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Table des matières



CMP (Nomination)

Réhabiliter la police de proximité

Discussion générale

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi

M. François Grosdidier, rapporteur de la commission des lois

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

M. Claude Kern

M. Patrick Kanner

M. Alain Marc

Mme Nathalie Delattre

M. Arnaud de Belenet

Mme Esther Benbassa

M. Henri Leroy

M. François Bonhomme

M. Christophe Priou

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Éliane Assassi, auteure

Mme Michelle Gréaume

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. François Grosdidier, rapporteur

ARTICLE 2

Mme Laurence Cohen

ARTICLE 3

M. Patrick Kanner

M. Michel Forissier

Mme Esther Benbassa

M. Pierre Laurent

M. Jérôme Bascher

Développement du fret ferroviaire

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de résolution

Mme Angèle Préville

M. Jérôme Bignon

M. Raymond Vall

M. Gérard Cornu

M. Didier Rambaud

M. Guillaume Gontard

M. Jean-François Longeot

M. Joël Bigot

M. Christophe Priou

M. Serge Babary

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Communications

Conférence des présidents

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Échecs en CMP

Débat sur le thème : « Le retour des djihadistes en France »

M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Débat interactif

M. Roger Karoutchi

M. Bernard Cazeau

Mme Esther Benbassa

M. Yves Détraigne

Mme Laurence Rossignol

Mme Catherine Troendlé

M. Martin Lévrier

M. Olivier Cigolotti

M. Michel Dagbert

M. Henri Leroy

Mme Sylvie Goy-Chavent

M. Yves Daudigny

Mme Christine Bonfanti-Dossat

Mme Marie-Pierre de la Gontrie

Mme Nicole Duranton

M. Sébastien Meurant

M. Joël Guerriau

Débat sur la COP 23

M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Débat interactif

M. Ronan Dantec

Mme Fabienne Keller

M. François Patriat

M. Guillaume Gontard

Mme Nadia Sollogoub

Mme Angèle Préville

M. Joël Guerriau

M. Joël Labbé

M. Gérard Cornu

M. Frédéric Marchand

M. Fabien Gay

M. Pierre Médevielle

M. Joël Bigot

Mme Patricia Morhet-Richaud

M. Jean-Claude Luche

Mme Nelly Tocqueville

M. Benoît Huré

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Guillaume Chevrollier

M. Daniel Gremillet

Annexes

Ordre du jour du jeudi 14 décembre 2017

Analyse des scrutins publics

CMP (Nomination)

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Conclusions de la Conférence des présidents




SÉANCE

du mercredi 13 décembre 2017

37e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : M. Yves Daudigny, M. Daniel Dubois.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

CMP (Nomination)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission des finances propose la candidature de M. Julien Bargeton pour siéger, en qualité de titulaire, au sein de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 en remplacement de M. Didier Rambaud, démissionnaire.

Cette candidature sera ratifiée si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par le Règlement.

Réhabiliter la police de proximité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réhabiliter la police de proximité à la demande du groupe CRCE.

Discussion générale

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi .  - Les missions de la police, voilà un sujet qui devrait nous rassembler ; ce n'est manifestement pas le cas à voir l'hémicycle en ce début d'après-midi. Si nous savions le sort qui serait réservé à notre proposition de loi, nous espérions créer un vrai débat qui, quoi qu'en dise le rapporteur Grosdidier, n'aura pas lieu.

Un éclairage sémantique, d'abord, car les mots ont un sens. Au sens concret, la proximité désigne la situation d'une chose à faible distance d'une autre ; au sens figuré, elle caractérise le rapprochement entre deux entités. La police de proximité allie ces deux acceptions.

Notre proposition de loi aurait mérité un examen en commission des lois, et non un refus idéologique. D'abord, parce que la brève expérimentation de la police de proximité a été brutalement avortée en 2002. Lors de nos auditions, la police a présenté un bilan plus nuancé que celui qui en a été fait alors ; la critique principale porte sur le manque de moyens. Ceux qui auraient été nécessaires pour qu'elle fonctionne n'ont jamais été rendus disponibles. Le rapport confidentiel que, Monsieur le rapporteur, vous vous êtes procuré auprès de l'Intérieur et que vous vous êtes bien gardé de nous communiquer avant-hier après-midi, ne conclut pas autrement.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, nous avons proposé la création d'un nouveau programme « Police de proximité » au sein de la mission « Sécurités », doté de 1 milliard d'euros ; un budget sérieux qui permette d'envisager la création d'une direction générale de la police de proximité. La majorité sénatoriale l'a refusé, qu'elle ne nous oppose donc pas l'argument budgétaire pour rejeter ce texte.

Il faut sortir l'opposition idéologique entre prévention et répression. La police de proximité, abusivement présentée comme un doublon des travailleurs sociaux, est tout à la fois préventive, dissuasive et répressive. D'ailleurs, dès 2006, un sénateur de l'UMP, Pierre André, concluait les travaux de la mission sur les émeutes urbaines de 2005 en appelant à former une police dont « le rôle [ne serait] pas de faire de la répression, mais de rappeler et [d'] expliquer la règle [...] et de réduire la fréquence du recours à l'intervention de la force publique ».

Le tout répressif déployé depuis 2002 a été contre-productif ; pire, il a distendu le lien entre police et population. Les conditions de travail des agents n'ont cessé de se dégrader, en raison d'un état d'urgence sans cesse renouvelé et du stress qu'engendre la multiplication des situations conflictuelles.

On nous oppose une argumentation fallacieuse selon laquelle « les brigades spécialisées de terrain [...] assurent des missions de sécurisation de proximité ». Quelle méconnaissance du terrain ! Créées en 2010 par Brice Hortefeux, ces brigades devaient réinvestir les quartiers par la dissuasion et la répression. Ni « policiers d'ambiance », ni « assistants sociaux », ni « grands-frères » assurait leur créateur, Brice Hortefeux. De par leur panoplie - matraques télescopiques, Flash-Ball, grenades lacrymogènes, armes de service, gilet par balle assorti de jambières et manchettes, personne ne pouvait de toute façon s'y tromper.

Une police de proximité suppose un contact permanent avec la population et, donc, une aptitude à l'écoute et au dialogue, un équipement léger et un mode de déplacement simple. La restauration du lien de confiance entre police et population ne passera que par l'intégration de la réalité du quartier aux missions de prévention, dissuasion, répression et sanction propres au métier de policier ; de la pratique de l'îlotage à l'organisation d'opérations culturelles et sportives. Oui, il faut changer de paradigme. Du reste, M. Grosdidier le confirme dans son rapport : « la persistance de poches d'insécurité sur notre territoire, d'où les forces de l'ordre se sont elles-mêmes désengagées, est une situation indigne de notre République. »

M. Grosdidier fait des contrôles au faciès, comme M. Jourdain fait de la prose sans le savoir. En commission, M. Grosdidier a dit : « Il y a quinze jours encore, j'étais maire de Woippy dont plus de la moitié de la population est de confession musulmane. Je connais ce sujet. » (Réprobations sur les bancs du groupe UC)

M. François Grosdidier, rapporteur de la commission des lois.  - Nous parlions de la radicalisation !

Mme Éliane Assassi.  - Notre police de proximité ne s'adresse ni à certaines zones prioritaires de sécurité et encore moins à une certaine population que vous n'avez de cesse de stigmatiser. Certes, le Gouvernement a fait des annonces sur la police de sécurité du quotidien mais les maires candidats pour l'expérimenter attendent toujours.

S'affrontent deux visions de la société ; nous défendons la nôtre, ce que nous n'avons jamais cessé de faire... (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Loïc Hervé.  - Ça, c'est sûr !

M. François Grosdidier, rapporteur de la commission des lois .  - En effet, la commission des lois n'a pas jugé pertinente cette proposition de loi. Je regrette la tournure que prend cette discussion... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et UC)

Mme Éliane Assassi.  - Vos propos sont consignés à la page 34 du rapport !

M. François Grosdidier, rapporteur.  - ...car ce débat est important à l'heure où nos concitoyens comme les forces de l'ordre ressentent un malaise en matière de sécurité et où le Gouvernement a lancé les consultations sur son projet de police de sécurité du quotidien.

Les diverses expérimentations en matière d'organisation de la police n'ont pas résorbé les poches d'insécurité qui sont, en effet, indignes de notre République. Les policiers sont les premiers à en pâtir et nous regrettons que les auteurs du texte n'en parlent pas. Ils insistent sur les bavures, inexcusables certes mais exceptionnelles, alors que les atteintes aux fonctionnaires sont quotidiennes. Ce déséquilibre discrédite d'emblée cette proposition de loi.

Au-delà de la sémantique, nous pouvons nous retrouver pour défendre une police mieux enracinée dans la population ; une police renforcée en effectifs, mais aussi en moyens juridiques et matériels ; une police orientée vers des objectifs qualitatifs, et non seulement quantitatifs.

Le texte pose des problèmes de constitutionnalité : nombre de ses dispositions sont réglementaires ou non normatives, ce que censure systématiquement le Conseil constitutionnel depuis avril 2005.

Plus fondamentalement, vous ne tirez pas les leçons de l'expérience de la police de proximité qui n'a pas abouti seulement par manque de moyens et de temps. Elle avait pour tâche de lutter contre le « sentiment d'insécurité » par une présence diurne plus voyante, comme si ce sentiment était fantasmé par la population et comme s'il ne s'appuyait pas sur une réalité de la délinquance. Résultat, les policiers ont limité leurs interventions pour apaiser les tensions dans les secteurs plus difficiles. Résultat, une augmentation de la délinquance générale de 5 %, et des violences aux personnes de 32 %. La délinquance juvénile a fortement progressé alors que la police n'avait jamais été aussi disposée au « dialogue ». Plutôt que de demander à la police d'organiser manifestations culturelles et sportives, recentrons-la sur son coeur de métier. En outre, la délinquance est davantage nocturne que diurne. Or la police de proximité favorise le jour au détriment de la nuit.

La prévention passe d'abord par une réponse judiciaire ferme, je vous renvoie au rapport de l'IGPN et de l'IHESI de 2001. Aussi une police de proximité ne peut pas être conçue sans une coordination avec l'ensemble des autres maillons de la chaîne pénale, des services d'investigation et de l'autorité judiciaire elle-même. D'aucuns considèrent la police de proximité distinctement des autres missions de la police : c'est cloisonner là où il faut faire coopérer.

La prévention commence, en amont, dans les PMI et l'Education nationale ; elle se poursuit, en aval, avec l'éducation spécialisée. Les policiers ne sauraient se substituer aux uns et aux autres.

Enfin, le budget est contraint, vous le savez. Par votre amendement, vous ne proposiez rien d'autre, Madame Assassi, que de retirer de l'argent à la police nationale pour le confier à la police de proximité. Les 10 000 emplois de police et de gendarmerie supplémentaires restent loin des besoins.

Pour conclure, une stratégie territoriale complète ne peut éluder la gendarmerie nationale et les polices municipales qui ont doublé leurs effectifs ces vingt dernières années. N'adoptons pas ce texte mais travaillons à bâtir un consensus au Sénat sur le projet de sécurité du quotidien qui se dessine. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je reconnais que cette proposition de loi, qui ne recueille pas l'approbation du Gouvernement, a le mérite de faire débattre d'un sujet majeur. Elle me fournit aussi l'occasion de vous présenter les travaux du Gouvernement sur la police de sécurité du quotidien.

Nous partageons la plupart des constats des auteurs de la proposition de loi : il faut renforcer l'efficacité de nos forces de sécurité, leur lien avec la population, ce qui implique une autonomie plus grande sur le terrain et la prise en compte de l'environnement local.

Face à l'insécurité de basse intensité, celle du quotidien, nos policiers et gendarmes sont souvent démunis. Or nos concitoyens s'en émeuvent autant que de la menace terroriste, les élus que nous sommes le savent bien. Les infractions sur la voie publique, les incivilités minent le vivre ensemble ; et l'absence de plainte les rend moins visibles.

Les politiques successives ont mis l'accent tantôt sur la prévention, tantôt sur la répression. Or l'une ne va pas sans l'autre. Îlotage, police de proximité, brigades spécialisées de terrain, zones de sécurité prioritaire... L'efficacité n'a pas été toujours au rendez-vous, en dépit de louables intentions du départ. Les réductions d'effectifs, la complexification des procédures, les impératifs de sécurisation ont conduit nos policiers et nos gendarmes à être moins présents sur le terrain. Cela appelle effectivement un changement de paradigme.

La police de sécurité du quotidien va au-delà de ce que préconise cette proposition de loi. Le président de la République en a présenté les grandes lignes le 18 octobre dernier. Le ministre de l'intérieur a ouvert sur cette base une consultation d'une ampleur inédite, puisqu'elle associe policiers, gendarmes, élus locaux, polices municipales, acteurs privés de la sécurité et chercheurs. Les rapports de synthèse commencent à nous parvenir. Les policiers et gendarmes ont aussi fait part de leur sentiment en ligne.

Plusieurs orientations se dessinent. D'abord, agir plus efficacement sur le terrain en recentrant les agents sur leur coeur de métier. Pour mieux lutter contre les infractions et incivilités, il faut des moyens à la hauteur. D'où l'effort de recrutement, majeur, et l'amplification de l'effort de modernisation des outils de travail numériques, au premier chef.

Le cadre d'action des policiers et gendarmes sera aussi renouvelé. Les moyens juridiques seront adaptés à la réalité de la délinquance. Les forces de l'ordre étant entravées par la lourdeur et la complexité des procédures, une réflexion est conduite avec le ministère de la justice, pour simplifier la procédure pénale.

Il faudra aussi rationaliser le périmètre des missions confiées à la police. Cela renforcera le temps opérationnel des équipes sur le terrain.

Ensuite, adapter l'action des forces de sécurité à la réalité territoriale. Cela suppose de mesurer l'insécurité réelle et ressentie ; la mesure statistique de la délinquance, récemment refondue est précieuse mais insuffisante. Le sentiment d'insécurité n'est pas uniquement lié à l'évolution de la délinquance enregistrée. La qualité de la relation entretenue avec les forces de sécurité compte ! L'autonomie territoriale et les partenariats conclus avec les acteurs territoriaux permettront de traduire en actes les résultats de ces mesures plus fines.

La police de sécurité du quotidien doit renforcer enfin la confiance mutuelle entre police et population. Ce n'est pas seulement souhaitable dans un souci d'apaisement, mais pour mieux réprimer la délinquance, la participation citoyenne doit être plus développée.

Certains de ces chantiers sont d'ampleur et demanderont une mise en oeuvre progressive ; engageons-les sans attendre. Un plan d'action précis sera amorcé début 2018 ; certaines mesures pourront être déployées rapidement, d'autres le seront sur la durée du quinquennat. Certaines seront mises en oeuvre dans une sélection de territoires, qui n'a pas été encore déterminée, Madame Assassi. À terme, tout le territoire français sera concerné par la police de sécurité du quotidien.

Cette proposition de loi, partiellement anticonstitutionnelle, est également incomplète et paradoxale. Incomplète parce qu'elle ne concerne que la police nationale en laissant de côté la gendarmerie et les polices municipales. Paradoxale, parce que la proximité est au coeur du métier de la police et de la gendarmerie et ne saurait être l'apanage d'une direction générale.

Je vous donne rendez-vous en 2018 pour débattre des grandes lignes de la police de sécurité du quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Philippe Bas, président de la commission des lois, applaudit également.)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cette proposition de loi nous donne l'occasion de débattre des forces de sécurité dans notre pays - j'en profite pour saluer leur engagement quotidien.

Nous ne saurions avoir un vrai débat sur cette proposition de loi de de nature essentiellement réglementaire ; en revanche, nous pouvons discuter du fond du sujet. Mettons fin au suspense : le groupe UC n'est pas favorable au retour de la police de proximité qui n'a démontré ni sa pertinence ni son efficacité. A-t-elle manqué de temps et de moyens ? Ce n'est pas impossible mais nous ne pouvons y revenir car le niveau d'insécurité, notamment terroriste, et la situation budgétaire de l'État ont changé. J'ai encore en mémoire les déclarations de nos rapporteurs, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, sur la vétusté des commissariats et des véhicules...

Quel Français ne souhaiterait pas une police plus proche et plus réactive ? Le président de la République a annoncé une police de sécurité du quotidien, projet qui a fait l'objet d'une vaste consultation - 50 000 policiers et gendarmes auraient déjà répondu ! Elle luttera contre les délits, les nuisances et l'insécurité du quotidien ; elle n'aura pas vocation, comme le préconise le groupe CRCE, à organiser des opérations culturelles et sportives.

Le groupe UC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM, Les Indépendants et Les Républicains)

M. Patrick Kanner .  - La police de proximité n'est pas un objet sans passé, et osons le dire, sans avenir. La police de proximité a été abusivement présentée comme un doublon des travailleurs sociaux - à entendre M. Kern, le mal continue de progresser... Le projet, défini lors du colloque de Villepinte en 1997, était de faire des « villes sûres pour des citoyens libres ».

Le projet du gouvernement Jospin a été balayé par le tout sécuritaire en 2002. Les bases de la police de proximité avaient été pourtant été posées par un homme de droite, Charles Pasqua, alors ministre de l'intérieur, pour qui la police devait « redevenir une police de proximité présente sur la voie publique, plus qu'une police d'ordre ».

Il a fallu attendre 1997 pour que l'idée soit traduite dans les faits. La doctrine était la suivante : une action ordonnée autour de territoires bien identifiés ; un contact permanent avec la population ; une polyvalence accrue, qui conduisait à demander au policier de proximité d'exercer, sur son territoire, la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire ; une clarification des rôles, qui reposait sur la désignation, pour chaque secteur ou quartier, d'un responsable identifié ; un service efficace et de qualité rendu à la population durant des plages horaires adaptées. Cette démarche a constitué un modèle pour l'administration en général : expérimentation, évaluation progressive...

Hélas, le temps a manqué pour démontrer les bienfaits de la police de proximité et la logique de résultat l'a emporté. Je regrette que le rapporteur ait appuyé sa dénonciation de la police de proximité sur un rapport peu complet, rendu deux ans seulement après l'extinction du dispositif. Il tient davantage de la poésie que de l'évaluation scientifique, pour reprendre les mots du sociologue Sébastien Roché.

Certes, cette police n'a pas permis de faire baiser significativement la délinquance, mais sa mise en oeuvre, brève, ne nous permet pas de dresser des conclusions définitives. D'autres chiffres sont, eux, incontestables : notre appareil sécuritaire a été considérablement affaibli : 13 000 postes ont été supprimés entre 2007 et 2012.

M. François Bonhomme.  - Toujours la même rengaine...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est la vérité !

M. Patrick Kanner.  - Cette casse a été désastreuse. Au terme du quinquennat précédent en revanche, 9 000 postes ont été créés. (Marques de satisfaction sur les bancs du groupe SOCR) Les zones de sécurité prioritaires ont été mises en place et il a fallu prendre en compte les menaces terroristes qui ne sont hélas plus exceptionnelles.

Le dispositif caméra-piétons et l'enregistrement systématique visaient à renforcer la confiance entre police et population, de même que le port visible d'un brassard numéroté. Le tout sécuritaire n'a pas prévalu au cours du précédent quinquennat.

Le socle est posé et assaini, il faut construire -  reconstruire, diront certains. Nous portons un regard bienveillant sur ce texte. On peut s'interroger sur sa rédaction et son caractère peu normatif ; pour autant, le législateur n'a-t-il pas la possibilité de préciser les grandes lignes d'une politique publique ? Cette proposition de loi a le mérite d'enclencher une réflexion au sein de la Haute Assemblée, parallèle à celle du Gouvernement. Il est indispensable que le plus grand soin soit apporté à la concertation en cours, dont les modalités ont suscité les inquiétudes de certaines associations...

La question des moyens sera majeure dans la conduite de la réforme du Gouvernement et le silence du projet de loi de finances sur ce point n'est pas de bon aloi.

Quid également des relations avec la police municipale et les sociétés privées ? Parce que cette proposition de loi ouvre des perspectives que nous soutenons, le groupe SOCR votera ce texte, en responsabilité mais aussi en vigilance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Alain Marc .  - La lutte contre l'insécurité et la délinquance nous occupe depuis des décennies. La police de proximité avait pour objectif principal de renforcer la prévention dans les quartiers difficiles. Elle est pourtant enterrée par Nicolas Sarkozy et Michèle Alliot-Marie. Son dispositif est remplacé par les brigades spécialisées de terrain en 2010, puis par les zones de sécurité prioritaires à l'automne 2012. Ces réformes répondaient au même objectif : mieux répondre aux besoins de terrain. Elles n'ont pas permis de briser le cercle de la délinquance.

Aucune n'a enrayé le cercle de la délinquance, ce qui doit renforcer notre humilité et notre détermination.

Cette proposition de loi aurait pu être intéressante. Mais nous nous interrogeons sur le calendrier, sur l'exposé des motifs, sur le dispositif. En octobre dernier, Emmanuel Macron a annoncé la création de la police de sécurité du quotidien, qui sera conduite parallèlement à la réforme de la procédure pénale. Il faut replacer le service du citoyen au coeur de la mission de la police afin de lutter contre tout ce qui fait naître le sentiment d'insécurité et d'impuissance des forces de l'ordre.

Il est choquant que l'exposé des motifs de la proposition de loi insiste autant sur les bavures alors qu'elles sont très rares et que les forces de l'ordre sont plus que jamais victimes d'outrages qui les démoralisent.

Cette proposition de loi pose des difficultés juridiques certaines, car elle est trop peu normative. La plupart des mesures relèvent de textes réglementaires ou pourraient être censurées comme inconstitutionnelles.

Le groupe Les Indépendants ne votera pas cette proposition de loi.

Mme Nathalie Delattre .  - Merci aux auteurs de cette proposition de loi qui ouvre utilement le débat sur notre politique de sécurité.

Une grande partie de la proposition de loi relève du réglementaire. Des propos provoquants auraient aussi pu être évités dans l'exposé des motifs. Certains manquements graves à la déontologie suscitent certes le malaise, mais gardons-nous de surexploiter les ressorts de l'émotion.

La stratégie de la proximité, encore appelée territorialisation ou coproduction de sécurité devrait être abordée avec moins d'idéologie. Si la répression a été privilégiée par rapport à la prévention depuis 2003, il faut défendre les deux, car il n'y a pas d'État sans répression. La police est respectable. Elle doit être respectée. Elle a l'appui des Français. On l'a vu après les attentats. On ne peut dire que son armement renforce le risque de bavure.

Le criminologue Alain Bauer l'a dit : « En France, la police est au coeur du pouvoir régalien et unitaire du pays ; l'importation brute du concept de « police communautaire », à partir de pratiques majoritairement anglo-saxonnes, relèverait donc d'un prévisible échec, culturel et sans doute technique. »

Il y a eu les unités territoriales de quartier en 2003, les brigades spécialisées de terrain en 2010... Cette instabilité organisationnelle est préjudiciable. Le président de la République vient de proclamer la création d'une police de sécurité du quotidien, dont les contours restent à définir. Nous soutenons sa volonté de sortir de l'opposition stérile entre polices, de proximité ou non. Mais il faudra accentuer en conséquence les crédits de la formation.

Je me félicite que le ministre de l'intérieur associe les policiers à la réflexion, cela limitera les résistances au changement. Il est difficile aux parlementaires d'accéder aux études sur la police, pourtant fort utiles. Tant mieux si les rapports des corps d'inspection nous sont transmis. Ils nous offriront une vision plus exhaustive, moins caricaturale.

Le groupe RDSE rejette cette proposition de loi dans l'attente de la présentation du projet du Gouvernement. (MM. le rapporteur et le président de la commission applaudissent.)

M. Arnaud de Belenet .  - Merci au groupe CRCE de son initiative, qui nous permet de dresser ce constat : au-delà de la question du terrorisme, les vingt années écoulées n'ont pas permis de faire face à la réalité de l'enjeu, la sécurité au quotidien.

Une réorganisation est nécessaire. C'est l'objet de la proposition de loi. Au-delà des questions règlementaires et de constitutionnalité, nous sommes en désaccord sur le dispositif proposé. Cette proposition de loi stigmatise ceux qui nous protègent au quotidien. Elle distingue la politique de proximité des autres missions de la police, ce que nous récusons. Une telle police ne pourra en outre se déployer sur tout le territoire.

Enfin, le 28 octobre 2017, le ministre de l'intérieur a lancé une grande concertation sur la future police de sécurité du quotidien ; dans les départements, les préfets ont la liberté d'organiser cette concertation avec l'ensemble des partenaires, élus, organisations syndicales de la police et la gendarmerie, secteur de la sécurité privée, experts. Ce projet de réforme prévoit 10 000 créations de postes de policiers et de gendarmes au cours du quinquennat, la simplification de la procédure pénale, des amendes forfaitaires et la modernisation des moyens numériques, notamment.

Réjouissons-nous que les orientations soient partagées. Cela laisse augurer un large accord sur le futur projet de loi.

À titre personnel, je note que les doublons structurels actuels posent problème. La question des tâches indues se posera aussi. Quelque 4 000 à 5 000 policiers pourraient ainsi revenir sur leur coeur de métier, il y a là un gisement d'efficience. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Esther Benbassa .  - « La police doit aujourd'hui s'ancrer dans la ville, faire de la sécurité quotidienne et des attentes de la population une préoccupation première. Une police préventive, dissuasive et répressive efficace ne peut se concevoir sans s'appuyer sur la population. » C'est ce que disait Charles Pasqua en 1993, et c'est toujours d'actualité. Les relations entre police et population doivent être envisagées de façon transpartisane et ouverte. Cessons d'opposer de prétendus laxistes antiflics et des partisans du tout sécuritaire.

Selon Terra Nova, un jeune homme issu de l'immigration d'origine populaire et vivant dans une ZUS est le plus susceptible de se défier de la police. Environ 34 % des jeunes ne lui font pas confiance et 40 % la jugent agressive et raciste.

Les politiques publiques maltraitent trop les forces de l'ordre. Cette année, 62 gendarmes et policiers ont mis fin à leurs jours.

Police de proximité ou police de sécurité au quotidien, peu importe. Mais il est indispensable que la police soit présente au coeur de nos territoires. C'est le souhait du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure et d'Alternative Police. Ils rappellent qu'une police intégrée dans les quartiers est une priorité absolue. Le directeur de la police nationale, Éric Morvan, le dit lui-même dans le Journal du dimanche : « Nous voulons revenir à une police qui fait naturellement partie du paysage, dans une logique de prévention ».

Or les contours de la police de sécurité du quotidien sont encore flous et pas un centime n'a été prévu dans le projet de loi de finances 2018. Considérez la proposition de loi de Mme Assassi pour ce qu'elle est : un texte ambitieux et perfectible grâce à un débat transpartisan. Rétablissons une police de proximité alors que l'encadrement des jeunes a été abandonné faute de subventions aux associations. C'est une nécessité face à la radicalisation, comme nous l'avions écrit Catherine Troendlé et moi dans notre rapport sur le sujet. N'attendons pas un autre budget, une autre occasion... Agissons maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Henri Leroy .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Une semaine après le rejet par le Sénat des crédits de la mission « Sécurité » et alors que la délinquance connaît bien des mutations, Mme Assassi nous propose une proposition de loi sur la police de proximité.

La sécurité est l'affaire de tous, mais d'abord de l'État. En 1997, la gauche entamait une grande évolution vers une police davantage ouverte au dialogue, comme si ce n'était pas déjà le cas. Nous ne pouvons adhérer à une démarche qui confond moyens et finalité. Les Français attendent que les fautes soient sanctionnées et que la justice soit réelle.

On ne peut diviser en deux la police, une part répressive et l'autre exclusivement consacrée au contact. Cette dissociation serait nocive. Le bilan de la police de proximité du gouvernement Jospin est mitigé, pour ne pas dire déplorable. Recommencer n'est pas opportun. Encourageons plutôt la police municipale qui assure au plus près la sécurité des Français, aux côtés de la police nationale et de la gendarmerie.

La police n'est pas un chiffon rouge qui fait peur aux uns et rassure les autres. La police assure l'ordre public, corollaire indispensable de notre liberté.

La délinquance résulte d'un mépris des valeurs fondamentales de notre société. Il faut y répondre par une lutte contre l'impunité, restaurant sa pleine autorité. Cela passerait par une éducation spécifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme .  - L'objectif de réhabilitation de la proposition de loi interpelle. Les mesures sont affectées d'une infirmité originelle : elles relèvent exclusivement du domaine réglementaire. Posture ? L'exposé des motifs révèle une dénonciation insidieuse de la mission de répression de la police, avec notamment la description de la « panoplie » du policier. Après les attentats, il y a de la naïveté, voire de la candeur...

Mme Éliane Assassi.  - Ça va !

M. François Bonhomme.  - Chacun sait pourtant que les délinquants sont mieux équipés que les policiers. Les forces de l'ordre doivent mener leurs missions dans des conditions si difficiles... Comment lutter contre les rodéos sauvages, les squats de halls d'immeuble par les dealers ? Dans notre État de droit, il ne saurait y avoir de place pour les bavures, mais pourquoi omettre les violences dont les policiers font l'objet ?

Il est significatif que vous ne vous soyez pas démarqués des affiches de 2016 de la CGT-Police sur lesquelles au-dessus d'une flaque de sang, figuraient ces mots : « La police doit protéger les citoyens, pas les frapper. »

Mme Esther Benbassa.  - Eh oui...

M. François Bonhomme.  - Nos forces de l'ordre doivent être réorganisées pour se concentrer sur leur coeur de métier, dans le cadre d'une procédure pénale simplifiée.

Cette proposition de loi placebo sans principe actif (Protestations sur les bancs du groupe CRCE) rejoindra le magasin des accessoires idéologiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Cardoux.  - Il a raison !

M. Pierre-Yves Collombat  - Quelle fine analyse !

Mme Éliane Assassi  - Quel apport au débat !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bonne intervention !

M. Christophe Priou .  - Je rends d'abord hommage au travail exceptionnel des policiers. La police nationale est de proximité puisqu'elle gère 70 % des plaintes, soit 10 millions d'affaires, dans un environnement très difficile.

À vous entendre, j'ai l'impression de rajeunir de trente-cinq ans au moins. Comme en 1968, « il est interdit d'interdire ».

Mme Esther Benbassa.  - C'est démodé !

M. Christophe Priou.  - Si vous reconnaissez brièvement les conditions de travail difficiles des policiers, vous n'évoquez pas les moyens ni les besoins. Quel a été le bilan de la police de proximité ? La répression des actes délictueux est une nécessité.

Mme Éliane Assassi.  - Prévention, dissuasion, répression !

M. Christophe Priou.  - Le contact avec les acteurs locaux existe déjà. Vous n'évoquez les moyens matériels que par la mention des rollers ! C'est à l'organisation interne de chaque commissariat de décider des moyens à utiliser. La polyvalence de l'activité policière, c'est tous les jours, en tous lieux. La police proche des gens est déjà une réalité. La réponse est à chercher ailleurs que dans votre proposition de loi. La police ne peut combler les carences de la société et du vivre-ensemble.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La modernisation des outils, notamment des locaux, véhicules et moyens numériques sera poursuivie. Les caméras-piétons dans les quartiers sensibles, déjà 2 000 en service, seront plus largement déployées.

Les objectifs de la police de proximité étaient louables mais la mise en oeuvre a laissé à désirer. La police de sécurité du quotidien en reprendra quelques traits mais elle tiendra compte des réalités de chaque territoire. La réforme ne se limitera pas à la police nationale, elle concernera aussi polices municipales et gendarmerie.

La concertation est très large, les préfets de département ont consigne d'associer étroitement les élus locaux ; les associations nationales d'élus ont été saisies, de même que les partenaires sociaux, les associations - notamment les structures de médiation - et les bailleurs sociaux. La coproduction est essentielle.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Éliane Assassi, auteure .  - Les interventions ont été intéressantes. Je regrette toutefois que certains collègues aient passé le Rubicon de la caricature et de la mauvaise foi. (Protestations à droite)

M. François Bonhomme.  - Parole d'expert !

Mme Éliane Assassi.  - Chacun sait que les mesures de sécurité sont toujours d'ordre réglementaire.

Cela implique-t-il qu'aucune initiative parlementaire n'est possible ? Si tel est le cas, alors la démocratie et le pluralisme sont bafoués.

Mme Esther Benbassa.  - Ils le sont déjà !

Mme Éliane Assassi.  - Cette proposition de loi serait inconstitutionnelle parce qu'elle ne contiendrait pas de disposition normative ? La dernière qui nous a été présentée par le groupe Les Républicains sur le redressement de la justice commençait par des orientations budgétaires qui nous semblaient peu conformes à la Constitution. Que nous a-t-on répondu ? Que ce n'était pas grave, puisque ce n'était pas normatif !

Il ne faudrait pas interpréter différemment la norme suprême selon qu'elle s'applique à une proposition de loi émanant de vos bancs ou des nôtres...

Mme Michelle Gréaume .  - Selon M. Grosdidier, notre proposition de loi ne tient pas compte de la police municipale. Rappelons que la police nationale et la police municipale ne sont pas perméables et ont des missions et des compétences bien différentes. Si les effectifs de la police municipale ont doublé en vingt ans et quadruplé en trente ans, il n'y a pas de quoi se réjouir. À Onnaing, j'ai dû me battre pour que l'agence de la police nationale ne ferme pas. Cela a été le cas de celle de la commune de Jean-Pierre Bosino malgré la gratuité du loyer...

Je précise que les policiers municipaux n'ont pas d'entraînement au tir. Il faut parfois recourir à des sociétés de sécurité privées. Résistons à cet accroissement de l'inégalité des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je salue la ministre et le secrétaire d'État. La présidente Assassi a été membre de notre commission des lois, où elle a montré une grande compétence juridique. Toutefois, je lui rappelle que quand un texte de loi a une portée purement réglementaire ou quand il est dépourvu de portée normative, il est censuré par le Conseil constitutionnel.

Si la commission des lois n'avait pas tant d'indulgence pour les propositions de loi déposées par le groupe CRCE, elle aurait déclaré l'irrecevabilité. Mais elle a souhaité que ce texte parvienne en débat dans l'hémicycle.

Mme Éliane Assassi.  - Merci !

Mme Esther Benbassa.  - Un geste princier !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Ce serait donc le monde à l'envers que d'accuser la commission des lois de sévérité.

Ma proposition de loi sur la justice était de programmation, et si la vôtre avait été de même nature, je n'aurais pu en déclarer l'irrecevabilité !

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est une idée !

Mme Éliane Assassi.  - Arrêtez, Monsieur le Président !

Mme Esther Benbassa.  - On n'est pas en monarchie !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je voulais le souligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Arnaud de Belenet et Alain Marc applaudissent également.)

M. François Grosdidier, rapporteur .  - Les polices municipales sont devenues de vrais acteurs de la sécurité. On ne peut pas envisager une politique territorialisée sans tenir compte de cette composante.

L'article premier de la proposition de loi pose que la stratégie de mise en oeuvre est décidée au sein des conseils locaux de prévention de la délinquance. Ce n'est pourtant pas eux qui peuvent définir la doctrine d'emploi des policiers ! Ensuite, l'autonomie de chaque agent n'est pas acceptable. Que le responsable de secteur ou de circonscription de police ait sa latitude d'action, bien sûr ; mais chaque agent ne peut chaque matin, de son côté, décider des tâches qu'il va accomplir, hors de toute organisation hiérarchique !

L'article premier n'est pas adopté.

ARTICLE 2

Mme Laurence Cohen .  - Ce débat est plus qu'utile. Depuis quelques semaines, on assiste à la libération de la parole des femmes sur les réseaux sociaux. Or seulement 11 % des victimes de viol ou de tentative de viol portent plainte, 13 % déposent des mains courantes. L'une des raisons de ces chiffres est le manque de moyens, le manque de reconnaissance et le manque de formation des policiers. On ne peut parler de tels traumatismes qu'à une oreille attentive, non dans une relation de défiance réciproque. La police de proximité pourrait faciliter les démarches des victimes.

Le signalement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, proposé par le président de la République n'a de sens que s'il est traité rapidement par des professionnels formés.

Il faut être réaliste sur le contrôle au faciès, sans caricature. La proposition de loi ouvre des perspectives, et je suis étonnée d'entendre nos propos déformés car cela ne favorise pas un débat constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

L'article 2 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

M. Patrick Kanner .  - Ce débat aura eu le mérite de rappeler le véritable clivage entre la droite et la gauche. La caricature, la provocation à fleuret moucheté ont été au rendez-vous.

Je suis fier avec le groupe socialiste d'avoir porté le projet de police de proximité. En 1997, 1999, le gouvernement Jospin a eu un monde d'avance, ce qui relativise la distinction entre l'ancien et le nouveau monde...

Si tout est dans tout, et réciproquement, et en même temps, il faudra bien préciser, Madame la Ministre, les moyens de la police de sécurité du quotidien, afin de protéger les populations les plus fragiles.

Le groupe SOCR voterait ce texte s'il était soumis aux suffrages de la Haute Assemblée.

M. Michel Forissier .  - Je ne peux pas voter cette proposition de loi ; mais je n'accepte pas que l'on cède à la caricature en opposant un camp contre l'autre. J'ai été maire de banlieue.

Mon ami André Gérin, maire de Vénissieux, n'était pas de mon camp. Mais il ne voterait pas le texte, car il refusait que l'on confonde policiers et travailleurs sociaux. Aujourd'hui, les policiers nationaux ont déjà du mal à se former, ils font moins d'heures de tir que les policiers municipaux par exemple.

Les policiers ne terrorisent pas les petits loubards de banlieue, c'est même parfois le contraire !

Dans ma ville, la police municipale n'a fait usage de ses armes que pour sauver un groupe d'enfants d'une voiture folle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Esther Benbassa .  - Même si ce texte n'est pas voté, il est important qu'il y ait eu ce débat.

M. Pierre Laurent .  - Ce débat est effectivement utile. Un orateur du groupe Les Républicains nous a accusés de réveiller un débat entre une police d'ordre au service de l'État et une police de proximité au service des citoyens. Mais c'est précisément cette opposition que nous rejetons ! Nous sommes pour que la police nationale exerce pleinement sa compétence de proximité, au service du citoyen. Nous savons tous que bien des femmes qui subissent des violences hésitent à se plaindre dans les commissariats, du fait des difficultés qu'elles y craignent et rencontrent ; nous avons tous à gagner à ce que la police soit plus proche de nos concitoyens !

D'un côté, vous refusez de créer une direction de la police de proximité pour ne pas séparer prévention et répression, mais vous distinguez bien police municipale et police nationale pour ne pas confondre prévention et répression. Il faudrait choisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jérôme Bascher .  - Quand on connaît les « trous à l'effectif », on a l'impression que vous inventez des missions là où il n'y a personne pour les assumer. Notre Haute assemblée est cohérente en refusant d'adopter des crédits insuffisants dans le projet de loi de finances et cette proposition de loi.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je ne peux pas vous laisser dire cela. Ce budget crée des postes, prévoit les crédits nécessaires pour refaire des commissariats et acheter des voitures neuves. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

L'article 3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Aucun des articles n'ayant été adopté, un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Développement du fret ferroviaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire.

Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de résolution .  - L'urgence climatique nous impose de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, faute de quoi, les dérèglements climatiques seront à niveau tel qu'ils seront irréversibles. Le temps nous est compté. L'accord de Paris doit se traduire vite. Le secteur des transports est particulièrement émissif. Entre route et rail, le rapport d'émission de dioxyde de carbone est de 1 à 3,7 selon l'Agence européenne de l'environnement. Dès 2009, la loi fixait un objectif de réduire les émissions par le transport en faisant passer de 14 à 25 %, à l'horizon 2022, la part des modes alternatifs à la route. Moins de dix ans plus tard, nos politiques publiques ont tourné le dos à ces objectifs. Entre 2008 et 2014, le tonnage-kilomètre transporté par le rail a baissé de 21 %.

Le recul du trafic s'est accompagné d'une casse de l'outil. Notre pays compte 300 gares de fret et 7 grands sites de triage. Les sites de triage de Miramas, Sotteville-lès-Rouen et Hourcade sont dans une situation difficile.

Au niveau européen, un double discours domine et la contradiction est grande entre l'objectif de 30 % de report des échanges vers le fret et la politique libérale qui organise la privatisation rampante des opérateurs, livrant le service public ferroviaire aux appétits du privé.

En France, les gouvernements successifs, malgré leurs déclarations d'intention, n'ont fait qu'accentuer les déséquilibres menant à une concurrence déloyale fondée sur le dumping social, économique et environnemental, qui réduit l'offre de fret ferroviaire et dégrade notre environnement. Le 3 juillet dernier, la Cour des comptes s'est interrogée sur cette contradiction. La politique favorable dont bénéficie la route se traduit en particulier par l'autorisation des 44 tonnes et par l'abandon regrettable de l'écotaxe : la route, payée par la collectivité, reste donc financièrement plus compétitive.

Si depuis 1980 le réseau autoroutier est passé de 4 900 à 11 000 kilomètres, le réseau ferré a, lui, régressé de 34 000 à 29 000 kilomètres. De plus, les infrastructures sont en mauvais état et jugées peu fiables par les opérateurs économiques. Le mode ferroviaire est sommé de s'autofinancer, ce qui est impossible. La loi de 2014 accentue cette tendance. Si le Gouvernement veut faire une pause dans l'investissement, nous pensons au contraire qu'il faut - sans revenir au tout TGV - créer des investissements utiles, en accord avec les habitants.

Le projet de loi de finances n'inscrit que 18 millions d'euros pour le soutien au fret ferroviaire, alors que l'aide au transport combiné dépassait 90 millions en 2002. La Cour des comptes appelle à plus d'investissement public, nous pensons également qu'il faut réévaluer la subvention au transport combiné dite « coup de pince ».

La part du marché du fret a été réduite de moitié depuis sa libéralisation en 2003 et en 2006. Les conditions de travail ont été aggravées. L'opérateur historique est passé de 500 000 wagons chargés en 2005 à 150 000 en 2014, divisant son personnel par deux.

Les opérateurs privés sont dans une situation difficile. Veolia-Cargo s'est retiré dès 2009 et la filiale de la Deutsche Bahn, ECR, commence un plan social qui menace 300 emplois en France. Le schéma directeur que la SNCF a présenté en 2009, prévoit une baisse de 60 % des wagons isolés, alors que cette branche représentait alors 42 % du volume transporté par le fret ferroviaire et qu'elle avait un potentiel de développement.

Cette politique équivaut à augmenter le trafic routier de 1,2 million de camions par an, soit 300 000 tonnes de CO2 par an ! Le fret ferroviaire a été laissé à l'abandon. Il faut préserver les lignes capillaires, les triages, les gares fret. Il faut préserver du foncier pour les infrastructures dans les zones tendues, le fret dans les ports ; imposer la création d'un ITE dans toute nouvelle zone d'activité économique reliée au réseau ferré et décider d'un moratoire sur l'abandon partiel de l'activité wagon isolé de la SNCF.

Cette proposition de résolution préconise de déclarer le fret ferroviaire d'intérêt général ; Fret SNCF doit donc recevoir les moyens pour accomplir ses missions de service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Raymond Vall et Mme Josiane Costes applaudissent également.)

Mme Angèle Préville .  - Cette proposition de résolution, dont nous partageons l'objectif, pose les bonnes questions. La politique d'État a été tiraillée entre soutien aux frets ferroviaire et routier. Il faut sortir de cette ambiguïté mortifère. Fret SNCF connaissait en 2015 une perte de 253 millions d'euros !

Le décret du 30 mars 2017 est l'exemple de mesure concrète pour permettre aux entités locales de reprendre des lignes en voie de fermeture. Sur 2008-2014, le fret ferroviaire a baissé de 8,2 milliards de tonnes kilomètres, soit 21 %.

La loi de 2014 visait entre autres à maîtriser la dette. Elle a créé les conditions d'un redressement durable du secteur ferroviaire. La dette de la SNCF est pourtant repartie à la hausse, jusqu'à 40,8 milliards cette année pour atteindre 63 milliards en 2026, soit 40 % de plus qu'en 2016.

L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) dénonce une dette sous-estimée. Elle pointe l'insuffisance des financeurs, c'est-à-dire l'État. La volonté de l'État a été contradictoire, comme en témoigne l'abandon de l'écotaxe. Le Gouvernement doit prendre des mesures. Le fret ferroviaire ne peut plus être le parent pauvre du secteur des transports.

La différence d'émission est frappante : 2 grammes par tonne kilomètre pour un train à traction électrique, 50 grammes pour un train à traction diesel et 196 grammes par semi-remorque de 32 tonnes.

Le One Planet Summit qu'organisait le président de la République devrait l'inciter à être concret.

Le groupe SOCR soutiendra cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Jérôme Bignon .  - Nos collègues ont raison : il y a urgence. L'ouverture progressive à la concurrence a fragilisé le secteur. Fret SNCF n'est plus viable économiquement d'après la Cour des comptes. Le secteur est éclaté en dix-huit entreprises dont trois filiales de l'opérateur historique. En dix ans, l'activité wagon isolé a été divisée par six. La dette du groupe, de 1,8 milliard en 2008, est passée à 4 milliards en 2014 et atteindra 5,1 milliards en 2020.

Restructuration chez ECR, la filiale de la Deutsche Bahn, restructuration prévue aussi chez Fret SNCF. Des efforts ont pourtant déjà été faits avec la réduction par deux du personnel et la rationalisation du matériel. La faute en est plutôt à l'État, au précédent gouvernement, en l'occurrence. Le fret ferroviaire ne représente que 9,3 % du trafic de marchandises. Et il y a une mauvaise utilisation du réseau : 31 % du réseau ne voit passer que 1 % du trafic.

Le groupe Les Indépendants est préoccupé de l'état du fret ferroviaire ; pour autant, il ne partage pas les propositions de cette résolution. La reprise de la dette est une piste, à condition d'être examinée dans un ensemble plus large ; la SNCF devra accepter une réforme de ses statuts et de celui de ses agents s'il veut que sa dette soit reprise. L'État ne peut plus s'endetter davantage. Il faut donc déplacer les engagements financiers en ayant le courage de soutenir les transports du futur.

Si nous partageons l'inquiétude de nos collègues, nous ne pouvons que voter contre ce texte : il faut faire tout autre chose ! À commencer par une refonte totale de l'organisation des acteurs du secteur.

M. Raymond Vall .  - Merci au groupe CRCE de nous permettre de débattre de ce sujet crucial.

Le fret ferroviaire a chuté d'un tiers depuis quinze ans. De son côté, l'Europe aura du mal à tenir ses engagements ambitieux. Cela fait dix ans que je me bats pour trouver 7 millions d'euros et sauver les cinquante kilomètres de voie ferrée en milieu rural, qui constituent la seule ligne de chemin de fer du Gers. Or la construction de cette ligne coûterait 80 millions d'euros : c'est ce qu'on perdra en ne rénovant pas cette ligne, qui est pourtant indispensable au fret de la production des fruits et légumes de notre territoire. Toutes les voies ferrées capillaires, pourtant indispensables pour acheminer les productions agricoles vers les ports, vont fermer. Seuls 30 kilomètres de toutes ces voies ferrées de Midi-Pyrénées sont utilisés, sur quelque 220 kilomètres. Difficile en revanche, de soutenir une réintégration de 45 milliards de dette de RFF.

Que pensez-vous de l'abandon de l'écotaxe, Monsieur le Ministre ? Faut-il renforcer la partie de la fiscalité verte au budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ?

Les régions doivent s'emparer de ce problème et être dotées de fonds supplémentaires. Comment trouver de nouvelles ressources ? Faut-il penser une nouvelle écotaxe ? Les voies ferrées sont les seules voies de maillage aux zones rurales, qui doivent stocker sur place.

Le groupe RDSE ne pourra pas voter cette proposition de résolution, à l'exception de MM. Labbé et Dantec. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Gérard Cornu .  - Cette proposition de résolution est l'occasion de rappeler notre attachement au système ferroviaire. Il est aujourd'hui incontestablement pénalisé au regard de ses concurrents. Le fret ferroviaire est pertinent pour des transports à longue distance de produits massifiés ou dangereux.

Lors du Grenelle II, la commission des affaires économiques et du développement durable, alors une et indivisible, avait créé un groupe de travail présidé par Francis Grignon, qui avait produit un rapport intitulé «Fret ferroviaire : Comment sortir de l'impasse ? ».

Madame Assassi, nous partageons le même constat, mais pas les mêmes conclusions.

Il est abusif de rendre l'ouverture à la concurrence responsable du déclin du fret ferroviaire : le déclin a commencé bien avant l'ouverture ! Dans son rapport, Francis Grignon rappelait qu'en 1950, les deux tiers des marchandises passaient par le rail.

Aujourd'hui, 87 % passent par les camions. Les raisons ? La désindustrialisation de la France, la faible attractivité des ports français comparativement aux ports étrangers, la faible intermodalité avec les canaux, le mauvais entretien du réseau.

Les entreprises jugent les camions plus fiables, moins coûteux et plus rapides. Nous regrettons tous l'abandon de l'écotaxe.

La proposition de résolution fait abstraction de l'ouverture à la concurrence, présente une stratégie archaïque au lieu d'une stratégie tournée vers les chargeurs et les clients.

Notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Didier Rambaud .  - Je suis heureux d'exprimer, en ce jour de la fin des Assises de la mobilité, le point de vue de mon groupe. Nous connaissons tous les nuisances dues aux poids lourds, qui ne cessent d'augmenter.

Le fret ferroviaire diminue et la dette de SNCF Réseau continue d'augmenter, de trois milliards d'euros chaque année.

Mais je ne partage pas vos propositions. Vous allez à l'encontre de l'ouverture de nombreux secteurs, comme la téléphonie, l'électricité ou les transports, alors que le monopole crée de fait des barrières de marché. Oui, le groupe LaREM est favorable à des services moins chers et plus efficaces.

L'ouverture à la concurrence - commencée en 1999, en 2006 pour le fret, en 2007 pour le train de marchandises et en 2010 pour le train de passagers - ne signifie pas soumission à la loi de la jungle : les contrôles, grâce à l'Arafer, n'ont jamais été aussi importants contre les abus.

Depuis 1993, et la décision Corbeau de la CJCE, concernant La Poste belge, la question de l'intervention de l'État est réglée et elle a été affinée avec l'arrêt de 1997 qui concernait la France : l'État peut toujours restreindre la concurrence, pour des raisons d'aménagement du territoire par exemple.

Comparons le modèle français et le modèle allemand, qui fait la même chose avec deux fois moins de personnels... Les voyageurs coincés en gare Montparnasse auraient peut-être aimé avoir des possibilités de transport alternatives et à moindre coût !

Relisons l'histoire objectivement : les premières lois anti-trust viennent des États-Unis et je ne dis rien des apports conceptuels de l'école de Fribourg pour laquelle l'égalité et le mérite fondent l'accès au marché : valeurs républicaines s'il en est. Il ne faut pas les invoquer sans substance, sans les faire vivre.

La ministre a missionné Jean-Cyril Spinetta pour étudier cette question ; nous connaitrons en janvier prochain les orientations qu'il propose. Ce sera l'occasion d'y revenir dans un cadre plus vaste.

Le groupe LaREM votera contre cette proposition de résolution.

M. Guillaume Gontard .  - La diminution drastique du fret ferroviaire est en contradiction totale avec les objectifs de la loi Grenelle I, les préconisations de la Commission européenne et l'Accord de Paris.

Le rapport de la Cour des comptes parle de « contradictions », avec le sens de la litote qu'on lui connaît. C'est le moins que l'on puisse dire : la suppression de l'écotaxe empêche toute internalisation des coûts de la route, obligeant la collectivité à payer les nuisances de la route. L'autorisation des camions de 44 tonnes est un mauvais signal. Même chose pour l'autorisation des camions de 4,5 mètres de haut : cela limite le ferroutage, car le fret ferroviaire est majoritairement calibré pour des camions de 4 mètres.

La France n'a pas pris le virage du commerce en ligne, on le voit à la gare de triage de Miramas entre le port de Fos et le sillon de la vallée du Rhône. Faute de 17 millions d'euros, la SNCF va la fermer. C'est absurde, car cela va lancer 300 000 camions de plus sur les routes.

Dans les Alpes, la part du fret ferroviaire est tombée à 3,5 tonnes de marchandises par an. Le réseau est capable d'en résorber cinq fois plus, moyennant un milliard d'investissement pour rénover les lignes. Soit dit en passant, les 25 milliards du TGV Lyon-Turin ont été justifiés, dans le discours, par l'idée que cette ligne renforcerait le fret ferroviaire... à 60 millions de tonnes - on en est loin !

Cette résolution s'accorde parfaitement avec vos objectifs, Monsieur le Ministre. Une jurisprudence récente sur le cas italien montre qu'on peut investir dans le rail sans remettre en question l'ouverture à la concurrence.

Il faut rénover les infrastructures, en construire d'autres, développer le wagon isolé, créer une taxe sur les poids lourds. La SNCF, avec l'État, doit redevenir un organisateur stratégique et logistique pour rénover les infrastructures, développer de nouvelles ITE, réserver du foncier.

La Suède et la Suisse ont fait le bon choix en investissant massivement pour les infrastructures et en développant une législation protectrice. Le président de la République a dit hier que l'heure était aux actions concrètes : cette résolution en est une ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Victoire Jasmin et M. Joël Bigot applaudissent également.)

M. Jean-François Longeot .  - Au nom d'Hervé Maurey, je remercie le groupe CRCE pour avoir proposé ce débat.

Les gouvernements successifs ont toujours affiché un engagement fort mais ont pris des décisions qui ont ôté au fret ferroviaire toute chance de succès. Je pense bien sûr à l'abandon de l'écotaxe. Entre 2011 et 2016, le fret ferroviaire a continué de perdre 1 % par an.

Je regrette que les Assises de la mobilité n'aient pas traité davantage du fret ferroviaire.

Le maintien des lignes capillaires est indispensable. Je ne peux que partager quelques propositions de cette proposition de résolution : le fret routier doit assumer ses externalités négatives. C'était l'esprit de l'écotaxe.

De la même façon, supprimer le soutien financier au secteur sans analyse approfondie des conséquences que cela entraînera n'est pas raisonnable.

Enfin, développer les infrastructures facilitant le fret ferroviaire ou le transport combiné, entre autres à partir des ports maritimes, serait pertinent. Les propositions concrètes faites lors de la table ronde que la commission du développement durable a organisée sur le canal Seine-Nord sont à explorer.

Toutefois, il serait difficile de gommer nos divergences d'appréciation. La libéralisation a fait baisser les coûts du fret et l'a rendu plus compétitif face à la route. Les écarts de compétitivité entre SNCF Mobilités et VFLI sont sidérants : d'après la Cour des comptes, ils atteignent 20 % en raison de l'organisation du temps de travail, voire 30 % si l'on y inclut l'absentéisme plus élevé dans l'entreprise publique. Dans ces conditions, je ne vois pas comment on peut souhaiter revenir sur l'ouverture à la concurrence. Le premier concurrent des entreprises de fret ferroviaire, c'est la route !

Un moratoire sur l'abandon de l'activité de wagon isolé ? Mais la Cour des comptes indique dans son référé que cette activité subit des pertes importantes en raison de ses coûts et d'une qualité de service très insuffisante.

Sur la dette du groupe SNCF Réseau, je ne vous rejoins pas non plus ; sa reprise pure et simple par l'État, sans s'assurer d'une évolution de la productivité du gestionnaire du réseau, nous exposerait au risque de revivre la même situation dans quelques années.

Le groupe UC votera contre cette proposition de résolution, même si nous partageons l'objectif de développer le fret ferroviaire.

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Le référé de la Cour des comptes du 14 septembre 2017 pointe la responsabilité de l'État dans le déclin du fret ferroviaire, un État qui a relevé de 38 à 44 tonnes le poids total autorisé des camions en France puis a financé des plans de relance autoroutiers très favorables aux concessionnaires. Certains observateurs n'hésitent pas à le qualifier de Dr. Jekyll et Mr. Hyde tant sa politique est ambiguë, voire schizophrène.

Au début des années deux mille, la part modale du ferroviaire en France se situait encore au-dessus de la moyenne européenne. En quinze ans, nous avons perdu un tiers du trafic. En 2016, le trafic routier représente 88 % du transport de marchandises, sa progression a été encouragée par l'autorisation du cabotage incluse dans le « paquet routier » de 2009. Comment ne pas mettre ces défaillances en regard des engagements pris lors de la COP 21 ?

D'après le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), le transport par la route est responsable d'un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre. Un train de fret de 850 m, c'est 48 camions et quatre fois moins de CO2. Cela suffit à plaider pour une internalisation des externalités négatives de la route. Nous ne les connaissons que trop bien : dumping social et économique, embouteillages, incidences sur la santé publique, nuisances sonores, dégradation des chaussées, routes à fort trafic.

Comme en octobre 2010, lorsque nous avons débattu d'une proposition de résolution quasiment identique, nous nous demandons s'il ne faudrait pas ressusciter la taxe poids lourds. La Commission européenne nous en offrira peut-être l'occasion à travers la révision de la directive « Eurovignette ». La mission conduite par Jean-Cyril Spinetta apportera également des perspectives d'avenir pour redynamiser le fret ferroviaire. Dès octobre 2016, le rapport d'information des députés Savary et Pancher avait esquissé des pistes. Cette proposition de résolution s'inscrit dans sa continuité, le groupe SOCR la votera, compte tenu du contexte écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Christophe Priou .  - Saluons l'intention louable des auteurs de ce texte. Pour autant, si une intention peut inspirer une résolution, une résolution n'a pas forcément valeur d'amorce.

Le constat a été fait : le ferroviaire représentait 30 % du trafic de marchandises en 1985, contre 10 % aujourd'hui. Il suffit de sillonner la France en train, lorsqu'ils fonctionnent, pour voir les lignes qui firent les grandes heures de L'Étoile du Nord, de Le Mistral et de L'Oiseau bleu à l'abandon... Mais l'on ne peut pas vivre de nostalgie, fût-elle ferroviaire.

Le développement du fret ferroviaire n'est pas seulement indispensable pour des raisons écologiques ; on met des wagons sur des rails aussi pour proposer des solutions innovantes, utiles et performantes aux acteurs économiques.

Je regrette comme vous le manque de moyens de l'AFITF. Le fret est un enjeu d'aménagement pour les Pays de la Loire. La région demande le raccordement de Saint-Nazaire-Tours au corridor Atlantique. Nous pouvons nous inspirer de la route ferroviaire aménagée aux Pays-Bas en 2007 : la ligne de la Betuwe longue de 160 km, qui relie le port de Rotterdam à son hinterland allemand pour un coût de 5 milliards d'euros.

Une enseigne connue d'articles de sport a récemment testé une nouvelle route de la soie : ce nouvel axe Chine-France est deux fois plus rapide que le bateau.

La France n'a pas un trafic portuaire à la hauteur de sa façade maritime. Le Premier ministre a raison : « les ports ont besoin de la mer. Ils ont aussi besoin de la terre, plus précisément du rail et des fleuves ». La réforme ferroviaire de 2014 n'a pas apporté de réponses, non plus que le projet de loi de finances 2018 qui obligera l'AFITF à échelonner les paiements ou à retarder les projets. Redéfinissons les priorités. Les crédits du transport combiné ne suffiront pas, pas plus que la recapitalisation de 1,4 milliard de Fret SNCF en 2005 sans gains de productivité.

Bref, nous espérons du futur projet de loi sur les mobilités une stratégie du fret ferroviaire clairement tournée vers les besoins des entreprises et repousserons cette proposition de résolution aux contours trop flous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Serge Babary .  - La situation du fret ferroviaire illustre parfaitement les contradictions dans lesquelles sont prises les politiques publiques : le Grenelle de l'environnement en 2009 avait fixé pour objectif de porter de 14 à 25 % la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises d'ici à 2022 ; elle n'est que de 10 % aujourd'hui.

Le déclin du fret ferroviaire n'est pas une fatalité. En Suisse, pays montagneux et sans industrie lourde, le ferroviaire représente 40 % du fret. Redevance poids lourds, subventions au transport combiné, interdiction aux poids lourds de circuler la nuit et le week-end, restrictions quant au poids et aux dimensions des camions, une politique réglementaire volontariste peut porter ses fruits.

Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps, important centre de fret ferroviaire, a alerté, à de multiples reprises, les gouvernements successifs sur la situation : on lui a répondu, à chaque fois, que le fret ferroviaire était une priorité gouvernementale, pour abandonner ensuite l'écotaxe et porter à 44 tonnes le tonnage autorisé des camions de plus de quatre essieux par le décret du 6 décembre 2012. Cette augmentation de tonnage a-t-elle créé de l'emploi en France ? Fluidifié la circulation ? Amélioré les conditions de travail des routiers ? Réduit les émissions de gaz à effet de serre ? Non. Elle a surtout justifié un surcoût d'entretien de la voirie d'environ 500 millions d'euros.

Le 30 août dernier, Nicolas Hulot a déclaré qu'il allait falloir s'attaquer au transfert du transport de marchandises de la route vers le rail pour tenir nos engagements climatiques. Le projet de loi de finances 2018 accuse une baisse de 5 milliards pour le fret ferroviaire : où est la cohérence ?

Les effets externes produits par ces modes de transport doivent être pris en compte : l'État doit adopter une vision plus stratégique ; il faut retrouver une véritable offre commerciale et rénover le réseau ; il faut encore réfléchir à un maillage territorial cohérent : désengorger Le Bourget ; desservir l'Atlantique, Nantes, notamment, en passant par les centres de triage de Saint-Pierre-des-Corps, Vierzon, jusqu'à Lyon.

Depuis le début de mon intervention, trente poids lourds sont passés sur l'A10 à proximité du site en déshérence de Saint-Pierre-des-Corps, soit un poids lourd toutes les dix secondes près de ma ville de Tours. Il est urgent de prendre des mesures concrètes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Borne pour son absence, elle préside les Assises de la mobilité. Je remercie le groupe CRCE pour son initiative qui me donne l'occasion d'exposer les actions que le Gouvernement entend mener pour le fret ferroviaire.

Nicolas Hulot l'a dit, il est une condition pour respecter nos engagements climatiques. Or il décline : de 16 % de parts de marché en 2000, il est passé à 10 % en 2016. Cette part est toutefois stable depuis 2011, depuis que l'État a fléché en sa direction des projets d'investissement dans le budget de l'AFITF. Cela étant, la situation n'est pas satisfaisante.

Les difficultés du fret ferroviaire s'expliquent par des facteurs externes : la densité industrielle est trois fois moindre en France qu'en Allemagne et la répartition des sites industriels inégale ; les ports ont une compétitivité trop faible et sont mal reliés à leur hinterland ; la crise de 2008 a porté un coup dur au secteur et a accéléré la désindustrialisation.

Parallèlement, le fret ferroviaire peine à s'adapter à la concurrence du routier, qui fixe les standards de prix et de qualité de service, notamment pour les dessertes fines du territoire. Le pavillon français accuse certes, un déficit de compétitivité ; les pavillons étrangers, eux, progressent. Nous travaillons dans le cadre de la négociation du prochain paquet routier à y remédier en promouvant les conditions d'une concurrence saine et équilibrée intégrant les impératifs sociaux, environnementaux et de sécurité routière. La circulation des 44 tonnes sur le territoire a été encadrée : l'abaissement des charges à l'essieu, l'obligation de suspensions pneumatiques ou encore le respect de la norme Euro.

La défense d'une concurrence saine pour le routier s'accompagne d'un plan d'action pour le fret ferroviaire. Les entreprises ferroviaires mettent en oeuvre des offres commerciales plus adaptées aux besoins des chargeurs : l'activité wagon isolé, par exemple, est maintenue, contrairement à ce qui s'est fait ailleurs, parce qu'elle correspond à une demande du secteur de la sidérurgie. Ensuite, la rénovation du cadre social a fait l'objet de négociations en 2016 pour poser les bases d'une concurrence loyale.

Le Gouvernement mène actuellement une réflexion globale sur le fret ferroviaire qui s'appuiera sur les conclusions de la mission Spinetta. Le premier défi à relever sera la disponibilité et la qualité des sillons.

Nous veillerons à l'irrigation ferroviaire de tous les territoires. C'est notre premier objectif. Une approche locale impliquant tous les acteurs est privilégiée. L'État s'est engagé à travers l'AFITF sur 30 millions d'euros, soit 10 millions par an entre 2015 et 2017 pour traiter 800 kilomètres de lignes. Sur 2018-2020, l'État maintient le principe d'une contribution de 10 millions par an pour accompagner les acteurs économiques. La France a également engagé des démarches auprès de la Commission européenne pour obtenir l'autorisation de verser des aides publiques à la création, la remise en état et la modernisation des secondes parties d'installations terminales embranchées.

L'amélioration de la performance du report modal est une priorité absolue. Une mission du Conseil général de l'environnement et du développement durable a confirmé la nécessité de maintenir un soutien. Un dispositif plus performant sera bientôt notifié à Bruxelles.

Parmi les autres objectifs, citons le développement du ferroutage sur les grands axes de trafic, l'intermodalité renforcée pour nos grands ports maritimes, l'accompagnement des innovations technologiques pour réduire les nuisances. La France est à l'avant-garde puisque des trains de 850 mètres, plus longs et plus lourds, peuvent déjà circuler sur les lignes Paris-Marseille-Perpignan, Paris/le Havre, frontière luxembourgeoise-Perpignan alors que le train de 750 mètres demeure la norme en Europe.

Le Gouvernement prend toute sa part dans le soutien au fret ferroviaire et émet un avis défavorable à cette proposition de résolution, tout en vous remerciant de lui avoir donné l'occasion de présenter ses grands axes en la matière. (M. Didier Rambaud applaudit.)

À la demande du groupe CRCE, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°44 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 95
Contre 246

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 18 h 5.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Communications

Conférence des présidents

M. le président.  - Les conclusions de la Conférence des présidents réunie ce jour vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observations d'ici la fin de la séance de ce soir.

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Échecs en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur le projet de loi de finances pour 2018 et sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ne sont pas parvenues à l'adoption de textes communs.

Débat sur le thème : « Le retour des djihadistes en France »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur « Le retour des djihadistes en France ».

M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche .  - Déradicalisation, réponses judiciaire et carcérale, il n'y a pas de solution simple pour faire face au retour des djihadistes.

La mouvance djihadiste n'est pas nouvelle, elle remonte à l'invasion russe en Afghanistan en 1979. Les combattants étrangers et les vétérans afghans ont joué un grand rôle dans sa diffusion, à la fin de la guerre en 1989 ; ils ont créé des groupuscules dans les pays arabes, en Asie, en Europe.

Dans les années 1990, la Bosnie, l'Algérie ont été de nouveaux terrains, et des Européens partis dans les Balkans ont fondé à leur retour des cellules djihadistes. Ce furent les premiers attentats islamistes en France.

À la fin des années 1990, et au début des années 2000, la montée en puissance d'Al-Qaïda a culminé avec l'attentat du World Trade Center ; puis Daech a suscité un bouleversement majeur en instaurant en 2014 un califat islamiste sur un territoire donné en Syrie et en Irak. Daech a aussi proclamé des provinces en Libye, Yémen, Afghanistan, Pakistan, réaffirmant sa vocation expansionniste. Les allégeances se sont multipliées. La menace s'est intensifiée avec la propagande sur internet et les réseaux sociaux, et avec le phénomène nouveau des loups solitaires.

Les jeunes radicalisés ont souvent un passé de délinquant, de trafiquant, ils sont souvent passés par la prison, et la très grande majorité n'a pas eu de pratique religieuse auparavant. Le voyage initiatique en Irak, en Syrie ou au Pakistan, la figure fascinante du chevalier djihadiste, les vidéos, les tweet s'accompagnent d'une pauvreté des références religieuses. Quel est le statut de la religion dans le djihadisme ?

On estime à 5 000 le nombre de jeunes partis en Syrie. Aujourd'hui, ils reviennent. Mme Benbassa, dans le rapport qu'elle a co-écrit sur le désendoctrinement et le désembrigadement, dénonce le retard pris par la France et parle même de fiasco : on a donné les clés de la déradicalisation à des associations bancales attirées par ce marché. Un ex-responsable a même été condamné à quatre mois de prison pour détournement de fonds.

Au Danemark, ou à Vilvorde en Belgique, l'accompagnement personnalisé sur le lieu de vie avec la collaboration des services publics a donné de bons résultats. C'est le modèle allemand du suivi individuel, appliqué d'abord aux groupuscules d'extrême-droite.

On estime actuellement à 400 hommes, 300 femmes et 500 mineurs le nombre de Français présents dans la zone de combats irako-syrienne et susceptibles de revenir ; 278 sont morts, 302 sont déjà revenus. La plupart sont entre les mains de la justice, en prison ou suivis par la DGSI. Les enfants de moins de 12 ans sont suivis avec attention par le ministère de l'intérieur et de la justice.

Le Premier ministre a précisé que la présence de ressortissants français sur des zones de combat était répréhensible et que notre pays n'organiserait pas le rapatriement de Français ayant combattu la coalition. Le procureur de la République de Paris retient désormais une qualification criminelle pour tous les individus de retour de zones de combat : ils sont placés en garde à vue et encourent vingt à trente ans de réclusion lorsqu'ils ont rejoint les rangs de Daech.

Les femmes bénéficiaient naguère d'un traitement compréhensif car on considérait qu'elles avaient été embrigadées par des recruteurs masculins. Pourtant leur radicalisation n'a rien à envier à celle des hommes. Elles sont aujourd'hui comme les hommes emprisonnées ou soumises à un suivi judiciaire ou administratif, éventuellement à un sursis avec mise à l'épreuve, avec suivi individualisé. Enfin, les mineurs non combattants sont placés par les services de l'aide à l'enfance (ASE) des conseils départementaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Vous avez raison, l'émergence du djihadisme a eu des conséquences individuelles mais aussi sociétales importantes.

Les revenants majeurs font l'objet d'une judiciarisation systématique et d'un suivi individualisé. La judiciarisation intervient dès le retour, si des éléments suffisants montrent que les individus se sont rendus sur un théâtre de conflit pour rejoindre un groupe combattant.

En pratique, cela signifie qu'ils sont mis en examen, placés en détention ou sous contrôle judiciaire. Jusqu'en 2015, le parquet réclamait le renvoi au titre de l'association de malfaiteurs terroristes, délit passible d'une peine de dix ans de prison.

Cette pratique a évolué de façon pragmatique, et l'association de malfaiteurs terroristes est à présent un crime et non plus un délit ; il est passible de vingt ou trente ans de prison. Il faut démontrer la participation effective au fonctionnement - à quelque fonction que ce soit - à un groupe responsable d'exactions sur la population locale.

Les services de renseignement ont récemment recensé 244 majeurs ayant combattu en Syrie ou en Irak et rentrés en France, dont 178 hommes et 66 femmes ; la plupart sont judiciarisés, les autres sont suivis administrativement par la DGSI.

Parmi eux, une quarantaine ont vu leur situation classée sans suite faute de preuves, mais le suivi administratif se poursuit. Il s'agit surtout de femmes.

Les autres n'ont pas encore été soumis à la justice, car ils sont partis et revenus il y a longtemps : des enquêtes sont nécessaires. Deux d'entre eux seront prochainement interpellés dans le cadre d'une procédure judiciaire.

Tous font l'objet d'un suivi personnalisé. Pour les 175 personnes placées en détention, il y a d'abord une procédure d'évaluation dans les quartiers d'évaluation de la radicalisation. Après quatre mois, l'administration pénitentiaire choisit la solution de détention la plus adaptée, au sein des 78 établissements de détention concernés. Les services du Bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) ont vu leurs effectifs renforcés, avec 35 créations de postes en 2018 et des actions de formation spécifique. Le renseignement pénitentiaire dispose aussi d'une autonomie technique.

Il ne faut pas non plus négliger le suivi après la détention. Une note de signalement très détaillée sur le détenu est diffusée à sa sortie à tous les services de renseignement, à la police et à la gendarmerie. Ils sont suivis par deux juges d'application des peines spécialisées en terrorisme, les Japat.

Un mot sur les mineurs. Leur prise en charge varie selon leur âge. Souvent ils ont moins de 10 ans. Les poursuites judiciaires n'ont pas lieu d'être, bien sûr... Des mesures éducatives sont prises par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l'ASE. Ils sont 56 dans ce cas. Huit aujourd'hui sont poursuivis pénalement. Tous sont suivis sur le plan psychologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; applaudissements sur quelques bancs des groupes SOCR, UC et Les Républicains)

Débat interactif

M. Roger Karoutchi .  - Le procureur de Paris considère que ceux qui reviennent sont plutôt des déçus de la défaite que des repentis. Le ministre des affaires étrangères souhaite qu'ils soient jugés en Irak tandis que Mme Parly souhaite des solutions plus radicales sur place....

La réponse judiciaire s'est durcie fin 2015. Notre droit est-il suffisant pour protéger les Français face au défi djihadiste ? Beaucoup sortent déjà de prison...

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nous ne pouvons pas obliger les autorités irakiennes à extrader les djihadistes français. Pour ceux qui arrivent sur le territoire français, vous me demandez si le droit est suffisant. Bien sûr, certains vont sortir de prison : c'est cela, l'État de droit !

Depuis 2016, le procureur de Paris a renforcé les sanctions en criminalisant ce qui relevait auparavant du délit. Les condamnations peuvent désormais aller jusqu'à trente ans.

M. Roger Karoutchi.  - Je ne doute pas de votre volonté ni de celle des magistrats. Mais entre le droit et la sécurité, l'équilibre est difficile. Les Français vous font confiance mais j'espère qu'il n'y aura pas d'incidents.

M. Bernard Cazeau .  - Que faire des revenants ? Depuis la prise de Raqqa, la question prend de l'ampleur. Les revenants menacent de se diluer dans la population pour exporter le conflit, notamment en France ; ce sont des bombes à retardement. Quelque 398 ont été mis en examen ; mais 600 djihadistes français sont encore en Syrie, avec 295 femmes et 400 enfants.

Le 13 novembre 2017, le président de la République a appelé à une gestion au cas par cas. Les enfants, cet héritage empoisonné de Daech, ne peuvent pas être traités comme des criminels de guerre ! Que faire pour qu'ils ne deviennent pas une menace à terme ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Toute personne qui revient fait l'objet d'une judiciarisation systématique. Depuis la loi de juillet 2016, la peine maximum encourue est de trente ans, elle est prononcée par la cour d'assises spéciale.

Les demandes de rapatriement émanant des personnes encore sur zone seront traitées par le Quai d'Orsay, au cas par cas ; la judiciarisation sera systématique, je le redis, à l'arrivée en France. Toutefois, il y a peu de demandes.

Mme Esther Benbassa .  - Dans votre lettre du 12 décembre, Madame la Ministre, vous ne donnez pas le feu vert à la création d'une commission d'enquête au Sénat sur le retour des djihadistes en raison de procédures en cours. Pourtant, cela s'est déjà fait !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je suis étonnée par votre question. Dès lors qu'il y a une enquête en cours, je réponds systématiquement que la constitution d'une commission d'enquête est délicate.

Mme Esther Benbassa.  - La chose s'est déjà produite !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je vais le vérifier.

M. Yves Détraigne .  - Le retour des djihadistes est notre plus grand défi de sécurité. Que font-ils ? Quand rentreront-ils ? Cette question ne se pose pas seulement pour les ressortissants français mais pour tous ceux qui se mêlent aux flux de l'immigration, notamment les demandeurs d'asile. Il ne s'agit pas de faire un amalgame, mais ne soyons pas naïfs. Comment, sur les 80 000 demandes enregistrées par l'Ofpra chaque année, n'y aurait-il pas des djihadistes ?

Quels moyens déployez-vous pour détecter les profils à risque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MmeChristine Bonfanti-Dossat et Nicole Duranton, M. Sébastien Meurant applaudissent également.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La justice a la volonté extrêmement forte de lutter contre les filières d'immigration irrégulière. Ces personnes peuvent être des mineurs non accompagnés. Là aussi, ils font l'objet d'une évaluation homogène, étroitement menée entre la police de l'air et des frontières et la justice, qui mènent ensemble un travail d'harmonisation des procédures. Enfin, la collaboration est extrêmement étroite entre la section C1 du Parquet de Paris et la DGSI.

Mme Laurence Rossignol .  - Parmi les atrocités commises par l'État islamique, il y a le sort réservé aux Yezidis, dont les hommes ont été massacrés et les femmes et les jeunes filles réduites en esclavage sexuel et domestique. L'on pourrait, à l'encontre des coupables de ces sévices, retenir le chef de traite d'êtres humains. En faisant raconter aux victimes leur vie dans l'État islamique, nous pourrions détecter les revenants concernés.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cette question humaine est extrêmement douloureuse. Nous partons, par pragmatisme, parce que l'établissement de la preuve est plus simple, d'une qualification terroriste, qui permet de punir le simple fait d'avoir rejoint une organisation terroriste. Si, au cours de l'enquête, il apparaît que d'autres incriminations pourraient être retenues, elles le sont, au cas par cas, selon les éléments recueillis.

Mme Laurence Rossignol.  - Je comprends le choix de l'efficacité. Pour autant, je m'inquiète de savoir si les juges recherchent les faits de traite des êtres humains.

En attendant de savoir si l'État islamique sera traduit devant la Cour pénale internationale, la France doit agir en reconnaissant ce crime.

Mme Catherine Troendlé .  - Mme Benbassa et moi-même avons travaillé sur la déradicalisation, notamment de femmes revenues de Syrie. Nous n'avons pas anticipé la situation. Des jeunes femmes en quête du mari idéal, d'une vie romanesque, se sont vues transformées en ventres à produire des soldats. Combien sont-elles ? À Pontourny, la déradicalisation peine à produire ses effets. Ces femmes sont séparées de leurs enfants. Comment les prendre en charge, elles et leurs enfants ? Quid des enfants-soldats ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Mesdames Troendlé et Benbassa, je vous avais rencontrées pour une présentation de votre rapport, fort intéressant. Ces femmes sont parties pour trouver le mari idéal - qui, comme nous le savons toutes, n'existe pas. (Rires ; Mmes Nadia Sollagoub, Christine Bonfanti-Dossat et Sylvie Goy-Chavent applaudissent.) À leur retour, elles sont judiciarisées comme les autres revenants.

L'évaluation est pluridisciplinaire. La prise en charge mère-enfant existe. Si les mères sont en prison, la protection judiciaire de la jeunesse organise des visites.

Mme Catherine Troendlé.  - Mais les enfants-soldats, qu'en fera-t-on ?

M. Martin Lévrier .  - Quelques centaines de mineurs sont encore sur le sol irako-syrien. Lionceaux du califat, enfants de familles parties là-bas ou nés sur place, ils reviendront sous peu sur le sol français. Ils sont de véritables bombes à retardement.

Ils ne sont pas responsables des choix de leurs parents. Comment favoriser leur insertion dans la société ? Le programme Recherche et intervention sur les violences extrémistes (RIVE) est un programme obligatoire suivi par 14 adultes. Quels sont les résultats de cette expérimentation. Est-elle transposable aux enfants ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Ces enfants n'ont pas demandé à aller en Syrie. Nous ne pouvons cependant ignorer ce qu'ils ont vu, ni leur embrigadement. Tout mineur est pris en charge par un juge. Ceux qui ont agi peuvent être sanctionnés pénalement. Les plus jeunes sont suivis par la PJJ qui met en place des programmes spécialisés.

Les jeunes radicalisés sont pris en charge spécifiquement 24 heures sur 24 par des éducateurs, ce qui est d'ailleurs assez onéreux.

Le dispositif RIVE a été conçu uniquement pour les adultes, mais la prise en charge par des associations spécialisées pour les mineurs s'en inspire fortement.

M. Olivier Cigolotti .  - L'organisation terroriste ne contrôle plus de territoires importants. Une partie des combattants se sont enfuis. Nos services de renseignement les suivent-ils ?

Or sur le territoire de l'État islamique vivaient 460 mineurs français, dont un tiers né sur place. Ils ont majoritairement moins de 15 ans et pourraient se glisser parmi les mineurs non accompagnés.

Avons-nous suffisamment d'éducateurs spécialement formés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vous avez raison sur l'analyse : beaucoup de Français ont été sur les zones de combat ; la DGSE estime qu'ils évoluent vers d'autres filières et d'autres pays, en Asie ou au Sahel.

Les préfets réunissent tous les services, DGSI, DGSE, PJJ, procureurs, susceptibles de faire remonter des informations sur les mineurs en cause et qui peuvent faire partie des mineurs non accompagnés. S'agissant de ces derniers, nous souhaitons que leur évaluation soit prise en charge par l'État et que les évaluations soient harmonisées ; je souhaite également que ces évaluations alimentent un fichier, même si je n'aime pas ce terme, afin de limiter la dispersion de ces enfants de département en département. Il ne faut pas qu'une personne déclarée majeure dans un département puisse être reconnue mineure ailleurs.

M. Michel Dagbert .  - Avant même les attentats de 2015, les gouvernements ont eu à coeur de cerner le phénomène. Lors du Conseil justice et affaires intérieures de juin 2013, votre prédécesseur Mme Christiane Taubira, et M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, ont demandé au coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, de recenser les mesures qui pourraient être prises. La Commission européenne, en 2015, a précisé les mesures à prendre. Contrôles systématiques aux frontières, lutte contre la fraude aux documents d'identité, fichier aérien, lutte contre la propagande terroriste sur internet sont à présent une réalité, mais des failles subsistent et l'approche européenne doit être renforcée. Le réseau européen Radicalisation Awareness Network (RAN) évalue à trois mille le nombre de revenants potentiels sur le sol européen.

Dans le cadre du Conseil justice et affaires intérieures, que pourrait proposer la France ? Quel mandat a été confié au groupe d'experts de haut niveau sur la radicalisation (HLEG-R), pour quelles actions concrètes ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vous citez à juste raison le RAN, qui joue un rôle important. Des échanges informels ont eu lieu avec Eurojust, Europol, ou encore le coordinateur européen contre le terrorisme, Gilles de Kerchove - en particulier sur ce qui relève de « bonnes pratiques » en la matière.

Une nouvelle directive de lutte contre le terrorisme, du 15 mars 2017, pénalise le fait de participer ou soutenir le départ vers une zone de combat terroriste. Les pays à la législation plus permissive ne sont donc plus susceptibles de servir de refuge aux terroristes de retour. Le commissaire européen en charge de la sécurité m'a consultée sur nos pratiques et m'a fait comprendre que nous avions une longueur d'avance, c'est une indication.

M. Henri Leroy .  - Les Français partis faire le djihad sont des djihadistes. De retour en France, faut-il les regarder comme des repentis ? Des revenants ? Quel sort leur réserver, sachant qu'ils ont été endoctrinés et en rupture totale avec nos valeurs républicaines, démocratiques, intellectuelles, culturelles et identitaires ?

Les chefs d'inculpation sont nombreux : crime de guerre, crime contre l'humanité, association de malfaiteurs avec une entreprise terroriste... Ils encourent trente ans de réclusion criminelle, il faut leur ôter toute capacité de nuire. Le livre IV du code pénal est largement consacré à ces infractions. Le retrait de la nationalité est même possible. La répression est le seul rempart à la menace qui pèse sur notre sécurité. En êtes-vous convaincue ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Oui, je suis convaincue que la répression est une arme. Mais nous sommes dans un État de droit : toute personne qui a purgé sa peine... l'a purgée.

Ces personnes sont en rupture totale avec nos principes républicains, je vous rejoins ; elles doivent donc avoir affaire à un juge. Je l'ai dit tout à l'heure. Nous appliquons des sanctions puissantes, puis un suivi administratif très serré, je puis vous l'assurer, conformément à nos principes républicains.

Je ne souhaite pas rouvrir le débat de la déchéance de nationalité, elle existe, mais ne peut concerner que les détenteurs d'une double nationalité.

M. Henri Leroy.  - Les revenants sont coupables a minima d'intelligence avec l'ennemi ou d'avoir rejoint une armée étrangère. Ce sont donc des traitres à la Nation, qui doivent faire l'objet de mesures drastiques. La déchéance ne doit pas être écartée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sylvie Goy-Chavent .  - Nous avons tous en mémoire les terribles attentats de Paris et de Nice et celles des atrocités commises par les membres de l'État islamique dans la zone irako-syrienne. Au sein de Daech, les combattants dits « étrangers » sont les plus déterminés et, souvent, les plus sadiques. Aussi leur retour nous interroge-t-il sur notre capacité, dans un État de droit, à les empêcher de nuire.

Florence Parly a récemment parlé sans détour : s'ils périssent au combat, c'est tant mieux - ces termes me conviennent bien. Mais que fait-on de tous les autres, en particulier les mineurs qui sont rendus à leur famille où l'on cultive souvent la haine de la France, des juifs et des mécréants ? L'État de droit restera-t-il impuissant face à ce qui menace son existence même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Votre question a le mérite de synthétiser les choses qui ont été dites jusqu'à présent...

Comment empêcher des familles de nuire ? Il me semble que, - j'espère ne pas me leurrer - que notre dispositif est un filet aux mailles assez serrées : tous ceux qui reviennent sont placés en détention ou sous contrôle judiciaire. Les enfants font l'objet, minima, d'une prise en charge éducative, voire d'une détention s'ils sont adolescents. Nos services sont d'une grande efficacité et ils sont très déterminés. Autre chose est l'hypothèse du retour en France d'une personne qui n'aurait pas été repérée auparavant - mais c'est de plus en plus difficile. Je ne peux vous révéler le contenu des conseils de défense, mais je vous assure que chaque semaine, nous savons qui est où et qui fait quoi. Nous sommes déterminés à protéger nos concitoyens.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Depuis Charlie, rien n'a changé sur le fond...

Mme Laurence Rossignol.  - C'est n'est pas vrai !

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Ne faut-il pas mettre en place, dans notre État de droit, de nouveaux outils de détection et de déradicalisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe  UC)

M. Yves Daudigny .  - Les personnes revenant de Syrie ou d'Irak relèvent d'une réponse pénale, dans la mesure où elles ont coopéré, directement ou indirectement, à des actions terroristes. Reste la question de savoir si elles ont agi librement ou sous la contrainte, ce qui nous demande de disposer d'informations fiables et de preuves. Quels sont les moyens mis en oeuvre à cet effet ?

Certains revenants se présentent comme repentis, ou disent être revenus de leur période de radicalisation - leur expérience est précieuse ; d'autres encore feignent de n'être plus radicalisés, restant des terroristes « dormants ». De plus, la notion même de déradicalisation est contestable, dès lors que la radicalité se définit comme une intention immuable.

Qu'attendre des éducateurs, psychiatres et pédopsychiatres pour la déradicalisation de ces personnes. Aucune approche ne semble porter ses fruits. Merci de nous tenir informés, Madame la Ministre, de la manière dont votre ministère appréhende le phénomène des « repentis ».

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement a fait clairement le choix de ne pas mener de politique active de rapatriement. Nous ne prenons de décisions qu'au cas par cas. Les autorités irakiennes ont dit ne pas vouloir extrader les djihadistes français capturés pour les juger sur place. Nous en prenons acte.

Quant aux autres, la plupart sont remis aux autorités turques ; en vertu du protocole français-turc dit Cazeneuve, ces personnes sont placées en détention, puis transférées vers la France et judiciarisées.

La déradicalisation est un mot sans doute mal adapté à ce phénomène, comme l'ont fait remarquer Mmes Troendle et Benbassa. Je préfère parler de désengagement d'un phénomène de violence. L'efficacité de ces processus de désengagement est réelle sur des personnes modérément engagées dans un processus de violence. Tel est le constat que nous pouvons faire à ce stade.

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Plus de 300 personnes sont déjà revenues de zones djihadistes, dont 66 femmes et 56 mineurs ; plus de 400 seraient encore sur place. La loi de 2016 a permis de renforcer la judiciarisation des femmes. Leurs enfants sont traités comme des orphelins classiques mais, comme le souligne le procureur de la République, ils peuvent être des bombes à retardement.

Dans les foyers, quels liens auront-ils avec les autres enfants ? Dans la famille d'accueil, quelles seront les conséquences de l'arrivée d'enfants ayant connu des traumatismes ? Chez un proche, comment les éloigner de l'islam politique ?

En septembre, le président de la République avait annoncé des propositions d'ici la fin de l'année pour la prise en charge des enfants ; où en est-on ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Effectivement, les mineurs sont des risques pour eux-mêmes et pour la société. Ils sont pour la plupart très jeunes : moins de 10 ans pour les trois quarts. Arrivés en France, ils font l'objet d'une ordonnance de placement provisoire, d'un bilan psychologique, et le juge des enfants sollicite une évaluation de leur situation par la PJJ pendant six mois.

Puis une évaluation renforcée associe la PJJ et les services départementaux. Ils bénéficient ainsi d'un double suivi - aide sociale à l'enfance et assistance éducative en milieu ouvert. Une circulaire de mars 2017 précise que leur scolarisation est systématique et que la cellule départementale de suivi du risque de radicalisation informe l'Éducation nationale afin de choisir au mieux l'établissement scolaire où ils peuvent être accueillis.

Vous le voyez, le suivi est très poussé.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - Plusieurs centaines de Français sont déjà rentrés, le procureur Molins parle de quelques centaines susceptibles de revenir encore. Quelle vision le Gouvernement a-t-il sur la suite des évènements ? La plupart des personnes recouvreront leur liberté dans quelques années conformément aux règles de notre droit. D'autres pays ont fait d'autres choix. Des exemples étrangers au Danemark, en Allemagne, en Belgique pourraient nous inspirer. Quelle est votre conviction profonde ? Que faire pour que ceux qui reviennent demain se réinsèrent dans la société ? Quoi d'autre qu'un fichage et qu'un suivi administratif ? Qu'entendez-vous faire pour les personnes et pour la société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je me pose souvent cette question. Je ne suis pas sûre que toutes les personnes seront réinsérées dans la société. Mais que ferons-nous de celles qui ne se réinsèrent pas ? Malgré tout, c'est le devoir de la société de toutes les réinsérer. Plusieurs centaines de Français sont partis sur les zones de combat, mais on ne constate pas d'afflux massif au retour.

La période de préparation à la sortie de prison est essentielle. Les juges d'application des peines, les services pénaux d'insertion et de probation (SPIP) dont nous renforçons les moyens, et les associations travaillent déjà à la réinsertion - nous ne laissons pas les revenants entre les seules mains des services de renseignement.

Mme Nicole Duranton .  - La France a connu de nombreux attentats. J'ai une pensée pour le père Hamel assassiné à Saint-Étienne-du-Rouvray. La menace ne faiblit pas, malgré le renforcement des lois antiterroristes.

Les centaines de Français partis en Syrie ont pris les armes contre le peuple français, pourquoi la France devrait-elle accepter de les rapatrier en prenant un risque supplémentaire ? La vie est une suite de choix, ceux qui sont partis en Syrie doivent assumer les leurs.

Restent les enfants. Ce serait l'honneur de la France d'organiser leur retour. Quant aux femmes, si certaines sont des victimes, beaucoup ont fait le choix de l'idéologie djihadiste. Elles sont même souvent le moteur de la radicalisation dans le couple quand l'homme préfère le combat. Faut-il rapatrier ces femmes ? Nos prisons sont déjà des foyers de radicalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Non, la menace ne faiblit pas, elle est surtout diffuse et ne provient pas uniquement de ceux qui reviennent de Syrie. Je le redis : la France n'a aucune politique de rapatriement actif. Nous prenons acte de la volonté de l'Irak de juger ces djihadistes sur place. Un accord a été conclu avec la Turquie. Une Française jugée en Irak avec ses quatre enfants demande le rapatriement de ces derniers. Chaque situation fait l'objet d'une étude au cas par cas - le quai d'Orsay examine celui de cette femme.

Enfin, aucun statut de repenti n'a été accordé à ces combattants. Aucun.

M. Sébastien Meurant .  - Vous héritez d'un contexte géopolitique terrible, qui n'est pas nouveau. Certains ont évoqué l'Afghanistan comme première cause du djihadisme. Pour moi, c'est la révolution iranienne, puis le wahhabisme en Arabie saoudite, puis encore le financement des djihadistes par les pétromonarchies.

Nous sommes confrontés à des personnes qui sont prêtes à mourir pour leur foi. Que faire ? Les frontières sont poreuses. Les fermerez-vous ? Fermerez-vous aussi les mosquées salafistes où l'on professe la haine de ce que nous sommes ? Enfin, informerez-vous les maires, dernière colonne vertébrale de la citoyenneté, qui souhaitent pouvoir protéger leur population - les informerez-vous de la présence sur leur territoire, de personnes fichées « S » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol.  - Ben voyons !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je n'hérite pas de ce contexte, c'est collectivement que nous sommes confrontés à ce problème. Vous opposez l'État de droit, que nous défendons tous et qui est fondé sur la règle, à des personnes poussées à l'action par des principes qu'elles pensent religieux et mues par un idéal, une fragilité, ou quelque autre cause socio-économique ou sociologique.

Sur les frontières, le ministre de l'intérieur a pris de nombreuses dispositions pour renforcer les contrôles aux frontières grâce à des dérogations au processus Schengen. La loi de lutte contre le terrorisme permet de fermer des mosquées salafistes.

Enfin, la liste des fichés S est réservée aux services de l'État.

Mme Laurence Rossignol et plusieurs autres sénateurs socialistes.  - Heureusement !

M. Joël Guerriau .  - En février dernier, un rapport sénatorial soulignait l'inefficacité des politiques de déradicalisation, suggérant que les centres spécialisés étaient inutiles. De nombreuses interrogations pèsent sur certains dispositifs comme le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam, de Mme Dounia Bouzar. La radicalisation n'est pas une maladie qu'il faudrait traiter, mais bien un fait social à combattre - et l'on ne traite le social que par le social, comme disait Pierre Bourdieu. D'autres pays l'ont bien compris : des expériences réussies en Norvège, Allemagne et Pays-Bas pourraient nous inspirer. Ces pays fondent leur action sur la volonté politique d'intégrer les communautés musulmanes locales et des acteurs sociaux variés, sans stigmatisation ni mise au ban de la société. Leur approche est englobante, elle prend en compte l'environnement familial, social, scolaire, culturel et géographique pour se rapprocher d'un traitement au cas par cas.

Face à la menace, l'Union européenne doit être unie. Comment défendrez-vous une approche commune ? Les moyens seront-ils au rendez-vous ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le réseau européen de sensibilisation à la radicalisation, le RAN, mentionne l'expérience française de déradicalisation comme une bonne pratique. Au Conseil Justice et affaires intérieures, chacun est très volontariste sur ce sujet.

Ce qui fonctionne bien est un suivi au cas par cas, avec des solutions adaptées. Cette approche n'exclut pas une réflexion globale sur l'intégration économique et sociale des personnes. Cela dépasse le cadre des politiques de déradicalisation et mobilise l'ensemble des politiques de la ville et des politiques sociales.

Le débat est clos.

Débat sur la COP 23

M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche .  - Je remercie mon groupe LaREM d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour. Pourquoi ce débat ? Car la lutte contre le réchauffement climatique est l'enjeu principal de notre temps, comme l'a rappelé hier le président de la République lors du One Planet Summit à Boulogne.

Ce soir, nous parlerons de l'état de notre planète : celle-ci va mal et de plus en plus mal, quinze mille scientifiques, dans un texte commun paru le 13 novembre, nous l'ont dit : bientôt il sera trop tard ! Nous sommes dans le pire des scénarios prévus par le GIEC. Toutes les activités humaines sont touchées. Déclin de la riziculture dans le delta du Mékong, détachement d'iceberg en Antarctique...

L'Accord de Paris était signé il y a deux ans. Nous achevons la première année de mandat du président des États-Unis, M. Trump, qui a désengagé son pays de l'Accord.

L'heure n'est plus au diagnostic, déjà dressé par M. Chirac qui disait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Treize ans plus tard, M. Obama affirmait : « Nous n'avons qu'une planète, il n'y a pas de plan B ». M. Macron a reconnu : « Nous sommes en train de perdre la bataille ».

Le but premier de ce sommet est bien de passer à l'action, en mobilisant les partenaires privés français et internationaux - en ceci, ce One Planet Summit est complémentaire aux COP. Les COP ne sont que des accords multilatéraux soumis au bon vouloir des États.

Je salue les avancées réalisées : la mise en place d'une plate-forme sur les savoirs et les connaissances des peuples autochtones pour aider dans la lutte contre le bouleversement du climat ; la création d'un groupe de travail sur la sécurité alimentaire ; le plan d'action pour l'égalité des sexes ; l'accord pour sortir du charbon.

Toutefois en dépit de ces mesures, aucun leadership n'a émergé pour remplacer les États-Unis. Si des conférences sont nécessaires, force est de constater que les avancées sont lentes.

La COP 23 visait à fixer des règles d'application sur les Accords de Paris - ils ne commenceront donc à être mis en oeuvre qu'en 2018 ! Aussi les initiatives privées se multiplient comme le Cities Climate Leadership Group, le C40, présidé par Mme Hidalgo. Ce réseau regroupe 86 agglomérations représentant plus de 600 millions d'habitants, 25 % du PIB mondial et 70 % des émissions de gaz à effet de serre. Trente maires de grandes métropoles comme Los Angeles, Mexico, Auckland, Londres et Paris ont signé un engagement pour lutter contre le réchauffement climatique.

L'engagement des grandes entreprises est crucial.

Le One Planet Summit d'hier est une grande avancée. Certains douteront de ces avancées. Le greenwashing est de mode. Mais l'ampleur du défi est tel que les États ne pourront tout faire. L'enjeu requiert la mobilisation de tous les acteurs sociaux. On note déjà un fort désinvestissement dans les énergies fossiles. Le mouvement 350.org de Bill McKibben est exemplaire, notre beau Sénat, qui a récemment décidé de fixer des critères éthiques à ses placements financiers, pourrait s'en inspirer.

Madame la Ministre, soyez assurée du soutien des sénateurs du groupe LaREM dans ce combat qui est le vôtre et le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Merci d'avoir organisé ce débat. Le président de la République l'a souligné hier, nous sommes à un moment de bascule pour l'histoire de l'humanité. Nous sommes mal partis pour tenir nos engagements de l'Accord de Paris. J'ose le dire car notre dialogue doit être franc et honnête : la trajectoire est mortifère.

Cette année 2017 a été marquée par la tentative de déstabilisation orchestrée par l'administration Trump. L'accord ayant été signé à Paris, la France se sent investie d'une responsabilité particulière. Le président de la République a réagi sans attendre. Depuis, les cris d'alarme des scientifiques se multiplient.

Nous sommes au seuil de l'irréversible. Nous ne parviendrons pas à contenir le réchauffement climatique si nous ne transformons pas immédiatement nos façons de vivre, de travailler et même de penser. Nous assistons à l'extinction des espèces, qui mettra à mal notre agriculture et l'humanité tout entière.

Certains parlent d'un bilan de la COP 23 en demi-teinte. C'est oublier le contexte : les États-Unis, l'un des principaux émetteurs de CO2, s'étaient désengagés. Beaucoup d'autres États auraient pu les suivre. Ils s'y sont refusés. Heureusement car il y a urgence pour les petits États insulaires, qu'incarnait la présidence fidjienne, qui vivent la réalité du changement climatique. Le niveau des eaux a progressé de 19 centimètres depuis le début du siècle. De bouts de France sont affectés par cette montée des eaux. Outre les engagements financiers pris, la COP 23, qui se poursuivra par le dialogue Talanoa, a été l'occasion d'avancer sur la question du genre et du développement.

Les actions de la société civile ont été saluées lors de la COP 23 et du One Planet Summit. Nous devons encourager les initiatives sur les territoires ; et vous, sénateurs plus que les autres, parce que vous connaissez les élus locaux, les chefs d'entreprise et les acteurs dans vos départements. C'est ainsi que nous rendrons la transition irréversible.

L'année 2018 sera décisive pour la mise en oeuvre de l'Accord de Paris. À l'échelon national, une action résolue est nécessaire. Elle s'incarne dans le One Planet Summit mais aussi et surtout dans le plan climat, annoncé le 6 juillet 2017 par Nicolas Hulot. Plus ambitieux que l'Accord de Paris, il fixe pour objectifs : la neutralité Carbone d'ici 2050, la fin des véhicules thermiques d'ici 2040, le recyclage total des plastiques et la réduction des mises en décharge d'ici 2025 que j'évoquais ce matin avec Delphine Gény-Stephann. La transition écologique, si elle n'est pas solidaire, ne sera pas, ou sera trop lente ; d'où le paquet solidarité climatique. Nous voulons augmenter la part du renouvelable dans le mix énergétique tout en considérant le nucléaire essentiel pour garantir notre approvisionnement. Les transports sont au coeur du plan Climat, c'est aussi un sujet européen que j'évoquerai vendredi en Bulgarie puis à Bruxelles au Conseil européen des ministres de l'énergie.

Notre ambition : engager une dynamique, à l'échelon national comme à l'échelon européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Débat interactif

M. Ronan Dantec .  - Le One Planet Summit a été un véritable succès. Pour autant, nous ne nous en sortirons pas si nous ne sommes pas exemplaires. Or il y a des trous dans la raquette. La DGAC, pourtant connue pour la qualité de ses analyses, n'est pas capable de fournir des données sur les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien, qui est le plus émetteur de CO2 par kilomètre.

Comment comptez-vous faire entrer le transport aérien dans votre stratégie bas carbone ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Le transport aérien représente 2 % des émissions de gaz à effet de serre, or ni l'aérien ni le maritime ne sont inclus dans l'Accord de Paris.

Notre Gouvernement croit dans le libre-échange mais celui-ci ne doit pas se faire au détriment de la planète. Nous avons travaillé sur le CETA. Hier encore, j'étais avec mon homologue québécoise et le ministre avec son homologue canadien. Nous travaillons également au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale pour trouver des axes de réduction du carbone. Vous connaissez l'accord Corsia d'octobre 2016.

Mme Fabienne Keller .  - Des pays sont victimes de la double peine : peu producteurs d'émissions de gaz à effet de serre, ils en sont victimes, parce qu'ils sont insulaires ou que leurs terres se salinisent, comme les rizières le long du fleuve Sénégal.

Le Fonds vert devait être doté de 100 milliards de dollars mais l'argent semble difficile à rassembler... La TTF française est déjà utilisée dans le budget national. Autres pistes intéressantes : l'inclusion carbone aux frontières ou la mise à contribution des émetteurs que sont les transports aériens et maritimes.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Le Fonds vert est régulièrement critiqué. Les pays les moins avancés et les petites îles, qui représentent 40 % des projets et 30 % des fonds, ne sont pas pénalisés. Les processus ont été simplifiés pour les petits projets. Les décaissements sont de 110 millions de dollars et les progrès, réels. Il faut dissocier les dysfonctionnements du fonds de ceux des organismes accrédités. Le fonds, en outre, n'en est qu'à sa deuxième année d'existence. L'année 2018 sera consacrée à la rénovation de sa gouvernance ; la France plaide pour un secrétariat renforcé et une décision à la majorité afin de la dépolitiser.

M. François Patriat .  - Madame la Ministre, j'ai apprécié votre propos liminaire. Après le désengagement des États-Unis de l'Accord de Paris, beaucoup étaient inquiets. Le président de la République a rassuré, hier. Il ne suffit pas de dire que la planète brûle ; le président de la République a su redonner de l'élan, du souffle. Nous sommes tous d'accord pour enclencher la transition, mais c'est difficile : dix ans pour construire des éoliennes, des champs solaires... Le ministre d'État a reconnu que les normes étaient contraignantes.

Comment le Gouvernement entend-il mobiliser le secteur privé pour enclencher une vraie transformation ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La question du financement est absolument essentielle. Le coût de la transition est estimé à 90 000 milliards de dollars, le PIB mondial n'atteint que 75 000 milliards de dollars... Nous avons ainsi besoin de plus de la totalité des richesses de la planète.

La France, elle, a commencé à prendre ses responsabilités, elle est même pionnière en verdissant la finance car tous les financements privés et publics doivent être fléchés vers le bas carbone : je pense aux obligations vertes, à l'article 173 de la loi Transition énergétique sur la transparence des risques climatiques ou à la charte AFD-Caisse des dépôts et consignations qui met fin aux subventions aux énergies fossiles.

Nous devons accélérer notre action pour entraîner l'Europe et le monde dans notre sillage.

M. Guillaume Gontard .  - Il y avait quelque chose d'encourageant et de curieux à voir la finance réunie hier à Paris. Encourageant car cette rencontre, même si on ne comprend pas bien pourquoi elle ne pouvait pas se tenir dans le cadre de la COP 23 n'a pas de précédent. Curieux car si rien n'est possible sans la finance, son verdissement est douteux - je vous renvoie au rapport d'Attac. Les obligations vertes ne sont ni contrôlées ni régulées. Seules 25 % de ces obligations sont certifiées. Quelles mesures pour garantir que les obligations vertes ne sont pas une escroquerie, une vaste opération de greenwashing ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Les négociations de l'ONU et le One Planet Summit sont deux choses distinctes. Avec ce dernier, on entre de plain-pied dans l'action.

La grande finance cherche le profit mais c'est cette recherche qui la fera entrer dans l'économie verte. Quel investisseur prendra des risques financiers quand on lui montrera les dangers pour la planète ?

Les obligations vertes sont appelées à se massifier. Récemment j'ai présidé un groupe de travail sur l'évaluation des standards des obligations vertes, pour créer des standards européens.

Mme Nadia Sollogoub .  - Allons droit au but : le retrait des États-Unis de la COP 23 a cassé l'ambiance... La présence de maires de grandes villes, de présidents d'universités ou d'associations américains n'a pas suffi à le masquer. L'Europe a manqué l'occasion de parler d'une seule voix. La France a-t-elle tiré toutes les conséquences du retrait du Gouvernement Trump ? La France est - elle prête à assumer un rôle fédérateur sur ces questions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Oui, la France a pris toute la mesure de ce retrait. Quelques heures après l'annonce de Donald Trump, le président de la République s'est exprimé en français et en anglais pour encourager à Make our planet great again.

Moi qui ai vécu aux États-Unis, j'ai été saisie de l'ampleur de la mobilisation américaine pour lutter contre le réchauffement climatique après la décision du président Trump et l'appel d'Emmanuel Macron.

Nous, Européens, ne devons pas nous résigner. Nous travaillons d'arrache-pied ; j'étais encore, avant d'entrer dans cet hémicycle, en contact avec mes homologues européens. C'est pourquoi nous avons besoin de votre soutien.

Mme Angèle Préville .  - En prévision de la COP 23, les parlementaires africains se sont réunis à Rabat pour préparer une déclaration commune. Leur participation aux émissions au gaz à effet de serre est inférieure à 4 %, le financement d'un plan stratégique de développement en Afrique est une question de réparation et d'équité. Or ils s'inquiètent des moyens du Fonds vert. Ses financements sont à venir ; la sécheresse dans la Corne de l'Afrique et l'ouragan aux îles Vierges sont là. Ces pays sont las des promesses et des beaux discours ; ils vivent dans l'urgence. Leur quotidien, leur vie, leur histoire sont menacés. Les États insulaires où vivent 300 millions de personnes voient leur quotidien directement bouleversé par le réchauffement climatique. J'ai été émue par l'appel de ces parlementaires africains, ils ne demandent pas l'aumône. La France est le cinquième contributeur à ce Fonds. Pouvez-vous détailler selon quelles modalités ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La France a pris hier des engagements importants. Elle est moteur dans le développement des énergies renouvelables en Afrique subsaharienne et l'alliance solaire internationale aux côtés de l'Inde. Nous sommes en outre engagés dans l'initiative WACA contre la montée des eaux aux côtés de la Banque mondiale, à l'attention des États insulaires.

Dans les Caraïbes, une climate-smart zone a été lancée avec le Caricom.

M. Joël Guerriau .  - La COP 23 n'a pas été que la continuité de la COP 21. L'heure est à présent à la mise en oeuvre des engagements pris. Les entreprises se mobilisent. Elles s'étaient réunies pour la première fois à Paris en mai 2015. Hier, 90 entreprises françaises, représentant 6 millions d'emplois dans le monde, ont annoncé vouloir réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Il est temps de leur donner un rôle. Comment pouvons-nous convaincre toutes les entreprises françaises de prendre part à l'effort ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - C'est une question essentielle car les besoins financiers sont pharaoniques pour assurer la transition écologique. Si nous ne verdissons pas les actions de nos entreprises et notre système financier, nous ne tiendrons pas nos engagements. La France a été pionnière avec les obligations vertes. Il faut les développer. L'article 173 de la loi Transition écologique vise à faire la transparence sur ces obligations vertes, et il fait école ailleurs dans le monde. Nous travaillons également à faire de la place de Paris la première place verte au monde.

M. Joël Labbé .  - Le projet 4 pour 1 000 est crucial : il suffirait d'augmenter la capacité de stockage de CO2 des sols de seulement 4 pour 1 000 par an pour résoudre la question des gaz à effet de serre. L'agriculture, qui représente une part du problème puisqu'elle représente 25 à 30 % des émissions de gaz à effet de serre, deviendrait une partie de la solution ! Elle rémunérerait ainsi les agriculteurs pour les services qu'ils rendent à la biodiversité et au climat. Où en est-on de ce projet ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - L'agriculture est plus qu'essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut là aussi changer de paradigme et l'initiative 4 pour 1 000 y concourt. Il s'agit d'accroître la séquestration du carbone dans les sols tout en améliorant leur fertilité pour assurer la sécurité alimentaire et en atténuant le réchauffement climatique.

Des progrès importants ont été réalisés : les organes de gouvernance ont été installés à Marrakech en 2016 ; une feuille de route a été définie pour 2017. Présente en Chine lors de la COP de septembre dernier, cette initiative a remporté le prix du World Future Council. Des réunions lui ont été consacrées à Bonn. Elle reste fondamentale, un modèle pour accélérer la transition énergétique dans le domaine agricole.

M. Joël Labbé.  - Votre propos introductif, insistant sur le fait que nous étions mal partis pour respecter nos engagements, était rassurant de sincérité. Comme Nicolas Hulot l'a dit, soyons aussi ambitieux pour sauver la planète que nous l'avons été pour sauver les banques en 2008.

M. Gérard Cornu .  - Nous devons le succès de la COP 21 à l'évolution de notre diplomatie écologique, qui est passée de la méthode ex cathedra à celle des contributions volontaires. Mais deux ans et deux COP plus tard, nous ignorons si certains États vont réévaluer leurs engagements, ce que deviendra le Fonds vert et comment seront contrôlés les engagements pris. Le dialogue Talanoa est toutefois un bon signe. La diplomatie française se concentrera-t-elle sur l'application des engagements pris ou cherchera-t-elle un rehaussement des engagements ? Avons-nous franchi le seuil d'irréversibilité ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Cette dernière question mobilise les scientifiques. Quoi qu'il en soit, une réponse positive ne devrait pas conduire à se résigner. Plus que jamais, la France est mobilisée. Elle portera sa contribution de 3 milliards par an en 2015 à 5 milliards par an en 2020, dont 1 milliard pour les mesures d'adaptation. La contribution de la France au Fonds vert s'élève à 774 millions, dont la moitié de dons, ce qui fait de la France le cinquième contributeur au fonds. Notre contribution au fonds environnemental mondial s'élève à 300 millions de dollars pour la période 2015-2018.

L'AFD est aussi très mobilisée : 24 milliards d'euros ont été engagés depuis 2015. Une contribution de 3 millions d'euros sera mobilisée entre 2016 et 2020 pour développer les énergies renouvelables sur le continent africain. (M. François Patriat applaudit.)

M. Frédéric Marchand .  - Le temps n'est plus au débat, c'est vrai. L'engagement du monde économique est une bonne nouvelle. La neutralité carbone est un cadre pour construire un monde sans pollution, un cadre qui n'est pas une contrainte mais une promesse d'émancipation. Le Gouvernement entend faire évoluer l'objet social des entreprises, cela exigera une modification du code civil. Pouvez-vous nous préciser votre projet pour faire advenir un capitalisme raisonné ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - L'économie sociale et solidaire représente déjà 12,5 % de notre économie mais il faut aller plus loin. L'intitulé même de notre ministère témoigne de notre volonté à rendre l'économie plus solidaire.

L'économie circulaire fait l'objet d'un vaste chantier. Il faut éveiller les consciences, changer les comportements car ce secteur représente 800 000 emplois et plus de 25 000 autres, non délocalisables, pourraient être créés. Nous devons transformer notre économie pour l'adapter aux enjeux de demain.

Le Haut-Commissaire à l'économie sociale et solidaire participe à cette réflexion et prépare un projet de loi.

M. Fabien Gay .  - Il est nécessaire de mobiliser tous les acteurs, financiers compris, autour de la lutte contre le changement climatique et c'est ce qu'a fait le One Planet Summit. Mais la France porte encore le boulet du CETA. Le plan d'action qui l'accompagne est vide, selon les ONG. Le Figaro a révélé en octobre dernier que 64 % des Français étaient opposés à cet accord qui, comme tout accord commercial, fait passer les profits avant toute autre considération. Il accroîtra les émissions de gaz à effet de serre en développant le transport polluant et encouragera l'exploitation des sables bitumineux, en contradiction flagrante avec l'article 2 de l'Accord de Paris. Êtes-vous d'accord pour donner la parole au peuple par référendum sur le CETA ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - À question directe, réponse directe : non, il n'y aura pas de référendum. Mais la commission Schubert a conclu à une occasion manquée en matière de développement durable. C'est pourquoi le Gouvernement a lancé un plan d'action pour mettre sous surveillance cet accord. C'est seulement ensuite que nous envisagerons de ratifier le CETA.

Nous travaillons en lien avec nos homologues canadiens et québécois, notamment sur la question du veto climatique et pour limiter les émissions de gaz à effet de serre issues du commerce entre l'Union européenne et le Canada. M. Lemoyne s'est rendu au Canada avec des entreprises françaises pour mettre en oeuvre ce plan d'action. N'oublions pas que les accords de libre-échange sont porteurs de développement pour nos PME.

M. Pierre Médevielle .  - L'euphorie de la COP 21 a été bien refroidie à la COP 23. La prise de conscience est là mais les prévisions les plus pessimistes sont déjà dépassées. L'un des problèmes est la croissance de la population mondiale. Quelque 15 000 scientifiques de 184 pays ont publié une tribune, « Avertissement à l'humanité », qui recommande des mesures démographiques et une stabilisation de la population mondiale à un niveau soutenable, alors que celle-ci devrait augmenter de 30 % passant de 7,5 milliards actuellement à 10 milliards en 2050.

Comment concilier réduction des gaz à effet de serre et accroissement du nombre de consommateurs, qui augmente l'activité industrielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Question difficile, comment concilier développement économique et lutte contre le changement climatique ? Les deux ne sont pas si antinomiques. Nicolas Hulot entend mobiliser les entreprises en faveur de la transition écologique et flécher les investissements vers les projets bas carbone. Le Premier ministre a inauguré une centrale solaire au Burkina Faso. On voit que développement et transition écologique vont ici de pair. Le projet doit nous inspirer.

M. Pierre Médevielle.  - Ma question portait sur la démographie...

M. Joël Bigot .  - De la COP 23, on retiendra surtout la chaise vide des États-Unis. Le One Planet Summit est resté pauvre en décisions, sauf par exemple sur le charbon.

Des questions de gouvernance concernent le Fonds vert. Quelle est la position du Gouvernement sur le fléchage de l'aide publique au développement vers l'agrobiologie, pour financer la transition ? La Banque mondiale estime que les investissements dans l'agriculture sont les plus efficaces.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Le One Planet Summit visait à mettre en oeuvre les Accords de Paris. Il a eu le mérite d'exister. Douze chantiers ont été lancés : transports, énergie, prévention des risques, eau, financements, etc. Un plan destiné à limiter la dégradation des sols agricoles a été lancé. La France y consacrera 5 milliards par an en 2020 dont un milliard pour l'adaptation au changement climatique. L'agriculture est un axe d'action majeure de changement car ce sont souvent les agriculteurs qui sont le plus important.

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - (M. Daniel Gremillet applaudit.) Les grands pays pollueurs ne sont pas venus à la COP 23. Comme le disait déjà Jacques Chirac à Johannesburg : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ».

La France veut montrer l'exemple dans le domaine climatique. L'espace montagnard, de 124 kilomètres carrés, représente un cinquième du territoire français. C'est une réserve d'eau et de biodiversité. Ceux qui n'y vivent pas voudraient parfois en faire un sanctuaire. Le tourisme est pourtant une activité essentielle qui requiert des investissements. Nous assurons 55 millions de journées skieurs ! Les habitants, dont l'empreinte carbone est plutôt maîtrisée, sont conscients des enjeux du changement climatique car il les frappe trois fois plus que la moyenne mondiale. C'est pourquoi ils ne veulent pas habiter dans des réserves d'Indiens. Il faut éviter qu'il y ait deux poids, deux mesures en France.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Vous posez la question de la solidarité entre les territoires dans la transition énergétique. Mon ministère y est attaché.

Notre plan Climat suppose de changer nos modes de vie, de transport, notamment dans les zones les plus reculées. Mme Borne travaille sur les Assises du transport. Je suis aussi élue d'un territoire rural. Le Gouvernement cherche des solutions spécifiques pour chaque territoire, pour coller à chaque réalité.

M. Jean-Claude Luche .  - La COP 21 a joué un rôle essentiel dans la prise de conscience française. La COP 23 poursuit ces objectifs mais je ne comprends pas pourquoi les transports aériens et maritimes ont été exclus, alors qu'un cargo pollue autant qu'un million de voitures individuelles. Les échanges de marchandises par des modes polluants s'accroissent avec le libre-échange, le CETA et le Mercosur : nous pouvons nous inquiéter !

Il faut privilégier la production locale. Les produits fabriqués en Aveyron sont écologiques et préservent les emplois. Comment le Gouvernement tient-il compte de la pollution due aux échanges ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe UC ; M. Joël Labbé applaudit également.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Les accords passés se limitaient aux droits de douane ; ceux de nouvelle génération tiennent compte des barrières commerciales et tarifaires. Ainsi, nous avons déjà mis le CETA sous surveillance. Nous voulons enrichir les chapitres de développement durable, garantir le respect effectif du principe de précaution, la capacité des États à réguler la prise en compte des Accords de Paris. Nous plaidons pour que les chapitres sur le développement durable soient soumis au mécanisme de résolution des conflits.

Mme Nelly Tocqueville .  - Le président de la République a redit qu'il voulait que l'Accord de Paris soit celui des faits et non des mots. Le Sénat a voté récemment une résolution unanime affirmant le rôle des territoires pour obtenir un accord mondial ambitieux sur le climat.

Le groupe socialiste soutient toutes les initiatives encourageant la sobriété énergétique. Il importe de modifier localement nos modes de transport et les services publics doivent montrer l'exemple.

Comment mettre en oeuvre une politique d'aménagement du territoire compatible avec les enjeux du réchauffement climatique ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Ayant grandi dans un territoire rural, je sais le rôle que la voiture tient dans la vie quotidienne. Les populations en sont tributaires. La prime de conversion sera élargie pour faciliter le remplacement des véhicules. De 1 000 euros, elle a été doublée pour les ménages non-imposables. Les Assises de la mobilité se sont penchées sur le sujet.

Des plans de mobilité existent déjà. Il faut passer à la vitesse supérieure. Avec certains États comme les Pays-Bas ou le Costa Rica, des entreprises comme Alstom ou Michelin, et des villes comme Paris, nous avons lancé une réflexion pour développer les transports décarbonés.

Mme Nelly Tocqueville.  - L'aménagement du territoire est partie prenante de la transition énergétique.

M. Benoît Huré .  - Il a beaucoup été question d'argent à la COP 23, notamment l'alimentation du Fonds vert. À quand une ITER des énergies renouvelables, une ITER du stockage de l'électricité, ou encore du recyclage des métaux ? Je ne comprends pas les propos du président de la République quand il affirme que nous avons imposé aux pays en développement notre modèle industriel et ne pouvons aujourd'hui leur imposer notre propre tragédie. Cessons cette culpabilisation des pays industrialisés.

Tous les pays sont responsables de l'état de la planète. Si les États-Unis sont sortis de l'Accord de Paris, c'est aussi pour éviter de donner des droits à polluer à leurs partenaires.

Les agriculteurs sont en pointe dans l'agrobiologie, la transition écologique et le développement durable. Comment le Gouvernement les soutiendra-t-il ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Nous ne croyons pas à une solution miracle, unique, imposée d'en haut. Au contraire, nous soutenons toutes les initiatives. L'agrobiologie en est une. La loi d'avenir pour l'agriculture de 2014 en fixe le cadre. L'agrobiologie vise à s'appuyer sur les écosystèmes tout en les régénérant.

D'autres pistes existent comme les aides à la conversion à l'agriculture biologique, soutenues par les fonds européens.

La réflexion est aussi ouverte dans le cadre des États généraux de l'agriculture. Je ne doute pas que nous pourrons compter sur votre expertise et votre contribution.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Les énergies marines sont une chance. Or la France est loin derrière ses voisins. En Europe, 4 000 éoliennes off shore. En France, aucune en fonctionnement, malgré 3 400 kilomètres de façade maritime ! La France possède un potentiel de plusieurs gigawatts. Des démonstrateurs, des fermes pilotes ont vu le jour, mais l'absence d'appel d'offres obère toute possibilité de rationaliser la production et de faire baisser les coûts. Le Gouvernement a promis des permis-enveloppes. Le Parlement sera-t-il saisi sur les changements de procédure ? Quel sera le calendrier de ce nouveau projet ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit 3 000 mégawatts en mer et jusqu'à 6 000 attribués en 2023. Nous voulons revoir à la hausse l'offre à l'horizon 2030.

Nous avons lancé des procédures de simplification pour aller plus loin. Le Gouvernement a annoncé le 27 novembre aux Assises de l'économie de la mer que l'État prendrait à sa charge les études préalables et le débat public. Le projet de loi pour une société de confiance prévoit les autorisations de forage en mer. La concertation doit être améliorée pour lever les méfiances. Et le prochain appel d'offres éolien, sur la zone d'Oléron, sera organisé selon les nouvelles modalités.

M. Guillaume Chevrollier .  - L'eau c'est la vie, a affirmé le ministre burkinabé de l'eau et de l'assainissement à la COP 23.

L'eau est le premier élément touché par le changement climatique : 90 % des catastrophes naturelles sont liées à l'eau, et 93 % des contributions nationales ont identifié l'eau comme priorité.

Le problème évoqué à la COP 23 est le financement, qui devrait être triplé pour atteindre 255 milliards d'euros par an. L'eau doit devenir la grande priorité nationale. Nicolas Hulot a dit que le modèle français était unique au monde. Exportons-le. Prenons le leadership international. Qu'en pensez-vous, Madame la Ministre ? (M. Daniel Gremillet applaudit.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La question de l'eau, essentielle, était au coeur des discussions de la COP 23 présidée pour la première fois par un petit État insulaire, les îles Fidji.

Des messages forts sur la nécessaire prise en compte de l'eau ont été délivrés. Une déclaration a été faite pour contenir les stratégies fondées sur l'inspiration de la nature pour trouver des solutions au changement climatique. Une après-midi technique a été consacrée à des focus sur des thématiques comme l'agriculture ou le développement urbain.

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Michèle Vullien applaudit également.) Ne devrait-on pas avoir un plan stratégique national délimité dans le temps, comme autrefois le Plan ?

Il y a un décalage entre la volonté française et la volonté européenne. On ne peut pas afficher deux tendances si différentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La France a une responsabilité unique. Le président de la République l'a rappelé le 26 septembre 2017 à la Sorbonne. Il est parfois difficile d'être ambitieux à 28. Nous pourrions sans doute faire plus et mieux à l'échelon européen. Néanmoins, il est essentiel de ne pas se résigner. En Allemagne, les négociations sont plus longues que prévu pour former un nouveau Gouvernement mais dès qu'il sera formé, nous travaillerons main dans la main. Nous avancerons avec un groupe plus restreint s'il le faut. Je me rendrai lundi au Conseil des ministres de l'énergie et vendredi en Bulgarie pour exposer notre ambition.

M. Daniel Gremillet.  - On parle des États-Unis, du CETA. Mais les pays européens sont les concurrents immédiats. On ne peut pas accepter la distorsion.

Le débat est clos.

Aucune observation sur les conclusions de la Conférence des présidents n'ayant été faite, elles sont adoptées.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 14 décembre 2017, à 10 h 30.

La séance est levée à 0 h 45.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du jeudi 14 décembre 2017

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président Secrétaires : M. Éric Bocquet Mme Agnès Canayet

1. Proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat (n°98, 2017-2018).

Rapport de M. Philippe BAS, fait au nom de la commission des lois (n°134, 2017-2018).

Texte de la commission (n°135, 2017-2018).

À 15 heures

Présidence :Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 16 h 15

3. Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.

À 18 h 30

4. Projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2017 (discussion générale) (n°155, 2017-2018).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n°158, tomes I et II, 2017-2017).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°44 sur l'ensemble de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :341

Suffrages exprimés :341

Pour :95

Contre :246

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Contre : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Pour : 78

Groupe UC (49)

Contre : 48

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Valérie Létard, Présidente de séance

Groupe LaREM (21)

Contre : 21

Groupe du RDSE (21)

Pour : 2 - MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Contre : 19

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Contre : 11

Sénateurs non inscrits (5)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

CMP (Nomination)

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

M. Julien Bargeton est désigné pour siéger, en qualité de titulaire, en remplacement de M. Didier Rambaud, démissionnaire.

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Mme Françoise Férat est membre titulaire du comité consultatif du conseil d'administration de l'établissement public Paris Saclay ;

M. Franck Menonville est membre titulaire du comité local d'information et de suivi du laboratoire souterrain de Bure ;

M. Xavier Iacovelli est membre titulaire de la commission nationale chargée de l'examen du respect des obligations de logements sociaux ;

M. Dominique Théophile est membre titulaire et M. Michel Raison membre suppléant de la commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer ;

MM. François Calvet et Jean-Marie Janssens sont membres suppléants de la commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier ;

Mme Valérie Létard est membre titulaire du conseil d'administration de l'agence nationale de l'habitat ;

M. Michel Raison est membre titulaire du conseil d'administration de l'établissement public des produits de l'agriculture et de la mer, FranceAgriMer ;

M. Xavier Iacovelli est membre titulaire du conseil d'administration de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux ;

Mme Élisabeth Lamure est membre titulaire du conseil d'administration du centre scientifique et technique du bâtiment ;

M. Fabien Gay est membre titulaire du conseil national de l'information statistique ;

Mmes Patricia Morhet-Richaud et Cécile Cukierman sont membres titulaires du conseil national de la montagne.

Conclusions de la Conférence des présidents

Jeudi 14 décembre 2017

À 10 h 30

- Proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, présentée par M. Gérard LARCHER, Président du Sénat

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 15

- Éventuellement, suite de la proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, présentée par M. Gérard LARCHER, Président du Sénat

À 18 h 30

- Projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2017

Vendredi 15 décembre 2017

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2017 (discussion des articles)

Éventuellement, samedi 16 décembre 2017

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2017

Lundi 18 décembre 2017

À 15 heures et, éventuellement, le soir

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense

- Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations

Mardi 19 décembre 2017

À 14 h 30

- Sous réserve de leur transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2018 et nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 17 h 45 et, éventuellement, le soir

- Sous réserve de leur transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2018 et nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité (procédure accélérée)

Mercredi 20 décembre 2017

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017 ou nouvelle lecture

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations

Suspension des travaux en séance plénière : du lundi 25 décembre 2017 au dimanche 14 janvier 2018

Mardi 16 janvier 2018

À 9 h 30

- 26 questions orales

À 14 h 30

- Débat sur « La situation de la SNCF et son avenir » (demande du groupe Les Républicains)

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 17 h 45

- Débat sur l'état du service public dans les transports en région Ile-de-France (demande du groupe CRCE)

Mercredi 17 janvier 2018

À 14 h 30

- Nomination des 21 membres de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure

- Désignation des 37 membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

- Débat sur les conclusions du rapport d'information « Une crise en quête de fin - Quand l'histoire bégaie » (demande de la délégation sénatoriale à la prospective)

À 16 h 30

- Débat sur la prise en charge des mineurs isolés (demande du groupe CRCE)

Mardi 23 janvier 2018

À 14 h 30

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 17 h 45 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

Mercredi 24 janvier 2018

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

Jeudi 25 janvier 2018

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant une bonne application du régime d'asile européen

- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n°2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

Mardi 30 janvier 2018

À 14 h 30 et le soir

- Proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, présentée par M. Michel VASPART et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains)

Mercredi 31 janvier 2018

De 14 h 30 à 18 h 30

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap

- Débat sur le thème : « Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux »

À 18 h 35 et le soir

- Suite de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, présentée par M. Michel VASPART et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains)

- Proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public, présentée par MM. Bruno RETAILLEAU et Michel SAVIN et plusieurs de leurs collègues (demande du groupe Les Républicains)

Jeudi 1er février 2018

À 10 h 30

- Deuxième lecture du projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (demande du Gouvernement)

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15

(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)

Cet ordre du jour sera réglé ultérieurement.

Mardi 6 février 2018

À 14 h 30

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (procédure accélérée)

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 17 h 45 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (procédure accélérée)

Mercredi 7 février 2018

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (procédure accélérée)

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants (procédure accélérée)

Jeudi 8 février 2018

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants (procédure accélérée)

Mardi 13 février 2018

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)

Mercredi 14 février 2018

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)

Jeudi 15 février 2018

À 10 h 30

- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

- Suite du projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 15 et, éventuellement, le soir

- Suite du projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)

Mardi 20 février 2018

De 15 heures à 16 heures

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)

De 16 heures à 16 h 30

- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)

À 16 h 30

- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : mercredi 24 janvier 2018 à 19 heures.