Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.

Seconde partie (Suite)

Pouvoirs publics, Conseil et contrôle de l'État et Direction de l'action du Gouvernement

Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je remplace Albéric de Montgolfier qui est retenu pour une réunion relative à la Conférence nationale des territoires.

Les pouvoirs publics participent pleinement à l'effort de maîtrise des dépenses publiques de 991,7 millions d'euros en stabilité quasi parfaite par rapport à 2017, avec une progression de 0,08 %. Cette stabilité recouvre une stabilité de la dotation de l'État aux assemblées parlementaires et à la Cour de justice de la République (CJR), une progression de celle attribuée à la présidence de la République et une diminution des crédits du Conseil constitutionnel.

La présidence de la République passe de 100 à 103 millions d'euros ; les charges de personnel croissent, en raison du renforcement des effectifs de sécurité, qui représentent le tiers du personnel total...

La dotation aux deux assemblées reste inchangée, en euros courants, depuis la loi de finances 2012, à 841,5 millions. La baisse des charges est partiellement absorbée par la maîtrise des dépenses ; l'Assemblée nationale réduira ainsi les siennes de 34,7 millions en 2018 ; soit une baisse de 5,90 % ; un prélèvement de 28,5 millions sur ses disponibilités financières, contre 62,8 millions l'an passé, permet à l'Assemblée nationale d'équilibrer son budget. Celui du Sénat reste à 323,58 millions.

La dotation de l'État au Sénat demeure au même niveau depuis 2012, illustrant la poursuite des efforts depuis 2008. Ses dépenses baisseraient de 12 millions d'euros, soit 3,29 %, et la Haute Assemblée prélève 22,2 millions d'euros sur ses disponibilités pour équilibrer son budget. La chaîne de télévision LCP-Assemblée nationale bénéficie de 16,64 millions d'euros, chiffre stable, et la dotation de Public Sénat baisse de 1,1 %, à 18,05 millions.

La dotation du Conseil constitutionnel baisse de 1,98 million d'euros ; l'institution avait dû dépenser plus en 2017 à cause de l'élection présidentielle. Alors que la réforme de 2008, introduisant la question prioritaire de constitutionnalité, a augmenté l'activité de la juridiction, le budget du Conseil constitutionnel pour l'an prochain reste inférieur de 6 % à ce qu'il était en 2009.

La Cour de justice de la République disposera de 861 500 euros, le même montant depuis 2015.

La commission des finances vous demande l'adoption sans modification des crédits de la mission. (Applaudissements sur plusieurs bancs)

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La mission « Conseil et contrôle de l'État » se compose de quatre programmes : le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Les crédits de la mission s'élèvent à 665 millions ; ils se composent principalement du budget du Conseil d'État et autres juridictions administratives, qui portent l'essentiel de la baisse.

Dans ce programme, parmi les 54 emplois créés, 51 sont alloués à la Commission nationale du droit d'asile (CNDA), qui doit faire face à une augmentation continue du contentieux de l'asile. Les trois autres iront à la Commission nationale du stationnement payant, qui verra jour en janvier prochain.

Les contentieux de masse, notamment dans le cadre du DALO et du droit des étrangers, demeurent importants. Je suis circonspect sur le contentieux du DALO au regard du peu d'effet qu'ont les procédures. Les juridictions administratives doivent veiller à assurer des délais raisonnables de jugement, ce qui devrait être le cas en 2018.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) disposera de 40 millions d'euros. Il cherche à réaffirmer son rôle consultatif ; en lien avec la Cour des comptes et le Défenseur des droits. Le projet de modernisation engagé devrait continuer avec les annonces du président de la République au Congrès : quel en est le calendrier ?

Les crédits de la Cour des comptes atteignent 218 millions d'euros. Ce programme ne peut-il pas accueillir le Haut Conseil des finances publiques ? Il faudrait une loi organique pour modifier ce programme : l'envisagez-vous ?

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Bernard Delcros, en remplacement de M. Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Le budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » est stable, à 1,5 milliard d'euros.

Des mesures de périmètre, pour 14 millions d'euros, correspondent notamment à la mutualisation à laquelle participe le Commissariat général à l'égalité du territoire dans le cadre de l'installation de quinze services dépendant du Premier ministre sur le site de Fontenoy-Ségur avec des Autorités administratives indépendantes (AAI). Ce projet, au coût total de 370 millions d'euros, concerne les locaux de l'ancien ministère de la mer et une partie de l'ancien ministère de la santé. Le Défenseur des droits et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'y sont installés l'année dernière - réalisant ainsi une économie d'un million d'euros par an en loyers - et c'est aujourd'hui le tour de différents services dépendant du Premier ministre.

À périmètre courant, les dépenses d'intervention croissent de 7 millions d'euros, car 4 millions d'euros sont prévus pour l'indemnisation des victimes des essais nucléaires et 2,7 millions pour la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT.

Quelque 18 créations d'emplois sont prévues, pour moitié pour le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

L'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information (Anssi) bénéficiera aussi de moyens supplémentaires comme le Groupement interministériel de contrôle (GIC).

Les crédits des opérateurs sont maîtrisés, à 100 millions d'euros, dont 40 % pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Deux AAI parmi les onze ouvertes par le programme 308 voient leurs moyens augmenter : la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et la Commission du secret de la défense nationale.

Le regroupement sur le site Fontenoy-Ségur a pour objectif des mutualisations - sécurité, moyens techniques comme la téléphonie - qui devraient permettre de réaliser des économies en dépenses de fonctionnement à hauteur de 7 millions d'euros par an d'ici 2022. Des cessions d'immobilier permettront de rapporter 159 millions d'euros.

Enfin, s'agissant du programme « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », les systèmes d'information de l'État sont gérés par les services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (Sidsic), qui regroupe 1 200 agents responsables des parcs informatiques sur le territoire. Mais le fait que les personnels aient des statuts différents et soient encore rattachés à différents ministères pose des problèmes de fonctionnement. Il serait beaucoup plus efficient de les doter d'un statut unique et qu'ils soient véritablement rattachés aux services du Premier ministre.

La Direction de l'information légale et administrative (DILA), qui disposera de 180 millions d'euros, fait des efforts bienvenus de gestion, avec une numérisation qui permet une réduction des moyens humains.

M. Canevet propose l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et UC)

M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le programme 129 progresse de 1,2 % en autorisations d'engagement et 3 % en crédits de paiement. Il faut s'en réjouir. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits du programme.

L'Anssi concentre 60 % des effectifs du programme et un tiers des crédits de l'action 2, mais ses crédits ne sont pas présentés de manière distincte. La commission souhaiterait qu'elle soit considérée comme une unité opérationnelle, cela permettrait de mieux identifier les moyens de la cybersécurité : qu'en pensez-vous ?

Deuxième observation. Alors que la cybermenace n'a jamais été aussi forte, pourquoi attendre 2022 pour atteindre les moyens que l'agence considère comme nécessaires ? Ses problèmes de recrutement semblent derrière elle, mais restons vigilants dans ce domaine, le vivier est limité et la concurrence vive. Un développement actif de filières de formation initiale avec l'implication du ministère de la recherche serait souhaitable. Que compte faire le Premier ministre dans ce sens ?

Trois ans après la circulaire définissant la politique de sécurité intérieure de l'État, celui-ci tarde à les mettre en conformité. La commission demande qu'une mission d'inspection soit conduite pour identifier les problèmes.

M. Rachel Mazuir, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. L'action 2 du programme 129 placée sous l'autorité du SGDSN connaît une progression raisonnable. Cette action porte les crédits de nombreux organismes dont le SGDSN, mais aussi l'Anssi, le GIC, et les Instituts de formation (des Hautes études de la défense et de la sécurité nationale et des Hautes études de sécurité et de justice).

Le GIC est devenu le pivot de gestion de l'ensemble des techniques de renseignement, son activité s'intensifie. Il doit poursuivre sa montée en puissance. Ses effectifs atteindront 243 ETP en 2020. Le Premier ministre devrait y veiller. Sur le volet investissement, il doit équiper ses infrastructures, notamment immobilières, pour accueillir ses nouveaux agents.

Les fonds spéciaux sont en baisse, après un ajustement en 2017. Or nos services de renseignement sont très sollicités. La commission parlementaire de vérification des fonds spéciaux recommande que leur progression reprenne. Confirmez-vous que 2018 n'est qu'une pause dans la sincérisation des fonds spéciaux ?

Enfin, les subventions aux instituts de formation sont maintenues à 13,8 millions d'euros, ce qui constitue un socle minimum. Le développement des synergies entre les deux établissements est installé, mais il faut le parfaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales propose l'adoption des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) à 17,8 millions d'euros, tout en regrettant que la baisse de ses crédits entamée en 2013 se poursuive.

La stratégie pluriannuelle interministérielle ne devait pas réitérer les erreurs des précédentes, qui en faisaient un catalogue de mesures assorties de ressources limitées. La multiplication des initiatives n'est pas synonyme d'efficacité. La peine pour usage de stupéfiants - un an de prison, 3 750 euros d'amende -, fixée en 1970, n'est jamais appliquée. La levée de l'interdiction n'est pas souhaitable ; mais l'inefficacité pénale rend la contraventionnalité consensuelle. Quel dommage que le Gouvernement s'y soit opposé à deux reprises, quand nous l'avions proposée en 2011 et 2015 ! Avec une sanction immédiate et pécuniaire, les jeunes seraient touchés, donc mieux protégés.

La commission souhaite également faire mieux prendre en compte la situation en outre-mer - et qu'une grande étude soit conduite sur les phénomènes addictifs outre-mer, pour y adapter nos politiques publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Nous sommes au régime « trois minutes » et certains paraissent préférer, au nom de l'efficacité, que le débat soit le plus court possible. Pourtant, quand on aime le Parlement, on regrette le temps où Robert Badinter pouvait doubler son temps sans protestation du président...

M. Antoine Lefèvre.  - Ça laisse rêveur ! (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - La force du débat n'est aucunement fonction de sa durée. Le budget de la présidence de la République passe de 100 à 103 millions d'euros. En 2012, il était à 109 millions d'euros : rendons hommage à la vertu de François Hollande !

M. Yvon Collin.  - Vertu sans pareille !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Avec la commission des lois, je soutiens la hausse de 3 % cette année car elle s'explique par la question de la sécurité. Il est indispensable que le président de la République puisse aller en sécurité partout où il se déplace, et qu'il ait des contacts sécurisés avec les chefs d'États étrangers.

M. François Patriat.  - Voilà un En marche qui s'ignore !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - La guerre des cryptages explique et justifie donc une telle augmentation des crédits.

Les budgets des assemblées parlementaires restent stables en euros courants, mais elles doivent recourir à leurs réserves, ce qui ne saurait perdurer longtemps.

Le Conseil constitutionnel a un budget pérenne par rapport à l'exercice antépénultième, le dernier sans élections nationales. Le Conseil constitutionnel a renforcé ses activités internationales : francophonie, Europe du Sud, Allemagne. Nous le soutenons, mais cela doit respecter la maîtrise des dépenses. Le coût des locaux de l'institution reste élevé.

Quant à la Cour de justice de la République, j'espère qu'on n'en parlera bientôt plus, car nous aurons trouvé une autre solution et mis fin à cette justice particulière dont nos concitoyens ne veulent pas. J'espère que l'assemblée me pardonnera ce dépassement, somme toute modéré, de mon temps de parole. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM ; M. Yvon Collin applaudit aussi.)

M. Patrick Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Les juridictions administratives et financières verront leur budget augmenter en 2018. Mais leur situation n'est pas privilégiée : les crédits supplémentaires sont essentiellement consacrés à la Commission nationale du droit d'asile. Les 51 emplois nouveaux permettraient la création de deux chambres et le traitement de 7 000 affaires supplémentaires par an. Mais il pourrait y avoir 11 000 affaires supplémentaires en 2018, d'après la présidente de cette juridiction.

Pour faire face à la pression, les juridictions administratives ont adapté leurs procédures. Il est difficile d'aller plus loin sans porter atteinte à la qualité des décisions de justice.

La commission des lois propose des pistes, par exemple le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle ou le renforcement de l'équipe du magistrat en s'inspirant du statut des juristes assistants qui interviennent auprès des juges judiciaires.

Quant aux crédits alloués aux juridictions financières, ils sont à peine suffisants pour leur permettre d'atteindre le plafond d'emplois, alors que leurs missions s'intensifient et qu'elles sont un appui pour les collectivités territoriales.

Malgré le professionnalisme des magistrats, le constat est sans appel : les gisements d'économies sont épuisés. Dès lors, aucune nouvelle compétence ne devra désormais être attribuée sans une évaluation sérieuse de son impact sur l'activité de ces juridictions et sans l'allocation de moyens suffisants, sous peine de mettre leur fonctionnement en péril et de porter atteinte à la qualité de la justice rendue à nos concitoyens.

Compte tenu de ces éléments, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Marc Laménie applaudit aussi.)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Le budget de la Direction de l'action du Gouvernement est affecté par l'opération Fontenoy-Ségur.

L'Anssi a pour rôle d'accompagner les administrations dans la défense des systèmes d'information, priorité pour la France - on a vu en Ukraine la cyberattaque qui a aussi affecté des entreprises françaises. Elle a besoin de moyens pour recruter et attirer les compétences. Je me souviens avec douleur de l'impossibilité de procéder aux élections par Internet pour les Français de l'étranger, faute de sécurité informatique suffisante. Il ne faut plus que cela arrive.

Rendons hommage à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), qui rend crédible la loi Renseignement - contre laquelle j'avais voté - la CNIL, le Défenseur des droits, le Contrôleur général des prisons et le CSA.

La réduction des cabinets ministériels fonctionne-t-elle ? On n'en a pas l'impression, que ce soit entre ministères ou avec les parlementaires. Attention, Monsieur le ministre, à ce qu'une trop forte réduction de ces cabinets n'entraîne celle du contrôle démocratique sur l'administration, qui pourrait, alors, tourner sur elle-même.

Sous ces réserves, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Véronique Guillotin .  - Si les budgets du Sénat et de l'Assemblée nationale sont stables, celui de la présidence de la République augmente de 3 % après cinq ans de stabilité.

Les chaînes parlementaires figurent aussi dans les crédits de cette mission ; nous approuvons les mutualisations dans un souci d'économie.

Les augmentations d'effectifs sont concentrées sur la sécurité, au détriment des AAI comme le Défenseur des droits avec 5 ETP en moins, ce que nous regrettons.

La Mildeca coordonne les actions antidrogues à l'échelle nationale. La liste des produits concernés - incluant le tabac et l'alcool - ne doit pas masquer que l'addiction, bien au-delà de cette liste, est un problème de comportement et non de produits.

Sur le tabac et l'alcool, la France est dans le peloton de tête de l'OCDE. Le cannabis, dont la dangerosité est prouvée, est cependant banalisé. Il doit rester illicite, mais la réponse pénale, définie en 1970, n'est plus adaptée. La contraventionnalisation évoquée par le président de la République mérite d'être envisagée.

Je regrette les baisses de financement - 25 % en cinq ans - de la Mildeca.

Le produit de la vente des biens saisis lors de perquisitions est versé à 90 % aux services enquêteurs, contre 10 % à la Mildeca. Je suggère un rééquilibrage, pour bien marquer l'importance de la prévention. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM ; MM. Jacques Bigot, Daniel Chasseing et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)

M. Yvon Collin.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi .  - Je regrette la fusion des trois missions dans une discussion commune. Cinq minutes pour tout cela, c'est peu !

La mission « Pouvoirs publics » met le Parlement à la diète ; en période d'inflation législative, les dotations des petits groupes sont insuffisantes : nous ne pouvons pas travailler à la hauteur des changements en cours, il faut une revalorisation.

Le coût des travaux de la Cour de justice de la République est d'autant plus élevé que cette instance est en sursis.

Nous saluons l'augmentation des crédits de la CNDA et les 51 emplois supplémentaires, mais cela reste insuffisant.

Les missions du CESE justifient-elles son budget colossal ? Il faut le réformer, des projets existent pour une troisième chambre citoyenne.

L'augmentation des moyens sécuritaires doit s'accompagner de vigilance sur les libertés fondamentales. Les crédits de l'Anssi et du GIC augmentent, pas ceux du Défenseur des droits. Dans le contexte d'état d'urgence répété, il aurait fallu faire le contraire. Huit agents du Défenseur des droits sont mis à disposition par d'autres organismes, et cette situation peut prendre fin à tout moment.

Les crédits de la Mildeca auraient pu, eux aussi, être augmentés, comme ceux du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) qui s'inquiète des entraves aux droits des citoyens, notamment mineurs, dans le prochain texte sur l'immigration. Le déséquilibre des dotations entre sécurité et défense des droits fondamentaux témoigne d'un gouvernement coincé dans une cause du tout sécuritaire.

Notre groupe ne votera pas le budget de ces trois missions.

Mme Colette Mélot .  - Les trois missions que nous examinons sont stratégiques.

Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » augmentent de 0,08 % ; ceux de l'Assemblée nationale et du Sénat restant stables. Nous saluons cet effort. Cependant, la fin du cumul des mandats ne doit pas dégrader les moyens dont nous avons besoin.

Dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », les crédits des quatre programmes s'élèvent à 680 millions d'euros en autorisations d'engagement et 665 millions d'euros en crédits de paiement - progression modérée de 1 et 2 % respectivement - or les juridictions administratives voient leurs missions croître fortement. Le nombre d'affaires portées devant le Conseil d'État a ainsi augmenté de 10 % par rapport à 2016.

La CNDA fait elle aussi face à une forte augmentation du contentieux des étrangers, qui ne reçoit dans ce budget qu'une réponse modeste.

Dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement », je veux saluer la montée en puissance du SGDSN, qui a un rôle méconnu mais important dans la sécurité des Français et dont les moyens restent cependant très en deçà de ceux de ses homologues britannique et allemand. Il faut renforcer les agences dans le domaine de la cybersécurité, et notamment aider l'Anssi à recruter les talents.

Sous réserve de ces quelques interrogations, notre groupe votera les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, RDSE et Les Républicains)

M. Richard Yung .  - Le budget de l'Élysée a animé les débats à l'Assemblée nationale. Trois millions : s'agit-il de construire une piscine olympique dans les jardins de l'Élysée ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Non !

M. Richard Yung.  - Un terrain de badminton ? Non : c'est pour la sécurité du chef de l'État et de son entourage, la mise en place de la cellule de coordination des services de renseignement et la protection des systèmes informatiques. À cet égard, les propos de la députée de la France insoumise, selon lesquels « le président de la République s'est servi dans la caisse », sont outrageants, à la limite de la diffamation. Le ministre peut-il nous dire un mot du cadre budgétaire en préparation ?

Dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », je me réjouis de la hausse des moyens de la CNDA, qui reçoit 51 emplois supplémentaires, ce qui devrait réduire de treize à six mois les délais moyens d'instruction. Cela répond à une demande ancienne. Il faudra aussi évaluer l'impact des réformes apportées aux procédures contentieuses en matière de droit des étrangers.

Le budget des juridictions financières reste stable. Où en est la certification des comptes des collectivités territoriales ?

Le CESE est en cours d'évolution vers un format de holding des think tanks. Il faudra sans doute en revoir la dotation.

En tant que représentant des Français de l'étranger, privés de vote électronique lors des dernières élections faute de sécurité suffisante de l'outil, je me félicite de l'augmentation du budget de l'Anssi.

L'opération de restructuration de l'îlot Fontenoy-Ségur n'a pas dépassé l'enveloppe allouée et les mutualisations devraient permettre de substantielles économies de fonctionnement. À combien est évalué le produit de la vente prévue en 2018 des immeubles libérés ?

Enfin, je salue les moyens supplémentaires alloués à la Dilcrah, nom peu heureux de la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, pour lutter notamment contre la LGBT-phobie et l'antisémitisme.

Le groupe LaREM votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Michèle Vullien .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont quasi stables, comme le budget des deux assemblées parlementaires, stabilisé depuis cinq ans. La seule progression concerne la dotation de la présidence de la République, en hausse de 3 %. Ni démagogie, ni gabegie : c'est la seule voie possible pour rétablir la confiance.

Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » progressent de 2,2 %, essentiellement au bénéfice des juridictions administratives et de la CNDA, qui gagne 51 ETP pour répondre à la hausse de 30 % du contentieux de l'asile.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) reste un peu négligé. La question de son indépendance a été posée par la Cour des Comptes : il reste tributaire des informations communiquées par Bercy. À quand une vraie agence indépendante, sur le modèle britannique ?

Les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » sont stabilisés à 1,48 milliard en crédits de paiement. Les priorités sont financées par des mesures d'économie, je m'en félicite. L'effort engagé dans la sécurité, le renseignement et la cyberdéfense est prolongé, avec 18 ETP supplémentaires. Sur 2018-2020, les crédits de la mission baisseront de 1 % en volume. Nous nous en félicitons.

Début 2018, la mutualisation engagée par le projet Fontenoy-Ségur sera une réalité, avec 7 millions d'euros d'économies annuelles à la clé. Enfin, les AAI voient leurs crédits augmenter de 2 millions d'euros pour financer les états généraux citoyens préalables à la révision des lois bioéthiques.

Le groupe UC votera les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

M. Jérôme Durain .  - Les trois missions que nous examinons touchent à ce que l'État a de plus noble, mais pas de plus populaire. Je tâcherai d'être juste et bienveillant, car je sais que les agents de ces institutions indispensables à la République ne renâclent pas à la tâche.

Le groupe SOCR, convaincu par M. Kanner, votera les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Nous saluons l'augmentation des moyens de la CNDA.

Concernant la mission « Pouvoirs publics », je ne polémiquerai pas sur les moyens consacrés à la sécurité du président de la République et de sa compagne, ces dépenses sont justifiées. Je note que l'Élysée veut contenir le budget déplacements. Attention toutefois à ne pas rogner sur le budget climatisation. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La mise en concurrence des prestataires est bienvenue, pour ne pas être accusé de privilégier une agence de communication.

La baisse de 1,1 % des crédits de Public Sénat est une mesure de bonne gestion, à saluer en cette période de débat sur la pertinence de conserver deux chaînes parlementaires.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Jérôme Durain.  - J'ai dévoré le rapport de M. Leconte sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Il relève que l'inflation législative est aussi le fait du Gouvernement, qui introduit des articles additionnels par ses amendements et ceux portés en sous-main par des parlementaires. Le problème n'est pas la lenteur du travail parlementaire, au contraire : à vouloir légiférer vite, on légifère mal, et il faut alors mettre en place des cordes de rappel - ce qui est normal pour les premiers de cordée (Sourires) - à travers des amendements gouvernementaux. Un travail plus serein permettrait d'éviter ces impairs. Même les députés En Marche conviennent qu'ils n'ont plus le temps de réfléchir... (On se récrie sur les bancs du groupe LaREM.)

L'enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Je remarque que souvent, le ministre n'a pas de réponse précise préparée, peut-être une conséquence du décret du 18 mai 2017 qui limite le nombre de conseillers en cabinet... Cet étau serait contourné, lit-on. Tant mieux !

Sur l'extension du rôle du CSA, évoquée par le président de la République, je ne demande qu'à être convaincu. Mais quel serait le fondement juridique d'une telle évolution ? Le président Macron voudrait-il nationaliser l'espace de liberté qu'est Internet, à la chinoise ?

Je m'étonne enfin de la baisse des crédits du Défenseur des droits, mission incarnée à merveille par M. Toubon.

Le groupe SOCR votera les crédits des trois missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et RDSE)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Dix minutes, c'est court. Moi aussi, je regrette Robert Badinter, mais je n'oserai jamais me comparer à lui !

Madame Assassi, je ne me prononcerai pas sur les moyens dévolus aux assemblées, puisque celles-ci sont indépendantes.

Je salue la qualité de vos travaux et la modération de vos propos. Les crédits des pouvoirs publics restent très stables ; Jean-Pierre Sueur a rappelé avec raison que François Hollande avait consenti un important effort financier sur le budget de la présidence ; l'augmentation de 3 millions, justifiée par les impératifs de sécurité, physique et numérique, s'accompagne d'une transparence accrue, notamment sur le rôle du conjoint du chef de l'État, et de l'adoption des règles de présentation budgétaires et comptables de droit commun.

La dotation du Conseil constitutionnel est stable, hors dépenses exceptionnelles liées aux élections de 2017. La hausse du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité n'est pas neutre et impliquera sans doute des moyens supplémentaires.

Sur la Cour de justice de la République, une réforme constitutionnelle est envisagée. Elle pourrait rejoindre les locaux du tribunal de grande instance sur l'île de la Cité. C'est à l'étude.

Sur les juridictions administratives, la nécessité de réduire les délais de jugement justifie les moyens renforcés du Conseil d'État et de la CNDA. Cinquante et un emplois nouveaux, ce n'est pas rien, mais je sais que la situation restera tendue. La dématérialisation des procédures, avec les télérecours, a permis d'économiser 4,5 millions d'euros en frais de justice depuis 2013.

Les dépenses des juridictions financières sont maîtrisées. Nous expérimentons la certification des comptes des collectivités territoriales sur 25 d'entre elles jusqu'en 2023 ; il faudra ensuite l'évaluer.

Le Gouvernement est favorable à un rattachement du Haut Conseil des finances publiques, dans le cadre des procédures qui existent pour les juridictions financières. Je ne doute pas de sa capacité à obtenir et utiliser tous les moyens de contrôle, et personne ne doute de son indépendance.

Sur le CESE, la réflexion, qui se déroule sous l'autorité de son président, a bien avancé ; le président Bernasconi va très prochainement m'en présenter les résultats.

Sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement », un amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale a minoré les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de 3 millions d'euros pour prendre en compte les annonces salariales du 16 octobre.

L'opération Fontenoy-Ségur se traduira par des économies de 3,5 millions d'euros par an, mais la mutualisation a aussi un impact sur les effectifs : le Défenseur des droits, qui paraît perdre 3 ETP, en dégagera 4 supplémentaires grâce aux économies de fonctionnement. À terme, 52 ETP pourraient être économisés et 7 sites libérés puis vendus, pour environ 160 millions d'euros de recettes.

Oui, la cybersécurité est un sujet majeur. Les crédits augmentent de 3 %, le GIC gagne 15 emplois, l'Anssi, 25. Cette dernière a vu ses effectifs passer de 122 ETP fin 2009 à 540 fin 2017, avec un objectif de 685 ETP en 2022. Une partie des moyens de l'Anssi sont aussi affectés aux fonctions supports du SGDSN. Un plan d'action a été engagé pour le recrutement et la fidélisation de spécialistes, dont la circulaire du 21 mars 2017 définit les axes. La gouvernance de la cybersécurité au sein du ministère sera renforcée et la politique d'achats adaptée.

Les fonds spéciaux ne sont pas en baisse mais en légère hausse, à 67,38 millions d'euros, contre 49,4 millions en 2015.

Concernant la Mildeca, je suis comme vous attaché à la forfaitisation - je préfère ce mot à « contraventionnalisation ». C'est un engagement du président de la République, et une volonté portée par le Sénat en 2011 et 2015. Nous souhaitons que le sujet vienne rapidement en discussion. Il faudra tenir compte de la spécificité des outre-mer, où les conduites addictives atteignent un niveau préoccupant.

Des autorités administratives indépendantes comme la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ou la CNIL, dont le cadre européen va évoluer, méritent toute notre attention. Le président de la République souhaite élargir les missions du CSA : nous allons y travailler, et comptons sur votre apport.

Les crédits du programme 333 progressent de 1,4 % pour procéder à une harmonisation des prestations sociales des fonctionnaires dans les services déconcentrés dont les missions sont particulièrement délicates.

Ces budgets sont difficiles parce que les missions sont difficiles ; ils répondent à l'objectif de maîtrise de la dépense publique, et en même temps déclinent des priorités pour répondre aux exigences de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, SOCR et UC)

Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont adoptés, ainsi que ceux des missions « Conseil et contrôle de l'État » et « Direction de l'action du Gouvernement ».

Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative » sont adoptés.

La séance est suspendue à 12 h 5.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Santé

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Avec 1,4 milliard d'euros, la mission « Santé » est finalement une petite mission, au regard des 200 milliards de dépenses de la sécurité sociale. Elle comprend l'Aide médicale d'État (AME), qui n'en finit pas d'augmenter. On rabote, on restreint partout, en particulier les budgets des opérateurs sanitaires quand l'AME, seule, se voit attribuer 110 millions en plus pour un total de 882 millions d'euros, soit 50 % de plus entre 2012 et 2016. Nous devons vraiment en parler. Il n'est pas question de supprimer l'article, comme cela a pu être proposé par le passé ; notre commission des finances, en ramenant ses crédits à leur niveau de 2012, veut appeler le Gouvernement à une refonte totale de cette aide. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales .  - L'instabilité du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » nous préoccupe. Depuis plusieurs exercices, des dépenses de plus en plus nombreuses sont renvoyées à l'assurance maladie. Ce budget ne déroge pas à la règle avec le transfert de l'Agence de biomédecine, l'ABM, et de l'École des hautes études en santé publique, l'EHESP. Cela ne doit conduire ni à un désengagement de l'État ni à un contrôle plus difficile pour le Parlement. En tout état de cause, il faut s'interroger sur la cohérence du programme.

La situation de de l'Agence nationale de santé publique, l'ANS, est préoccupante : elle doit pouvoir s'investir pleinement dans son rôle de prévention et de promotion de la santé, malgré l'importance prise par les urgences sanitaires. Or les crédits relatifs à la prévention ne sont plus sanctuarisés depuis la suppression de la dotation de l'assurance maladie l'an dernier.

Nous relevons, concernant le programme 183 « Protection maladie », l'effort de sincérité budgétaire sur l'AME ainsi que les efforts de maîtrise et de sécurisation des procédures. Outre l'introduction d'un contrôle ciblé de 10 % des dossiers, l'instruction des demandes sera en métropole l'année prochaine centralisée auprès de trois caisses. Enfin, la demande des caisses d'accéder aux informations détenues par le ministère de l'intérieur, s'agissant des titres de séjour, a été entendue. Nous l'avions demandée il y a deux ans.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements de M. Yvon Collin) Le budget de la mission « Santé » connaît une hausse de 10 % par rapport à l'an dernier. Cela pourrait être salué si cette hausse profitait à toutes les actions. Ce n'est pas le cas, en particulier concernant la prévention. Si l'état de santé des Français s'améliore, ce n'est pas le moment de relâcher nos efforts. Les chiffres de la contamination HIV dans les populations homosexuelles sont préoccupants, de même que le poids des décès prématurés et des maladies chroniques. Plus de 30 000 décès par an sont évitables par la prévention et la modification des comportements. La baisse des crédits n'est-elle pas contradictoire avec la « révolution de la prévention » annoncée ? (M. Yvon Collin renchérit.)

La contribution au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, est subsidiaire par rapport à celle de la branche AT-MP. Les crédits de l'AME croissent encore, après la hausse de 2016. Le dispositif ne semble plus être remis en cause, et c'est une bonne chose, pour des raisons humanitaires et de sécurité sanitaire collective. Cependant, la hausse prévisible de son coût nécessite un débat pragmatique, loin de toute posture idéologique, pour assurer l'équilibre financier de la mission. Mais c'est bien la reprise de l'emploi qui permettra à notre système de santé de mieux se porter.

En conclusion, la hausse du budget de cette mission s'explique essentiellement par l'augmentation des crédits alloués au dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine, à hauteur de 77 millions d'euros et grâce, il faut le saluer, à un effort inédit et louable en matière de sincérité budgétaire.

Le groupe RDSE partage l'inquiétude des rapporteurs sur l'instabilité du périmètre de la mission « Santé », résultat de la fusion des opérateurs. Les subventions à l'ANSM et à l'ANSP augmentent ; celles à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'Anses, et à l'Institut national du cancer, l'INCa, diminuent alors que le cancer touche 384 000 nouveaux patients chaque année. Pouvez-vous nous donner des explications sur la baisse des moyens alloués à l'INCa ? La prévention apparaît trop souvent comme une variable d'ajustement d'un budget dont tous les postes ne sont pas maîtrisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Michel Amiel .  - (Mme Patricia Schillinger applaudit.) Les crédits de la mission progressent de 14 %. C'est une bonne nouvelle. Cela peut paraître paradoxal quand nous avons voté un Ondam rigoureux mais ces programmes sont essentiels à notre politique de santé.

L'AME, grand sujet de crispation autrefois, un peu moins aujourd'hui, représente pour 99 % des crédits du programme 183. Nul besoin de rappeler la nécessité de soigner les personnes en situation irrégulière vivant en France depuis au moins trois mois pour des raisons humanitaires mais aussi de santé publique. Certes, le budget de l'AME est en hausse depuis 2012, Monsieur Joyandet, mais c'est parce qu'il était clairement sous-évalué autrefois. Face aux crises migratoires, je salue la responsabilité de cette provision.

Le programme 201 consacré à la prévention, la sécurité sanitaire et à l'offre de soins a des objectifs clairs. Ce secteur a connu des rationalisations bienvenues, avec notamment la création de l'ANSP - qui est au coeur de la prévention et de la maîtrise des crises sanitaires, comme elle l'a encore montré lors des événements climatiques qui ont frappé l'outre-mer. Ce budget est à la hauteur d'une politique du médicament ambitieuse avec un objectif de traitement des AMM de 150 jours. S'il est en hausse, il ne saurait masquer une optimisation maximale de la gestion de la prévention en France, tant dans son organisation que dans son financement. En témoigne la stratégie immobilière des agences sanitaires. La santé mentale, en particulier celle des jeunes, me tient à coeur. Elle nécessite des expérimentations et la mise en place d'outils. Le montant prévu pour l'indemnisation des victimes de la Dépakine est sincère, les premières indemnisations devraient être versées au début 2018.

Le groupe LaREM salue la sincérité de ce budget. Nous ne pourrons toutefois pas le voter s'il est modifié par l'amendement, proche de celui de Mme Ménard à l'Assemblée nationale, que la commission des finances propose dans une intention tout à fait différente. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Cohen .  - Ne perdons pas de vue les 4,2 milliards d'euros de coupes budgétaires du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme la ministre évoque un budget de responsabilité. La hausse de 14 % s'explique par les crédits alloués à l'indemnisation des victimes de la Dépakine qui sont notoirement insuffisants. Elle ne doit pas masquer les baisses de 50 % des crédits de l'action « Santé des populations », de 4 millions d'euros de l'action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » et de 6 % des subventions des opérateurs. Dans ces conditions, comment lutter contre les maladies chroniques ? Contre les addictions ? Demander toujours plus aux agences sanitaires en leur donnant toujours moins ne leur permettra pas de remplir leurs missions de santé publique.

Les crédits consacrés à la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation diminuent respectivement de 7 % et de 6 %. Comment le justifier quand on sait les ravages de la pollution de l'eau et de la pollution de l'air, des perturbateurs endocriniens ?

Le budget de l'AME affiche une hausse de 13 %. Pour avoir entendu trop de contre-vérités dans l'hémicycle sur cette aide, je veux rappeler que le nombre de bénéficiaires de l'AME s'est réduit de 1,6 % par rapport à 2015. L'augmentation de ce budget n'est due qu'à l'évolution du coût des médicaments. Les migrants représentent 0,2 % de nos dépenses de santé. Seuls 57 % des étrangers ont recours aux prestations. À ceux qui critiquent la générosité de notre pays, je veux dire que l'AME est l'honneur de la France.

La contribution au FIVA représente seulement 3 % de celle de la branche AT-MP.

Pour le groupe CRCE, les dépenses de santé doivent répondre aux besoins des patients en tenant compte des formidables progrès technologiques. On ne peut pas accepter de transiger sur la santé des patients. Les financements existent, la volonté politique manque. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau .  - Satisfaction mais aussi quelques oppositions, voilà, en résumé, l'état d'esprit du groupe UC. Même si les montants de cette mission sont sans commune mesure avec ceux que nous examinons dans la loi de financement, ils jouent un rôle significatif.

Le programme 204, qui représente le tiers des dépenses de la mission, voit son périmètre d'action évoluer au gré des projets de loi de finances. Attention à ne pas le déséquilibrer. La simplification avec la création de l'ANSP est bienvenue. La hausse des crédits de prévention doit être relativisée, elle vise à financer les dommages causés par la Dépakine. La ministre de la santé veut passer de parcours de soins au parcours de santé - elle a raison. Pourquoi ne pas sanctuariser la prévention ?

L'AME est une nécessité : aucun médecin ne peut refuser de soigner un patient, quel qu'il soit. C'est une nécessité sanitaire et économique. Sous-estimés dans le précédent quinquennat, les crédits doivent être maîtrisés. Si je salue l'augmentation des crédits de 13 %, j'appelle le Gouvernement à étudier l'AME, puis à la remettre à plat dans une réforme discutée devant le Parlement.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Très bien !

Mme Élisabeth Doineau.  - M. Joyandet veut réduire son budget. Le groupe UC est divisé. Personnellement, je voterai contre. La fin ne justifie pas les moyens. Le budget du FIVA n'est pas à la hauteur de la responsabilité de l'État dans le dossier de l'amiante.

Les orientations sont globalement satisfaisantes pour le groupe UC, sous réserve de quelques déceptions. Il adoptera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

M. Bernard Jomier .  - La cohérence du programme 204 est difficile à percevoir après tous les changements de périmètre. La fusion des agences a permis l'apparition d'un opérateur essentiel, l'ANSP, qui doit être à la hauteur des missions qui lui sont confiées. La plus importante baisse de crédits concerne pour 47 % les actions en faveur des publics les plus vulnérables et pour 5,6 % pour les actions en santé environnementale.

Il ne reste plus que 110 000 euros pour l'information et la prévention sur les violences faites aux femmes et la lutte contre les mutilations sexuelles. Ce n'est pas dans ce budget que Mme Schiappa a trouvé les moyens transversaux dont elle nous a parlé dernièrement.

Pollution de l'air, pollution chimique de l'environnement intérieur et alimentaire, perturbateurs endocriniens, pollution in utero, les progrès dans les années à venir viendront de la maîtrise des facteurs environnementaux qui dégradent notre santé. Nous sommes là au coeur de la politique de prévention que la ministre souhaite développer. L'urbanisme, l'alimentation, les transports, le logement sont au premier rang mais la ministre de la santé a la légitimité, la responsabilité de produire l'expertise nécessaire pour avancer.

À la veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida, j'aimerais dire que la victoire est possible. Les épidémiologistes en conviennent et l'Onusida le confirme, la maladie peut être éradiquée en 2030. Ce serait la première fois dans l'histoire qu'on vaincrait un virus sans vaccin. Cette perspective doit nous rassembler. Il faut compléter les mesures de Marisol Touraine sur l'après, en développant les autotests et en intensifiant le dépistage dans les populations à risques.

Malheureusement, le niveau de l'épidémie est à la fois trop faible pour mobiliser suffisamment la société et trop forte pour permettre une disparition sans effort. C'est notre rôle d'élus de pousser la société à fournir ce dernier effort.

Quant à l'ANSP, son émergence est prometteuse tout comme son approche de la prévention intégrée et sa gouvernance ouverte. Attention à ne pas la fragiliser en réduisant son plafond d'emploi et en l'articulant insuffisamment avec les agences régionales de santé, les ARS.

Tous ceux qui analysent l'AME avec les lunettes de la santé publique, comme l'IGAS depuis des années et l'Académie de médecine depuis quelques mois, arrivent à la même conclusion : il faut l'intégrer à l'assurance maladie. Même conclusion pour ceux qui l'analysent avec les lunettes de l'efficacité économique, comme l'IGF, Monsieur Joyandet. Seuls ceux qui la regardent à la lumière de leurs opinions sur la politique migratoire veulent la supprimer ou la couper en morceaux. Mon amendement demande au Gouvernement de mener un travail d'expertise pour sortir du statu quo. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Yvon Collin et Mme Nassimah Dindar applaudissent également.)

M. Joël Guerriau .  - À l'heure de la réduction des dépenses publiques, la hausse de 12 % des crédits de cette mission est préoccupante si nous voulons revenir à l'équilibre financier.

Au programme 204, la création de l'ANSP réduit le nombre des opérateurs de quatre à huit. Bravo pour cette rationalisation, mais je m'étonne qu'elle ne rime pas avec réduction des coûts.

Au programme 183, on ne peut plus continuer ainsi avec l'AME. Le nombre de bénéficiaires a crû de 44 % depuis 2009. La réforme est incontournable. Le rapporteur spécial préconise un recentrage sur un panier de soins, c'est raisonnable.

Le groupe Les Indépendants s'abstiendra ; une réforme de l'AME doit rapidement nous être proposée.

M. Antoine Lefèvre .  - Sur la prévention, le dépistage des troubles « dys » est nécessaire à l'école : dyslexie, dyscalculie, dyspraxie, dysphasie, troubles de l'attention... Un à deux enfants par classe seraient concernés. Même chose pour le diabète : le diagnostic tardif, si préjudiciable, est évitable. M. Blanquer a annoncé hier soir au Sénat vouloir remettre sur pied la médecine scolaire - en faisant participer la médecine non scolaire. Pourquoi ne pas proposer cette discipline comme spécialité lors du concours de l'internat ? Quelles sont vos intentions, Madame la Ministre ?

Les crédits de l'AME augmentent, mais ceux de la prévention diminuent de 4 millions d'euros... J'adhère totalement à l'amendement d'Alain Joyandet.

Sur la protection, il faut prévoir quelque chose pour les jeunes homosexuels en déshérence - j'ai été saisi par Le Refuge, dont les appartements d'hébergement voient les listes d'attente s'allonger. Quels moyens y sont consacrés ?

Les aidants méritent toute notre attention. Quels dispositifs prévoyez-vous pour eux ?

Le rapport de la Cour des comptes paru hier veut substituer à la liberté d'installation des médecins libéraux le conventionnement sélectif, ce qui revient à remplacer la carotte par le bâton, comme le suggéraient certains de nos collègues. C'est un changement radical. La géographie est parfois un problème : les étudiants de l'Aisne étudient à Reims mais doivent partir dans le Grand Est pour effectuer leur stage. Il faut modifier cette absurdité. Le lieu du stage détermine à 60 % le lieu d'installation des médecins.

Je me réjouis que le tiers payant passe de généralisé à généralisable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Veuillez excuser l'absence d'Agnès Buzyn, partie à Pointe-à-Pitre après l'incendie de son CHU.

Les crédits de la mission augmentent à périmètre constant de 14 %. Le Gouvernement est attaché à l'AME, qui protège la population par la prise en charge précoce des maladies. Nous observons un infléchissement des bénéficiaires ces derniers trimestres. Toutefois, le Gouvernement a préféré être prudent. Comme toute prestation, l'AME doit être contrôlée. Les trois caisses d'assurance maladie de Paris, Bobigny et Marseille instruiront toutes les demandes de métropole.

Les dotations du FIVA sont reconduites à hauteur de 8 millions d'euros. Ce fonds est surtout abondé par la branche AT-MP de la sécurité sociale qui le dotera de 270 millions d'euros en 2018.

Le programme 204 - un peu moins de 500 millions - ne couvre qu'une petite partie des investissements collectifs en matière de santé et de prévention. Les crédits pour la prévention sont en hausse de 3 %. Les crédits de la prévention du tabagisme progressent, de 32 à 132 millions d'euros.

Le transfert de l'ABM et de l'EHESP permet d'achever le décroisement des financements de l'Etat et de la sécurité sociale. La rationalisation permettra à l'État et à ses opérateurs de se recentrer sur leur mission de sécurité sanitaire. L'ANSP, l'ANSM, l'Anses et l'INCa voient leurs crédits progresser de 4,4 millions d'euros L'ANSP aura un rôle déterminant à jouer dans la prochaine stratégie de santé, bâtie autour de quatre axes que sont la prévention, l'égalité d'accès aux soins, l'innovation, la pertinence et la qualité des actes. On a vu son efficacité pendant la gestion de crise : elle a mobilisé 450 réservistes sanitaires et envoyé 10 tonnes de matériel après le passage du cyclone Irma. L'INCa reçoit une dotation inchangée, compte tenu des mises en réserve.

Les victimes de la Dépakine seront indemnisées dès 2018. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Éric Gold et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)

ARTICLE 29 ÉTAT B

M. le président.  - Amendement n°II-171, présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

 

 

 

 

Protection maladie

 

300 000 000

 

300 000 000

TOTAL

0

300 000 000

0

300 000 000

SOLDE

- 300 000 000

- 300 000 000

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Cet amendement n'est pas une arme, c'est un appel à une remise à plat de l'AME. Cette aide, qui je le rappelle concerne les étrangers en situation irrégulière, n'a pas toujours été sous-budgétisée : avaient été inscrits 588 millions d'euros en 2012, et c'est ce qui a été dépensé. Certes, les conditions d'attribution de l'AME ont changé ensuite.

Nous voulons revenir à une dépense raisonnable, ce qui n'exclut nullement de remplir nos obligations sanitaires. Sur presque tous les bancs, les orateurs ont réclamé une remise à plat des conditions d'octroi et du périmètre de l'AME.

En 2015, le Sénat avait adopté un amendement similaire à la demande de Roger Karoutchi, mais rien ne s'est passé.

M. Roger Karoutchi.  - Ce fut sans succès !

M. le président.  - Amendement identique n°II-216 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Karoutchi, Savary, Dallier et Bazin, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, J.M. Boyer, Brisson et Charon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi et Di Folco, M. Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Hugonet, Huré, Husson, Kennel et Laménie, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Leleux et Leroux, Mme Lopez, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Procaccia, MM. Rapin, Reichardt, Revet et Sol, Mme Troendlé et M. Vaspart.

M. Roger Karoutchi.  - Comme toujours, il faut distinguer la réalité et le propos - lequel peut être exagéré, critique, ou encore démagogique. La réalité, c'est qu'il faut remettre sur l'établi la manière dont l'AME est attribuée et distribuée. Non pas que nous refusions d'exclure des soins les étrangers présents sur le territoire, mais il faut voir que l'AME explose. Madame la Ministre, vous nous dites que Paris et Marseille décideront de la manière dont l'AME sera attribuée. Je leur souhaite du courage.

Jamais l'AME ne dépassera 700 à 800 millions d'euros, disait Mme Touraine. Nous sommes à 900 millions d'euros. Revoir les conditions d'attribution, tel est le moyen d'en revenir au niveau de 2014 : 600 millions d'euros.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'AME est un dispositif qui se justifie par des considérations humanitaires mais aussi sanitaires. On ne peut pas la limiter aux seules prises en charge d'urgence. Qui plus est, la réduction de cette dotation affecterait la sincérité du budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOCR)

Mme Sophie Taillé-Polian.  - L'AME a un rôle primordial en matière de santé publique. Vous considérez qu'il faut réformer les modalités de son attribution. Or, cela a déjà été fait en 2010 : l'accès réduit aux soins a provoqué une augmentation des coûts, car les affections se sont aggravées.

Le modèle allemand, que vous citez, ne prend pas en compte les affections chroniques. L'AME protège les étrangers mais aussi la population française. En Île-de-France, Valérie Pécresse s'est empressée de supprimer l'accès gratuit aux transports pour les titulaires de l'AME : comme vous le proposez ici, il s'agit de priver de droits ces publics en difficultés (M. Roger Karoutchi le conteste.). Nous nous opposons à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et LaREM)

M. Bernard Jomier.  - Vous faites un amendement d'insincérité budgétaire avec ce coup de rabot de 300 millions d'euros. Les conditions d'octroi actuelles sont en-deçà du cadre légal. Le délai pour obtenir l'AME est supérieur à trois mois. L'obligation de renouvellement annuel entraîne des ruptures, obligeant de nombreux professionnels de santé à soigner gratuitement ceux qui devraient bénéficier de l'AME - y compris à l'hôpital.

Mieux vaudrait réfléchir au cadre légal dans lequel on insère l'AME. Avant 1993, le dispositif était inclus dans l'assurance maladie. Pourquoi ne pas y revenir ? (Applaudissement sur les bancs du groupe SOCR)

M. Didier Rambaud.  - Le groupe LaREM votera contre cet amendement avec fermeté. Les mots ont un sens. « Distribuer » l'AME, dites-vous, Monsieur le rapporteur ? C'est une expression effrayante, car en matière d'AME, nous devons dépenser ce qu'il nous faut bien dépenser - nous le pensons au groupe LaREM, car nous avons une conception humaniste de la santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Élisabeth Doineau.  - Les efforts en matière de contrôle n'ont pas été efficaces. Il faut les poursuivre. Pour autant, la fin justifie-t-elle les moyens ? Une réduction budgétaire introduirait de l'insincérité : les budgets doivent être à la hauteur des besoins. La population migrante est bien présente. Nous devons leur apporter des soins. Le groupe UC s'abstiendra. Personnellement, je suis contre cet amendement.

Mme Laurence Cohen.  - J'ai écouté attentivement. Le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun a diminué de 1,6 % par rapport à 2015 ; le désengagement européen en matière d'accès aux soins des migrants a eu des effets néfastes. Le rapport de Médecins du monde de 2016 est éclairant : manque de couverture médicale pour 67 % des migrants, 9,2 % des réfugiés se sont vu refuser des soins ; 39,6 % des patients sans autorisation de séjour ont limité leurs déplacements par peur de se faire arrêter. Quant à l'idée que les migrants viennent pour se faire soigner et profiter de notre sécurité sociale, c'est un mythe : seuls 3 % des migrants interrogés répondent que c'est une de leurs motivations...

Ces deux amendements contribuent à présenter la prise en charge des bénéficiaires de l'AME comme coûteuse et donnent du grain à moudre aux extrêmes.

Nous ne voterons pas ces amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et quelques bancs du groupe UC)

M. Arnaud Bazin.  - Tout le monde est d'accord : l'AME est nécessaire pour des raisons humanitaires, sanitaires et pour protéger nos propres populations. Cependant, il faut rester raisonnable, pour préserver le dispositif. Son coût a doublé en cinq ans, il devient difficile de le défendre auprès de l'opinion publique. Comment expliquer aux Français qu'on ne peut pas assurer la prise en charge de leurs soins dentaires et qu'on double le budget de l'AME ?

Si cet amendement a pour effet de mobiliser le Gouvernement pour reconduire à la frontière les étrangers en situation irrégulière, cela ne sera pas son moindre avantage...

Je voterai cet amendement.

M. Roger Karoutchi.  - Le débat était le même il y a trois ans, avec les mêmes positions. Nous demandons une maîtrise, mais on nous répond qu'il faudrait laisser filer les dépenses parce que ce serait inhumain de ne pas soigner ceux qui en ont besoin. Puis le Gouvernement s'engage à maîtriser la dépense... mais ne fait rien une fois sorti de cet hémicycle - et il revient l'année suivante, nous demander 100 millions de plus ! Madame la ministre, cela ne peut pas continuer comme ça, ou bien c'est le système dans son ensemble que nos compatriotes vont rejeter, comme le dit M. Bazin.

Ces amendements ne passeront pas à l'Assemblée nationale, nous le savons. Ce sont des amendements d'appel qui alertent le Gouvernement sur le coût du dispositif à l'heure où nous devons faire des économies. Il faut que cette dépense reste maîtrisable. Pour sauver notre système, maîtrisez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Ces amendements renforcent-ils l'insincérité budgétaire ? Non, parce que l'on s'attaque rapidement au périmètre de la prestation, la dépense correspondra à ce que nous proposons. Nous l'avons fait entre 2010 et 2012 et, pour avoir dirigé un hôpital pendant vingt ans, je sais que cela ne nous empêchait pas de soigner ceux qui en avaient besoin. J'aurais envie de vous dire que vous n'avez pas le monopole du coeur, ni celui de la sincérité budgétaire (Sourires). Les dépenses ont bondi de 588 millions à 744 millions d'euros entre 2012 et 2013, soit plus 26 %, pour la simple raison qu'on a supprimé le ticket modérateur, ce qui a créé un appel d'air. En outre, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 40 % entre 2011 et aujourd'hui. Je vous renvoie aux chiffres du rapport de Mme Imbert. La France n'a plus d'argent. Faut-il ou non réduire la prestation ? Telle est la question.

Enfin, Madame Doineau, 15 000 contrôles ont été réalisés. Ils montrent que les soins sont délivrés, dans le cadre légal.

Mme Nassimah Dindar.  - Rigueur budgétaire, oui, mais oui aussi à la philosophie : tous les êtres humains présents sur notre sol, ont droit d'accéder aux soins. Je voterai contre ces amendements.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nosII-171 et II-216 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°34 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 311
Pour l'adoption 164
Contre 147

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Les crédits de la mission « Santé » sont adoptés.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 62 bis

M. le président.  - Amendement n°II-103 rectifié, présenté par Mme L. Darcos et M. Joyandet.

I.  -  Après l'article 62 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les plans nationaux de santé publique. Il fournit les éléments d'information sur les modalités de leur financement et formule des propositions sur les moyens juridiques et budgétaires à mettre en oeuvre afin de permettre aux organismes de recherche de bénéficier des ressources nécessaires à l'accomplissement des missions qui leur sont confiées par les ministères de la santé et de la recherche aux fins de prévenir les risques sanitaires et infectieux.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'un intitulé ainsi rédigé :

Santé

Mme Laure Darcos.  - L'État est censé jouer un rôle essentiel en matière de protection de la santé. Au-delà des effets d'annonce, nous devons nous interroger sur les moyens alloués à nos chercheurs.

L'Inserm s'est vu confier pas moins de neuf plans depuis 2014, sur le consortium réaction, le génome humain, les maladies neurodégénératives, la maladie de Lyme, la résistance aux antibiotiques, les maladies rares, le cancer, les déficiences intellectuelles et enfin, les maladies fréquentes comme le diabète.

Les crédits ne sont pas au rendez-vous. Pas un centime ! Dans son rapport spécial dans le projet de loi de finances pour 2017, M. Berson constate que les 43 millions d'euros de financements prévus pour ces missions nouvelles n'ont pas été versés à l'Inserm. Ce manque de moyens pèse sur les opérateurs publics de recherche. Notre amendement demande une évaluation précise des plans de santé publique et formule des propositions appropriées permettant de lever l'ensemble des obstacles juridiques et budgétaires altérant leurs capacités d'intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - Ce rapport sera très utile. Avis favorable.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage votre constat : plusieurs plans de santé publique ont été annoncés sans mesures de financement appropriées. La ministre de la solidarité et de la santé souhaite créer un programme de recherche en santé publique qui identifiera de façon très précise les acteurs et les financements. Un rapport n'est pas forcément le meilleur moyen de progresser sur ce sujet. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-François Rapin.  - Mme Darcos a exposé les principes de son amendement en commission des finances. Son idée est bonne à un moment où nous sommes en plein changement de paradigme. La recherche ne serait-elle pas un moyen de faire de la prévention médicale ? Cette idée est tout à fait intéressante. Financer par des crédits de l'assurance maladie la recherche dès lors qu'elle porte sur des grandes pandémies : voilà une piste à explorer. Je soutiens cet amendement.

Mme Laure Darcos.  - Madame la Ministre, mon amendement est un amendement d'appel. Si vous trouvez une solution rapidement, ce rapport ne servira à rien. Cependant, cela fait trop longtemps que nous attendons. Il y a urgence. Cet amendement est un moyen de faire pression sur le Gouvernement.

M. Bernard Jomier.  - La question dépasse largement l'amendement que vous déposez. N'en restons pas à l'Inserm.

Il faut poser la question de la fiscalité en matière de recherche. La sphère publique a du mal à assumer les financements des Instituts hospitalo-universitaires (IHU). J'ai le sentiment que nous passons d'un modèle à un autre - plus proche de celui du Royaume-Uni, notamment - mais sans le dire, et que c'est bien l'une des motivations de votre rapport (Mme Laure Darcos le confirme.).

M. Jean-François Longeot.  - Je voterai cet amendement. Les rapports ne sont pas toujours utiles, celui-là le sera, tant notre retard est important.

Mme Laurence Cohen.  - Ne soyons pas hypocrites. Au niveau législatif, nous ne pouvons pas faire plus que de proposer un rapport. L'article 40 aurait un effet couperet. Au groupe CRCE, nous avons souvent suggéré la création d'un grand pôle public du médicament et de la recherche. Les chercheurs nous appellent au secours. Nous soutiendrons cet amendement.

L'amendement n°II-103 rectifié est adopté, et devient un article additionnel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°II-206 rectifié bis, présenté par MM. Jomier, Cabanel, Courteau, Dagbert, Féraud, Fichet, Kanner, Kerrouche, Manable, Tissot et Vaugrenard et Mmes de la Gontrie, Espagnac, Féret, Ghali, Jasmin, Lienemann, Lubin, Meunier, Préville, Rossignol, Taillé-Polian et Van Heghe.

Après l'article 62 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'intégration du dispositif d'aide médicale d'État au sein de l'assurance maladie et sur l'accès à une complémentaire santé pour les plus précaires.

Ce rapport établit notamment un état des lieux des dysfonctionnements dans l'accès des personnes aux dispositifs de l'aide médicale d'État, de la protection universelle maladie, et des complémentaires santé (aide à la complémentaire santé, couverture maladie universelle complémentaire). Il établit également une évaluation de l'impact de cette intégration en termes de coûts évités et/ou induits pour le système de santé et des propositions opérationnelles pour sa mise en oeuvre effective ainsi que les mesures nécessaires pour garantir un accès effectif des personnes en situation de précarité sociale à une couverture maladie.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'un intitulé ainsi rédigé :

Santé

Je prends note avec déception de la décision du Sénat sur les crédits de l'AME. L'Assemblée nationale les rétablira, heureusement. Le débat ne s'arrête pas là. Nous devons revoir le dispositif. La principale piste défendue par l'IGAS et l'IGF, tout autant que par l'Académie de médecine, c'est l'insertion de l'AME dans l'assurance maladie. Je souhaite que le Gouvernement fasse sienne cette proposition après en avoir étudié l'impact en matière de santé et de coût. Le rattachement de l'AME à l'assurance maladie avait cours avant 1993.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.  - À la commission des finances, nous souhaitons recentrer l'AME, non l'élargir. La noyer dans la comptabilité de l'assurance maladie n'irait pas dans le bon sens. Avis défavorable.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Cet amendement a deux objets distincts : la couverture des soins pour les plus précaires, et le rattachement de l'AME à l'assurance maladie. La première demande est satisfaite par l'article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoit un rapport sur l'accès aux soins des populations les plus fragiles. Quant à la seconde, je n'y suis pas favorable. Les logiques de l'AME et de l'assurance maladie sont différentes. L'AME relève de l'action sociale et humanitaire financée par l'État. La sécurité sociale fonctionne sur une redistribution des contributions. Avis défavorable.

L'amendement n°II-206 rectifié bis n'est pas adopté.

Solidarité, insertion et égalité des chances

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La mission, qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale à destination des plus défavorisés, voit ses crédits augmenter de 8,7 % par rapport à 2017, soit plus 1,5 milliard d'euros liés au dynamisme des dépenses : la prime d'activité, l'Allocation aux adultes handicapés (AAH) et la protection des majeurs représentent 80 % des crédits de la mission.

Cette augmentation des crédits, cependant, n'est pas à la hauteur des besoins et des risques de dépassements sont à prévoir.

L'année 2018, malgré la volonté louable de « sincérisation » des crédits, ne dérogera pas à l'ouverture massive de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative - en particulier pour la prime d'activité et l'AAH. Autre insuffisance, la non-compensation des crédits issus de la réserve parlementaire, alors que 6,6 millions avaient été ouverts en 2017 sur la mission Solidarité. Le manque à gagner est important pour les associations d'aide alimentaire, qui ont perçu 1,7 million d'euros l'an passé - dont 700 000 euros pour Les Restos du coeur et 200 000 euros pour la Banque alimentaire.

C'est pourquoi, à mon initiative, la commission a adopté un amendement rétablissant ces crédits pour les associations.

Quant à l'égalité hommes-femmes, elle n'est pas traitée comme elle devrait. Les crédits pour l'action relative à la sortie de la prostitution sont en baisse de 1,8 million d'euros, en contradiction avec la loi du 13 avril 2016. Un amendement demandera de les rétablir, nous les soutiendrons.

Les enveloppes « exceptionnelles », quant à elles, sont insuffisantes. Le Fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI) est doté de 50 millions d'euros seulement.

L'État ne rembourse pas assez les dépenses de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) des départements, qui ne peuvent plus faire face à l'afflux croissant de mineurs non accompagnés, qui sont aujourd'hui 25 000 contre 2 500 fin 2014.

Le Premier ministre a annoncé, fin octobre, que l'État prendrait à sa charge les dépenses d'évaluation et de mise à l'abri de ces mineurs isolés, mais le projet de loi de finances ne prévoit aucun crédit. L'État doit prendre ses responsabilités. Nous attendons que la mission en cours sur le sujet aboutisse à une traduction budgétaire rapide.

Malgré ces insuffisances, la commission des finances a décidé d'adopter ces crédits revus par ses amendements. (M. Roger Karoutchi applaudit.)

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances .  - M. Bazin a souligné les insuffisances budgétaires de cette mission qui n'augmente qu'en trompe-l'oeil au gré de réformes paramétriques qui sont des mesures d'économie au détriment des populations les plus fragiles - ceci sans aucune concertation. La revalorisation de la prime d'activité, notamment, masque la diminution des subventions pour les plus pauvres : prime d'activité, AAH et protection juridique des majeurs.

Le Gouvernement exclut de la prime d'activité, au 1er janvier, les bénéficiaires de rentes AT-MP et de pensions d'invalidité, au motif qu'il n'y aurait que 10 000 bénéficiaires. C'est injuste et injustifié, puisque ces personnes sont fragiles et que, dans les faits, 250 000 personnes pourraient en bénéficier. C'est pourquoi la commission des finances a adopté un amendement de suppression de l'article 63.

Le Gouvernement prévoit un rapprochement des règles de prise en compte des couples à l'AAH sur celles du RSA et la disparition, à compter de 2019, du complément de ressources de l'AAH. C'est un regrettable alignement vers le bas qui ignore la situation des personnes en situation de handicap.

Outre les personnes en situation de handicap, ce budget touche de plein fouet les personnes soumises à des mesures de protection, dont la moitié se situe déjà en dessous du seuil de pauvreté. Ce budget prévoit, en effet, la mise en oeuvre, au 1er avril 2018, d'une réforme du barème de participation des personnes protégées, augmentant la part financée par les personnes protégées afin de compenser la baisse du financement public. Il s'agit, là, d'un regrettable désengagement de l'État.

Outre ces discrets coups de rabots budgétaires au détriment des plus fragiles, la hausse du budget de la mission masque également la baisse, à périmètre constant, de près de 2 % des crédits du programme 124 qui porte l'ensemble des crédits de soutien des politiques des ministères sociaux et la contribution de l'État au fonctionnement des agences régionales de santé. Les ministères sociaux ainsi que les agences régionales de santé sont ainsi touchés de plein fouet par des mesures de restriction budgétaire justifiées par le respect de la trajectoire financière fixée par le Gouvernement. La poursuite de ces économies et particulièrement de la réduction des effectifs, notamment au sein des ARS, interroge sur la capacité de ces organisations à fonctionner de façon viable et durable.

Personnellement j'avais émis un avis défavorable aux crédits de la mission. La commission des finances les a adoptés modifiés par ces amendements.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - Le temps imparti ne me permet pas de commenter autant qu'elle le mériterait l'augmentation sensible de 2,1 % des crédits de la mission « Solidarité ». Sixième mission budgétaire de l'État, elle arrive systématiquement en tête des ouvertures de crédits supplémentaires demandées dans les lois de finances rectificatives successives. Avec plus d'un milliard d'euros de rallonge, l'exercice 2017 ne fait pas exception au principe. Cela illustre le caractère fondamentalement imprévisible de la dépense publique en matière de solidarité et appelle du Parlement une vigilance particulière sur la sincérité des crédits demandés pour l'exercice à venir.

La prime d'activité nous en fournit depuis deux ans l'illustration. Voilà une prestation sociale dont le succès certes ne se dément pas, mais dont l'objectif repose sur une ambiguïté. Nouveau minimum social ou incitation financière au retour à l'emploi ?

Pour la très grande majorité de ses bénéficiaires, il semble plutôt remplir le rôle d'un supplément de RSA. Il ne nous reste qu'à l'assumer et à assurer son pilotage en tant que tel.

Un grand sujet, qui est aussi un grand projet, doit être pleinement évoqué : la réforme engagée par le Gouvernement de l'AAH. La revalorisation substantielle de son montant, qui passera à 900 euros d'ici le 1er novembre 2019, est une excellente nouvelle. Depuis le plan pluriannuel de revalorisation de l'AAH lancé en 2008 à l'issue de la première Conférence nationale du handicap, peu de projets aussi ambitieux en la matière ont été lancés.

Je tiens néanmoins, Madame la Ministre, à vous exprimer mon attachement au caractère spécifique de l'AAH et au danger qu'il y aurait à calquer sur cette prestation, les critères généraux des autres minima sociaux, qui sont pour leur part conçus pour inciter à la reprise d'une activité. Le rapprochement initié de l'AAH et du RSA, sous le prétexte de réunir sous des principes communs les différents leviers de la solidarité nationale, présente, selon moi le danger de la perte d'une spécificité à maintenir. Nous serons vigilants à ce que vous puissiez apporter des corrections pour que ces mesures aient un impact limité sur la vie des personnes handicapées.

Nous connaissons, Madame la Ministre, votre mobilisation et votre engagement. Face à l'immense défi encore à relever de la construction d'une société vraiment inclusive, nous tenons à vous assurer du soutien sans faille du Sénat dans la poursuite de ce combat.

Outre ces observations générales sur les deux principaux programmes budgétaires de la mission, j'ai déposé, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement visant à rétablir le niveau des crédits de l'action du programme 137 relatif à la lutte pour la prévention de la prostitution et contre la traite des êtres humains.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement et à la condition que vous apportiez des corrections à la réponse de l'AMM, c'est un avis favorable que la commission des affaires sociales a émis à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit aussi.)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Les crédits de cette mission s'établissent à 19,4 milliards d'euros, en hausse de 1,5 milliard, soit 8,7 % : c'est un effort considérable, concentré sur les programmes 304 et 157.

Comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le premier budget du quinquennat porte la marque de la sincérité et de la lutte contre les exclusions. Il anticipe le dynamisme des dépenses d'intervention afin d'enrayer leur sous-budgétisation chronique.

La hausse de la prime d'activité et de l'AAH traduit un choix fort en faveur du pouvoir d'achat des salariés et de la solidarité avec les plus fragiles. La prime d'activité sera ainsi revalorisée de 20 euros par mois dès septembre 2018 entre 0,5 et 1,2 Smic.

La réserve parlementaire allouait 700 000 euros aux Restos du coeur et 193 500 euros aux banques alimentaires. Les financements publics ne devront pas faire défaut. Nous comptons sur vous, Madame la Ministre, pour défendre le Fonds européen d'aide aux plus démunis à l'échelle européenne.

Avec 117 millions d'euros supplémentaires pour les mineurs non accompagnés, le Gouvernement prend la mesure de l'urgence humaine et budgétaire.

Les crédits du programme « Handicap et dépendance » s'établissent à 11,3 millions d'euros, en hausse de 6,6 %, avec pour objectif que les millions de Français handicapés choisissent librement leur mode de vie. L'AAH représente 85 % des crédits du programme, pour 9,7 milliards d'euros ; son montant sera revalorisé à 860 puis à 900 euros fin 2019, avec 34 000 nouveaux bénéficiaires. C'est un effort budgétaire de 2 milliards d'euros sur le quinquennat. Les règles d'appréciation pour les bénéficiaires en couple sont rapprochées de celles qui prévalent pour les autres prestations. Au total, 155 000 bénéficiaires verront leur pouvoir d'achat augmenter. Je salue cet engagement au service de la solidarité.

Ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale ni cette mission ne suffiront à épuiser la question de l'égalité femmes-hommes, déclarée grande cause nationale du quinquennat. C'est un fil rouge des politiques publiques, qui doit mobiliser chaque ministère. Les crédits sont stabilisés pour 2018. Saluons le volontarisme du Gouvernement en la matière.

Le groupe LaREM votera ces crédits sincères et solidaires qui s'inscrivent dans une trajectoire de croissance. Il y a tant à faire, Madame la Ministre. Nous sommes prêts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Nassimah Dindar .  - La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est capitale. Sixième par la masse budgétaire, elle représente 20 milliards d'euros pour les plus démunis. Le groupe UC salue la hausse des crédits de 8,7 %.

Ce budget se veut plus sincère. L'AAH et la prime d'activité étant des dépenses très dynamiques, elles sont souvent sous-budgétées. Nous craignons toujours des artifices et des ajustements...

Les rentes AT-MP et pensions d'invalidité seront exclues du calcul de la prime d'activité et l'AAH prise en compte comme revenu professionnel. Des travailleurs handicapés pourront donc être exclus du versement de la prime d'activité, qui perd son caractère universel. Le groupe UC votera l'amendement du rapporteur qui supprime l'article rattaché.

En contrepartie, les crédits de l'AAH augmentent de 9,7 milliards d'euros en 2018, pour financer sa revalorisation. Mais je m'inquiète des conséquences du gel des compléments de ressource pour les couples et de l'alignement sur les règles applicables aux couples au RSA.

Ces allocations ne répondent pas à la même logique. La prime d'activité s'attaque à la précarité dans l'emploi quand l'AAH accompagne la vulnérabilité dans le parcours de vie. La loi de février 2005 distingue bien entre ressources pour vivre et compensation des dépenses occasionnées par le handicap.

L'article 63 rétrécit et cloisonne les publics, à l'encontre de l'objectif d'une société inclusive. Sans soupçonner le Gouvernement d'avoir voulu discrètement réduire les dépenses, le groupe UC appelle à une coordination des aides existantes. AAH1 et 2, compléments divers, aides de la PCH, compléments de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) payés par la CAF, les différents dispositifs pour les personnes porteuses de handicap sont aussi labyrinthiques que les couloirs du Sénat ! (Sourires) Il faut simplifier.

Nous militons pour le déplafonnement de la durée des droits de l'AEEH, pour éviter aux parents d'enfants porteurs de handicap irréversible de devoir refaire une demande tous les deux ou cinq ans...

Je salue l'effort fait pour les mineurs non accompagnés : les crédits passent de 31,9 millions à 143 millions d'euros. Leur prise en charge sera facilitée, les départements s'en réjouissent.

Le groupe UC votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Arnaud Bazin et Phillipe Mouiller applaudissent aussi.)

M. Jean-Louis Tourenne .  - L'examen de ce projet de loi de finances intervient dans un contexte de croissance retrouvée, grâce aux politiques menées sous le précédent quinquennat. Nous devrions nous en répartir les fruits savoureux. Hélas, la corbeille a été vidée de 5 milliards, au profit des particuliers fortunés déjà repus. La solidarité n'est pas au hit-parade des priorités du Gouvernement, et les cadeaux aux plus riches obligent à modérer les bénéfices pour les plus modestes.

Derrière un discours flatteur, on reprend d'une main ce qu'on accorde de l'autre. La prime d'activité remplaçait la prime pour l'emploi et le RSA chapeau, dont le taux de recours était inférieur à 35 % ; elle a vu son nombre de bénéficiaires croître rapidement ; 9 % des allocataires du RSA socle y sont devenus éligibles. Son augmentation de 20 euros par mois n'interviendra que fin 2018. Or les crédits inscrits pour 2018 sont au niveau des dépenses réelles de 2017 : 6,5 milliards. Volontaire sous-estimation ou réduction inavouée du périmètre des bénéficiaires ?

Les bénéficiaires de rentes AT-MP ne recevront plus la prime d'activité - une grande violence pour ces victimes du travail. Les sous-évaluations sont légion, pour la prime de Noël ou le RSA jeunes : 5,4 millions d'euros inscrits en 2018, alors que la dépense était de 8 millions en 2016 et de 10 millions en 2017.

La prime d'activité avait suscité un débat passionné en 2016. La majorité sénatoriale, voulant à la fois proposer économies et dénoncer l'insincérité du budget, s'était fondée sur un taux de recours de 32 %, il avait été de 70 % !

Trompe-l'oeil que les annonces sur l'AAH qui n'augmentera de 3 % qu'au 1er novembre 2018, alors que les mesures fiscales, elles, sont applicables dès le 1er janvier. C'est une bombe à retardement pour le budget 2019 !

Alignement par le bas aussi pour les couples à l'AAH, le coefficient passant de 1,9 à 1,8.

Le verbe prime sur l'action. Un fossé, un ravin, un océan les sépare !

L'égalité femmes-hommes est déclarée grande cause du quinquennat alors que les crédits diminuent de 12 %, et de 35 % pour l'action « Prévention et lutte contre la prostitution ».

Les allocations individuelles de solidarité grèvent les budgets des départements. Les négociations sur la renationalisation du RSA n'ont pas abouti et les ressources de la CNSA affectées aux départements ont baissé de 70 à 61,4 %.

Les déclarations du président de la République lors de la Conférence des territoires en faveur du regroupement des allocations de solidarité et leur reprise en main par l'État n'augurent rien de bon. La tentation libérale d'un Welfare à l'américaine demeure, en témoigne la diminution drastique des contrats aidés.

Générosité pour les riches, compassion minimale pour les pauvres : ces crédits sont inacceptables pour mon groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Joël Guerriau .  - Cette mission a connu une hausse structurelle des dépenses de 2009 à 2017, de 11,5 à 19,4 milliards d'euros. Nous pourrions y voir une attention accrue des pouvoirs publics. Ce n'est pas si simple. Il faudrait un pilotage sans faille de ce sixième budget de l'État. C'est loin d'être le cas : on a mis à la mer un navire sans pilote.

Alors que la mission « Solidarité » est au coeur de l'action publique, la sous-budgétisation est systématique depuis 2012. Le programme 104, « Inclusion sociale » voit ses crédits augmenter de 15 % avec la revalorisation de la prime d'activité. Le programme 167 « Handicap et dépendance » voit ses dépenses augmenter de 7,8 % avec la revalorisation de l'AAH. Nous approuvons cette évolution.

Les mineurs non accompagnés seront 25 000 pour 2018, deux fois plus qu'en 2016 : pour les départements, c'est une charge de plus en plus lourde, bientôt insoutenable. Nous saluons l'augmentation des crédits de 741 %. Il est urgent de trouver de nouvelles formes de financement. Nous vous proposerons un amendement pour régler le problème au plus vite.

Le groupe RTLI s'abstiendra. S'il salue les initiatives du Gouvernement, il ne peut se satisfaire de la sous-budgétisation chronique de cette mission.

M. Jean-Marc Gabouty .  - La mission « Solidarité » est dotée de 19,4 milliards, sixième budget de l'État. Mais son importance n'est pas que financière. Elle recouvre une série de dispositifs de prévention, d'aide et d'incitation essentiels mais souvent difficiles à évaluer. On peut ainsi s'interroger sur la faiblesse du taux de sortie, seulement 4 % pour la prime pour l'emploi, dont le caractère incitatif reste donc limité.

L'AAH mobilise 9,7 milliards, en progression de 40 millions d'euros pour financer la hausse de 50 euros par mois à partir du 1er novembre 2018. Pour la prime d'activité, c'est 5,1 milliards d'euros, soit 200 millions d'euros de plus, pour couvrir la majoration de 20 euros par mois à compter d'octobre 2018. Cela correspond aux engagements du président de la République, mais l'effort budgétaire est en réalité reporté sur 2019.

Le périmètre d'octroi des aides nous interroge également. Attention à ne pas exclure certains publics fragiles.

L'augmentation des crédits s'appuie sur le fonds d'aide à l'insertion, doté de 50 millions d'euros, et sur la dépense de l'aide sociale à l'enfance pour les mineurs non accompagnés, à hauteur de 66,8 millions.

Le nombre de bénéficiaires a explosé : 25 000 mineurs non accompagnés, contre 2 500 il y a trois ans. Imaginez le reste à charge pour les départements, déjà en difficulté financière. Cette progression non maîtrisée relève d'une politique d'immigration nationale, acceptée ou subie, que l'État doit assumer. Le rapport d'information de nos collègues Doineau et Godefroy préconisait une trentaine de mesures allant d'une meilleure maîtrise de l'immigration à l'approfondissement des partenariats avec les départements.

La légère hausse des crédits pour l'égalité hommes-femmes n'est pas à la hauteur de l'ambition d'en faire une grande cause nationale. Notons toutefois qu'ils font l'objet d'une sous-consommation récurrente.

Saluons enfin la maîtrise des dépenses de fonctionnement et de personnel, en baisse de 28 millions. Le groupe RDSE votera ces crédits qui traduisent une approche sincère et un effort conséquent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Michel Forissier .  - S'il est un domaine où l'effort de la Nation ne doit pas faillir, c'est bien la solidarité, essentielle pour que les plus fragiles conservent une lueur d'espoir...

Les crédits augmentent, notamment avec la revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH. Cependant, les rapporteurs ont noté des coups de rabot plus discrets, décidés sans concertation et qui touchent les plus fragiles. La prime d'activité, qui remplace la PPE et le RSA, monte en puissance avec un taux de recours prévu de 75 % - ne parlons pas des risques de sous-budgétisation. L'article 63 en exclut les titulaires de pensions d'invalidité ou de rente AT-MP, au motif que cette incitation à l'emploi ne les concerne pas et que le taux de recours serait très faible. Au Gouvernement de mieux communiquer ! L'incitation est très faible : seuls 4 % des bénéficiaires sortent du dispositif. Bref, la prime d'activité est plutôt un minimum social, loin de la philosophie de création du RSA.

Notre majorité avait revalorisé l'AAH de 25 % entre 2008 et 2012. Ici, la revalorisation est plafonnée pour les couples. Je regrette l'alignement avec le RSA, par le bas. En 2019, le complément de ressources de l'AAH disparaîtra au profit d'une autre aide à l'autonomie, sans assurance sur son niveau. Enfin, si l'AAH est revalorisée à 900 euros, je rappelle que le seuil de pauvreté est de 1 015 euros...

Les crédits alloués à la lutte contre la prostitution baissent de 26,5 %, alors que la loi du 13 avril 2016 prévoit un parcours de sortie de la prostitution avec aide financière et accompagnement social et professionnel. Rendez-vous dans quelques mois pour faire le point.

Un amendement de M. Bazin tente de réparer les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire. Malgré un amendement à l'Assemblée nationale réintroduisant 25 millions d'euros pour les associations, nous sommes loin du compte : la réserve leur attribuait 61 millions d'euros ! Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités, sinon les petites communes paieront la note, comme d'habitude.

Le groupe Les Républicains conditionne son soutien à l'adoption des amendements du rapporteur pour que cette mission continue à défendre les plus fragiles. Madame la Ministre, nous souhaitons que vos réponses soient à la hauteur de la qualité de votre écoute. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Laurence Cohen .  - L'augmentation des crédits de 1,5 milliard d'euros par rapport à 2017 est positive. L'État devant oeuvrer à rétablir la justice sociale, nous nous félicitons de la hausse de 20 euros par mois de la prime d'activité.

L'AAH passera de 860 à 900 euros par mois. C'est une bonne nouvelle, même si elle reste sous le seuil de pauvreté. Mais attention ! Le Gouvernement, si généreux en apparence, restreint le nombre de bénéficiaires par un savant mélange des genres, en appliquant les critères de minima sociaux à l'AAH qui est une compensation.

Avec la baisse du plafond, ce sont 108 000 couples qui perdront le bénéfice de l'AAH, avec des pertes de revenu de 75 à 179 euros : c'est la double peine !

Je relaie l'inquiétude des ESAT. On leur avait promis mille emplois supplémentaires, et on réduit de 6 % l'aide qu'on leur apportait ! Sachant que 500 000 personnes handicapées sont au chômage, c'est grave.

Le budget de l'égalité hommes-femmes est en légère hausse, mais les crédits destinés à accompagner la sortie de la prostitution sont amputés de 25 %. L'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) perd 1,5 million d'euros alors qu'elle est au coeur du dispositif !

Nous nous abstiendrons sur l'amendement du rapporteur car s'il répare cette baisse, c'est en prenant des crédits ailleurs. Il faut une hausse globale de l'enveloppe.

Le budget pour les mineurs non accompagnés passe de 20,1 millions à 132 millions en 2018. Toutefois, ils seront désormais soumis au droit des étrangers. Mon groupe, comme le Défenseur des droits, est inquiet. La Convention internationale des droits de l'enfant dispose qu'un mineur étranger doit se voir accorder la même protection que tout autre enfant.

Le groupe CRCE votera contre ces crédits malgré leur hausse, en raison de reculs inadmissibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Veuillez excuser Mmes Buzyn et Schiappa.

Merci de vos interventions. Ce budget est le reflet du parti pris de la sincérité budgétaire et de la priorité donnée à la solidarité envers les plus fragiles. Cette mission finance l'aide aux plus défavorisés et soutient l'égalité femmes-hommes.

L'augmentation, de 8,7 % par rapport à 2017, est considérable. L'essentiel va à la prime d'activité et à l'AAH. Cela s'ajoute à la revalorisation de 100 euros par mois du minimum vieillesse décidée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le président de la République s'était engagé à revaloriser l'AAH pour que chacun trouve sa place dans le projet national, pour une vie plus libre et plus digne. Cette revalorisation de plus de 11 % sur deux ans est sans précédent, à comparer avec les hausses de 2,5 % en moyenne pendant les sept dernières années.

Il y a en effet un rapprochement - et non un alignement - des règles de calcul pour les couples à l'AAH avec celui des autres minima. J'entends dire que les couples ne toucheraient plus l'AAH - c'est faux. Plus de 155 000 bénéficiaires en couple jouiront pleinement de la réforme avec une garantie de revenus à 1 620 euros, soit un montant supérieur au seuil de pauvreté. L'abattement de 20 % sur les revenus du conjoint est maintenu et la simplification des compléments de ressources ne sera effective qu'en 2019. L'objectif est de flécher les financements vers ceux qui supportent les charges les plus élevées et de simplifier pour ne plus surévaluer.

La prime d'activité touchée par 2,5 millions de foyers modestes augmentera, conformément à l'engagement du président de la République, de 20 euros au 1er janvier 2018. Il est important que le travail rapporte. Sa hausse se poursuivra pour atteindre 80 euros au niveau du SMIC. Entre la suppression des cotisations sociales et la hausse de CSG, c'est un gain de 263 euros par an pour une personne au SMIC.

La très forte progression des crédits s'accompagne de mesures minorant son impact budgétaire, sans remettre en cause l'économie globale du dispositif et son impact favorable pour les bénéficiaires.

Les engagements du président de la République et du Premier ministre sur les mineurs non accompagnés sont très clairs : l'État doit faire plus et mieux pour aider les départements. Même si l'ASE relève de ces derniers, l'État a une responsabilité forte. Il faut une harmonisation des conditions d'évaluation, qui diffèrent d'un département à l'autre. Le Premier ministre a donc lancé avec le président de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, une mission pour trouver des solutions opérationnelles. Les moyens passeront dès 2018 de 15 millions d'euros à 132 millions d'euros.

Je veux rassurer Mme Schillinger et M. Bazin : l'aide alimentaire bénéficiera de 7,7 millions d'euros supplémentaires.

La politique d'égalité femmes-hommes participe de l'inclusion sociale. Grande cause nationale du quinquennat, elle mobilise tout le Gouvernement, dans une approche interministérielle. Les actions inscrites dans le document de politique transversale totalisent 420 millions d'euros, en progression par rapport à 2017. À l'issue de son tour de France de l'égalité, le président de la République validera le programme gouvernemental. Les crédits du programme sont en hausse de 8 %, avec un taux de réserve de précaution de 3 %, contre 8 % précédemment. Et le Gouvernement s'engage à pérenniser ce niveau de crédits.

Enfin, le programme 124 correspond à la masse salariale des 18 276 emplois d'administration centrale. Dans la perspective d'une baisse de l'emploi public, nous travaillons à davantage d'efficience. Je vous présente un budget rigoureux et sincère. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE et sur certains bancs du groupe UC)

ARTICLE 29 ÉTAT B

M. le président. - Amendement n°II-205, présenté par M. Bazin, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

20 000 000

20 000 000

Handicap et dépendance

Égalité entre les femmes et les hommes

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

dont titre 2

20 000 000

20 000 000

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - Cet amendement tire les conséquences de la suppression de l'article 63, qui visait à ne pas exclure de la prime d'activité les bénéficiaires de pensions d'invalidité et de rentes AT-MP, pour une économie de 20 millions d'euros. Il diminue donc d'autant les crédits relatifs aux dépenses de fonctionnement et d'immobilier des ministères sociaux, portées par le programme 124.

Des gains de productivité et d'efficience sont attendus en 2018 sur la politique d'achat et la politique immobilière. En outre, ce programme fait l'objet d'annulations régulières en gestion.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est opposé à la suppression de l'article 63, donc à cet amendement.

Les crédits de l'action 12 que vous minorez couvrent des dépenses obligatoires, comme les dépenses locatives. En réduisant d'un million d'euros les crédits de l'action 11, vous mettez en péril la modernisation et la sécurisation des systèmes d'information. Enfin, les crédits du programme 124 ont déjà fait l'objet d'un coup de rabot de 900 000 euros en deuxième délibération à l'Assemblée nationale. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Nous partageons l'objectif du rapporteur, mais il est difficile de prendre à des programmes sociaux pour donner à d'autres programmes sociaux. On a beau avoir déjà procédé ainsi, on ne va pas continuer jusqu'à ce que mort s'ensuive !

D'accord sur les objectifs, nous ne pourrons soutenir les moyens employés par cet amendement. Le groupe SOCR s'abstiendra.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - Le fait est que nous examinons cet amendement avant celui supprimant l'article 63. Mais chacun a pu se faire une idée sur l'injustice de cet article.

Cela dit, il y aura des reprises de crédits concernant ces lignes cette année comme les précédentes ; il n'y a pas péril en la demeure.

L'amendement n°II-205 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-225, présenté par M. Bazin, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

3 924 852

 

3 924 852

 

Handicap et dépendance

1 765 568

 

1 765 568

 

Égalité entre les femmes et les hommes

945 900

 

945 900

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

dont titre 2

26 000

6 662 320

26 000

6 662 320

TOTAL

+ 6 662 320

- 6 662 320

+ 6 662 320

- 6 662 320

SOLDE

0

0

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - Cet amendement vise à compenser la suppression des crédits issus de la dotation d'action parlementaire, dite réserve parlementaire, dont bénéficiait la mission Solidarité, et qui n'ont été que partiellement compensés. En effet, en 2017, sur les 147 millions d'euros ouverts au titre de la réserve parlementaire, 61 millions d'euros étaient destinés aux associations, par le biais de crédits ouverts sur la plupart des missions du budget général. L'abondement du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) à hauteur de 25 millions d'euros ne suffit donc pas à compenser l'intégralité de la réserve.

Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas indiqué clairement quelles seront les associations destinataires de ces crédits supplémentaires abondant le FDVA, indiquant seulement que « ces crédits seront prioritairement destinés aux associations ne bénéficiant pas du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires », donc des petites associations.

Dans ces conditions, cet amendement vise à majorer les crédits de la mission du montant des crédits tels qu'ouverts et répartis en 2017, au titre de la réserve parlementaire, soit un montant de 6 662 320 euros.

La non-compensation de ces crédits pour 2018 met, en effet, en difficulté toutes les associations bénéficiaires de la réserve, notamment les banques alimentaires, le Secours populaire, l'Association des paralysés de France, la Croix-Rouge, le mouvement du Nid.

Afin de financer ces dépenses supplémentaires, le présent amendement propose de réduire de 6 662 320 euros les crédits du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », en AE et CP, en diminuant de 500 000 euros l'action 10 « fonctionnement des services », de 4 412 320 euros l'action 12 « Affaires immobilières », de 500 000 euros l'action 14 « Communication », de 500 000 euros l'action 15 « Affaires internationales et européennes » et de 750 000 euros l'action 16 « statistique, études et recherche ».

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Nous entendons les inquiétudes des associations face à la suppression de la réserve parlementaire. Le Gouvernement a proposé d'abonder de 25 millions d'euros supplémentaires le FDVA qui bénéficiera particulièrement aux petites associations. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - Nous maintenons l'amendement.

Mme Laurence Cohen.  - On ne peut pas amputer tel ou tel crédit dont les missions ont besoin. Je pense à l'égalité hommes-femmes.

Le Gouvernement doit assumer ce mauvais choix qu'il a fait. Ce n'est pas au Sénat de parlementer pour déshabiller Jacqueline et rhabiller Paulette. (Sourires)

M. Jean-Louis Tourenne.  - Même avis. La suppression de la réserve parlementaire pénalise des associations caritatives, qui verront aussi disparaître les emplois aidés, alors qu'elles ont une fonction essentielle dans la lutte contre la pauvreté et le soutien à ceux qui sont marginalisés. Je ne voterai pas cet amendement, mais je demande au Gouvernement de rétablir les crédits distribués au titre de la réserve parlementaire et de montrer de la bienveillance envers les associations.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Le rabotage continue sur les postes support - cela doit être limité. Rétablir des crédits, c'est bien ; mais attention à l'endroit où l'on prend. La bonne solution, Madame la Ministre, serait en effet que vous plaidiez pour le rétablissement des crédits.

On s'aperçoit maintenant du manque que laisse derrière elle la réserve parlementaire pour le milieu associatif et les collectivités territoriales.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - J'entends bien des reproches faits à ma proposition, d'aller reprendre des crédits ailleurs.

Plus de 4,4 millions d'euros sont pris sur les affaires immobilières, qui donnent lieu à des rendus de crédits de 60 millions à 70 millions d'euros selon les années. Vous pouvez voter cet amendement sans danger.

M. Michel Magras.  - Je ne m'explique toujours pas la suppression de la réserve parlementaire. Je l'ai toujours utilisée via le ministère de l'outre-mer pour des associations.

De quel droit le préfet serait-il plus compétent qu'un parlementaire pour attribuer des subventions à des associations ?

La démarche unilatérale du Gouvernement est inacceptable et erronée. C'est de l'amateurisme. Elle méconnaît profondément la fonction des parlementaires, ce qui est tout à fait regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Taillé-Polian applaudit aussi.)

L'amendement n°II-225 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-92, présenté par M. Mouiller, au nom de la commission des affaires sociales.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

1 800 000

 

1 800 000

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

dont titre 2

 

1 800 000

 

1 800 000

TOTAL

1 800 000

1 800 000

1 800 000

1 800 000

SOLDE

 0

 0

M. Philippe Mouiller.  - La loi du 13 avril 2016 est tout juste appliquée. Il est difficile de diminuer les crédits, alors que les personnes qui sortent de la prostitution en ont besoin. Nous proposons donc de revenir aux crédits tels qu'ils étaient en 2017.

M. le président.  - Amendement identique n°II-172 rectifié ter, présenté par Mmes Meunier, Rossignol, Monier et Blondin, M. Vaugrenard, Mmes Lepage, de la Gontrie, Harribey et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Féret, Guillemot et Ghali, MM. Féraud et Todeschini, Mme Lubin, MM. Fichet et Lalande, Mmes Van Heghe, Taillé-Polian et Grelet-Certenais, MM. Duran, Kerrouche, Tourenne, Tissot, Sueur, Manable, Jomier, Kanner, Durain, Lozach, Assouline, Antiste et M. Bourquin, Mme Préville, M. Courteau et Mme Tocqueville.

Mme Michelle Meunier.  - Ces crédits soutiennent trois formes d'intervention : un soutien aux associations têtes de réseau, partenaires de l'État en matière de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle ; des crédits permettant le versement de l'allocation financière d'insertion sociale et professionnelle et des crédits permettant aux services déconcentrés d'apporter un soutien aux associations agréées.

Les baisses de 1,8 million d'euros sont incompréhensibles pour les associations, l'année d'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - Je comprends votre volonté d'augmenter les crédits consacrés à l'égalité femmes-hommes. Mais pas en prenant sur les crédits du programme 124. Les crédits de l'action 15 ont été calculés sur la base d'une montée en charge, progressive de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFISS). C'est ce qui s'est passé en 2017.

La loi du 13 novembre 2016 s'est mise en place de manière progressive. Ainsi, le 30 novembre 2017, 24 demandes ont reçu un avis favorable. Une vingtaine de dossiers est à l'étude. La dynamique va s'enclencher. Avis défavorable.

Mme Esther Benbassa.  - Les crédits baissent de 26 %, alors qu'ils servent à financer le parcours de sortie du système prostitutionnel.

On nous annonçait la fin des problèmes de violence, des problèmes sanitaires dus à l'isolement, puisque les prostituées pouvaient trouver un emploi... Or, de l'aveu de Mme Schiappa, elle-même, seules cinq personnes ont bénéficié de ce parcours...

Ce budget aura pour conséquence l'abandon des personnes prostituées. Quand on dit vouloir faire une priorité de la lutte contre les violences faites aux femmes, cela pourrait faire sourire. Cependant, ces problèmes appellent la plus grande gravité.

Mme Michelle Meunier.  - Cette diminution de crédits ne permettra pas à la loi de s'exercer. Je maintiens mon amendement.

Mme Laurence Cohen.  - Samedi 25 novembre, Journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes, nous avons assisté à une prise de conscience au plus haut niveau de l'État. Paradoxalement, le Gouvernement diminue les crédits de lutte contre la prostitution, cette violence faite aux femmes. J'appelle le président de la République et Mme Schiappa à réfléchir. Les mots, c'est bien, mais il faut des moyens. Faire bouger les crédits au sein d'enveloppes fermées n'a pas de sens. Nous nous abstiendrons donc.

Les amendements identiques nosII-92 et II-172 rectifié ter sont adoptés.

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », modifiés, sont adoptés.

ARTICLE 63

M. le président.  - Amendement n°II-204, présenté par M. Bazin, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - Cet amendement supprime l'article 63.

M. le président.  - Amendement identique n°II-208, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°II-226 rectifié ter, présenté par Mmes Dindar, Malet et Guidez, M. Vanlerenberghe et Mme Joissains.

Mme Nassimah Dindar.  - Défendu.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État.  - La dérogation que l'article 63 supprime n'est pas en cohérence avec la prime d'activité : les rentes AT-MP et les pensions d'invalidité ne sont pas des revenus d'activité, mais des prestations sociales et des revenus de remplacement. Seuls 9 358 foyers sur plus de 2 millions de foyers sont concernés. Ce seuil n'a pas vocation à évoluer. Avis défavorable.

Les amendements identiques nosII-204, II-208 et II-226 rectifié ter sont adoptés.

L'article 63 est supprimé.

L'article 64 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°II-147 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Imbert, MM. Babary et Bazin, Mme Berthet, M. Bonne, Mme Bories, MM. J.M. Boyer, Brisson, Buffet, Chaize et Charon, Mmes L. Darcos, Deroche et Deromedi, MM. Dufaut et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest et Gremillet, Mme Gruny, MM. Husson et Laménie, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lopez, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paccaud, Panunzi et Piednoir, Mme Puissat et MM. Reichardt, Revet et Saury.

Après l'article 64

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 mai 2018, un rapport sur l'opportunité d'élargir à des agents du service de l'aide sociale à l'enfance visé à l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles, individuellement désignés et spécialement habilités par le chef de service dont ils relèvent, dans le cadre strict de leur mission d'évaluation des mineurs non accompagnés, l'accès à l'application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France (AGDREF) et au traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa (VISABIO).

Mme Jacky Deromedi.  - L'application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France permet la tenue des dossiers individuels des étrangers par les préfectures et la production des autorisations et titres de séjour.

L'application Visabio, traitement automatisé de données biométriques à caractère personnel relatives aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa, rend disponible aux services de police, de gendarmerie et des douanes, un processus de contrôle avec consultation automatique du système d'information Schengen (SIS) et authentification biométrique des voyageurs, et contribue à l'identification des personnes en situation irrégulière.

Depuis 2013, certains agents des services fiscaux ont accès aux deux systèmes. L'évaluation sociale de la minorité et de l'isolement des jeunes se déclarant mineurs non accompagnés pourrait être facilitée par la mise en place des mêmes disponibilités pour certains agents du service de l'Aide sociale à l'enfance, individuellement désignés et spécialement habilités.

Il s'agirait ainsi d'éviter, comme cela peut être le cas aujourd'hui, que des étrangers majeurs qui ont fait une demande de visa, ou auxquels on a refusé un titre de séjour régulier, s'adressent aux services de protection de l'enfance, en se déclarant mineurs non accompagnés. 

Dans la mesure où l'accès à ces fichiers doit être scrupuleusement réglementé, il conviendrait que les services de l'État évaluent dans quelles conditions, et selon quelles modalités pourraient être ajoutés à la liste des bénéficiaires d'un accès en consultation de ces fichiers certains agents des services départementaux de l'Aide sociale à l'enfance.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial.  - L'augmentation de mineurs « non accompagnés », comme on les appelle désormais, est dramatique. J'ai du mal à comprendre cette dénomination, car les filières accompagnent en réalité les mineurs jusqu'à nous en échange de 4 000 à 7 000 euros selon les pays d'origine. Nous dénonçons ce problème depuis plus de trois ans.

Le Premier ministre, au congrès de l'ADF en octobre à Marseille, a indiqué que l'État devait prendre en charge le premier accueil et l'évaluation des mineurs non accompagnés. Ceux qui sont reconnus mineurs - certains ne le sont pas - doivent être confiés aux départements au titre de l'aide sociale à l'enfance.

Aujourd'hui, l'État ne compense que cinq journées à raison de 250 euros la journée. C'est évidemment très insuffisant.

Une mission partagée entre l'ADF et les services de l'État doit étudier des propositions pour que chacun prenne sa juste part dans l'accueil des mineurs non accompagnés. Elle rendra ses conclusions au 15 décembre. Le rapport prévu par cet amendement serait rendu bien plus tard.

L'amendement n°II-147 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-200 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Capus, Guerriau et Malhuret, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc, Wattebled, Decool, Bignon et Fouché.

Après l'article 64

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2019, un rapport sur la prise en charge financière et sociale des mineurs non-accompagnés et le fonctionnement de la mission mineurs non-accompagnés.

M. Joël Guerriau.  - Je viens d'obtenir des explications. Cet amendement proposait un rapport d'information. Nous le retirons.

L'amendement n°II-200 rectifié est retiré.

La séance, suspendue à 18 h 5, reprend à 18 h 30.

Défense

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Un quinquennat vient de s'achever avec sa loi de programmation militaire. Quel bilan en tirer ? La loi de programmation militaire 2014-2019 a réduit les moyens financiers et humains dans la lignée de la loi de programmation militaire précédente. Dans le même temps, nos engagements s'accroissent, au Sahel, au Levant, sans compter les missions sur le territoire national, pour les armées de l'air, de terre et la marine. Malgré l'habileté de votre prédécesseur, les inflexions données étaient en deçà des besoins. Vous héritez Madame la Ministre d'une situation préoccupante : la régénération des matériels n'est pas assurée, l'état de bien des bâtiments dans lesquels nos soldats évoluent est désastreux, tout ceci dans un monde de plus en plus dangereux et changeant. Votre objectif d'atteindre 2 % du PIB en 2025 est à apprécier à l'aune des dépenses militaires mondiales, qui représentent 2,3 % du PIB mondial. Le budget militaire de la Chine est quatre fois plus important que le nôtre, les États-Unis envisagent d'augmenter le leur de 54 milliards de dollars, à 700 milliards... Jamais on n'a vendu autant d'armes dans le monde. La menace est diffuse sur notre sol. On ne peut demander toujours plus à nos armées sans augmenter leurs moyens.

Je veux saluer votre détermination qui transparaît dans une sincérité du budget, avec la hausse des crédits pour les OPEX de 450 à 650 millions, même si la dépense finale dépassera le milliard, plan famille pour fidéliser les personnels, revalorisation de la condition militaire.

À moyen terme, il faudrait atteindre 2 % du PIB avec une majoration annuelle de 2,25 milliards pendant huit ans. Vous nous proposez 1,8 milliard cette année et 1,7 milliard jusqu'en 2022, pour atteindre finalement 40 milliards annuels, au lieu des 50 milliards qui correspondent à 2 % du PIB.

Je ne puis que déplorer ce renvoi de l'effort au prochain quinquennat. Pour 2018, les crédits passeront de 32,4 milliards à 30,2 milliards. Ils seront majorés de 200 millions pour les OPEX. C'est un effort insuffisant, même s'il est à saluer.

Notre commission a voulu retenir les bonnes orientations de ce budget.

Nous restons préoccupés par deux points cependant : un surcoût des OPEX estimé à 350 millions doit être pris en charge par l'ensemble des ministères. Ensuite, Bercy est aux abonnés absents sur les 700 millions d'euros à dégeler dans la loi de finances rectificative 2017.

Le vent du nouveau monde ne souffle pas à Bercy, revoici les tours de passe-passe budgétaires qui nous conduisent à des impasses. Nous ne pourrons pas voter votre budget si ces 700 millions d'euros étaient purement et simplement annulés.

Nous refusons de poursuivre ces errements du passé qui consistent à remettre à demain les efforts nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le budget pour 2018 donne-t-il plus de moyens aux armées, permet-il la « remontée en puissance » dont vous parlez, Madame la ministre ? Tous les indicateurs sont à la hausse mais cette évolution est en trompe-l'oeil, car 90 % du surcroît est déjà dépensé. La hausse du budget est absorbée pour 420 millions par le report des charges, pour 200 millions par le « resoclage » des surcoûts d'OPEX et pour 1 milliard par le financement de mesures décidées l'an passé, hors la loi de programmation militaire. Il faut donc davantage parler de stabilisation que d'augmentation.

Les surcoûts d'OPEX ne sont pas engagés par les armées mais par le président de la République puis par le Parlement. Le principe de solidarité interministérielle doit jouer dans leur financement. En le rapatriant dans le budget de la défense, le Gouvernement risque d'en faire une variable d'ajustement, ce qui aurait de graves conséquences pour notre défense.

Les 700 millions d'euros de crédits gelés au titre du programme 146 nous préoccupent. Comment voter le budget de l'an prochain sous la menace de leur annulation pure et simple ? Madame la Ministre, j'espère que vous ferez évoluer la situation. Dans l'attente d'une issue heureuse, notre commission s'abstiendra sur les crédits de la mission Défense.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Ce débat budgétaire est un moment de vérité, car les enjeux de sécurité n'ont jamais été aussi brûlants. La commission des affaires étrangères et le Sénat ont soutenu les efforts de Jean-Yves Le Drian. Ils sont encore à vos côtés, Madame la Ministre, dans la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

Nous sommes attachés à une certaine éthique de notre fonction politique et par là même préoccupés par l'écart entre le discours et les moyens dégagés. Pas moins de 850 millions ont été annulés sur le budget de la défense puis sur le programme 146, sans compter un report de charges de 3,5 milliards d'euros. En outre la question du dégel des 700 millions d'euros reste entière. Alors que le « reste à payer » de la défense excède déjà 50 milliards d'euros, dont plus de 35 milliards pour le programme 146, comment assurer la moindre soutenabilité de la prochaine loi de programmation militaire, qui devra faire des investissements importants de modernisation ?

Le Gouvernement, enfin, concentre sur trois ans de 2023 à 2025 le principal de l'effort à fournir pour atteindre un budget de la défense à 2 % du PIB : une telle trajectoire est-elle bien crédible ? Pouvez-vous nous rassurer ? Nous sommes dans l'expectative. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le programme 178 voit ses crédits augmenter de 10,6 % par rapport à 2017. Le basculement du financement des OPEX de l'interministériel vers les armées améliore la sincérité du budget mais diminue les moyens des armées.

L'allocation supplémentaire de 450 millions pour l'entretien du matériel doit être poursuivie dans la prochaine loi de programmation militaire.

Il faudra aussi prévoir les crédits pour soutenir nos exportations. Les armées n'ont guère touché les bénéfices des 14 à 17 milliards d'exportations de ces dernières années. La prochaine loi de programmation doit réfléchir à ces enjeux.

Nous devons nous en tenir à une abstention. Par le passé, nous avons plusieurs fois soutenu votre prédécesseur et nous sommes également dans un état d'esprit très positif à votre égard, Madame la Ministre, ainsi qu'à notre armée. Nous ne dérogeons donc pas à ce principe. Notre abstention est donc positive, pour vous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Dominique de Legge applaudit aussi.)

Mme Christine Prunaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - L'activité opérationnelle, gage d'excellence et de la sécurité de nos militaires, est inférieure de 10 % aux objectifs. La commission s'en inquiète.

La trop lente remontée de la disponibilité technique opérationnelle (DTO), notamment pour les hélicoptères, est également préoccupante. Il faut poursuivre les efforts trop tardifs pour soutenir l'amélioration des résultats. L'externalisation complète du maintien en condition opérationnelle (MCO) n'est pas une bonne solution.

Enfin, la commission s'inquiète de la déflation des effectifs du commissariat des armées et du service de soutien qui subissent de plein fouet la réduction des personnels. Avec M. Bockel, nous avons rendu visite au Service de santé des armées (SSA) : les personnels sur-sollicités sont à la limite de leurs possibilités. Il est urgent et indispensable de placer ces services de soutien au coeur de la prochaine loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Les crédits du titre 2 inscrits au programme 212 augmentent de 3,24 % par rapport à 2017, à 20,37 milliards d'euros. La poursuite de la hausse des effectifs, de 518 emplois, accentue dans un sens favorable la trajectoire approuvée par le Conseil de défense du 6 novembre 2016 - au bénéfice de la sécurité du territoire, de la cyberdéfense, des services de renseignement et de la protection des emprises militaires. J'ai noté également la progression de 50,8 millions d'euros des crédits destinés aux réserves ainsi que la hausse de 75 millions d'euros de l'enveloppe de titre 2 destinée aux OPEX, dans un effort de « sincérisation » du budget des armées.

Pour autant, ce budget appelle une mise en garde sur la baisse de 35 millions d'euros des crédits destinés à l'accompagnement des restructurations et au financement des aides au départ. La rémunération des militaires pâtira de la suspension du dispositif « parcours professionnel, carrière, rémunération ». Nous serons vigilants à ce que cette mesure d'économie, qui vise cette année à financer une indemnité compensant la hausse de CSG, ne se prolonge pas au-delà de 2018. Naturellement, nous serons aussi attentifs aux effets que pourraient avoir sur les rémunérations des militaires le chantier de la simplification des primes engagé par le ministère, ainsi que le basculement de Louvois vers le nouveau système de paye Source solde.

Enfin, la transposition de la directive européenne sur le temps de travail a des effets contradictoires lorsqu'elle s'applique au métier des armes. C'est même incompatible. L'échéance approche à grand pas. Pouvez-vous en dire plus, Madame la Ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le programme 212 regroupe, outre les crédits du personnel du ministère, les moyens transversaux de la politique de défense qui augmente de 20 %, en lien avec la politique immobilière dont les crédits augmentent, eux, de 30 %. Cette hausse est bienvenue, car nous déplorons depuis longtemps la dégradation de l'immobilier militaire. Nous resterons cependant vigilants, car les besoins immobiliers sont estimés à 2,5  milliards d'euros pour les six prochaines années. Seul un effort soutenu et persistant nous fera changer de cap. Quant aux recettes des cessions immobilières, la loi Duflot les amoindrit de 25 millions d'euros. La défense a obtenu, en contrepartie de la vente de l'îlot Saint-Germain, seulement 50 logements sociaux sur 250 alors qu'il en manque au moins 400 en région parisienne pour les militaires. Madame la ministre, ne serait-il pas sage de renoncer à la vente des bâtiments du Val de Grâce, pour maintenir à la défense le maintien des surfaces immobilières conséquentes à l'intérieur de Paris ?

Enfin, le passage au logiciel Source solde, qui succédera à Louvois, doit se faire en toute prudence si nous ne voulons pas répéter les erreurs du passé. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », avec 1,4 milliard d'euros, constitue le coeur de l'avenir de notre défense. Le budget annuel moyen des études amont, à 727 millions, satisfait l'objectif de la loi de programmation militaire, mais c'est insuffisant pour l'avenir : nous soutenons vos efforts, Madame la ministre, pour le rehausser à un milliard d'euros annuel dans la prochaine loi de programmation.

Nous restons préoccupés par la situation fragile de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera). Certes, la gouvernance est rénovée, mais il faut maintenir à niveau les souffleries et rationaliser les implantations franciliennes de l'établissement. Des arbitrages doivent intervenir, quel en sera le calendrier ? La situation financière de l'Office reste inquiétante. Compte tenu de la structure du marché dans lequel s'inscrit cet établissement, pouvez-vous nous garantir que l'État continuera de le soutenir ?

Les crédits du programme 144 financent les programmes d'aide à l'implantation des forces françaises. Alors que la Chine a installé à Djibouti sa première base à l'étranger, veillons, Madame la Ministre, à ne pas y voir décroître notre influence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - La revue stratégique l'a confirmé : la France doit poursuivre ses efforts dans le domaine du renseignement. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) poursuivent la montée en puissance de leurs effectifs : 822 créations d'emplois dont 410 réalisées pour la première, 534 dont 243 réalisées pour la seconde. La difficulté de recrutement et de fidélisation des personnes tient à la spécificité des profils recherchés.

La DRSD est un petit service et ne peut proposer des salaires attractifs. Des solutions doivent être trouvées pour améliorer le recrutement, la fonction RH doit être renforcée. Quelles pistes souhaitez-vous creuser en ce sens ?

Les deux services ont engagé d'importants programmes immobiliers. La DGSE a renforcé ses compétences techniques en la matière. La DSRD monte un projet. Sera-t-il soutenu dans la prochaine loi de programmation militaire ?

Troisième et dernière observation : la DRSD a pu répondre, non sans difficulté et avec l'appui des réservistes, à l'explosion des demandes d'habilitation et d'avis de sécurité, suite aux attentats terroristes. Le centre d'inspection monte en puissance mais le temps de formation est long ; les résultats se font attendre. Les préconisations devraient être mises en oeuvre, surtout après le vol de munitions à Miramas. Notre commission demande depuis des années la mise en place d'un indicateur de performance spécifique. Qu'est-ce qui vous en empêche ?

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères .  - Je souhaite réaffirmer notre respect et notre confiance pour les 30 000 soldats déployés dans les zones dangereuses. Nos armées sont un élément vivant de la Nation, elles remplissent avec professionnalisme, engagement et courage une mission difficile. Je leur rends hommage confiant et sincère. Il faut aussi des actes, c'est-à-dire donner des moyens à nos armées.

Malgré la hausse du budget, les reports, suppressions -  850 millions en juillet  - et le gel des crédits rendent aléatoires les efforts présentés. Si les 700 millions d'euros de crédits gelés ne sortent pas rapidement des congélateurs de Bercy, ils ne seront plus consommables. Or nos soldats en ont besoin, et nos 4 000 entreprises aussi pour faire vivre un secteur économique riche de plus de 200 000 emplois.

Madame la ministre, quelle est la valeur du vote du Parlement ? Nous avons voté ces crédits gelés, où sont-ils ? Mais quelle est, dans ces conditions, la valeur du débat que nous avons chaque année sur le budget ? Est-ce un débat virtuel ? Sommes-nous dans une démocratie virtuelle ?

Madame la ministre, nous aurions aimé accompagner vos efforts personnels par un vote favorable. Malheureusement, la commission qui s'est réunie à nouveau hier préconise désormais, à l'instar de nombreux groupes, l'abstention sur les crédits de la mission Défense, au vu de cette incertitude insupportable sur la gestion 2017.

Pourquoi faire peser cette épée de Damoclès sur nos soldats qui ont toute légitimité pour disposer des crédits que le Parlement a votés pour eux ? Cette protestation ne s'adresse pas à vous personnellement, Madame la Ministre, nous mesurons votre détermination et votre pugnacité à obtenir ces crédits. C'est pour vous aider que nous lançons cet appel au Gouvernement !

Certes, le projet de loi de finances pour 2018 affiche une augmentation de 1,8 milliard d'euros ; il poursuit les programmes d'équipement et les recrutements dans le renseignement et la cyberdéfense ; il accentue la protection des hommes et des emprises et met en application le plan « familles et conditions de vie des militaires » qui porte, Madame la Ministre, votre marque personnelle.

Mais nous sommes perplexes, non seulement parce que certains ont le culot de dire que nous sommes déjà à 2 % du PIB, en incluant les pensions - mais aussi parce que la trajectoire concentre l'effort entre 2022 et 2025, donc après ce quinquennat... Nous sommes perplexes car les sommes affichées sont siphonnées par le « resoclage » des OPEX. Sans parler de l'utilisation de l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques, dont nos amendements ont neutralisé les effets mortifères pour les armées - le sort de ces amendements est entre les mains de notre commission des finances qui, j'en suis sûr, les défendra en CMP.

Tant de questions restent en suspens. Je ne relaie que trois points noirs : l'immobilier, avec un manque de 400 logements pour les militaires en région parisienne et un cadeau de 50 millions d'euros fait à Mme Hidalgo sur la vente de l'îlot Saint-Germain. Nous pensons qu'il faut absolument conserver le Val de Grâce.

La disponibilité des matériels est un deuxième point noir. Les rapporteurs ont décrit les effets désastreux de la fameuse « courbe en baignoire » qui frappe les matériels neufs comme les anciens ; chacun connaît ici les prouesses qu'il faut réaliser pour maintenir en service des matériels d'âge canonique alors que, dans le même temps, les hélicoptères de dernière génération et les tout récents A400M connaissent des défauts de maturité qui les clouent au sol.

Le soutien, enfin, est l'éternel sacrifié, désormais devenu un véritable talon d'Achille - c'est le troisième point noir. Le service de santé est au bord de la rupture. Le décalage, la contradiction entre les moyens alloués aux armées et l'aggravation de la menace sont flagrants.

Mardi, à Ouagadougou, le président de la République a été accueilli par des jets de grenade sur les soldats français. La revue stratégique a décrit la dispersion des crises, depuis les immensités sahéliennes où le terrorisme est toujours actif, jusqu'aux confins de la mer de Chine, à l'espace extra-atmosphérique, au cyberespace, et au coeur même de nos sociétés démocratiques abreuvées de désinformation. Comme pour appuyer nos craintes, ce missile intercontinental nord-coréen vient nous rappeler la réalité.

Face à ces menaces, c'est bien le maintien d'un modèle d'armée complet et équilibré, qui est l'enjeu de la prochaine loi de programmation militaire. Cela impliquera un considérable effort sur les moyens, car si le modèle est bon, il est exsangue, à l'issue d'une décennie d'éreintement et de sous-investissement.

La Défense représente 200 000 emplois non délocalisables, une quinzaine de milliards d'euros d'exportation chaque année.

Nous ferons le triste choix de l'abstention pour vous soutenir personnellement. Au Gouvernement, nous souhaitons dire qu'en matière de défense, il faut tenir un langage de la vérité. Il y va du moral de nos soldats et de la sécurité de la France ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Claude Haut .  - J'adresse un salut solennel à nos forces armées qui accomplissent leur devoir avec abnégation et dévouement. Il y a trois jours, avant l'arrivée du président de la République à Ouagadougou, nos militaires ont dû faire face à une attaque terroriste, je transmets mes pensées les plus émues à leurs familles.

Les moyens budgétaires alloués à la Défense doivent être renforcés. Les crédits inscrits au budget de la défense sont conformes aux engagements du président de la République : 1,8 milliard d'euros supplémentaires sont accordés, soit une augmentation inédite depuis vingt ans.

Le budget des armées s'inscrit dans une dynamique durable et nous permettra de répondre aux défis à venir.

1,8 milliard d'euros, c'est trois fois plus que la hausse intervenue en 2017. Le montant des ressources de la Défense atteint 34,4 milliards, soit 190 milliards entre 2018 et 2022.

Cette hausse significative nous permet de franchir la barre symbolique des 1,8 % du PIB. C'est la première étape d'une trajectoire financière que décrira la prochaine loi de programmation militaire.

Cette loi de programmation militaire devra porter une vision et ne pas se réduire à de simples ajustements. Donner des moyens au maintien des équipements tout en préparant un renouvellement, tel est l'objectif. Vous pourrez compter sur le soutien des sénateurs LaREM.

Le président de la République souhaite l'émergence d'une Europe de la Défense. Le monde change ; il est plus divisé. Les nouvelles technologies offrent de nouvelles possibilités mais autant de dépenses.

L'Union européenne est le nouvel échelon de défense. (Applaudissements de M. Richard Yung)

M. Yvon Collin .  - Le tir de missile effectué mardi par la Corée du Nord, l'attentat dans une mosquée en Égypte, témoignent d'un contexte dégradé même si l'on peut se féliciter du recul de Daech en Irak.

La revue stratégique fait état d'un monde incertain et d'une France exposée au djihadisme.

Nos soldats doivent concourir à la sécurité du territoire national avec l'opération Sentinelle.

Les moyens doivent être à la hauteur des défis, si nous voulons garantir notre autonomie stratégique et rester crédibles à l'échelle européenne.

Le projet de loi de finances pour 2018 nous le permet-il ? Sur le papier, oui, car les crédits inscrits sont supérieurs à ceux inscrits dans la loi de programmation militaire 2014-2019.

Cependant, les rapporteurs ont émis des doutes que je partage.

700 millions d'euros de crédits restent gelés, les OPEX sont en surcoût et restent à la merci du financement interministériel.

Cependant, l'effort fourni répondra aux urgences en maintenant un modèle d'armée sans abandon capacitaire, et en améliorant la condition des militaires sur le plan immobilier.

Le recrutement devient difficile alors que nous avons de plus en plus besoin d'engagements. Selon le rapport du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire, certains équipages restent deux ans sans utiliser leur matériel.

Le versement de la solde, longtemps perturbé par le logiciel Louvois, se fait-il aujourd'hui sans problèmes ?

Il résulte de ces difficultés un problème de fidélisation des militaires. L'armée, c'est une communauté d'hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup pour notre pays.

Madame la Ministre, nous comptons sur vous. Personnellement, comme le président Requier, je voterai ce budget. D'autres membres du groupe RDSE s'abstiendront. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)

Mme Christine Prunaud .  - Ce budget en trompe-l'oeil cache l'annulation des crédits de cet été et la revalorisation du surcoût des OPEX. La dissuasion nucléaire représente 22 % des dépenses d'équipement et 10 % du budget total hors pensions, avec 3,6 milliards d'euros mobilisés dans le cadre du plan de modernisation sur vingt ans.

À l'heure où 122 pays ont adopté un traité d'interdiction des armes nucléaires, où le prix Nobel de la paix a été attribué aux initiateurs de cette démarche, il est regrettable que la France refuse de s'y associer. À ce niveau de dépense, il ne s'agit plus de maintenance, mais bien de renforcement.

Mon groupe, après avoir interpellé François Hollande, interpelle Emmanuel Macron. Répondre que la menace nord-coréenne empêche tout désarmement est insuffisant. Quelle est la légitimité des États détenteurs de l'arme nucléaire à interdire aux autres de poursuivre leurs programmes nucléaires ?

Nous nous défions de l'OTAN. Depuis sa réintégration en 2009, la France a perdu une grande partie de sa souveraineté en matière de défense. L'OTAN est à l'origine d'une véritable course aux armements, l'objectif de 2 % devenant de plus en plus contraignant, d'autant que Donald Trump en fait une condition pour prétendre à l'assistance des États-Unis - en contradiction avec la charte des Nations unies, dont l'article 26 traite de la limitation des armes.

La multiplication des armes de guerre sur le marché légal entraîne un développement du marché parallèle. L'OTAN supplante totalement l'ONU. Cela a été le cas en Irak et en Libye, où ce qui devait être une opération de protection des populations civiles s'est mué en renversement d'un régime...

La situation française est paradoxale. Nous n'avons jamais autant produit de matériel militaire et nos soldats n'ont jamais autant été en difficulté. J'ai été éberluée d'apprendre qu'ils utilisaient des blindés de 1976 et des gilets pare-éclats, faute de gilets pare-balles - même si je crois que vous y avez remédié.

La multiplication des opérations a conduit à une surexploitation du matériel et des personnels. Citons les services de santé des armées qui accomplissent 200 % de leur contrat opérationnel !

Madame la Ministre, vous voulez réformer Sentinelle, c'est une bonne chose car le manque de matériel et la difficulté des conditions de vie, faute de politique immobilière adaptée, constitue un vrai risque.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Christine Prunaud.  - Nos soldats mobilisés en France ou à l'étranger subissent les choix politiques des gouvernements successifs. Je regrette le gel des 700 millions d'euros. Le groupe CRCE ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La défense nationale est revenue au coeur des priorités de notre pays. Je salue la progression de 1,8 milliard des crédits de paiement, passant de 32,4 à 34,2 milliards d'euros en 2018. C'est une hausse historique, avant d'atteindre l'objectif de 2 % du PIB - soit 50 milliards d'euros - en 2025.

Nous sommes néanmoins vigilants sur l'annulation de 850 millions de crédits en juillet et le gel de 700 millions d'euros, déjà reportés en 2016. Sans financement des OPEX et dégel au moins partiel, la sincérité de ce budget est en cause.

Le financement des OPEX est central. Leur budget est incertain. À 650 millions, il est en hausse de 200 millions, mais ne faudrait-il pas créer un budget spécifique et provisionner un milliard d'euros ? Les choses seraient plus claires.

Le programme 146 concentre l'essentiel du budget. La hausse de 34,7 % des autorisations d'engagement permettra de renouveler les matériels. À l'heure actuelle, 60 % des véhicules en OPEX sont vieillissants. Les véhicules de l'avant blindés (VAB) sont en service depuis trente à trente-cinq ans. Quand les nouveaux arriveront, ils auront quarante à quarante-cinq ans. Plus on attend, plus le coût d'entretien est élevé et plus on paie de pénalités aux industriels pour non-respect des contrats.

L'accélération du programme Scorpion est une priorité. Il faut renforcer les capacités techniques et tactiques, et le niveau de protection. Point de diplomatie forte sans une armée à la hauteur pour garantir notre rayonnement et notre sécurité.

Les moyens de la DGSE et de la DRSD sont renforcés - mais il ne faut pas négliger la dimension diplomatique, pour maintenir la capacité d'influence de la France.

Il faut la préserver, notamment en Afrique où la Chine est de plus en plus présente : mille soldats au Soudan du Sud, 700 au Libéria, 400 au Mali. La Chine a installé sa première base militaire à Djibouti, porte d'entrée de l'Afrique de l'Est, elle développe sa connaissance du terrain et protège ses intérêts économiques.

Le rapport d'octobre 2017 du Haut conseil d'évaluation de la fonction militaire souligne la faible attractivité du métier, puisque 62 % des militaires envisagent de quitter leur fonction. L'excellente initiative du plan famille, assortie de 300 millions d'euros sur cinq ans, répondra aux besoins. Il faut renforcer les passerelles avec le reste de la fonction publique et s'interroger sur la concurrence du privé.

Le groupe UC aurait souhaité apporter son soutien unanime mais le gel des 700 millions d'euros nous conduit à nous abstenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Tout d'abord, une pensée pour les militaires touchés dans leur chair, ceux qui ont perdu un camarade, les familles qui ont perdu un proche. Je salue le dévouement des femmes et des hommes engagés pour maintenir la paix, garantir notre liberté et assurer notre sécurité.

Je veux dire notre estime pour le général de Villiers, saluer son extraordinaire proximité avec ses hommes. Son départ a marqué une rupture avec la gouvernance qui prévalait jusqu'alors. Je souhaite bon courage à son successeur comme chef d'état-major des armées, le général Lecointre.

La continuité n'est qu'apparente, et les méthodes de la revue stratégique interpellent. Je regrette que les parlementaires n'aient pas été davantage associés à l'élaboration de la revue stratégique, comme ils l'avaient été aux précédents Livres blancs.

Ce budget s'inscrit dans un contexte de tension. Au Levant, Daech a été vaincu d'un point de vue conventionnel mais la sécurisation prendra du temps. Au Sahel, la situation demeure préoccupante. Nos forces sont présentes sur de nombreux territoires, au Liban par exemple, mais aussi sur le territoire national avec Sentinelle.

Ces opérations appellent une hausse du budget. La plupart des candidats à l'élection présidentielle ont promis de consacrer 2 % du PIB à la défense. Ce sera en 2025, trois ans après la fin du quinquennat...

Sur le papier, le budget 2018 ne présente pas de rupture avec les années précédentes. Nous approuvons la démarche de renforcement des capacités de renseignement et de cybersécurité.

Le programme 164 reste une priorité, ce qui nous satisfait. Les programmes 146 et 191 sont apparemment stabilisés.

L'industrie de défense est un secteur clé, qui tire l'économie vers le haut, avec ses 200 000 emplois. Ce budget continue de la soutenir.

Restons vigilants, notamment sur la marine alors que d'autres pays se déploient sur les océans. L'armée de l'air est très sollicitée, ce qui crée des tensions sur le renouvellement des stocks d'armes. Quant à l'armée de terre, c'est elle qui a supporté les principales baisses d'effectifs.

Le projet de loi de finances pour 2018 suscite des interrogations. La hausse sans précédent, inédite depuis la fin de la guerre froide, semble bien artificielle à la lumière des arbitrages de l'été, notamment la coupe de 850 millions d'euros et le décalage des programmes de rénovation des Mirages 2000. Derrière les discours, les missions, elles, ne sont pas repoussées dans le temps. Nos militaires en subissent les conséquences sur le terrain. Cela entraîne aussi des renégociations de contrat avec les industries. À combien sont évaluées les indemnités compensatoires ?

Nous espérons que Bercy dégèlera rapidement les 700 millions d'euros, faute de quoi ce budget manquera de sincérité. Sans garantie sur ce point, le groupe socialiste est contraint de s'abstenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur certains bancs du groupe UC)

M. Joël Guerriau .  - Alors que les menaces se propagent comme un feu de brousse, le budget 2018 est-il l'arbre qui permettra d'y faire face ? Il marque certes une nouvelle dynamique.

La défense et la sécurité nationale, ce sont d'abord des femmes et des hommes et à côté des familles. Nous approuvons la mise en oeuvre du plan famille ainsi que le déblocage des crédits immobiliers pour rénover un parc très dégradé.

Toutefois, nous sommes inquiets de la bascule de Louvois, véritable scandale d'État, vers le logiciel Source Solde au moment où l'on instaure le prélèvement à la source. Nous n'avons pas droit à un second échec !

Il fallait augmenter les crédits pour les équipements, vu l'usure des matériels. Nous saluons la livraison de nouveaux matériels pour l'armée de l'air. Ce budget compense des lacunes accumulées ces quinze ou vingt dernières années - les pistolets automatiques utilisés par nos soldats datent de 1950...

Pour innover et relever le défi technologique, nous devons intensifier l'effort de recherche et de développement, passer à des outils de quatrième génération. C'est l'enjeu du programme Scorpion.

Je suis aussi préoccupé par les enjeux maritimes. L'océan est pillé et notre espace maritime convoité. On croise plus de pavillons chinois que français en Méditerranée.

Je me réjouis de la livraison des Barracuda ; les Rubis avaient été conçus pour durer vingt-cinq ans, ils en ont trente-cinq. Pendant ce temps, la Chine met à la mer en quatre ans l'équivalent de la flotte française ! J'ai navigué à bord d'un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) : je rends hommage à nos courageux équipages, confinés dans les plus petits sous-marins du monde. Nous saluons la livraison d'un patrouilleur dans les Antilles et d'un bâtiment multi-missions, mais cela ne suffira pas pour assumer notre souveraineté outre-mer. Nos voisins britanniques, eux, ont fait le choix d'avoir deux porte-avions, tandis que le Charles de Gaulle est en cale sèche pour deux ans...

L'enjeu de demain est la maritimisation. Mettons le cap vers la croissance bleue, renforçons la marine nationale !

Il faut que les efforts affichés soient réels. L'annulation de 850 millions de crédits et le gel de 700 millions masquent la réalité. C'est pourquoi le groupe Les Indépendants s'abstiendra, même si nous croyons à votre détermination, Madame la Ministre. Pour montrer notre considération à nos soldats, il faut tenir nos engagements. Ce budget nous invite à l'humilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - Je souhaite rendre un hommage solennel aux femmes et aux hommes de la défense. Pensons aux familles qui paient quotidiennement un lourd tribut.

J'appelle votre attention sur le contexte sécuritaire et géopolitique mondial, secoué par le terrorisme. Membre du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a assumé ses responsabilités dans la résolution des crises et son appareil de défense a été fort mobilisé au Sahel et au Levant, ce qui l'a fragilisé. L'impératif de souveraineté dans les territoires d'outre-mer, le redéploiement des États-Unis et de la Chine dans le Pacifique nous obligent à un recalibrage matériel, humain et stratégique.

Il importe d'être lucide sur l'agenda gouvernemental. Nous sommes dans un entre-deux, à la veille d'une nouvelle loi de programmation militaire. Si l'heure est à l'affichage d'ambitions mondiales, elle est aussi à un bilan comptable. Or le report des charges atteint un niveau record, à 3,5 milliards d'euros. Le passif de la dernière année de la loi de programmation militaire est lourd. Excellence, surtension, usure, voilà les maîtres mots.

Les mouvements comptables, annulations, gels et dégels, ne favorisent pas la confiance. Nous connaissons votre pugnacité, Madame la Ministre, mais elle se heurte à la rigidité de Bercy. À quoi bon débattre dans cet hémicycle d'une revue stratégique presque idéale si les 700 millions d'euros ne sont pas dégelés ?

Il y a cependant de bonnes nouvelles : la rebudgétisation de 200 millions d'euros pour le maintien en condition opérationnelle (MCO). Alors que le montant global des OPEX atteint systématiquement le milliard, avec 600 millions d'euros de surcoût chaque année, le porter à 650 millions témoigne du réalisme du ministère.

Pour rester crédibles, il faut être à la pointe en matière de recherche.

Nous nous réjouissons de la mise en place du plan famille, avec 300 millions d'euros sur cinq ans. C'est essentiel pour fidéliser nos soldats. Le groupe Les Républicains s'abstiendra, non par hostilité mais pour soutenir nos armées et la préservation de notre appareil de défense. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - La défense de la France avait besoin d'une réponse. La voilà. Ce budget est une remontée en puissance qui répond aux attentes et anticipe l'avenir : 1,8 milliard d'euros supplémentaires pour notre défense - hausse jamais vue depuis vingt ans - pour investir dans des équipements, matériels, l'immobilier, honorer nos dettes et créer les conditions budgétaires saines pour bâtir la prochaine loi de programmation.

Nous assurerons un soutien total à nos engagements opérationnels, qui sont plus intenses que nous l'imaginions mais nécessaires pour assurer la liberté et la sécurité des Français.

Ces engagements usent notre matériel : 450 millions supplémentaires seront consacrés à l'entretien programmé du matériel, pour un retour aux normes de la loi de programmation militaire en cours.

Nous protégeons plus efficacement encore nos militaires avec le paquet protection : 200 millions d'euros, 49 000 gilets pare-balles et véhicules blindés supplémentaires.

Le soldat et sa famille sont au coeur de notre politique. Mon plan famille est ambitieux : mobilité, hébergement, intégration des familles, pour 300 millions sur cinq ans, dont 28 millions dès cette année.

Ce budget répond aux attentes du quotidien et prépare l'avenir. Les équipements sont fortement éprouvés, parfois vieillissants. Ils doivent être renouvelés, pour conserver notre supériorité opérationnelle et notre capacité d'intervenir partout où nos intérêts sont menacés. Ce budget porte les crédits d'équipement à 18,5 milliards, soit 1,2 milliard d'euros de plus.

Le budget porte les dépenses d'infrastructure à 1,5 milliard d'euros, hors dissuasion et hors fonctionnement, en hausse de 25 % par rapport à 2017. Ce ne sera plus une variable d'ajustement.

Je crois en l'innovation, pour répondre à des ennemis mieux armés, à des menaces plus diffuses. Nous consacrons 720 millions d'euros aux études dans une enveloppe globale de recherche et développement de 4,7 milliards. La loi de programmation renforcera cet effort.

Nous n'oublions pas le renseignement et la cyberdéfense. Les moyens sont consolidés et des embauches prévues. Ce budget n'est qu'une étape, puisque l'augmentation sera de 1,7 milliard d'euros chaque année jusqu'en 2022. Nous visons les 2 % du PIB en 2025.

J'entends vos interrogations sur la fin de gestion 2017. Vous connaissez tous ses enjeux. J'ai obtenu un arbitrage favorable pour la couverture intégrale des surcoûts des OPEX. Quant au dégel des 700 millions d'euros de crédits, les arbitrages sont en cours. (« Ah ! » sur divers bancs) Je n'ai jamais rien lâché, ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer !

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Très bien !

Mme Florence Parly, ministre.  - Ce que je peux vous dire, c'est que ces crédits n'ont pas fait l'objet d'une décision d'annulation. C'est une première étape. L'hypothèse d'un arbitrage favorable est toujours valide. Je reste totalement déterminée, car nous avons besoin de ces 700 millions pour l'équipement de nos forces et la maîtrise du niveau de report de charges en entrée de gestion 2018.

Je ne reviens pas sur l'annulation des 850 millions en juillet. J'ai veillé à ce qu'elle ne porte pas sur la substance même du budget.

En effet, Monsieur Guerriau, les femmes et les hommes de la défense et leurs familles font preuve d'un courage et d'un engagement exemplaire. Une transposition de la directive européenne sur le temps de travail fragiliserait le statut militaire, qui repose sur l'obligation de disponibilité. On n'est pas militaire quelques heures par jour mais 24 heures sur 24. Une marge d'appréciation doit être laissée au commandement dans la gestion du temps d'activité. Nos services y travaillent, profitant du retour d'expérience de pays qui ont transposé la directive, comme l'Allemagne.

Madame Prunaud, je veux réaffirmer, comme le président de la République, mon plein soutien au renouvellement des deux composantes de notre dissuasion nucléaire. C'est elle qui permet au président de la République d'écarter toute forme de menace ou de chantage et nous protège de toute agression d'origine étatique contre nos intérêts vitaux. Nous aurons le débat lors de la loi de programmation.

Le service de santé des armées s'est engagé dans une démarche de transformation pour mieux s'insérer dans les territoires de santé et pour que les équipes atteignent un niveau de performance technologique optimal. En 2018, les seize centres médicaux des armées de nouvelle génération achèveront leur déploiement. Nous assurerons une plus grande cohérence à la tête du service de santé des armées, éprouvé par une évolution très rapide ces dernières années et qui reste essentiel.

Merci, Monsieur Allizard, d'avoir insisté sur l'importance de l'innovation et de la recherche. C'est un thème que je défends particulièrement. L'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera) est dans une situation financière fragile. Il doit se réformer pour oeuvrer en complémentarité avec les industriels, conformément au contrat d'objectifs et de moyens 2017-2021. Il sera regroupé sur un seul site à Palaiseau en 2022 et devra apprendre à mieux valoriser sa recherche.

La base de Djibouti est d'importance stratégique majeure. La France compte bien y rester implantée. Elle y dispose actuellement de 1 450 personnes : une base aérienne, un régiment, une base navale. Nous continuerons à y former les armées africaines et à contribuer à la sécurité des détroits, en coopération avec le gouvernement djiboutien, tout en restant vigilant sur la récente implantation de l'armée chinoise.

Monsieur Boutant, merci d'avoir salué l'effort en faveur des services de renseignement. Les missions de la DRSD ont été fortement accrues. J'ai constaté moi-même la transformation profonde à laquelle elle s'est pliée. Ses effectifs croîtront.

Ce budget 2018 est une opportunité rare pour nos armées, notre défense et notre sécurité. Cette hausse de 1,8 milliard est une réponse attendue par nos armées et par nos concitoyens face aux menaces identifiées dans la revue stratégique. Enfin, ce projet de loi de finances constitue une base saine pour construire la prochaine loi de programmation militaire.

Nous dessinons la défense de demain : plus forte, plus innovante, plus européenne. Je sais que je pourrai compter sur votre détermination. (Applaudissements sur tous les bancs.)

ATICLE 29 ÉTAT B

M. le président.  - Amendement n°II-173, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

2 500 000 000

2 500 000 000

Équipement des forces

2 500 000 000

2 500 000 000

TOTAL

2 500 000 000

2 500 000 000

2 500 000 000

2 500 000 000

SOLDE

0

0

Mme Christine Prunaud.  - Votre intervention me fait revoir ma position. Cependant, a-t-on réellement besoin de tant d'armes de destruction massive ? Nous aurions besoin d'une vraie réflexion sur ce sujet ; il faut réfléchir à la sortie du nucléaire, même si les solutions ne sont pas évidentes.

La situation immobilière de l'armée est préoccupante, même si les infrastructures reprennent forme. Merci de vos réponses claires.

Malgré vos propos rassurants, une chose m'inquiète : la promesse du président de la République d'un futur retour du service national universel.

Personnellement, il ne me semble ni envisageable, ni souhaitable. Je retire néanmoins mon amendement.

L'amendement n°II-173 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-174, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

 

 

 

Préparation et emploi des forces

 

143 270 000

 

142 070 000

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

 

 

 

Équipement des forces

143 270 000

 

142 070 000

 

TOTAL

143 270 000

143 270 000

142 070 000

142 070 000

SOLDE

0

0

Mme Christine Prunaud.  - L'OTAN est toujours opposée à l'ONU, avec sa logique de bloc. Partout où il se renforce, comme aux marges de l'ancienne URSS, l'armement se multiplie. Or, là où l'offre augmente, la demande suit.

Cet amendement annule la participation de la France à l'OTAN. Il y a certainement d'autres solutions pour assurer la sécurité de la France.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - La France est un membre fondateur de l'OTAN. Elle ne peut, moins que jamais, être isolée. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable à cet amendement d'appel.

L'amendement n°II-174 est retiré.

Les crédits de la mission « Défense » sont adoptés.

L'article 52 septies est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°II-207 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Guerriau, A. Marc, Fouché, Bignon, Lagourgue et Decool, Mme Mélot et M. Wattebled.

Après l'article 52 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d'information sur le coût du Service national universel, la nature de son financement et le calendrier budgétaire afférent.

M. Joël Guerriau.  - Le président de la République s'est engagé à mettre en place au cours de son quinquennat un service national universel, qui devrait être expérimenté en 2019. C'est demain ! Dans un rapport de juin 2017, le Sénat avait le premier chiffré le coût d'un « rétablissement » pur et simple du service national entre 15 milliards et 35 milliards d'euros sur le quinquennat. Ce rapport a heureusement contribué à réorienter la réflexion vers des dispositifs plus réalistes, mais dont le financement demeure flou : combien ce futur dispositif coûtera-t-il ? Le financement sera-t-il interministériel ? Si oui, dans quelles proportions ? Les questions devraient être éclaircies avant le débat d'orientation des finances publiques de l'année prochaine. Ce calendrier devrait en outre correspondre au rendu des travaux de la commission du service national universel, qui pourra ainsi contribuer à la rédaction du rapport demandé par le présent amendement.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - Lorsque la ministre est venue devant la commission des finances, elle a répondu que la secrétaire d'État y travaillait. Un rapport dans six mois ? Je ne doute pas un seul instant que le Parlement sera associé d'ici là ! Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons. Le Premier ministre a demandé à des corps d'inspection de rassembler tous les éléments nécessaires à la mise en oeuvre de cette idée.

Des missions d'information ont été lancées dans les deux assemblées. Le Gouvernement associera le Parlement à cette concertation. Un tel rapport n'est donc pas nécessaire.

M. Joël Guerriau.  - Nous participerons à cette mission d'information. Je retire cet amendement.

L'amendement n°II-207 rectifié est retiré.

L'article 52 octies est adopté.

Prochaine séance demain, vendredi 1er décembre 2017, à 9 h 30.

La séance est levée à 20 h 40.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus