Conseils d'administration des SDIS (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote puis le vote sur la proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure d'examen en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Explications de vote

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois .  - Je tiens à remercier Catherine Troendlé, qui a ouvert nos yeux sur une situation, qu'il convenait de modifier. Les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels ne sont pas seuls, ils sont accompagnés par plus de 11 000 personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS), qui représentent 20 % des effectifs salariés des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Fonctionnaires territoriaux en majorité, ils exercent des fonctions support, parfois à un haut niveau de responsabilité.

Sans eux, les SDIS ne pourraient pas fonctionner. Ils ont parfois la vie de leurs collègues pompiers entre leurs mains, tels ceux responsables de l'entretien d'appareils respiratoires et des véhicules... Or ils ne sont pas représentés aux conseils d'administration des SDIS, où sont présents les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels.

Cette proposition de loi a été unanimement saluée par les acteurs, notamment syndicaux, et par les décideurs, le Gouvernement engageant la procédure accélérée afin de permettre son adoption rapide.

Je vous invite à adopter cette proposition de loi, en élargissant la représentation des PATS au sein des commissions administratives et techniques des services d'incendie et de secours (Catsis), consultées sur toute question technique et opérationnelle - le nombre en sera fixé par voie réglementaire. Le ministre nous a confirmé en commission que les représentants des PATS aux Catsis seraient au nombre de deux.

Les PATS auraient une voie consultative, contre deux aux conseils d'administration, pour respectivement les pompiers volontaires et professionnels, avec un parallélisme par rapport aux procédures d'élections des représentants des pompiers. Cela permettrait de ne plus laisser les PATS en bas de l'échelle. (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs à droite ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les SDIS comptent 11 217 PATS dans leurs rangs en 2017, soit 22 % du personnel des SDIS ; ils ont un rôle essentiel : la préparation opérationnelle des missions par le maintien en condition des engins de secours, des matériels de transmission et des équipements de sécurité notamment.

Cela justifie pleinement qu'ils soient représentés aux conseils d'administration et mieux reconnus : la proposition de loi répare cette injustice. J'en remercie Mme Troendlé et le rapporteur, qui ont écrit un texte qui satisfait tout le monde. L'amendement permettant aux PATS d'être représentés dans les Catsis a d'ailleurs été adopté à l'unanimité.

Le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sur ce texte pour qu'il entre en vigueur le plus vite possible. Je ne doute pas qu'il sera inscrit rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement est impliqué totalement en faveur des sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou bénévoles.

Nous prendrons une initiative européenne pour que ces derniers puissent concilier la vie professionnelle et leur engagement citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mmes Josiane Costes et Catherine Troendlé applaudissent également.)

M. Cyril Pellevat .  - Je voterai ce texte qui donnera aux PATS une voix consultative, ainsi que des représentants au sein de la commission administrative et technique des services d'incendie et de secours (Catsis). Merci au rapporteur Loïc Hervé.

Monsieur le ministre, vous parlez d'une initiative européenne pour garantir aux bénévoles de continuer à concilier librement leur engagement et leur activité professionnelle.

Cela nous rassure quelque peu car la directive était préoccupante en plafonnant à 48 heures par semaine le cumul du temps de travail et de volontariat notamment. La motion de Catherine Troendlé et Olivier Cigolotti, adressée au président de la Commission européenne, demandant le rejet de la reconnaissance des volontaires en tant que « travailleurs » au sens de la directive de 2003 dite DETT, a été cosignée par 252 sénateurs.

La mise à disposition des salariés aux SDIS, sur la base d'une contractualisation avec les employeurs, est très performante, notamment en Haute-Savoie. Elle pourrait être étendue. C'est sur des bassins montagneux et frontaliers comme les nôtres que nous avons besoin de maintenir des sapeurs-pompiers volontaires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Arnaud de Belenet .  - Comment ne pas s'associer à un texte qui met à l'honneur notre Haute Assemblée ? Il s'agit ici de résorber une rupture d'égalité entre PATS et sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, en termes de représentation aux conseils d'administration des SDIS et au sein de la Catsis.

Le support administratif a en effet une importance fondamentale pour les fonctions opérationnelles des SDIS. Espérons que cette initiative arrive à son terme.

Reste la question de la répartition des compétences entre les conseils départementaux et l'État, les départements assurant, avec les communes, le financement d'une politique de nature régalienne. Il conviendrait qu'ils disposent d'un rôle accru dans le processus décisionnel. La réflexion doit se poursuivre dans ce domaine.

Les sénateurs LaREM soutiennent cette proposition de loi. (Applaudissements sur le banc de la commission et sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC ; Mme Catherine Troendlé applaudit également.)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Cette proposition de loi de bon sens ne peut que recevoir notre approbation, d'autant plus que l'amendement adopté à l'initiative du rapporteur la complète de manière bienvenue.

Cela dit, la concertation entre ministère de la Santé et ministère de l'Intérieur accouche d'autres souris que les souriceaux habituels. (Sourires)

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Que c'est beau !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Peut-être faut-il y voir le fait que ce sont les collectivités locales qui financent ? Les sapeurs-pompiers sont pénalisés lorsqu'ils agissent pour autrui. La promesse de les exonérer des péages n'est toujours pas tenue. Et leurs budgets de fonctionnement devront diminuer de 2 %...

Plus ils agiront pour les autres, plus ils devront faire des économies... Y arriveront-ils toujours ? Quant aux plateformes d'intervention communes aux forces de sécurité et de secours, nous attendons encore...

Mme Catherine Troendlé.  - Depuis 2016 !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Peut-être après un drame comme celui de Strasbourg, le Gouvernement changera-t-il d'attitude ? Avec le Gouvernement « start-up » tous les doutes sont permis. Nous soutiendrons la proposition de loi. (Quelques applaudissements, des bancs du groupe SOCR jusqu'à la droite)

M. Patrick Kanner .  - Les PATS concourent largement à la mission des SDIS. Ils montrent un engagement au service des citoyens... Nombre d'entre eux étant aussi sapeurs-pompiers volontaires.

Merci dès lors à Catherine Troendlé pour son initiative.

J'ai déposé deux amendements en commission des lois, qui ont subi un sort opposé. Le premier, identique à celui du rapporteur, a été adopté. J'ai dû retirer le deuxième, visant l'inclusion des PATS dans le corps départemental de sapeurs-pompiers, à la demande du rapporteur et du Gouvernement, pour permettre une adoption conforme. J'espère que la question qu'il pose sera traitée au plus tôt avec le sérieux qu'elle mérite.

Le métier de sapeur-pompier évolue : il est de plus en plus confronté aux soins d'urgence. Nous attendons, monsieur le ministre, une réponse de l'État sur les questions de financement, sur la directive européenne qui remet en cause notre modèle de volontariat dans les SDIS.

Il faut protéger l'engagement volontaire des sapeurs-pompiers.

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien !

M. Guy-Dominique Kennel.  - Absolument.

M. Patrick Kanner.  - Il ne s'agit pas de se recroqueviller sur un particularisme local, mais de sauvegarder un modèle républicain. Il s'agit de conforter l'engagement civique. Loin de tout conservatisme, cette notion d'engagement est consubstantielle à la République.

Lorsque j'étais ministre, j'ai fait voter dans la loi Égalité et Citoyenneté de janvier 2017 la possibilité d'effectuer son service civique dans un SDIS et d'y recevoir une formation de sapeur-pompier volontaire.

Il faut enfin protéger ceux qui nous protègent. J'ai ainsi déposé une proposition de loi renforçant la sécurité des sapeurs-pompiers, et incitant - en autorisant l'anonymat dans le cadre de la procédure pénale - les sapeurs-pompiers à déposer plainte lorsqu'ils sont victimes d'agressions durant leurs missions. Le groupe socialiste votera bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs bancs, depuis ceux du groupe CRCE jusqu'à ceux du groupe Les Républicains)

Mme Josiane Costes .  - Je me félicite de cette proposition de loi qui apparaît sur le terrain comme utile au bon fonctionnement du service. Il est pertinent que les PATS soient représentés aux conseils d'administration comme au sein de la Catsis.

Il est vital de faire évoluer la chaîne de la lutte contre l'incendie et du secours aux personnes dans sa totalité, comme Catherine Troendlé et Pierre-Yves Collombat l'avaient demandé dès 2016.

Les SDIS sont parfois le seul service public dans une commune. C'est particulièrement vrai dans le Cantal. Les marges de manoeuvre se réduisent du fait de la diminution de leurs moyens. Or leur activité ne cesse de croître - de 7 % dans le Cantal, par exemple, alors que près de 80 % des interventions sont de secours aux personnes.

Pas moins de 79 % des sapeurs-pompiers sont volontaires en France. Dans le Cantal, ce sont 760 pompiers volontaires pour 100 professionnels, dans 37 centres.

Ce modèle est cependant menacé par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 février 2018 sur le temps de travail des sapeurs-pompiers volontaires belges pris sur le fondement de la directive de 2003. Cette décision est certes circonscrite à la Belgique, mais nous ne sommes pas à l'abri d'un tel recours en France, qui remettrait en cause notre modèle.

Le groupe RDSE a cosigné la motion Troendlé-Cigolotti demandant que l'Europe légifère sur ce sujet et préserve ainsi le modèle français des services de secours.

Nous voterons ce texte en très grande majorité. (Applaudissements, depuis les bancs du groupe RDSE, jusqu'à la droite)

Mme Françoise Gatel .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) La proposition de loi a donné au Sénat l'occasion d'user avec succès de la procédure de la législation en commission, qui met en valeur le travail en commission. Le groupe Union centriste est favorable à cette procédure. Gardons à l'esprit que les services de secours effectuent en moyenne une intervention toutes les sept secondes. Le modèle français est unique et largement fondé sur un volontariat altruiste et citoyen. Il est malheureusement menacé par la directive européenne de 2003 sur le temps de travail. Une initiative forte auprès de l'Union européenne est urgente.

Le président de la République avait pris l'engagement de défendre ce modèle. Le Sénat s'est pour sa part mobilisé.

Certaines missions des PATS sont très techniques et leur rôle est essentiel. La proposition de loi est utile, et permet également de s'interroger sur les missions et le fonctionnement des SDIS, qui ne cessent de voir leurs interventions de secours à la personne augmenter.

Ce texte soulève aussi la question du rapport entre l'État et les collectivités territoriales, c'est-à-dire entre celui qui décide et celui qui paie. Je ne sais si l'État devrait récupérer la compétence régalienne des SDIS que les départements financent mais nous sommes ici loin du principe du décideur-payeur...

Le groupe Union centriste remercie Loïc Hervé et votera le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs depuis ceux du groupe SOCR jusqu'à ceux du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled .  - Le Sénat s'est mis à l'écoute de ces hommes et ces femmes, qui se mettent chaque jour au chevet de nos concitoyens, ainsi que du personnel administratif et technique qui les accompagne. Les récents événements climatiques nous l'ont rappelé. Les pompiers sont trop souvent victimes de violences. Notre devoir d'élus est de les soutenir.

Les PATS occupent des tâches centrales : ils sont aux pompiers ce que les fondations sont à une maison, le pilier sur lequel repose tout l'édifice. Ils ne sont hélas pas reconnus comme tels. En leur accordant une place au sein des conseils d'administration et des Catsis, la proposition de loi y remédie.

Le groupe Les Indépendants s'associe à cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Catherine Troendlé et Philippe Bas, président de la commission, applaudissent également.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Nous voilà réconfortés.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État .  - Le Gouvernement est attaché à notre système de sécurité civile et salue les femmes et les hommes qui le composent. Il fait chaque jour la preuve de sa robustesse et nous ferons tout pour le consolider.

Le secours aux personnes représente 84 % des interventions. Nous ferons en sorte que les propositions du rapport IGA-IGAS n'accouchent pas d'un souriceau.

Nous veillons également à la sécurité des interventions : le ministre de l'Intérieur a demandé aux préfets d'appliquer les conventions opérationnelles, afin de renforcer les échanges d'informations, les interventions conjointes avec les forces de l'ordre et de faciliter les dépôts de plainte en cas d'agression violente. Les caméras-piétons, rendues possibles par le texte voté à l'été 2018, seront expérimentées dès le début de l'année 2019 dans une quinzaine de départements. Les sanctions pénales de la loi de février 2017 sont déjà fermement appliquées : des peines de prison ferme sont prononcées contre les agresseurs des pompiers.

Sur la directive, comme je vous l'ai indiqué en commission, nous sommes en train d'étudier les réponses avec la direction de la sécurité civile, et nous prendrons enfin une initiative européenne pour éviter que le volontariat des sapeurs-pompiers soit remis en cause.

La proposition de loi est adoptée.

M. le président.  - À l'unanimité. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

La séance est suspendue à 15 h 15.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.