Renforcement du dialogue social (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Discussion générale

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Ce n'est pas dans l'objet que réside le sens des choses, mais dans la démarche, écrivait Saint-Exupéry. Cette affirmation illustre la nature même du débat parlementaire, et la philosophie de notre démarche - celle du renforcement du dialogue social.

Ce projet de loi fait converger performance économique et progrès social, avec deux piliers : la confiance en l'intelligence collective et son corollaire, la responsabilisation des acteurs. Annoncée pendant la campagne, cette réforme est le fruit d'une co-construction inédite - quelque 300 heures d'intense concertation - à laquelle le Sénat a fortement contribué, permettant une promulgation de la loi dès le 15 septembre.

Ce texte crée les conditions d'un dialogue social structuré, lisible et décentralisé, offrant plus d'agilité et de sécurité aux employeurs comme aux salariés et à leurs représentants qui seront davantage formés, et mieux armés pour envisager l'avenir avec confiance.

Cinq ordonnances ont été promulguées dès le 22 septembre, les 26 décrets d'application sont parus avant la fin de l'année. L'action est désormais possible.

Vos collègues députés ont ratifié le 28 novembre dernier, à une très large majorité, ce projet de loi.

En sillonnant la France, j'ai déjà pu constater l'effet psychologique réel de cette réforme, à l'heure où les carnets de commande se remplissent et où la croissance repart.

Les ordonnances transforment, à travers le droit, « l'esprit » du code du travail ; mais la loi reste le cadre de la négociation de branche et d'entreprise  - et, grâce à ce texte, les négociations se mèneront au plus près du terrain. Le nouveau système supplétif entre l'accord de branche et d'entreprise constitue un filet de sécurité : faute d'accord d'entreprise, l'accord de branche s'applique ; faute d'accord de branche, la loi. Et dans certains domaines comme les salaires minima hiérarchiques, les grilles de classification, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou la prévoyance, l'accord de branche s'impose aux entreprises.

La branche conservera un pouvoir de verrou dans quatre domaines. D'abord la gestion et la qualité de l'emploi ; c'est une nouvelle compétence pour la branche - qui, par exemple, devra garantir les mêmes droits à tous salariés handicapés, droits qui devront être supérieurs à ceux que prévoit la loi. L'insuffisance de la négociation explique pourquoi les entreprises n'emploient que 3,3 % de salariés handicapés pour un objectif de 6 % fixé il y a vingt ans...

Les trois autres domaines de verrou sont la prévention des risques professionnels, les primes pour travaux dangereux ou insalubres, la valorisation du parcours syndical.

Le principe de subsidiarité consacre la prise en compte et la spécificité des PME qui emploient 55 % des 19 millions de salariés du privé. Les TPE-PME sont la priorité de ce texte. Les accords de branche devront ainsi toujours comporter des volets spécifiques pour les TPE-PME. La priorité sera donnée au délégué syndical, mais s'il n'y en a pas - c'est le cas dans 96 % des PME - il sera possible de négocier directement, avec un élu du personnel ou encore avec les salariés pour les entreprises de moins de vingt salariés qui n'ont pas d'élu du personnel. Ces modalités de consultation des salariés dans les petites entreprises simplifient la procédure, tout en garantissant une autonomie de jugement et une liberté de parole aux salariés, puisqu'il faut désormais que les deux tiers d'entre eux soient d'accord, et que leurs délibérations se tiennent hors de la présence du chef d'entreprise. Ce dialogue informel existe déjà, il est sécurisé et encouragé là où il n'est pas pratiqué.

Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, les trois instances sociales - délégué du personnel, comité d'entreprise et CHSCT - fusionnent dans une instance unique, le comité social et économique qui conservera leurs attributions, en particulier la capacité d'ester en justice, celle de recourir à l'expertise.

Le comité social et économique pourra toujours se doter d'une commission spécialisée sur la sécurité et les conditions de travail. Elle sera cependant obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés et dans les secteurs sensibles. C'est un des apports du Parlement. Il sera également possible de créer un conseil d'entreprise, nouvelle instance du dialogue social.

Les ordonnances, en donnant plus de grains à moudre, enrichissent le dialogue social. Les entreprises devront conclure des accords majoritaires ; c'est pourquoi nous avons décidé d'avancer le calendrier de conclusion de ces accords, au 1er mai 2018.

Recours aux CDD, accès aux contrats de chantier seront plus faciles. Le cadre juridique reste néanmoins équilibré : l'insécurité juridique pèse lourdement tant sur les PME que sur les investissements étrangers. D'où plusieurs mesures de simplification et de transparence.

Nous créons ainsi un code du travail numérique accessible à tous, pour rendre effectifs les droits des salariés.

Première européenne, un droit opposable au télétravail, qui concilie efficacité et aspirations individuelles.

Sur la prévention des risques et la pénibilité, nous ne baissons pas la garde ; les dix critères sont maintenus. Nous avons trouvé une formule opérationnelle et pragmatique pour exercer ce droit dans toutes les entreprises. Désormais, pour les trois critères ergonomiques, un examen médical permettra de mettre en évidence les conséquences de ces conditions de travail pénibles et le salarié pourra partir deux ans plus tôt à la retraite à taux plein. C'est un droit qui s'applique dès maintenant et les branches négocieront sur la prévention.

Sur la prévention des risques chimiques, une mission confiée au professeur Paul Frimat évaluera les modalités de suivi et de prise en compte de ces expositions, dont les effets se déplorent souvent très tardivement.

Une autre mission, consacrée à la santé au travail et confiée à la députée Charlotte Lecocq, à l'ancien secrétaire confédéral syndical Henri Forest, et à la personnalité qualifiée Bruno Dupuis, rendra ses conclusions fin avril.

Nous avons aussi sécurisé les conditions de la cessation du contrat de travail : procédures de reclassement plus transparentes et équitables, limitation du poids de vice de forme, formulaires-types de licenciement, définition du périmètre des difficultés économiques, indemnités de licenciement augmentées de 25 % par rapport au projet initial.

Le plafond d'indemnités prudhommales ne s'applique pas en cas d'atteinte à des libertés fondamentales, de discrimination ou de harcèlement. L'actualité de ces deniers mois le montre : avec le harcèlement, il s'agit non pas simplement de perte d'emploi mais aussi d'atteinte à l'intégrité de la personne.

La rupture conventionnelle collective s'appliquera quand les entreprises le souhaiteront, en accord avec les organisations syndicales et sous le contrôle du ministère du travail - les salariés concernés devant être volontaires.

Nous avons aussi souhaité renforcer l'attractivité du mandat syndical. Une mission - confiée à Dominique Simonpoli, directeur général de l'association Dialogues, et Gilles Gateau, directeur général des ressources humaines d'Air France y travaille pour améliorer la formation notamment - ses conclusions sont attendues pour le mois prochain.

Nous créons un observatoire départemental de la négociation, dont je regrette la suppression par la commission des affaires sociales.

Conformément aux engagements du président de la République, nous évaluerons de façon transparente et efficace, avec les partenaires sociaux, les effets de cette loi sur le renforcement du dialogue social. Nous arrivons à la phase finale de notre travail, mais d'autres chantiers - réforme de l'apprentissage, de l'assurance chômage, plan d'investissement compétences - en sont le corollaire indispensable. Nous les ouvrirons dès cette année. Nos dispositifs de formation professionnelle ne sont pas à la hauteur des enjeux. Permettons aux jeunes, aux demandeurs d'emploi, de choisir leur avenir.

« L'avenir nous tourmente, le passé nous retient ; c'est pourquoi l'avenir nous échappe » disait Flaubert. Prouvons qu'il se trompait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Nous examinons une réforme qui devrait restaurer la confiance de nos concitoyens dans la capacité de notre pays à se moderniser et à restaurer sa compétitivité.

Cette réforme avait quatre objectifs : donner une place centrale à la négociation d'entreprise, mieux assurer la représentation des personnels, sécuriser les parcours professionnels, adapter les règles de prévention des risques professionnels.

Le Sénat y a contribué fortement moins de trois mois après le dépôt du projet de loi d'habilitation. Le Gouvernement a déposé cinq ordonnances les concrétisant. L'Assemblée nationale a voté le projet de loi avec cinquante amendements n'en remettant pas en cause la philosophie.

Au Sénat de se prononcer. Le 20 décembre, notre commission a résolument approuvé cette philosophie, qui s'inscrit dans une tendance lancée par la position commune du 16 juillet 2001 dans laquelle les partenaires sociaux appelaient à développer la négociation collective. Depuis la loi du 4 mai 2004, l'accord d'entreprise peut déroger à l'accord de branche, puis la loi Travail du 8 août 2016 a donné la primauté à l'accord d'entreprise sur l'accord de branche pour fixer les règles en matière de durée du travail, de congés et de repos.

Ces ordonnances reprennent et approfondissent des propositions défendues de manière constante par la majorité sénatoriale depuis 2014. Simplification des accords de flexisécurité, du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) : le Sénat a apporté son concours à ce mouvement. Quatre principes nous ont guidés : simplification des normes, renforcement de la compétitivité des entreprises, prise en compte des TPE-PME, protection des droits fondamentaux des salariés.

Notre commission a corrigé certaines malfaçons. Nous avons adopté trente-sept amendements. Depuis nos travaux sur la loi d'habilitation, nous avons développé, Madame la Ministre, une relation de confiance. Cependant, je désapprouve certains arbitrages rendus.

Nous saluons la simplification de l'accord de flexisécurité, que nous avons rebaptisé accord de performance sociale et économique (APSE) ; nous avons supprimé l'échéance du 1er mai 2018 pour la conclusion des accords majoritaires, nous avons souhaité soumettre les comités sociaux et économiques d'entreprises de plus de cinquante salariés, ayant des ressources dépassant 3,1 millions d'euros ou disposant de plus de 1,55 million d'euros de patrimoine, à la constitution obligatoire d'une commission des marchés. Nous avons rendu obligatoire la formation de tous les membres du comité social et économique aux problématiques de santé et de sécurité au travail, qui pouvait être restreinte aux membres de la commission dédiée, car c'est l'instance elle-même qui reste compétente pour rendre un avis à l'employeur sur ces sujets. La commission a fixé à trois mois le délai accordé au juge pour se prononcer sur la contestation d'un accord collectif ou d'un avis du médecin du travail ; elle a autorisé les entreprises n'ayant pas de comité social et économique à conclure des ruptures conventionnelles collectives.

Nous avons veillé à l'application stricte du champ de l'habilitation, en interdisant toute dérogation à la limitation à trois dans le temps du renouvellement des mandats syndicaux, et en supprimant les observatoires départementaux de la vie sociale.

La réforme du code du travail d'ores et déjà eu un effet très favorable sur l'image de notre pays auprès des investisseurs étrangers et elle contribuera à créer un climat favorable à l'emploi. Il appartient maintenant aux partenaires sociaux de se saisir des nombreuses souplesses qu'elle leur offre, et au Gouvernement de les accompagner en ce sens.

Je ne doute pas que les acteurs du dialogue social se mobiliseront dès maintenant pour la bataille de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°178, présentée par M. Watrin, Mmes Cohen et Assassi, MM. Bocquet et Collombat, Mme Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n°195, 2017-2018).

Mme Laurence Cohen .  - Nous arrivons au bout d'un processus illisible, abscons, technocratique, dont les salariés sont écartés. Le but recherché : la démolition du code du travail.

Aujourd'hui, les ordonnances sont utilisées contre le code du travail, demain, contre les centres de santé et l'habitat social.

C'est une démarche antidémocratique, qui accorde un blanc-seing au Gouvernement.

De plus, qui d'entre nous maîtrise l'intégralité du contenu très technique de ces cinq ordonnances ?

En juillet, le rapport Milon constatait que le recours aux ordonnances ne permettait pas un débat parlementaire satisfaisant - je cite là son rapport.

Rebsamen, Macron, El Khomri... L'objectif était le même, mais le bilan n'a pas été fait. Les projets de loi s'enchaînent sans évaluation, permettant aux patrons de licencier plus facilement et d'engranger de plus gros profits, alors qu'il est démontré qu'il n'y a pas de lien entre l'abaissement des garanties collectives et la baisse du chômage.

Les mini-jobs allemands, les contrats « zéro heure » anglais, le « jobs act » en Italie ou les « reçus verts » au Portugal ont seulement eu pour effet de précariser les travailleuses et les travailleurs sans effet durable sur l'emploi.

On reproche souvent aux parlementaires communistes d'être binaires ; or nous nous en tenons aux réalités. Les salariés sont toujours plus précaires et ils se rendent compte que leurs instances représentatives, qui défendent leurs intérêts, sont à leur tour attaquées : fusion des instances représentatives du personnel (IRP), référendum à l'initiative de l'employeur contournant l'instance démocratique que sont les syndicats, ignorant la réalité des rapports de force au sein des entreprises - voilà les réalités.

Tout se négociera, rien ne sera plus acquis, dans une société individualisée. Pour tous les sujets qui ne seront pas mentionnés explicitement dans le code du travail, l'accord d'entreprise primera sur l'accord de branche, même lorsqu'il est moins favorable aux salariés : niveau de prise en charge des arrêts maladie en plus des minima sociaux, congés exceptionnels pour événement familial, pour enfants malades ou maternité en plus des minima légaux.

Les conditions de travail de tous les salariés, en premier lieu des femmes, en souffriront.

Vous supprimez la seule avancée de la loi El Khomri, la prise en compte de la pénibilité. Vous prétendez vouloir renforcer le dialogue social à l'échelle de l'entreprise, mais vous niez le rapport de force, le lien de subordination, la hiérarchie qui existe au sein de toute entreprise, pour tout contrat de travail. La loi protège, en particulier contre les abus. Votre réforme, en fait, met fin aux principes fondamentaux de notre code du travail. Au lieu de l'égalité devant les droits, vous instaurez une variabilité des droits, une inégalité entre les salariés.

Le Medef est très satisfait de votre projet. Le monde du travail actuel n'est certes pas le paradis, mais les choses ne feront qu'empirer.

Cette motion ne clôt pas le débat, mais dénonce une mascarade de débat orchestrée par le Gouvernement. Même si le Parlement ne les votait pas, les ordonnances s'appliqueraient sous forme réglementaire.

Vous vous vantez, Madame la Ministre, d'avoir largement consulté les entreprises, d'avoir créé un effet psychologique. Avez-vous mesuré cet effet sur les salariés ? Combien en avez-vous rencontré ?

Nous avons conscience des réticences à adopter une motion avant la discussion générale ; mais la majorité sénatoriale l'a fait pour le projet de loi de finances rectificative 2017 ou pour le projet de loi de finances pour 2018. Le Gouvernement refuse le débat, ne lutte pas contre le harcèlement au travail ou contre l'ubérisation de la société ; il reste sourd à nos propositions pour un code du travail du XXIe siècle. Comme l'a dit notre collègue député Pierre Dharréville, il a fallu dix-sept ans de travail législatif pour édifier le code du travail, mais il vous a fallu, un siècle plus tard, seulement dix-sept jours pour en faire une passoire. Nous nous y opposons, avec cette motion que nous vous invitons à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Alain Milon, rapporteur.  - Sur la forme, le recours aux ordonnances est justifié quand il est urgent d'agir sur des sujets techniques. De plus, le Parlement n'est pas dessaisi par les ordonnances, dont il contrôle strictement le champ et valide, ou non, le contenu par une loi. Je suis donc défavorable à la question préalable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Même avis. Le recours aux ordonnances est un droit constitutionnel et il y en a eu beaucoup dans l'histoire sociale.

La motion n°178 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Claude Malhuret .  - La réforme du dialogue sociale nous réunit aujourd'hui. C'est une démarche ambitieuse.

L'Assemblée nationale a réorganisé le texte pour que chaque segment de la réforme soit discuté.

La primauté de l'accord d'entreprise est consacrée, ainsi que la priorité donnée, pour la première fois, aux TPE-PME.

Les ordonnances clarifient les règles en mettant en place les conditions d'un dialogue social plus serein.

Une nouvelle instance est créée, le comité social et économique, au nom de trois principes : simplicité, efficacité, rapidité.

Donnons-nous les chances de mettre fin à l'inertie de l'emploi en France. Ces ordonnances sont une pierre d'un édifice plus vaste, qui inclut la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Nous soutenons ce texte, qui signifie plus de liberté, de protection et d'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Nous arrivons au terme d'un processus qui a suscité les critiques des partenaires sociaux et du Parlement. Il s'est déroulé, reconnaissons-le, dans des conditions satisfaisantes.

Des améliorations ont été introduites, j'espère qu'elles le seront encore à cette occasion.

Ce projet de loi s'inscrit dans le prolongement de la loi du 8 août 2016, dite El Khomri, avec une intention plus réformatrice. Il conviendra d'évaluer, à la fin du parcours, le nouvel équilibre global de réforme visant l'apprentissage, la formation professionnelle, l'assurance chômage et les retraites entre libéralisation et protection.

La tonalité de ces ordonnances est adaptée : modes de valorisation des accords d'entreprise permettant d'en augmenter le nombre, contrat de chantier ou d'opération, périmètre d'évaluation des difficultés économiques de l'entreprise, fusion des instances représentatives du personnel, fixation d'un barème obligatoire pour les indemnités allouées en cas de licenciement sans cause réelle et, en même temps, hausse de 25 % des indemnités de base de licenciement jusqu'à dix ans d'ancienneté, le traitement différencié des PME-TPE.

Tout cela stimulera le désir d'entreprendre et d'investir dans notre pays. Le groupe RDSE, à une très large majorité, soutient ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants)

Mme Patricia Schillinger .  - Six mois pour réformer ce qu'on disait irréformable, ce n'est pas un mince succès ! Il n'y aura pas de pause dans les réformes dont notre pays a besoin pour retrouver confiance dans l'avenir, notamment celles de la formation et de l'apprentissage. Avec près de 300 heures de consultations, démocratie politique et sociale sont allées de pair : réel pouvoir a été donné à la société civile de fixer les règles du jeu au plus près des entreprises. On prédisait un été et un automne chauds, ils ont été plutôt cléments.

Évitons les caricatures du type « coup d'état social » et reconnaissons la philosophie progressiste de ce texte. Le 24 juillet dernier, à cette tribune, notre regrettée collègue Nicole Bricq, affirmait, avec acuité, que cette réforme participait « d'une bataille culturelle, voire idéologique, (...) parce qu'il faut passer d'une culture conflictuelle à une culture du dialogue. » Pour gagner cette bataille, il nous faut parier sur l'intelligence collective. D'où la place sans précédent dans notre histoire sociale qu'accorde cette réforme à la négociation collective. En 2012, Michel Rocard notait que « l'essentiel du progrès social doit se faire et s'est toujours fait par la loi en France. » Et il ajoutait : « Cela correspond aussi à l'esprit jacobin (...). La société civile disparaît et la société française est obligée d'avancer par coups de sang. » Avec le président de la République et le Gouvernement, nous considérons que notre démocratie est mûre pour des droits négociés.

Ce projet de loi vivifie le dialogue social avec une nouvelle architecture conventionnelle - renforcement de l'accord d'entreprise et de la branche, prise en compte des spécificités des entreprises de moins de 50 salariés, une refonte de la périodicité et du contenu des consultations obligatoires et la création d'une instance unique de représentation du personnel, le comité social et économique, première étape de ce qui pourrait devenir un modèle de codécision à la française.

Le texte a été enrichi en commission. En revanche, nous ne sommes d'accord ni sur la suppression des observatoires départementaux d'analyse et d'appui au dialogue social ni sur la règle de limitation dans le temps des mandats des élus qui nous paraît peu adaptée aux réalités du terrain.

Évidemment, de nombreuses mesures cristallisent les oppositions, parfois sur fond de procès d'intention. La philosophie de cette réforme n'est pas la flexibilité à tout crin. Elle est de simplifier et de sécuriser pour pérenniser et soutenir les entreprises quand la reprise est là. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Dominique Watrin .  - Le recours aux ordonnances témoigne d'un mépris du Parlement, même si la majorité sénatoriale s'est ralliée à cette loi sur la forme, sinon sur le fond. Le groupe CRCE s'oppose frontalement à la philosophie de ce texte.

La première ordonnance, en inversant la hiérarchie des normes, menace des acquis tels que le treizième mois et la prime d'ancienneté. La deuxième réduit les prérogatives et les moyens des représentants du personnel. La troisième, avec la barémisation des indemnités prud'homales, facilite les licenciements. Cette même ordonnance restreint le périmètre d'appréciation de la cause économique de licenciement, à la plus grande joie des multinationales. La cinquième limite la prévention et la réparation de la pénibilité.

Simplifier le code du travail, oui, mais s'il s'agit de remettre en cause l'équilibre atteint après des décennies de luttes sociales, ne comptez pas sur nous !

Ainsi les ruptures conventionnelles collectives ont été introduites sans aucune consultation. Autoriser des entreprises qui ne connaissent pas de difficultés économiques à licencier en abaissant les mesures d'accompagnement, cela permettra-t-il vraiment de faire repartir l'emploi ? Pour Mme la ministre, si la majorité des syndicats ont refusé cette procédure chez Pimkie mais l'ont approuvé chez PSA, ce serait la preuve de sa justesse. En fait, l'accord chez PSA s'inscrit dans la ligne des accords de compétitivité passés qui ont détruit 25 000 emplois depuis 2013 alors que les usines tournent à plein régime. Ce n'est pas la promesse de 1 300 embauches, dont 400 seulement en production, qui mettront fin à l'intérim durable et au sous-effectif sciemment organisé. Et je sais de quoi je parle pour être élu du Pas-de-Calais qui abrite la Française de mécanique. En commission, les organisations patronales n'ont pas caché leur satisfaction alors que les syndicats de salariés se montraient réservés, sinon hostiles. L'arrogance du Medef est devenue telle que son représentant s'est autorisé à proférer des contrevérités sur la répartition des richesses dans l'entreprise. La réalité est que la France est devenue le plus gros distributeur de dividendes après les États-Unis. C'est cela qu'il faudrait corriger. Sous couvert de modernisation, ce texte reprend des vieilles lunes patronales.

Le CRCE proposera, lui, des amendements pour déprécariser le travail, donner aux salariés de réels pouvoirs dans la gestion de l'entreprise, pousser à l'investissement dans l'économie réelle, responsabiliser les grands groupes envers les PME et les TPE, faire reconnaître les plateformes comme véritables employeurs de prestataires indépendants. C'est cela qui apportera une bouffée d'oxygène à tous ceux qui combattent les régressions sociales et aspirent à une vie meilleure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Catherine Fournier .  - Une des premières actions du Gouvernement a été de publier une feuille de route pour rénover notre modèle social. Cela a immédiatement suscité des craintes, tant le malheureux épisode de la loi El Khomri était dans les esprits. Chacun craignait de revivre l'absence de dialogue social, le recours au 49-3 ainsi que des semaines de manifestations et de blocages. Le Gouvernement, qui l'avait bien compris, a été très clair sur ses objectifs : libérer les énergies des entreprises et des actifs en donnant à chacun les moyens de construire son parcours professionnel.

Les ordonnances sont la première étape d'un plan global, qui se poursuivra avec la réforme de l'apprentissage, de la formation professionnelle et de l'assurance chômage au printemps.

Madame la ministre, si le recours aux ordonnances n'est pas du goût des parlementaires, vous avez privilégié la réactivité pour des raisons que nous comprenons. Nous avions discuté des semaines durant de la loi El Khomri.

L'accord d'entreprise est renforcé, de même que la branche dont le rôle est clarifié. La loi fixera toujours les règles de l'ordre public. L'ensemble sera moins rigide mais ne sera pas moins protecteur. Je salue la création du comité social et économique, ses compétences ne seront aucunement réduites par rapport aux trois instances qu'il réunit tout en étant plus visible.

Le plafonnement des indemnités prud'homales avait cristallisé les oppositions contre la loi El Khomri si bien qu'il avait été remplacé par un barème indicatif. Ce gouvernement va jusqu'au bout de la logique. Autre point très discuté, les ruptures conventionnelles collectives. Elles permettront d'éviter des licenciements massifs à cause d'un manque d'anticipation.

Un regret : la médecine du travail est le parent pauvre de la réforme. Les entreprises, qui la financent, ne doivent pas la voir comme une contrainte mais une alliée pour la productivité des salariés ainsi qu'un instrument pour mettre en oeuvre leur responsabilité sociale.

Le groupe UC soutient ce texte qui n'est qu'une première étape de la réforme de notre modèle social, il se montrera attentif et exigeant sur l'application des mesures de protection des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Patricia Schillinger.  - Bravo !

M. Jean-Louis Tourenne .  - Nous voici au terme d'un voyage commencé en juin dernier, qui, selon les mots du grand zélateur du président de la République qu'est Mathieu Laine, « va plus loin que les réformes de Chirac, Sarkozy et Hollande réunis ». Édifiant !

M. François Bonhomme.  - Comme les additions !

M. Jean-Louis Tourenne.  - Malheureusement, ce texte sortira du Sénat moins socialement acceptable qu'il ne l'était. Si les mots qu'utilise le Gouvernement pour le présenter fleurent bon le bonheur, la joie de vivre et les lendemains qui chantent, il y a loin du verbe à la réalité.

Les syndicats, unanimes, condamnent ce texte qui vient bouleverser l'économie de la loi El Khomri avant même qu'elle ait pu produire ses effets. J'entends encore le Gouvernement condamner les cadres trop changeants...

Nous aurions pu vous rejoindre sur l'objectif : sécuriser les employeurs et les employés. Hélas, le premier est favorisé au détriment du second. Le groupe Kingfischer, aussitôt qu'il a obtenu l'assouplissement des licenciements et le plafonnement des indemnités prud'homales, a déménagé son siège en Pologne. PSA se sépare de 1 300 salariés âgés pour les remplacer par des jeunes. Bref, comme le titrait Le Monde, « le Gouvernement n'écoute que le Medef ».

Le licenciement, avec ce texte, devient un mode banal de gestion dans l'entreprise. Pourra être modifié, par accord d'entreprise, les conditions et les horaires de travail, y compris de nuit, la modulation ou la suppression des primes, les abondements pour heures supplémentaires. Les chauffeurs routiers ont obtenu que cela reste du ressort de la branche, à qui le tour ? Les accords de compétitivité seront conclus sans présence syndicale ni mandatement. Ils pourront être engagés « dès lors que l'exigent les nécessités de fonctionnement de l'entreprise. » On ne peut faire ni plus flou ni plus large ! Le salarié pourra être licencié sans même connaître les motifs qui fondent la décision, alors que les délais de recours sont réduits. Et que dire du référendum à la main du patron ou du CSHSCT qui disparaît, noyé dans le comité social et économique ? À la vérité, il faut être poète pour qualifier de CDI les contrats de chantier. Le plafonnement des indemnités prud'homales représente une entorse au principe de réparation intégrale et individualisée des préjudices. Un salarié au SMIC avec dix-huit mois d'ancienneté ne percevra en tout et pour tout que 3 970 euros, quand bien même un juge aura évalué le préjudice à 15 000 euros. Au total, l'ordonnance est moins favorable aux jeunes que les CPE de M. de Villepin que nous avions tant combattus !

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Jean-Louis Tourenne.  - Les ordonnances réduisent aussi le champ du compte de pénibilité : sur dix critères, quatre ont été retirés, dont le maniement de charges lourdes et l'exposition aux produits dangereux. Certes, le compte pénibilité était difficile à mettre en oeuvre, mais ce n'était pas impossible !

Enfin, curiosité démocratique, une sixième ordonnance apparaît brusquement. Selon certains, elle ne serait pas une simple voiture-balai. Bien sûr, ce ne sont que des rumeurs ! (Sourires sur les bancs du groupe SOCR)

Madame la Ministre, je vous le dis avec solennité, la marche normale d'une société est d'aller vers toujours plus de libertés, de droits à l'épanouissement et c'est ainsi qu'a évolué notre pays. Nous voterons contre la régression sociale que vous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le chômage de masse est la mère de toutes les batailles, chacun le sait. Il a commencé à baisser, certes, mais sa décrue est le fait d'une amélioration météorologique qui vient d'ailleurs. La piètre performance de la France le montre, nous sommes au vingt-deuxième rang sur vingt-sept en Europe. Le chômage structurel, à 9 % aujourd'hui contre 7,5 % avant la crise, est un phénomène extrêmement préoccupant. Quand il est si élevé, c'est la croissance qui est menacée : pas moins de 40 % des entreprises éprouvent des difficultés à recruter. Le Gouvernement a inscrit la formation professionnelle et l'apprentissage à son agenda, tant mieux. Nous y reviendrons de manière précise, et avec générosité ! (Sourires à droite)

Les ordonnances modifieront-elles le fonctionnement du marché du travail ? Révolution, comme le dit le président de la République, ou faux-semblant de réforme ? Ni l'une ni l'autre selon nous. Certains points vont dans le bon sens, comme la sécurisation de la rupture du contrat de travail, la fusion des instances dans le comité social et économique, le référendum d'entreprise. En revanche, les lacunes sont graves. Les 35 heures demeurent, qui ont contribué à la chute de notre compétitivité - depuis 2000, le coût du travail a augmenté de 52 % en France, contre 36 % en Allemagne.

Les seuils sociaux et fiscaux demeurent également, de même que le minimum imposé de 24 heures pour un temps partiel. M. Macron avait raison d'appeler à la décentralisation du dialogue social, mais ces ordonnances consacrent-elles véritablement la primauté de l'accord d'entreprise ? Mme la ministre a beau jeu de citer la prime d'ancienneté quand pas moins de treize sujets fondamentaux seront définis par accord de branche. Surtout, le ministère du travail est-il prêt à renoncer à l'extension généralisée des conventions aux entreprises d'un même secteur ? Par ce mécanisme, la France affiche un taux de couverture de 95 % des entreprises. L'abandonner, ce serait inciter le paritarisme à se rénover.

Je vous fais confiance, Madame la Ministre, pour prêter l'oreille à notre sage président de la commission des affaires sociales. Le groupe Les Républicains déterminera son vote selon le sort fait à ses amendements. Ni faux-semblant ni révolution, ce texte engage plutôt une demi-réforme. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - Le président Malhuret s'est exprimé sur le détail et l'opportunité de ce texte, je n'y reviens pas. Cette réforme du marché du travail, réputée difficile, a été menée dans un climat serein, en grande partie grâce au pragmatisme des négociateurs. Elle simplifie les règles qui freinaient le développement de l'emploi, elle adapte notre législation à l'économie sans précariser les salariés.

L'articulation entre accords d'entreprise et de branche est préservée. La réforme du compte de pénibilité est une très bonne nouvelle, notamment pour les TPE-PME auxquelles je suis particulièrement attentif pour être élu d'un département rural. Celles-ci pourront aussi conclure un accord collectif même si elles n'ont pas de délégué syndical - les entreprises de moins de 50 salariés ne sont que 4 % à en avoir un. Les Indépendants ont été vigilants sur les effets de seuil, le droit de regard de l'administration sur les ruptures conventionnelles collectives qui ne sont pas des licenciements économiques déguisés car les salariés doivent être volontaires et l'accord doit être accepté par 50 % des syndicats.

Alors que l'emploi industriel a reculé de 25 % en quinze ans, notre économie était devenue trop rigide, ce texte était attendu comme le sont ceux à venir sur la formation professionnelle et l'apprentissage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Catherine Deroche .  - Notre vote est-il encore utile quand les décrets ont été publiés ? Je l'espère tout en constatant que le Gouvernement prend de plus en plus de libertés avec le Parlement.

Sur le fond, les dispositions du texte vont dans le bon sens, elles s'inspirent d'ailleurs de mesures défendues de longue date par la majorité sénatoriale. Nous souhaitions la primauté des accords d'entreprise. En réalité, la primauté des accords de branche est étendue, par exemple aux contrats de mission.

Toutefois, nous nous réjouissons que la spécificité des TPE-PME soit prise en compte. La négociation sera facilitée même en l'absence de délégué syndical. La fusion des instances représentatives est une bonne chose, comme la barémisation des indemnités en cas de licenciement sans cause sérieuse, qui met fin aux incertitudes. La clarification de la définition du périmètre d'appréciation des difficultés économiques était également attendue. Enfin, le dossier de la pénibilité trouve une issue, même si je crains un transfert de charges vers la CNAM.

Toutefois, les entreprises nous le disent sur le terrain, elles ne sont pas totalement convaincues. Les nombreuses contraintes fiscales et sociales les fragilisent. Si les entreprises peuvent mieux anticiper le coût d'un licenciement reconnu abusif, les indemnités légales de licenciement ont augmenté de 25 %. Les seuils sociaux restent inchangés tout comme la durée de travail de 35 heures.

J'espérais plus de courage politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°70, présentée par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - Ces ordonnances confirment l'orientation libérale du Gouvernement qui privilégie une approche comptable du chômage et la flexibilité sur la justice sociale.

Les concertations ont été menées au pas de course de manière à présenter ce que l'universitaire Alain Supiot appelle un nouveau produit juridique attractif sur le marché international des normes. La loi El Khomri contenait des contreparties sociales - compte personnel d'activité, droit à la déconnexion, prise en compte de la pénibilité ou encore reconnaissance des congés spéciaux ; rien de tel dans ce texte dont les grandes entreprises se sont aussitôt emparées, Pimkie, PSA et bientôt la Société générale. Il est vrai que les ruptures conventionnelles collectives les autorisent à licencier à moindres frais sans les contraintes des plans de sauvegarde de l'emploi. La conjoncture favorable à l'emploi depuis quelques mois, à laquelle il semble difficile de ne pas reconnaître au précédent quinquennat la paternité (Marques d'ironie sur les bancs du groupe Les Républicains) parviendra-t-elle à masquer les aspects délétères de cette mesure ?

Barémisation impérative des indemnités prud'homales, assouplissement des obligations de reclassement dans le cadre d'un licenciement économique, contournement des syndicats dans les entreprises de moins de 20 salariés par le référendum, intégration du CHSCT créé en 1982 dans le comité social et économique, toutes ces mesures ne traduisent-elles pas la volonté de parier sur la dérégulation au détriment des protections salariales ? Où est l'humain dans tout cela ? Avec les CDI de chantier ou d'opération, la précarité s'accentuera dans le monde du travail, déjà marqué par le recours aux CDD et à l'intérim.

Le prévention de la pénibilité, à laquelle je suis très attachée, était perfectible, mais au lieu d'une négociation, le Gouvernement a cédé aux demandes patronales en retirant quatre facteurs de risques. Désormais, il faudra que la pathologie soit reconnue avant le départ en retraite, curieuse conception de la prévention !

Pour nous, l'entreprise n'est pas qu'un lieu de production : elle est aussi le lieu où les salariés se réalisent. Ce texte réactive une vision passéiste du dialogue social où l'humain est perçu comme un coût et une charge.

Une sixième ordonnance a été déposée. Une septième serait en préparation. La volonté d'aller vite ne peut justifier une telle méthode. Le Parlement ne peut débattre sans en connaître précisément le contenu.

C'est pourquoi le groupe SOCR invite le Sénat à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Milon, rapporteur.  - Notre commission a disposé du temps nécessaire pour examiner ce texte, un mois s'est même écoulé entre son étude en commission et son passage en séance publique - cela est rare. Quant à la sixième ordonnance, elle date du 20 décembre dernier. Le Sénat est donc suffisamment éclairé. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Même avis. Les six ordonnances ont été publiées, vous pouvez les lire. La septième ordonnance, sur les travailleurs détachés, fera l'objet d'une ratification ad hoc en temps utile. Elle avait d'ailleurs été acceptée en même temps que les autres, lors du vote de l'habilitation.

La motion n°70 n'est pas adoptée.

La séance est suspendue à 16 h 35.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.