Débat sur l'avenir de l'Institut français

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir de l'Institut français.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.

Les commissions à l'origine du débat disposeront d'un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) « Il suffit de passer un peu de temps à l'extérieur de notre territoire pour le constater : toutes les puissances renforcent aujourd'hui les moyens de leur politique étrangère. Si nous voulons rester maîtres de notre destin et assurer notre souveraineté, il faut que nous disposions d'un instrument diplomatique efficace, agile et capable de défendre nos intérêts. »

Monsieur le Ministre, sans doute ces phrases ne vous sont-elles pas étrangères ? Ce sont celles de M. le ministre Le Drian lui-même, prononcées il y a à peine quelques jours devant l'Assemblée nationale et j'y souscris pleinement.

Toutefois, en matière de diplomatie culturelle, nous avons été bercés de bonnes paroles depuis trop longtemps. Les déclarations du ministère sont-elles donc un énième voeu pieu ou un changement de cap ?

La demande de la France pourtant est là ! À chaque déplacement, nous visitons les instituts français, les alliances françaises, les centres culturels. Ces opérateurs contribuent au rayonnement de la France.

Notre commission de la culture a publié un rapport sur la francophonie au XXIe siècle, signé par Louis Duvernois et Claudine Lepage. J'espère que le Gouvernement s'en inspirera pour mener à bien son plan pour la promotion du français.

La commission de la culture a contribué à la création en 2010 de l'Institut français et elle demeure très attentive à son sort, avec l'ensemble du Sénat.

Hélas, le projet de lui rattacher l'ensemble du réseau des instituts français a fait long feu et ses moyens ont été réduits comme peau de chagrin. Ainsi, l'Institut français est exsangue : soit il faut réduire la voilure, soit il faut lui donner les moyens de ses ambitions. Les coupes budgétaires lors du précédent quinquennat ont été fortes : - 43 % pour le cinéma, - 44 % pour la langue française, - 55 % pour la coopération artistique.

Notre commission de la culture avait émis des réserves sur le budget triennal. Les subventions sont insuffisantes pour cet opérateur qui promeut le français à l'étranger. D'où ma demande de débat.

N'oublions pas aussi les Alliances françaises. Leur articulation avec l'Institut français devra être évoquée. Attention toutefois à éviter les solutions simplistes pour pallier la pénurie. (Applaudissements sur la plupart des bancs, de ceux du groupe SOCR à ceux du groupe Les Républicains)

M. Claude Kern, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Je partage les inquiétudes de la présidente Morin-Desailly sur la trajectoire budgétaire de l'Institut français. Nous sommes inquiets du décalage entre les bonnes intentions et le manque de moyens. Nous n'avons pas besoin de bonnes paroles mais d'actes... sonnants et trébuchants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Je suis partisan d'une politique vertueuse. Taillons dans les dépenses de fonctionnement et non d'investissement comme l'est la promotion du français et de notre culture à l'étranger. Souvent, les succès culturels de la France à l'étranger préparent ses succès commerciaux. Il faut développer des solutions innovantes, tels des regroupements ou mutualisations francophones, ou franco-allemands. À Rangoun en Birmanie, l'Institut français partage ses locaux avec le Goethe-Institut. Faut-il aller plus loin qu'une colocation ? Au Ghana, en Tanzanie, des projets existent. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La France porte souvent seule la charge de l'enseignement du français dans le monde. Louis Duvernois et Claudine Lepage ont fait, l'an dernier, des propositions intéressantes pour y remédier. J'ai visité la maison Denise Masson à Marrakech. Ce qui est bon pour la francophonie, j'en suis sûr, est bon pour la France. De telles initiatives pourraient-elles faire partie des annonces prochaines du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Ce débat touche une question fondamentale : notre diplomatie d'influence. Notre héritage est fort, mais pas immuable ; il doit être adapté à la mondialisation de l'information et aux réseaux sociaux, pour défendre notre vision du monde. Le rapport de notre commission, écrit par Hélène Conway-Mouret et Jacques Legendre, appelle à un sursaut.

La question des moyens est essentielle. Depuis 2011, l'Institut français a su imposer sa marque. Ce nom est connu, il est remarqué dans le monde entier. Il faut en féliciter ses présidents. L'Institut français encourage plus largement les échanges culturels. Nous pensons qu'un rapprochement avec l'Alliance française doit être l'occasion de réfléchir plus largement à notre diplomatie culturelle.

La demande de culture française est variable. Y a-t-il concordance entre l'offre et la demande ? Des études empiriques seraient utiles.

Réfléchissons ensuite aux synergies entre Institut français et les autres opérateurs culturels, audiovisuels par exemple, comme France Média Monde. Peut-on renforcer les partenariats ?

Même si on ne saurait réduire la diplomatie culturelle à cette dimension, elle est liée à notre diplomatie économique, 32 milliards d'euros sont en jeu. Ne peut-on renforcer aussi cette dimension ? Nous serons attentifs à vos travaux, surtout le président de la commission des affaires étrangères Christian Cambon. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Je dirai un mot du lien entre l'Institut français et la fondation Alliance française. Celle-ci anime 813 alliances locales, associations de droit local, qui réalisent plus de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires et s'autofinancent à 96 %. Ses difficultés financières sont très importantes, du fait du conflit avec l'Institut français et notamment de la baisse des subventions de l'État.

Le rapprochement entre Instituts français et la fondation Alliance française est souhaitable : il est devenu nécessaire, inéluctable, tant la complémentarité est évidente et la concurrence stérile et coûteuse. Songez que les alliances et les instituts sont en train de mettre en place des offres concurrentes de cours de français en ligne ! Ce n'est pas acceptable financièrement ni politiquement. Il faut associer approches de la langue et de la culture, les deux vont de pair. Réticences et résistances seront au rendez-vous, comme lors du rapprochement Caisse des dépôts et Agence française de développement.

Ne restons pas sur l'échec de 2010 du rattachement des réseaux culturels publics aux ambassades. Le rapprochement ne doit pas être un moyen de gérer la pénurie, il doit s'accompagner de moyens supplémentaires, au service de notre histoire, de notre culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - C'est toujours un plaisir de s'exprimer à cette tribune. Les travaux que vous avez produits viennent à point nommé. Le Gouvernement s'en inspirera utilement - je songe en particulier au rapport de M. Jacques Legendre et Mme Hélène Conway-Mouret, qui a sonné l'alarme ; et à celui de M. Louis Duvernois sur la francophonie.

Le président de la République a un intérêt tout particulier pour ces questions, il l'a dit lors de la Conférence des ambassadeurs. Le plan en cours d'élaboration se nourrira de vos suggestions.

« Actes sonnants et trébuchants », « paupérisation »... j'ai entendu vos craintes. Le ministère des affaires étrangères a beaucoup participé aux efforts budgétaires récents, c'est vrai, au point qu'il se retrouve un peu « à l'os ». Il est vraisemblable que la baisse des moyens financiers et humains ne peut être prolongée, au détriment du personnel qui, dans ces conditions, fait parfois des miracles.

La dotation à l'Institut français a été stabilisée en conséquence. Nous veillerons à ce que l'Institut français déploie une diplomatie culturelle ambitieuse. Cet été d'ailleurs, une université américaine nous a identifiés comme la diplomatie la plus influente.

Claude Kern appelle justement à développer les coopérations. Des actions franco-allemandes sont déjà conduites ; nous travaillons avec le Goethe Institut, dans le cadre du fonds culturel franco-allemand. Un programme soutient par exemple les jeunes entrepreneurs d'Afrique de l'Ouest. Tout cela peut être amplifié.

Avec nos partenaires francophones, les coopérations peuvent être améliorées. Le plan du président de la République y remédiera.

M. Vallini évoque le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, qui exige un sens diplomatique aigu... Un ambassadeur a été missionné, nous attendons ses préconisations.

Alliances et instituts sont parfois en concurrence, parfois même sur leurs business models - pardon pour cet anglicisme ! - respectifs. Les rationaliser ? Sans doute, mais sans leur retirer des moyens d'action.

Tous ceux qui font vivre les alliances françaises, associations de droit local, sur le terrain, doivent avoir voix au chapitre.

M. del Picchia évoque les synergies avec les acteurs audiovisuels. TV5 Monde, France Médias Monde (FMM) sont mobilisés. Des prix sont décernés conjointement, des conventions prévoient des saisons culturelles croisées. Je salue leurs dirigeants pour leur action - on se souviendra du succès de l'année France-Colombie. Nous préparons France-Israël et France-Roumanie.

J'ai envie de vous dire, pour conclure ce propos liminaire : message reçu ! Vous avez émis le souhait, juste et pertinent d'une diplomatie culturelle ambitieuse, et je vous reçois cinq sur cinq !

Une langue est un point de vue sur le monde : nous continuerons à oeuvrer pour diffuser la nôtre. Le Gouvernement est ici pour puiser à bonne source les moyens d'y parvenir plus efficacement.

Dans un monde multipolaire, la France a une voix différente et nous mettrons tout en oeuvre pour qu'elle soit forte et entendue.

(« Très bien ! » ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; on applaudit aussi sur plusieurs bancs, de ceux du groupe SOCR jusqu'à ceux du groupe Les Républicains)

Mme Christine Prunaud .  - L'Institut français a pour mission de promouvoir la langue et la culture françaises. C'est aussi la mission de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Quelle coopération peut-on envisager ? En dépit des engagements pour 2018-2019, les régulations budgétaires subies en 2017 nous rendent inquiets.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État .  - Les actions des instituts français concernent 600 000 à 800 000 personnes. D'autres contribuent aux mêmes missions, telle l'AEFE, c'est vrai. Nous gagnerions à les faire travailler avec plus de fluidité. Une conférence annuelle, au Quai d'Orsay, transformerait utilement un dialogue bilatéral en échanges multilatéraux. Je prends votre question comme un appel.

Mme Christine Prunaud.  - Merci. Je m'inquiète encore des marges données à l'AEFE, tel que le révèle le contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2018-2019, qui prévoit des suppressions de postes, sans parler des 33 millions d'euros annulés cet été.

De plus, les frais d'inscription vont augmenter, et craignons que les programmes d'excellence annoncés ne rendent l'enseignement que ces établissements dispensent trop élitistes.

Mme Colette Mélot .  - Débattre de l'Institut français, c'est évoquer la place de la culture française dans le monde. Notre modèle culturel doit se réinventer pour s'adapter au nouveau siècle. En 1906, le premier Institut culturel français, fondé à Florence, procédait du projet de Julien Luchaire qui rêvait d'une maison ouverte aux jeunes Français et aux jeunes Italiens, où ils travailleraient ensemble et se connaîtraient toujours plus. Cette exigence de la connaissance mutuelle est plus que jamais d'actualité en Europe. Au groupe Les Indépendants, nous sommes particulièrement sensibles à ces questions.

Manifestement, vous êtes conscient des difficultés financières, Monsieur le Ministre. Mais nous sommes à l'heure du digital ; que comptez-vous développer en matière numérique ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Resserrer les liens avec les autres Européens, nous nous y employons. La France pourrait prendre la tête d'un mouvement encourageant les échanges avec nos voisins - j'ai même une nostalgie pour l'Union latine : la France gagnerait à prendre la tête d'un rassemblement qui rapprocherait l'action de la francophonie, de l'hispanophonie et de la lusophonie.

J'entends votre ambition numérique. Pensons au programme Saphir Lab pour les jeunes entrepreneurs culturels du Maghreb et du Proche-Orient. Cette ambition est essentielle.

Mme Colette Mélot.  - Merci de l'attention que vous portez à l'Institut français.

Mme Françoise Laborde .  - La diplomatie culturelle est un vecteur essentiel de la diplomatie d'influence. Malheureusement les outils ne sont pas tous à la hauteur. Le COM de l'Institut français est ambitieux mais les crédits alloués en loi de finances ne sont pas à la hauteur.

Des outils numériques ont été élaborés. Depuis 2013, une équipe les développe, notamment le projet « IF360 » qui donnera accès à la production culturelle française à des publics du monde entier. Où en est ce projet prévu pour 2018 ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Il est vrai que le paradoxe est là : les moyens sont réduits à la portion congrue. Il faudra mener à ce sujet une réflexion approfondie avec le ministre des comptes publics. Une limite fixée à 28,7 millions d'euros en 2017, et c'est tout, à l'article 2, annexe 2. C'est un peu court.

La plateforme « IF360 » sera mise en fonction au premier semestre 2018. Nous pourrions associer députés et sénateurs à son lancement. Le numérique est aussi utilisé pour l'enseignement du FLE à distance.

Mme Françoise Laborde.  - Merci de votre honnêteté sur la partie moyens. Un COM sans moyen invite il est vrai à la prudence... Quant au lancement de la plateforme « IF360 », nous serons ravis d'y participer.

M. Richard Yung .  - En 2010, nous avions longuement débattu du statut de l'Institut français. Reconnaissons que, tel Roland à Roncevaux, nous avons échoué. L'organe central à Paris fait de la programmation mais, sans grands moyens ni relais, faute de réseau intégré, ça ne suit pas toujours sur le terrain. Le Quai d'Orsay a résisté : il ne voulait pas du modèle de l'AEFE. Dont acte.

L'Institut français a un problème de moyens, son budget étant passé de 49 millions d'euros en 2012 à 28 millions d'euros en 2018 : soit une diminution de près de la moitié.

Le Gouvernement devrait régler le statut des instituts, établissements à autonomie financière, en contradiction avec la loi organique relative aux lois de finances, d'ici à cet été.

Enfin, il y a un problème avec l'Alliance française. Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée de rapprocher la fondation Alliance française et l'Institut français. En France, il y a une multitude d'agences pour tout. En revanche, je soutiendrai mordicus l'indépendance des Alliances françaises, ces associations de droit local, ce qui les fait échapper aux turpitudes françaises.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Nous devons peut-être modifier la loi organique relative aux lois de finances pour garantir l'autonomie des établissements locaux ; cela les conforterait dans la recherche et l'obtention de cofinancements locaux, auxquels ils s'emploient activement, avec des résultats notables.

Un groupe de travail a été mis en place à cette fin sur le statut des EAF. Au ministère des affaires étrangères, nous estimons qu'il faut d'abord dialoguer. Cette réforme pourrait passer par un projet ou une proposition de loi organique, raison pour laquelle votre commission des finances devrait pouvoir s'en saisir. Parlez-en aussi aux pères de la loi organique relative aux lois de finances, Didier Migaud et Alain Lambert...

Mme Sonia de la Provôté .  - La contrainte budgétaire a été particulièrement lourde pour les Instituts français ces dernières années. Ils ont dû développer des offres payantes. Leur taux d'autofinancement est très élevé. Toutefois, certains ont dû fermer.

Nombre d'organismes thématiques tel que le Centre national de la cinématographie (CNC) ont des actions redondantes, voire concurrentes de celles de l'Institut français. Ne pourrait-on pas imaginer de desserrer l'étau budgétaire en coordonnant mieux ? Si oui, quelles sont les pistes à l'étude ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Les Instituts français collectent 67 % de leurs ressources grâce à leurs actions de recherche de cofinancements et de mécénat. Ils n'ont pas, pour ainsi dire, les deux pieds dans le même sabot et c'est heureux. Il faut que chaque euro soit utilement dépensé. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et l'Institut français - dont 11 % du budget est consacré au cinéma - mènent des actions en commun, comme à Cannes, le festival « cinémas du monde ». L'Institut français a organisé plus de 40 000 projections publiques à l'étranger. Une trentaine de conventions ont été passées entre l'Institut français et les organismes culturels, tels qu'Unifrance, le centre national du livre ou le centre national des arts plastiques, afin de mener dans chacun de ces domaines une action cohérente.

Mme Sonia de la Provôté.  - Vos propos confortent ma position en faveur d'une action globale.

Mme Claudine Lepage .  - Le président de la République a évoqué un rapprochement entre Alliance française et Institut français.

L'Institut français a été créé par la loi du 27 juillet 2010 ; c'est un EPIC, sous tutelle conjointe du Quai d'Orsay et du ministère de la culture. L'Alliance française, fondée en 1883, accorde un label à ses antennes locales, des associations à but non lucratif, souvent issues de l'initiative de francophones et régies par le droit local. Sa richesse tient à la diversité des antennes et à la souplesse de l'organisation.

La force des Instituts français réside dans le pilotage culturel. Ils sont complémentaires, mais leurs règles de fonctionnement sont différentes. Le rapprochement concerne-t-il seulement la fondation Alliance française et l'Institut français à Paris ou a-t-il vocation à se décliner localement ? Cela ne risquerait-il pas de brouiller la lisibilité ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Le rapprochement concerne bien la fondation Alliance française et non les alliances françaises sur le terrain, qui ont un statut juridique distinct selon les pays. La vitalité de ce tissu ne doit pas être remise en cause. Le rapprochement des structures parisiennes renforcerait les réseaux. Localement, nous tablons sur l'intelligence collective. Un modus vivendi voire des synergies sont généralement trouvés localement. Il faut faire du sur-mesure.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Je partage les inquiétudes de mes collègues sur la sous-budgétisation chronique de l'Institut français. Dans le projet de loi de finances pour 2018, la subvention aux alliances françaises a chuté de 11,3 %, baisse encore plus préoccupante avec la suppression de la réserve parlementaire, qu'il faudrait remplacer par un fonds dédié. L'année dernière, la réserve a permis d'attribuer 425 000 euros aux alliances...

J'approuve le rapprochement entre l'Institut français et l'Alliance française par un GIE. Il faut éviter la présence concomitante d'un institut français et d'une alliance française dans la même ville, qui crée de la concurrence, d'autant plus que les instituts français, poussés à l'autofinancement, développent des cours de langue traditionnellement réservés aux alliances.

Alors que les postes de lecteurs en français sont de moins en moins nombreux dans les universités locales, la création d'un volontariat international d'enseignement francophone (VIEF) offrirait une formidable opportunité de séjour à l'étranger pour les jeunes ou les retraités.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Après une exécution de 5,6 millions d'euros en 2016, le projet de loi de finances inscrit 6,5 millions d'euros de subventions aux alliances françaises, auxquels s'ajoutent 28 millions pour les agents rémunérés par le ministère. La situation n'est donc pas si dramatique...

Le président de la République a annoncé un fonds de dotation pour accompagner le tissu associatif que vous aidiez via la réserve parlementaire. Nous y travaillons avec Jean-Yves Le Drian et proposerons un dispositif dans les toutes prochaines semaines, par exemple avec une formule d'appel à projets. Une commission rassemblant des conseillers consulaires, des parlementaires et des membres de l'AEFE pourrait émettre un avis instruit par leur connaissance du terrain pour sélectionner les associations.

M. Robert del Picchia.  - Bonne proposition !

M. Pierre Ouzoulias .  - Le rapport de Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret a souligné le décalage structurel entre les ambitions et les moyens. Le budget pour 2018 ne le corrige pas, ce qui pose la question de la sincérité du COM. Notre débat sanctionne sa nature chimérique.

Les moyens réduits du ministère de la culture empêchent de rééquilibrer le budget de l'Institut français. Ses capacités réduites ne lui ont jamais permis de jouer son rôle de coordonnateur de l'action scientifique et culturelle de l'État à l'étranger.

Le projet de loi de finances pour 2018 réduit considérablement les projets et actions à l'étranger. Ainsi, 52 emplois ont été supprimés à l'AEFE. Vous disiez que l'on était à l'os ? Là, on attaque la moelle ! La disette favorise rarement l'échange et la collaboration. Je m'interroge sur la volonté politique de notre pays de maintenir le rayonnement de sa culture et de sa langue à l'étranger.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Chimérique ? Je récuse ce terme. Il y a l'envie de faire au mieux. Le rapport Legendre-Conway-Mouret tirait la sonnette d'alarme mais reconnaissait que l'opérateur avait imposé sa marque. Compte tenu de la baisse des moyens, l'Institut français a adopté la stratégie du ciblage : les moyens sont concentrés sur 39 pays identifiés comme à fort potentiel, aussi bien dans les Caraïbes qu'en Afrique ou en Méditerranée.

Dans les autres zones, les alliances prennent le relais. Les agents de l'Institut français font des trésors, au vu de leurs moyens, et les résultats sont là puisque nous restons les premiers en termes d'influence.

M. Olivier Cadic .  - Seul un quart des enfants français à l'étranger sont scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Les autres sont dans l'enseignement local, hors AEFE, et beaucoup ne parlent pas français : 15 % en Europe du Nord, 50 % en Australie, les deux tiers en Amérique latine, 80 % en Algérie.

La langue de la République est le français, dit la Constitution. J'aspire à ce que tous les enfants français à l'étranger apprennent notre langue. Pourquoi ne pas créer un chèque d'éducation qui leur donnerait accès à l'apprentissage du français dans les instituts français, les alliances françaises ou le CNED, sans oublier les associations FLAM et les écoles du samedi ? Un contrôle régulier évaluerait la maîtrise de la langue. Cela solidifierait les finances des instituts français et des alliances françaises.

Pouvez-vous fixer une nouvelle priorité dans le programme 185 : faire apprendre le français à tous les enfants français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Robert del Picchia applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - C'est une véritable révolution copernicienne que vous proposez ! Nombre d'enfants français sont scolarisés hors du réseau de l'AEFE. Devant la forte demande et l'impossibilité, souvent, de pousser les murs, il n'est pas impensable de compléter l'offre éducative avec d'autres acteurs : mission laïque ou acteurs associatifs et privés, avec, pourquoi pas, un enseignement bilingue, voire trilingue. Appuyons sur pause et réfléchissons à un modèle pour l'avenir. Je lance un appel à contribution !

M. Olivier Cadic.  - Merci d'être aussi ouvert : soyons disruptifs ensemble !

M. Jean-Yves Leconte .  - La France est un pionnier de la diplomatie d'influence - c'est ce qui nous permet de jouer un rôle au Moyen-Orient, par exemple. Mais nos acquis ne sont pas éternels.

Depuis la création de l'EPIC Institut français en 2010, les instituts français locaux ont l'autonomie financière, ce qui les place en délicatesse avec la LOLF. Comment garantir leur pérennité ? 

Pourquoi imposer un plafond d'emploi alors que ces établissements s'autofinancent de plus en plus ?

À Lisbonne comme à Vienne, nous vendons les lieux symboliques où étaient hébergés les instituts français. Mettrez-vous un terme à cette politique ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Nos acquis ne sont pas éternels, vous avez raison.

La LOLF elle-même étant d'initiative parlementaire, cela ne me choquerait pas que le Parlement la modifie pour permettre aux établissements de conserver leur autonomie financière.

Jean-Yves Le Drian l'a dit : nos joyaux contribuent à notre influence. La résidence de l'ambassadeur de France au Canada est un lieu à part - le public le fréquente aussi pour cela. On ne peut pas avoir partout des open spaces. Nous y perdrions non seulement en supplément d'âme, mais aussi en efficacité !

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci de votre ouverture. Rendons hommage aux agents de ces établissements, qui font vivre au jour le jour la présence française.

M. Jean-Noël Guérini .  - La France retrouve une place qu'elle n'aurait jamais dû quitter dans le concert des nations. Mais permettez-moi d'exprimer une inquiétude. L'Institut français, chargé de la promotion des arts et des lettres, vient d'atteindre l'âge de raison. Son jeune parcours n'a pas été un long fleuve tranquille. En 2015, déjà, il était en quête d'un nouveau souffle.

Cette année encore, si ce n'est pas la peau de chagrin budgétaire, c'est du moins la disette. Je sais qu'il faut réduire la dette publique. Les crédits des instituts français ont baissé ces dernières années au motif que le numérique permettait de réduire les dépenses. En 2018, ils stagneront. Ne croyons pas que la multiplication des clics et des réseaux sociaux remplace tout. Sanctuarisons les crédits pour réaffirmer que la France reste fidèle aux Lumières en même temps qu'elle est au diapason de la révolution numérique !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Je fais le même constat : l'envie de France est là. Je l'ai constaté encore ce matin en rencontrant les entreprises américaines en Europe.

Après le départ de Xavier Darcos, l'Institut français a pâti de l'absence de présidence stable. Ce n'est plus le cas avec Pierre Buhler et sa dynamique directrice générale, qui sauront ancrer l'Institut dans son écosystème. Il faut être présent sur les réseaux sociaux, mais aussi sur place, avec des activités et des prestations physiques.

Nous avons sanctuarisé les crédits pour 2018 et nous attacherons, pour la suite, à tenir le plus grand compte de ces ambitions. Cela passe par l'Institut français mais aussi par d'autres moyens.

Mme Nicole Duranton .  - Les collectivités territoriales sont des partenaires de l'Institut français : une vingtaine de conventions ont été signées avec des régions et des grandes villes. Mais faute de moyens, l'Institut n'est plus en mesure de poursuivre cette politique. C'est dommage car elle permettait un effet de levier, les collectivités doublant la mise. Mais il faut une mise de départ... Aujourd'hui, l'effet de levier fonctionne à l'envers : pour tout euro que l'Institut français ne met pas sur la table, c'est autant de crédits des collectivités de perdus !

En 2014, 3,8 milliards avaient été mobilisés dont 1,4 de mise de l'Institut français. En 2017, c'est 1,8 milliard d'euros, avec une mise de départ de l'Institut français de seulement 900 millions d'euros. Quelles actions concrètes entendez-vous mettre en oeuvre pour sortir de ce cercle vicieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Au coeur d'une semaine consacrée à l'action locale, je salue les élus locaux en tribunes. Les collectivités locales participent de plus en plus au budget de l'Institut français : 765 000 euros en 2016, 872 000 en 2017, 950 000 en 2019. L'Institut français doit faire sa part du chemin, pour bénéficier de l'effet de levier.

Je transmettrai au président de l'Institut français le souhait du Sénat que des crédits viennent abonder les projets portés conjointement avec les collectivités territoriales. Une trentaine de partenariats ont ainsi permis de promouvoir des créateurs et des opérateurs culturels des territoires et accompagné l'émergence de talents : 80 tournées par an, accompagnement des artistes lors de salons, c'est une voie à renforcer.

Mme Nicole Duranton.  - Les collectivités locales jouent un vrai rôle, je regrette que l'État ne puisse remplir le sien.

M. Claude Haut .  - Nos entrées partenariales se font par la diplomatie culturelle. De plus en plus de pays jouent cette carte. La France a un capital considérable, grâce à son histoire, ses valeurs, ses créateurs.

Il faut renouer avec la promotion de la francophonie : coopération linguistique, soutien aux lycées français, aux instituts de recherche, promotion du français sur Internet, dans les médias...

Le président de la République l'avait dit, l'Institut français pourrait évoluer vers une grande agence culturelle internationale. L'enseignement du français n'est pas une valeur du passé, c'est un vecteur d'influence mais aussi de lutte contre le radicalisme. Il mérite qu'on y consacre des moyens importants, notamment en Afrique. Quels moyens sont mis en oeuvre pour transformer l'Institut français ? (M. André Gattolin applaudit.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - J'ai bu vos paroles ! (Sourires) Un certain nombre de pays joue la carte de l'influence culturelle : la Chine a ouvert 900 instituts Confucius.

M. André Gattolin.  - Et l'enseignement est gratuit !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Pas question de nous reposer sur nos lauriers.

Le 17 mars 2017, j'accompagnais le président de la République à Villers-Cotterêts pour commémorer l'édit de François Ier qui faisait du français la langue du royaume. Je retrouve dans vos propos ceux de Leïla Slimani, représentante du chef de l'État pour la francophonie, qui veut déringardiser cette action, notamment en direction des jeunes. Un jeune Sénégalais doit avoir à l'esprit les opportunités dont il dispose pour travailler avec le Canada, la Belgique, les autres pays francophones. Le français est un formidable espace de liberté et d'échange !

M. Jacques Le Nay .  - Les moyens de l'Institut français se sont réduits depuis sa création, et l'État lui a demandé de diversifier ses ressources propres, notamment le mécénat. Or celles-ci sont instables et inégales : 15 % en 2016, 12 % en 2017. La concurrence est rude, le mécénat plus dynamique dans certaines régions que dans d'autres, sans parler du risque de dépendance vis-à-vis des financeurs...

Le modèle économique est fragile. Ne pourrait-on permettre à l'Institut français de diversifier ses ressources propres en proposant des cours de français en ligne ou en valorisant son expertise culturelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Les ressources propres tournent autour de 11 % pour l'Institut français de Paris mais atteignent fréquemment 50 % ou 60 % à l'étranger. Oui à la diversification, mais en se gardant de cannibaliser les ressources des alliances. En matière d'expertise culturelle, l'ingénierie, les savoir-faire sont reconnus : c'est une piste que je retiens. Des prestations pourraient être vendues pour le compte d'autres acteurs. Cela ne doit pas se faire au préjudice des autres missions. Merci d'apporter votre pierre à l'édifice !

M. Jacques Le Nay.  - Les crédits publics ont un fort effet de levier sur la recherche de partenariats. Les ressources propres ne doivent pas s'y substituer, mais les accompagner.

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Le soft power est essentiel à notre rayonnement international et la demande de culture française est toujours plus élevée. Ce débat a le mérite de poser la question de la restructuration de notre réseau culturel.

Lors de son audition par notre commission en octobre, Jean-Yves Le Drian a évoqué le rapprochement entre Institut français et Alliance française, amorcé par le rapprochement de leurs identités visuelles.

J'avais souligné, avec Jacques Legendre, le décalage entre les ambitions du COM 2017-2019 et les moyens trop modestes.

Les crédits totaux ont baissé de 25 % depuis sa création, les crédits d'intervention, de 30 % ; la dotation du ministère de la culture n'est que de 2,3 millions et les ressources complémentaires restent marginales. Dès lors, le rapprochement peut-il se faire dans de bonnes conditions ?

Face à la concurrence en matière d'offre linguistique, comment préserver notre influence avec des moyens en déclin ? Quels moyens envisagez-vous de consacrer à notre réseau culturel ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Je partage votre diagnostic. Comment être performant ? En étant créatifs, comme on sait l'être en France : on n'a pas de pétrole, mais on a des idées... (Sourires)

Je souhaite stabiliser la contribution de l'État, et que les deux ministères de tutelle accompagnent l'opérateur sur le plan budgétaire. Un travail préparatoire est en cours sur le rapprochement entre l'Institut français et l'Alliance française, avec des audits et des inspections. Certains litiges juridiques sont en suspens. Il faut dépasser ces tensions et nous rassembler avec l'ambition du rayonnement de la France et de sa langue.

M. Ronan Le Gleut .  - La France est un grand pays qui porte un message universel, sa culture rayonne dans le monde. Hélas, quand le déficit dérape, le patrimoine immobilier sert de variable d'ajustement : la vente de trésors nationaux, comme le palais Clam-Gallas à Vienne ou la maison Descartes à Amsterdam, est une erreur majeure pour notre visibilité mais aussi une erreur financière car il faut louer de nouveaux locaux à prix d'or ! Le Gouvernement saura-t-il éviter de refaire la même erreur à Lisbonne ? Pourquoi ne pas mettre en place un groupe de travail chargé de repenser la gestion immobilière du réseau culturel français ? Trouvons des solutions innovantes, via des partenariats avec le privé, pour maintenir notre patrimoine.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Oui, l'immobilier contribue à notre rayonnement. Des cessions malheureuses ont été signées mais elles ont donné lieu à une prise de conscience. D'autres lieux symboliques ont été préservés comme les services culturels à New York, face à Central Park, où grâce à Antonin Baudry, une librairie française s'est installée et des pièces fabuleuses ont été restaurées grâce au mécénat. C'est une initiative modèle.

Je ferai remonter votre préoccupation concernant Lisbonne. Les lieux symboliques sont précieux pour attirer des personnes importantes, organiser des rencontres... Merci de votre contribution à ce combat commun.

M. Ronan Le Gleut.  - Merci pour cette réponse. Puissiez-vous éviter de réitérer les erreurs passées à Lisbonne.

M. Didier Guillaume .  - Avec ses réseaux scolaires et culturels, la France possède un outil unique pour diffuser ses messages. Nos réseaux disposent de relais politiques, scientifiques, associatifs. Mais cantonné à une offre essentiellement artistique, l'Institut français s'est peu à peu ossifié et isolé des macro-stratégies diplomatiques. Il faut réinvestir nos réseaux d'influence, et doter l'Institut français d'un COM ouvert à nos messages.

La baisse des budgets, l'agenda 2030 du développement durable, la concurrence d'autres modèles obligent la France à dessiner un schéma synergique rassemblant, autour de l'Institut français, les réseaux éducatifs, culturels et universitaires. Nous disposons d'acteurs qualifiés pour en être les messagers. La société civile agit pour co-construire des programmes de développement porteurs de nos valeurs, avec des partenaires du Sud ; nos réseaux contribuent ainsi à l'aide publique au développement, dans une acception large et assumée.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Ce projet de schéma synergique est audacieux, disruptif - oserai-je dire constructif ? (Sourires) J'y vois un souhait sincère de participer à l'action du président de la République.

J'ai proposé la tenue d'une conférence des opérateurs en matière de politique culturelle, afin de définir des objectifs partagés et d'employer les moyens à bon escient. Nous examinerons avec attention votre proposition.

Mme Vivette Lopez .  - L'Institut français contribue au rayonnement de la France à l'étranger, dans une démarche d'écoute et de dialogue avec les cultures étrangères.

Depuis la loi de juillet 2016, le ministère de la culture partage la tutelle avec le Quai d'Orsay. Je constate que l'action culturelle extérieure figure en bonne place sur votre feuille de route. Pourtant, l'Institut français reste le parent pauvre, avec une dotation de 2 millions du ministère de la culture, quatorze fois moins que l'apport du ministère des affaires étrangères. Ne pourrions-nous nous inspirer de l'Allemagne qui privilégie le financement extérieur ? L'Institut français va bien au-delà de ses missions, en promouvant les échanges avec les chercheurs, les coopérations scientifiques et économiques. Le Gouvernement entend-il augmenter son soutien financier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Vous parlez d'or ! Cotutelle signifie co-implication. Au moment où les crédits du ministère de la culture progressent, il serait opportun, en effet, qu'il appuie l'Institut français au même niveau que le fait le Quai d'Orsay. C'est un message que votre commission de la culture pourrait porter...

Les chercheurs français cherchent à être publiés dans des revues scientifiques anglo-saxonnes : c'est indispensable pour être reconnu. Nous pourrions réfléchir à des partenariats avec ces revues pour obtenir la publication de numéros bilingues.

Mme Jacky Deromedi .  - Une mutualisation entre l'Institut français, le CNEP et le CNED serait source d'efficacité. Pourquoi ne pas mettre en place des plates-formes communes à tous les organismes qui concourent au rayonnement du français : alliances, mission laïque et AEFE ? Internet et les réseaux sociaux ne s'opposent pas à la présence d'enseignants sur place ; développons plutôt de nouvelles pédagogies.

L'Institut français d'Agadir possède un théâtre en plein air, qu'il n'a pas les moyens de couvrir sur ses fonds propres. Enfin, il ne peut procéder aux tests de langue et culture françaises que doivent passer les étudiants étrangers dans le cadre de Campus France, qui sont réalisés à Marrakech. Or la plus grande université du Maroc se trouve à Agadir !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Tout à fait, CNE, CIEP et Institut français doivent travailler ensemble. Le ministre de l'Éducation nationale, M. Blanquer, à qui j'en ai parlé, a la volonté de contribuer au rayonnement de la langue française. Le CIEP conserve une spécificité, une expertise qui lui permettra de vivre sa vie avec ambition en travaillant en synergie avec les autres agences. Vous avez, Madame la sénatrice, mille fois raison : assurons-nous de la cohérence des outils numériques que chacun cherche à développer. Je vous ferai une réponse après avoir considéré avec attention le dossier de l'institut d'Agadir.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - Quelque 300 millions de francophones dans le monde, 750 millions en 2050, selon certaines projections. Pourtant, l'usage du français et son apprentissage reculent en Afrique et en Amérique du Sud. Pour que le français reste la langue de l'excellence culturelle, il faut renforcer son enseignement. Pour le président de la République, la francophonie est essentielle. Donnerez-vous à l'Institut français qui, contrairement aux alliances françaises et à l'Organisation internationale de la francophonie, est un service culturel de la France, les moyens de mettre en oeuvre cette politique ? Ne faut-il pas favoriser une coopération pérenne avec la Fédération internationale des professeurs de français, en particulier là où l'usage du français recule ? (M. Jean-Pierre Bansard applaudit ainsi que M. Robert del Picchia.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Comme vous, je suis sceptique à l'égard de ces projections qui additionnent les populations de pays francophones où toute la population ne parle pas le français. Je salue l'action de la Fédération internationale des professeurs de français, dont j'ai rencontré le secrétaire général récemment. Les hussards noirs de la IIIe République existent encore !

Pour conclure ce débat, laissez-moi citer le groupe breton Tri Yann qui nous invite à vivre la francophonie en conscience. Elle peut être découverte ou ignorée. Grâce à vous, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, ce sera une découverte. (Soupirs d'admiration et applaudissements, sauf sur les bancs du groupe CRCE)

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture .  - Merci à vous Monsieur le Ministre et à nos rapporteurs. Ce débat a permis de montrer l'attachement du Sénat à notre diplomatie d'influence. Des pistes ont été évoquées. De nouvelles synergies, la création d'une nouvelle agence, pourquoi pas, mais il faudra surtout des moyens. Nous aurons ce débat lors de la discussion budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères .  - Notre débat a montré l'intérêt de cette nouvelle formule. J'invite nos deux commissions à formaliser les propositions qui ont été faites pour soutenir notre diplomatie culturelle en une proposition de résolution sénatoriale.

Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat : « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens ».

Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires économiques .  - La commission des affaires économiques a désigné Annie Guillemot et moi-même pour faire l'évaluation de la loi Lamy, trois ans après son entrée en vigueur.

La nouvelle géographie prioritaire est-elle pertinente ? Les nouveaux critères, plus objectifs, sont globalement adaptés à l'objectif de resserrement et de simplification. Néanmoins, ils empêchent de prendre en compte certains territoires moins denses comme le bassin minier ou des poches de pauvreté enclavées dans des zones de mixité sociale.

Pour les quartiers sortants, ceux qui ne relèvent plus de la géographie prioritaire, la loi Lamy a mis en place un dispositif de veille qu'il faut activer, indépendamment de la signature d'un contrat de ville, afin d'intervenir le plus rapidement possible en cas de décrochage.

En tout, 435 contrats de ville ont été signés. Le pilotage intercommunal semble satisfaisant. Attention, toutefois, aux conséquences de la réforme territoriale.

La tranquillité publique est une question récurrente dans les quartiers prioritaires. La police et la justice doivent amplifier leur action, les bailleurs sociaux mettre en place des gardiens d'immeubles et des dispositifs de médiation. Les rodéos sauvages doivent cesser, cela passe peut-être par la loi. N'abandonnons pas les quartiers en difficulté extrême. Pour eux, le traitement des difficultés doit être global, ce qui nécessite un renforcement des moyens de droit commun. La question de l'emploi est fondamentale : n'opposons pas aides à la personne et aides aux territoires, emplois francs et zones franches urbaines.

Contrairement à ce qui était prévu par la loi Lamy, les moyens financiers sont peu détaillés dans les contrats de ville. Le président de la République a parlé d'une sanctuarisation des crédits de la politique de la ville durant le quinquennat. Cela signifie qu'il n'y aura pas de gel en cours d'année, nous sommes bien d'accord ?

Mme Annie Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques .  - Le principe de coconstruction avec les habitants est un axe fort de la loi Lamy. Certains élus ont été réticents à installer les conseils citoyens là où des instances de participation préexistaient ou n'avaient pas pris. On en recense 1 054, 3 quartiers prioritaires sur 4 sont couverts. Ces conseils sont une instance balbutiante ; les moyens dont ils disposent - locaux, budget, accompagnement  - seront décisifs pour éviter leur essoufflement.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain est ciblé sur 216 quartiers auxquels s'ajoutent 274 quartiers d'intérêt régional. L'enveloppe de 6 milliards d'euros était insuffisante. Nous proposions 10 milliards et le rétablissement d'un financement paritaire entre l'État et Action logement. Nous avons été entendus : il est bien prévu 10 milliards dans le budget mais la part de l'État se limite à 1 milliard. Les bailleurs sociaux peineront à participer, compte tenu des débats sur les APL.

Nous espérons que ces crédits permettront d'aller au-delà du renouvellement de logements pour porter sur l'aménagement et les équipements publics, les écoles. Il serait utile d'inscrire une clause de revoyure dans les conventions Anru-Région pour redéployer les crédits au sein d'une région si besoin est.

Les politiques de peuplement sont essentielles à la réussite des actions de renouvellement. La mixité est essentielle. Elle suppose parfois de remodeler entièrement un quartier. Des outils plus adaptés doivent permettre de remédier aux copropriétés dégradées.

Si la réforme de la politique de la ville est bien engagée, elle souffre d'un manque de moyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et UC)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Je veux saluer le travail de la commission des affaires économiques, dont l'ancien président Lenoir avait commandé ce rapport. J'ai d'autant plus de satisfaction à venir devant vous que le président de la République s'est exprimé avec force à Roubaix et à Tourcoing : les quartiers prioritaires fragiles sont une priorité nationale, ils exigent la mobilisation de tous.

Notre politique de la ville ne s'oppose pas à celles menées par mes prédécesseurs - je salue d'ailleurs la présence sur vos bancs de M. Kanner. Beaucoup de travail a été accompli ces dernières années. Reste que, dans de nombreux quartiers, se posent des difficultés considérables et, d'abord, pour ceux qui y vivent, les habitants, et ceux qui doivent les gérer quotidiennement, les élus.

Dans les deux mois qui viennent, nous travaillerons en collaboration avec Jean-Louis Borloo pour mettre en place les solutions les plus efficaces possible. Les solutions que nous avançons ne régleront pas tout d'un coup, mais permettront, je l'espère, d'avancer.

Votre rapport met en avant 27 propositions intéressantes. Je commencerai par la question budgétaire.

Quel dossier échappe à l'équation budgétaire ? Les crédits de la politique de la ville seront sanctuarisés. C'est chose faite dès le budget pour 2018 : 448 millions d'euros. Le Gouvernement a pris l'engagement de ne pas effectuer de gels.

La mobilisation de l'interministériel sera déterminante, nous y travaillons. L'insécurité est un chantier majeur, la police de sécurité du quotidien constitue une première réponse du Gouvernement.

L'éducation est un autre enjeu majeur dans des quartiers où il y a parfois 60 % d'allophones. Le dédoublement des classes dans les REP+, qui correspondent aux quartiers prioritaires, les internats, un vrai stage en classe de troisième ainsi que la mise en place de la politique de formation remédieront aux difficultés.

Concernant l'emploi, les emplois francs seront expérimentés dès 2018 dans des quartiers représentant 25 % de la population ciblée, en tirant les leçons des expériences passées.

Dans un certain nombre de quartiers, les services publics, tels que la Poste ou les commissariats ne sont plus ou sont moindres que ce qu'ils devraient être. Le Gouvernement y est attentif.

Il s'est engagé à mettre 1 milliard dans le nouveau programme de renouvellement urbain. J'ai signé ce matin un protocole d'accord avec l'ANRU qui financera 2 milliards. Je ne désespère pas, même si l'accouchement se fera dans la douleur, que nous parvenions à un accord avec les bailleurs sociaux pour boucler le budget de 10 milliards. Tout cela sera fait dans la coconstruction et le rassemblement au-delà des sensibilités politiques. Nous avons proposé la présidence de l'ANRU au maire de Clichy Sous-Bois, Olivier Klein, dans cette optique.

Je suis conscient, enfin, de la nécessité de favoriser la mixité sociale, alors que vous avez rappelé le renouvellement démographique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Patrick Kanner et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)

M. Dany Wattebled .  - Le président de la République est intervenu le 14 novembre pour fixer le cap d'une politique de la ville renouvelée. Depuis quarante ans, les gouvernements se sont efforcés de combler l'écart entre la périphérie et le centre des métropoles. La métropole européenne de Lille a conclu un contrat ; dans ce cadre, 7 000 logements devront être détruits, reconstruits, réhabilités. Quelle place sera faite aux collectivités territoriales ? Le budget de l'ANRU passerait de 5 à 10 milliards : qui aura la maîtrise de ces fonds supplémentaires ?

M. Jacques Mézard, ministre .  - On ne peut agir en la matière qu'en coconstruction avec les collectivités territoriales. Il ne peut en aller autrement : les élus locaux sont au contact des populations, des difficultés. La volonté du Gouvernement de travailler avec les collectivités territoriales se traduit par la création d'un Conseil présidentiel de la politique de la ville, qui se réunira tous les trois mois à l'Élysée. De nombreux élus des quartiers y seront conviés.

Les dossiers ANRU sont en cours de finalisation. Le programme court jusqu'en 2031 mais nous agirons le plus vite possible. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Au terme de la loi de 2014, le quartier prioritaire de la politique de la ville est défini par référence, essentiellement, au revenu médian. Or cette méthode neutralise les hauts revenus mais aussi les bas revenus. Résultat, le bassin minier, où l'habitat est peu dense et la pauvreté diffuse, est sorti de la politique de la ville. Cette double peine est difficile à comprendre pour les élus locaux. Avant 2014, l'approche multicritère était plus juste.

Des mécanismes correctifs sont-ils envisagés en cohérence avec le contrat pour le renouveau du bassin minier signé par l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve en mars dernier ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - La loi de 2014 prévoit qu'aucune actualisation des critères n'aura lieu avant 2020. Le critère unique facilite pourtant l'actualisation, je vous l'accorde.

La définition de critères est toujours risquée - je pense à celle des ZRR... Le Gouvernement compte respecter intégralement le contrat pour le renouveau du bassin minier. L'engagement de M. Cazeneuve sera honoré.

M. Philippe Pemezec .  - Malgré les 48 milliards d'euros que l'État a investis ces dix dernières années dans la politique de la ville, la misère y est généralisée, le chômage endémique et la violence quotidienne. Pourquoi cette inefficacité chronique ? Ancien maire d'une commune qui comptait 73 % de logements sociaux en 1989 lorsque je fus élu pour la première fois, je sais le temps qu'il faut pour atteindre la mixité sociale et l'accession sociale à la propriété. À la loi ALUR, loi idéologique, la loi SRU, terrifiante, s'en ajoutent d'autres. Stop à la défiance à l'égard des élus que représente le fait de confier aux préfets l'attribution des logements DALO ; arrêtons le saupoudrage des crédits et expérimentons. Monsieur le Ministre, êtes-vous prêt à faire confiance aux élus ? N'est-ce pas aux maires de gérer les attributions de logements DALO ? Eux connaissent leurs quartiers. (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre.  - S'il y a de la législation, c'est qu'il y a des élus pour la voter - je suis bien placé pour le savoir, j'y ai contribué durant neuf ans. (Sourires) J'espère que vous aurez le souci de la concision législative quand vous vous pencherez sur les textes...

Nous ne transférerons pas les contingents DALO des préfectures aux élus car la décision prise a été la bonne. La concertation entre préfets et élus locaux, en revanche, est indispensable. De même, ne réinventons pas le mouvement perpétuel. Rénover pour qu'il n'y ait ensuite pas de mixité serait la pire des choses. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Arnaud de Belenet .  - Une priorité du président de la République est l'émancipation par la formation. Il a dit son souhait de rouvrir les internats d'excellence, qui ont rencontré un fort succès mais, parce qu'ils étaient jugés coûteux, ont été dissous dans les internats de la réussite. Plusieurs types d'internats cohabiteront-ils ? Y aura-t-il un surcroît de moyens ? Quel sera le calendrier ? Le président de la République a souhaité encourager les bonnes pratiques. Comment les valoriser et les promouvoir ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Dans son discours, le président de la République a annoncé un développement de la politique de l'éducation nationale vers les internats. La question de l'éducation et de la formation est centrale. C'est au primaire que tout commence, le dédoublement des classes sera accéléré à la rentrée prochaine. Le grand plan de formation et les emplois francs seront mobilisés. L'accélération des internats d'excellence, bien que le budget n'ait pas encore été totalement calé, sera une priorité dès 2018. Quant aux accélérateurs d'innovations sociales, nous effectuerons un relevé de bonnes pratiques fin février.

M. Fabien Gay .  - La politique de la ville, qui fête ses quarante ans, repose sur une double action : action sociale et action urbaine. Comme le dit Philippe Rio, l'auteur de l'appel de Grigny, l'été leur a été meurtrier : suppression des emplois aidés si importants pour les associations d'aide aux devoirs, les associations sportives et culturelles ; suppression de 46,5 millions d'euros de crédits qui se conjugue à la baisse des dotations, réforme des APL au prétexte de la prétendue rente détenue par les organismes HLM. Comment feront ces derniers pour participer à la rénovation urbaine ? Quand cesserez-vous de nous promettre des milliards qui n'existent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; MM. Patrick Kanner, Xavier Iacovelli et Mme Sophie Primas applaudissent également.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Il est difficile de répondre à la caricature. Commençons par rétablir la réalité des faits. Dans le projet de loi de finances 2017, il y avait 290 000 emplois aidés. Nous en sommes à 330 000.

Ce Gouvernement n'est pas responsable du déficit chronique de la ville de Grigny. J'entends ce que dit son maire, que j'ai rencontré. Nous essayons justement d'offrir des moyens aux quartiers qui ont le plus de difficultés.

M. Daniel Dubois .  - Réaménager, reconstruire, réhabiliter sont des conditions nécessaires mais non suffisantes. Ce sont les habitants qui font les quartiers. C'est dans la durée que nous jugerons. Il faut, dès le départ, assurer la mixité sociale par un peuplement adapté, et c'est très difficile. Mais les parents doivent s'acquitter de leurs devoirs liés à leur parentalité. Emploi, éducation, logement, toutes les politiques doivent être concomitantes et être réévaluées selon les résultats qu'elles produisent pour éviter que les quartiers ne sombrent à nouveau. De quels instruments de mesure disposez-vous ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Effectivement, le résultat se mesure dans la durée. Une politique de peuplement adaptée est l'alpha et l'oméga. Pour assurer la contractualisation, indispensable, et l'évaluation des politiques, nous comptons sur les préfets délégués auxquels je rends hommage : nous avons là des serviteurs de l'État qui connaissent bien les quartiers et sur lesquels vous pouvez compter. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Daniel Dubois.  - Je suis rassuré par les propos du ministre mais j'attends les faits.

M. Xavier Iacovelli .  - Quand nous légiférons pour les 5 millions d'habitants des quartiers populaires, nous devons avoir à l'esprit l'ampleur des inégalités qu'ils subissent : un taux de pauvreté à 42 %, un taux de chômage à 27 %, des logements insalubres, des inégalités sociales qui ont un impact direct sur la santé, une espérance de vie à la naissance beaucoup plus faible que la moyenne. Ces habitants ne sont pas des oisillons attendant la becquée. J'ai eu envie, pour eux, mi-novembre, de croire aux propos du président de la République.

Mais je crains la traduction budgétaire. En ces temps où la parole politique est dévalorisée, c'est jouer avec le feu.

Pourquoi, en 2018, le budget n'est-il que de 15 millions ? Combien d'emplois francs seront signés, selon votre estimation, en 2018 ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Les habitants de ces quartiers doivent avoir les mêmes chances de réussite que les autres. Vous avez parlé d'insincérité du budget. Nous en savons quelque chose et l'avons constaté à notre arrivée. (Murmures de réprobation sur les bancs du groupe SOCR)

Il n'y aurait que 15 millions de crédits de paiement en 2018 ? Ils ne sont que pour les projets prêts à être lancés. Je puis donc vous rassurer : nous tiendrons nos engagements sans aucune difficulté...

M. Xavier Iacovelli.  - Et sur les emplois francs, allez-y, répondez, je vous prie !

M. le président.  - Je préside, et j'allais dire que M. le ministre avait épuisé son temps. (M. le ministre se rassoit.)

Mme Michèle Vullien .  - Sans vouloir préempter le résultat des Assises de la mobilité présidées par Élisabeth Borne, il faut se pencher sur les déserts, voire les no man's land qui existent en fait de transports. Un portage politique volontariste contre le tout-voiture est nécessaire, avec l'intérêt général à l'esprit. L'intermodalité est-elle votre priorité, en termes d'actions et de financements ? Les transports du quotidien, qui doivent participer aux solutions d'avenir pour notre planète, sont-ils pour vous une priorité, pour une ville de demain sans voiture ? (MmValérie Létard applaudit.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - D'une commune à une autre, des gens qui ont une offre d'emploi ne peuvent l'accepter car ils auraient 1 h, 1 h 30 de déplacement, surtout en Île-de-France. C'est le résultat d'une politique menée depuis des années, et ce n'est pas la faute que de l'État. C'est essentiel dans le dossier du Grand Paris. Évidemment, le Gouvernement a pour priorité l'intermodalité. Des avancées considérables se font dans le domaine des transports, mais pas en un jour. La ministre des transports, les assises de la mobilité, vont tout à fait dans ce sens. Le concours des collectivités locales est important, dans l'intérêt général.

Mme Michèle Vullien.  - Je vais vous parler lyonnais : « y suffit pas d'y dire, faut encore y faire ! » (Sourires)

M. Franck Montaugé .  - La loi de 2014 a fait entrer dans la politique de la ville, grâce au critère unique du revenu par habitant, des quartiers situés en zones rurales.

Le président de la République veut orienter la politique de la ville sur les quartiers en très grande difficulté. Quid des quartiers en zone rurale ? Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous rassurer sur leur maintien durable dans le dispositif ?

L'inscription au projet de loi de finances de 18 millions d'euros en crédits de paiement pour la politique de la ville laisse craindre le pire. Le calcul de la participation de l'ANRU sera-t-il revu à la hausse ?

Dans une perspective d'aménagement du territoire moderne, le temps n'est-il pas venu de penser différemment les stratégies d'accueil et de peuplement, à partir d'une relation « métropole - territoires ruraux » reconsidérée, qui donnerait un sens concret au principe d'égalité des territoires auquel nous sommes tous attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Rassurez-vous, rassurez le Gers ! L'État n'abandonnera pas la politique de la ville dans le quartier d'Auch auquel vous portez une particulière attention, non plus que dans ma bonne ville d'Aurillac. Vous n'avez donc aucune raison d'être inquiet à ce sujet. Les dossiers prêts pour être financés le seront. Tout a été discuté avec l'ANRU.

Pour avoir signé un contrat dans le Gers, concernant les territoires ruraux, en présence de la métropole, je sais que vous êtes très allant dans ce domaine. On ne peut qu'encourager les métropoles, y compris les plus grandes, à pratiquer une politique du ruissellement en faveur des zones rurales. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Joël Labbé .  - Je suis un écologiste rattaché au RDSE. Tout arrive - mais je m'y trouve bien, Monsieur le Ministre (Sourires).

Dans son rapport sur le projet de loi Lamy en 2014, notre regretté collègue Claude Dilain déclarait : « la participation des habitants ne doit pas être vue comme un obstacle et une source de délais supplémentaires, mais comme une possibilité d'améliorer le projet comme d'éviter les risques de blocages ou d'insatisfactions ultérieurs ».

La participation des citoyens est inscrite dans la Constitution, dans l'article 7 de la Charte de l'environnement. Les conseils citoyens sont qualifiés d'instances balbutiantes dans le rapport. Comment les renforcer et les mettre en cohérence avec l'ensemble des systèmes de participation des habitants ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je suis heureux que vous soyez heureux dans notre nouveau groupe ! Il y a aujourd'hui 1 157 conseils citoyens. Un bilan doit être tiré de leur fonctionnement. Leurs représentants sont particulièrement engagés et volontaires. La formation me paraît essentielle.

Ce n'est pas évident d'y participer du jour au lendemain. Il faut un certain temps pour trouver un équilibre sur le terrain. Sur le territoire, les résultats sont diversifiés. Notre volonté est de renforcer leur animation, de prolonger la dynamique de formation et de favoriser leur mise en réseau. Nous avons intérêt, pour réussir, à ce qu'ils soient les plus actifs possible. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Joël Labbé.  - Merci. L'encadrement est nécessaire pour faire avancer cette démocratie culturelle. Mais les moyens manquent, comme le dit fort bien le titre du rapport.

M. Serge Babary .  - Le 6 octobre dernier, pour les quarante ans de la politique de la ville, le Gouvernement a annoncé qu'il ajoutait un milliard d'euros au PNRU, dans le cadre de l'engagement présidentiel de porter ce nouveau programme de cinq à dix milliards d'euros.

La baisse des APL a pour contrepartie une baisse des loyers sociaux qui impacte la capacité d'autofinancement des bailleurs sociaux - détenant 2,5 millions de logements - à hauteur de 822 millions d'euros en 2018. Comment pourront-ils investir pour réaliser les projets prévus dans le PNRU ? Quelles contreparties seront données aux bailleurs sociaux afin de limiter l'impact de ces mesures ? Comment les engagements du Gouvernement en matière de rénovation urbaine seront-ils tenus ?

M. Jacques Mézard, ministre. Sans refaire le débat sur l'article 52 du projet de loi de finances, nous recherchons la concertation avec les bailleurs sociaux ; je ne doute pas que nous arrivions à une solution. Nous arriverons à boucler le budget du PNRU. Il s'agit, je le rappelle, de 20 milliards d'euros sur 65 milliards par an, soit 130 milliards pour deux budgets. C'est l'intérêt de tous : bailleurs, collectivité, Gouvernement.

Quant aux contreparties, nous sommes en train de faire des propositions qui me permettront d'avoir un message rassurant.

M. Serge Babary.  - À Tours, il y a cinq quartiers concernés. La perte pour les six bailleurs sociaux est de 21 millions d'euros par an !

M. Frédéric Marchand .  - « Garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance » : c'est l'un des dix objectifs de la politique de la ville, selon l'Observatoire national de cette politique.

Élus locaux, nous savons que certains de nos quartiers sont, hélas, devenus des zones de non-droit, avec une véritable économie parallèle, qui entraîne des mineurs dans un engrenage infernal. Combien d'entre eux, à qui nous proposions des parcours de vie et d'insertion, nous ont répondu que les activités illicites sont bien plus lucratives ?

Le président de la République a annoncé, le 14 novembre, lors de son déplacement en métropole lilloise, un déploiement de forces de sécurité et la création d'une police de sécurité du quotidien, dès 2018, dans le cadre d'une stratégie faite de prévention mais aussi de répression. On s'y intéresse beaucoup dans le Nord et à Lille. Quels seront les contours de cette stratégie, les missions assignées, les moyens dédiés et quels seront les sites retenus ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Le président de la République a fléché la politique de sécurité sur des quartiers fragiles. L'expérimentation sera réalisée en 2018. Les sites seront connus en fin d'année. Je ne doute pas de votre capacité à faire savoir vos volontés au ministre de l'intérieur, qui est en charge.

Les délégués de cohésion police-population, des policiers retraités, jouent un rôle positif, comme les EPID.

M. Pascal Savoldelli .  - J'ai cherché le renouveau, et j'ai trouvé de vieilles recettes, qui étaient toutes dans la loi Lamy : ambition prioritaire, politique partenariale, expérimentation... Rien de nouveau, tout cela est bien connu. Les contrats Ville sont mort-nés. Les crédits n'y sont pas. C'est une politique nationale qu'il faut mener. L'État doit réparer, pas contractualiser avec les communes. Les habitants veulent la République, rien que la République, dit le président de la République. Nous le disons tous, mais la République fait défaut, financièrement. L'efficacité des zones franches n'a jamais été démontrée. Alors, permettez-nous de douter de celle des emplois francs...

Soyons concrets : allez-vous sanctuariser les moyens des quartiers de la politique de la ville ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Nous avons l'habitude de ce type de débats. J'aurais été étonné de vous entendre soutenir le Gouvernement...

M. Pascal Savoldelli.  - Nous jugerons au cas par cas.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Dès la rentrée, j'ai été voir les effets du dédoublement des 2 500 classes de CP en REP+ : ça, c'est du concret ! Comme les moyens pour la sécurité et la création de la police de sécurité du quotidien.

Les 20 000 emplois francs ne trouvent pas grâce à vos yeux parce qu'ils apportent des moyens aux entreprises ? Il y en a de très petites.

La République n'est pas parfaite, c'est vrai, mais les responsabilités sont partagées : certains acteurs locaux sont défaillants. Rassemblons-nous plutôt pour résoudre les problèmes.

Mme Valérie Létard .  - Je m'exprime ici au nom du groupe UC. Quatre milliards d'euros seront apportés par les autres acteurs du logement. En 2017, l'État mettait 150 millions d'euros en autorisations d'engagement, 15 millions en crédits de paiement. Cette année, ce sont 15 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Symboliquement, n'est-ce pas critiquable ?

Les contrats de ville s'appuient d'abord sur le droit commun. Que met-on dans le droit commun ? Quel sera le contenu de la mission confiée à Jean-Louis Borloo ? Comment se coordonneront les actions, en direction de quels publics ? Attention à la vente du patrimoine, on risque de perdre des moyens de promouvoir la mixité sociale.

M. Jacques Mézard, ministre.  - La signature du protocole ce matin avec Action Logement en témoigne, la vente de logements - qui ne concerne aujourd'hui qu'1,2 % du parc - est encouragée, dans un système vertueux qui permet de relancer la production de logements sociaux. La méfiance de certains bailleurs - pas tous - est étrange.

Dans un budget, ce qui compte, ce n'est pas la symbolique, c'est le concret. Nous tiendrons nos engagements.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Je tiens à vous faire part de mes interrogations sur la nouvelle géographie prioritaire dans le cadre du dispositif de veille active prévu par l'article 13 de la loi. Certains quartiers ont été inclus dans les contrats de ville, mais pas tous. D'autres quartiers ont été identifiés dans ces contrats de ville, pour qu'ils ne deviennent pas de futurs quartiers prioritaires. Il semble que lesdits quartiers n'aient plus les moyens de droit commun, sans pouvoir accéder aux moyens de la politique de la ville : c'est le double effet Kiss cool ! Du coup, leur situation peut se dégrader.

Les quartiers sortants de la politique de la ville devront faire l'objet d'un suivi très attentif des indicateurs sociaux.

Comment comptez-vous toutefois appliquer cette veille active dans la loi ? Selon quels critères ? Avec quelles aides ? Il importe d'éviter que la situation dans ces quartiers ne se dégrade à nouveau.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je connais la situation des quartiers « veille active » - il y en a un à Aurillac. Là-dessus, il n'y a pas de changement dans la politique du Gouvernement par rapport aux deux ou trois années précédentes. Il s'agit ici de collaboration entre collectivités territoriales et État. En cas de difficultés particulières, il faut saisir les services déconcentrés de l'État. Il n'y a pas de volonté de cesser d'avoir un oeil attentif sur ces quartiers ni de voir leur situation se dégrader, bien sûr !

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Vous disiez à M. Corbisez qu'il était impossible de revoir les critères - mais il relève de votre responsabilité d'augmenter les moyens.

Mme Fabienne Keller .  - Ma question porte sur le travail, l'emploi. Les emplois francs sont une belle idée. Ils assurent la présence de commerces, de vie, et l'exemplarité du travail. C'est le rôle des zones franches urbaines, efficaces si elles vont de pair avec la rénovation. J'en veux pour preuve le Neuhof.

La stabilité des dispositifs est essentielle. Il faut que les entreprises en zone franche embauchent un habitant des quartiers sur deux employés ; ne pourrait-on pas passer à un sur trois, pour qu'il y ait plus d'entreprises ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Tout le monde ne partage pas votre enthousiasme : certains parlent d'entreprises boîtes aux lettres dans les zones franches urbaines. Pour un coût d'exonérations fiscales - non neutre - de 234 millions d'euros, selon les estimations de Bercy, ce dispositif semble efficace et nous ne le remettons pas en cause. Quant à toucher aux critères, il nous faut créer les 20 000 emplois que nous avons prévus. L'enjeu est qu'ils soient durables.

Mme Fabienne Keller.  - Les emplois francs et les zones franches sont complémentaires.

M. Patrick Kanner .  - La rénovation urbaine et le renforcement de l'article 55 de la loi SRU sont les deux facettes d'une même exigence de solidarité et de renouvellement urbain.

Pour lutter contre les ghettos, il est en effet nécessaire d'avoir un rythme de construction de logements sociaux dynamique, partout dans notre pays - c'est le rôle de la loi SRU.

Il y a deux semaines, Thierry Repentin a remis au Gouvernement un avis sur l'application de la loi SRU. S'il encourage à continuer le travail engagé avec succès lors du précédent quinquennat, il émet aussi plusieurs recommandations. Sur les 523 communes qui n'ont pas respecté les obligations, les préfets proposent d'en carencer 36 % seulement - contre 56 % sur la période 2011-2013.

Monsieur le Ministre, quelles suites donnerez-vous à ce rapport ? Quels moyens souhaitez-vous donner aux préfets ? (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - La commission Repentin d'évaluation de la loi SRU fait des propositions. J'ai écrit à chacun des préfets de région pour leur demander un effort supplémentaire.

Les réponses vont bientôt arriver. Je n'entends pas revenir sur les dispositions de la loi SRU, que les préfets doivent appliquer. Il y a néanmoins des disparités entre les régions, mais il ne faut pas que cela crée des situations trop différentes.

Les constructions atténuent le montant des pénalités. Le système est vertueux mais certaines communes ne veulent pas jouer le jeu - elles en subiront les conséquences.

M. Patrick Kanner.  - Merci pour votre réponse, mais nous serons vigilants.

M. Jean-François Husson .  - Quelques jours après la remise du rapport Guillemot-Létard, le Gouvernement annulait 46 millions d'euros de crédits de paiement et 130 millions d'autorisations d'engagement sur la politique de la ville. En Meurthe-et-Moselle, l'État a réduit sa participation de 200 000 euros ; il finançait à parité avec la métropole du Grand Nancy 850 000 euros.

Cela pénalise les associations, qui sont les forces vives de la politique de la ville. Que comptez-vous faire pour permettre aux associations de poursuivre leur rôle majeur dans le cadre de cette politique ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Il y a eu en effet un « coup de rabot ». L'important est qu'il n'y en ait plus, comme nous nous y sommes engagés. Pour éviter que le budget ne soit déclaré à nouveau insincère, sans vouloir épiloguer - voyez la Cour des Comptes - il fallait agir. Nous avons veillé, dans notre ministère, à ce que l'annulation des crédits soit ciblée sur les lignes gérées au niveau central, à concurrence de 22 millions d'euros.

Vu les engagements de sanctuarisation que nous avons pris, les associations s'y retrouveront et pourront maintenir leur politique. Les 4 000 postes d'adultes-relais ont été maintenus et seront fléchés prioritairement vers ces quartiers. Nous avons cosigné un courrier avec la ministre du Travail à cette fin.

M. Jean-François Husson.  - Les QPV ont besoin d'un vrai coup de pouce. Réussir ne peut se faire sans l'adhésion et la participation des citoyens, mais le bénévolat ne remplace par la baisse des moyens !

Mme Brigitte Micouleau .  - Les habitants de deux immeubles du quartier des Izards à Toulouse ont découvert un curieux message dans leur boîte aux lettres, signé en apparence de la direction de Toulouse Métropole Habitat, pour les « prévenir » de ne pas collaborer avec la police pour « empêcher nos activités qui se passent dans le hall », faute de quoi, « vous en assumerez les conséquences » ! Il s'agissait bien entendu d'un message des dealers qui ont fait de ces deux immeubles le siège de leur fonds de commerce, infligeant un enfer aux habitants.

Nos rapporteures, Mmes Guillemot et Létard, préconisent un traitement global des questions de sécurité, proposant de mieux associer les gardiens d'immeuble et les dispositifs de médiation, par exemple. Reprenez-vous à votre compte leur recommandation, dans les cas les plus extrêmes, comme celui-là, d'un traitement global des difficultés ? Quels moyens humains, financiers, comptez-vous consacrer à la sécurité ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Nous sommes très vigilants. Dans beaucoup de quartiers, la sécurité est dégradée. Nous mettrons en oeuvre une police de sécurité du quotidien, en lien avec les collectivités. (Mme Mireille Jouve approuve.) Nous voulons lutter contre l'insécurité avec fermeté. La République s'est retirée de nombreux quartiers perdus. À nous de l'y ramener ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Marc-Philippe Daubresse .  - Valérie Létard vous a demandé si le Gouvernement tiendrait ses engagements sur le PNRU. Mais les maires réunis ce jour en congrès sont dubitatifs : le scepticisme l'emporte sur la confiance, après y avoir entendu le Premier ministre cet après-midi. Le président de la République a annoncé un doublement de l'enveloppe, de 5 milliards à 10 milliards, mais les deux tiers de l'effort reposent sur les HLM.

Pourquoi ne pas élaborer comme Jean-Louis Borloo, auquel vous avez confié à juste titre une mission, un plan de cohésion sociale et une loi de programmation pluriannuelle qui rétablirait la confiance ?

Vous supprimez les emplois aidés et créez les emplois francs. Soit, mais c'est la croissance économique qu'il nous faut pour créer de l'emploi et aller au bout de la politique de la ville. Notre plan de relance de l'économie a rapporté 5 milliards de plus qu'il n'a coûté. L'essentiel n'est-il pas de territorialiser les contrats de territoire de la politique de la ville ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Évitons la polémique, nous pouvons travailler ensemble de façon constructive et poursuivons tous le même objectif.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Je confirme.

M. Jacques Mézard, ministre.  - J'étais au congrès des maires, où le Premier ministre a été accueilli de manière républicaine et où ses annonces et explications ont levé certaines ambiguïtés. La confiance sera rétablie si chacun fait un pas. Les annonces du président de la République y contribuent. Non, les emplois aidés ne disparaîtront pas. C'est d'ailleurs un candidat dont je n'aurai pas la cruauté de prononcer le nom qui proposait de les supprimer...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Je n'ai pas été à sa réunion.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je sais. Ceux qui avaient été annoncés n'étaient pas tous financés ! Nous en conservons 200 000 et les fléchons vers les missions où ils seront utiles, dans les quartiers prioritaires, qui ont besoin de dispositifs d'accompagnement vers l'emploi.

J'ai confié une mission de réflexion à Jean-Louis Borloo, en toute confiance et avec plaisir. Je serai aussi à l'écoute de vos propositions, Monsieur Daubresse.

M. le président.  - Le débat, de qualité, est clos. Merci à chacun de s'être efforcé de respecter les temps de parole.

Prochaine séance, demain, mercredi 21 novembre 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 45.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus