Modalités de dépôt de candidature aux élections

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections (Demande du groupe SOCR).

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Votre haute Assemblée a souhaité mettre à l'ordre du jour cette proposition de loi, adoptée le 1er février dernier à l'Assemblée nationale et qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement.

Les candidats « malgré eux » sont des personnes qui figurent contre leur gré sur une liste, ayant signé le formulaire Cerfa de dépôt de candidature, qui leur a été présenté comme un parrainage ou une pétition. Ces manoeuvres concernent principalement des scrutins de liste ou des scrutins majoritaires uninominaux.

Les conséquences de ces manoeuvres frauduleuses sont lourdes : les candidats « malgré eux » ne peuvent retirer leur candidature si le délai est forclos, et la propagande électorale ne peut être rappelée.

Pour les autres candidats, cela constitue un préjudice si cela conduit à une annulation du scrutin. Déjà, des annulations ont été prononcées dans les années 1990. Ce sujet concernant le coeur de la démocratie, la confiance de nos concitoyens dans la sincérité de l'élection, il est bienvenu de le régler.

En 2014, une quarantaine de cas ont été repérés en Seine-Maritime, Calvados, Seine-Saint-Denis et Haute-Savoie par exemple. Même chose aux élections départementales et régionales de 2015. Le Conseil d'État a confirmé l'annulation de l'élection municipale de Vénissieux de 2014. Cela porte atteinte à la confiance des électeurs.

Jusqu'à présent, ce combat était mené a posteriori. Cette proposition de loi va plus loin en formalisant plus explicitement le consentement du candidat, en ajoutant une mention manuscrite, qui cite nommément la tête de liste ou le candidat du scrutin uninominal, et en prévoyant la transmission d'une copie de la pièce d'identité.

Ces deux nouvelles modalités introduisent-elles trop de complexité ? Je ne le crois pas, car la mention manuscrite est simple ; elle ne saurait suffire, car elle peut être apportée frauduleusement par la tête de liste. C'est pourquoi la copie de la pièce d'identité est indispensable pour attester qu'il n'y a pas fraude, puisque la pièce d'identité est la seule pièce personnelle qu'on ne peut produire à l'insu de son détenteur.

Le dispositif est simple et efficace ; le Gouvernement veillera à ce que les dispositions réglementaires le restent elles-aussi.

La commission des lois a étendu ce dispositif aux communes de moins de 1 000 habitants, à la métropole de Lyon, aux élections des Français de l'étranger, aux communautés ultramarines, de même qu'aux élections législatives, départementales et sénatoriales.

Fallait-il une loi pour garantir cela ? Cela a fait débat à la commission des lois. Je réponds oui : la gravité du sujet ne souffrirait pas l'absence d'un débat parlementaire. Le Gouvernement ne voulait pas en faire l'économie.

L'amendement de M. Jean-Pierre Grand prévoit d'ajouter deux noms sur les listes des élections aux communes de plus de 1 000 habitants.

Le Gouvernement n'ignore pas les difficultés rencontrées lorsque le maire démissionne et que le conseil municipal est incomplet. Cependant, l'ajout de deux candidats poserait des problèmes aux petites communes pour atteindre des listes complètes, sachant que nous connaissons une crise des vocations. Le Gouvernement défendra un amendement visant à rendre ces dispositions optionnelles.

Les nuances politiques sont utilisées par l'administration depuis la IIIe République. Dans la mesure où elles ne sont pas communiquées aux électeurs, elles n'altèrent pas la sincérité du scrutin, comme en témoigne la jurisprudence du Conseil d'État en 2003 et 2015.

La CNIL est allée dans le même sens dans sa décision du 19 décembre 2013, où elle a distingué nettement la nuance, de l'étiquette politique.

Tout candidat peut demander à l'administration communication - voire rectification - de la nuance qui lui a été attribuée. Cela suffit. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Didier Marie applaudit aussi.)

M. Didier Marie, rapporteur de la commission des lois .  - Entre 2014 et 2017, un million de nos concitoyens ont été candidats aux élections en déposant leur candidature en préfecture, selon les modalités prévues par les lois de 1988 à 2013 : c'est dire la vitalité de notre démocratie - et tous ces candidats ont suivi les règles de procédure qui ont été renforcées ces dernières décennies.

Cependant, des partis politiques souvent situés aux extrémités ont profité de l'inattention ou de la faiblesse de certains citoyens pour les inscrire. En Seine-Maritime, il y en a eu une trentaine : 22 au Grand-Quevilly, 6 dans ma bonne ville d'Elbeuf, 1 à Lillebonne, mais aussi 8 à Giberville dans le Calvados, 3 à Barfleur, 1 à Annemasse (Haute-Savoie), 1 à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) et 1 à Puteaux (Hauts-de-Seine). En 2015, un binôme a même recueilli 14,3 % des voix au premier tour sans faire campagne.

Il est difficile de recenser avec précision le nombre de « candidats malgré eux » signalés. Toutefois, ces manoeuvres frauduleuses portent une atteinte grave à la sincérité des scrutins : à défaut de pouvoir retirer leur candidature avant l'élection, les personnes abusées ont pour seule solution de saisir le tribunal administratif. Ces manoeuvres sont donc lourdes de conséquences pour le bon fonctionnement de la démocratie : elles dupent les électeurs, ruinent la confiance qu'ils peuvent avoir dans les institutions et pénalisent l'ensemble des listes. Elles engendrent également des dépenses publiques nouvelles lorsqu'elles provoquent la convocation d'élections partielles.

L'inscription de « candidats malgré eux » présente, enfin, des conséquences non négligeables sur les citoyens dupés comme cette personne âgée de Giberville, qui a toute sa vie voté communiste, le proclame haut et fort, et s'est retrouvée sur la liste du Front national. Le préjudice psychologique est terrible...

À Orléans, une nonagénaire atteinte d'Alzheimer a été inscrite sur une liste Bleu marine.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Hélas !

M. Didier Marie, rapporteur.  - Et je ne dis rien de Vénissieux.

Ces personnes ne peuvent retirer leur candidature que si la moitié de la liste y consent et dans les délais prévus. Les « bourrages de liste » pour reprendre l'expression d'une députée prennent une ampleur inégalée.

Cette proposition de loi renforce les dispositifs mis en oeuvre pour vérifier le consentement des candidats par le biais d'une mention manuscrite et de la transmission d'un justificatif d'identité.

La commission souscrit pleinement aux objectifs de ce texte qui semble faire consensus.

Le caractère éventuellement réglementaire n'a été relevé ni par l'Assemblée nationale, ni par le Gouvernement.

La déclaration de candidature est au coeur de l'exercice des droits civiques et le législateur s'est souvent penché dessus.

Guy Geoffroy l'a bien dit : « Cela vaut la peine (d'être) astreint à respecter un peu plus de formalisme et à écrire un peu plus à la main tous les cinq ou six ans pour pouvoir s'engager dans le débat démocratique et devenir un élu de la République (...) car l'objectif est de lutter contre tous les types de détournement, toutes les fraudes ».

La commission a étendu les dispositions de la proposition de loi à toutes les élections, en y incluant les communes de moins de 1 000 habitants, la métropole de Lyon, la représentation des Français de l'étranger et certaines élections outre-mer. Je ne doute pas de son adoption à une large majorité par notre assemblée. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

Mme Josiane Costes .  - Pour nous, tous élus de la République, l'existence de candidats « malgré eux » est révoltante. Cette pratique altère le contrat social, elle dénote un mépris envers nos institutions démocratiques et elle est une injure au visage de tous les élus en laissant croire que leur engagement est le fait du hasard ou d'une circonstance. Elle est heureusement exceptionnelle. Nous ne sommes pas démunis. La proposition de loi renforce le contrôle a priori. Les améliorations de notre rapporteur comblent les lacunes du texte d'origine.

M. Grand relève des problèmes réels, notamment l'étiquetage politique par les préfectures.

Les faits divers témoignent au moins de deux lacunes de notre système actuel. D'abord, l'insuffisante responsabilisation des têtes de liste. Nous souhaiterons l'accentuer en prévoyant que, pour chaque scrutin de liste, la tête de liste soit responsable du dépôt de candidatures de l'ensemble des membres de la liste et d'un premier contrôle des conditions d'éligibilité. Cela suppose de limiter leur capacité à déléguer, et qu'ils soient seuls à porter la responsabilité juridique.

Le cas des candidats malgré eux très âgés pose, ensuite, le problème des personnes vulnérables. À l'heure actuelle, rien ne permet aux services de l'État en charge du contrôle d'éligibilité des candidats de vérifier s'ils ne font pas l'objet de mesures de tutelle ou de curatelle. Cela laisse planer le doute sur leurs capacités à mesurer vraiment l'éligibilité des candidats. La rectification d'un scrutin par un juge contribue à la fragilité de nos institutions démocratiques en nourrissant les discours populistes.

Ce texte est le premier jalon utile d'un vaste débat sur la révision de nos institutions électorales. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Christophe Priou .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Comparaison ne vaut pas raison mais puisque nous nous apprêtons à approuver ce texte qui a fait l'unanimité à l'Assemblée nationale, nous aurions aimé que le texte sur l'eau et l'assainissement connaisse le même traitement au Palais-Bourbon... (Sourires)

L'honnêteté, la sincérité sont un préalable à l'accession publique. Des mesures renforçant la transparence ont été prises ces dernières années, en particulier depuis la mise en place de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ce texte ne règle pas tout. On pourrait être tenté de rendre obligatoire la résidence des candidats sur le lieu de leur élection. Trop de candidats sont dénués de tout lien avec les populations qu'ils sont censés représenter, je l'ai constaté en Pays de la Loire en 2017.

Le consentement clair et précis des candidats évitera l'empoisonnement des scrutins. Je salue les maires pour leur service rendu à la Nation. La suspicion gagne du terrain, ce qui est inacceptable. Le consentement est une condition irréductible, et bien le minimum. Une étude de l'Insee montre que l'abstention a atteint des records en 2017, 21 % des inscrits ne votant plus qu'à l'élection présidentielle, contre 9 % dans la séquence de 2012. Ce phénomène inquiétant fragilise les élus en réduisant leur socle électoral. Le groupe Les Républicains est favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC).

MM. Daniel Gremillet et François Grosdidier.  - Très bien !

M. Arnaud de Belenet .  - Le travail du rapporteur, après l'unanimité à l'Assemblée nationale, a fédéré l'ADF et l'ARF autour d'un texte qui recueille un très large consensus. Le groupe LaREM adhère aux huit amendements de la commission des lois et à celui du Gouvernement.

Si l'étiquette de la nuance politique n'est pas portée à la connaissance du grand public, elle peut marquer un candidat élu. Il manque toutefois la case « absence d'étiquette », par exemple pour un élu rural qui veut protéger son emploi et sa famille. Ainsi cela ne freinerait pas sa vocation. Le groupe LaREM adhérera à la dynamique unanime. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mmes Nadia Sollogoub et Marie Mercier applaudissent aussi.)

Mme Éliane Assassi .  - Être élu sans avoir fait acte de candidature, c'est ainsi que sont élus les papes...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Il y a des précédents.

Mme Éliane Assassi.  - Mais les cas cités ne bénéficient pas des mêmes recours spirituels. La manoeuvre en 2014 a surtout été utilisée par un parti dont les sénateurs ne sont pas très présents.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Ni très nombreux.

Mme Éliane Assassi.  - Le temps parlementaire est précieux, il est regrettable de devoir légiférer là-dessus. Pourtant c'est nécessaire. Deux formalités sont ajoutées : justificatif d'identité et mention manuscrite, outre la signature. Ces modalités de recueil du consentement volontaire et éclairé sont pertinentes. Le groupe CRCE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; MM. Philippe Bas, président de la commission, Didier Marie, rapporteur et Mme Marie Mercier applaudissent.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Cette proposition de loi relève du bon sens. Les « malgré eux » ont été plus nombreux en 2014 et 2015. L'exigence d'un justificatif d'identité et d'une mention manuscrite est proportionnée et n'alourdit pas la procédure. Non, ce n'est pas une loi de circonstance : le nombre et la répartition des cas détaillés par le rapporteur en témoignent. La question du domaine législatif ou réglementaire ne paraissait plus délicate. Mais votre analyse, Madame la Ministre, m'a convaincu.

La liberté de candidature est préservée.

Le groupe centriste votera favorablement à cette proposition de loi.

Ce débat pose deux questions complémentaires. D'abord, celle des conseils municipaux non complets dans les petites communes. En 2014-2020, le nombre de démissions semble particulièrement important. Dans le Tarn, j'ai été étonné par le nombre de dissolutions de conseils municipaux parce qu'ils étaient incomplets. Il me semble donc utile, comme le propose l'amendement de Jean-Pierre Grand, d'ajouter deux noms de candidats aux listes pour les communes de plus de 1 000 habitants. Cependant pour ne pas compliquer la constitution des listes, il faudra, probablement, suivre l'amendement du Gouvernement qui fait de cet ajout de deux noms une faculté, plutôt qu'une obligation.

Second sujet, l'obligation du rattachement politique. Même si cette mention est une donnée interne et non publiée, elle porte atteinte à une forme de liberté qu'il ne faut pas sous-estimer. Une case « sans étiquette » devrait être rouverte par voie réglementaire par le Gouvernement. Ce serait plus humain et plus correct envers les candidats et toutes les bonnes volontés qui font vivre notre démocratie. (Mme Nadia Sollogoub, MM. Joël Guerriau, Didier Marie, rapporteur, Philippe Bas, président de la commission applaudissent.)

M. Alain Marc .  - Certains partis politiques profitent de la faiblesse ou de l'inattention de candidats devenus « malgré eux ». Les responsables de liste usent parfois de subterfuges. Ce fut le cas en 2014 et 2015, sous prétexte de pétition ou de recours devant le Conseil d'État. Ces manoeuvres dupent les électeurs et ruinent leur confiance dans notre démocratie.

Des candidats « malgré eux » subissent un préjudice non négligeable, surtout quand ils ne partagent pas les idées du parti en question. Je partage le point de vue de MM. de Belenet et Bonnecarrère sur la case « sans étiquette ».

L'annulation a posteriori n'efface pas le préjudice et elle est dommageable à tous.

La proposition de loi propose des nouvelles formalités que certains regretteront. Mais si c'est pour éviter les fraudes, est-ce si grave ? (Mme Nadia Sollogoub, MM. Joël Guerriau, Arnaud de Belenet, Didier Marie, rapporteur, Philippe Bas, président de la commission applaudissent.)

Mme Corinne Féret .  - Un dépôt de candidature à une élection n'est pas anodin. Il doit être éclairé et volontaire. Cette proposition de loi répond aux manipulations frauduleuses recensées en 2014 et 2015. Le cas de Giberville, dans le Calvados, est emblématique. Huit personnes ont ainsi été dupées par un candidat du FN qui ne parvenait pas à constituer sa liste. Lorsqu'elles se sont rendu compte de la manoeuvre, il était trop tard. Il ne leur restait qu'à saisir la justice. Le tribunal administratif de Caen a annulé l'élection des deux conseillers municipaux fautifs, leurs sièges sont restés vacants, mais le mal était fait et les conséquences sont lourdes. Cela peut engendrer des dépenses publiques. Les fondements de la démocratie en sont fragilisés.

Le traumatisme est particulièrement fort, en particulier dans les petites communes. La proposition de loi est simple et efficace : mention manuscrite de chaque candidat citant nommément la tête de liste et justificatif d'identité. On s'assure aussi de la volonté personnelle et éclairée de chaque candidat.

Je remercie le rapporteur et l'ensemble de la commission des lois pour leur travail sur cette proposition de loi, qu'ils ont améliorée. Elle est à présent complète, simple et claire, contre les partis malveillants, qui masquent ainsi leur incapacité à pourvoir des sièges.

Le groupe SOCR votera naturellement cette proposition de loi, comme tous ceux qui sont attachés à la sincérité des scrutins. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, LaREM et UC)

M. Bruno Sido .  - Je comprends et partage l'objectif de cette proposition de loi. Parfois, les candidats malgré eux découvrent leur nom sur les documents de propagande, voire les affiches, d'un parti dont ils ne partagent pas les idées. Imaginez leur stupeur ! J'ai toutefois été surpris par les solutions préconisées.

Pourquoi ne pas punir plus sévèrement les auteurs - deux dizaines de cas sont à traiter - plutôt que de renforcer le contrôle a priori pour, potentiellement, 67 millions de Français ? Si ces obligations nouvelles peuvent s'entendre pour les parlementaires, elles décourageront les candidatures dans les communes de moins de 1 000 habitants. Mme la Ministre, nous représentons tous les territoires, pas seulement les métropoles. Dans les petites communes, majoritaires dans mon département de la Haute-Marne, c'est un défi de constituer un conseil municipal. Il faut aller chercher des volontaires et les convaincre. L'obligation de déposer les candidatures constitue déjà un obstacle, si l'on en rajoute, autant dire aux communes à taille humaine que le Sénat leur refuse le droit d'exister.

Quelle hypocrisie de s'étonner que les conseils municipaux se vident si l'on ajoute, année après année, des contraintes supplémentaires ! En Haute-Marne, 27 conseils municipaux ont élu leur maire sans être au complet. Ce sujet est tabou. Je tiens ce chiffre, non de la préfecture qui a refusé de me le donner, mais de la presse. Il suffira au préfet de refuser que les conseils municipaux élisent les maires sans être au complet pour décider une fusion d'office. C'est arrivé en Haute-Marne ! Il faut encourager l'engagement en allégeant au maximum les contraintes et nous faisons l'inverse ! À titre personnel, je voterai contre ce texte et je déposerai une proposition de loi supprimant l'obligation de dépôt des candidatures dans les communes de moins de 1 000 habitants.

M. Cyril Pellevat .  - Cette proposition de loi consensuelle sied parfaitement à la chambre haute. Pour avoir été élus conseillers municipaux, départementaux ou régionaux, nous connaissons bien le fonctionnement des élections locales. Nous sommes élus au Sénat par les territoires, que nous représentons.

Lors du dévoilement des listes du FN aux élections municipales de mars 2014, certains se sont découverts candidats malgré eux. Plus incongru, une femme décédée a été déclarée candidate. Il y a eu un cas dans mon département de la Haute-Savoie. À l'occasion des élections départementales de mars 2015, un binôme de candidats a été investi contre son gré dans le Puy-de-Dôme ; il a recueilli 14,34 % des voix au premier tour sans faire campagne.

Une série de litiges s'est ensuivie. Certaines élections furent annulées par les juridictions administratives au nom de la sincérité du scrutin.

Ces pratiques, qui ne sont sans doute pas l'apanage du Front national, sont néfastes pour la démocratie. Elles amplifient la crise de confiance des citoyens envers les élus. Ce texte évitera les cafouillages. Les partis ne doivent pas profiter de l'inattention, voire abuser de la faiblesse de certains citoyens, pour les inscrire, à leur insu, sur une liste.

Notre commission des lois est parvenue à un texte complet en ajoutant la transmission d'une copie du justificatif d'identité des candidats et suppléants aux élections législatives, départementales et sénatoriales. Je souligne l'extension du périmètre de la proposition de loi aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants, à l'élection des conseillers de la métropole de Lyon, à celle des instances représentatives des Français établis hors de France et à l'ensemble des élections des collectivités ultramarines.

Rendre facultatif l'ajout de deux noms sur les listes, comme le propose le Gouvernement par un amendement, est bienvenu. Les hypothèses d'épuisement des listes seront réduites et s'ensuivront moins d'élections partielles.

Je voterai ce texte, utile à la santé de notre démocratie, en rappelant l'urgence de développer davantage la culture de la participation, que je connais bien, pour être d'un département frontalier avec la Suisse. Consultations numériques, panels de citoyens, rétablissement du droit de pétition auprès des assemblées, assouplissement du référendum local, notre mission sur la démocratie représentative, participative et paritaire a présenté des pistes pour redonner confiance en notre démocratie. (Applaudissements de M. Jean-Paul Émorine, Mme Nadia Sollogoub et de M. Didier Marie, rapporteur)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Ce sont, non des étiquettes mais des nuances. Il existe déjà, aux côtés de « divers gauche » et « divers droite », la nuance « divers » ; ce peut-être une solution.

M. Jacques Bigot.  - On pourrait ajouter « divers en même temps ».

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le ministère de l'intérieur actualise la grille des nuances avant chaque scrutin. Toutes les informations sur les demandes de communication et de rectification figurent dans le mémento remis aux candidats.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier A

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Arnell, A. Bertrand, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Avant l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 444 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont opposables aux services administratifs chargés du contrôle de l'éligibilité des candidatures aux élections sans délai après leur notification, dans des conditions prévues par décret. »

Mme Josiane Costes.  - Avec cet amendement, les services de l'État pourront s'assurer que les candidats ne sont pas inéligibles parce que placés sous tutelle ou sous curatelle. On me répondra que cela représente une charge lourde, elle est moindre que celle qui consiste à invalider une élection.

M. Didier Marie, rapporteur.  - Intention louable mais qui pose des difficultés pratiques. Quelque 700 000 personnes sont concernées. Avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable. Ce serait disproportionné et censuré par le juge parce qu'attentatoire à la vie privée. Le juge des tutelles a le choix de priver une personne du droit de vote. Si tel est le cas, la personne ne peut se porter candidate. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°19 rectifié est retiré.

ARTICLE PREMIER A

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Grand, Daubresse, Paccaud, Bonhomme et Le Gleut, Mme Bories et MM. Frassa et Lefèvre.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) À la deuxième phrase, le mot : « ; celui-ci » est remplacé par les mots « dans des conditions fixées par décret. Ce remplaçant ».

M. Jean-Pierre Grand.  - Je propose de réécrire une grande partie de ce texte, non parce que je le mets en cause, mais dans l'objectif de mieux légiférer. Adoptée à la fin de la législature précédente, cette proposition de loi aurait dû se voir opposer une irrecevabilité aux termes de l'article 41. De tels détails (M. Jean-Pierre Grand lit le texte de l'article premier) doivent-ils vraiment figurer dans la loi ? Faisons confiance à l'exécutif qui pourra prendre un décret, voire une simple circulaire.

M. Didier Marie, rapporteur.  - M. Grand est un fin connaisseur du droit électoral mais je ne partage pas cette position : le domaine législatif encadre déjà le dépôt des candidatures. La nature du sujet justifie la mobilisation de la loi. Du reste, ni le Gouvernement ni les députés n'ont soulevé ce point. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis : ce qui touche à la sincérité du scrutin relève de la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution. Le pouvoir réglementaire fixera les modalités d'application du texte. Entre autres, la mention manuscrite vaudra-t-elle pour une élection ? Pour toutes ?

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

L'article premier A est adopté.

ARTICLE PREMIER

L'amendement n°4 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Arnell, A. Bertrand, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Les deux premières phrases du deuxième alinéa sont ainsi rédigées : « Elle est faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de liste ayant la qualité de responsable de liste. À cet effet, chaque candidat établit un mandat signé de lui, confiant au responsable de liste le soin de faire  toutes déclarations et démarches utiles à l'enregistrement de la liste, pour le premier et le second tours. » ;

Mme Josiane Costes.  - Les membres du RDSE veulent renforcer le contrôle interne en donnant à la tête de liste la responsabilité du dépôt des candidatures. Cela découragerait l'utilisation de mandataires ayant vocation à servir de fusibles. L'idée n'est pas de noyer la tête de liste sous la paperasse mais de la responsabiliser.

M. Didier Marie, rapporteur.  - Si l'on comprend la logique de responsabilisation, nous nous éloignons du sujet. La suppression du mandataire apporterait une rigidité malvenue. Le recours à des mandataires est encadré pour les élections régionales et, en pratique, pour toutes les élections de liste. Retrait, sinon rejet.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°12 rectifié est retiré.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Grand, Daubresse, Paccaud, Bonhomme, Dufaut et Le Gleut, Mme Bories et MM. Frassa, Gremillet et Lefèvre.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 260 du code électoral, les mots : « autant de candidats que de sièges à pourvoir » sont remplacés par les mots : « un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir augmenté de deux candidats supplémentaires ».

M. Jean-Pierre Grand.  - Lors des dernières élections de mars 2014, un scrutin de liste à la proportionnelle s'est tenu pour la première fois dans les communes entre 1 000 et 3 500 habitants. Pour un tiers d'entre elles, n'existait qu'une liste de candidats, principalement dans les petites communes rurales.

Or le code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil municipal soit complet pour élire le maire. Ainsi, si un maire d'une commune, élu en 2014 sur une liste unique, démissionne de sa fonction et de son mandat, une nouvelle élection intégrale est nécessaire. D'où cette proposition de deux candidats supplémentaires, que le Sénat avait adoptée en mars 2016, et que notre collègue Patrick Chaize a reprise dans une proposition de loi il y a moins d'un mois.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 260 du code électoral, les mots : « autant de candidats que de sièges à pourvoir » sont remplacés par les mots : « au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir, et au plus deux candidats supplémentaires ».

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement est favorable à la possibilité d'avoir deux noms supplémentaires. En revanche, pour ne pas aggraver la situation dans les petites communes - oui, Monsieur Sido - où il est parfois difficile de trouver des candidats, le Gouvernement propose de rendre le dispositif facultatif.

M. Jean-Pierre Grand.  - Je retire mon amendement : vous y ajoutez une précision de bon sens.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. Didier Marie, rapporteur.  - Merci à M. Grand d'avoir introduit ce débat. L'amendement du Gouvernement règle les difficultés que nous avions identifiées. Avis favorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je soutiens cet amendement, qui répond à des situations réelles. Mon collègue Jean-Noël Cardoux avait d'ailleurs fait la même proposition. Personne n'a compris, dans le Loiret, qu'il faille organiser une élection après le décès d'un maire alors qu'il existait une seule liste.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Cet amendement a mon approbation. J'en profite pour souligner, puisque le sujet avait fait l'objet de propositions de loi sénatoriales, que M. Jean-Claude Carle avait déposé un texte sur les nuances. Adopté par le Sénat le 17 juin 2014, il n'a pas non plus été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Bruno Sido.  - Si cette proposition de loi ne concernait que les communes de plus de 1 000 habitants, je la voterai sans hésitation.

Dans les petites communes, il peut y avoir quinze noms pour sept places depuis belle lurette. On raye des noms et c'est tout ! Le texte parle de tête de liste... Dans les petites communes, les noms sont présentés selon l'ordre alphabétique. Mon nom a toujours été en dernier, cela ne m'empêche pas d'être élu depuis quarante ans.

Avec ce texte, vous embêterez les communes de moins de 1 000 habitants, les plus nombreuses en France. Il y a une crise des vocations. Dans une commune voisine de la mienne, la préfète convoque une élection tous les trois mois parce qu'il n'y a pas de candidat ! Cela ne concerne pas que la Haute-Marne ! Soit, on peut autoriser, par dérogation, l'élection du maire sans un conseil municipal au complet mais que ferez-vous si le phénomène s'amplifie ?

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Ce problème est bien réel. Cette proposition de loi porte sur un épiphénomène qui n'est que l'accessoire d'un problème beaucoup plus grave. Pas moins de 30,78 % des communes de plus de 1 000 habitants ne comptaient qu'une liste. C'est dire l'échec de l'extension du mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants à celles ayant une population comprise entre 1 000 et 3 500 habitants. C'est un véritable recul de la démocratie que de ne pouvoir choisir puisque la liste est bloquée. Aucun dialogue démocratique puisqu'il n'y a qu'une liste. La commission des lois vient de lancer un groupe de suivi des réformes territoriales. Elle se penchera sur la démocratie municipale qui n'est plus quand l'électeur n'a que le choix de prendre la liste ou de la laisser. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme.  - Merci à M. Grand d'avoir soulevé ce problème qui détourne insidieusement les électeurs des élections municipales. Nous aurions gagné beaucoup de temps si le Sénat, avec la proposition de MM. Cardoux, Chaize, Grand, avait été entendu plus tôt. Écoutons les élus et donnons-leur la stabilité dont ils ont besoin.

M. Christophe Priou.  - Cet après-midi, la ministre évoquait le retour de l'État dans les territoires grâce aux préfets. Que ceux-ci ne mettent pas la pression sur les élus et qu'ils fassent attention aux étiquettes qu'ils accolent à certains.

L'amendement n°21 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Grand, Daubresse, Paccaud, Bonhomme et Le Gleut, Mme Bories et MM. Frassa, Gremillet et Lefèvre.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 2° de l'article L. 265 du code électoral, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° L'étiquette politique de la liste lorsqu'elle a été déclarée par le responsable de la liste.

« Les nuances politiques attribuées aux listes par l'administration sont publiées ou communiquées dans des conditions fixées par décret. »

M. Jean-Pierre Grand.  - Lors des élections de mars 2014, le ministère de l'intérieur a attribué pour la première fois une nuance politique aux listes de candidats dans les communes entre 1 000 et 3 500 habitants. Cette politisation du scrutin a posé problème notamment dans les petites communes rurales. Depuis la proposition de loi de Jean-Claude Carle, que le Sénat a adoptée en 2014, les choses ont évolué. Un décret de 2014 prévoit qu'au moment du dépôt de candidature, chaque candidat est informé de la grille des nuances politiques et du fait qu'il peut avoir accès au classement qui lui est affecté et en demander la rectification. Il convient d'encadrer la publication et la communication de ces nuances par voie réglementaire. Une tête de liste peut être gaulliste ou communiste et ne pas vouloir se présenter sous cette étiquette, parce que dans les petites communes, ce qui compte c'est que la liste soit du village.

M. Didier Marie, rapporteur.  - La question a été largement débattue en commission. Vous l'avez rappelé, les choses ont évolué depuis la proposition de loi de M. Carle. Retrait ou avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable. Il ne faut pas confondre étiquette et nuance. Vous pouvez utiliser la case « divers ».

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

ARTICLE 2

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 2 BIS A

L'amendement n°13 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°10 rectifié.

L'article 2 bis A est adopté.

ARTICLE 2 BIS

L'amendement n°6 rectifié est retiré.

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLE 3

L'amendement n°14 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°7 rectifié.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

L'amendement n°15 rectifié est retiré, de même que les amendements nos16 rectifié et 8 rectifié.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 4 BIS

L'amendement n°17 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°11 rectifié.

L'article 4 bis est adopté.

ARTICLE 5

L'amendement n°18 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°9 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° La deuxième phrase de l'article L. 431 est ainsi rédigée :

« Chaque liste doit comprendre au moins autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir, et au plus deux noms de candidats supplémentaires. » ;

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Coordination pour la Nouvelle-Calédonie.

L'amendement n°22 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance demain, jeudi 23 novembre 2017, à 11 heures.

La séance est levée à 23 h 55.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus