Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat, en même temps que nous subissons la concurrence du match de la France... (Sourires)

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Négligences de l'État envers les collectivités

M. Benoît Huré .  - Neuf milliards d'euros par an : c'est en moyenne ce que l'État ne rembourse pas aux départements qui versent les allocations de solidarité pour le compte de la Nation. Depuis 2012, de négociations en négociations, on achoppe sur le financement des politiques de solidarité et le financement n'est toujours pas pérenne, mais des fonds d'urgence sont mis en place pour venir en aide aux départements les plus accablés. La prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) s'y est ajoutée. À ce jour, nous ne disposons que de fonds d'urgence qui maintiennent la tête des départements hors de l'eau.

Le Gouvernement a prévu une aide supplémentaire de 250 millions d'euros pour les Allocations individuelles de solidarité (AIS), ce qui est mince mais a été accepté par les départements dans un esprit constructif.

À 77 %, les départements se sont prononcés contre le principe du pacte financier car les modalités de sa mise en oeuvre restent trop floues. À la surprise générale, certains membres de votre administration ont dit que sans signature, les propositions du Gouvernement ne seraient pas mises en oeuvre. C'est un chantage et un autoritarisme déplacé.

Pour se redresser, la France a besoin de tous : État, collectivités et notamment les départements. Chacun doit faire sa propre part d'efforts. Pour que la confiance s'installe, la concertation est nécessaire.

Qui les départements doivent-ils croire ? Certains membres de votre administration ou vous, Monsieur le Premier ministre, qui nous avez fait des promesses, la semaine dernière encore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Depuis très longtemps, les relations financières entre l'État et les départements sont compliquées. Le dynamisme des dépenses sociales dites AIS est tel que les départements doivent faire des efforts colossaux pour les financer. À cela s'ajoute la prise en charge de plus en plus lourde des mineurs non accompagnés (MNA).

Les gouvernements successifs ont prévu année après année l'attribution de 140 millions d'euros aux départements sous forme de fonds d'urgence. Conscient des difficultés, le Gouvernement s'est rapproché de l'Assemblée des départements de France (ADF). S'agissant des mineurs non accompagnés, il s'est engagé à ce que l'État reprenne en main certaines responsabilités, il a créé un fichier national pour éviter les redoublements des coûts de traitement des dossiers et a veillé à éviter une prise en charge allongée par les départements. Cette proposition convient, semble-t-il, aux départements.

S'agissant des AIS, le Gouvernement a dit qu'il était prêt à mettre sur la table 250 millions d'euros - beaucoup plus que les 140 millions jusqu'à présent versés - et qu'il laissait aux départements le soin d'organiser une péréquation horizontale accrue.

Si les départements en sont d'accord, ils pourront augmenter les Droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ce qui consisterait en une augmentation des prélèvements obligatoires ; ce n'est pas exactement ma tasse de thé. Les départements nous ont fait savoir que cette proposition ne leur convenait pas, d'où notre retrait.

Les collectivités territoriales contractantes bénéficieront de l'engagement de stabilité pris par le Gouvernement. Les collectivités qui ne souhaitent pas signer les contrats seront bien sûr respectées, dans le cadre de l'article de loi voté et déclaré conforme par le Conseil constitutionnel.

En cas de dépassement de la norme de 1,2 %, les conséquences ne seront pas identiques pour les collectivités signataires et pour les autres.

Aucun chantage, là-dedans, mais une négociation claire. (Applaudissement sur les bancs du groupe LaREM)

M. Benoît Huré.  - Il faut mettre fin aux incompréhensions qui opposent l'État aux collectivités locales et particulièrement les départements. La solidarité nationale ne peut s'exercer sans eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Pensions de réversion (I)

M. Jean-Claude Luche .  - Le Gouvernement a engagé une réflexion sur les pensions de réversion. Mme la ministre a affirmé que le Gouvernement ne toucherait pas aux acquis et aux pensions déjà versées. Ce débat a néanmoins suscité de nombreuses inquiétudes. Les pensions de réversion concernent pour 90 % des femmes. Elles compensent souvent des écarts de salaires entre les femmes et leur mari. Comment ferez-vous pour tenir compte des nouvelles formes de familles, qu'il s'agisse du PACS ou des familles recomposées ?

Après la hausse de la CSG, l'annonce de la réforme des pensions de réversion pointe une fois de plus du doigt les retraités.

Quand annoncerez-vous vos décisions ? Plus tôt sera le mieux pour sécuriser chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Dès juin 2017, avant même les élections législatives, nous avions annoncé qu'il y aurait outre une réforme du droit du travail et de la formation professionnelle, une réforme globale des retraites en 2019. Nous avions annoncé que nous consacrerions l'année 2018 à la réflexion et à la concertation car le sujet est redoutablement complexe et au coeur de notre pacte républicain. La précipitation aurait été contreproductive.

C'est pourquoi nous avons nommé un haut-commissaire pour consulter tous les acteurs : organisations syndicales, organisations patronales, représentants de la société civile, ensemble des forces politiques. Les objectifs sont simples : préserver notre système de retraite par répartition, garantir la solidarité nationale, faire face au vieillissement de la population. La question des pensions de réversion est essentielle : c'est une nécessité pour les femmes qui en bénéficient, mais les inégalités entre les bénéficiaires sont criantes, car il existe treize régimes bien différents les uns des autres, notamment en raison de la situation du conjoint.

Tous les dossiers liés à la retraite sont sur la table. Il ne s'agit pas de faire disparaître les pensions de réversion, car elles sont une forme de solidarité pour ces femmes qui ont renoncé à leur carrière pour élever leurs enfants. Mais nous voulons plus d'égalité.

En aucune façon le Gouvernement ne travaille à une remise en cause des pensions de réversion. Ne laissons pas prospérer les angoisses. Mais l'année prochaine, nous aurons les décisions à prendre pour sauver notre système et aussi traiter la question de la dépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

Pensions de réversion (II)

M. Michel Amiel .  - Bis repetita placent. Je ne cacherai pas l'inquiétude de la population sur les pensions de réversion. La rumeur, le plus vieux média du monde, circule et empoisonne le débat. Il y a déjà eu la suppression de la demi-part des veuves par M. Sarkozy. Bien sûr, les pensions de réversion, c'est 4,4 millions de bénéficiaires pour un coût de 36 milliards soit 1,5 point de PIB ; sans oublier que 89 % des pensions de réversion sont versées aux femmes.

La volonté d'harmonisation est au coeur de la réforme des retraites annoncée par le Gouvernement.

La remise à plat sera-t-elle à enveloppe constante ? Quand l'harmonisation s'appliquera-t-elle ? Les conjoints qui bénéficient aujourd'hui d'une pension de réversion seront-ils touchés ? Je sais que le Gouvernement ne réforme pas pour le plaisir de réformer, mais parce qu'il souhaite un système juste et pérenne pour l'équilibre des comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Notre système de retraite, avec ses multiples régimes et multiples règles, est inéquitable et illisible. Il crée de l'anxiété notamment pour les jeunes générations qui sont persuadées qu'elles n'auront pas de retraite. Diverses questions ont été posées aux partenaires sociaux et sont en discussion, sous l'égide du haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Jean-Paul Delevoye.

Elles portent sur le système universel de répartition ; la construction d'un système de redistribution solidaire qui tienne compte des droits non contributifs liés à la maternité, au chômage à la maladie. Les droits familiaux sont aussi abordés, d'où la question des pensions de réversion. L'égalité homme-femme doit être prise en compte. L'objectif n'est bien évidemment pas de réduire les pensions de réversion des femmes.

Trois autres blocs seront discutés cet automne : les conditions d'ouverture des droits à la retraite, la reconnaissance des spécificités de parcours professionnels et les modalités de transition entre nouveau et ancien régime. Ce débat sera passionnant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Désertification médicale

Mme Véronique Guillotin .  - Madame la Ministre de la santé, vous étiez entendue ce matin à l'Assemblée nationale sur la question de l'égal accès aux soins. Cette audition intervient dans un contexte de grande tension dans les hôpitaux.

Dans une lettre au Premier ministre, 175 médecins affirment ne plus pouvoir assurer leur mission de service public faute de moyens dans les hôpitaux. Les services d'urgence sont les plus touchés et la situation devrait encore s'aggraver d'après une étude de l'ARS Île-de-France : pendant les deux mois d'été, durant 600 journées de vingt-quatre heures, il manquera un médecin dans un service d'urgence de la région. Pour répondre à cette situation, un décret a été publié début juin pour modifier l'organisation des lignes de garde. Les syndicats se sont opposés à cette mesure qui répond pourtant à une nécessaire réorganisation des services.

En Meurthe-et-Moselle, la maternité de Mont-Saint-Martin est menacée de fermeture en raison d'un trop grand nombre de médecins remplaçants, alors qu'elle enregistre 670 naissances chaque année, dans un territoire où le préfet de région vient de se voir confier une mission de prospective par Jacques Mézard.

Vous ne portez pas la responsabilité de l'absence de réformes de vos prédécesseurs et vous avez eu le courage d'annoncer une refonte du système de santé. Quelle place accorderez-vous aux hôpitaux de proximité et êtes-vous en mesure de rassurer les habitants de mon territoire sur le maintien de cette maternité ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Dans certains territoires, nous faisons face à de grosses difficultés en matière d'urgence et d'obstétrique où le recrutement des médecins est difficile. C'est le résultat de trente ans de mauvais choix des gouvernements successifs (On proteste sur les bancs des groupes Les Républicains et CRCE.) qui ont réduit le numerus clausus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe UC). Ils n'ont pas anticipé le besoin de temps des soignants, d'autant que les jeunes médecins aspirent à mieux concilier leur profession avec leur vie personnelle.

Les services d'urgence qui nécessitent huit médecins à temps plein sont particulièrement touchés. Il en va de même pour les services de gynécologie obstétrique. Si l'on fait appel à des intérimaires, on met en jeu la santé des patients et des parturientes. D'où la nécessité des mutualisations. Les hôpitaux de proximité seront préservés. Nous sommes mobilisés pour transformer notre système de santé afin d'assurer la qualité des soins partout en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Hôpitaux en Guyane et en métropole

Mme Laurence Cohen .  - Au centre hospitalier de Cayenne, 17 médecins urgentistes ont annoncé leur démission le 3 juillet prochain, victimes d'un ras-le-bol face aux bâtiments vétustes, au nombre de lits insuffisants, aux manques de praticiens, aux défaillances de la médecine générale...

En Guyane, comme partout ailleurs, les dysfonctionnements résultent de la défaillance du système de santé, ce que nous avions dit en juillet 2017 dans le rapport d'information de la commission des affaires sociales de Mme Génisson et M. Savary.

Quelles mesures d'urgence comptez-vous prendre pour combler le manque de praticiens à Cayenne, comme dans toute la Guyane et les autres départements ultramarins qui vivent de façon encore plus aigüe la crise de notre système de santé ?

Pourquoi attendre des actions lourdes de conséquences comme la démission de praticiens, la grève de la faim dans l'hôpital psychiatrique de Rouvray ou la démission de 35 maires dans la Nièvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La modernisation du centre hospitalier de Cayenne est programmée. Le comité de performance et de modernisation de l'offre de soins hospitaliers a donné le 19 juin son accord au plan. Une enveloppe de 40 millions d'euros sera débloquée.

S'agissant des urgences, les ARS reçoivent les médecins qui en font la demande et elles rencontrent les médecins de ville pour réguler les soins d'urgence.

La réserve sanitaire de l'armée a été mobilisée. Des médecins étrangers formés aux urgences sont aussi sollicités. Nous avons créé 100 postes d'assistants spécialistes pour les DOM dont bénéficiera la Guyane. Une nouvelle séquence de négociation a commencé aujourd'hui même et nous mettons tout en oeuvre pour qu'un accord soit conclu.

Une mission d'audit du professeur Pierre Carli, président du Conseil national des urgences hospitalières, est prévue du 7 au 9 juillet pour évaluer la situation des urgences de Cayenne.

Toutes les mesures ont été prises pour redresser la situation dégradée.

Mme Laurence Cohen.  - En fait, l'hôpital public, symbole de l'excellence de notre système de santé, est en difficulté partout. Vous dites être à l'écoute : ce n'est pas ce qui nous est dit. Les aides-soignantes, les infirmières, les chefs de services, tous appellent au secours !

Il faut créer 100 000 postes, supprimer la taxe sur les salaires, mettre fin à l'Ondam et la politique d'austérité qui met à genoux les hôpitaux.

Nous poursuivrons notre tour de France des hôpitaux et élaborerons avec eux un programme de réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Le président de la République, chanoine de Latran ?

M. Alain Duran .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Aujourd'hui, le président de la République accepte le titre de premier et unique chanoine d'honneur de la basilique Saint-Jean-de-Latran. Henri IV avait initié cette pratique en 1604, avant que la Révolution ne la fasse tomber en désuétude jusqu'en 1957.

Il ne s'agit ni d'une obligation institutionnelle - la Constitution rappelle que la France est une République laïque, la loi de 1905 précise que la République ne reconnait aucun culte - ni d'une coutume traditionnelle : Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande s'en sont tous trois abstenus. Il s'agit plutôt d'un énième dévoiement de la laïcité au profit d'un oecuménisme communautariste qui affaiblit la République. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) En février 2017, le président regrettait que la loi sur le mariage pour tous n'ait humilié une partie des catholiques ; en avril dernier, il déclarait vouloir « réparer le lien qui s'est abîmé entre l'Église et l'État »...

Alors que votre majorité se fissure sur la déclaration du lobbying des associations cultuelles auprès des décideurs publics, quel est le sens de cette visite au moment où les fondements de notre République laïque sont affaiblis par les revendications identitaires et communautaristes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE ; Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le président de la République et le Gouvernement n'ont jamais dévié d'un attachement profond à la loi de 1905, conçue par Aristide Briand comme une laïcité de liberté, chacun étant libre de croire ou de ne pas croire, et d'exercer son culte dans de bonnes conditions.

Cette visite d'État est l'occasion pour le président de la République de rencontrer le Pape, qui est aussi chef d'État, pour échanger sur les migrations, le changement climatique, l'aide au développement, la situation des chrétiens d'Orient ou la protection des minorités.

Le titre de chanoine de Latran est un titre laïc, sans aucune dimension spirituelle, et purement honorifique. Il revient au chef de l'État français depuis Henri IV ; tous les présidents de la République ont eu ce titre, même si tous n'ont pas fait le voyage. (Mouvements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Michèle Vullien applaudit.)

Le président de la République poursuit son dialogue avec toutes les religions. Il n'y a pas lieu de polémiquer. L'histoire est l'histoire, la religion en fait partie. Au-dessus de vous, dans cet hémicycle, Monsieur le Sénateur, Saint-Louis vous observe ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Indépendants et Les Républicains)

Réforme de la zone euro

M. Emmanuel Capus .  - Une réunion cruciale de l'Eurogroupe s'est tenue la semaine dernière. L'accord sur la dette grecque a été acté. Après une décennie de sacrifices, la Grèce a récupéré son autonomie financière : c'est un grand moment pour la Grèce, la France et la zone euro, enfin capable de sortir de la crise.

Le projet de réforme de la zone euro présenté par M. Macron et Mme Merkel est équilibré : entre l'idée française d'un budget commun et la volonté allemande de créer un Fonds monétaire européen, il associe rigueur budgétaire et investissement dans l'avenir.

Mais bien des questions restent en suspens : financement, utilisation, volume de ce budget. Le président Macron s'est heurté au refus de la chancelière d'annoncer un montant précis. Espérons que la montagne française n'accouchera pas d'une souris allemande ! (On apprécie diversement.)

La zone euro est plus divisée que jamais. Les Pays-Bas ont pris la tête d'une fronde de douze pays contre le projet franco-allemand. La chancelière est affaiblie, l'unité de l'Eurogroupe est rompue, la France apparaît bien seule pour porter une ambition européenne forte.

Comment comptez-vous convaincre nos partenaires de réformer la zone euro avec nous pour construire une union économique et monétaire plus protectrice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'accord sur la Grèce est une avancée majeure, après dix années de soutien. Les difficultés de la Grèce ont révélé les faiblesses de la zone euro. Celle-ci s'est réformée grâce au mécanisme européen de stabilité, mais le statu quo n'est pas une option. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une union monétaire qui ne soit pas une union économique. Nous avons renforcé le mécanisme européen de stabilité. D'où la feuille de route que nous avons élaborée avec l'Allemagne. Nous voulons parachever l'union bancaire, renforcer le mécanisme européen de stabilité, créer un budget de la zone euro pour une Union européenne prospère et stable.

Nous devons porter nos propositions au sein de l'Eurogroupe. Nos partenaires ont convenu que les propositions de travail étaient solides. Les discussions font partie d'un processus normal et sain. MM. Le Maire et Scholz sont déterminés à convaincre nos partenaires, car il faut avancer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Action publique 2022

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La France est championne, non de football, mais de la dépense publique ! Cela fait cinquante ans que les gouvernements successifs s'efforcent de rendre celle-ci plus efficace.

J'ai participé avec enthousiasme au Comité Action publique 2022, qui devait être celui d'un nouveau monde. Plutôt que présenter un énième plan d'économies, le Premier ministre promettait quelque chose de radicalement différent, plus intelligent et durable : transformer en profondeur l'action publique.

Au terme des travaux, mon enthousiasme s'est éteint et cet espoir n'est plus que mirage : ni simplification, ni rationalisation, ni mutualisation, seules quelques propositions d'économies ont été retenues...

Les travaux de ce Comité seront-ils portés à la connaissance des parlementaires, des élus et des citoyens ? On sait l'inefficacité d'une vision purement technocratique. Quel est le montant du plan d'économies ? Son calendrier ? Les efforts porteront-ils uniquement sur le budget de l'État ou aussi sur les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur certains bancs du groupe UC)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - En 2017, pour la première fois depuis 2009, nous avons ramené le déficit sous la barre des 3 %, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure pour déficit excessif. Cela résulte d'une amélioration de la conjoncture mais aussi des efforts du Gouvernement...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et François Hollande ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État.  - ... qui a contenu la croissance des dépenses publiques à 1,8 % du PIB, en deçà des 2,2 % prévus. (Mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous allons poursuivre.

Le groupe de travail Action publique 2022 est au coeur de la réflexion du Gouvernement pour transformer l'action publique en profondeur. Ses propositions sont en cours d'évaluation : mon ministère a ainsi engagé une revue des aides publiques aux entreprises.

Chaque ministère est en train de définir son plan d'action ; ils seront présentés au Premier ministre au cours des prochaines semaines. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Christine Lavarde.  - Membre du Comité, je n'ai pas eu connaissance de son rapport. Le Gouvernement agit, dites-vous ? Mais sur quelles bases ? Avec quels objectifs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Europe et crise migratoire

M. André Gattolin .  - Depuis une semaine, les réunions européennes sur les migrations et le droit d'asile se succèdent, et le sujet sera à l'agenda du prochain Conseil européen. Il y a urgence mais, vu les divergences, peu de chances qu'un accord unanime soit trouvé. L'Europe doit pourtant impérativement réagir au refus des pays de Visegrad d'honorer leurs quotas d'asiles.

Faut-il conditionner l'attribution des fonds structurels européens à l'accueil effectif de réfugiés, comme l'a suggéré le président Macron ? L'inscription d'une telle conditionnalité dans le prochain cadre financier pluriannuel n'est pas acquise.

Il faut aussi des mesures plus incitatives. La Commission envisage de créer une agence européenne pour l'asile. Certains imaginent une contractualisation entre l'Union et les collectivités volontaires pour accueillir des migrants, qui recevraient des fonds pour l'accueil ainsi qu'un bonus. Que pense le Gouvernement de ces différentes pistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - L'Europe est à la croisée des chemins. Tout ce qui a été bâti depuis des décennies peut se déliter très rapidement, comme le montre déjà le Brexit. L'Union européenne est soumise à un test de solidité en matière de politique commerciale comme de politique migratoire. C'est en commun qu'il nous faut apporter des réponses, basées sur des principes simples de responsabilité et de solidarité.

Nous agissons pour améliorer la coopération avec les pays d'origine et de transit. La France s'est engagée à consacrer 0,55 % de son RNB à l'aide au développement, l'Alliance pour le Sahel prend forme...

L'Ofpra dépêche des missions en Libye, au Tchad ou au Niger pour que les personnes éligibles au droit d'asile n'aient pas à traverser la Méditerranée au péril de leur vie. Il faut aussi renforcer Frontex en portant le nombre de garde-frontières de 1 200 à 10 000.

L'idée d'une agence européenne pour l'asile est fortement soutenue par la France et l'Allemagne et fera l'objet de débats dans les prochains jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Dysfonctionnements de la justice

M. Hugues Saury .  - Il y a une semaine, douze individus, dont neuf détenus, soupçonnés de trafic de drogue devaient comparaître devant le tribunal correctionnel de Pontoise. Huit prévenus incarcérés ont été remis en liberté faute de magistrats disponibles à la suite de l'arrêt maladie de la juge en charge du dossier.

Il est inacceptable de voir une audience annulée par manque de moyens humains. La remise en liberté des prévenus par un jeu d'actes manqués ridiculise et épuise notre système judiciaire, d'autant que cette affaire n'a rien d'exceptionnel. La crise que subit l'institution ne peut pas tout excuser.

Allons-nous vraiment attendre mars 2019 pour que ces trafiquants soient jugés ? Comment comptez-vous régler ces situations pour qu'elles ne puissent se reproduire ? Elles créent un sentiment d'impunité chez les délinquants et de désespérance chez les magistrats, les policiers et les victimes. Il y va de la crédibilité du système judiciaire et légal français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La décision du tribunal de Pontoise m'a choquée.

M. Gérard Longuet.  - Vous n'êtes pas la seule !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Elle est grave car elle entraîne une remise en liberté des prévenus, même s'ils restent sous contrôle judiciaire. Je me permets ce jugement car il porte sur le fonctionnement de la justice.

Le TGI de Pontoise a un effectif de 70 magistrats dont 68 présents. Les deux postes vacants, un juge de l'application des peines et un juge d'instance, ne concernent pas le tribunal correctionnel. En septembre, le recrutement de nouveaux magistrats comblera l'une des deux vacances. Le budget de la justice pour 2018 et les années suivantes permettra de nombreux recrutements.

Sur cette affaire, j'ai saisi les chefs de cour de la cour d'appel de Versailles pour solliciter des précisions sur l'organisation générale du service correctionnel, notamment sur l'audiencement et le dispositif de remplacement des magistrats. J'ai demandé un rapport circonstancié sur le déroulement de l'audience et sur l'impossibilité d'examiner cette affaire avant plus d'un an. La présidente de la juridiction a-t-elle été informée en amont ? J'ai enfin demandé à être éclairée sur les difficultés particulières qui auraient justifié un tel report. En fonction de ces éléments, j'envisagerai ou non une saisine de l'Inspection générale de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Hugues Saury.  - Merci, Madame la Ministre, pour la sincérité de vos propos. J'aurais aimé être pleinement rassuré... La répétition de ce type d'incident révèle des dysfonctionnements à traiter d'urgence. Ne confortons pas le sentiment d'impunité des délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Dons aux associations

M. Jean-Michel Houllegatte .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Les associations qui jouent un rôle déterminant pour la cohésion sociale, déjà fragilisées par la baisse des contrats aidés et des subventions, subissent les conséquences de la transformation de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en Impôt sur la fortune immobilière (IFI). Les contribuables qui sont sortis du calcul de cet impôt ont de facto perdu la possibilité de bénéficier de la réduction de 75 % sur les dons : résultat, ceux-ci ont baissé de 50 à 60 %, soit une baisse de recettes de 130 millions d'euros sur les 273 millions d'euros collectés en 2017.

De même, la hausse de la CSG a entraîné une diminution des dons, modestes mais réguliers, des retraités dont le pouvoir d'achat a baissé.

Ajoutez à cela l'incertitude autour du prélèvement à la source...

M. Albéric de Montgolfier.  - Décision du gouvernement socialiste !

M. Jean-Michel Houllegatte.  - ... qui perturbe la campagne de collecte de dons en 2018. Bon nombre d'associations sont en danger. Quelles décisions comptez-vous prendre pour soutenir le monde associatif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le Gouvernement entend aider les associations, dont nous savons le rôle déterminant. Il a maintenu la réduction d'impôt de 75 % dans le cadre de l'IFI, ainsi que le calendrier des dons. Certes, le nombre d'assujettis à l'IFI est moins important que pour l'ISF, mais l'allègement de la fiscalité sur le capital et la redirection de l'épargne sera un facteur positif. Les anciens donateurs qui ne sont plus imposables à l'ISF le sont généralement à l'impôt sur le revenu et bénéficieront donc de la réduction de 66 %.

Enfin, je nourris l'espoir que nos concitoyens continueront à s'intéresser aux associations qui fidéliseront des donateurs motivés par autre chose que la perspective d'une réduction fiscale.

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.