Questions orales (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons notre ordre du jour.

Assujettissement des hippodromes à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Les surfaces de piste des hippodromes sont considérées comme des propriétés bâties, ce qui est incohérent d'autant que la taxe foncière acquittée par les sociétés de courses à partir de cette année, au titre de leurs infrastructures, dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, connaîtra une très forte augmentation.

La situation financière des sociétés de courses, qui représentent des milliers d'emplois, est fragilisée après plusieurs années de baisse des enjeux liée notamment à la concurrence des paris sportifs : pour plusieurs d'entre elles, la hausse de taxe foncière annoncée à moyen terme n'est pas supportable.

Les services fiscaux semblent avoir révisé leur interprétation dans un sens plus compréhensif. Il faudrait considérer toutes les surfaces non couvertes comme du foncier non bâti et classer les espaces dédiés au public, vestiaires, hangars, ateliers et boxes, en « Autres surfaces ». Allez-vous le faire ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - En application de l'article 1381 du CGI, les hippodromes sont imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties lorsqu'ils sont à usage commercial.

Vous proposez d'élargir l'exception pour les terrains de golf, lorsque l'aménagement de ces terrains ne nécessite pas la construction d'ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions, aux hippodromes. Cela ne semble pas justifié et susciterait des demandes similaires de la part d'autres activités, sans compter que cela aurait des conséquences financières importantes pour les collectivités territoriales.

Enfin, des mécanismes atténuateurs ont été prévus. Cependant, mes services s'assurent de la correcte évaluation de l'imposition des bâtiments concernés, en lien avec les professionnels du secteur.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le secteur du cheval n'est pas comparable en termes d'emplois à celui du golf. Une subtilité possible serait de faire passer les hippodromes de la catégorie 1 à la catégorie 2.

Projet d'intérêt général Metaleurop Nord et taxe foncière

Mme Sabine Van Heghe .  - J'attire votre attention sur l'abattement de 50 % de la taxe foncière pour les propriétaires situés à l'intérieur du périmètre du projet d'intérêt général (PIG) Metaleurop Nord. En effet, celle-ci, bâtie en 1893, a, jusqu'à sa fermeture en 2003, rejeté dans l'air quantité de polluants, notamment du plomb et du cadmium, de manière irréversible. En 1999, un périmètre dit PIG a été défini afin de délimiter les terres polluées autour de l'usine à Courcelles-lès-Lens, Evin-Malmaison et Noyelles-Godault. Les habitants concernés par ce périmètre ne peuvent pas construire comme ils veulent ou cultiver leurs terres, d'où un réel préjudice comme une moins-value de leur habitation. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a voté, en décembre 2016 dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016, une disposition permettant un abattement de 50 % de la taxe foncière pour tous les propriétaires touchés dans le périmètre précité avec l'engagement que l'État le compenserait intégralement.

Les élus des communes touchées et de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin ont voté cet abattement pour qu'il puisse être applicable en 2018 mais la compensation de l'État n'est pas venue... Ce flou suscite de vives inquiétudes quant à l'équilibre du budget des communes concernées. L'engagement pris par l'État doit être respecté afin d'éviter aux villes concernées des difficultés financières supplémentaires. Il faut que cessent les tergiversations.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La disposition à laquelle vous faites référence compense la perte de recettes pour les collectivités territoriales, créée par un amendement parlementaire n°517 dans la loi de finances rectificative 2016, déposé par le député Philippe Kemel.

Il n'est pas juridiquement possible de prévoir une compensation individuelle pour la communauté d'agglomération Hénin-Carvin, les communes de Courcelles-les-Lens, de Dourges, d'Evin-Malmaison, de Leforest et de Noyelles-Godault. En effet, la détermination du montant des prélèvements sur les recettes de l'État, au profit des collectivités territoriales relève du domaine de la loi de finances. Le législateur n'a jamais majoré la DGF. D'où l'impossibilité d'appliquer la compensation.

Mme Sabine Van Heghe.  - Voilà une subtilité que les collectivités territoriales concernées apprécieront. Une réponse adaptée serait bienvenue en cette époque de Congrès des maires.

Fin des téléphones fixes

M. Daniel Gremillet .  - L'opérateur téléphonique Orange a annoncé l'arrêt de la commercialisation des téléphones fixes à compter du 15 novembre 2018. Je souhaite m'assurer du maintien d'un service téléphonique de qualité.

Une majorité des sociétés françaises dépendent encore du réseau téléphonique commuté (RTC) pour au moins une partie de leurs installations téléphoniques. Qu'il s'agisse des ascenseurs, des terminaux de paiement, des systèmes d'alarme ou du fax, les secteurs concernés vont devoir revoir leur fonctionnement.

Les nouveaux dispositifs seront hors service en cas de panne électrique. En outre, 7,5 millions de Français n'ont pas d'internet de qualité. L'État est garant d'un service téléphonique de qualité à un prix raisonnable.

La mutation se fera-t-elle dans de bonnes conditions ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - L'arrêt des lignes fixes en RTC, annoncé le 15 novembre, constitue une étape essentielle pour la modernisation de nos infrastructures de télécommunications.

Entre 2022 et 2024, le service RTC sera arrêté par plaques, annoncées cinq ans à l'avance. Il s'agit d'améliorer la qualité du service téléphonique. Le réseau de cuivre demeurera pleinement maintenu en attendant le plein déploiement de la fibre.

La fin du RTC ne signifie pas la modification des tarifs qui restent fixés indépendamment de la technologie utilisée. Il y va du service public téléphonique.

M. Daniel Gremillet.  - Il n'est pas question de refuser le progrès, mais de prêter attention aux plus faibles.

Suppressions d'emplois dans le groupe Carrefour

Mme Michelle Gréaume .  - Le groupe Carrefour a engagé un vaste plan de restructuration et d'économies début 2018, axé notamment sur la fermeture du réseau de proximité formé par les ex-magasins Dia et la suppression de 2 100 emplois.

Les promesses et les engagements n'avaient pas manqué à l'époque pour rassurer sur le sort des salariés. Promesses dans la recherche de repreneurs pour limiter de nombre de fermetures « sèches » de magasins. Promesses également en termes de reclassement au sein du groupe, d'aide à la formation censés limiter au maximum le nombre de licenciements.

Onze mois plus tard le verdict est tombé, dans sa cruelle réalité : 273 magasins ont été fermés, 1 300 salariés ont reçu leur lettre de licenciement. Seuls un peu plus de 200 salariés ont trouvé un nouveau poste en interne. Des questions se posent et méritent d'être posées quant à la réalité des efforts fournis par le groupe Carrefour pour respecter ses propres engagements, que ce soit pour la reprise de magasins ou en matière de reclassement des salariés. Il semble que des offres sérieuses aient été refusées, pour affaiblir la concurrence.

Le Gouvernement avait plusieurs fois fait état de sa vigilance sur la qualité du dialogue social. On ne peut donc que s'étonner du silence assourdissant qui accompagne le plus grand plan de licenciements de 2018. Il n'est pas inutile de rappeler que le groupe Carrefour est, parmi les sociétés du CAC 40, un de ceux qui rémunère le plus ses actionnaires et qu'il a bénéficié de 2 milliards d'exonérations sociales en cinq ans.

Quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour contraindre le groupe Carrefour à respecter ses engagements et pour préserver les emplois ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Les choix stratégiques de Carrefour conduisent l'entreprise à favoriser le numérique. Deux accords majoritaires ont été signés avec les syndicats. L'un concerne les 2 400 emplois menacés et prévoit un plan de départ volontaire. L'autre entraîne la fermeture de plus 200 magasins Dia et la mise en gérance de 75 autres pour plus de 2 000 suppressions d'emplois.

Des mesures de reclassement interne sont prévues avec des actions de formation, des garanties sociales et l'aménagement de périodes d'adaptation.

Quelque 156 dossiers ont déjà fait l'objet d'un reclassement interne et 1 753 courriers ont été envoyés portant deux offres de reclassement.

L'État a affirmé son attachement à un dialogue social de qualité. Le Gouvernement a demandé que la commission de suivi du redressement de l'emploi dans le groupe Carrefour fasse preuve de la plus grande rigueur au sujet des conséquences sociales des mesures adoptées. Le jugement prononcé par le tribunal administratif de Caen, le 8 novembre dernier, en atteste.

Le groupe doit au maximum garantir l'accès à l'emploi de ses salariés.

Mme Michelle Gréaume.  - Le Gouvernement fait preuve d'une grande passivité vis-à-vis de Carrefour. L'argent public investi a servi à tout sauf à préserver l'emploi.

Sécurisation des bouteilles de gaz

M. Yves Bouloux .  - Les sapeurs-pompiers, volontaires et professionnels, sont un exemple. Pour autant, rien ne justifie de les exposer à des dangers évitables. Des mesures ont été prises pour les voitures au gaz, mais rien n'est prévu pour sécuriser les bouteilles de gaz.

Un sapeur-pompier est mort, plusieurs ont été blessés. Il est impératif d'agir au plus vite comme pour les voitures. Il s'agirait d'incorporer un système de soupape avec fusible qui permettrait une lente évacuation du gaz, excluant ainsi un phénomène d'explosion.

Quelles mesures prendra le Gouvernement et dans quel délai ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Ce sujet est extrêmement contraint en droit. L'Union européenne n'oblige pas à installer une soupape sur ces bouteilles et il ne peut y avoir de sur-transposition. Ensuite, nos bouteilles actuelles sont incompatibles avec les soupapes.

Le Gouvernement a confié une mission à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour examiner le comportement au feu de nos bouteilles, et voir comment limiter les risques et les comportements à adopter. Sur cette base, il nous faudra nous tourner vers nos partenaires de l'Union européenne pour changer la réglementation.

M. Yves Bouloux.  - De grâce, faisons très vite pour les sapeurs-pompiers.

Fermeture de la base aérienne de Châteaudun

Mme Chantal Deseyne .  - Le ministère des Armées a pris la décision de fermer la base militaire de Châteaudun dès le second semestre 2021. Cette base compte encore 330 personnels civils et militaires. À compter de 2021, l'activité de démantèlement d'avions militaires sera totalement externalisée, pour des raisons de coûts. Quelque 330 militaires et civils vont partir, ce qui représente en tout près de 500 consommateurs, contribuables et élèves en moins pour ce territoire. Les conséquences sociales et économiques de cette décision sont considérables pour les salariés, pour l'économie locale et l'avenir de tout le bassin de vie de Châteaudun qui est déjà particulièrement sinistré. Le maintien de cette base aérienne pourrait-il être envisagé, et à défaut quelles sont les solutions proposées par le Gouvernement pour l'avenir de ce site où les gros-porteurs de plus de 40 tonnes peuvent décoller et atterrir ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je réponds à la place de Mme Parly. La base de Châteaudun a été recentrée en 2014 sur le stockage d'aéronefs. Le ministère des Armées a envisagé la déconstruction de ces aéronefs et examiné les dossiers au début de 2018. Il a tranché rapidement en faveur du contrat de redynamisation du site de défense (CRSD) avec un désengagement progressif d'ici 2021.

Un nouveau CRSD devrait être signé d'ici l'été prochain. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour valoriser la reconversion du site de Châteaudun : circuit automobile, centrale photovoltaïque ou démonstrateur de dirigeables sont trois pistes envisagées.

Mme Chantal Deseyne.  - Cette réponse n'apporte pas d'éléments nouveaux. Selon la presse locale d'aujourd'hui, le Premier ministre pourrait donner la liste des territoires propres à l'industrie ; Châteaudun, avec ses 13 000 habitants serait éligible, avec la possibilité d'un accompagnement financier de l'État.

Ce territoire est particulièrement sinistré. Il faut le revitaliser car il est dans une spirale infernale de déclin.

Prises de vues aériennes des prisons françaises accessibles sur internet

M. François Bonhomme .  - Ma question porte sur les problèmes de sécurité posés par la diffusion de prises de vues aériennes des prisons françaises sur Google Maps et Google Earth.

Je rappelle que l'arrêté du 27 octobre 2017 liste les 247 zones interdites de prises de vues aériennes en France, parmi lesquelles figurent notamment 68 prisons.

La prise de vues aériennes de l'un de ces sites est ainsi passible d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Je m'étonne que, près d'un an après la publication dudit arrêté, une cinquantaine de prisons demeurent encore visibles, dont certaines accueillent des individus dangereux. C'est notamment le cas de la maison centrale de Réau, en Seine-et-Marne, tristement connue désormais.

Google explique cette absence de floutage par le caractère non rétroactif de l'arrêté du 27 octobre 2017 : ce dernier ne s'appliquerait qu'aux photos prises depuis. Or ces photographies, visibles sur le réseau, peuvent aider à planifier des évasions.

Constatant que ses demandes de floutage de sites sensibles sur Google Maps demeuraient lettre morte, le ministère de la Défense belge a ainsi annoncé en octobre 2018 sa volonté d'attaquer Google en justice.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour s'assurer que Google garantisse le retrait ou le floutage des vues aériennes de nos prisons ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le 31 juillet dernier, j'ai écrit à Google France pour demander de retirer ou de flouter les images aériennes des établissements pénitentiaires.

Google France m'a répondu le 14 août et le 8 octobre, m'assurant que tout est mis en oeuvre pour finaliser le floutage d'ici début décembre : nous pourrons le vérifier très rapidement.

En parallèle, le Secrétariat général de la défense refond le cadre juridique de captation et de diffusion des prises de vues aériennes afin de préserver la sécurité des zones sensibles.

Cela concerne tous les fournisseurs, pas seulement Google. L'arrêté du 12 octobre du ministère de la Justice a élargi la liste des sites sensibles, portant le total de 38 à 89. Nous menons donc une action globale.

M. François Bonhomme.  - Je prends acte de votre réponse, mais regrette la faible réactivité de Google. Les captures d'écran ont eu lieu et le mal est difficilement réparable. On ne peut pas rester dans un tel niveau d'insécurité.

Sécurité dans les prisons

Mme Brigitte Lherbier .  - Pas un mois sans que la sécurité de nos établissements pénitentiaires ne soit mentionnée dans les médias.

La mission de sécurité de l'administration pénitentiaire consiste à assurer une sécurité optimale dans les prisons, en prévenant les évasions, les violences, les dégradations ou les suicides. Sa mission est aussi de prévoir la réinsertion des prisonniers.

Depuis 2015, le contexte terroriste a naturellement accentué cette exigence de sécurité, et nous oblige à une vigilance accrue. L'agression de trois surveillants à Vendin-le-Vieil en janvier 2018, par un détenu condamné pour terrorisme, fut à l'origine d'un grand mouvement de mobilisation du personnel pénitentiaire. Les surveillants à qui je rends hommage nous ont alertés sur leurs conditions de travail particulièrement difficiles, sur le manque de personnel qui les expose dangereusement pendant l'exercice de leur mission et sur les difficultés à recruter de nouveaux surveillants pénitentiaires.

La surpopulation continue de dégrader la vie carcérale et pèse sur les conditions de sécurité de nos établissements pénitentiaires. L'été a été chaud à tous points de vue dans de nombreuses maisons d'arrêt.

La semaine dernière, lors d'une visite de la prison de la Santé, le personnel m'a redit le manque de reconnaissance dont il souffrait. Le logement et les salles de sport manquent, notamment pour certains surveillants stagiaires venus des outre-mer qui n'ont pas d'hébergement décent. Le sénateur Grosdidier, dans le rapport de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieures, l'avait souligné. Je sais que vous connaissez la situation, madame la garde des Sceaux. Contexte terroriste, surpopulation carcérale et mécontentement des surveillants : voilà un cocktail explosif.

Avez-vous les moyens budgétaires pour garantir la sécurité de nos prisons ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Il me faudrait plus d'une heure pour vous répondre, tant nous avons pris des mesures complémentaires pour assurer la sécurité des établissements pénitentiaires et mieux reconnaître les personnes de l'administration pénitentiaire. Le budget de l'administration pénitentiaire s'élève à 3,8 milliards d'euros dans le PLF2019 - en hausse de 5,7 % -, avec 2,5 milliards - soit 95 millions supplémentaires - pour le personnel.

La sécurisation des établissements pénitentiaires fait l'objet d'une attention particulière avec un effort de plus de 50 millions d'euros.

Quant au personnel, nous avons augmenté la prime de sujétions spéciales (PSS) de plus de 2 %, augmenté la prime des dimanches et jours fériés de 26 à 36 euros, prévu une prime de fidélisation pour les établissements les plus difficiles ou situés dans des zones où le coût de la vie est élevé, comme l'Île-de-France.

Matériel, renseignement pénitentiaire, système d'étanchéité pour les détenus les plus dangereux, telles sont quelques-unes des mesures du plan global que nous avons mis en place - en plus du plan de construction qui porte, d'ici 2022, sur 7 000 places supplémentaires livrées et 8 000 places engagées.

Malaise des élus locaux

M. Alain Fouché .  - Le Congrès annuel des maires de France s'ouvre sur un malaise, avec 55 % de maires supplémentaires ayant quitté leurs fonctions depuis 2014.

Les maires sont usés par les tracasseries administratives qui augmentent, usés par une faible rémunération - moins de 360 euros mensuels pour la moitié d'entre eux - alors qu'ils assument une tâche difficile et indispensable. Il faudrait définir un vrai statut de l'élu : vous en avez pris l'engagement, les maires l'attendent depuis très longtemps. Le Sénat a fait des propositions. Allez-vous les considérer ? Quelles sont les grandes lignes de votre projet ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le Gouvernement connaît les difficultés des élus locaux qui mettent leur temps et leurs compétences au service de nos concitoyens. Toutefois, le nombre de démissions des maires a très peu augmenté par rapport à la mandature précédente et résulte surtout de mouvements mécaniques liés à la création de communes nouvelles et à la fin du cumul des mandats, ou encore à des motifs familiaux - l'analyse des chiffres montre qu'il y a peu de départs volontaires dus à la lassitude.

Devant le Congrès des maires de France, l'an dernier, le président de la République a démontré sa considération pour les édiles, soulignant la conviction et le dévouement des maires. Plusieurs mesures en témoignent. Une circulaire du Premier ministre du 20 octobre 2017 précise que toute norme supplémentaire doit s'accompagner d'une simplification suppression de deux normes existantes.

Une autre circulaire, prise par le Premier ministre le 12 janvier dernier, demande de laisser le champ le plus large possible au pouvoir réglementaire local. Le Gouvernement s'est engagé à consulter les collectivités locales sur toute mesure les concernant. Dans le plan de simplification de l'administration de l'État, les collectivités territoriales sont directement concernées.

Les propositions d'Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, maire du Mans décédé récemment, font l'objet d'un examen attentif du Gouvernement, tout comme les travaux du groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales.

C'est un pacte de confiance que le Gouvernement propose aux maires.

M. Alain Fouché.  - J'ai rapporté le texte de simplification des normes. Vous ne m'avez pas répondu sur le statut de l'élu. Vous n'avez pas évoqué la baisse des dotations - qui touche 155 des 280 communes de la Vienne. Il faudrait évidemment faire plus.

Lutte contre les squats en Guyane

M. Antoine Karam .  - Depuis plusieurs années, la Guyane, et Cayenne en particulier, sont touchées par une prolifération de l'habitat informel et des occupations illicites.

En septembre dernier, c'est une nouvelle affaire de squat qui a agité l'actualité. Des locaux qui avaient été signalés depuis plusieurs années aux forces de l'ordre par les riverains exaspérés par les nuisances, demeuraient occupés illégalement et généraient un climat d'insécurité dans le quartier. La situation a dégénéré avec la menace de mort dont a été l'objet une personne du voisinage. Les citoyens ont procédé à l'évacuation du squat par leurs propres moyens. Certes, c'est contraire à l'État de droit mais ces faits d'une rare violence rappellent la nécessité d'éradiquer les occupations illicites en Guyane tant elles génèrent de graves troubles à l'ordre public.

Le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), en voie de promulgation, prévoit pour la Guyane et Mayotte, une procédure accélérée lorsque les locaux illégalement occupés présentent des « risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique » ; le préfet pourra ordonner aux occupants d'évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst).

Ce dispositif permettra-t-il également d'agir plus rapidement et plus efficacement s'agissant des squats précités qui causent des troubles à l'ordre public ?

Plus largement, quelles actions complémentaires le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour mieux protéger les propriétaires et les riverains exposés, premières victimes des nuisances liées aux occupations illicites ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le département de la Guyane et celui de Mayotte voient se développer un habitat sommaire et insalubre. En 2018, les gendarmes de Guyane ont prêté main-forte à 59 opérations d'expulsion. Ils étaient assistés d'un huissier de justice. Ces expulsions sont l'aboutissement d'une procédure administrative et judiciaire très longue, parfois incompatible avec le maintien de l'ordre public.

Le projet de loi ELAN devrait contribuer à accélérer cette procédure en cas de risque grave pour l'ordre public, ou encore pour la salubrité et la tranquillité publique. L'expulsion n'est cependant pas automatique, notamment si le préfet considère que l'opération risque de provoquer davantage de troubles à l'ordre public que la situation constatée.

Construction de nouvelles casernes de gendarmerie

M. Patrick Chaize .  - Selon les textes en vigueur, la construction de nouvelles casernes de gendarmerie connaît différentes étapes, avec la délivrance d'un agrément du ministère de l'Intérieur suivie de la validation du terrain, préalable indispensable pour le lancement de la conception réelle du projet avec l'établissement des plans et la réalisation des appels d'offres.

Cette validation s'inscrit dans le cadre d'une commission tripartite composée de représentants du secrétariat général pour l'administration du ministère de l'Intérieur (Sgami), de la gendarmerie et du service de santé des armées (SSA) qui assurerait sa mission au sein des armées et de la gendarmerie et depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur en 2009, dans le cadre de la convention de délégation de gestion entre le ministère des armées et le ministère de l'intérieur.

Le SSA étant surchargé, des projets de construction de gendarmerie sont bloqués, comme dans l'Ain où trois dossiers sont en instance, du fait des difficultés à réunir la commission tripartite. Cette situation a des incidences fortes pour les collectivités concernées.

Monsieur le ministre, ne faut-il pas réformer les procédures entre les deux ministères et, dans l'attente, adapter les moyens du SSA ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Votre question témoigne de votre attachement à la gendarmerie. Les collectivités locales souhaitent participer à des projets immobiliers destinés à la gendarmerie. La procédure que vous mentionnez a déjà été abrogée et la situation des casernes de l'Ain est résolue. Dans le cadre des projets de casernes locatives, une commission mixte devrait prendre l'avis du SSA. Cette procédure est désormais simplifiée sans être pour autant moins efficace.

M. Patrick Chaize.  - Merci !

Dépollution des ballastières de Braqueville à Toulouse

Mme Chantal Deseyne, en remplacement de Mme Brigitte Micouleau .  - Je pose cette question au nom de Mme Brigitte Micouleau qui a été retenue dans son département.

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, 5 000 tonnes de nitrocellulose, poudre explosive produite en grande quantité sur un site proche de Toulouse, sont immergées dans quatre ballastières aux portes de la ville.

Depuis 2001 et l'explosion de l'usine AZF, site voisin des ballastières, élus locaux et associations n'ont eu de cesse d'alerter l'État sur cette véritable « poudrière » à ciel ouvert, réclamant une dépollution dans les meilleurs délais.

En visite officielle à Toulouse, le 13 janvier 2017, Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, avait fini par annoncer le déblocage de ce dossier et avait affirmé avoir demandé au ministère de la Défense, propriétaire du site, d'engager les travaux de dépollution. Hélas, depuis ce jour et malgré les interventions du maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, auprès du ministère de la Défense, c'est le statu quo.

Cette dépollution est-elle toujours d'actualité et, si oui, quand débutera-t-elle, pour quelle durée, selon quel procédé technique et à quel coût ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Après le rachat de l'emprise par l'État en 2004, le site de ballastières a fait l'objet d'un classement en site pour la protection de l'environnement. Il bénéficie d'une situation environnementale exceptionnelle en matière de biodiversité ; il a été classé zone spéciale de conservation et zone humide ; sa partie sud a été classée au titre de la directive Oiseaux et de la convention Natura 2000. Il jouxte une zone protégée au titre de la protection des oiseaux migrateurs. Il se situe enfin en zone inondable.

Tous ces éléments font qu'il est difficile de toucher à ce site, sans risquer de détériorer l'environnement. Le site est durablement fermé au public. Le ministère des Armées y reste très attentif.

Mme Chantal Deseyne.  - Je ne connais pas suffisamment le dossier. Cependant, il me semble que l'enjeu sanitaire devrait être une priorité pour la ville de Toulouse.

Démission légitime des assistants maternels

Mme Laurence Rossignol .  - J'apporte mon soutien aux mesures de renforcement de la vaccination infantile. Cependant, les enfants qui ne satisfont pas aux obligations vaccinales ne peuvent être accueillis plus de trois mois chez une assistante maternelle. Si la situation vaccinale de l'enfant n'a pas été régularisée à l'issue de ces trois mois, l'assistante maternelle doit mettre fin au contrat de travail - il s'agit alors d'une démission.

En l'état des textes, cette démission n'ouvrira aucun droit au chômage aux assistantes maternelles démissionnaires, alors que leur démission est imposée par la loi.

Pour mettre fin à cette injustice, cette démission devrait être considérée comme une démission légitime et ouvrant droit à l'allocation de retour à l'emploi. La démission légitime existe, il suffit d'y intégrer une nouvelle catégorie, celle de la démission d'un assistant maternel pour cause de non-respect par les parents employeurs de l'obligation vaccinale de l'enfant. Y êtes-vous favorable ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Même si votre question est légitime, les situations que vous mentionnez restent très minoritaires et seront encore réduites par l'obligation vaccinale. Les règles du droit du travail permettent déjà de les prendre en compte.

L'assistante maternelle peut prendre acte de la rupture du contrat. Si le juge des prud'hommes lui confère un caractère de licenciement, elle aura droit aux indemnités chômage. Sinon, après 121 jours, elle peut demander un réexamen de son dossier.

La création d'un nouveau cas de démission légitime relève des partenaires sociaux. Le Gouvernement accompagnera les associations nationales concernées, notamment en les orientant vers les services compétents.

Le mieux reste bien sûr la prévention pour éviter ce type de situations

Mme Laurence Rossignol.  - Si les associations nationales peuvent sensibiliser les parents, elles sont parfois confrontées à des parents militants anti-vaccins. Il faut éviter d'engorger les prud'hommes. Le Gouvernement peut suggérer des sujets de négociation aux partenaires sociaux. Même si la situation en question est marginale, elle engendre de l'amertume chez des personnes qui ne se sentent pas entendues. Les implications financières sont minimes, j'espère que ce changement sera possible prochainement.

Centre de l'AFPA de Nevers

M. Patrice Joly .  - L'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a annoncé la suppression de plus de 1 500 postes et menace de fermer 38 sites dont le centre de Nevers dans le cadre du plan de restructuration pour 2019-2020.

Sur le territoire nivernais, l'AFPA occupe une fonction essentielle en proposant des formations en rapport avec les caractéristiques économiques du territoire, c'est-à-dire des formations liées à la transformation d'une ressource importante du département, le bois avec des formations en charpente, menuiserie et des formations dans la mécanique et la métallurgie avec des formations de soudeurs, de réparation-moteur, de machinisme agricole. C'est assez lourd et difficilement couvert par le prix demandé.

Les conséquences seraient graves pour le bassin d'emploi. De plus, pour le seul centre de Nevers, ce sont 17 contrats à durée indéterminée qui sont menacés de suppression.

Il faut pérenniser la structure en réunissant tous les acteurs engagés, pour une concertation approfondie : le Gouvernement l'envisage-t-il ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Le modèle économique et les missions de l'AFPA n'ont pas été repensés depuis la réforme de 2004 et l'ouverture à la concurrence en 2008. Conséquence : 20 % de pertes de recettes. Depuis dix ans, les gouvernements successifs n'ont pas su recentrer l'AFPA sur ses missions qui apportent de la valeur ajoutée. Les pertes s'accumulent.

Chaque année, l'État doit combler 100 millions d'euros de pertes d'exploitation. Ne rien faire serait irresponsable. Le Gouvernement va confier à l'AFPA des services d'intérêt général comme la formation des réfugiés, dans le cadre du programme HOPE.

De plus, un projet de réorganisation de l'AFPA a été mis en consultation. Certes, 1 500 postes sont concernés par les redéploiements, mais parmi ces 1 500, il y a 600 départs à la retraite et, en outre, 600 postes sont créés.

L'AFPA n'a pas vocation à disparaître ; là où les centres fermeront, une offre innovante et mobile sera déployée.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.

La séance reprend à 14 h 30.