrets cependant. Les plans de convergence auraient pu être rendus impératifs pour les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, comme ils le sont pour celles relevant de l'article 73. L'extension aux collectivités d'outre-mer du dispositif d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs aurait pu être adoptée.

Parmi les dispositions sociales, la suppression de la surtaxe sur le rhum, inacceptable de mon point de vue, est une bonne mesure. La mise en place d'un conseil territorial de l'éducation nationale est une avancée essentielle pour Saint-Martin. Je suis heureux que le bénéfice du Livret d'épargne populaire et du Livret de développement durable ait été étendu aux habitants des territoires relevant de l'article 74 de la Constitution.

L'adoption du Small Business Act répond à une réelle attente de nos entreprises.

Enfin, mon amendement sur la commémoration des victimes de l'esclavage visait à provoquer le débat en séance publique. Je suis satisfait qu'il ait eu lieu.

Je veux vous remercier, madame la ministre, au nom de nos concitoyens qui bénéficieront de ces avancées. Je remercie aussi vos deux prédécesseurs, Victorin Lurel et George Pau-Langevin. Le groupe RDSE approuvera ce texte. (Applaudissements)

Mme Lana Tetuanui .  - Je salue à mon tour le président de l'Assemblée de la Polynésie française, présent dans la tribune d'honneur, ainsi que l'ensemble de la Polynésie qui nous regarde et nous écoute, chez nous, ce matin.

Je tiens à vous rappeler mon pessimisme lors de la rédaction initiale de ce texte qui comportait peu d'avancées pour la collectivité que je représente. L'apport considérable de nos collègues rapporteurs nous a permis de trouver des mesures conformes, applicables à l'ensemble de nos territoires. Soyez-en tous remerciés.

Au-delà des mesures sociales et fiscales, vous avez fait preuve d'une grande sagesse et ce texte est équilibré.

Mon amendement sur le fait nucléaire a soulevé l'émotion de tout mon territoire. Sans faire le procès de l'État, j'ai vécu ce moment comme une offense pour les habitants des îles qui ont subi les essais nucléaires - Mururoa et Fangataufa notamment. Cet amendement, déposé le 19 janvier 2017, restera gravé dans mon esprit jusqu'à la fin de mon parcours politique.

Le Gouvernement souhaitait préserver la loi Morin, mais a accepté de supprimer la notion de risque négligeable dans l'article 34 nonies. Et le miracle s'est produit. L'amendement Tetuanui a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Un compromis a été trouvé à l'Assemblée nationale mais un nouvel alinéa a été proposé par le Gouvernement, mettant en place une commission composée de parlementaires et de personnalités qualifiées.

Je n'ai pas du tout apprécié le traitement de ce dossier si sensible. J'ai vu les pressions exercées lors de la suspension de séance à l'Assemblée nationale. Que ce serait-il passé sans notre obstination ? Le Gouvernement a dû ajouter cet alinéa pour éviter le rejet de mon amendement.

Celui-ci est une grande avancée. Je rends hommage à celles et ceux qui ont mené ce combat, et porté le combat à quel prix ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; Mme Brigitte Micouleau applaudit aussi)

Je tiens enfin à vous remercier, madame la ministre, ainsi que tout le Gouvernement, les rapporteurs et surtout M. Darnaud, ardent défenseur de la cause ultramarine. (Applaudissements au centre) Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Mêmes mouvements. Revenue sur son banc, l'oratrice est congratulée par les membres de son groupe)

M. Michel Magras .  - Ce texte nous a rassemblés autour d'un objectif partagé : un égal développement, mais aussi un progrès en valeur absolue.

Le Gouvernement a placé ce texte sous le signe de l'égalité ; mais la notion de différenciation territoriale est aussi un chemin pour l'atteindre. C'est un des enjeux majeurs de ce projet de loi, mais l'adaptation est plus efficace à travers le transfert de pouvoir au niveau local.

J'espère, madame la ministre, que vous garderez un bon souvenir de votre dialogue avec le Sénat. Je salue à mon tour l'implication et le travail de coordination de Mathieu Darnaud.

Je me réjouis de retrouver dans le texte certaines recommandations de notre délégation, notamment sur le foncier à Mayotte et en Guyane. Il reste beaucoup à faire : on n'a encore utilisé qu'une partie du gisement que constituent les travaux de notre délégation.

La commission des affaires économiques a fait preuve d'audace en mettant en place un dispositif expérimental pour les aides aux PME, qui fera progresser la concurrence. L'expérimentation est limitée à cinq ans. Même si le Conseil constitutionnel est très sourcilleux sur la question, il ne faudrait pas que le législateur s'autocensure par une interprétation trop restrictive du principe de libre accès à la commande publique. Je ne serais pas surpris qu'une fois de plus, le dispositif soit étendu à l'Hexagone. Nos outre-mer sont un vrai laboratoire dont la République pourrait parfois s'inspirer.

Ce texte n'est qu'une première étape. Il est équilibré et respecte le principe de lisibilité de la loi. Des rendez-vous annuels devraient être organisés pour réduire le délai de transposition et le nombre d'ordonnances. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Maurice Antiste .  - Je me félicite de l'accord en CMP, prélude à une adoption avant la fin de la législature.

Ce texte donnera des chances égales aux citoyens des outre-mer, en modifiant leur vie en profondeur. La CMP a adopté des dispositions étendant le bénéfice du livret d'épargne aux collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, interdit la discrimination, que j'ai plusieurs fois dénoncée, sur la base de la domiciliation bancaire.

Je ne m'étendrai pas sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires ni sur les dispositions propres à Mayotte, pour insister sur l'extension des obligations de scolarisation et sur l'ajout du BTP à la liste des secteurs prioritaires. La continuité postale et la prise en charge du transport pour les familles ayant perdu un proche, l'aide à la mobilité des stagiaires auraient mérité un meilleur sort.

Ce texte est une étape capitale ; nous sommes sur la bonne voie. Pour emprunter les mots de Martin Luther King : « Je fais toujours ce rêve. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra la véritable réalité » de son exigeante devise : liberté, égalité, fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

M. Antoine Karam .  - Ce texte a suscité de grands espoirs mais aussi des déceptions. Les inégalités, insupportables, sont trop souvent acceptées. Vous l'avez dit, madame la ministre, les outre-mer ne demandent rien mais réclament l'égalité qui leur est due par la Constitution.

Ce texte a emporté l'adhésion des parlementaires, grâce à mon collègue Thani Mohamed Soilihi et au rapporteur Darnaud, qui est mon invité en Guyane. (Sourires)

Les plans de convergence méritent d'être salués. Ce texte répond avec pragmatisme à certaines préoccupations de nos compatriotes guyanais : lutte contre l'orpaillage, réglementation du port d'armes.

Je salue à mon tour le président de l'assemblée de Polynésie, présent dans notre tribune d'honneur. L'indemnisation des victimes d'essais nucléaires est une décision juste. Avec ce texte, nous proposerons un changement de paradigme.

Nous montrons que nous pouvons reconnaître la diversité des territoires tout en respectant l'unité républicaine. Les échanges ont été passionnés, mais cette passion est essentielle : il y a tellement à faire ! Le désir de changer est « Fort comme l'accent aigu d'un appel dans la nuit longue » pour citer les vers du poète guyanais Léon-Gontran Damas. Je voterai ce texte. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Nous passons à la présentation de l'amendement n°1 du Gouvernement.

ARTICLE 34 NONIES

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III.  -  Une commission composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées propose, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures destinées à réserver l'indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Elle formule des recommandations à l'attention du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - C'est clair.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean Desessard.  - Pourquoi « réserver » plutôt que « permettre » ou un autre verbe positif ? On a l'air de vouloir restreindre cette indemnisation ! Ce recul suscite de ma part de vives... réserves.

Mme Michelle Demessine.  - Je me félicite des nouvelles dispositions en faveur des victimes d'essais nucléaires, Polynésiens mais aussi militaires exposés aux radiations.

Je voudrais cependant des assurances. Qu'apporte cette nouvelle commission par rapport à la commission de suivi qui réunit tous les acteurs et fonctionne bien ? Les associations sont inquiètes.

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - Il n'y a pas lieu de vous inquiéter : nous élargissons les droits à indemnisation. C'est ainsi que nous avons supprimé la notion de risque négligeable ; il suffit d'être malade et d'avoir été présent sur le théâtre des essais à la période considérée.

M. Jean Desessard.  - Et les ayants droit ?

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - Eux aussi peuvent être indemnisés. Comme l'indemnisation est très élargie, la commission que nous souhaitons installer éclairera le Gouvernement sur le déroulement de la procédure, qui est nouvelle. Il faut s'assurer que les objectifs fixés seront atteints. (Mme Lana Tetuanui approuve) C'est pour cela que nous avons proposé une telle composition, entre parlementaires et techniciens.

Le projet de loi, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Mme la présidente. - À l'unanimité ! (Applaudissements)