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Table des matières



Liberté de choisir son avenir professionnel (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 61 (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 62

Mme Laurence Rossignol

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 62 BIS

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 63 (Supprimé)

ARTICLE 64 (Supprimé)

ARTICLE 65 (Supprimé)

ARTICLE 65 BIS (Supprimé)

ARTICLE 65 TER (Supprimé)

ARTICLE 65 QUATER (Supprimé)

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 66

ARTICLE 67

ARTICLES ADDITIONNELS

Explications de vote

Mme Éliane Assassi

M. Yves Daudigny

M. René-Paul Savary

M. Laurent Lafon

M. Martin Lévrier

M. Alain Fouché

M. Philippe Mouiller

M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois

Question préalable

M. Fabien Gay

Discussion générale (Suite)

M. Claude Malhuret

M. Joël Labbé

M. François Patriat

Mme Cécile Cukierman

Mme Valérie Létard

M. Marc Daunis

M. Philippe Dallier

M. Jean-Claude Requier

M. Rémy Pointereau

Mme Sonia de la Provôté

M. Xavier Iacovelli

M. Jacques Mézard, ministre

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques

Modification de l'ordre du jour

Nominations à une éventuelle CMP

Utilisation du téléphone portable dans les écoles et collèges (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

M. Stéphane Piednoir, rapporteur de la commission de la culture

Question préalable

Mme Claudine Lepage

Discussion générale (Suite)

Mme Mireille Jouve

M. Antoine Karam

M. Pierre Ouzoulias

Mme Sonia de la Provôté

M. Jean-Jacques Lozach

Mme Colette Mélot

M. Jacques Grosperrin

Mme Laure Darcos

M. Max Brisson

M. Jean-Michel Blanquer, ministre

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. François Bonhomme

Mme Cécile Cukierman

ARTICLE 3

ARTICLE 4

Annexes

Ordre du jour du mardi 17 juillet 2018

Analyse des scrutins publics

Composition d'une éventuelle CMP




SÉANCE

du lundi 16 juillet 2018

9e séance de la session extraordinaire 2017-2018

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, Mme Mireille Jouve.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Liberté de choisir son avenir professionnel (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 61 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°401, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Alinéa 7, seconde phrase

Remplacer les mots :

peut se voir

par les mots :

se voit

Mme Laurence Rossignol.  - Que les sanctions en matière d'égalité professionnelle aient un caractère obligatoire, et non plus facultatif, ne paraît pas excessivement cruel puisque l'entreprise aura déjà eu trois ans pour se mettre en conformité.

Depuis quarante ans et la première loi sur le principe « à travail égal, salaire égal », on a vu les limites des dispositifs incitatifs.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Avis défavorable. Vous proposez de rendre systématique la pénalité de 1 % de la masse salariale. Or le Conseil constitutionnel a annulé en 2013 une pénalité identique sur l'emploi des seniors au motif que son caractère punitif et automatique allait à l'encontre du principe de proportionnalité des peines.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.  - Avis défavorable.

L'amendement n°401 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°402, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Alinéa 9

Après le mot :

affecté

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

à l'amélioration de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Laurence Rossignol.  - Attribuer le produit des sanctions en matière d'égalité professionnelle qui pourraient être infligées aux entreprises au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, me laisse perplexe. Certes, ce fonds a toujours besoin d'être abondé mais quel est le lien avec l'égalité professionnelle hommes-femmes ? Le Premier ministre, lorsqu'il a présenté la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes, a annoncé que le produit des amendes irait à la reconstruction des blessés. Pourquoi traiter différemment l'égalité professionnelle ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - La commission s'est posé la même question. Cependant, nous préférons que les fonds fassent l'objet d'une affectation précise, même si elle est éloignée de l'objet. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Que l'argent des amendes aille à la lutte contre l'inégalité professionnelle est une idée intéressante. Cependant, il n'existe pas de fonds dédié ; il faudrait étudier les modalités pratiques de sa création. Avis défavorable pour le moment, en faisant observer que le FSV n'est pas si éloigné de l'objet puisque l'inégalité des retraites touche les femmes.

Mme Laurence Rossignol.  - Mme la ministre ouvre une piste qu'il convient d'explorer en votant l'amendement. Si l'argent est affecté au FSV, on peinera à revenir en arrière.

Mme Nathalie Goulet.  - Je soutiens cet amendement. Habituellement on crée des fonds non abondés. Ici, c'est l'inverse : il manque le réceptacle.

L'amendement n°402 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°716, présenté par M. Forissier, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'alinéa 17

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dernier alinéa de l'article L. 3221-6 du code du travail est supprimé.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Il est prévu que les organisations liées par une convention de branche rendent un rapport sur les écarts de rémunération entre femmes et hommes. Il n'a plus lieu d'être en raison de la nouvelle obligation qui leur est faite d'établir un bilan annuel de leurs actions en faveur de l'égalité professionnelle.

L'amendement n°716, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°647, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'alinéa 22

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

...  -  L'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est ainsi modifiée :

1° Au b du 4° de l'article 45 et au c du 14° des articles 96, 97, 98 et 99, la référence : « à l'article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « au 2° de l'article L. 2242-1 » ;

2° À l'avant-dernier alinéa du c du 4° de l'article 45, la référence : « de l'article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « du 2° de l'article L. 2242-1 » ;

3° Au 2° de l'article 92, la référence : « L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « L. 2242-1 ».

...  -  L'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession est ainsi modifiée :

1° Au b du 4° de l'article 39, au b du 10° des articles 65, 66 et 67 et au b du 9° de l'article 68, la référence : « à l'article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « au 2° de l'article L. 2242-1 » ;

2° À l'avant-dernier alinéa du c du 4° de l'article 39, la référence : « de l'article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « du 2° de l'article L. 2242-1 » ;

3° Au a du 2° de l'article 61, la référence : « L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « L. 2242-1 ».

M. Martin Lévrier.  - C'est un amendement de coordination juridique. Depuis la loi du 4 août 2014, les entreprises qui n'ont pas satisfait à leur obligation de négocier en matière d'égalité professionnelle doivent être exclues de la procédure de passation des marchés publics. L'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession reprennent cette interdiction mais font référence à l'article L. 2242-5 du code du travail. Or depuis la loi du 17 août 2015 et l'ordonnance du 22 septembre 2017, l'obligation de négocier en matière d'égalité professionnelle figure à l'article L. 2242-1 du code du travail.

M. le président.  - Amendement identique n°717, présenté par M. Forissier, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - C'est le même.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos647 et 717 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°503, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Après le 5° de l'article L. 2312-8 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À chaque fois que le comité est informé et consulté sur un projet, il se prononce quant à l'impact prévisible du projet en matière d'égalité entre les femmes et les hommes ».

Mme Éliane Assassi.  - Je m'étonne que personne n'ait salué l'exploit de l'équipe de France en ce début de séance...

M. Philippe Dallier.  - Nous ne faisons que ça depuis hier !

Mme Éliane Assassi.  - Championne du monde pour la deuxième fois depuis hier ! La représentation nationale ne peut pas se tenir à l'écart du formidable élan populaire que cela suscite...

Les mesures en faveur de l'égalité professionnelle que ce projet de loi comporte sont louables mais ponctuelles. Si l'on veut que ce thème devienne quotidien dans la vie des entreprises, il faut, à notre sens, y sensibiliser tous les acteurs de l'entreprise. Cela passe par le comité d'entreprise ou le comité social et économique de l'entreprise, il doit pouvoir évaluer si un projet, même d'apparence neutre, ne crée pas ce qu'on appelle des « discriminations indirectes ».

M. le président.  - Merci pour ces félicitations à l'équipe de France !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Puisque nous parlons d'égalité femmes-hommes, l'équipe de France féminine a aussi enregistré de bons résultats...

Mme Éliane Assassi.  - Championne l'année prochaine !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - L'égalité salariale, c'est autre chose...

Cet amendement est déjà satisfait par les articles L. 2312-17 et L. 2312-18 du code du travail qui prévoient que le CSE est consulté sur « la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi » et qu'il dispose, pour ce faire, « d'indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération ». Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable également.

Mme Laurence Rossignol.  - Le groupe socialiste votera l'amendement. Il est cohérent avec ce que le Gouvernement, qui aime tant l'anglais qu'on emploie dans les entreprises, tente de faire au niveau des politiques publiques en général. Une étude d'impact, ce n'est pas exactement la même chose que ce qui est prévu aux articles cités par la rapporteure.

L'amendement n°503 n'est pas adopté.

L'article 61, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°484 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 61

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code du travail est ainsi modifié :

1° Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« Chapitre préliminaire

« Encadrement des écarts de rémunération au sein d'une même entreprise

« Art. L. 3230-1.  -  Le présent chapitre est applicable aux rémunérations des personnels, des mandataires sociaux et des autres dirigeants, régis ou non par le présent code, des entreprises, constituées sous forme de société, groupement, personne morale ou établissement public à caractère industriel et commercial, quel que soit leur statut juridique.

« Art. L. 3230-2.  -  Le montant annuel de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans une entreprise mentionnée à l'article L. 3230-1, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature dus ou susceptibles d'être dus à titre de rémunération ou d'indemnisation au cours de l'exercice comptable, ne peut être supérieur à vingt fois le salaire annuel minimal appliqué en France pour un emploi à temps plein dans la même entreprise ou dans une entreprise qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

« Art. L. 3230-3.  -  Pour chaque exercice comptable, lorsque l'application d'une décision ou d'une convention a pour effet de porter le montant annuel de la rémunération annuelle la plus élevée à un niveau supérieur à vingt fois celui du salaire minimal annuel défini à l'article L. 3230-2, l'ensemble des décisions ou conventions relatives à la détermination de cette rémunération sont nulles de plein droit, sauf si le salaire minimal annuel pratiqué est relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article L. 3230-2. » ;

2° L'article L. 2323-17 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 2323-17.  -  En vue de la consultation prévue à l'article L. 2323-15, l'employeur met à la disposition du comité d'entreprise, dans les conditions prévues à l'article L. 2323-9 :

« 1° Les informations sur l'évolution de l'emploi, des qualifications, de la formation et des salaires, sur les écarts de rémunérations des salariés et mandataires sociaux au sein de l'entreprise et des entreprises qui la contrôlent au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, sur les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, sur le nombre et les conditions d'accueil des stagiaires, sur l'apprentissage et sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial ;

« 2° Les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, mentionnés au 1° bis de l'article L. 2323-8 du présent code, ainsi que l'accord ou, à défaut, le plan d'action mentionnés au troisième alinéa du 2° de l'article L. 2242-8 en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

« 3° Les informations sur le plan de formation du personnel de l'entreprise ;

« 4° Les informations sur la mise en oeuvre des contrats et des périodes de professionnalisation et du compte personnel de formation ;

« 5° Les informations sur la durée du travail, portant sur :

« a) Les heures supplémentaires accomplies dans la limite et au-delà du contingent annuel applicable dans l'entreprise ;

« b) À défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement dans les conditions prévues à l'article L. 3121-11  ;

« c) Le bilan du travail à temps partiel réalisé dans l'entreprise ;

« d) Le nombre de demandes individuelles formulées par les salariés à temps partiel pour déroger à la durée hebdomadaire minimale prévue à l'article L. 3123-14-1  ;

« e) La durée, l'aménagement du temps de travail, la période de prise des congés payés prévue à l'article L. 3141-13, les conditions d'application des aménagements de la durée et des horaires prévus à l'article L. 3122-2 lorsqu'ils s'appliquent à des salariés à temps partiel, le recours aux conventions de forfait et les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés ;

« 6° Les éléments figurant dans le rapport et le programme annuels de prévention présentés par l'employeur au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, prévus à l'article L. 4612-16  ;

« 7° Les informations sur les mesures prises en vue de faciliter l'emploi des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils et des travailleurs handicapés, notamment celles relatives à l'application de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés ;

« 8° Les informations sur l'affectation de la contribution sur les salaires au titre de l'effort de construction ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l'entreprise se propose de recruter ;

« 9° Les informations sur les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés prévues à l'article L. 2281-11. »

II.  -  Les entreprises mentionnées à l'article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l'écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l'article L. 3230-2 du même code disposent d'un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.

Mme Éliane Assassi.  - Il s'agit d'encadrer les écarts de rémunération au sein d'une même entreprise par un rapport allant d'un à vingt. Ce n'est pas une idée tout à fait neuve puisque Henry Ford le proposait dès les années vingt.

Cet encadrement a vocation à remplacer le plafond de rémunération de 450 000 euros dans les entreprises publiques, que nous dénonçons régulièrement. Il n'est pas éthique que certains dirigeants du CAC 40 gagnent en moyenne, en un jour, le salaire annuel d'une personne rémunérée au SMIC ; bref, « un pognon de dingue » pour reprendre l'expression du président de la République.

Cet encadrement fera progresser l'égalité professionnelle puisque, selon l'Insee, l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes atteint 23,7 % selon l'Insee.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable. Vous pointez une difficulté connue qui a vocation à être discutée lors de l'examen de la loi Pacte. Sur le fond, l'amendement nécessite un travail complémentaire.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°484 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°485 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 61

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  La réduction est supprimée lorsque l'employeur n'a pas conclu d'accord relatif à l'égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu'il n'a pas établi le plan d'action mentionné à l'article L. 2242-3 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l'article L. 2242-7 du même code. »

M. Fabien Gay.  - Depuis les années deux mille, une vingtaine de lois traitant de l'égalité entre les femmes et les hommes ont été adoptées, dont une dizaine spécifiquement sur l'égalité au travail. Pourtant, les inégalités persistent : l'écart entre les salaires était en 2015 de 19 % selon l'APEC, soit seulement 2,5 % de moins qu'en 2005. C'est que les sanctions ne sont pas suffisamment dissuasives. Le code du travail impose une négociation tous les quatre ans ; si elle n'aboutit pas à un accord, l'employeur doit établir unilatéralement un plan d'action. Or 60 % des entreprises soumises à cette obligation ne concluent pas d'accord et ne prennent pas de plan d'action, seules 0,2 % ont été sanctionnées. Nous proposons de priver les entreprises où il n'y a ni accord ni plan d'action de la suppression des exonérations de cotisations patronales.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Certes, de nombreuses lois ont été prises sur l'égalité professionnelle : 1972, 1983, 2001, 2010. Le Gouvernement a fait le choix d'une méthode, celle de la progressivité ; La sanction que vous proposez serait excessive. Rejet.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°485 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 62

Mme Laurence Rossignol .  - Cet article a toute sa place dans la loi. Il y a effectivement une très grande porosité entre discrimination salariale et harcèlement sexiste, le harcèlement s'accompagne souvent de chantage au salaire.

J'invite le Gouvernement à préserver les compétences existantes, dont l'AVFT, fragilisée ces temps-ci. L'accompagnement des victimes, le conseil juridique, cela ne s'improvise pas du jour au lendemain.

M. le président.  - Amendement n°678 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le deuxième alinéa de l'article L. 1471-1 du code du travail est complété par les mots : « à l'exception de la contestation de tout licenciement à caractère discriminatoire, qui se prescrit par cinq ans ».

Mme Laurence Rossignol.  - On me répondra que cet amendement est satisfait mais, en pratique, se pose un problème d'articulation entre le délai pour les actions sur les ruptures de contrat de travail, ramené à un an par l'ordonnance du 22 septembre 2017, et celui pour contester un acte discriminatoire, qui est de cinq ans. Les débats sont parfois âpres au sein des conseils de prud'hommes, ils sont longs pour les victimes. On les éviterait en précisant les choses clairement dans la loi.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Selon l'analyse de la commission, il n'y a pas de flou juridique : c'est cinq ans pour un licenciement à caractère discriminatoire. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Rejet également. L'article L. 1134-5 du code du travail est clair : un an pour contester une rupture du contrat de travail, sauf pour les cas de discrimination, sexistes et autres. Nous avons veillé à bien distinguer les choses dans l'ordonnance.

Mme Laurence Rossignol.  - Avec les explications de la rapporteure et de la ministre, il ne peut plus y avoir de doute sur l'intention du législateur. Je retire mon amendement.

L'amendement n°678 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°504, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2

Rétablir les I bis et I ter dans la rédaction suivante :

I bis.  -  Après l'article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1  -  Dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés est désigné un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »

I ter.  -  Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 2314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d'une résolution adoptée selon les modalités définies à l'article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 2315-18, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « et le référent prévu au dernier alinéa de l'article L. 2314-1 ».

Mme Éliane Assassi.  - Harcèlement et agressions sexuelles au travail touchent plus d'un tiers des femmes. La peur et le manque de confiance dans la hiérarchie empêchent souvent la libération de la parole, on le sait. Désigner des référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail est une bonne chose, même si l'on ne doit ni sous-estimer ni surestimer l'importance de cette mesure. Il s'agit d'une mesure parmi d'autres mais d'une mesure utile quand la médecine du travail se réduit à peau de chagrin. La commission l'a supprimée, nous proposons de la rétablir.

M. le président.  - Amendement n°592, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :

I bis.  -  Après l'article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1.  -  Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est ou sont désignés un ou plusieurs référents chargés d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

« Le référent dispose a minima, sauf dispositions supplétives prévues par accord, des prérogatives suivantes :

« 1° Droit d'alerte ;

« 2° Droit d'assister une éventuelle victime de violences sexuelles ou sexistes au travail dès lors qu'elle est tenue de rencontrer un membre de la direction ou des ressources humaines ;

« 3° Droit d'être informé des étapes et du contenu de la procédure d'enquête diligentée par l'employeur ;

« 4° Droit d'accompagner l'inspecteur du travail en cas d'enquête ou de visite dans l'entreprise ;

« 5° Droit de saisine de l'inspection du travail ou de la médecine du travail ;

« 6° Droit de saisine ou d'inscription d'une question à l'ordre du jour du comité social et économique de l'entreprise. »

Mme Laurence Rossignol.  - La lutte contre le harcèlement sexuel au sein de l'entreprise est moins consensuelle en pratique qu'elle ne l'est dans le discours. Les résistances sont fortes. D'où cet amendement pour rétablir les référents et préciser leurs fonctions.

M. le président.  - Amendement n°405 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Alinéa 2

Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :

I bis.  -  Après l'article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1.  -  Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est désigné un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

« Le référent mentionné au premier alinéa dispose de la formation, des ressources et des heures de délégation nécessaires à l'accomplissement de ses missions. »

Mme Laurence Rossignol.  - C'est un amendement pour aider le Gouvernement puisqu'il reprend les dispositions introduites par l'Assemblée nationale sur les référents mais abaisse le seuil aux entreprises de moins de 50 salariés.

M. le président.  - Amendement n°591, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :

I bis.  -  Après l'article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1.  -  Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est ou sont désignés un ou plusieurs référents chargés d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »

Mme Laurence Rossignol.  - Le nombre de référents doit être fonction de la taille de l'entreprise.

M. le président.  - Amendement n°406, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Alinéa 2

Rétablir le I ter dans la rédaction suivante :

I ter.  -  Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 2314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d'une résolution adoptée selon les modalités définies à l'article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 2315-18, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « et le référent prévu au dernier alinéa de l'article L. 2314-1 ».

Mme Laurence Rossignol.  - Nous proposons un référent désigné par l'employeur, un autre par le comité social et économique.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - L'idée d'un référent a été introduite par le rapporteur de l'Assemblée nationale, peut-être lui a-t-elle été soufflée par le Gouvernement. La commission a adopté un amendement de suppression d'une de nos collègues qui a fait valoir que le nombre de référents dans les entreprises est considérable avec des champs d'action différents mais inégaux -  référents handicap, sécurité et santé au travail, lanceurs d'alerte. Saucissonner les comités sociaux et économiques en référents les videra de leur substance. Ils ont la faculté de prendre toute initiative qu'ils estiment utiles, dont des mesures de prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes ; s'il y a refus de l'employeur, il doit être motivé. Avis défavorable à ces cinq amendements.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°504. Nous travaillons depuis plusieurs mois sur l'égalité professionnelle avec les partenaires sociaux. L'ampleur du phénomène du harcèlement sexuel au travail nous a tous surpris, nous en avons pris acte. Les femmes qui subissent déjà une discrimination salariale à l'embauche puis tout au long de leur carrière, sur lesquelles pèse le poids de la maternité, ne peuvent pas se projeter dans un avenir professionnel si, en plus, elles ont la peur au ventre quand elles vont travailler.

Souvent, les victimes ont peur de témoigner ; lorsqu'elles se confient, c'est à une personne de confiance, pas à une institution. C'est la raison pour laquelle les partenaires sociaux ont proposé un référent. Trois points de contact, un aux ressources humaines, un au comité social et économique et un à la médecine du travail, ce ne sera pas du luxe.

Avis favorable à l'amendement n°592 sous réserve de rectification : il n'est pas nécessaire de repréciser les prérogatives des membres du comité social et économique.

Retrait de l'amendement n°405 rectifié au profit de l'amendement n°504. Il n'est pas nécessaire de repréciser les responsabilités de l'entreprise, protéger les salariés est déjà une obligation.

Avis favorable à l'amendement n°591 sous réserve que ses auteurs reviennent au seuil de 250 salariés. Les entreprises de 50 salariés ont rarement des services de ressources humaines. Même avis sur l'amendement n°406.

Mme Laurence Rossignol.  - Madame la Rapporteure, certes, il y a déjà de nombreux référents mais pourquoi abandonner le référent sur l'égalité hommes-femmes et la lutte contre le sexisme, et non un autre ? C'est toujours la même histoire...

Madame la Ministre, s'il n'y a pas de service de ressources humaines dans les entreprises de 50 salariés, il en existe dans les entreprises de 200 salariés. Entre 50 et 249 salariés, les situations sont très variables.

L'amendement n°504 est adopté.

Mme Éliane Assassi.  - Bravo !

Les amendements nos592, 405 rectifié, 591 et 406 n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°398 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Après l'alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 8112-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout signalement de harcèlement sexuel au travail, de violences sexuelles ou sexistes, ou d'agissement sexiste transmis aux agents de contrôle de l'inspection du travail doit faire l'objet d'une enquête par ces mêmes agents. »

Mme Laurence Rossignol  - Trop de signalements ne sont pas suivis d'enquêtes, c'est souvent un problème de moyens et de priorités. Et, souvent, la priorité ne va pas aux femmes...

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement déjà satisfait par l'article L. 8112-2 du code du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable. Les agents de l'inspection du travail sont déjà soumis à une obligation de diligence, c'est l'article R. 8124-27 du code du travail. Ils disposent, comme le veut la convention n°81 de l'OIT, d'un pouvoir d'appréciation.

L'amendement n°398 rectifié n'est pas adopté.

L'article 62, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°589, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 62

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1153-2 du code du travail est complété deux alinéas ainsi rédigés :

« Un acte de licenciement d'une victime de harcèlement sexuel est présumé nul, sauf si ladite victime refuse la réintégration au sein de l'entreprise.

« Dans le cadre d'une procédure contentieuse engagée suite au licenciement d'une victime de harcèlement sexuel au travail, le juge ne doit pas examiner les autres éventuels motifs dudit licenciement. »

Mme Laurence Rossignol.  - La Cour de cassation considère que le licenciement en cas de dénonciation de harcèlement sexuel est nul de plein droit, sauf si l'employeur démontre la fausseté de ces allégations. Les ordonnances récentes sont revenues sur cette jurisprudence juste et constante à laquelle il convient de revenir.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait...

Mme Laurence Rossignol.  - Comme toujours !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Plus exactement, son premier alinéa est satisfait par l'article L. 1153-12 du code du travail. Son deuxième alinéa constitue une atteinte manifeste à la séparation des pouvoirs....

Mme Laurence Rossignol.  - C'est faux !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°589 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°587, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 62

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement porte à douze mois de salaire l'indemnisation plancher prévue pour tout salarié licencié en raison d'un motif discriminatoire. Cela était le cas depuis la loi du 4 août 2014, les ordonnances l'ont abaissée à six mois. Cet amendement traduit la recommandation 17 du rapport d'information de la délégation sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et s'inspire d'une recommandation, formulée par le Défenseur des droits.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable. Lors de la ratification des dernières ordonnances, notre assemblée s'est prononcée pour une harmonisation de l'indemnisation plancher à six mois pour les licenciements à caractère abusif.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°587 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°593 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 62

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les violences sexuelles ou sexistes sont ajoutées en tant que domaine spécifique aux domaines déjà existants de la négociation collective.

Les accords conclus sur cette base contiennent un plan de prévention des violences sexistes et sexuelles, intégrant la lutte contre le harcèlement sexuel et l'agissement sexiste, au sein duquel doit figurer une procédure adaptée aux victimes desdites violences au sein de l'entreprise.

Ce plan de prévention est présenté chaque année au comité social et économique de l'entreprise pour les entreprises de plus de onze salariés.

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement est inspiré par des spécialistes de l'égalité professionnelle. Il s'agit de faire des violences sexuelles et sexistes au travail un domaine spécifique de la négociation collective. On me dira, encore une fois, que j'ai satisfaction mais je ne le crois pas. Tout le monde doit évoluer, employeurs et syndicats, si nous voulons donner force à la grande cause nationale du président de la République.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Il ne me revient pas de porter la grande cause nationale du président de la République mais d'indiquer que cet amendement est satisfait par l'article L. 2241-1 du code du travail qui impose une négociation sur les conditions de travail et, donc, par capillarité, sur les violences sexistes et sexuelles. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - La lutte contre les violences sexuelles et sexistes, ce n'est pas un objet de négociation ; c'est une obligation absolue pour l'employeur. Certes, il faut la renforcer. D'où, dans ce texte, la mise en place de référents et des négociations de branche pour mettre à disposition des entreprises des outils de prévention et d'action. Avis défavorable.

L'amendement n°593 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 62 BIS

M. le président.  - Amendement n°594, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Au début, insérer les mots :

Au premier alinéa de l'article L. 2241-1 du code du travail, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » et

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement diminue la périodicité à laquelle sont négociés les thèmes relatifs aux salaires, aux mesures tendant à favoriser l'égalité professionnelle, aux conditions de travail, la situation des personnes handicapées et le régime de formation professionnelle.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Les ordonnances de septembre 2017 ont redéfini la périodicité de la négociation des thèmes des accords de branche à quatre ans maximum mais elles leur ont laissé la possibilité de réduire cette périodicité dans le cadre de la négociation collective. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Nous voulons une négociation efficace et utile. Ce n'est pas la périodicité qui compte, c'est sa qualité. Avis défavorable.

L'amendement n°594 n'est pas adopté.

L'article 62 bis est adopté.

L'article 62 ter est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°407, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Avant le dernier alinéa de l'article L. 2222-3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La convention ou l'accord collectif prend en compte la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes, et notamment le harcèlement sexuel et l'agissement sexiste, ainsi que les droits familiaux dévolus aux salariés. » ;

2° Après le premier alinéa de l'article L. 2222-3-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'accord conclu au niveau de la branche et définissant la méthode applicable à la négociation au niveau de l'entreprise prend en compte la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes, et notamment le harcèlement sexuel et l'agissement sexiste, ainsi que les droits familiaux dévolus aux salariés. »

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement sanctuarise le thème des droits familiaux et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les négociations de branche.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Même avis défavorable qu'à l'amendement n°593 rectifié, qui lui est semblable à une nuance près.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°407 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°197 rectifié quater, présenté par MM. Iacovelli et Antiste, Mme Blondin, MM. M. Bourquin, Durain et Duran, Mmes Espagnac, M. Filleul, Lepage, Meunier, Monier et Préville et M. Tissot.

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3142-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3142-3. - Il est interdit d'employer le salarié dans les quatorze jours qui suivent la naissance survenue au foyer du salarié ou l'arrivée d'un enfant placeé en vue de son adoption. »

M. Xavier Iacovelli.  - Nous proposons de rendre obligatoire le congé de paternité. Il est aujourd'hui optionnel ; de onze jours consécutifs, il vient s'ajouter au congé de naissance de trois jours. Son taux de recours n'est que de 68 %. Les comparaisons européennes montrent que, dans les pays où les congés parentaux sont plus longs et parfois obligatoires, les inégalités professionnelles se réduisent. Au Portugal, les pères ont droit à un mois de congé de paternité, dont deux semaines obligatoires.

Le Gouvernement a récemment rejeté l'idée de rendre obligatoire le congé paternité. Pourtant, sur les 16 semaines de congé de maternité, 8 sont obligatoires dont 6 après la naissance afin de s'assurer que l'employeur ne fait pas pression sur sa salariée pour qu'elle ne prenne pas le congé auquel elle a droit. Pourquoi en serait-il autrement pour les hommes ? Le taux de non-recours de 32 % au congé paternité s'explique notamment par les pressions professionnelles.

M. le président.  - Amendement n°363, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3142-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3142-3.  -  Il est interdit d'employer le salarié dans les trois jours qui suivent la naissance survenue au foyer du salarié ou l'arrivée d'un enfant placé en vue de son adoption. »

Mme Michelle Meunier.  - C'est le même objet. J'ajoute que, le congé de paternité, est aussi une question d'intérêt de l'enfant. La sociologue Olga Baudelot l'a bien montré en parlant de « l'état de grâce » lors de la naissance. Plus le corps du nourrisson fait l'objet de soins précoces, plus le risque de maltraitance se réduit.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Ces deux amendements, intéressants, risquent d'être inconstitutionnels : ils vont à l'encontre de la liberté d'embauche.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Certes, le congé paternité a des conséquences sur l'égalité professionnelle mais la réforme proposée est prématurée. Un rapport de l'IGAS est en cours de finalisation, de même qu'une réflexion européenne est en cours sur le congé parental. Avis défavorable seulement sur le timing.

L'amendement no197 rectifié quater n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°363.

M. le président.  - Amendement n°196 rectifié quater, présenté par M. Iacovelli, Mme Grelet-Certenais, M. Antiste, Mme Blondin, MM. M. Bourquin, Durain et Duran, Mmes Espagnac, M. Filleul, Lepage, Meunier, Monier et Préville et MM. Tissot et Tourenne.

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° de l'article L. 3142-4 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « dix-sept ».

M. Xavier Iacovelli.  - Il faut rééquilibrer entre les deux parents l'impact d'une naissance sur la carrière. L'article 40 de la Constitution nous empêche de toucher au congé de paternité, nous proposons donc d'allonger le congé de naissance, qui, lui, est rémunéré par l'employeur, de trois à 17 jours. Pourquoi 17 ? Parce que cela permettrait de doubler la durée cumulée des congés dont le père peut actuellement bénéficier à la naissance d'un enfant : on passerait de 14 à 28 jours.

Le Gouvernement a rejeté le droit individuel à un congé parental d'au moins quatre mois, contenu dans le projet de directive sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants, pour des raisons budgétaires. Il a indiqué qu'il préférerait allonger le congé paternité. Nous lui donnons l'occasion de le faire.

M. le président.  - Amendement n°364, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° de l'article L. 3142-4 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement porte de trois à six jours le congé de naissance.

M. le président.  - Amendement n°496 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° de l'article L. 3142-4 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot « cinq ».

M. Pascal Savoldelli.  - Nous portons le congé paternité de trois à cinq jours. Par comparaison, il peut aller jusqu'à 60 jours en Suède et 54 en Finlande : nous avons des progrès à faire.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - L'IGAS a été saisie du sujet, ses conclusions seront utiles - d'autant qu'il n'était pas dans le texte initial, ce qui nous prive de toute étude d'impact. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Laurence Rossignol.  - Je salue le nombre de cordes que la rapporteure a à son arc pour rejeter nos amendements. Une fois encore, l'inconstitutionnalité est mentionnée. Je sais que pendant le Mondial nous sommes tous sélectionneurs et qu'en écrivant la loi, nous devenons tous juge constitutionnel, mais, de grâce, laissons le Conseil constitutionnel statuer et faire évoluer sa jurisprudence. L'IGAS fait un rapport, très bien, et nous pouvons tout à fait lui indiquer le sens dans lequel le législateur veut aller : nous voulons allonger le congé paternité, à l'Inspection d'en tenir compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. René-Paul Savary.  - Pour une fois, je suis d'accord avec Mme la ministre. Cette disposition doit s'inscrire dans le cadre de la politique familiale, qui a été tant mise à mal ces dernières années. Nous espérons que la loi saura définir une politique familiale globale, essentielle aussi pour redresser la natalité et l'équilibre des retraites.

L'amendement n°196 rectifié quater n'est pas adopté, non plus que les amendements nos364 et 496 rectifié.

ARTICLE 63 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°253, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Après le premier alinéa de l'article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps.

« Lorsque qu'un engagement de servir pendant une durée minimale a été requis d'un fonctionnaire, la période mentionnée au deuxième alinéa n'est pas comprise au nombre des années dues au titre de cet engagement.

 » Dans les conditions fixées par les statuts particuliers de chaque corps, les activités professionnelles exercées durant la période de disponibilité peuvent être prises en compte pour une promotion à l'un des grades mentionnés aux troisième et quatrième alinéas de l'article 58 dont l'accès est subordonné à l'occupation préalable de certains emplois ou à l'exercice préalable de certaines fonctions. Les activités professionnelles prises en compte doivent être comparables à ces emplois et ces fonctions au regard de leur nature ou du niveau des responsabilités exercées. »

II.  -  Le deuxième alinéa du I est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter de la date de publication de la présente loi.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.  - Je présenterai les amendements nos253, 254 et 255 qui portent successivement sur les trois fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière. Il s'agit de favoriser les mobilités en protégeant le déroulement de carrière des fonctionnaires pendant cinq ans en cas de mobilité dans le privé : leur avancement sera maintenu pendant cinq ans, alors qu'il est « gelé » dans les règles actuelles. Nous faciliterons ainsi les retours de ces fonctionnaires. Ces expériences seront aussi valorisées pour l'accès aux postes de direction.

M. Alain Fouché.  - Le privé n'a pas de tels avantages !

M. le président.  - Amendement n°505, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le 9° de l'article 18-5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° S'abstenir d'exercer toute action pour le compte ou auprès d'une personne morale de droit public. »

M. Pascal Savoldelli.  - Est-il pertinent d'introduire dans le texte de telles mesures de pantouflage, qui seraient des cavaliers législatifs si c'était un groupe politique qui les déposait ? Ces amendements contribuent un peu plus à brouiller la frontière entre le public et le privé, au risque de conforter une caste qui détient un pouvoir caché. Le pantouflage ne concerne guère les aides-soignants mais bénéficie beaucoup à l'IGF - selon un chercheur, 75 % des inspecteurs des finances pantoufleront dans leur carrière. L'argument de l'égalité entre les sexes ne tient pas, car si les femmes recourent effectivement davantage à la mobilité dans le privé, l'enjeu est du côté des hommes, sur des postes bien plus importants, pour des mises à disposition de connivence.

Avec cet amendement, nous interdisons à un agent public, devenu représentant d'intérêts, de mener son activité auprès de son administration de rattachement.

M. le président.  - Amendement n°506, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 25 decies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 25... ainsi rédigé :

« Art. 25 ....  -  Il est interdit à tout ancien fonctionnaire ou agent public d'exercer une activité de conseil qui a trait directement ou indirectement aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions pendant un délai de dix ans. »

M. Fabien Gay.  - Cet amendement de repli crée une période tampon durant laquelle un fonctionnaire devenu représentant d'intérêts ne peut pas exercer son activité auprès de son administration de rattachement.

Les hauts fonctionnaires sont courtisés par le privé, l'administration elle-même encourage le pantouflage : à Bercy, une liste d'offres d'emploi dans le privé est établie en interne... Par contraste, la commission de déontologie et de contrôle demeure peu ou prou fantoche : elle a validé en 2009 la nomination du directeur de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de la Banque fédérale des banques populaires, moins d'une semaine après qu'il avait organisé la fusion de ces deux organismes.

Historiquement, le recrutement au concours des fonctionnaires a été une mesure de progrès social replaçant le mérite au premier plan au détriment du népotisme qui existait jusque-là. Or, des camarades de classe deviennent des « copains de promo à l'ENA » pour reprendre les termes des sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot. Ce constat d'une reproduction sociale tient à l'incapacité de l'école républicaine à gommer les inégalités de capitaux et le recrutement d'entrée à l'ENA qui se fait à plus de 80 % parmi les reçus de SciencesPo et Polytechnique. Et ces « copains de promo » finissent par intégrer les cabinets, puis partir dans le privé et se rappeler les uns, les autres à leurs bons souvenirs.

Avec le « tampon » de dix ans que nous proposons, nous tâchons de préserver la sphère publique des intérêts particuliers et privés, pour qu'elle conserve son caractère probe et impartial.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Le Gouvernement souhaite renforcer la perméabilité entre la fonction publique et le privé ; c'est intéressant pour les trois fonctions publiques, il y a encore trop de fonctionnement en silo. Cependant, faut-il en passer par l'assimilation de la disponibilité « sous réserve », au détachement, avec maintien de la progression de carrière pendant 5 ans ? La commission, d'abord, estime que ce n'est guère incitatif. Ensuite, est-ce à la collectivité de financer indirectement cette démarche en assurant la progression de carrière du fonctionnaire, au risque de devoir le réintégrer en sureffectif ? Ce serait un poids supplémentaire pour les collectivités territoriales - et ce n'est pas notre tâche, au Sénat, de charger encore leur barque. Avis défavorable à l'amendement no253.

Faut-il, ensuite, interdire les liens entre un ancien fonctionnaire devenu conseil, et son administration d'origine ? Des outils existent, avec le comité de déontologie, qui a été saisi dans 3 000 à 4 000 dossiers. Avis défavorable aux amendements nos505 et 506.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux amendements nos505 et 506 qui sont très restrictifs - le délai de dix ans, par exemple, va bien au-delà de la prescription de prise illégale d'intérêt, qui est de trois ans.

Avec son amendement n°253 - et les suivants -, le Gouvernement ne crée pas ni ne facilite la perméabilité entre le privé et le public, elle existe déjà ; ce que nous voulons, c'est faciliter le retour d'agents partis dans le privé, pour que le service public bénéficie de leur expérience et de leur connaissance d'autres secteurs. À Bercy, puisque l'exemple est cité, il est tout à fait utile que les directions fiscales et comptables s'adjoignent des agents disposant d'une expérience bancaire. L'enjeu n'est donc pas le pantouflage entendu comme la faculté ouverte aux fonctionnaires d'aller monnayer leur expérience dans le privé - mais bien d'inciter ceux qui partent dans le privé, à revenir dans le public. Nous visons toutes les positions de disponibilité, sous réserve de nécessité absolue de service - donc bien au-delà du cas de la création d'entreprise.

Il est vrai que plus de femmes que d'hommes demandent des disponibilités pour convenances personnelles, en fait pour élever des enfants, ou pour suivre un conjoint muté - c'est vrai que les femmes subissent cette situation plus souvent que les hommes, mais la cause n'est pas dans les règles de la disponibilité et le Gouvernement, pour améliorer la situation des femmes, change les règles du congé parental.

Quand un fonctionnaire demande un congé parental, son avancement est protégé la première année, réduit de 50 % les deuxième et troisième années. Nous avons élargi les champs des congés maternité et de parentalité. Nous réfléchissons à la possibilité de garantir l'avancement de carrière pendant le congé parental et les deux premières années de la disposition pour convenance personnelle.

M. Jérôme Bascher.  - Je suis peiné par les amendements nos505 et 506. Une commission d'enquête du Sénat sur la haute fonction publique a été créée. Laissons-la travailler ! Ces amendements tirent des conclusions un peu rapides, populistes et populaires, de livres à succès dans les librairies.

Mme Éliane Assassi.  - Vous ne comprenez rien !

M. Jérôme Bascher.  - Un peu de respect !

Mme Éliane Assassi.  - Je ne vous ai pas insulté - je dis simplement que vous ne comprenez pas notre proposition.

M. Alain Fouché.  - Un fonctionnaire territorial qui part dans le privé risque de ne pas retrouver son poste, alors qu'un fonctionnaire d'État, qui se met en disponibilité peut faire de la politique, et revenir sans aucun problème dans son cadre s'il est battu aux élections. Le Gouvernement devrait se pencher sur cette injustice.

Mme Nathalie Goulet.  - L'amendement n°253 facilite les allers et retours entre le public et le privé. Attendons que la commission d'enquête du Sénat rende ses conclusions. Les amendements nos505 et 506 visent à prévenir les conflits d'intérêts. C'est différent et je voterai ces amendements.

Mme Michelle Meunier.  - Les explications du ministre ne me convainquent pas. Les amendements du Gouvernement facilitent le pantouflage et la confusion entre les intérêts publics et privés. Ces amendements sont aussi lourds de conséquence pour le statut de la fonction publique, alors qu'un projet de loi est en préparation pour l'an prochain. Avant de prendre une telle mesure, il faut à tout le moins concerter les partenaires sociaux !

M. Alain Richard.  - Les allers et retours entre le public et le privé existent déjà. Conserver son avancement de carrière pendant cinq ans, ce n'est pas une incitation très forte pour un agent de catégorie A car son régime indemnitaire sera beaucoup plus élevé lors de son retour dans l'administration. En revanche, les amendements du Gouvernement sont utiles aux agents de catégorie B ou A, qui pourront faire profiter l'administration de leur expérience dans le privé.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Madame Meunier, les propositions du Gouvernement ont été soumises au conseil de la fonction publique et ont reçu un avis positif, même si le collège des organisations salariales était partagé.

L'amendement n°253 n'est pas adopté.

Mme Éliane Assassi.  - Nos amendements n'anticipent pas sur les conclusions de notre commission d'enquête, dont nous respectons pleinement les travaux -  le groupe CRCE, du reste, en demande toujours la publication. Mais une commission d'enquête ne vaut pas abstinence d'amendement quand nous légiférons ; ceux que nous avons déposés ici nous valent un débat intéressant et je respecte parfaitement votre travail, Monsieur Bascher.

M. Pascal Savoldelli.  - Monsieur Richard, je ne pense pas que la question des conflits d'intérêts concerne les agents de catégorie A ou B... Soyons sérieux. Nous sommes inquiets parce qu'en parallèle, l'exécutif vend les parts de l'État dans des entreprises publiques - Engie, ADP, La Française des jeux, la gare du Nord... Oui, il y aura une perméabilité accrue entre le public et le privé, au profit des cadres supérieurs de la haute fonction publique et ceci, pour faciliter les privatisations. Monsieur le Ministre, assumez le cap que se fixe votre Gouvernement !

M. Alain Fouché.  - Cela s'est fait avant Macron !

L'amendement n°505 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°506.

L'article 63 demeure supprimé.

ARTICLE 64 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°254, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I- Après le premier alinéa de l'article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps.

« Lorsque qu'un engagement de servir pendant une durée minimale a été requis d'un fonctionnaire, la période mentionnée au deuxième alinéa n'est pas comprise au nombre des années dues au titre de cet engagement.

 » Dans les conditions fixées par les statuts particuliers de chaque cadre d'emplois, les activités professionnelles exercées durant la période de disponibilité peuvent être prises en compte pour une promotion à un grade mentionné au sixième alinéa de l'article 79 dont l'accès est subordonné à l'occupation préalable de certains emplois ou à l'exercice préalable de certaines fonctions. Les activités professionnelles prises en compte doivent être comparables à ces emplois et ces fonctions au regard de leur nature ou du niveau des responsabilités exercées. »

II.  -  Le deuxième alinéa du I est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter de la date de publication de la présente loi.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Défendu.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°254 n'est pas adopté.

L'article 64 demeure supprimé.

ARTICLE 65 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°255, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Après le premier alinéa de l'article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps.

« Lorsque qu'un engagement de servir pendant une durée minimale a été requis d'un fonctionnaire, la période mentionnée au deuxième alinéa n'est pas comprise au nombre des années dues au titre de cet engagement.

 » Dans les conditions fixées par les statuts particuliers de chaque corps, les activités professionnelles exercées durant la période de disponibilité peuvent être prises en compte pour une promotion à un grade mentionné au sixième alinéa de l'article 69 dont l'accès est subordonné à l'occupation préalable de certains emplois ou à l'exercice préalable de certaines fonctions. Les activités professionnelles prises en compte doivent être comparables à ces emplois et ces fonctions au regard de leur nature ou du niveau des responsabilités exercées. »

II.  -  Le deuxième alinéa du I est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter de la date de publication de la présente loi.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Défendu.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°255 n'est pas adopté.

L'article 65 demeure supprimé.

ARTICLE 65 BIS (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°256, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le 6° de l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les emplois de direction des administrations de l'État et de ses établissements publics. Les emplois concernés et les conditions d'application du présent alinéa, notamment les modalités de sélection et d'emploi, sont fixés par décret en Conseil d'État. L'accès de non-fonctionnaires à ces emplois n'entraîne pas leur titularisation dans un corps de l'administration ou du service. »

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Là encore, les amendements nos256, 252 et 257 rectifié concernent les trois fonctions publiques. Ils visent à diversifier le recrutement des postes d'encadrement supérieur des administrations publiques, c'est-à-dire de chef de bureau et de sous-direction, étant entendu que plus haut dans la hiérarchie, les nominations relèvent du pouvoir discrétionnaire du Gouvernement, sans obligation statutaire. Pourront candidater sur ces postes des agents contractuels ou fonctionnaires, ce qui élargira le vivier de recrutement. Cela concerne 400 postes de la fonction publique hospitalière, 6 800 postes de la fonction publique territoriale et 2 700 postes de la fonction publique de l'État.

Un décret encadrera le dispositif.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Le recrutement de contractuels dans la fonction publique est un sujet sensible. Il est dommage de l'avoir introduit à l'Assemblée nationale, par amendement, ce qui a limité le nombre d'auditions que nous avons pu faire, alors qu'une consultation sur la fonction publique territoriale vient d'être lancée. Avis défavorable.

Mme Michelle Meunier.  - Les amendements du Gouvernement n'ont pas de lien avec ce texte. Le recours aux contractuels est déjà possible. Faute d'encadrement, ce mode de recrutement risque de devenir la norme au détriment des fonctionnaires qui auront passé le concours - lequel, conformément à l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, assure l'égal accès aux emplois publics. En fait, c'est une remise en cause insidieuse du statut de la fonction publique.

L'amendement n°256 n'est pas adopté.

L'article 65 bis demeure supprimé.

ARTICLE 65 TER (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°252, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi rédigé :

« Art. 47  -  Par dérogation à l'article 41, les emplois visés à l'article 53 peuvent être pourvus par la voie du recrutement direct.

« Les conditions d'application du premier alinéa du présent article, notamment les modalités de sélection et d'emploi, sont fixées par décret en Conseil d'État.

« L'accès à ces emplois par la voie du recrutement direct n'entraîne pas titularisation dans la fonction publique territoriale. »

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Défendu.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°252 n'est pas adopté.

L'article 65 ter demeure supprimé.

ARTICLE 65 QUATER (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°257 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi rédigé :

« Art. 3.  -  Des personnes n'ayant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être nommées :

« 1° Par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à l'article L. 6143-7-2 du code de la santé publique, sur les emplois de directeur des établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi, par le directeur général de l'agence régionale de santé pour les établissements mentionnés aux 1° , 3° et 5° du même article 2, à l'exception des centres hospitaliers universitaires, ou par le représentant de l'État dans le département pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° dudit article 2.

« 2° Par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, sur les emplois des personnels de direction mentionnés au deuxième alinéa de l'article 4 de la présente loi autres que ceux mentionnés au 1° du présent article, par le directeur général du Centre national de gestion ou le directeur de l'établissement. Un décret en Conseil d'État détermine l'autorité compétente.

« Ces personnes suivent, à l'École des hautes études en santé publique ou dans tout autre organisme adapté, une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions.

« L'accès de non-fonctionnaires à ces emplois n'entraîne pas leur titularisation dans l'un des corps ou emplois de fonctionnaires soumis au présent titre.

« Les nominations aux emplois mentionnés au même 1° sont révocables, qu'elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires.

« Les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de sélection et d'emploi, sont fixées par décret en Conseil d'État. »

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Défendu.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. le président.  - Amendement n°437 rectifié, présenté par MM. J.M. Boyer, Babary, Bonhomme et Brisson, Mme Bruguière, M. Daubresse, Mmes de Cidrac, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Deseyne, MM. Duplomb et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Gilles et Gremillet, Mme Gruny, M. Laménie, Mme Lamure, M. D. Laurent, Mme Lopez et MM. Meurant, Panunzi, Poniatowski, Pierre, Pointereau, Savin, Sido et Vaspart.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi rédigé :

« Art. 3.  -  Des personnes n'ayant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être nommées :

« 1° Par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à l'article L. 6143-7-2 du code de la santé publique, sur les emplois de directeur des établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi, par le directeur général de l'agence régionale de santé pour les établissements mentionnés aux 1° , 3° et 5° du même article 2, à l'exception des centres hospitaliers universitaires, ou par le représentant de l'État dans le département pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° dudit article 2.

« 2° Par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, sur les emplois des personnels de direction mentionnés à l'article 4 de la présente loi autres que ceux mentionnés au 1° du présent article, par le directeur général du Centre national de gestion ou le directeur de l'établissement. Un décret en Conseil d'État détermine l'autorité compétente.

« Ces personnes suivent, à l'École des hautes études en santé publique ou dans tout autre organisme adapté, une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions.

« L'accès de non-fonctionnaires à ces emplois n'entraîne pas leur titularisation dans l'un des corps ou emplois de fonctionnaires soumis au présent titre.

« Les nominations aux emplois mentionnés au même 1° sont révocables, qu'elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires.

« Les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de sélection et d'emploi, sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Vivette Lopez.  - Cet amendement autorise le recrutement de contractuels, en l'absence de candidat fonctionnaire titulaire. Sont ici visés explicitement des emplois de direction et de personnels de direction dans la fonction publique hospitalière.

Des difficultés d'emploi sont rencontrées par des Ehpad publics autonomes. Des intérims de direction mis en place sont préjudiciables au bon fonctionnement des structures, notamment quand les intérims perdurent plusieurs années.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°257 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°437 rectifié.

L'article 65 quater demeure supprimé.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°661, présenté par M. Yung et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'article 65 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa du 2° de l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est complétée par les mots : « , ainsi qu'aux personnels contractuels recrutés sur place par les services de l'État français à l'étranger sur des contrats de travail soumis au droit local ».

M. Richard Yung.  - Cet amendement ouvre les concours de la fonction publique de l'État, par la voie interne, aux 4 000 agents contractuels recrutés dans les services de l'État à l'étranger.

Depuis le 1er janvier 2017, les recrutés locaux n'en ont plus la possibilité, car ils n'ont pas le statut d'agent public - alors que la voie interne est ouverte aux personnes qui ont accompli des services au sein des administrations, des organismes et des établissements des autres États membres de l'Union européenne ou des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen. Ce résultat est paradoxal puisqu'un Italien ou un Espagnol peut se présenter, mais pas un Français...

Le Gouvernement souhaite développer le troisième concours mais ce n'est pas suffisant.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis favorable. Les services de l'État à l'étranger sont dans une situation particulière. Il n'est pas toujours simple de recruter à l'étranger. Cet amendement intéressant ne remet pas en cause le principe du concours.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Les concours internes sont réservés à des agents de droit public - le décret du 1er janvier 2017 n'a fait qu'appliquer la loi en le rappelant. Les agents de droits local ne sont pas des agents publics. C'est pourquoi le Gouvernement a élargi les possibilités de régularisation pour le troisième concours et a réduit l'ancienneté exigée. Cela couvrira tous les agents concernés. L'amendement n°661 est donc satisfait. Avis défavorable.

M. Richard Yung.  - Je suis surpris car ce qui était possible avant le 1er janvier 2017 ne l'est plus, ce qui empêche des personnes méritantes de se présenter aux concours.

La troisième voie, c'est bien, mais le nombre de postes est très faible - seulement un poste de catégorie A tous les deux ans au ministère des affaires étrangères, par exemple.

M. Alain Fouché.  - Si quelqu'un ici connaît bien les problèmes des ambassades, c'est bien M. Yung. Le groupe Les Indépendants suivra l'avis de la commission et votera cet amendement...

L'amendement n°661 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 66

M. le président.  - Amendement n°378, présenté par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - Ouvrir aux emplois contractuels tous les postes de direction dans les collectivités, c'est considérer que les directeurs généraux ne participent en rien à une fonction régalienne. C'est aussi remettre en cause le statut de la fonction publique territoriale et désacraliser le rôle des collectivités territoriales. Il faut, au contraire, travailler sur les spécificités des missions de la fonction publique.

Le recours généralisé à des directeurs contractuels dans les collectivités territoriales accroîtra le risque de conflits d'intérêts, entre la politique et l'administratif par exemple. La situation d'avant 1946, c'est-à-dire avant le statut de la fonction publique, a bien montré les méfaits de la privatisation des charges publiques et du clientélisme politique.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Même si nous sommes contre la prolifération des ordonnances, il y a un problème d'encombrement de l'ordre du jour. Le Parlement aura à ratifier les ordonnances prévues à l'article 66, il pourra donc en contrôler le contenu. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - L'objet de ces ordonnances est d'adopter le texte pour l'outre-mer. Un groupe de travail avec des parlementaires se réunira en amont des ordonnances pour adopter le dispositif de formation professionnelle. Avis défavorable.

M. Alain Fouché.  - L'expérience du privé est utile, les collectivités territoriales ont besoin de diversité, on le voit dans les postes de cabinet notamment. Le secteur public a aussi besoin du secteur privé.

L'amendement n°378 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°377, présenté par M. Lurel et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 5

Après le mot :

aux

insérer les mots :

caractéristiques et contraintes particulières des

Mme Victoire Jasmin.  - Comme il vient d'être dit, ce texte ne prend pas en compte la spécificité de nos territoires d'outre-mer. Le transfert de la gestion des centres de formation des apprentis (CFA) aux branches professionnelles est dangereux pour l'avenir de nos jeunes dans la mesure où, faute d'être suffisamment structurées, elles sont incapables d'assumer seules cette compétence.

Ce constat est largement partagé, en particulier par l'Association des régions de France - et par le Gouvernement, qui s'est saisi de cette question en préparant une ordonnance. Pour mieux la cadrer, nous précisons que l'ordonnance devra prendre en compte les « caractéristiques et contraintes particulières » des collectivités concernées, notamment le bas niveau de formation initiale sur ces territoires, leurs forts taux de chômage et la faible employabilité de nombre d'individus.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Nous avons besoin de prendre en compte les spécificités des outre-mer, c'est le cas avec cette ordonnance, vous avez satisfaction : avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement est effectivement satisfait. Retrait ?

Mme Victoire Jasmin.  - Je retire mon amendement.

L'amendement n°377 est retiré.

L'article 66 est adopté.

ARTICLE 67

M. le président.  - Amendement n°736, présenté par M. Forissier, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

et suivants

par les mots :

à L. 1252-13

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Amendement de précision juridique.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°736 est adopté.

L'article 67, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°649, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'article 67

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section 4 du chapitre 1er du titre V du livre II de la première partie du code du travail, est insérée une section ... ainsi rédigée :

« Section ...

« Contrat de travail à durée indéterminée intérimaire

« Art. L. 1251-58-1  -  Une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions successives. Chaque mission donne lieu à :

« 1° La conclusion d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit « entreprise utilisatrice » ;

« 2° L'établissement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une lettre de mission.

« Art. L. 1251-58-2  -  Le contrat de travail mentionné à l'article L. 1251-58-1 du présent code est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions de la présente section.

« Il peut prévoir des périodes sans exécution de mission. Ces périodes sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés et pour l'ancienneté.

« Il est établi par écrit et comporte notamment les mentions suivantes :

« 1° L'identité des parties ;

« 2° Le cas échéant, les conditions relatives à la durée du travail, notamment le travail de nuit ;

« 3° Les horaires auxquels le salarié doit être joignable pendant les périodes sans exécution de mission ;

« 4° Le périmètre de mobilité dans lequel s'effectuent les missions, qui tient compte de la spécificité des emplois et de la nature des tâches à accomplir, dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié ;

« 5° La description des emplois correspondant aux qualifications du salarié ;

« 6° Le cas échéant, la durée de la période d'essai ;

« 7° Le montant de la rémunération mensuelle minimale garantie ;

« 8° L'obligation de remise au salarié d'une lettre de mission pour chacune des missions qu'il effectue.

« Art. L. 1251-58-3  -  Le contrat mentionné à l'article L. 1251-58-1 du présent code liant l'entreprise de travail temporaire au salarié prévoit le versement d'une rémunération mensuelle minimale garantie au moins égale au produit du montant du salaire minimum de croissance fixé en application des articles L. 3231-2 à L. 3231-12, par le nombre d'heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré, compte tenu, le cas échéant, des rémunérations des missions versées au cours de cette période.

« Art. L. 1251-58-4  -  Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues à la présente section et à l'exception des articles L. 1251-14, L. 1251-15, L. 1251-19, L. 1251-26 à L. 1251-28, L. 1251-32, L. 1251-33 et L. 1251-36 du même code.

« Art. L. 1251-58-5  -  Pour l'application des articles L. 1251-5, L. 1251-9, L. 1251-11, L. 1251-13, L. 1251-16, L. 1251-17, L. 1251-29, L. 1251-30, L. 1251-31, L. 1251-34, L. 1251-35, L. 1251-41 et L. 1251-60 du code du travail au contrat à durée indéterminée conclu par une entreprise de travail temporaire avec un salarié, les mots : « contrat de mission » sont remplacés par les mots : « lettre de mission ».

« Art. L. 1251-58-6  -  Par dérogation à l'article L. 1251-12-1 du code du travail, la durée totale de la mission du salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire ne peut excéder trente-six mois.

« Art. L. 1251-58-7  -  Pour l'application du 1° de l'article L. 6322-63 du code du travail, la durée minimale de présence dans l'entreprise s'apprécie en totalisant les périodes durant lesquelles le salarié exécute ou non une mission lorsque ce dernier est lié à l'entreprise de travail temporaire par un contrat à durée indéterminée.

« Art. L. 1251-58-8  -  Pour l'application de l'article L. 2314-20 du code du travail, la durée passée dans l'entreprise est calculée en totalisant les périodes durant lesquelles le salarié exécute ou non une mission lorsque ce dernier est lié à l'entreprise de travail temporaire par un contrat à durée indéterminée. »

M. Martin Lévrier.  - Le CDI intérimaire, qui se développe fortement depuis 2017, au rythme de 1 000 nouveaux contrats signés chaque mois, est un contrat gagnant-gagnant, pour le salarié, qui dispose d'un cadre fixe réduisant sa précarité et pour l'entreprise de travail temporaire qui peut continuer dans ce cadre à offrir à ses clients la flexibilité attendue.

Ayant permis l'intégration durable dans l'emploi de travailleurs temporaires, ce dispositif gagnerait à être pérennisé par une inscription dans le code du travail.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - La commission est favorable à tous les dispositifs permettant de sécuriser les parcours professionnels. La loi l'ayant institué datant de 2015, le Gouvernement aurait dû remettre au Parlement un rapport, que nous venons de recevoir. Il montre que l'expérimentation est plutôt positive. Avis favorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement s'inscrit dans la logique du projet de loi pour une flexisécurité à la française, sécurisant les parcours, protégeant d'une précarité excessive, tout en permettant aux entreprises d'être agiles.

L'amendement n°649 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°598 rectifié, présenté par M. Daudigny et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 67

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un décret institue un comité de suivi chargé d'évaluer l'application de la présente loi. Ce comité, composé à parité d'hommes et de femmes, comprend notamment quatre députés et quatre sénateurs, désignés par les commissions compétentes en matière d'affaires sociales de leurs assemblées respectives. Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce comité ne peut être pris en charge par une personne publique.

Il transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux.

M. Yves Daudigny.  - Au fil de la discussion parlementaire de ce texte, nous avons vu fleurir les demandes de rapports, qui sont systématiquement supprimées.

C'est pourquoi, nous suggérons de créer un comité de suivi chargé de l'application de la présente loi, qui garantira aux parlementaires un droit de regard et d'évaluation continu.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - C'est intéressant. Avis favorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Je suis un peu étonnée. Le Secrétariat général du Gouvernement s'assure qu'un bilan de l'application des lois est établi désormais tous les six mois et mis en ligne. Les commissions du Parlement réalisent également ce suivi. Cet amendement est superfétatoire. Avis défavorable.

M. Jérôme Bascher.  - Pour le Gouvernement, le Parlement est superfétatoire ! (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains)

L'amendement n°598 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Explications de vote

Mme Éliane Assassi .  - La commission des affaires sociales a dépassé les ambitions du Gouvernement sur ce projet : non seulement la majeure partie des dispositions qu'il contenait ont été adoptées, mais en plus, de nouvelles mesures régressives ont été proposées et adoptées par notre assemblée.

La monétisation du CPF a été maintenue. La formation professionnelle a été régionalisée pour plus d'employabilité au détriment des diplômes et des qualifications.

Le passage à un financement par l'impôt fait prendre au Gouvernement le contrôle de l'assurance chômage. L'allocation chômage des démissionnaires et aux travailleurs indépendants est encadrée dans des conditions tellement strictes qu'on estime qu'elle ne bénéficiera qu'à 50 000 personnes au maximum. Certes, quelques mesures en faveur des travailleurs handicapés et de l'égalité entre les femmes et les hommes ont été adoptées, mais le texte ne comprend aucune nouvelle protection pour les salariés.

Notre groupe a déposé un projet alternatif avec un projet éducatif centré autour d'un système national, avec une grille d'acquis pour une meilleure employabilité. Nous voulions aussi sécuriser les parcours, via la création d'une allocation autonomie jeunesse et d'une sécurité sociale réellement universelle.

Nous voterons contre le projet de loi, inverse à notre projet.

M. Yves Daudigny .  - Dans ce grand moment de bonheur collectif et de réussite de la campagne de Russie, éducation, formation et culture forment un triptyque fondamental.

Ce projet marque une rupture par rapport à la méthode qui a abouti à la signature de l'accord national interprofessionnel. Ce big bang amène le Gouvernement à proposer un projet de loi contraire aux volontés des partenaires sociaux sur le fonctionnement de l'assurance chômage, avec la stupéfaction provoquée par l'annonce à Versailles de l'amendement n°750, dont je rappelle le résultat : 303 voix contre, 21 pour !

Rupture sur le fond où les demandes des employeurs sont reprises, dans une optique libérale qui affaiblit le paritarisme. C'est la première fois qu'une compétence confiée aux régions est remise en cause au bénéfice des branches professionnelles.

Le président de la République n'aime pas les corps intermédiaires. Et ce n'est pas bon signe, au moment où s'engage une réflexion sur l'avenir de la sécurité sociale.

Monétisation, désintermédiation, assurance chômage entrant dans l'inconnu : ce texte est un rendez-vous manqué en matière de formation professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. René-Paul Savary .  - Le travail de la commission a été remarquable et elle vous a mis en garde en vous aidant à prendre le chemin d'un meilleur équilibre entre les régions et les branches. Il rééquilibre les relations entre l'État et les partenaires sociaux.

Sur l'apprentissage, nous vous proposons de ne pas mettre tous vos oeufs dans le même panier. Les chômeurs ou les personnes en insertion n'ont pas de branche professionnelle, vous serez contents de trouver les collectivités territoriales !

Malgré des résultats mitigés, les régions ont appris de leur expérience, qui leur sera utile pour trouver pas à pas leur place dans le nouveau dispositif.

Les objectifs de l'assurance chômage sont différents. Un amendement tombé comme un cheveu sur la soupe remet en cause ce qui a été mis en place il y a quelques mois. Madame la Ministre, vous devez tenir compte de notre vote significatif contre cet amendement. Vous ne pouvez pas décider sur des sujets aussi importants sans le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) 

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Très bien !

M. Laurent Lafon .  - Le groupe UC prendra ses responsabilités sur ce texte ambitieux, touchant à des secteurs clés : formation professionnelle, apprentissage, assurance chômage. Les résultats du système existant sont décevants.

La volonté de réforme du Gouvernement est louable. Ce texte méritait des améliorations au sujet de l'apprentissage, avec un rééquilibrage du rôle de la région. J'espère que toutes les branches saisiront l'opportunité d'une collaboration renforcée.

Nous regrettons la mise en oeuvre de la procédure accélérée. Les conditions de travail auraient pu être meilleures et plus sereines, sur un texte de cette importance et de cette densité. Espérons que la CMP fera preuve d'autant de sagesse que vous et qu'elle sera conclusive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Martin Lévrier .  - Des points de déséquilibre se faisaient jour lors de la discussion générale ; ils se maintiennent à l'issue de l'examen des articles. L'article 15 visait à mettre au coeur du réacteur les jeunes. Créer un comité de pilotage freinera voire bloquera le processus. Demander à l'ensemble des CFA de transmettre leurs documents comptables et financiers aux régions chaque année avant le 30 juin, même s'ils ne sont pas demandeurs de subventions, obéit à une logique très centralisatrice qui m'échappe.

Sur l'amendement n°750, vous avez choisi de privilégier la forme sur le fond, alors que nous devrions être d'accord sur le fond : il faut surtout agir, vite, contre le chômage. Avec le rejet de cet amendement, vous repoussez l'horizontalité proposée par le Gouvernement et rétablissez la verticalité que vous lui reprochez tant par ailleurs... Et pourquoi avoir supprimé le bonus-malus ?

Le groupe La République en Marche votera contre ce projet de loi ainsi amendé en espérant toutefois, pour finir sur une note positive, que la CMP opérera des changements notables qui permettront au texte d'évoluer.

M. Alain Fouché .  - Une fois de plus, le Sénat a joué un rôle important. Il fallait remettre de l'ordre dans un système de formation professionnelle caractérisé par un gaspillage d'argent public et des résultats désastreux.

Il y a eu des progrès attendus sur l'apprentissage, dont j'ai pu constater en Allemagne le fonctionnement, notamment pour favoriser les souplesses nécessaires par rapport à la législation actuelle. Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi.

M. Philippe Mouiller .  - Je remercie la commission pour le travail réalisé en peu de temps après la navette et compte tenu du nombre d'amendements du Gouvernement déposés à la dernière minute.

Quelle est la capacité réelle des branches professionnelles à répondre aux dispositions qui les placent en première ligne ? On aurait pu aller beaucoup plus loin sur les lycées professionnels.

Le changement brutal de stratégie du Gouvernement sur l'assurance chômage a modifié la donne, sur la forme comme sur le fond, puisque les travaux du Parlement ont été oubliés. J'espère que cet article ne sera pas source trop forte de conflits lors de la CMP. Je me félicite de la capacité du Sénat à aller de l'avant. Le groupe Les Républicains votera ce texte.

M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Au nom des trois rapporteurs et du rapporteur pour avis, merci, Madame la Ministre, je vous remercie, ainsi que vos collègues et services, pour avoir répondu à toutes nos sollicitations, avec franchise mais détermination, chacun étant resté sur ses positions, mais la démocratie ne consiste pas à chercher un accord à tout prix.

Je remercie mes collègues de leur présence, toujours plus difficile en session extraordinaire.

L'intitulé du texte est symbolique : liberté et avenir professionnel. Il ne s'agit rien de moins que de l'autonomie de l'être humain en démocratie, de ce qui lui permet de gagner son « pain quotidien » ou de fonder et faire vivre une famille.

À un moment où le Gouvernement entend bouger les lignes du système démocratique par la réforme constitutionnelle, quelques signaux contraires ont été envoyés. Le Gouvernement a souhaité restreindre un peu les pouvoirs du Parlement, il devra nous donner des gages. L'intervention directe du président de la République dans nos débats a posé question. Cet épisode doit se clore.

Le travail n'est pas terminé. On gagne, on perd, là n'est pas l'essentiel, le simple examen d'un projet de loi est une fête, s'il est conforme à nos convictions. Le Sénat continuera d'améliorer le texte, tant qu'il y aura du bicamérisme, et c'est pour cette conception de la démocratie que je me bats. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et Les Indépendants)

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°219 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 205
Contre 113

Le Sénat a adopté.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Je remercie les sénateurs et sénatrices, les rapporteurs et rapporteures et toutes les équipes du Sénat. Un tel débat est toujours un moment important pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La séance est suspendue à 12 h 35.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

Discussion générale

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Ce projet de loi ELAN - mieux vaut que les textes portent le nom de leur contenu que de celui qui les défend... - poursuit son cheminement parlementaire après l'examen de plus de 3 400 amendements par l'Assemblée nationale. J'ai donc l'honneur de vous présenter un projet de loi de simplification. Il s'agit de libérer, de protéger, de faciliter la construction et la rénovation, de restaurer la confiance des acteurs et d'accompagner une société en mouvement - comme elle ne l'a jamais été dans l'Histoire - de lutter contre les fractures territoriales, d'adapter les conditions de logement pour les plus démunis et de fluidifier les parcours résidentiels des plus fragiles.

C'est un texte de simplification parce que le droit de l'urbanisme est devenu trop technique. Il suffit d'ouvrir le code de la construction pour voir que notre droit empêche et contraint plus qu'il ne facilite ou rend possible à cause d'une accumulation de textes et de normes parfois contradictoires. Cela étant dit, nous ne souhaitons pas remettre en cause le droit que les majorités successives ont mis en place mais faciliter la tâche des élus, des investisseurs, des bailleurs sociaux et des promoteurs.

Proposer un projet de loi qui, sans apporter de contraintes supplémentaires, lève des blocages ; voilà l'innovation.

J'entends les préoccupations, mais pour faciliter la construction, il faut réduire les normes et règlements. Bien sûr, le législateur multiplie les textes et les règlements en ce domaine, mais souvent parce que les acteurs de la construction lui proposent une multitude d'amendements. Il est plus difficile de simplifier que de complexifier.

Ce projet de loi est le fruit d'une large concertation et d'une consultation en ligne - qui a donné lieu à des milliers de contributions. Nous avons tenu nombre de réunions avec les associations d'élus, et bien sûr la conférence de consensus, tenue ici même au Sénat, qui a fait l'état des besoins et permis d'éviter les ordonnances sur la restructuration des bailleurs sociaux.

Après examen attentif, pour ne pas dire minutieux, de la commission des affaires économiques, ce texte compte 235 articles, dont les trois quarts d'origine parlementaire. Nous allons examiner plus de 1 000 amendements, même si certains sont de suppression : le texte risque donc de grossir à nouveau. Je ne considère pas cette production législative comme un obstacle ou un frein mais comme l'intérêt manifesté par tous les groupes sur les sujets du logement, de l'urbanisme et du numérique.

M. Bruno Retailleau.  - C'est très bien !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Loin de moi l'idée de contester la procédure parlementaire et en particulier le droit d'amendement... (Mme Sophie Primas applaudit ; applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Républicains) droit dont j'ai pu user largement sans trop en abuser, me semble-t-il.

Je ne doute pas des apports du Sénat, qui sont déjà une réalité grâce au travail de la conférence de consensus. Notre état d'esprit est l'écoute, sans renoncer aux objectifs de simplification et de protection. À l'Assemblée nationale, des amendements de tous les groupes ont été adoptés et il en sera de même ici car je crois profondément à la démocratie parlementaire, au bicamérisme et donc au travail fait ici.

Premier objectif : construire plus, mieux et moins cher. La promotion des opérations d'urbanisme et de revitalisation reposera sur les projets partenariaux d'aménagement (PPA), consistant par exemple à reconvertir d'anciennes casernes. La libération du foncier public sera facilitée en permettant la cession par l'État du foncier de son domaine privé aux signataires d'un PPA.

L'outil que constituent les Grandes opérations d'urbanisme (GOU) permettra, à l'instar des Opérations d'intérêt national (OIN) aujourd'hui, de déroger à certaines règles du droit commun de l'urbanisme. L'avis conforme du maire dans la constitution d'une grande opération d'urbanisme nous apparaît comme un obstacle. C'est l'occasion d'aborder la place et le rôle des maires, dont le Sénat s'est toujours fait le défenseur. Mais les positions des élus locaux ne sont pas univoques : souvenons-nous des débats - et des inquiétudes - sur les plans locaux d'urbanisme intercommunal (PLUi) en 2013...

M. Marc Daunis.  - Oui !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Presque la moitié des intercommunalités sont depuis passées au PLUi !

Nous n'avons pas voulu rendre celui-ci obligatoire : n'imposons pas de nouvelles contraintes aux collectivités territoriales. Mais n'oublions pas non plus que des associations d'élus veulent transférer l'instruction et la signature des permis de construire aux intercommunalités.

Globalement, le texte que je vous présente préserve très largement l'autonomie des maires.

Dans cette même logique, nous n'avons pas souhaité aller plus loin dans le transfert aux intercommunalités. Ces instruments, PPA et GOU, ne seront lancés qu'à la demande des collectivités territoriales, et non de l'État.

Nous savons tous que parfois une commune fait barrage à de grandes opérations, que pour nombre de promoteurs, il y a des freins à la construction à cause de maires qui considèrent le PLU comme un plafond. Préservons les prérogatives des maires, mais entendons ces demandes.

Autre instrument, la simplification des documents d'urbanisme, avec une procédure d'instruction dématérialisée et un nombre de pièces réduit pour gagner du temps. Certes, il faudra des investissements ab initio. Ensuite, le traitement des dossiers sera plus rapide et les demandes inutiles de pièces complémentaires supprimées.

L'articulation de ces mesures avec la loi Littoral a été beaucoup débattue à l'Assemblée nationale ; dire qu'elle a été détricotée est extravagant. Nous sommes parvenus à une solution équilibrée, souhaitée par l'immense majorité des maires du littoral et sans remettre en cause les principes de la loi Littoral. Votre commission a apporté des modifications dont nous débattrons sans préjugés.

Il n'est cependant pas question de revenir sur les règles fondamentales de la loi Littoral qui s'inscrit dans le plan Biodiversité présenté il y a quelques semaines. C'est le sens du communiqué commun que Nicolas Hulot et moi-même avons publié.

Nous avons aussi simplifié les normes de construction pour faciliter le recours à des matériaux biosourcés ou la construction de logements évolutifs.

Autre sujet, l'accessibilité. Je comprends, là aussi, les interrogations. La loi de 2005 est difficile à appliquer. Les mesures de ce texte permettent d'adapter l'environnement aux événements de la vie, au lieu d'imposer une seule règle mal adaptée pour tous. Quand on habite un R+1, R+2 ou R+3, la question de l'accessibilité ne se pose pas puisqu'il n'y a pas d'accès...

Revenons aux fondamentaux, avec un pourcentage de logements adaptés dont nous aurons à discuter - vous avez proposé 30 % en commission.

Sur les recours contentieux, nous voulons passer de 24 mois de procédure en moyenne à 10 mois pour les logements collectifs. Cette mesure est très attendue. Un maire d'une métropole du Sud-Ouest me disait récemment que 60 % des permis de construire dans sa ville étaient frappés par un recours. On estime à 30 000 le nombre de logements dont la construction est bloquée pour cette raison.

La cristallisation des moyens sera obligatoire. Il ne s'agit pas d'empêcher le droit au recours, mais l'abus de droit. Il s'agit aussi d'empêcher que des recours soient faits pour négocier de lamentables transactions financières.

Les Architectes des bâtiments de France (ABF) sont un sujet cher au rapporteur pour avis Leleux, dont les convictions, que je ne partage pas, sont tout à fait respectables. Je considère que nous avons besoin des ABF pour préserver notre patrimoine exceptionnel ; mais n'allons pas jusqu'à geler la ville. Toutes les générations ont apporté leur pierre à notre tissu urbain. Depuis des décennies, certains maires n'ont pu réaliser les aménagements qu'ils considéraient importants pour leurs concitoyens. On ne peut pas déplorer qu'on enlève du pouvoir aux maires tout en refusant qu'ils en récupèrent sur ce point !

Nombre d'entre nous ont fait l'expérience de devoir changer de couleur de volets en même temps que changeait l'ABF...

M. Philippe Dallier.  - Ah oui !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Notre proposition sur le mobile et les logements insalubres est profondément équilibrée.

Nous élargissons la procédure de réquisition de logements vacants depuis plus d'un an à des fins d'hébergement. Nous avons pris l'engagement de créer 50 000 places supplémentaires d'intermédiation locative et de pensions de famille durant ce quinquennat. Nous en avons besoin pour sortir de l'hébergement d'urgence.

Autre sujet âprement débattu, le logement social. Depuis des décennies, les mêmes causes produisent les mêmes effets...

M. Philippe Dallier.  - Pas autant que cette fois-ci !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Toute évolution, voire révolution suscite des résistances. Nous voulons restructurer les organismes de logement social en facilitant les regroupements, sauf dans les territoires où ces organismes sont trop peu nombreux.

À ceux qui ont voulu la fusion des régions, je fais observer que regrouper les sièges des offices HLM dans ces 13 métropoles régionales poserait de grandes difficultés, dans ce domaine, comme dans bien d'autres...

Il ne s'agit pas de contraindre les opérateurs à fusionner ou de nuire à leur identité, mais de fixer des objectifs. Les travaux à l'Assemblée nationale ont permis de prendre en compte la situation de chaque catégorie d'office HLM. Vous avez voulu abaisser le seuil de regroupement de 15 000 à 10 000 logements. Je comprends vos interrogations mais des sociétés trop petites ne pourront pas jouer le rôle attendu. Je le redis : construire de grands offices HLM n'est pas notre projet !

Le cadre juridique qui est applicable aux bailleurs sociaux est, à leur demande, lui aussi simplifié. De plus en plus de bailleurs ont recours aux ventes en l'état futur d'achèvement (VEFA), car ils ne luttent plus à armes égales quand ils sont en compétition sur le foncier avec des promoteurs privés. Nous avons proposé, non de se passer des architectes, mais d'assouplir le cadre de leur intervention - à la demande des bailleurs, je le redis ! Le cadre d'intervention était d'ailleurs disparate selon les catégories de bailleurs sociaux. Ainsi pourront-ils mieux s'adapter aux modes de fabrication des logements, notamment avec les technologies numériques. Nous n'entendons pas revenir sur cet objectif.

Nous voulons simplifier encore l'accession à la propriété pour les locataires HLM avec un double objectif : permettre aux locataires d'acquérir leur logement quand ils le peuvent et le veulent et soutenir la construction de logements neufs par les bailleurs. Cette solution pragmatique permettra de stabiliser les classes moyennes dans les quartiers, où la mixité sociale est un véritable enjeu. Je ne suis pas favorable à ce propos, à l'ajout d'une contrainte avec l'avis conforme du maire pour les ventes de logement HLM : privilégions la fluidité plutôt que d'imposer de nouvelles contraintes. Aujourd'hui, 100 000 logements sont mis en vente, mais seuls 8 000 trouvent acquéreurs.

Ce projet de loi cherche à répondre aux besoins de nos concitoyens et à favoriser la mixité sociale.

Ce texte améliore la transparence des attributions grâce à la généralisation de la cotation dans les grandes agglomérations.

Nous avions proposé de réexaminer la situation des locataires dans les parcs sociaux tous les six ans ; nous sommes passés à trois ans à la demande de tous les groupes de l'Assemblée nationale. Vous proposez six ans.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Les députés manquent de métier ! (Sourires)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Vous en avez beaucoup !

Je ne suis pas favorable à ce que nous revenions sur certaines dispositions de la loi Égalité et Citoyenneté sur la mixité sociale - nous en débattrons.

Nous entendons agir sur le parc privé avec le bail mobilité : contrat de location de un à dix mois non renouvelable et sans dépôt de garantie pour les logements meublés. Nous répondrons ainsi aux attentes des étudiants et des travailleurs en mission professionnelle. Notre législation doit s'adapter à l'évolution de la société.

Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la garantie Visale.

Les logements à loyers abordables dans les zones tendues manquent encore : les PLH devront fixer un objectif de production de logements intermédiaires.

Nous voulons favoriser la mixité intergénérationnelle qui est plébiscitée : nous veillons à les encourager, ainsi que la colocation dans le parc social. Nous améliorons la prévention des procédures d'expulsion, dans l'intérêt des personnes concernées.

Nous voulons surtout prévenir les expulsions. Même si seules 15 000 des 150 000 décisions d'expulsion sont effectivement exécutées, c'est encore trop.

La location meublée touristique impacte parfois durement le marché des grandes villes, au détriment de ceux qui cherchent à se loger : les sanctions et amendes seront renforcées tant à l'encontre des propriétaires que des plateformes.

Ce texte n'entend pas toucher aux fondamentaux de la loi SRU, même si cela s'est fait dans le passé, y compris dans la loi Égalité et citoyenneté. À l'Assemblée nationale, une large majorité n'a pas souhaité toucher au texte du Gouvernement ; en revanche, votre commission l'a fait tantôt de façon raisonnable, tantôt moins... (M. Patrick Kanner le confirme du geste.) Nous en discuterons. Si le Sénat devait faire évoluer la loi SRU, je souhaite qu'il le fasse avec sagesse. Le président du Sénat, dans sa sagesse légendaire, a certainement raison en disant qu'il ne faut toucher à la Constitution qu'avec une main tremblante : je crois la chose vraie aussi pour la loi SRU.

MM. Bruno Retailleau et Roger Karoutchi.  - Ce n'est pas la même chose !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Ce ne sont pas les mêmes tremblements...

M. Jacques Mézard, ministre.  - De tremblements à démolition, il n'y a parfois pas loin...

M. Philippe Dallier.  - C'est sûr !

M. Jacques Mézard, ministre.  - La loi SRU a permis de développer depuis des années la construction de logements sociaux sur tout notre territoire. En outre, la loi Égalité et citoyenneté a permis de multiplier par quatre les exemptions. Certes, des difficultés persistent et nous tenterons d'y remédier grâce à vos amendements.

Dernière ambition de ce texte : améliorer le cadre de vie de nos concitoyens, ce qui va au-delà du domaine du logement. Un Contrat intégrateur unique permettra de revitaliser les centres-villes, grâce à l'opération de revitalisation des territoires (ORT).

Des conventions seront toutes signées d'ici au 30 septembre. Sont concernées non seulement les 222 villes et intercommunalités inscrites au plan Action coeur de ville, mais au-delà à toutes celles qui souhaitent revitaliser leur centre. Ce projet de loi devrait répondre aux questions que vous aviez posées à l'occasion de l'examen de votre proposition de loi sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Ensuite, il faudra trouver les sources de financement... nous en reparlerons.

Sur la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil, le texte a été profondément amendé : une présomption de revenus est créée, comme pour les trafiquants de drogue ainsi qu'une saisie de l'indemnité d'expropriation, car il était choquant que les marchands de sommeil en profitent après avoir exploité la misère de nos concitoyens.

Les marchands de sommeil condamnés ne pourront acquérir de biens immobiliers lors de vente par adjudication grâce à un amendement de l'Assemblée nationale.

Nous lancerons bientôt une initiative visant à cartographier les copropriétés dégradées : j'ai déjà saisi à cette fin les préfets, qui travailleront avec l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH) et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Ces dispositions seront prises en concertation avec la Chancellerie, car le droit civil est concerné.

J'ai la volonté d'aboutir sur tous ces sujets. Je sais que nous avons les mêmes objectifs et je prendrai des engagements pour associer le Sénat à toutes ces évolutions.

Ce projet de loi comporte un volet simplification relatif au développement du numérique dans tous les territoires. Le délai moyen d'installation d'un pylône ou d'une antenne est aujourd'hui de 24 mois ! C'est plus que chez nos voisins. Nous avons obtenu des opérateurs des engagements d'accélération inédits : des milliers de pylônes seront posés. Je ne doute pas que nos débats seront riches sur les questions du désenclavement de nos territoires, sans rogner sur les prérogatives des élus.

L'objectif premier de ce texte est de simplifier, de tenir compte des évolutions sociétales pour faciliter et accélérer la construction dans notre pays. Dire cela n'est pas faire le procès des pratiques antérieures. Notre seul souci est de faciliter la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Construire plus, mieux et moins cher, améliorer le cadre de vie, répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale : difficile de faire moins consensuel. Si le diagnostic posé sur la crise du logement est bon, le texte n'apporte pas toutes les réponses appropriées qui plus est dans un contexte qui voit toute la chaîne de production du logement neuf ralentir : ventes, mises en ventes et mises en chantier sont en net retrait au premier trimestre 2018 par rapport à la même période en 2017. Le choc de l'offre a disparu de vos éléments de langage.

Le projet de loi est clairement travaillé par ces valses hésitations constantes entre décentralisation et recentralisation. Deux visions antagonistes le portent au risque de conduire à un produit hybride fait de compromis multiples et d'incohérences absolues.

Monsieur le Secrétaire d'État, lorsque vous êtes venu devant la commission des affaires économiques, vous nous aviez assurés de votre engagement de co-construction du texte et que vous étiez ouvert à toute modification ou tout aménagement mais il faut croire que votre volonté s'est émoussée au regard des amendements déposés par le Gouvernement sur le texte qui reviennent sur les apports du Sénat.

Notre commission s'est attachée à en corriger les imperfections et à l'enrichir de dispositifs qu'elle a jugés essentiels à la mise en oeuvre d'une politique en matière d'habitat en s'appuyant notamment sur les conclusions de la conférence de consensus sur le logement.

Elle a été particulièrement attentive à la place des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des politiques locales de l'habitat et plus particulièrement au rôle des maires. Elle s'est opposée à la recentralisation des dispositifs au profit de l'État, car il existe encore trop souvent des injonctions nationales et des pratiques descendantes très éloignées des préoccupations et des besoins des territoires.

Les opérations d'aménagement d'ampleur ne peuvent se réaliser sans les communes. Dans les périmètres des grandes opérations d'urbanisme (GOU) prévues par des projets partenariaux d'aménagement (PPA), la commission a réintroduit l'accord des maires.

Pour lutter contre le phénomène de vacance de locaux, la commission s'est attachée à encourager les initiatives locales. Ainsi, elle a prolongé jusqu'en 2023 le dispositif volontaire et contractuel de mise à disposition de locaux vacants par leurs propriétaires en vue de la création de places de logement temporaire. La priorité, en effet, doit rester le logement.

En ce qui concerne la procédure d'avis des architectes des ABF, la commission a considéré que l'Assemblée nationale proposait un consensus équilibré au service de la couverture numérique du territoire et de lutte contre l'habitat indigne.

Le Sénat se fait depuis longtemps le relais du besoin d'adaptation des règles de constructibilité en zones littorales et agricoles. Dans la lignée des propositions de loi de nos collègues Michel Vaspart, relative au développement durable des territoires littoraux, et Jacques Genest, visant à relancer la construction en milieu rural, la commission a poursuivi la territorialisation des prescriptions de la loi Littoral, et l'assouplissement de la règle d'inconstructibilité des zones non urbanisées. Ces mesures facilitent notamment l'implantation d'annexes, d'équipements collectifs, et d'activités de cultures marines. Ce sont des enjeux d'une importance centrale pour le développement démographique, touristique et économique de nos territoires ruraux et littoraux.

Le volet relatif à la réorganisation du secteur social n'est que la conséquence des mesures budgétaires de l'automne dernier prises brutalement et unilatéralement qui ont mis plus qu'à la diète le secteur HLM. Nombre de mesures ne sont que de l'habillage ouvrant à terme la porte à des capitaux privés avec le risque d'une hausse des loyers et l'éviction des plus modestes.

Pour autant, la commission n'a pas souhaité remettre en cause les dispositions relatives à la restructuration du secteur social dont chacun a admis la nécessité. En revanche elle a apporté des modifications dans sa mise en oeuvre en abaissant les seuils en deçà desquels le regroupement de bailleurs sociaux est obligatoire à 10 000 logements gérés et à 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ces seuils nous ont parus plus en adéquation avec la situation des bailleurs.

Elle a également clarifié les règles d'appartenance à un groupe de logement social interdisant la double appartenance simultanée à deux groupes d'organismes de logement social. Il nous a paru incohérent de placer les organismes dans des situations insolubles où ils devraient choisir entre les orientations incompatibles de leurs groupes de rattachement.

Le chiffre de 40 000 ventes de logements sociaux est impossible à atteindre, tout le monde le dit - sauf le Gouvernement. D'accord pour vendre des logements sociaux mais pas à n'importe quelles conditions. On ne peut pas demander au maire de construire plus de logements sociaux dans le cadre de la loi SRU et, en même temps, ne pas lui donner les moyens d'atteindre cet objectif. Nous avons prévu son vote conforme sur la vente de logements sociaux.

La loi SRU est la grande oubliée de ce texte puisque seul l'article 46 prévoit d'allonger le décompte des logements sociaux vendus de cinq à dix ans. Si elle a bien impulsé la dynamique recherchée, l'application uniforme de ce dispositif centralisé constitue désormais un frein. Messieurs les Ministres, combien de temps fermerez-vous les yeux sur cette réalité ? La commission a prolongé les obligations de réalisation de logements sociaux de 2025 à 2031, le rythme sera ainsi plus soutenable tout en maintenant l'objectif de 25 %. Un calendrier de rattrapage spécifique a été instauré pour les communes entrantes. Une expérimentation a été proposée avec la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens. La liste des logements sociaux décomptés a été complétée par l'ajout des logements occupés par un titulaire d'un PSLA, les logements objets d'un bail réel solidaire et les places d'hébergement d'urgence. Ces différentes mesures pragmatiques et réalistes permettront aux maires de respecter leurs obligations de construction de logements sociaux dans de bonnes conditions, sans les décourager et sans, pour reprendre l'expression de M. le ministre, « démolir » la loi SRU.

Autre oubli, les relations entre bailleurs et locataires. La commission a voulu les rééquilibrer en facilitant la délivrance du congé en cas d'acquisition d'un logement occupé ou encore en unifiant à deux mois le délai de préavis donné par un locataire sauf lorsque l'état de santé ou la situation économique du locataire le justifient.

La copropriété, sujet qui touche au quotidien de nos concitoyens, ne peut être traitée par ordonnance. La commission a adopté plusieurs mesures pour commencer à améliorer son fonctionnement.

Les squats de logement se développent. C'est pourquoi nous avons, trois ans après l'examen de la proposition de loi sénatoriale tendant à préciser l'infraction de violation de domicile, prévu que les locaux à usage d'habitation bénéficieront des mêmes mesures de protection que le domicile des personnes.

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Afin de renforcer la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil, nous avons, pour les permis de louer et de diviser, donné au maire l'accès au casier judiciaire des demandeurs. Nous avons étendu aux agents immobiliers l'obligation de déclarer au procureur de la République les suspicions d'activités de « marchands de sommeil ». La commission a supprimé deux points de l'ordonnance relative aux polices de lutte contre l'habitat indigne car les pouvoirs de police générale du maire et la répartition des compétences entre les communes et les intercommunalités sont des lignes rouges à ne pas franchir.

S'agissant des dispositions destinées à assurer la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, nous avons repris la quasi-intégralité des mesures non fiscales adoptées dans le cadre de la proposition de loi présentée par Rémy Pointereau et Martial Bourquin.

M. Rémy Pointereau.  - Excellente initiative !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Enfin, s'agissant du volet numérique, la commission a souhaité, avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, aller plus loin. Répondant à une forte demande des élus comme des opérateurs, nous avons inséré dans la loi une dérogation au principe de construction en continuité d'urbanisme en zone de montagne. Pour crédibiliser les engagements des opérateurs, nous avons renforcé les sanctions encourues en cas de manquement.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter le texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je viens devant vous défendre une cause. Ce projet de loi modifie, en effet, des dispositions favorables à la création architecturale et à la protection du patrimoine qui, pour certaines, ont été votées par le Parlement il y a moins de deux ans. Face à l'ampleur de la crise du logement que connaît notre pays, je comprends qu'il faille donner aux entreprises et aux acteurs les capacités d'inventer des solutions nouvelles pour construire et rénover davantage. Faut-il, pour autant, prendre le risque de remettre en cause la qualité architecturale et la mise en valeur du patrimoine ? Il y va de l'attractivité de nos territoires, de la qualité de vie.

Ce débat n'est pas nouveau. En 1962, André Malraux, présentant devant le Parlement le projet de la loi qui allait porter son nom, appelait à « concilier deux impératifs qui peuvent paraître opposés : conserver notre patrimoine architectural et historique et améliorer les conditions de vie et de travail des Français ».

Mme Maryvonne Blondin.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis.  - À l'époque, alors même que la situation en matière de logement était plus tendue encore, la volonté de trouver le point d'équilibre avait prévalu. Or ce texte fait primer la construction de logement sur toute autre considération.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis.  - Le risque est de répéter les erreurs d'urbanisme que nous avons commises après-guerre et dont nous payons encore le prix. La loi ELAN assouplit la loi Malraux de 1962 mais aussi la loi du 3 janvier 1977, celle du 12 juillet 1985. Or la protection du patrimoine s'inscrit dans la durée, elle s'accommode mal de l'instabilité juridique.

Transformer l'avis conforme de l'Architecte des Bâtiments de France en avis simple, quand bien même cette transformation serait circonscrite à quelques cas clairement identifiés, n'est pas sans conséquence. Je sais que l'ABF souffre d'une image de fonctionnaire buté, en dépit du faible nombre de refus qu'il oppose chaque année. Des voies de recours existent contre ses décisions, les commissions régionales du patrimoine et de l'architecture, présidées par des élus, sont désormais consultées. L'avis conforme est nécessaire pour que soient pris en compte les enjeux architecturaux et patrimoniaux au même titre que le sont d'autres enjeux. Y renoncer privera certes l'ABF de sa capacité d'empêcher un projet mais lui retirera également toute possibilité d'établir un dialogue pour qu'un projet évolue. Voulons-nous vraiment laisser le maire seul face aux promoteurs ? Compte tenu de l'atout que représente le patrimoine pour nos territoires, ce serait, aux yeux de la commission de la culture, une grossière erreur. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, CRCE, SOCR et Les Indépendants)

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis de 27 articles, dont, en particulier, 11 touchent à l'aménagement numérique et 3 au littoral sur lequel nous travaillons depuis cinq ans sous l'impulsion du président du groupe Mer et Littoral, M. Michel Vaspart.

Un constat sur la méthode, d'abord : ce projet de loi est devenu un monstre législatif sans cohérence d'ensemble. Sa diversité ne permet pas aux commissions permanentes de travailler correctement. Son objet est devenu difficile à cerner, sinon la simplification qui, à mes yeux, est un moyen, et non une fin.

Le volet sur le numérique nous a déçus : 4 articles sur 65 dans le texte initial. L'Assemblée nationale n'a pas corrigé cette asymétrie, les mesures proposées sont très en deçà des besoins.

Ma proposition de loi adoptée par le Sénat le 6 mars 2018 abordait pourtant les questions de la mutualisation des réseaux, du contrôle des obligations des opérateurs et de l'évaluation de la couverture mobile ; comme, du reste, le rapport d'information sur le très haut débit pour tous en 2022 que j'ai élaboré avec Hervé Maurey en 2017. Je me réjouis que nous puissions en discuter au Sénat, les attentes des élus et de nos concitoyens sont fortes.

La commission a adopté dix-huit amendements, dont seize ont été intégrés au texte. Pour les communes littorales, nous avons fait des propositions équilibrées et pragmatiques à l'initiative de Michel Vaspart, entre autres, sur les dents creuses. Sur le volet numérique, notre objectif est double : accélérer le déploiement de la fibre optique et améliorer la couverture mobile. Il faut mieux associer les collectivités territoriales pour assurer le respect des engagements souscrits par les opérateurs, que ce soit à l'échelle nationale ou locale ; améliorer la transparence de l'information nécessaire au déploiement et organiser efficacement le marché des services de communications électroniques. Nous l'avons vu encore hier, c'est en jouant collectif que l'on peut gagner. Prolongeons l'exploit des Bleus pour que, dans le numérique aussi, la France soit championne du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Pour une bonne politique du logement, il faut créer de la confiance, disait Pierre Méhaignerie. Or le rapporteur l'a dit, les chiffres sont éloquents : la baisse significative des permis de construire et des constructions neuves au premier semestre se poursuivra, elle marque une crise de confiance. Dans les deux à venir, on assistera, non pas à un choc de l'offre, mais à un choc sur l'offre !

Il n'y a pas de fatalité, les réformes Borloo et Pinel ont été efficaces. La conférence de consensus, réunie sous l'impulsion du président Larcher, a permis d'engranger de bonnes propositions mais on les cherche encore dans le texte du Gouvernement.

Cette loi n'est pas une loi de décentralisation. Le maire est dessaisi de ses prérogatives notamment en matière de permis de construire dans le cadre de Grandes opérations d'urbanisme, les GOU, dont l'utilité reste à démontrer après l'échec retentissant des opérations d'intérêt national.

Cette loi n'est pas une loi de simplification. Elle compte dorénavant plus de 200 articles. Elle propose de nouveaux outils toujours plus complexes, sans que les anciens aient pu déployer toute leur utilité.

Surtout, le texte ne s'attaque pas aux deux contraintes majeures que sont la contrainte financière, discutée en loi de finances, et la contrainte urbanistique qui raréfie considérablement le foncier - je le dis pour ceux qui sont en train d'élaborer leur schéma de cohérence territoriale.

La commission des lois, pour des raisons d'efficacité, n'a déposé que 34 amendements. Toucher au droit de la copropriété ou aux pouvoirs de police du maire par des ordonnances n'est pas sain, le législateur est le garant de l'équilibre des territoires.

Nous avons proposé d'expérimenter une mutualisation intercommunale pour remplir les objectifs de la loi SRU : il ne s'agit en rien de « détricoter la loi SRU » puisque les objectifs de chaque commune de 25 % de production de LLS continuent de s'appliquer sur le stock.

Si ce texte comporte plusieurs points positifs, il y manque l'essentiel, la confiance dans les territoires et les élus, sur laquelle les gouvernements précédents s'étaient appuyés pour résoudre la crise du logement. Mais c'était dans l'Ancien monde... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Gay, Mmes Cukierman, Gréaume, Assassi, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Gontard et Bocquet, Mme Cohen, MM. Collombat, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (n° 631, 2017-2018).

M. Fabien Gay .  - Pas moins de 900 000 personnes privées de logements personnels, 4 millions de mal-logés, 12 millions de personnes fragilisées par le surpeuplement, les impayés, la précarité énergétique... Ce sont les chiffres de la fondation Abbé Pierre. Le président de la République lui-même l'a dit, personne ne peut supporter que, dans notre pays, que des gens dorment et meurent dans la rue. Oui, mais nous supportons que reprenne, chaque premier avril, le ballet des expulsions locatives sans relogement pour des personnes toujours plus fragilisées et précarisées, prises dans la spirale infernale du déclassement et de l'exclusion.

Face à ce défi du mal-logement qui ronge notre pacte républicain, il faut des réponses fortes. À l'inverse, ce texte repose sur la dérégulation, la déréglementation et la privatisation du patrimoine de la Nation. C'est un patchwork sans autre fil directeur que le désengagement de l'État. Il est plus épais que le code du travail. Visiblement, le volume ne vous gêne plus quand il s'agit de casser notre modèle de logement unique en Europe.

Retraçons le chemin de croix qu'affrontera le futur demandeur de logement social. Une fois qu'un demandeur aura accès à un logement - sept ans en moyenne à Paris, il lui sera plus difficile de s'y maintenir avec la procédure de réexamen de sa situation tous les six ans. Certes, la mobilité ne sera pas imposée mais il sera facile de faire pression sur les locataires. Pour les jeunes, ce sera le « bail mobilité », que les associations appellent le « bail précarité ». Quel avenir pour les jeunes ? Retourner chez leurs parents ?

En revanche, pour les bailleurs, c'est Noël avant l'heure ! La loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique est largement contournée, le concours d'architecture supprimé, la loi Littoral malmenée. L'avis des Architectes des bâtiments de France est rendu simplement consultatif. Le beau, cela doit être aussi pour le logement social, qui a été le lieu de toutes les innovations architecturales. En réalité, ce Gouvernement construira moins, plus laid et pour enrichir toujours les mêmes.

Le modèle français est unique en Europe, depuis que Mme Thatcher y a renoncé en Grande-Bretagne. Il repose sur deux jambes, une publique et une privée. Votre proposition de loi ampute la première, il en faut deux pour marcher.

Votre devise est la France est une chance pour chacun ? Surtout si vous êtes bien né ! Pour les autres, c'est la précarité de la naissance à la mort.

La France a une histoire ; qu'on soit de droite ou de gauche, on la respecte. Elle ne se dirigera jamais comme une start-up !

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Fabien Gay.  - Après avoir retiré près de 1,5 milliard d'euros aux organismes sociaux dans la dernière loi de finances, vous leur portez le coup de grâce en les forçant à brader leur patrimoine au privé et en les obligeant à se regrouper aux dépens de l'impératif de proximité. Bref, vous créez les conditions d'une explosion prochaine du mal-logement.

Le passage en commission au Sénat a permis une avancée, le rôle des maires, et un recul majeur, le détricotage de la loi SRU que, je le dis les yeux dans les yeux, nous ne laisserons pas faire. La loi SRU a permis la construction de plus de 500 000 logements depuis vingt ans.

Nous ne pouvons pas accepter que certains élus fassent du non-respect de cette loi un argument de campagne politique.

M. Philippe Dallier.  - Il y en a très peu !

M. Fabien Gay.  - Ils veulent protéger les ghettos de riches des « hordes » de pauvres. Dois-je vous rappeler que, suivant le dernier décompte, sur les 1 152 communes concernées par l'obligation, 649 n'ont pas rempli leur objectif et que seulement 269 ont été carencées ? Mixité et partage des espaces sont les conditions d'une société apaisée.

Il faut interdire la pratique barbare des expulsions sans relogement, renforcer la régulation des loyers dans le secteur privé comme public en maintenant l'encadrement des loyers, relever les plafonds d'accès au logement social pour diversifier les publics. Sur la question foncière, obstacle majeur à la construction, nous proposons la création d'une agence foncière pour le logement qui serait le support d'un domaine public du logement.

Pour mener ces politiques, l'État doit se réengager dans les aides à la pierre en supprimant les 2,5 milliards de niches fiscales, que même la Cour des comptes conteste.

Méditons sur cette phrase de l'Abbé Pierre : un milliard de refusé pour le logement, c'est dix milliards pour les tribunaux, les prisons et les asiles de fous. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Catherine Conconne et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)

M. Serge Babary.  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains votera contre, même si nous partageons certaines des critiques qui ont été formulées. La commission a redonné du souffle au texte initial, introduit des dispositifs de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, a amélioré les conditions d'accessibilité des logements neufs, a renforcé la régulation des meublés de tourisme... La commission a aussi traité des relations entre bailleurs privés et locataires et apporté les aménagements nécessaires à la loi SRU. Il faut donc poursuivre le débat sur ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre.  - En ce lendemain de 14 juillet, nous venons d'entendre un feu d'artifice de contradictions...

Je me suis bien gardé de faire le procès de mes prédécesseurs.

M. Fabien Gay.  - Pour une fois !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je ne le fais jamais et j'écoute, contrairement à vous, qui ne supportez pas le débat démocratique !

Si la situation politique a changé il y a un an, la situation du logement ne date pas d'hier.

De plus en plus d'articles ? L'Assemblée nationale en a ajouté, le Sénat en fait autant. Si l'on devait en rester au texte initial du Gouvernement, vous me reprocheriez de ne pas laisser sa place au débat parlementaire.

Nous avons réussi à flécher, avec Action Logement, l'ANAH et la Caisse des dépôts, 5 milliards d'euros pour le logement. Je fais des propositions pour aujourd'hui et demain, non pour hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Claude Malhuret .  - Ce texte traduit la stratégie quinquennale du Gouvernement sur le logement. Le Sénat ne l'a pas attendu pour travailler sur le logement. Dès l'été 2017, la conférence de consensus voulue par le président Larcher a été réunie. Une large majorité de sénateurs a voté la proposition de loi Pointereau-Bourquin sur les centres-villes et centres-bourgs.

Ce texte compte désormais 234 articles ; plus de 1 000 amendements ont été déposés, nous devons les examiner en sept jours... Le groupe Les Indépendants sera attentif à l'équilibre entre libéralisation du secteur et progrès social et environnemental. La commission a d'ores et déjà retenu une de nos propositions : recueillir l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sur les dérogations à la loi Littoral.

Nous veillerons également à préserver l'autorité des maires. Pour faire face à la crise du logement, il s'agit d'abord d'aligner la stratégie de construction avec les besoins : 2,7 millions de logements par an. Les grandes opérations d'urbanisme sont un outil intéressant pourvu que l'on rétablisse l'avis conforme du maire. Lutte contre la vacance, simplification des normes, tout cela va dans le bon sens mais l'abaissement des taux d'accessibilité dans l'habitat collectif neuf ne doit pas être drastique, il faut anticiper le vieillissement de la population.

Un difficile équilibre a été trouvé entre la commission des affaires économiques et la commission des affaires culturelles sur la question de l'avis conforme de l'ABF.

Un environnement dynamique devrait voir le jour dans les parcours résidentiels de l'habitat social. Le bail mobilité devrait faire émerger une offre de logement adaptée.

Le groupe Les Indépendants défendra un amendement visant à valoriser les actions d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments prises de façon pionnière par les acteurs du secteur tertiaire.

Ce texte constitue un premier pas vers l'adaptation de notre politique de logement aux évolutions de la société. Espérons qu'il sera, au terme de la discussion, à la hauteur des attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Joël Labbé .  - Mon propos vient en complément de celui du président Requier. Je ne m'exprime pas forcément au nom de mon groupe, en particulier sur les questions écologiques.

Le logement est un sujet majeur : 4 millions de mal-logés ou sans domicile, 12 millions en situation de fragilité, c'est préoccupant.

Ce texte comporte des avancées, notamment sur la lutte contre les marchands de sommeil, sur la transition énergétique, sur l'artificialisation des sols. En tant qu'écologiste, je proposerai d'aller beaucoup plus loin. Il faudrait une mise en cohérence avec le plan Biodiversité et inscrire dans la loi l'objectif fixé par Nicolas Hulot de zéro artificialisation des sols en 2025.

Pour le reste, ce texte fait confiance au marché. Or le logement est un droit humain, pas un bien économique. Le modèle proposé de logement social nous inquiète. Un réexamen de situation tous les trois ans permet une répartition plus juste des logements mais on peut légitimement s'interroger sur le sens qu'il y a à vendre des logements sociaux quand les recettes des organismes sociaux baissent. La commission a porté une atteinte inacceptable à la loi SRU. Nous sommes également inquiets sur l'accessibilité des logements. Pour garantir que tous soient évolutifs, prévoyons au moins l'installation automatique d'un ascenseur dans tous les logements à étages.

Il faudra se pencher sérieusement sur la question de l'accueil et du logement des migrants sur l'ensemble de notre territoire, c'est une opportunité pour revitaliser nos campagnes (M. Philippe Pemezec ironise.) où l'on a besoin de main-d'oeuvre. (M. Jean-Claude Requier, MmeMireille Jouve et Josiane Costes applaudissent.)

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Ce projet de loi est le fruit de la méthode de La République en Marche : la concertation, le dialogue et l'écoute. Depuis mai 2017, vous avez rencontré, Monsieur le Ministre, les élus des territoires, les professionnels et les acteurs associatifs du monde du logement, de l'urbanisme et du numérique. Dans le prolongement de ces premières discussions, une large conférence de consensus a été réunie au Sénat avec la bienveillance du Gouvernement. Plus de 20 000 contributions ont été apportées à la préparation de ce texte.

Le dialogue se poursuivra dans notre hémicycle pour les sept jours à venir, après les répétitions générales que nous avons faites lors de l'examen de la proposition de loi sur la revitalisation des centres-villes, de la proposition de loi de M. Chaize sur les infrastructures numériques ou des diverses propositions de loi relatives au littoral.

Pouvons-nous vous satisfaire de 4 millions de mal-logés ? Que des familles habitent des taudis à des prix indécents ? Que deux jeunes sur trois restent chez leurs parents et refusent des opportunités professionnelles faute de pouvoir se déplacer ? Qu'il reste autant de zones grises et blanches ? Non. Il faut, à tous ces problèmes, des réponses concrètes.

Premier objectif de ce projet de loi, protéger pour donner plus à ceux qui ont moins, notamment en rendant plus transparentes les attributions de logements et en luttant contre l'habitat indigne. Ensuite, libérer pour responsabiliser. Finalement, ce texte s'inscrit dans la volonté de préserver la cohésion entre nos territoires, celle de donner à toutes et à tous les mêmes chances de réussir et de s'épanouir. C'est en créant de nouvelles solidarités que nous réduirons la fracture territoriale.

La commission a proposé de nombreuses évolutions qui, comme on pouvait s'y attendre, ne vont pas dans notre sens. Sur l'équilibre entre bailleurs et locataires, nous refusons d'ajouter une clause pénale dans le contrat de location, supprimée par la loi ALUR, et nous opposons à la suppression des délais de délivrance de congés du locataire en cas de vente.

En matière d'attributions de logements sociaux, nous souhaitons rétablir deux obligations phares de la loi Égalité et Citoyenneté que vous avez supprimées : l'obligation de consacrer au moins 25 % des attributions au profit des ménages les plus pauvres hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, la délégation du contingent préfectoral.

Enfin sur la loi SRU... Au nom du groupe LaREM, nous soutenons le souhait du Gouvernement de ne pas modifier l'équilibre actuel. Cette loi de 2000 est un outil de mixité sociale qui fonctionne bien au regard des quelque 250 communes carencées.

Ne soyons pas dogmatiques ; l'enjeu est trop important. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Claude Requier applaudit.)

Mme Cécile Cukierman .  - Avoir un toit est-ce encore un droit ou faut-il considérer le logement comme un simple produit de spéculation et de placement ? De la qualité du logement, de sa taille, de sa configuration dans son environnement, de sa proximité avec les services publics, en fonction de la mixité de l'espace dépendra pour beaucoup la qualité de vie de ses occupants. Or la qualité du bâti et la préservation du patrimoine reculent, nous sommes passés de la loi Malraux au loto Bern. Franchement, on frôle le ridicule : celle d'un nouveau monde qui confond intérêt général et gestion à la petite semaine en mode start-up branchouille, celle d'un Gouvernement qui confond coup de com' à répétition avec l'exigence d'agir pour les décennies à venir.

Ce projet de loi, dans la foulée de la loi de finances pour 2018, ne vise qu'à un énième désengagement de l'État, pour que les promoteurs puissent construire plus vite, moins bien, plus cher. Le nouveau monde, ce serait donc ça : le retour vintage au début du XXe siècle ?

C'est une attaque en règle contre le modèle même du logement social, bien public, cogéré au plus près des territoires par des organismes HLM à taille humaine, pilotés par les élus des territoires. Ces fondements sont balayés d'un revers de main. Vous obligez à la vente en masse des logements et au regroupement des offices, en sortant les représentants des locataires des nouvelles structures.

C'est toute l'histoire de la construction sociale qui est ainsi mise à mal, alors que les offices doivent compenser la diminution des APL à hauteur de 1,5 milliard d'euros. La vente des logements sociaux aujourd'hui, c'est l'explosion du mal-logement demain. À rebours des lois de décentralisation, et dans la droite ligne de la métropolisation, les maires se voient retirer leurs prérogatives au point de n'être plus que des surintendants d'intercommunalités géantes.

Après le droit du travail, les baux sont à leur tour flexibilisés et le secteur du logement est dérégulé.

Tous les indicateurs sont pourtant au rouge, le logement continue de peser lourd dans le budget des ménages, la construction ne rapporte pas et la rente immobilière et au plus haut. En même temps, si j'ose dire, ce Gouvernement n'en finit plus d'économiser sur les aides au logement. Votre seul choix dans ce contexte ? Retirer le financement public au profit de l'investissement privé.

La remise en cause de la loi SRU, ajoutée en commission, est inacceptable.

Rien sur les garanties, en dépit du plan Borloo, rien sur les zones dites détendues, rien sur les circuits courts pour penser l'habitat de demain.

Oui, j'y insiste, nous avons besoin, plus que jamais, d'une politique publique du logement. Les Français sont près de deux millions à attendre un logement social. Pour eux, plus aucune part de gâteau à distribuer. Nos amendements traceront des pistes pour une politique progressiste et humaniste dans ce domaine.

Il reste en effet beaucoup à faire pour le logement, composante essentielle de la dignité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Mme de la Provôté complètera mes propos sur les centres-villes et les centres-bourgs.

De grands enjeux ont été identifiés grâce à la conférence de consensus, initiative du président Gérard Larcher, dont je salue l'implication.

La place des collectivités d'abord, remise en cause par une politique de recentralisation. L'impact de la loi de finances 2018 et de la réduction des loyers de solidarité, ensuite, qui a entraîné des difficultés auxquelles ce projet de loi ne remédie pas ; les objectifs de la loi SRU encore, que nous ne voulons pas détricoter, mais dont les distorsions doivent être corrigées.

Sur le logement social, nous partageons vos objectifs, pas vos mesures.

Vous proposez de regrouper les organismes de logements sociaux, au risque de créer des structures surdimensionnées ou d'en fragiliser certaines, qui pourraient se trouver sans repreneur.

Vous comptez, pour le financement, sur la vente du parc social, fixer un objectif de 40 000 ventes par an, alors que les offres ne dépassent pas les 8 000 aujourd'hui, faute d'acheteurs.

Vous proposez enfin de mieux lutter contre les copropriétés dégradées, et amenuisez les pouvoirs des maires sur tous ces volets. Le groupe UC proposera d'instaurer un volet territorial à la convention d'utilité sociale, et de rendre tripartite la politique de lutte contre les copropriétés dégradées.

Promouvons la coproduction des politiques publiques. La réforme d'Action Logement est révélatrice. Par souci de rationalisation, nous déposerons aussi un amendement à ce sujet. Je remercie enfin Mme la rapporteure pour son travail.

Nous voterons en fonction des amendements retenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Marc Daunis .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Le volume de la loi a triplé à l'Assemblée nationale. Nous connaissons toutefois bien son contenu, pour en avoir débattu cet hiver lors de la conférence de consensus, qui a permis à tous les participants de s'exprimer et d'identifier des convergences : rôle des élus, mobilisation du foncier, simplification du droit de l'urbanisme et des normes de construction, revitalisation des centres-villes.

Le groupe socialiste plaidait alors pour une politique du logement au plus près des territoires, la préservation et la modernisation de notre modèle de logement social et de la qualité de vie de nos concitoyens.

Je tiens à associer à ce propos Annie Guillemot, qui ne peut malheureusement être parmi nous cette semaine.

Au-delà de la nécessaire prudence qu'il faut avoir en la matière, nous sommes favorables aux nouveaux outils de contractualisation ici proposés qui vont dans le sens d'un urbanisme de projet telle que la cristallisation des moyens.

Le projet de loi issu de l'Assemblée nationale dépossède toutefois le maire de ses compétences majeures : nous y sommes radicalement opposés. Le transfert des permis de construire, par exemple, est contraire à l'intérêt des territoires et à l'efficacité d'une bonne mise en oeuvre des politiques publiques.

Sur cette recentralisation autoritaire rampante, nous reviendrons au cours des débats... Vous voulez faire largement confiance aux élus locaux, Monsieur le Ministre ? Faites-leur pleinement confiance ! La commission, grâce à l'excellent travail de Mme la rapporteure, a corrigé cela...

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Marc Daunis.  - Puissent nos échanges consolider durablement l'équilibre entre communes, intercommunalités, politiques publiques et intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) « Construire plus, mieux et moins cher », voilà l'objectif affiché. Manquent quatre mots à ce triptyque Il ne peut en effet être dissocié de la dernière loi de finances : « avec moins de moyens » aurait-il donc fallu ajouter, puisque ceux des bailleurs sociaux ont diminué brutalement et ne compenseront pas, loin de là, la chute de leur autofinancement. De même, le recentrage du PTZ et du Pinel aura des conséquences sur le nombre de logements construits.

Pari risqué que celui de ce texte : redonner un peu d'oxygène au secteur, sans moyen budgétaire supplémentaire ! L'objectif de 40 000 logements sociaux vendus par an est inatteignable. Supprimons l'amendement appelé par certains « Monopoly » relatif à l'usufruit locatif social, étonnamment adopté sans débat à l'Assemblée nationale avec un surprenant avis favorable du Gouvernement...

Il serait inacceptable que seul le privé profite de cette mesure, tirant parti de l'assèchement du capital des bailleurs, effet d'aubaine organisé par l'État lui-même. Les logements vendus seront les mieux situés, les mieux entretenus, ceux dont les propriétaires ont le plus de moyens au détriment de la mixité sociale et de l'équilibre budgétaire des organismes.

Quant à la circulation des capitaux au sein des nouvelles entités, elle sera utile, mais brancher de nouveaux tuyaux ne relancera pas un débit qui s'affaiblit à la source des financements que vous avez réduits...

M. Xavier Iacovelli.  - Très bien !

M. Philippe Dallier.  - Si nous parvenions seulement à construire autant de logements que les années passées : 113 000, c'est moins que les 126 000 de 2017 et cela pèsera sur 2018. Or c'est au dernier trimestre que le chiffre de l'année se construit lorsque les dossiers sont remontés du terrain et que l'ajustement de la répartition des aides à la pierre est opéré par le FNAP, qui attend de retrouver un président après la démission du sortant en protestation contre vos décisions de l'automne dernier.

Cependant, les bailleurs ont levé le pied et les maires qui portent les objectifs étatiques vont se retrouver entre le marteau et l'enclume, entre les obligations de ventes d'HLM et des opérateurs affaiblis... Votre responsabilité sera grande si les objectifs ne sont pas atteints, Monsieur le Ministre.

Certes, il faut assainir les finances publiques mais fallait-il s'attaquer si brutalement à ce secteur ? Je ne le crois pas. Sur les 40 milliards d'euros par an de la politique du logement, la moitié est consacrée aux aides personnelles, qui sont parmi les plus redistributives de notre modèle social. Le président de la République a appelé à Versailles à la construction de « l'État-providence du XXIe siècle ». Belle formule, mais que recouvre-t-elle vraiment ? Pour le président de la République, le logement est une variable d'ajustement pour Bercy.

C'est au-delà une condition essentielle de la réussite des enfants des familles les plus modestes et de la cohésion sociale.

La moitié des 40 milliards d'euros est consacrée aux aides personnelles, l'autre aux aides à la construction. Y toucher, c'est pénaliser les plus pauvres, ou la classe moyenne, grande oubliée de votre politique depuis le début de ce quinquennat.

J'en termine par l'article 55 de la loi SRU : chacun sait que l'objectif de 25 % de logements sociaux en 2025 est inatteignable, pour beaucoup de communes, même celles qui ont parfaitement respecté la loi jusqu'ici. Le nombre de communes concernées sera multiplié par trois, pour atteindre 60 %, dit le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), lequel préconise de recruter des fonctionnaires en préfecture pour exercer à la place des maires la préemption et appliquer les nombreuses sanctions prévues.

M. Philippe Pemezec.  - Pitié !

M. Philippe Dallier.  - C'est absurde. Et quand la loi ne peut être appliquée parce qu'elle est absurde, il faut la changer. Êtes-vous prêts, Messieurs les Ministres, à accepter des accommodements raisonnables qui, sans dénaturer l'esprit de la loi, permettraient de l'adapter aux diverses situations de nos territoires ?

Notre commission a repris l'idée d'un contrat territorial plus souple. J'espère que vous irez dans notre sens...

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Philippe Dallier.  - Un exemple d'amendement que je défendrai pour finir. Certaines communes n'ont pas 25 % de logements sociaux, alors qu'elles accueillent 25 % à 30 % de familles pauvres, comme en Seine-Saint-Denis ou dans le Nord ; elles ne doivent pas être soumises à l'objectif de 25 % de logements sociaux.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Philippe Dallier.  - J'espère me tromper en anticipant une baisse des constructions dans les années à venir : rien ne serait pire pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. le président. - Long dépassement !

M. Jean-Claude Requier .  - L'encouragement à concentrer l'activité économique dynamique dans les métropoles accentue les fractures territoriales et la crise du logement.

Nos concitoyens aspirent à un meilleur cadre de vie et à des services publics, où qu'ils soient.

Nouvelles mobilités, télétravail, auto-entreprenariat... autant de facteurs de tensions sur le marché du logement dans les grandes agglomérations.

Ce projet de loi apporte à ces enjeux des réponses pragmatiques.

La simplification normative est indispensable. Nous soutenons aussi la libération du foncier public, la transformation de bureaux vacants en logements, la dématérialisation des procédures, la lutte contre les recours abusifs.

En 2017, la Cour des comptes relevait que 48 % des locataires de logements sociaux n'étaient pas défavorisés : le projet de loi va dans le sens d'une meilleure transparence des attributions, ce qui est heureux.

Ce texte apporte à nos concitoyens de nouvelles garanties sur ce qui est au coeur de leurs préoccupations quotidiennes.

Nous veillerons donc à ce qu'il ne soit pas dénaturé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le logement est un sujet crucial. Le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, est préoccupé par la revitalisation des centres-villes, qui fait l'objet de l'article 54 du projet de loi et, j'y insiste, des centres-bourgs, enjeu de société. Ici est l'objet de l'article 54 de ce texte. Merci à la rapporteure et aux rapporteurs pour avis, qui ont dû travailler vite. Le 14 juin dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité des suffrages exprimés, par 288 voix pour et zéro contre, une proposition de loi portant pacte national pour la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Seuls La République en Marche et une partie du groupe RDSE se sont abstenus, mais je crois que cette abstention était plutôt positive.

M. Jean-Claude Requier.  - Elle n'était pas négative !

M. Rémy Pointereau.- Je me réjouis, avec M. Bourquin, co-auteur de ladite proposition, que la commission des affaires économiques ait inclus des éléments de cette proposition de loi dans ses apports. Cherchant à passer d'une logique de périphérie à une logique de centralité, elle a introduit des mesures formant un ensemble cohérent : l'enjeu n'est pas seulement commercial, il est aussi urbanistique.

Nous avons choisi de ne déposer que des amendements pouvant se conjuguer avec ce que vous proposez, conformément à l'esprit de la conférence de consensus voulue par le président Gérard Larcher : nous avons exclu les mesures fiscales, sauf un amendement d'appel, destiné à montrer que sans recettes nouvelles, nous ne pourrions rien faire. Je connais les réticences de Bercy...

Mais rendez-vous au prochain projet de loi de finances !

Le Sénat est mobilisé pour faire bouger les choses. Contrairement à certaines idées reçues, nous sommes des progressistes, mais soucieux d'aller dans le bon sens. (Sourires)

Nos propositions sont attendues par les associations d'élus et par celles de commerçants. Ne les décevons pas. Il faut conserver le rôle des maires pour notre volonté commune, d'intérêt général : réanimer nos coeurs de ville et de bourgs...

M. le président.  - Il faut conclure...

M. Rémy Pointereau.  - Voulons-nous vivre demain dans des villes à l'américaine, avec un centre sans vie et une périphérie de friches commerciales, ou dans une ville à l'européenne, avec un vrai centre-ville, avec du lien social, culturel, un commerce vivant et animé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

Mme Sonia de la Provôté .  - La politique du logement touche à toutes les politiques publiques : société, environnement, énergie, aménagement et équité du territoire. J'y insiste : pas de politique du logement sans politique d'aménagement du territoire !

Pour qui construit-on ? Où ? Comment protéger la qualité de vie. C'est sur les collectivités territoriales que la politique du Gouvernement doit s'appuyer.

Ce projet de loi poursuit un objectif avant tout quantitatif. Mais un logement n'apporte le bien-être que si son environnement est agréable.

C'est pourquoi les architectes et les ABF doivent jouer un rôle majeur : construire vite et moins cher ne doit pas se faire au détriment du paysage. Le patrimoine, les espaces verts et publics, l'environnement, doivent être respectés.

Nous soutiendrons la vision globale exprimée par la proposition de loi Pointereau-Bourquin, avec laquelle le projet de loi est en pleine résonance. Retour de la nature en ville, de la mixité sociale... qui mieux que les collectivités territoriales pour répondre à ces défis ? Les outils apportés par la loi ELAN sont utiles, mais insuffisants.

Notre groupe attend beaucoup de la discussion pour l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Tout avait bien commencé... ou presque. En septembre 2017, nous partagions les objectifs : la relance de la construction pour répondre aux besoins de logements, la rénovation urbaine pour améliorer le cadre de vie, la volonté de favoriser l'accession à la propriété dans le cadre d'un parcours résidentiel efficace. Tout cela dans une volonté partagée de justice sociale.

Las, il y a loin de la parole aux actes. La trahison a commencé dès le projet de loi de finances 2018 : baisse de l'aide à la pierre et des APL, suppression de l'aide aux maires bâtisseurs, suppression de 70 % de la capacité d'investissement des organismes de logements sociaux, soit 1,5 milliard d'euros en moins, soit 54 000 logements qui ne seront pas construits cette année.

Il est inacceptable de freiner aussi la construction de logements sociaux, de demander aux plus modestes de se serrer la ceinture.

Or une nouvelle baisse d'un milliard d'euros des APL serait à prévoir ?

Ignorez-vous ce que la construction apporte en TVA, en taxe foncière ? Investir dans le logement, c'est investir pour que chacun ait un toit, c'est investir dans le secteur du bâtiment, le premier employeur de France !

C'est ferrés par le dogmatisme de Bercy que nous débattrons, contre un projet centraliste qui contraint les organismes de logement social à se tourner vers le privé pour se financer...

Le passé nous l'a montré, la vente des HLM ne s'est jamais substituée à l'investissement public dans ce domaine. Or aborder la thématique du logement, c'est prendre à bras-le-corps la question de la mixité sociale et le devoir républicain de garantir à tous la possibilité d'être logés.

Mais, en commission, la majorité sénatoriale a entrepris de dévitaliser avec méthode la loi SRU, en revenant à ses plus anciens réflexes de 2006 : passage de 1 500 à 3 500 habitants pour le seuil d'exemption en Île-de-France ; mutualisation au niveau de l'intercommunalité du reste des logements à construire pour les communes, etc. De telles propositions qui avaient causé le déplacement de l'Abbé Pierre, 93 ans, à l'Assemblée nationale, en fauteuil roulant !

Pensez-vous ainsi aux dogmes de la gauche ? C'est en fait un fondement de la République que vous ébranlez. (Murmures à droite)

Ce ne sont d'ailleurs pas des exigences maximalistes : seules 250 communes ont été déclarées carencées et plus de la moitié des communes sont exemptées de la loi SRU.

Idem sur les personnes handicapées : nous nous opposerons à toute réduction de la surface. Nous défendrons l'obligation de 100 % de logements accessibles.

Mmes Éliane Assassi et Michelle Meunier.  - Très bien !

M. Xavier Iacovelli.  - Ne devenez pas les fossoyeurs de la mixité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Protestations sur le banc des commissions ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre .  - Merci pour toutes vos interventions. Merci aux groupes La République en Marche et RDSE pour leur soutien. Évitons toute confusion sur le rôle des maires dans le texte du Gouvernement. C'est à sa demande qu'il est question des maires dans ce projet, où il n'y a rien qui mette en danger leur pouvoir exécutif. C'est justement ce que nous avons tenu à préserver et nous avons donné, avec le secrétaire d'État, des instructions précises à cet égard.

Monsieur Daunis, vous entendre intenter ce procès après votre soutien au PLUi et au transfert total du permis de construire du maire vers l'intercommunalité ne manque pas de piquant.

Le Gouvernement n'a voulu toucher à rien sur ce point (M. Philippe Pemezec s'en réjouit.) contrairement à ce que demandaient certaines associations d'élus. C'est pour faciliter le travail des collectivités territoriales qui le demanderont que nous mettons en place les PPA. L'État ne l'imposera jamais !

M. Marc Daunis.  - Éclaircissez cela !

M. Jacques Mézard, ministre.  - On le fera, n'ayez crainte ! C'est très clair ! Sur les ventes HLM, le texte n'enlève rien aux maires. Vous proposez de leur donner une prérogative qu'ils n'avaient pas. Sur les prérogatives des ABF, vous refusez notre proposition de les limiter au bénéfice des maires. Soit !

Quant à notre action en faveur des centres-bourgs, elle représente 100 fois l'effort financier de l'opération lancée il y a quelques années. Tout est confié au comité de projet, présidé par le maire, et le préfet n'est là que pour l'assister.

À l'ANRU, nous accélérons le processus en faisant sauter les oraux - pour ainsi dire  - que les maires devaient passer pour faire valider leurs projets. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Julien Bargeton applaudit également.)

La discussion générale est close.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques .  - Je souhaite la réserve de l'article additionnel avant l'article 9 bis A, afin de l'examiner avant le 46 bis.

M. le président.  - Elle est de droit sauf opposition du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Avis favorable évidemment !

La réserve est ordonnée.

M. le président.  - La discussion des articles commencera demain à 14 h 30.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettres en date des 12 et 13 juillet 2018, M. Patrick Kanner, président du groupe socialiste et républicain, et Mme Éliane Assassi, président du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.

En conséquence, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande à ce que ce projet de loi dont l'examen était initialement prévu le jeudi 19 juillet, soit inscrit à l'ordre du jour du jeudi 26 juillet à 10 h 30.

Acte est donné de ces demandes.

Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes sera d'une heure.

Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 25 juillet à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi relative à l'encadrement de l'usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Utilisation du téléphone portable dans les écoles et collèges (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges.

Discussion générale

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Je me réjouis de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi, qui concrétise un engagement de campagne du président de la République.

Interdire l'usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges répond à des enjeux éducatifs et de vie scolaire. Cela permettra aux élèves une meilleure attention et concentration pendant les cours et en récréation, cela facilitera une vie sociale harmonieuse, avec des échanges entre élèves et de l'activité physique, comme on le voit là où il est déjà interdit.

L'usage des téléphones portables occasionne des vols, de la casse, du cyber-harcèlement. Ils permettent l'accès aux images choquantes, pornographiques ou violentes. Limiter le plus possible leur usage dans les établissements ne les éradiquera pas mais en limitera la diffusion et l'influence. Cette mesure peut, je le crois, faire l'objet d'un consensus.

Nous pouvons partager le constat. Mais certains s'interrogent sur la nécessité de légiférer.

L'article L.511-5 du code de l'éducation interdit l'usage des téléphones portables pendant les activités d'enseignement et dans les lieux prévus à cet effet aux termes du règlement intérieur de l'établissement. Mais le juge administratif émet des doutes sur la validité des interdictions générales émises par le pouvoir réglementaire. Il faut donc voter cette proposition de loi pour que l'interdiction soit effective et générale dans toutes les écoles et tous les collèges. Notons également la souplesse permise par le texte dans la mise en oeuvre de cette interdiction, dont les modalités pourront être précisées dans le règlement intérieur de chaque établissement, selon l'article premier.

Contrairement à ce que je peux entendre parfois, Il n'est pas question d'imposer des casiers dans tous les établissements, mais de permettre que ce soit le cas. Chaque établissement appliquera comme il le peut cette interdiction, à l'aide d'un vade-mecum que le ministère publiera prochainement. Pour toutes ces raisons, Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Je ne vous cacherai pas que, lorsque j'ai été nommé rapporteur de cette proposition de loi, je me suis interrogé sur le bien-fondé de ce texte.

Comme bon nombre d'entre vous, mes interrogations portaient sur la nécessité de légiférer sur un tel sujet, si ce n'est pour mettre en oeuvre une promesse de campagne du président de la République. L'application d'un programme électoral, fût-il présidentiel, ne me pose aucun problème. Encore faut-il qu'il corresponde à un vrai besoin, particulièrement en ces temps où l'on nous propose de réviser la Constitution, avec notamment pour objectif de légiférer mieux et moins.

La perception par l'opinion publique est plus nuancée qu'il n'y paraît au premier abord, et il ne faudrait pas interpréter l'enthousiasme général que chacun d'entre nous a pu observer dans les rues ces dernières heures dans tout le pays comme une adhésion profonde à cette initiative. (Sourires)

Certes, les parents et les enseignants l'accueillent plutôt avec bienveillance, mais ne manquent pas de faire observer qu'il est plus facile d'interdire le téléphone portable dans les établissements scolaires que dans les prisons.

Beaucoup d'entre vous estiment que les dispositions de la proposition de loi ne relèvent pas du domaine de la loi, car il existe déjà des dispositions législatives -  perfectibles - à ce sujet.

Introduit par la loi Grenelle Il du 12 juillet 2010, l'article L. 511-5 du code de l'éducation interdit l'utilisation par un élève du téléphone portable « durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur ». La loi de 2010 obéissait à une autre logique, celle de la protection des élèves des ondes électromagnétiques.

Aujourd'hui, nous sommes amenés à revoir notre copie mais dans une tout autre perspective, celle de la vie scolaire et de la réussite des élèves. La présence dans les établissements scolaires des smartphones, qui équipent près de neuf adolescents sur dix, et leur utilisation sont lourdes de conséquence dans la vie quotidienne des établissements scolaires.

D'abord parce que leur utilisation perturbe les enseignements et constitue un facteur d'indiscipline en classe. La sollicitation permanente des élèves a des conséquences directes sur leurs capacités d'attention et d'apprentissage.

Ensuite, les conséquences sont parfois graves : prises de vue sans consentement, harcèlement sur Internet, exposition à la pornographie. Du fait de leur prix, ils sont aussi l'objet de vols et de querelles.

Enfin, alors que l'école est un lieu de sociabilité, l'usage du smartphone alimente le repli sur soi de certains élèves.

Les auditions que j'ai menées permettent de conclure que, lorsque l'utilisation des téléphones portables a été interdite dans toute l'enceinte de l'établissement, comme cela est déjà le cas dans certains, cela s'est traduit par des conséquences positives tant sur les apprentissages que sur le climat et la vie scolaires.

La simplicité et la lisibilité de l'interdiction facilitent son appropriation par les élèves et leurs parents ; son extension à l'ensemble de l'établissement s'est traduite par un moindre nombre d'incidents en classe, où l'usage était déjà interdit et par un moindre nombre de confiscations. En outre, le climat scolaire s'est amélioré et l'on observe une plus grande socialisation entre élèves, les jeux de ballon faisant par exemple leur retour dans les cours de récréation.

Pour en revenir au cadre juridique, l'article L. 511-5 présente deux défauts majeurs. D'une part, il distingue les activités d'enseignement, pendant lesquelles l'utilisation du téléphone portable est interdite, des autres temps de présence dans les établissements, cette disposition ne permet pas au règlement intérieur d'interdire l'utilisation du téléphone portable de manière générale et absolue. Hors de la classe, la liberté d'usage doit demeurer la règle.

Si un grand nombre d'écoles et de collèges, dans des proportions que le ministère est incapable de mesurer, mettent en oeuvre cette interdiction, la légalité de cette mesure est très fragile et, dans certaines académies, les services juridiques des rectorats s'y opposent.

Deuxièmement, en interdisant de manière absolue toute utilisation du téléphone portable pendant les activités d'enseignement, l'article L. 511-5 place les établissements et les enseignants ayant recours à ce que l'on nomme le bring your own devise (BYOD) - que l'on peut traduire en « apportez votre propre appareil » - dans une situation d'illégalité. Cela est problématique dans la mesure où le BYOD tend à se développer. Un certain nombre de collectivités territoriales envisagent d'y recourir, afin de rompre avec les politiques d'équipement de l'ensemble des élèves, très coûteuses et peu efficientes.

Se pose également la question de la confiscation, qui constitue, après la réprimande, la solution la plus courante pour mettre fin à une utilisation illicite du téléphone portable. Son cadre juridique est incertain et fait l'objet d'interprétations contradictoires. Si elle est largement pratiquée, elle n'est mentionnée dans les circulaires ministérielles que dans le cas d'objets dangereux ou toxiques, définition à laquelle les téléphones portables ne correspondent pas. Notons que le site service-public.fr affirme que « la confiscation du téléphone n'est pas autorisée ».

Les chefs d'établissement et les enseignants souhaitent voir sécurisées leurs pratiques et clarifié ce cadre juridique, d'autant que la confiscation est souvent la principale source de tension avec les récalcitrants.

Y avait-il urgence à légiférer sur cette question au milieu d'une session extraordinaire chargée ? Amenée à se prononcer sur ce texte, notre commission a adopté une démarche constructive, visant à améliorer ses dispositions dans l'intérêt général.

La proposition de loi clarifie en effet le cadre législatif de l'interdiction du téléphone portable : à l'autorisation de principe dans l'établissement assortie d'une interdiction absolue dans la classe, l'article premier substitue une interdiction de principe dans l'établissement, le conseil d'école ou d'établissement pouvant y définir des exceptions.

J'insiste sur la nécessité de renvoyer au conseil d'école ou au conseil d'administration la définition des lieux et des circonstances dans lesquelles il peut être dérogé au principe d'interdiction. Cela permettra d'adapter la portée de l'interdiction au contexte de chaque établissement et, à l'occasion de la révision du règlement intérieur, de construire un consensus au sein de la communauté éducative sur cette question, qui facilitera l'application de la règle.

Notre commission a considéré qu'en clarifiant ainsi le cadre législatif, la proposition de loi donnait une plus grande sécurité aux chefs d'établissement et aux enseignants et qu'elle envoyait un signal fort aux élèves et à leurs parents. J'espère qu'elle participera de la prise de conscience de la nécessité de construire un rapport équilibré aux écrans, en particulier pour les enfants.

Les apports de la commission de la culture obéissent à trois principes : cohérence, confiance et simplification.

La cohérence, avec l'extension du champ de la proposition de loi aux lycées. Compte tenu de la différence d'âge et de situation, nous avons fait le choix d'un régime ad hoc, distinct de celui applicable dans le primaire et les collèges. Il s'agit d'une « autorisation d'interdire » donnée au conseil d'administration, ce qui est particulièrement à propos cinquante ans après mai 1968.

Nous avons aussi voulu marquer notre confiance envers les chefs d'établissement et les enseignants, en laissant les établissements libres de fixer les règles les plus appropriées à leur situation particulière, sans les enserrer dans une réglementation bavarde et inutilement précise. C'est en particulier le cas s'agissant de la confiscation des appareils : le texte adopté par l'Assemblée nationale entrait sur ce point dans un luxe de détails inutile et nuisible. Notre commission a entièrement réécrit ces dispositions pour n'en conserver que le principe et renvoyer ses modalités d'application aux établissements, qui sauront adapter leur règlement intérieur en fonction de leur situation.

Nous avons simplifié en supprimant les dispositions ne relevant pas du domaine de la loi ou non normatives ainsi que des précisions inutiles.

Cette proposition de loi somme toute modeste ne doit pas nous exonérer d'un débat plus global sur la place du numérique dans l'éducation et d'une éducation au numérique, dont la présidente Catherine Morin-Desailly a rappelé l'urgence dans son récent rapport d'information.

Dans son ouvrage Transmettre, apprendre, Marcel Gauchet observait qu'« il est impossible à l'école, au risque de se détruire, d'être complètement en phase avec le contemporain. Sa fonction de tradition lui impose d'être toujours en décalage avec les mutations sociales et techniques, ainsi d'ailleurs qu'avec l'événement (...). L'institution scolaire est dans une autre temporalité, faite de rapport au passé, d'anticipation raisonnée du futur, et de lenteur dans l'acquisition des savoirs ».

Puisse ce texte contribuer à ce que l'école demeure fidèle à sa vocation, qu'elle soit un lieu de concentration, de sociabilité et d'apaisement, où les élèves de notre pays sont mis dans les meilleures conditions pour apprendre et s'élever. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de la Provôté applaudit également.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Lozach et les membres du groupe socialiste et républicain.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire (n° 625, 2017-2018).

Mme Claudine Lepage .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Il n'y a pas lieu de légiférer sur ce sujet. Point d'angélisme là-dedans : nous n'ignorons pas les ravages du portable. Mais les responsables d'établissements scolaires n'ont pas attendu que le législateur se saisisse de la question. L'article 511-5 du code de l'éducation, de plus, a déjà réglé la question, tout en laissant une marge d'autonomie aux établissements dans leur règlement intérieur.

Dans les règlements intérieurs qui sont généralement revus tous les ans, on trouve toujours plusieurs lignes détaillant les interdictions d'usage de ces appareils et les sanctions associées.

Un exemple : dans une cité scolaire parisienne, collège et lycée, les téléphones portables doivent être éteints dans l'établissement ; leur usage est cependant toléré dans la cour. La prise de photos et de vidéos est cependant interdite. Autre exemple, dans un collège : l'utilisation de tous types de téléphones portables est interdite au sein des bâtiments et durant tous les enseignements. En cas d'utilisation, l'appareil sera retiré à l'élève et remis à son responsable légal.

Les établissements savent s'organiser ; ils ont su faire évoluer leur règlement intérieur avec les pratiques des élèves.

Avec l'article 511-5, voté en 2010, les chefs d'établissement ont pris conscience des dangers du portable. Ils ont associé la communauté éducative à leur réflexion.

Ce texte ne sert à rien, sinon à entamer l'autonomie des établissements, avec cette interdiction pure et simple, sauf autorisation expresse.

M. Jacques Grosperrin.  - C'est pragmatique !

Mme Claudine Lepage.  - Non, cela va complexifier la mise en place de règles précises. Il est toujours plus compliqué de prévoir des exceptions qu'une interdiction claire. Ni le syndicat majoritaire des chefs d'établissement ni ceux des parents d'élèves n'étaient demandeurs d'un tel texte. Seule une extension aux lycées de cet article pouvait se justifier.

On demande là encore au Parlement de servir de caution à la communication du Gouvernement et à sa majorité. Comble de démagogie, les députés ont ajouté des articles pour renforcer l'éducation au numérique, supprimé par notre commission, et pour sensibiliser les élèves et les étudiants aux dangers d'Internet, déjà satisfait.

On s'étonnera aussi de la possibilité d'expérimentations sur les outils et ressources numériques, prévus à l'article 4, inutiles car les établissements le font déjà souvent et de portée normative très limitée... Le législateur se donne ainsi bonne conscience ; telle n'est pas notre conception de son rôle. Il faut mieux appliquer l'interdiction existante, et non faire une nouvelle loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur.  - Je conçois votre enthousiasme mesuré ; mais votre motion ne fait qu'allonger les débats et elle supprimerait les apports pragmatiques de notre commission.

M. Lozach, auteur de la motion, a entendu les chefs d'établissement qui demandaient ce texte, car ils savent leurs règlements intérieurs juridiquement fragiles. Simplification, clarté, sécurité, voilà ce qui a guidé notre action.

De plus, il est impossible, dans le droit en vigueur, d'interdire l'usage des portables dans toute l'enceinte de l'établissement. Avis défavorable.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Avis défavorable aussi, et j'en trouve la justification dans votre argumentation même, Madame la Sénatrice. Vous avez dit que le téléphone portable était un fait de société inquiétant : je le confirme.

Vous parlez d'opération de communication du Gouvernement, mais vous formulez des critiques sur le fond de ce texte : cette proposition a donc bien une substance.

Il aurait été plus simple de faire un décret ; ce n'est pas par masochisme que je suis devant vous, mais après une analyse juridique de mes services.

Vous avez démontré l'hétérogénéité des situations ; c'est justement de cela que nous ne voulons plus. L'interdiction a eu des effets positifs, c'est pourquoi nous voulons en faire bénéficier tous les établissements.

La loi va aussi apporter une sécurité juridique aux établissements, notamment sur le sujet des confiscations. Elle n'est absolument pas anodine. (MM. André Gattolin et Olivier Léonhardt applaudissent.)

La motion n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

Mme Mireille Jouve .  - Voici plus d'un demi-siècle, la télévision entrait dans les foyers bouleversant les habitudes. C'est pourtant modeste à l'aune des changements introduits par Internet et le téléphone portable. Il suffit de lever les yeux dans les transports en commun à l'heure des migrations pendulaires : la presque totalité des voyageurs ont leurs yeux rivés sur leurs écrans.

Mme Éliane Assassi.  - Comme au Sénat ! (Sourires)

Mme Mireille Jouve.  - Attention aux pratiques addictives. Le portable peut enfermer les jeunes, les couper de l'influence des parents au profit des réseaux sociaux. Les téléphones intelligents favorisent aussi la fraude, la violence et le vol.

C'est enfin un enjeu pédagogique : faire la discipline en classe, c'est perdre du temps pour l'enseignement. L'expérience a montré que leur interdiction améliorait la concentration et les résultats, notamment pour les élèves les plus fragiles.

La communauté éducative a pris conscience de la nécessité d'agir. Nombreux sont les règlements intérieurs des collèges interdisant les téléphones portables en classe. Le cadre juridique reste toutefois incertain. Les dispositions inscrites dans la loi Grenelle II en 2010 sont motivées par des préoccupations de santé publique et ne permettent pas une interdiction générale et absolue ; elles restent donc fragiles et font l'objet d'interprétations diverses. Les mobiles multifonctions ne peuvent en outre pas être utilisés en classe à des fins pédagogiques.

Ce texte nous semble apporter des réponses pour répondre à cette insécurité juridique. L'élargir au lycée semble possible, avec des garanties spécifiques.

Nous partageons la volonté de préserver l'autonomie de la communauté éducative, mais celle-ci souhaite un cadre plus sécurisant.

Sur la forme, nous sommes plus réservés. La voie législative ne s'imposait peut-être pas. Le calendrier retenu prête aussi au questionnement, alors que des textes d'envergure se succèdent.

Nous adhérons cependant aux propositions de la commission de la culture. L'univers numérique évoluant vite, il est probable que nous reviendrons sur ces dispositions. Une réflexion plus globale restera nécessaire ; le Sénat s'y emploie - je songe au rapport de la présidente Morin-Desailly sur la formation au numérique. Sachons bâtir un rapport équilibré au progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants et LaREM)

M. Antoine Karam .  - À l'Assemblée nationale, comme dans notre commission, le changement de paradigme substituant un régime d'autorisation à un régime d'interdiction assorti d'exceptions a suscité un certain scepticisme sur l'utilité de légiférer. Admettons toutefois que nous sommes d'accord sur l'objectif - interdire le téléphone portable dans les établissements scolaires  - et que ce texte nous interroge sur nos rapports au téléphone portable, qui a pris une place grandissante, voire inquiétante, dans nos vies et celle de nos enfants. À l'école, pilier sacré de notre pacte républicain, le sujet prend un relief particulier. Admettons aussi que le cadre juridique est défaillant. La loi ne permet pas d'interdire le téléphone portable dans toute l'enceinte des établissements, le principe de libre utilisation hors de la classe demeurant la règle.

Le téléphone portable induit pourtant des risques qui vont au-delà de la triche : harcèlement, rachat, contenus inadaptés, j'en passe.

Les enjeux sont lourds : assiduité des élèves, climat scolaire, plus encore la santé publique, avec troubles du sommeil et addiction. Ce texte ne règlera pas tout, certes. D'aucuns le qualifient de coup de communication... Mais ne le balayons pas d'un revers de main, s'il apporte une pierre aussi modeste soit-elle, à l'édifice de l'école républicaine. Montrons au contraire que nous légiférons dans le concret. Je soutiens les améliorations apportées en commission, et proposerai de rétablir à l'article premier la précision selon laquelle les usages pédagogiques sont exclus du champ de ce texte.

Longtemps enseignant, je réfute le fétichisme du papier et la vision binaire qui exclut le numérique des bons usages.

Le groupe La République en Marche votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Pierre Ouzoulias .  - (Mme Michelle Gréaume applaudit.) « Lit de justice » : sous l'Ancien Régime, l'expression désigne la procédure par laquelle le souverain pouvait imposer la volonté au Parlement qui devenait alors une chambre d'enregistrement, selon l'adage Adveniente principe, cessat magistratus, (Exclamations à droite) « Lorsque le prince vient, le magistrat s'interrompt ».

À lire le texte de la rapporteure de l'Assemblée nationale sur cette proposition de loi, celui de son collègue président de la commission de la culture et des députés de leur majorité, on peut se demander si sa première et seule légitimation ne réside pas dans l'obligation acceptée de satisfaire, selon la même sentence, un engagement pris par le président à l'occasion de sa campagne. Ainsi, avec une certaine ingénuité, la rapporteure à l'Assemblée nationale, notre collègue Mme Cathy Racon-Bouzon, déclarait : « Comme vous le savez, cette proposition de loi vient mettre en oeuvre un engagement pris par le président de la République lors de sa campagne ; l'objectif est que cette réforme s'applique à partir de la rentrée scolaire de 2018, sous réserve bien évidemment du déroulement de nos débats à l'Assemblée, puis au Sénat ». Nous aurions l'envie d'ajouter : « Si veut le roi si veut la loi » ! Cette forme de servitude volontaire exprime l'inclinaison vers laquelle est entraînée la réforme constitutionnelle en cours.

La proposition de loi est l'instrument de l'initiative parlementaire en matière législative. En l'occurrence, l'Assemblée nationale l'a mise à disposition de l'expression de la volonté présidentielle. Nous savons gré à notre collègue députée de nous laisser encore la liberté de maîtriser le déroulement de nos débats. En revanche, je m'associe aux remerciements adressés à notre collègue Stéphane Piednoir qui a tenté de faire la part des choses et de donner un peu de substance juridique à un texte qui en était singulièrement dépourvu.

L'article L. 511-5, sans ambiguïté, porte une interdiction générale de l'utilisation du téléphone dans les établissements cités, tout en laissant la possibilité aux équipes pédagogiques de définir, par le règlement intérieur, les lieux où elle ne s'exercerait pas.

La nouvelle rédaction n'apporte aucune extension ou confortation juridique majeure au dispositif actuel. Ses seules plus-values concernent l'ajout de la notion « d'équipement terminal de communications électroniques » à celle de « téléphone mobile » et la mention explicite dans la loi de la possibilité d'interdire ces équipements dans les lycées par le biais des règlements intérieurs et de pouvoir en autoriser la confiscation.

Ces précisions méritaient-elles une proposition de loi inscrite dans l'agenda d'une session extraordinaire déjà surchargée par l'examen de textes qui auraient mérité des débats moins entravés ? Les échanges à l'Assemblée nationale et au Sénat évoquent une défaillance du droit actuel et un vide juridique. Dans la pratique, l'article L. 511-5 ne s'est pas révélé inapproprié et n'a pas placé les équipes pédagogiques dans des situations de fragilité juridique. Bien au contraire, il aurait été précieux de dresser un bilan des expériences qui ont permis, dans de nombreux établissements, aux enseignants de mettre à profit la discussion collective sur le règlement intérieur pour engager un débat très utile, avec les élèves et leurs parents, sur les conditions d'utilisation des téléphones. Pourquoi faudrait-il absolument valider par la loi les bonnes pratiques locales alors qu'il suffirait de leur donner la publicité qu'elles méritent pour en favoriser la diffusion ? La vérité ne procéderait-elle que du haut vers le bas ? Effaré par la minceur du sujet de cette proposition de loi, je me suis finalement demandé si son objet inconscient n'était pas de soigner un mal-être général et d'exiger de l'enfant une pondération que l'adulte n'arrivait plus à s'imposer : quand je vous vois consulter vos téléphones portables, mes chers collègues, je me dis que je suis dans le vrai ! (Exclamations et rires)

M. François Bonhomme.  - Nous ne sommes pas à l'école !

M. Pierre Ouzoulias.  - Sur le fond, car il ne faudrait pas que ces ratiocinations nous le fassent oublier, il est urgent d'ouvrir un vaste chantier de recensement, d'évaluation et de confrontation des expériences foisonnantes réalisées dans l'utilisation du numérique pour l'enseignement.

Forte de son indépendance, de ses compétences reconnues dans ce domaine et de son esprit constructif, notre Haute Assemblée est à votre disposition pour engager avec tous les acteurs la réflexion sur ces sujets et c'est peut-être l'utilité de la présente proposition de loi que d'en avoir montré l'urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR, UC et sur divers bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sonia de la Provôté .  - De prime abord, encadrer l'utilisation du téléphone portable peut sembler accessoire au regard des sujets vastes que soulèvent l'école et l'éducation aujourd'hui. À l'heure de la révision de la Constitution, se pose d'abord la question de la séparation des domaines de la loi et du règlement : le bac, lui, est strictement réglementaire. Nous ne pourrons donc débattre de ce sujet majeur.

L'article L. 511-5 autorise le téléphone portable sauf exception ; ce texte renverse le dispositif. L'utilisation des portables à l'école est un vrai sujet, certes. L'émergence d'Internet et des réseaux sociaux freine l'apprentissage et dissipe les enfants. Mais plus largement se pose la question de l'éducation au numérique. Il faut donc encadrer, mais avec discernement.

Ce texte donne une base au corps éducatif. De nombreux établissements scolaires interdisent déjà les téléphones portables mais avec une base juridique fragile. Une interdiction législative est la voie la plus sûre, mais ne résout pas le problème de l'éducation à ces outils.

Or l'usage du smartphone se développe : 86 % des jeunes entre 12 et 17 ans en ont un, 63 % des 11-14 ans sont inscrits sur au moins un réseau social ; un collégien passe en moyenne 7 heures et 48 minutes par jour devant un écran.

Tous les écrans peuvent contribuer au harcèlement ou à la diffusion de contenus violents ou pornographiques, sans parler des violences, des rackets et vols. Les interdire en classe favorisera l'attention et la concentration indispensables. Les études en neurophysiologie confirment les conséquences des portables sur le fonctionnement des cerveaux des plus jeunes.

Les articles 3 et 4 tentent de donner un contenu à cette éducation. L'école du XXIe siècle doit former au numérique. Ce sujet fera, nous l'espérons, l'objet d'une discussion à venir au Sénat.

Le groupe UC soutient l'extension au lycée et la précision apportée aux modalités de la confiscation. Nous saluons le travail en ce sens du rapporteur.

Privilégiant l'autonomie des établissements et l'appropriation de la règle par la communauté éducative, la commission a également supprimé les dispositions superfétatoires, dont l'article 2.

Le groupe UC votera ce texte et attend un débat plus vaste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Jacques Lozach .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Cette proposition de loi a été accueillie par nombre d'entre nous avec circonspection. Certes, il est toujours bon de respecter les engagements pris lors d'une campagne électorale. Mais l'article L. 511-5 du code de l'éducation fournit déjà une base législative appropriée pour l'utilisation du portable dans les établissements scolaires. S'agit-il d'étendre la notion de téléphone mobile pour inclure les nouveaux appareils électroniques ? De revenir sur la souplesse des règlements intérieurs d'établissements scolaires ?

Le Gouvernement ne fait pas la démonstration de l'irrépressible nécessité de rogner l'autonomie des établissements scolaires, jetant une pierre de plus dans le jardin de la décentralisation, comme ce qui s'est passé la semaine dernière avec le texte sur la liberté de choisir son avenir professionnel : je fais allusion à l'apprentissage dont la compétence était exercée par les conseils régionaux.

En matière de simplification législative et réglementaire que nous souhaitons, cette proposition de loi fait le chemin inverse. Le renversement du principe d'autorisation assorti de règles d'interdiction risque de provoquer une inflation des règlements intérieurs, sans parler de la nécessité de prendre en compte toutes les situations susceptibles de permettre un usage encadré de ces dispositifs électroniques.

Je fais confiance aux communautés éducatives qui sauront encadrer au mieux l'utilisation des portables. Concernant les règles de saisie des appareils, chaque établissement peut actuellement définir sa politique. Pourquoi priver ainsi les acteurs de terrain de leurs capacités d'adaptation ?

Il ne reste plus grand-chose de la proposition de loi initiale. Son titre même a été modifié ! De plus, un nouveau texte sur l'éducation au numérique devrait nous être présenté dans les prochains mois. Le Gouvernement prend le risque de complexifier la situation au sein des établissements.

En commission, les fédérations de parents d'élèves et les syndicats de chefs d'établissement - les plus représentatifs du moins - n'étaient pas même demandeurs...

Je salue la suppression de l'article 2 qui creusait le sillon, décidément fertile, des déclarations de principe sans portée normative.

De même, la suppression à l'article 3 de la « citoyenneté numérique » est une bonne chose : la citoyenneté est un tout !

Nous sommes tous conscients des dérives liées à un abus des téléphones intelligents, qui débordent l'enceinte éducative.

La modification législative en jeu relève de la déclaration performative mais ici dire n'est pas faire. On ne voit pas en quoi ce texte et les changements qu'il entend opérer sont de nature à faciliter la mise en oeuvre de la régulation de l'usage de ces appareils électroniques. Le renversement de la logique vers une interdiction générale assortie d'exceptions ne résoudra pas, comme par enchantement, l'existence de situations potentiellement conflictuelles. Mieux aurait valu des solutions locales.

Le Sénat, mais aussi l'Assemblée nationale travaillent sur le sujet plus large de l'école et du numérique. Les débats auraient été préférables dans le cadre d'une initiative législative plus large. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Colette Mélot .  - C'est notre vision de l'éducation à l'heure du numérique qui est en jeu. L'interdiction de l'usage du téléphone portable à l'école était une promesse de campagne. « Des règles pour éviter le pire » disait Mounir Mahjoubi.

Bill Gates et Steve Jobs avaient déjà tiré la sonnette d'alarme, le premier interdisant à ses propres enfants d'en user avant 14 ans. Quant au second, il échangerait toute sa technologie pour une après-midi avec Socrate... L'âge moyen de première acquisition d'un téléphone portable est de 10 ans.

L'école doit rester un sanctuaire. Nous connaissons les effets délétères du portable : troubles de l'attention et du comportement, myopie, troubles de l'apprentissage, risque d'exposition aux contenus violents, pornographiques et cyberharcèlement sans parler des risques de dépression accrus avec l'utilisation des réseaux sociaux.

La London School of Economics a montré que les résultats scolaires s'améliorent après une telle interdiction de l'utilisation du portable. Aussi cette proposition de loi est-elle bénéfique. Je me réjouis de l'adoption en commission d'un amendement visant à laisser à l'établissement la liberté de définir le mode de restitution de l'objet confisqué. J'avais moi-même déposé un amendement dans ce sens.

Pour autant, l'utilisation des téléphones et tablettes à des fins pédagogiques reste possible. Je pense d'ailleurs que le numérique est la voie de prédilection vers l'auto-apprentissage. Aux États-Unis, la plateforme dématérialisée HarvardX met à disposition du monde entier des cours de très haut niveau. Frédéric Taddeï, dans son rapport « Vers une société apprenante » qu'il a rendu en avril dernier, propose la création d'un campus numérique national pour fédérer les apports de chaque établissement d'enseignement.

Pour limiter les effets néfastes sur les enfants de l'exposition aux écrans dans le cadre des activités pédagogiques, je défendrai un amendement visant à équiper les écrans utilisés par les élèves de filtres à lumière bleue. La rétine des élèves les plus jeunes est particulièrement vulnérable à cette lumière émise par les écrans.

Ce texte est une première étape sur le chemin de l'équilibre entre développement technologique et capacité de la société à en faire bon usage. Ne donnons pas raison à Albert Einstein qui disait que « notre technologie a dépassé notre humanité ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et UC)

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La percée du smartphone chez les jeunes a été fulgurante. La part des jeunes de 12 à 17 ans équipés d'un téléphone portable a quadruplé en six ans.

Le téléphone ne sert plus qu'à téléphoner : naviguer sur Internet, prendre des photos, faire des films, visionner des vidéos, jouer et, bien sûr, échanger des messages. Ces smartphones soulèvent donc des enjeux pédagogiques et disciplinaires et concernent particulièrement les collèges, mais pas que. La possession de ces outils de communication est de plus en plus fréquente dès l'école élémentaire.

Les téléphones affirment des disparités sociales entre les élèves, de la même manière que les vêtements ; et comme je suis pour l'uniforme à l'école, je suis pour l'interdiction de ces objets pouvant créer un climat de compétition malsain. L'école doit être un lieu d'apprentissage dans lequel les inégalités ne doivent pas se creuser. J'ajoute que ces objets sont fragiles et chers. Les questions de racket et de responsabilité en cas de détérioration risquent de causer des problèmes dont la communauté éducative se passerait bien.

Pendant les cours, ces smartphones distraient, favorisent la paresse, puisque l'élève n'a plus besoin de puiser dans ses connaissances ; ils facilitent le plagiat et la triche. Une étude de la London School of Economics l'a montré, les élèves en grande difficulté profitent de la limitation de l'usage du smartphone.

Mais cette mesure n'aura pas uniquement des effets bénéfiques sur la réussite scolaire, elle permettra d'intégrer une politique de prévention vis-à-vis des risques du smartphone sur la santé. L'enfance et l'adolescence sont des périodes charnières de construction psychiques. Or on parle de plus en plus de troubles de l'attention et de la concentration ainsi qu'une forte agitation en-dehors des heures de classe. La fameuse lumière bleue des écrans amène les enfants à retarder l'heure du coucher, l'endormissement devient plus difficile et le sommeil de moins bonne qualité, sans parler des radiofréquences, dont l'Anses a souligné, en 2016, que les enfants pouvaient y être plus exposés que les adultes. Nous pouvons inclure dans les impacts sur la santé les répercussions psychologiques du cyberharcèlement entre élèves ou à l'encontre d'un professeur ainsi que des contenus non adaptés à un public jeune auxquels les enfants ont accès sur un Internet non contrôlé par les adultes.

L'institution scolaire doit donc contrôler cet usage. Elle est là pour donner l'exemple aux enfants, mais aussi aux parents.

Que des enfants, avant de savoir écrire ou parler, sachent se servir des smartphones de leurs parents n'est pas un progrès. C'est la preuve que les parents ont cédé à la facilité, car un écran fascine, empêche de pleurer... Le plan numérique pour l'éducation de 2015 avait fait l'impasse sur la prévention des risques du numérique. Un exemple en Alsace de dix jours sans écrans dans une classe de CM2 a donné des résultats tangibles sur la concentration des élèves.

J'entends toutes les critiques, j'entends que le règlement intérieur peut encadrer l'usage mais, pour moi, ce texte est un bon signal fort. L'école est faite pour apprendre.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jacques Grosperrin.  - L'école doit être un lieu de travail. Le pragmatisme des sénateurs doit l'emporter sur les postures politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Laure Darcos .  - Les précisions apportées par la commission n'étaient pas inutiles. Un juriste, comme vous, Monsieur le Ministre, n'ignore pas l'adage latin : Plurimae leges, pessimae leges. Plus les lois sont nombreuses, pires elles sont.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Laure Darcos.  - Notre droit positif prévoit déjà, depuis la loi de 2010, une interdiction du portable pour les enfants des écoles maternelles et élémentaires et pour les collégiens. Mais je ne souhaite ni polémiquer sur la portée concrète de cette interdiction ni entrer dans une opposition stérile. Espérons que cette discussion parlementaire servira à sensibiliser les familles aux conséquences d'un usage excessif ou inapproprié du téléphone portable chez les enfants et les adolescents. Mais il est urgent d'agir, les jeunes de 7 à 12 ans sont connectés à Internet 7 heures par semaine, 15 heures voire davantage pour les 12-19 ans. Pas moins de 93 % des collégiens sont sous le seuil de sédentarité.

L'exposition de nos jeunes aux écrans n'est pas sans conséquence - de nombreuses études l'ont montré, de celles de l'Anses, de l'Académie des sciences ou encore des professionnels de santé - mais nous sommes ici pour nous interroger sur les risques liés à une exposition à des contenus inappropriés dans l'enceinte des établissements scolaires, notamment à l'heure de la récréation et de la pause méridienne. Car il est à craindre que ces temps partagés puissent être l'occasion d'émulations malsaines liées à des phénomènes de groupe. Marie Mercier relève, dans son rapport consacré à la protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, l'hypersexualisation des enfants exposés à des contenus pornographiques.

La responsabilité première incombe cependant aux familles. L'école ne peut pas tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson .  - Nous sommes unanimes pour interdire le téléphone portable à l'école. Si l'école est un lieu où on transmet le savoir être, le savoir-faire, elle doit être un sanctuaire laïque et républicain. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.) Je citerai non un adage latin, mais Jean Zay : « Les querelles des adultes doivent rester aux portes de l'école ». Les députés ont jugé que les seuls règlements intérieurs n'ont pas une portée suffisante. Fallait-il une loi ? Non, mais un décret serait passé inaperçu pour appliquer cette promesse de campagne. Cependant, l'initiative est sur le fond bienvenu puisqu'elle envoie un signal d'ordre.

M. Jacques Grosperrin.  - C'est cela qui est important !

M. Max Brisson.  - Merci au rapporteur pour ses modifications bienvenues.

Monsieur le Ministre, mes plus vives interrogations portent sur l'intérêt de débattre quelques heures sur ce sujet alors que tant de grandes réformes que vous portez - la réforme du baccalauréat, de la voie professionnelle, et d'ailleurs avec un réel succès, ne donneront pas lieu à une seule heure d'échange dans cet hémicycle. (Marques d'approbation dans les rangs Les Républicains et UC) Certes, ce n'est pas vous qui avez décidé de ce qui relève du réglementaire en matière d'éducation.

Je m'interroge également sur l'ordre dans lequel sont pris les sujets : réorganiser l'accès à l'université avant d'avoir réfléchi sur le baccalauréat, réformer l'apprentissage sans travail de fond sur la voie professionnelle, interdire le téléphone portable sans réfléchir au numérique à l'école ou aux effets de l'exposition aux écrans. La révolution numérique transforme l'accès à la connaissance, interroge le métier de professeur, bouscule le rapport entre le maître et l'élève, notre présidente de la commission de la culture a rendu un rapport riche sur ce sujet dont nous attendons de débattre.

Mais puisqu'il faut légiférer sur les téléphones portables à l'école ce soir, eh bien, légiférons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, SOCR et CRCE)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre .  - Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles une loi est nécessaire, sinon pour relever que beaucoup d'entre vous ont souligné l'importance du sujet tout en soutenant qu'il était indigne de vous. Pour adapter un autre adage latin, de minimis, non curat senator... (Applaudissements)

Une discussion législative plus large sur le numérique est à venir, elle tiendra compte des travaux du Sénat et de l'Assemblée nationale. Le débat sur ce texte est utile, les sujets qui ne relèvent pas de la loi trouveront leur place dans le vade-mecum.

La réforme de la voie professionnelle pas plus que les autres ne sera faite sans le Parlement. Malgré une hiérarchie des normes parfois surprenante en matière d'éducation, je suis toujours là pour vous répondre, que ce soit dans l'hémicycle ou en commission.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. François Bonhomme .  - Internet est un outil formidable mais il met en danger la relation verticale entre élève et professeur. Le téléphone portable est son cheval de Troie.

Ne nous racontons pas d'histoire, la société a été prise de vitesse par la technologie. Nous pouvons tous observer le spectacle affligeant de ce que sont devenues les cours de récréation envahies par les téléphones portables. Le goût de lire devient difficile à transmettre car il ne se développe que dans la solitude. L'école doit devenir le lieu par excellence de la déconnexion, elle doit être soustraite au brouhaha du monde. Le téléphone portable, c'est le règne de l'image au détriment de l'écrit, le flux d'informations au détriment de la méditation, du professeur qui doit se transformer en animateur pour espérer conserver l'attention de ses élèves.

Notre rapporteur a souligné la nécessité de ne pas être dans la même temporalité que la société. J'irai plus loin : l'école doit être anachronique.

Mme Cécile Cukierman .  - Chacun constate les bouleversements liés à la pratique de l'écran - à l'école et en dehors. L'école n'est pas coupée du monde et ne doit pas l'être. Interdire ou encadrer l'utilisation des téléphones, cela aidera-t-il les enseignants ? Je ne le crois pas. Pourquoi les enfants respectent-ils la règle, la défient-ils ? C'est tout l'enjeu. Il y a des choses qui ne se décrètent pas. Ce débat reste à construire.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 511-5. - Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l'utilisation durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d'un téléphone mobile est interdite.

II.  -  Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer cette phrase par les mots et une phrase ainsi rédigée :

si cette sanction est prévue par le règlement intérieur de l'établissement. Au plus tard à l'issue de la journée, l'appareil confisqué est remis à un des responsables légaux de l'élève ou, à défaut, à ce dernier.

M. Pierre Ouzoulias.  - J'ai été très attentif pendant le débat pour ne pas avoir utilisé mon téléphone portable. (Sourires) Les téléphones portables sont déjà interdits dans les classes « durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur ». Alors pourquoi, Monsieur le Ministre, 50 % des établissements n'appliquent-ils pas cette interdiction ?

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Karam et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 3

Après les mots :

par un élève est

insérer les mots :

, sauf pour des usages pédagogiques,

M. Antoine Karam.  - Il faut au principe général d'interdiction des téléphones portables dans les établissements scolaires une exception pour les usages pédagogiques. Il faut former les jeunes à l'usage et aux enjeux des nouvelles technologies, à commencer par les réseaux sociaux, en développant leur esprit critique. De nombreux professeurs ont recours aux outils numériques dans leurs enseignements.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°4, pour des raisons d'insécurité juridique déjà expliquées. Sa seconde partie contient des dispositions qui ne relèvent pas de la loi.

L'amendement n°7 me semble satisfait par la rédaction de la commission : rien n'empêche un établissement d'utiliser les téléphones comme outil pédagogique. Retrait ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La proposition de loi a pour objet de sécuriser l'interdiction de l'usage du portable, dont la légalité pourrait être contestée. La proposition de loi n'érige pas la confiscation du téléphone portable en sanction disciplinaire ; c'est plutôt une punition scolaire, qui relève du règlement intérieur plutôt que de la loi. Avis donc défavorable à l'amendement n°4.

L'amendement n°7 rétablit une exception au principe général d'interdiction du téléphone portable. Beaucoup d'établissements expérimentent l'utilisation du téléphone portable comme outil d'enregistrement audio, par exemple, pour les cours de langues vivantes ou pour la prise de photographies lors de travaux pratiques en sciences de la vie et de la terre. Le Gouvernement veut encourager ces expérimentations. Avis favorable.

M. François Bonhomme.  - Je suis opposé à l'amendement n°4. L'interdiction du téléphone portable doit être absolue ; elle évitera les circonvolutions actuelles. Elle a le mérite de la clarté : le téléphone portable n'est pas un ami de l'école, il n'est pas un ami de la connaissance ; il est un intrus dans la classe, qui défait le lien de verticalité entre l'élève et le maître.

Le ministre avait donné des signes mais on voit bien qu'il est gêné. Qu'il me permette de me faire l'interprète de sa conscience. (Sourires) Tablettes et téléphones portables sont un facteur de distraction, d'éparpillement... Ne cédons pas au totem technologique, il est encore temps d'agir pour que de nouvelles générations ne soient pas sacrifiées. Un philosophe a dit : « Qu'en sera-t-il quand nous aurons des crétins connectés ? »

M. Max Brisson.  - Ce débat le montre bien, nous mettons la charrue avant les boeufs. Il aurait fallu commencer par discuter des pratiques numériques, de la pédagogie numérique, de la place de l'enseignant qui n'est plus là pour transmettre des savoirs mais pour apprendre à apprendre. Certes, il importe de tenir des promesses de campagne mais cette proposition de loi prend la question par le petit bout de la lorgnette.

M. Antoine Karam.  - Tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne : il y a des établissements scolaires en Guyane sans un seul ordinateur. Dans ce cas, le professeur, qui détient un certificat d'enseignement numérique en sortant de l'ESPE, doit demander aux élèves de sortir leur portable... C'est ce qui a inspiré mon amendement pragmatique.

M. Jacques Grosperrin.  - M. Ouzoulias se demande pourquoi les chefs d'établissement n'appliquent pas tous la loi ? C'est qu'ils font parfois, eux aussi, de la politique... Pour parer aux conduites d'évitement, il faut interdire.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je m'abstiendrai de jouer la montre... Je partage en tout l'avis de M. Brisson. Monsieur Grosperrin, à l'époque où j'étais fonctionnaire, la circulaire ministérielle avait de la valeur... Pourquoi s'en priver ?

M. Jacques Grosperrin.  - Justement !

M. Pierre Ouzoulias.  - Certains règlements intérieurs interdisent les casquettes, les shorts et les décolletés excessifs... Nous faudra-t-on un jour légiférer sur la surface de peau visible autorisée ?

M. Jacques Grosperrin.  - Sur le voile, peut-être !

M. Jean-Jacques Lozach.  - À chaque amendement, nous buttons sur le même dilemme : la loi ou le règlement intérieur ? Mieux aurait valu un débat ambitieux sur la relation entre la société numérique et système éducatif.

L'amendement n°4 n'est pas adopté non plus que l'amendement n°7.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par M. Decool, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Chasseing, Malhuret et Wattebled.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'utilisation des téléphones, tablettes ou autre appareil de télécommunication par les élèves à des fins pédagogiques dans le cadre scolaire respecte les durées maximales d'exposition journalière recommandées à savoir : aucune exposition avant trois ans, trente minutes entre trois et six ans, deux heures de six à douze ans.

Mme Colette Mélot.  - Cet amendement limite la durée journalière d'exposition des élèves aux écrans des téléphones, tablettes et ordinateurs utilisés dans le cadre des activités pédagogiques. Une étude PISA datant de 2015 a montré que les enfants utilisant le moins les outils numériques dans le cadre scolaire en font meilleur usage car ils ont pu développer au préalable des capacités de synthèse et de hiérarchisation de l'information.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur.  - Avis défavorable. Une telle prescription ne relève pas de la loi ; son présupposé est contestable, puisque la surconsommation d'écrans a lieu d'abord à la maison. Enfin, il serait difficile de contrôler la durée d'usage... Retrait ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Même avis.

Mme Colette Mélot.  - Chacun l'aura compris, c'était un amendement de mise en garde.

L'amendement n°3 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mme Mélot et MM. Decool, Chasseing, Malhuret, Lagourgue et Wattebled.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les équipements utilisés par les élèves à des fins pédagogiques ou destinés aux élèves présentant un handicap ou un trouble de sante? invalidant pendant l'activité scolaire doivent nécessairement être équipés d'un filtre à lumière bleue.

Mme Colette Mélot.  - Chez l'homme, la lumière bleue a des effets physiologiques et des risques associés spécifiques, qui sont principalement une atteinte de la rétine et une perturbation de l'horloge biologique. Les jeunes constituent la population la plus vulnérable car leur exposition cumulée au cours du temps sera plus importante et leur cristallin transparent ne filtre pas la lumière bleue. D'où cet amendement.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur.  - L'intention est généreuse mais ne relève pas de la loi. Retrait ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Même avis.

Mme Colette Mélot.  - J'aurais tiré la sonnette d'alarme.

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré.

L'article premier est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Il est défendu.

L'amendement n°5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Il est défendu.

L'amendement n°6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

M. le président.  - Puisque le latin était à l'honneur, Quam prodicta dies... (Applaudissements)

Prochaine séance demain, mardi 17 juillet 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 25.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mardi 17 juillet 2018

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau - M. Dominique de Legge

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (n° 567, 2017-2018).

Rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 630, 2017-2018).

Avis de M. Marc-Philippe Daubresse, fait au nom de la commission des lois (n° 604, 2017-2018).

Avis de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 606, 2017-2018).

Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 608, 2017-2018).

Texte de la commission (n° 631, 2017-2018).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°219 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :318

Pour :205

Contre :113

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 142

Contre : 1 - Mme Vivette Lopez

Abstention : 1 - M. Michel Vaspart

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Guy-Dominique Kennel

Groupe SOCR (76)

Contre : 76

Groupe UC (50)

Pour : 50

Groupe RDSE (23)

Contre : 1 - M. Joël Labbé

Abstentions : 22

Groupe LaREM (21)

Contre : 20

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance

Groupe CRCE (15)

Contre : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 11

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 2

Abstention : 1 - Mme Christine Herzog

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Composition d'une éventuelle CMP

Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'encadrement de l'usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges sont :

Titulaires :

M. Jacques Grosperrin

M. Stéphane Piednoir

M. Max Brisson

M. Sonia de la Provôté

M Jean-Jacques Lozach

Mme Claudine Lepage

Mme Mireille Jouve

Suppléants :

Mme Annick Billon

Mme Laure Darcos

M. Antoine Karam

M. Jacques-Bernard Magner

M. Pierre Ouzoulias

M. Olivier Paccaud

M. Alain Schmitz