Pour une politique agricole commune forte

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, en faveur de la préservation d'une politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires.

Discussion générale

Mme Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires européennes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC) Depuis dix-huit mois, la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques ont mené un important travail de fond sur la PAC, en amont de la réforme. Claude Haut, Daniel Gremillet et moi-même avions publié un rapport d'information, intitulé « PAC : traverser le cap dangereux de 2020 » devenu résolution européenne du Sénat le 8 septembre 2017.

Il nous a semblé indispensable de revenir sur le sujet, tant la réforme désormais proposée s'est éloignée de nos préconisations.

Nous voulons une PAC forte, rénovée, répondant aux attentes des agriculteurs. Le Gouvernement parle d'une baisse de 5 % - mais ce sont 15 % en tenant compte de l'inflation. Et cela sans parler de l'impact mécaniquement défavorable à la France de la convergence entre anciens et nouveaux membres en ce qui concerne les paiements directs.

Les propositions que la Commission européenne vient de publier de la PAC 2021-2027 sont aussi inquiétantes. L'approche uniforme serait remplacée par davantage de subsidiarité.

En retenant une approche par les résultats plutôt que par les moyens, il y a un double risque de renationalisation et de distorsion de concurrence.

Le ciblage des aides réduira les paiements aux agriculteurs, plafonnés à 100 000 euros par exploitation. Il s'agit aussi d'encourager l'innovation et la recherche, auxquelles sont affectés 10 milliards d'euros, et de relever les ambitions environnementales et climatiques -  les paiements étant subordonnés ainsi à douze exigences écologiques réglementaires, dont cinq nouvelles. La Commission européenne y ajoute des Eco Schemes. Ce sont des innovations importantes, dont l'impact devra être mesuré.

La première question posée est celle de la nature même de la PAC. S'agira-t-il toujours d'un budget d'action économique ou est-ce une politique environnementale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Claude Haut, au nom de la commission des affaires européennes .  - Les réflexions de la Commission européenne censées préfigurer les contours de la prochaine réforme sont décevantes. D'abord, elles ne reprennent qu'imparfaitement voire contredisent notre résolution du 8 septembre 2017 et notre nouvelle proposition récente ; les autorités françaises ont même déjà condamné les perspectives financières annoncées récemment.

Les quatre axes retenus - confirmation d'un nouveau mode de mise en oeuvre, ciblage des aides, encouragement de la recherche, approfondissement des ambitions environnementales  - sont en effet sensiblement différents de nos priorités. Je les rappelle : impérieuse nécessité d'un budget stable en euros, réticence envers les nouveaux modes de mise en oeuvre envisagés, refus du statu quo en matière de concurrence et de gestion de crise, réaffirmation de nos positions antérieures dans les négociations commerciales internationales, entre autres.

Cette proposition de résolution complète celle de 2017, reprenant son volet commerce international, compte tenu de l'importance des négociations en cours avec les pays du Mercosur.

La Commission européenne prévoit encore un minimum pour soutenir l'installation des jeunes agriculteurs. Sur ce point, nous la rejoignons.

Monsieur le Ministre, nous avons grandement besoin que la France exprime une volonté politique forte. « Jamais cette politique n'a été autant sous pression », comme l'a dit Phil Hogan... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - La politique agricole commune est à un tournant historique, plus important encore que dans les années 1990. La sacrifier est plus qu'une faute : un renoncement. La baisse sera plus vraisemblablement de 12 % que de 5 %, comme annoncé : moins 8 % pour les subventions directes, un quart du budget en moins pour le deuxième pilier, soit pour la France, une perte de 600 millions d'euros par an. Alors qu'un tiers de nos agriculteurs ont des revenus très faibles, comment l'accepter ? L'attitude du Gouvernement est paradoxale : il défend ici le soutien aux revenus agricoles, avec un projet de loi d'ici fin juin, mais il accepte des orientations européennes contraires à Bruxelles...

Le commissaire Hogan a parlé d'un projet très équitable. Ces propos sont inacceptables ! Nous ne contestons pas la complexité de l'équation financière. Mais l'Union européenne n'a pas assez de ressources, et le Brexit les ampute encore de 12 milliards d'euros.

Il est de notre devoir de dénoncer le financement de nouvelles priorités pour les sacrifices imposés à la PAC -  défense, immigration. La Commission européenne caractérise la PAC comme une variable d'ajustement, alors qu'elle conditionne l'autonomie alimentaire et la souveraineté d'un continent. Toutes les grandes puissances - États-Unis, Chine, Inde - prennent le chemin inverse !

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Les négociations préalables ont été un échec, mais il n'est pas trop tard. Il y va de l'avenir de l'agriculture de nos territoires, de la ferme France. La proposition de résolution appelle au strict minimum : que la PAC bénéficie pour 2021-2027 d'un budget stable par rapport à la période précédente. (« Très Bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants ; M. Roland Courteau applaudit aussi.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Franck Montaugé, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur divers bancs) Une réforme ne se mesure certes pas au budget qui lui est consacré, mais tout de même. Nous avons un devoir de lucidité. Le système de libre marché est peu compatible avec une économie agricole variée et durable. Il faut de nouveaux outils, comme le mécanisme contracyclique ou le volume complémentaire individuel (VCI) pour le vin.

En matière de gestion, nous en appelons au pragmatisme. La gestion par la France de la carte des zones défavorisées simples (ZDS) est un bon contre-exemple. Dans mon département, de nombreux exploitants de pentes au potentiel agronomique faible sont touchés.

M. Roland Courteau.  - Dans l'Aude aussi !

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Dans le Gers, terre ancestrale de la polyculture, un million d'euros sera perdu. Stop au darwinisme agricole et au sacrifice délibéré des paysans les plus modestes ! Il ne faut pas s'étonner dans ce contexte que l'attachement à l'Europe régresse, que le populisme progresse.

Malgré tout, il n'est pas trop tard et nous faisons des propositions pour une meilleure politique agricole. La PAC doit faciliter les investissements des agriculteurs en matière d'énergies renouvelables. La valeur et l'existence même des paysages ruraux relèvent de nos biens communs.

Nous demandons la création d'une prestation pour service environnemental ou écosystémique qui serait versée aux agriculteurs en fonction de leur contribution aux enjeux de transition pour lesquels la France et tous les autres pays européens ont pris des engagements devant les citoyens du monde.

Dans le domaine des accords commerciaux, au-delà de l'absolue nécessité d'une concurrence loyale et équilibrée protégeant nos signes de qualité et d'origine, nous rappelons l'enjeu des relations avec la Grande-Bretagne. La rupture que les États-Unis introduisent dans les échanges mondiaux est profonde.

Il faudra rendre plus souples et agiles les crédits de la PAC comme dans le secteur viticole.

Comment le Gouvernement français compte-t-il soutenir durablement les intérêts agricoles et agroalimentaires de la France, tout en ouvrant des perspectives nouvelles et réalistes pour soutenir durablement l'ensemble de ses agriculteurs et des territoires concernés ? (Applaudissements depuis les bancs du groupe SOCR jusqu'à la droite)

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes .  - La proposition de résolution européenne du Sénat du 8 septembre 2017 a envoyé un message politique fort aux autorités européennes, qui semble n'avoir pas été entendu. D'où l'urgence d'en formuler un second, plus précis et destiné aux autorités politiques françaises. Celui-ci porte d'abord sur le mécanisme de mise en oeuvre de la PAC, coeur de la réforme annoncée, en dénonçant une fausse simplification : une PAC nationalisée, ou régionalisée, ce n'est en rien une simplification sauf pour la direction générale AGRI, peut-être. Au surplus l'expérience des Plans de développement régionaux du second pilier, extraordinairement complexes, a démontré les risques de distorsion de concurrence : certains États membres, sous couvert de subsidiarité, feront du moins disant réglementaire tandis que d'autres, dont la France, pourraient surtransposer.

La Commission européenne se satisfait d'un statu quo, après les avancées du règlement « omnibus ». Pourtant, des progrès sont souhaitables, notamment sur la rémunération des agriculteurs ou la régulation des marchés en particulier face aux crises. Bref, comme dirait Paul Verlaine, un vent mauvais souffle sur cette réforme de la PAC.

Notre proposition de résolution européenne est un signal d'alarme. Il n'est pas trop tard pour renverser le cours des choses, pour peu que les autorités politiques aient des messages univoques. Certains de nos partenaires ont interprété à tort la période récente comme un aggiornamento de pays. Si notre pays ne défend pas la PAC, qui le fera ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes UC et SOCR)

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Voilà des mois que nous nous y préparions. Le 31 mai, la Commission européenne a publié son projet de réforme de la PAC. Nous entrons donc dans une phase de négociation. Dès le 19 décembre, j'ai souhaité qu'une grande conférence se tienne à Paris pour que chacun s'exprime, elle a été un grand succès et a permis de recueillir le point de vue de tous les acteurs, y compris du commissaire à l'agriculture, Phil Hogan.

La PAC est l'une des plus anciennes politiques européennes. C'est la seule qui soit intégrée, ce qui lui donne valeur de symbole. Elle n'est pas parfaite, mais a su s'adapter.

Ce que je retiens de tous ces échanges, c'est qu'il faut d'abord simplifier la PAC. Cela recentrera les agriculteurs sur leur métier, libérant leurs capacités à innover, à se moderniser, pour produire une alimentation de qualité, durable - mais aussi des matériaux pour l'énergie de demain. La PAC doit accompagner la transformation de l'agriculture européenne. Toutes les filières doivent se transformer, pour mieux répartir la valeur et parvenir à des prix raisonnables pour tous. Cela sera possible si les agriculteurs peuvent se prémunir contre les aléas de tous ordres, qu'ils soient climatiques, économiques ou politiques.

Notre agriculture est ouverte sur le monde. Soyons attentifs ! Nos filières stratégiques doivent être défendues, surtout à la veille d'accord avec les pays du Mercosur et demain avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande : pas question de mettre en danger la filière bovine, celle de l'éthanol ou celle du sucre !

Les outils de gestion des risques doivent donc être au coeur de la PAC, ce d'autant que les aléas climatiques sont de plus en plus nombreux, on l'a encore vu avec les récents orages qui ont détruit des récoltes entières. Les aides directes du premier pilier, des aides couplées et les aides découplées, doivent aller de pair avec la responsabilisation.

Tous les outils d'action sur le marché doivent être préservés et affûtés - du stockage à la réduction de production, en passant par des facilitations de trésorerie. Il nous faut des observatoires des marchés réactifs. L'agriculture fait pleinement partie de la solution du problème climatique.

M. Roland Courteau.  - Exactement.

M. Stéphane Travert, ministre.  - La PAC doit donc accompagner notre mutation vers une économie bas carbone et favoriser la biodiversité.

Nous devons être fiers de notre agriculture, qui respecte les plus hauts standards au monde - pour la qualité des eaux, de l'air, du bien-être animal - et la PAC doit nous permettre d'aller plus loin. La Commission propose un instrument en faveur de l'environnement dans le premier pilier de la PAC, c'est une bonne nouvelle.

Les propositions de la Commission sont-elles à la hauteur ? Il est trop tôt pour le dire, et la négociation, à 27, sera longue et âpre.

Certaines orientations méritent d'être éclaircies. La simplification de la gouvernance est bienvenue, elle va dans le sens de notre demande de subsidiarité, pour adapter les mesures européennes à la diversité de nos territoires. Dans les plans stratégiques, les questions environnementales pourront relever aussi bien du premier pilier que du deuxième, c'est également une bonne chose, pour plus de cohérence. Mais nous ne pouvons accepter une distorsion de concurrence entre États européens, au seul motif de simplifier la tâche de la Commission. La PAC doit rester une politique européenne et les obligations doivent être les mêmes pour tous les agriculteurs européens. Toute renationalisation, même partielle, serait un coup fatal porté à la PAC.

La France dispose d'une voix qui compte à Bruxelles. Vous pouvez compter sur ma combativité et mon énergie pour la faire entendre. Tout d'abord, sur le nerf de la guerre : le budget. Dans celui proposé par la Commission, globalement en hausse, les crédits de la PAC baissent de 15 % à 25 % compte tenu de l'inflation !

Est-ce bien aux agriculteurs de payer pour le Brexit ? Inacceptable ! Le groupe de Madrid - que nous avons initié avec mes homologues espagnols, portugais, irlandais, finlandais et grec - défendra une PAC forte. Et nous irons chercher des alliés, un par un. Je saisirai toutes les opportunités de défendre le budget de la PAC, celui d'une PAC renouvelée, simple et efficace. Aussi suis-je favorable à cette proposition de résolution européenne. (M. Claude Haut applaudit.)

M. Claude Haut .  - Nous honorons le travail inlassable de nos agriculteurs, affaiblis par des crises et aléas constants, et que nous ne cesserons jamais de défendre. Notre groupe de suivi de la PAC travaille en ce sens.

Le projet de réforme de la Commission européenne est inacceptable, car il ferait baisser les revenus des agriculteurs et menacerait la viabilité même des exploitations. Vu les défis auxquels fait face l'agriculture européenne, comment comprendre une telle baisse du budget ? Nous soutenons donc votre combat pour la stabilité des crédits de la PAC, qui est la politique la plus intégrée du projet européen, dont elle symbolise la réussite.

La PAC est aussi la pierre angulaire de notre sécurité et de notre souveraineté alimentaire. Nos standards élevés de qualité, mis en avant lors des négociations internationales, sont rendus possibles par la PAC. N'affaiblissons donc pas des mesures que nous défendons !

Oui, il faut simplifier la PAC, mais sans la dénaturer - elle doit continuer d'incarner une politique commune qui protège les agriculteurs comme les consommateurs.

Les objectifs de la Commission européenne sont louables en théorie - la simplification, la justice dans l'allocation des aides directes, des ambitions plus élevées en matière d'environnement et de climat, une plus grande attention aux jeunes agriculteurs. Mais des interrogations subsistent.

L'expérience des plans de développement régionaux du second pilier nous laisse perplexes. Certains États pourraient utiliser le principe de subsidiarité pour accroître leur compétitivité via le moins-disant réglementaire. Le commissaire a voulu nous rassurer, sans succès.

Le groupe LaREM votera donc cette proposition de résolution européenne. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)

Mme Cécile Cukierman .  - Cette négociation aurait pu être l'occasion de recadrer la PAC. C'est une occasion manquée, visiblement parce qu'il n'y a plus de vision commune d'une politique agricole européenne. Nous soutenons les auteurs de cette proposition, pour adapter le droit de la concurrence au secteur agricole, renforcer le poids des producteurs dans la chaîne alimentaire, mieux lutter contre les pratiques commerciales déloyales des firmes transnationales, ou encore contre les pratiques des « centrales offshore » d'optimisation fiscale du secteur de la distribution.

La PAC n'est plus qu'un soutien au revenu des agriculteurs, en fonction des surfaces cultivées, associé à un modeste budget finançant le développement rural. Elle bénéficie en fait principalement aux gros producteurs, tant l'objectif de productivité a pris le pas sur les autres : 84 % des aides vont à 20 % des agriculteurs, tandis que les petits exploitants ne s'en sortent pas, ou plus. La tentative de verdissement des aides de 2013 a été un échec.

Or la Commission propose aujourd'hui une PAC beaucoup moins commune, au second pilier très réduit et renonçant à toute politique environnementale ambitieuse. L'Europe doit cesser de sacrifier ses agriculteurs sur l'autel du libre-échange. Sortons la PAC de cette logique productiviste mortifère !

Nous voulons une agriculture familiale, locale, permettant la transition écologique et une juste rémunération.

Pour cela, il faut favoriser les circuits courts, refuser le glyphosate, axer la production sur la transition écologique en favorisant la rotation des cultures, l'agro-écologie et le refus des OGM, réussir une réforme foncière à même de lutter contre la spéculation foncière et l'étalement urbain, mieux réguler la production avec des quotas, garantir la propriété publique du patrimoine génétique animal et végétal pour éviter son appropriation par des multinationales, ou encore renforcer les certifications et labels pour soutenir le bio et les savoir-faire locaux.

Nous votons cette proposition de résolution, car il faut consolider le budget de la PAC.

Mme Denise Saint-Pé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les informations sur la réforme de la PAC nous alarment. D'abord le contexte de l'établissement du prochain cadre financier pluriannuel annonce de nouvelles priorités. Ensuite, des réductions drastiques sont annoncées. Enfin, nos agriculteurs, dont un tiers gagnent 350 euros par mois, sont dans une situation dramatique.

Aussi cette proposition de résolution lance-t-elle une alarme nécessaire. Si nous voulons consacrer notre statut de première puissance agricole mondiale, un budget européen ambitieux s'impose. Sauvegardons cette politique historique qu'est la PAC, colonne vertébrale de notre modèle agricole. Quelle agriculture pour nourrir, maintenir notre autosuffisance dans un cadre durable ? Cette proposition de résolution y répond, le groupe UC la soutient.

J'ajoute que la nouvelle carte européenne des zones défavorisées provoque un sentiment d'abandon chez nos agriculteurs ; il faut y répondre, Monsieur le Ministre.

Qu'en est-il de la position du Gouvernement sur le budget européen et les ressources propres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Decool .  - Merci à M. Gremillet, Mme Gruny et MM. Haut et Montaugé, auteurs de la proposition de résolution. À la veille du débat sur le projet de loi Agriculture et alimentation, cette proposition de résolution tient lieu de signal d'alarme. Le projet de cadre financier pluriannuel conduirait une baisse de 5 % des budgets de la PAC en euros constants, faisant de cette politique, ciment du projet européen, une variable d'ajustement.

Il est urgent que le droit européen s'adapte aux spécificités du monde agricole ; j'ai déposé un amendement reconnaissant explicitement les circuits de proximité. Cet amendement émane de nos élus locaux ; dans le Nord, les maires mènent une résistance exemplaire en faveur des cantines scolaires.

Mais les secteurs d'exportation se prêtent mal aux circuits courts. Ne laissons pas à la Russie le monopole de la diplomatie agricole ! Quelle est la stratégie française en matière d'exportation ? Un hectare de blé sur dix produits en France nourrit les pays d'Afrique du Nord. Diminuer les aides de la PAC, c'est oublier cela ; et que nos exportations soutiennent notre balance commerciale.

Ne sacrifions pas la PAC sur l'autel des nouvelles priorités européennes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Franck Menonville .  - Le sujet est d'une actualité brûlante ; les eurodéputés ont voté une résolution exprimant leurs inquiétudes vis-à-vis des projets de la Commission européenne.

Les auteurs de la proposition de résolution ont su tirer la sonnette d'alarme. La PAC pourrait être la variable d'ajustement du Brexit, qui fait perdre une dizaine de milliards d'euros à l'Union européenne, et des priorités données à la sécurité et la politique migratoire. La PAC ne pèserait que 28,5 % du budget de l'Union contre 37 % aujourd'hui ; l'Inde, les États-Unis, le Brésil, la Russie investissent, eux, dans leur indépendance alimentaire.

Une politique de soutien est essentielle à la viabilité de nos exploitations. Certes, l'Europe peut porter une ambition rénovée ; les agriculteurs sont ouverts à une modernisation porteuse de sens. Il devrait donc y avoir un consensus au niveau européen sur leur accompagnement, une politique commune de gestion des risques. Mais la Commission européenne est timorée.

Les organismes agricoles s'inquiètent des distorsions de concurrence qu'induirait le principe de subsidiarité, prélude à une renationalisation rampante des aides.

Maintenons un socle de règles standards, une marge de manoeuvre raisonnable pour les États.

L'agriculture européenne a aussi besoin de nouveaux outils comme un statut rénové de l'agriculteur. Le règlement « omnibus » ne va pas assez loin. Il faut aussi renforcer, comme le suggère la proposition de résolution européenne, nos mécanismes assurantiels ; sécuriser les filières agrocarburants, privilégier les oléagineux.

Très attaché à l'Europe, soucieux des équilibres, le groupe RDSE soutient cette proposition de résolution européenne qui avance des pistes de réflexions concrètes et opportunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur les bancs de la commission ; M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Un fossé abyssal se creuse avec l'Europe. S'il y a neuf milliards de personnes sur Terre en 2050, l'enjeu alimentaire sera crucial.

La France a des avantages climatiques exceptionnels. Elle a maintenu une agriculture familiale sur toutes les régions. La compensation des handicaps naturels compense les différentiels de productivité entre la plaine et la montagne.

Mais rien n'annonce un avenir meilleur pour les agriculteurs : une baisse réelle de 14,7 % sur le premier pilier et 26,3 % sur le deuxième;  c'est bien le contraire, sans parler de la hausse promise de 1,2 milliard d'euros du cofinancement pour la France.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? D'abord, le président de la République, le 26 novembre 2017, se proposait d'ouvrir le débat sur la PAC ; mais c'était ouvrir la boîte de Pandore...

Lorsque l'on demande à l'Europe de faire plus, on provoque une diminution des budgets... M. Macron demandait aussi plus de subsidiarité. Le problème des gouvernements est qu'ils ne savent pas quoi défendre au niveau européen !

M. Stéphane Travert, ministre.  - Moi je sais !

M. Laurent Duplomb.  - Entre une agriculture productive et moderne et une agriculture passéiste repliée sur elle-même... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Monsieur le Ministre, portez haut les couleurs de la France. En 1883, Gambetta avait fait chausser les sabots de la République aux paysans ; ayez le courage de vous inscrire dans son sillage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - On fait dire aux chiffres ce que l'on veut. La Commission veut faire passer le budget de la PAC de 408 à 365 milliards d'euros provoquant colère, indignation et désespoir. Il faut agir. Reconnaissons que l'annonce n'est pas une surprise ; M. Le Foll avait su arracher le maintien du budget précédent et je vous souhaite, Monsieur le Ministre, autant de réussite.

Maintenir les revenus des agriculteurs, les préserver contre la volatilité des prix, améliorer la gestion des risques : pour cela, il faut une PAC plus équitable.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Henri Cabanel.  - Comment redéfinir la PAC pour qu'elle stabilise les marchés, protège les agriculteurs en servant les consommateurs ? Je posais ces questions il y a un an ; elles restent d'actualité.

La renationalisation de la PAC serait contraire à l'idée même de l'Europe. La compétition est vécue comme déloyale par nos agriculteurs, face à des pays qui n'ont pas les mêmes charges sociales. Il faut revenir à un socle commun de règles, disposer de critères uniformes pour les sanctions. Enfin, le nouveau modèle devra respecter les États membres. Les politiques européennes ont permis la reconstitution de la filière vinicole.

L'Europe ne peut sacrifier son agriculture : une participation de 1,3 % du PIB de chaque pays membre assurerait l'avenir de la PAC. De nombreux pays y sont favorables.

Le rapport Dorfmann met en exergue l'importance du développement rural. Il propose un nouveau fonds pour les collectivités locales de développement. Sur 100 euros gagnés, un citoyen en reverse 50 euros en impôts et cotisations, dont un seul pour le budget européen. Il y a donc des marges de manoeuvre pour que la PAC ne perde pas le C de « commune ». Le groupe SOCR votera cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. Franck Menonville et Jean Bizet applaudissent également.)

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le Sénat a toujours été attentif aux enjeux de la PAC, stratégique pour l'autonomie alimentaire de l'Europe. Nous qui n'avons jamais connu la faim nous devons nous en souvenir.

Or la PAC est en danger et nous regardons ailleurs.

Nous examinerons bientôt le projet de loi issu des États généraux de l'alimentation, qui a fait l'objet d'une grande communication gouvernementale. Alors que le Gouvernement prétend améliorer les rémunérations des agriculteurs, comment admettre des propositions de la Commission européenne qui pratiquent des coupes claires dans le budget de la PAC ? Sur la réforme de la PAC comme sur le calendrier financier pluriannuel, la France est perdante sur les deux tableaux. Angélique Delahaye et Michel Dantin ont été bien seuls pour défendre les intérêts français. La France aurait dû, dès le début de la réflexion, prendre des positions plus fermes ! Ce Gouvernement et le précédent ont leurs responsabilités.

Dans son discours de la Sorbonne, le président de la République qualifiait la PAC de « tabou français », souhaitant que chaque pays accompagne sa transformation selon ses ambitions et ses préférences. Quelle est cette ambition ? Quelles sont ces préférences ? Un budget en baisse de 12 %, une chute des aides directes, une renationalisation partielle ? C'est un changement historique de la position française !

Les annonces de Phil Hogan ont confirmé nos inquiétudes : plan stratégique de chaque État membre pour atteindre neuf objectifs, marges de manoeuvre pour affecter les dotations - au risque d'accroître encore les distorsions de concurrence entre agriculteurs européens.

Les aides directes seront plafonnées, aucun outil pertinent de gestion de crise n'est prévu - en dépit des promesses du candidat Macron devant le congrès de la FNSEA.

La France ne peut accepter de telles orientations.

Selon le commissaire Oettinger, la France tiendrait un double discours entre Bruxelles et Paris. Par son silence, le Gouvernement a cautionné cette baisse de budget et cette réécriture de la PAC. Les agriculteurs ne sont pas dupes, les parlementaires non plus.

Toutefois, cette faute peut être réparée, mais le temps est compté. Nous avons entendu votre proposition, votre groupe de Madrid : il faut l'activer sans tarder.

Cette proposition de résolution européenne a été adoptée à l'unanimité de nos deux commissions. Cette responsabilité collective, quand l'intérêt supérieur du pays est en cause, c'est la marque du Sénat. Notre texte est juste, pondéré, réaliste. Son adoption vous engagera à le faire valoir à Bruxelles. Le monde agricole vous regarde, Monsieur le Ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur quelques bancs du groupe SOCR.)

M. Jean-Marie Janssens .  - Jacques, agriculteur du Loir-et-Cher, possède quelques dizaines d'hectares et fait un peu de maraîchage et d'élevage en sus. Il gagne 800 euros par mois en travaillant 12 à 15 heures par jour. Sans PAC, il ne s'en sortirait pas. Pour Jacques, les annonces de Bruxelles sont une catastrophe. Que lui répondre, alors que la Commission envisage une baisse du budget de 12 % ? C'est inacceptable, Monsieur le Ministre !

Le nouveau modèle plaide pour une plus grande liberté d'action laissée aux États - synonyme de distorsion de concurrence et de baisse de qualité des produits. Officiellement, les États gèreront eux-mêmes une partie des fonds agricoles. Cette flexibilité ressemble beaucoup à un désengagement progressif, aux conséquences dramatiques pour le revenu des agriculteurs.

Que cherche la Commission européenne ? À se déresponsabiliser et à décentraliser son action. La PAC est pourtant une politique historique, constitutive de l'Union européenne. C'est une belle réussite européenne. Elle a su évoluer avec un second pilier consacré au développement rural.

Avec le plan stratégique demandé à chaque pays, on va nourrir l'inflation administrative. C'est de cette Europe que se nourrissent les populismes !

Nos agriculteurs français défendent un modèle reposant sur la qualité, le respect du consommateur et le savoir-faire. Ils veulent continuer à vivre dignement de leur travail.

Bien loin d'apporter des solutions concrètes, les projets de la Commission européenne sont un véritable renoncement à la politique commune au profit de nouvelles priorités - la sécurité, l'immigration et l'environnement. En face de l'objectif louable de revalorisation des revenus, Bruxelles ne met pas de moyens.

Il y va pourtant de la survie de centaines de milliers d'agriculteurs, de la qualité de la production, de l'esprit européen.

Nous soutiendrons toute action gouvernementale contre ce coup de rabot sans précédent. Les agriculteurs attendent courage et fermeté de votre part. Nous soutenons sans réserve cette proposition de résolution européenne pour une PAC forte et ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains, et sur quelques bancs du groupe SOCR.)

Mme Gisèle Jourda .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Créée en 1976, l'Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) est prépondérante pour le développement rural. Financée à 75 % par l'Union européenne, elle est perçue par 96 000 bénéficiaires répartis sur 16 120 communes, y compris en zone de montagne.

La réforme du zonage en cours de négociation avec la Commission européenne est un sujet d'inquiétude : les 1 341 communes exclues n'ont aucune garantie d'être intégrées dans les zonages complémentaires.

Avec M. Raison, j'ai défendu le 17 mai une proposition de résolution, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires européennes, sur la prise en compte des conséquences économiques et sociales dévastatrices pour les exploitations les plus fragiles et le risque de désertification rurale qu'elles entraînent, en particulier dans l'Aude et le Gers. Il y aura de vrais drames humains !

La carte présentée le 20 février dernier est injuste. Il faut être plus ambitieux, réviser le coeur même du dispositif que sont les articles 31 et 32 du Règlement européen du 17 décembre 2013. Il faudrait ainsi ajouter d'autres critères d'éligibilité aux huit critères biophysiques existants et tenir compte, au titre des adaptations régionales, de la continuité territoriale pour intégrer dans le zonage des territoires plus étendus.

Des outils existent ! Je vais vous remettre notre texte, Monsieur le Ministre ; nous attendons que le Gouvernement assume ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean Bizet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le débat sur la PAC après 2020 entre à Bruxelles dans sa phase concrète sur des bases inquiétantes. Une proposition à 325 milliards d'euros représente une rupture inédite : jamais la Commission n'avait proposé des coupes aussi sombres. C'est un non-sens : avec l'augmentation de la population mondiale et le dérèglement climatique, le défi alimentaire est au coeur des enjeux du XXIe siècle. Les États-Unis, la Chine, l'Inde, la Russie, le Brésil l'ont compris : il n'y aura pas de souveraineté véritable sans souveraineté alimentaire. Ils renforcent le soutien au secteur agricole !

L'Europe a pris le chemin inverse. Au lieu de relancer la compétitivité des exploitations, l'Union européenne s'apprête à baisser massivement le soutien à l'agriculture, avec des conséquences économiques désastreuses.

La PAC est une politique avant tout économique : elle ne fournit pas une rente aux agriculteurs mais compense la différence entre le coût de revient, qui est fonction des standards de production les plus élevés, et les prix de marché. Les agriculteurs fournissent un bien public qui n'est pas rémunéré par le marché. Or sans durabilité économique, il n'y aura pas de durabilité écologique.

Sans les aides de la PAC, nombre d'exploitations françaises dégageraient un revenu négatif. Une perte de 15 % de la valeur totale du budget de la PAC sur les sept ans à venir se traduira par une baisse de revenu des agriculteurs, surtout dans les filières les plus fragiles.

L'approfondissement de la convergence des paiements directs par les États membres ne pourra qu'être défavorable aux agriculteurs français. Comment accepter une telle atrophie des concours publics ? En 2016, près de 20 % des agriculteurs ne pouvaient se verser de salaire et 30 % touchaient moins de 350 euros par mois.

La Commission européenne, par un procédé détestable, a tenté d'avancer masquée mais ses artifices comptables n'ont pas tenu très longtemps.

Nous avons été troublés par les propos du commissaire Günther Oettinger. Il ne peut pas y avoir de double discours du Gouvernement à Bruxelles et à Paris. Nos agriculteurs méritent qu'on se batte pour eux et pour les intérêts de la France.

Rappelons enfin que le contribuable européen consacre 190 euros à l'agriculture, quand le Canadien y consacre 230 euros, l'Américain 390 euros mais le Japonais 400 euros et le Suisse 950 euros. Nous sommes loin du compte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion de la proposition de résolution européenne

L'amendement n°11 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Labbé et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gontard, Gold et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Jomier, Menonville, Requier et Vall.

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Réaffirme que la PAC est essentielle pour assurer la souveraineté alimentaire européenne, et renforcer la résilience et la durabilité de notre agriculture ;

M. Franck Menonville.  - Cet amendement rappelle des objectifs majeurs de la PAC, mis en avant par le Sénat dans sa résolution européenne du 8 septembre 2017.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre.  - Avis favorable : c'est tout le sens de l'engagement de la France pour défendre un budget adéquat, répondant aux besoins des agriculteurs européens.

Je saisis l'occasion pour réaffirmer que la France, depuis le début, s'exprime d'une seule voix à Paris et à Bruxelles.

Mme Sophie Primas.  - « Et en même temps... »

M. Charles Revet.  - La voix ne doit pas être assez forte !

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.

Les amendements nos6 rectifié bis, 5 rectifié bis et 7 rectifié bis ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié septies, présenté par M. Decool et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Alinéa 22

Après les mots :

le poids des producteurs

insérer les mots :

et les circuits de proximité

M. Jean-Pierre Decool.  - Le droit de la concurrence ne permet pas de privilégier l'approvisionnement en produits alimentaires locaux dans les marchés publics. Or il faut favoriser les circuits de proximité dans l'alimentation, notamment dans la restauration collective, pour des raisons de traçabilité, de fraîcheur, de lutte contre le gaspillage alimentaire et d'impact carbone. Par ailleurs, ils participent au maintien de l'emploi et au dynamisme économique du territoire.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Le droit européen de marchés publics interdit de faire référence à la provenance d'un produit. Des dérogations sont toutefois prévues pour favoriser les PME locales, via des critères environnementaux ou sociaux, même si ces clauses sont parfois difficiles à mettre en oeuvre.

Les circuits courts doivent être défendus : avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre.  - Les circuits de proximité répondent aux attentes des consommateurs et créent de la valeur ajoutée au plan local. Reste à déterminer les moyens de les favoriser dans le respect du droit de la concurrence. Avis favorable.

M. Marc Laménie.  - Les circuits de proximité, c'est l'avenir du monde agricole ; il faut valoriser notre savoir-faire et la grande qualité de nos produits. Qualité et traçabilité sont particulièrement importantes quand il s'agit de restauration collective. Merci pour cet amendement essentiel pour soutenir le monde agricole et son savoir-faire.

M. Bernard Delcros.  - Derrière cet amendement important, il y a des enjeux d'aménagement du territoire, de santé publique, d'environnement... Il faut pouvoir développer des filières locales de qualité sur des bases juridiques solides.

L'amendement n°2 rectifié septies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié quater, présenté par M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Confirme son attachement aux mesures spécifiques de soutien à l'agriculture dédiées aux régions ultrapériphériques, et demande notamment le maintien d'un budget stable pour le Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (dit POSEI), qui constitue un levier essentiel pour le développement agricole de ces territoires, l'approvisionnement des marchés locaux, ainsi que la sécurité alimentaire et sanitaire des populations locales ;

M. Dominique Théophile.  - Éloignement, vulnérabilité au changement climatique ou insularité entravent l'intégration des régions ultrapériphériques (RUP) dans le marché intérieur. La réduction des crédits annoncée menace les filières agricoles locales. Cet amendement demande que l'on préserve le budget du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei), levier essentiel pour le développement agricole des RUP.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Le Posei, qui décline le premier pilier de la PAC dans les RUP, compense les handicaps et la fragilité de ces territoires. Il a fait ses preuves. Avis favorable à ce que sa dotation budgétaire soit maintenue.

M. Stéphane Travert, ministre.  - Oui, le Posei doit être préservé car il porte l'agriculture ultramarine. Il faut aussi structurer l'offre dans les territoires d'outre-mer qui dépendent trop des importations. Avis favorable.

Mme Catherine Conconne.  - Je voterai cet amendement. Nos productions doivent être protégées compte tenu de la vulnérabilité et des coûts induits par l'éloignement et l'insularité. Lors du déplacement du président de la République en Guyane avec Jean-Claude Juncker, l'engagement avait été pris que le Posei ne serait pas réduit.

Une baisse de 4 % représente 11 millions d'euros pour les RUP françaises !

Nos territoires sont victimes des aléas climatiques, de la pollution des sols, de la crise des sargasses. De grâce, éclaircissons le ciel de nos agriculteurs sur ces aides - que dis-je ?, sur ces compensations légitimes sans lesquelles les productions locales disparaîtraient. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ainsi que sur certains bancs des groupes RDSE et Les Républicains)

L'amendement n°3 rectifié quater est adopté.

Les amendements nos8 rectifié, 9 rectifié bis et 10 rectifié bis ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Labbé et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Dantec, Gold et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Vall et Gontard.

Alinéa 36

Rédiger ainsi cet alinéa :

Demande un report du calendrier des négociations en cours sur la PAC, afin de limiter les incertitudes budgétaires liées au retrait du Royaume-Uni, et afin qu'elles soient conclues après les élections des représentants au Parlement européen ;

Mme Françoise Laborde.  - Étant donné les incertitudes budgétaires liées au Brexit et la proximité des élections européennes, il faut demander un report du calendrier des négociations.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cela affaiblirait la position du Sénat et de la France. Nous avons intérêt, alors que l'Europe se cherche des perspectives, à redonner un sens à l'économie agricole européenne. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre.  - Avis défavorable. Les propositions budgétaires ont été publiées le 2 mai et les négociations sont engagées ; la France doit faire valoir ses positions.

Nous avons publié avec l'Espagne un mémorandum à Madrid, aux côtés de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal et de la Finlande. Je m'emploie à rallier d'autres États membres. Le calendrier certes est serré mais un premier rapport d'orientation sera peut-être publié avant les élections européennes. Le pouvoir d'initiative est à la Commission ; notre responsabilité est de participer pleinement aux discussions à Bruxelles.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

Explication de vote

M. Roland Courteau .  - Les agriculteurs français et européens sont trop fragiles pour accepter ces coupes sombres. La PAC ne doit pas être la variable d'ajustement du budget européen ! L'agriculture et l'agroalimentaire ont un impact majeur sur le tissu économique et social.

Je salue l'alinéa 28 sur le nécessaire soutien aux zones défavorisées. Trop de communes de mon département risquent d'être exclues du zonage, avec des conséquences dramatiques.

L'alinéa 29 valorise le stockage du carbone dans les sols agricoles, sujet sur lequel j'ai signé une étude pour l'Opecst. Une augmentation de 4 ? du stock au niveau mondial limiterait considérablement les émissions de gaz à effet de serre et fertiliserait des sols souvent très dégradés. L'INRA a évalué le potentiel de stockage supplémentaire à 115 millions de tonnes par an. Si l'on rémunérait les agriculteurs à hauteur de 30 euros la tonne, le coût s'élèverait à 3 milliards. Un exemple pour le monde qui devra bientôt nourrir neuf milliards d'habitants. Merci aux rapporteurs d'avoir retenu cette suggestion essentielle pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR.)

La proposition de résolution européenne, modifiée, est adoptée.

M. le président.  - C'est l'unanimité. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 18 h 15.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 21 heures.