Gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles, à la demande du groupe Union centriste.

M. Pierre Louault, pour le groupe Union centriste .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce débat demandé par le groupe UC a semblé nécessaire en raison de dysfonctionnements de certains grands groupes, inquiétants pour l'avenir du modèle coopératif agricole français. Système original, modèle solide, il vise à améliorer les revenus des agriculteurs et à les associer à la commercialisation de leur production sur le principe d'un homme pour une voix. Le tissu coopératif français, modèle d'avenir, défendu par les agriculteurs, comprend 2 400 coopératives dont 93 % de TPE-PME et seulement 13 grands groupes, emploie 190 000 salariés et réalise 86 milliards d'euros de chiffre d'affaires soit 40 % du chiffre d'affaires du secteur agroalimentaire français. Certaines pratiques discutables et contraires au modèle original existent malheureusement dans les plus grands groupes.

Les agriculteurs estiment que leur voix n'est pas assez entendue dans ces grands groupes. Dans leurs conseils de surveillance, le principe « un homme, une voix » est bien souvent bafoué. Ceux qui ont dénoncé ces faits ont parfois été exclus de ces conseils.

Les directoires définissent la politique de ces grands groupes. Certes, l'expertise de leurs membres, devenus les maîtres du jeu, est essentielle, mais les élus du conseil d'administration ne doivent pas, pour autant, être mis à l'écart. L'obligation d'information à leur égard, voire de formation, inscrite dans les règlements intérieurs et qui fait l'objet d'un fléchage budgétaire dans la loi d'avenir agricole, n'est, bien souvent, pas respectée. La transparence reste un voeu pieu. On ne parle plus de filiales, mais de business units, animées par des change leaders ! Les coopérateurs se voient ainsi progressivement dépossédés de leur outil industriel et commercial.

L'internationalisation, autre menace, doit s'inscrire dans le modèle coopératif, protecteur de notre excellence nationale. Profite-t-elle aux coopérateurs ? Elle produit certes de la valeur, mais dans une logique financière, qui prend le pas sur la logique de filière.

La structure en filiales induit par ailleurs un risque financier pour les coopérateurs initiaux, négligés au profit des actionnaires. La complexité de ces montages n'est pas assez anticipée. Les membres du conseil d'administration, souvent écartés de leur gouvernance, sont en outre souvent privés d'un regard sur la gestion des filiales, faute de recevoir l'information nécessaire, incompréhensible lors des assemblées générales.

Ces éléments menacent notre modèle coopératif. Le HCCA, le Haut Conseil de la coopération agricole, connaît en son sein plusieurs dysfonctionnements récents : conflits d'intérêts et manque de rigueur dans l'information et le contrôle notamment. Comment, dans ce contexte, assurer l'avenir des coopératives agricoles et améliorer la transparence de leur gestion ?

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Pierre Louault.  - Les administrateurs doivent être confortés dans leur rôle. Un nouveau statut, tel que prévu par le projet de loi Pacte, pourrait être envisagé pour les coopératives. Le temps presse...

M. le président.  - En effet !

M. Pierre Louault.  - Nous, sénateurs, sommes les plus aptes à poursuivre cette réflexion, en commission dans le cadre d'une mission d?information... (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Cécile Cukierman .  - Le système des coopératives agricoles s'enracine dans la révolution industrielle. Elles se sont développées au long du XXe siècle pour devenir des actrices essentielles de l'économie agricole. Pourtant, elles se trouvent à la croisée des chemins : les agriculteurs dont les trois quarts appartiennent à une coopérative considèrent qu'elles ne leur sont plus si utiles. Les opérations de rapprochement ou de croissance externe se sont multipliées ces dernières années.

Comment assurer l'équilibre entre les attentes des agriculteurs et les contraintes du marché ? Certaines coopératives sont devenues des poids lourds du secteur agroalimentaire et préfèrent les lois du capitalisme à l'esprit solidaire initial. Il suffit de voir la récente crise de Tereos. Je me félicite de la réintégration « des coopérateurs frondeurs » qui en avaient été exclus pour avoir critiqué sa gouvernance.

La présence simultanée d'acteurs coopérateurs et d'investisseurs privés peut poser problème. Ainsi, sur l'impulsion de l'actionnaire américain de Yoplait, General Mills, la coopérative laitière Sodiaal a-t-elle installé au Luxembourg sa filiale qui verse ses bénéfices internationaux.

Le groupe CRCE avait proposé de modifier les règles applicables aux coopératives afin, notamment, d'améliorer la transparence de leur fonctionnement. Les agriculteurs ont besoin d'une gouvernance démocratique. À nous parlementaires de prévoir les modalités de contrôles et de sanctions. L'affaire Tereos est représentative du malaise du monde coopératif et de la méfiance des adhérents à l'égard des dirigeants, qui se creusent. Écoutons ceux qui nous nourrissent. (M. Pierre Louault applaudit.)

M. Henri Cabanel .  - Je suis coopérateur depuis près de quarante ans par conviction. En pleine crise viticole, en plein « Midi rouge », j'ai choisi la solidarité et l'entraide. J'ai assumé la présidence d'une des plus grandes coopératives vinicoles de l'Hérault.

Je suis fier de rappeler que la coopération viticole est née à Maraussan, à l'ouest de Béziers, au début du XXe siècle. Après avoir organisé l'aval, les viticulteurs ont organisé la production, sous la bannière : « tous pour chacun, chacun pour tous ». Jean Jaurès y est venu, en 1905 ; et de déclarer : « les associés de la Société des Vignerons libres travaillent chacun son tout petit domaine, mais ils ont commencé par avoir un chai commun, une cave coopérative commune. Mais il ne leur a pas suffi d'organiser la vente. Maintenant que, par une première application de l'association, ils ont vaincu l'esprit de défiance, ils vont plus loin : ils commencent à organiser la production ».

Ensemble, on est plus forts, plus intelligents, plus audacieux.

Désormais, hélas, la philosophie du modèle a évolué avec la croissance des structures.

Le cas de Téréos reste exemplaire des dérives qui se produisent lorsque l'agriculteur perd la main. Certaines voix pèsent plus que d'autres et un exécutif réduit décide pour tous. Comment retrouver les valeurs des premiers temps ? L'absence d'information du président du conseil de surveillance est problématique, comme l'insuffisante formation des administrateurs. Ils doivent se professionnaliser. Comment être à la tête d'un paquebot sans notion de navigation ?

Jean Jaurès rendait hommage à la coopérative de Maraussan en déclarant : « Ainsi le germe de solidarité se développe. Ainsi s'ébauchent, jusque dans ce monde paysan si morcelé, des formes nouvelles et plus hautes de production et de vie ». Le germe de solidarité doit retrouver celui de la démocratie participative. Monsieur le ministre, plutôt qu'une ordonnance, le système coopératif mérite un débat au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs autres bancs)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Franck Menonville .  - Nées de la volonté des agriculteurs de prendre collectivement en main leur destin, les coopératives connaissent un vif succès économique et poursuivent leur développement. En France, une marque alimentaire sur trois est produite par une coopérative.

Les coopératives ont, depuis 1999, l'obligation de publier leurs comptes et sont soumises au contrôle du HCCA. Mais la transparence doit être renforcée. À cet effet, le HCCA pourrait voir ses missions étendues, pour en faire une autorité de contrôle et de régulation. Une charte de gouvernance des grands groupes coopératifs, la formation des élus du conseil d'administration, le renforcement du rôle du médiateur de la coopération, sont autant de pistes intéressantes.

Le groupe Tereos vit une crise interne, signe de l'éloignement de ses responsables des coopérateurs. Cependant, la très grande majorité des coopératives fonctionnent parfaitement bien, et ce, quelle que soit leur taille.

La taille optimum d'une coopérative varie d'un marché à l'autre : ce n'est pas la taille mais le respect des valeurs coopératives qui importe ici. Ne décourageons pas l'émergence de coopératives leaders en France ! Seules six d'entre elles s'affichent dans le top 20 européen.

Charles Gide déclarait : « Les coopératives sont un îlot de singularité dans un océan de capitalisme ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)

M. Daniel Dubois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je remercie Pierre Louault d'avoir proposé ce débat sur un sujet d'actualité, sensible pour nos agriculteurs.

Ne soyons pas nostalgiques de la petite coopérative de village : notre modèle a muté vers davantage de concentration, une intégration plus verticale, une diversification des métiers et une internationalisation. C'était indispensable.

Cette évolution a été favorisée, depuis quarante ans, par la législation.

Les coopérateurs plébiscitent très largement leur modèle qu'ils continuent de percevoir comme un modèle d'avenir.

Pierre Louault a cité un grand groupe du Nord de la France. Il ne nous appartient pas d'en faire le procès. (Plusieurs marques d'approbation) Certes on peut regretter certaines de ses décisions, mais je rappelle le contexte difficile, avec notamment la fin des quotas betteraviers. La crise de gouvernance que connaît ce groupe lui permet aussi d'avancer. Il a pris conscience du déficit de démocratie interne, tout en constatant logiquement qu'à 12 000 coopérateurs, l'idée d'une démocratie directe est illusoire. Des commissions thématiques territoriales ont été créées, ainsi qu'une commission des finances et un audit indépendant.

Les agriculteurs coopérateurs demandent une grande transparence de la part de leur structure. Les groupes veulent de la valeur pour les actionnaires. Je crois que les deux peuvent être conjugués.

L'idée d'un nouveau paradigme doit s'imposer.

Le groupe UC soutient la création d'une mission d'information sur le sujet. Aidons le Gouvernement à se poser les bonnes questions. Le débat sur le gigantisme des coopératives qui se pose rappelle celui sur celles des collectivités territoriales. (M. René-Pierre Savary le confirme.)

L'erreur a pu être de fusionner des coopératives en coopérative unique. Comment être un colosse sans pied d'argile ? Peut-être la solution est-elle l'enracinement local, précieux pour les groupes qui parviennent à le conserver ?

Comment renforcer le contrôle démocratique des coopératives ? Comment garantir l'implication des agriculteurs quand l'implication de cabinets anglo-saxons est rendue obligatoire ?

Les coopérateurs devraient avoir le droit de déclencher un audit indépendant, comme les salariés dans les plus grandes coopératives dans le cadre des comités d'entreprise. Comment intégrer le modèle coopératif dans le système économique actuel ?

À titre personnel, je suis très attaché au modèle coopératif. Mais ne faudrait-il pas un gendarme pour garantir son bon fonctionnement ? Le Haut Conseil de la coopération agricole pourrait-il se voir confier des pouvoirs supplémentaires ?

J'appelle de mes voeux une nouvelle gouvernance construite avec les coopérateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

M. Alain Fouché .  - Ce débat, en apparence technique, soulève de grands enjeux. Trois agriculteurs français sur quatre appartiennent à une coopérative. Les agriculteurs sont très attachés à ce modèle, jugé pertinent par 77 % des adhérents.

Les coopératives sont des acteurs essentiels de l'emploi et de la formation. Quelque 2 600 coopératives génèrent un chiffre d'affaires de 87 milliards d'euros par an, soit 40 % du chiffre d'affaires du secteur agroalimentaire français. On compte 51 000 coopératives en Europe, soit 9,5 millions de producteurs et 675 000 salariés.

L'agrandissement de la base territoriale des coopératives et leur diversification créent des difficultés, dans un contexte de fin des prix fixes. Il fallait pouvoir être compétitif à l'échelle mondiale, mais les liens se sont distendus.

En conséquence, des dissensions sont apparues au sein des plus grandes coopératives. Les mesures de la loi EGalim arrivent donc à un moment opportun.

Les agriculteurs doivent recevoir plus d'informations et il faut promouvoir davantage les bonnes pratiques. Les ordonnances annoncées pour mars 2019 apportent une partie de la solution, afin que les coopératives françaises puissent continuer à croître et accomplissent un saut qualitatif. Mais c'est au mouvement coopératif lui-même de réviser ses fondamentaux pour relever les défis du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC et RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Merci à Pierre Louault d'avoir mis le sujet à l'ordre du jour. Quoi de plus beau qu'un tel débat, portant sur l'engagement des femmes et des hommes pour développer leurs productions sur un territoire, détenteurs d'une part d'un capital immuable, où un euro ou son équivalent en franc investi il y a trente ans a conservé toute sa valeur, sans l'accroître à la sortie ?

J'y suis profondément attaché, précisément parce que ces coopératives sont l'oeuvre commune de ces femmes et ces hommes qui, sur les territoires, partagent un même projet.

La coopérative doit transformer l'ensemble de la production, dont les agriculteurs doivent fournir la totalité. Une caractéristique qui doit intéresser le Sénat est le poids des anciens. Ils laissent souvent du capital pour permettre l'entrée des jeunes dans la coopérative. Cela représente parfois toutes leurs économies. Souvent, on est coopérateur du père en fils. Peut-être les jeunes doivent-ils s'approprier ce projet ? Certaines coopératives exigent des jeunes qui entrent qu'ils prennent le temps de la connaître.

Ce n'est pas parce qu'on appartient à une coopérative que l'on vend mieux et plus cher. Il y a une obligation de compétitivité. Nos concurrents sont parfois d'autres paysans. Il est obligatoire de conjuguer investissements et prix de revient. Tous les cinq ans, un coopérateur peut quitter la coopérative. C'est normal ! À l'inverse, hors faute grave, la coopérative ne peut jamais exclure un coopérateur. C'est exactement l'inverse des règles du marché libéral. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

M. Didier Rambaud .  - L'organisation des coopératives agricoles a été au coeur de nos débats sur la loi EGalim.

Nous n'étions pas tous d'accord sur le véhicule législatif à utiliser, mais nous étions tous d'accord sur la nécessité de refonder le modèle coopératif, ce modèle fait d'entraide où un homme égale une voix, qu'il faut conserver.

Le Gouvernement s'est donné six mois pour réaliser une refondation ambitieuse. La modernisation portera sur la rémunération, la transparence et les conditions de départ des coopérateurs. C'est nécessaire.

L'ordonnance garantira la régularité des pratiques.

Le HCCA, institué en 2006 par la loi d'orientation de l'agriculture, manque de moyens. Après trois années d'existence, le médiateur de la coopération, quant à lui, n'a reçu que six dossiers. Il n'est pas assez visible et on lui reproche un manque d'indépendance et de moyens.

Les 2 600 coopératives françaises jouent un rôle essentiel, avec 86 milliards de chiffre d'affaires et plus de 165 000 salariés, pour la cohésion de nos territoires.

Je salue l'action de Coop de France qui publiera au printemps un code de gouvernance afin d'accompagner les coopératives et d'apporter des réponses concrètes aux questions qui sont posées dans les coopératives et par la société.

Je salue enfin le Gouvernement qui a fait le choix de la concertation. (M. Pierre Louault et Mme Michèle Vullien applaudissent.)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ce débat est tout à fait opportun alors que le Gouvernement va légiférer par ordonnances.

La coopérative Tereos connaît des difficultés à cause de la fin des quotas sucriers et de choix internationaux hasardeux. Quelque 70 des 73 conseillers de région ont démissionné et plusieurs coopérateurs ont été exclus pour avoir critiqué la décision de façon trop virulente. Parmi les mesures prévues dans les ordonnances, la transparence des informations est importante.

Je suis un fervent défenseur des organisations communes agricoles. La modernisation de l'agriculture française doit s'appuyer sur les coopératives.

Le principe cardinal d'une voix par coopérateur est de plus en plus difficile à appliquer. Les montages des coopératives se sont complexifiés. Certaines ont désormais une dimension internationale, ce qui représente un nouveau défi.

Pour retrouver de la valeur, chacun doit prendre part à la stratégie. Le pacte stratégique doit leur être soumis systématiquement.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes pour plus de transparence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. Didier Rambaud et Pierre Louault ainsi que Mme Michèle Vullien applaudissent.)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les coopératives sont le fruit de l'Histoire : c'est à la fin du XIXe siècle que les agriculteurs ont choisi de faire ensemble ce qu'ils ne pouvaient pas faire seuls. Ils ont posé les droits et devoirs de chacun. Las, aujourd'hui, les droits supplantent les devoirs. N'est-ce pas au fond dans l'exercice permanent et facile de la critique que notre problème réside ?

Les principes sont clairs : investir ensemble, en participant de façon égalitaire au capital social, valoriser les produits, assurer le meilleur retour au producteur, valoriser le capital social pour constituer un patrimoine au coopérateur. Nos agriculteurs doivent prendre le temps de s'informer et mener une réflexion collective pour mieux faire ensemble.

Les règles doivent être rappelées : le modèle démocratique, un adhérent-une voix, pas de passe-droit, article premier qui oblige la coopérative à collecter toute la production de l'adhérent et ce dernier à la livrer tout entière.

Je regrette que les adhérents ne s'approprient pas suffisamment la coopérative qui leur appartient. J'entends trop souvent dire « la coopérative » au lieu de « ma coopérative ». Les adhérents doivent être acteurs et non spectateurs !

Les treize grands groupes sont souvent critiqués : trop agroalimentaires, trop industriels. Ces critiques ne sont pas fondées. Dans un environnement concurrentiel et mondialisé, ces grandes coopératives ont su aller chercher la croissance. Comment ne pas être fiers de ces grandes marques : Yoplait, Candia, Béghin-Say...

La coopérative, c'est aussi la garantie du prix payé au producteur. Certains estimeront toujours que l'herbe est plus verte dans le pré du voisin et se tournent vers des entreprises privées... Pourtant, les grandes coopératives n'ont-elles pas sauvé des entreprises privées comme Entremont ou Sud Lait ? Ne permettent-elles pas la collecte partout sur le territoire, y compris dans les zones de montagne, ce qui évite la concentration de la production ?

Avec 72 % de coopérateurs, reconnaissons que le modèle répond aux défis de demain. Dissocions gouvernance et statut, faisons le pari du collectif sur l'individualisme.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Laurent Duplomb.  - Ces coopératives sont un exemple de la gestion fraternelle qui manque tant à notre société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Merci au groupe Union centriste d'avoir proposé ce débat. Les coopératives sont des acteurs incontournables du développement économique et de l'aménagement du territoire. Quelle que soit leur taille, les principes, issus d'une longue tradition, sont les mêmes. Les coopératives ont étendu leur champ de compétences de la collecte à la commercialisation, puis aux semences ou aux engrais... Elles offrent toute une palette de services innovants ; leur champ de compétences techniques est large et diversifié.

Le tissu coopératif, c'est 93 % de TPE-PME. Je connais le sujet pour avoir travaillé trente ans pour la coopérative Alpesud, dans les Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence.

L'interdiction de cumuler conseil et vente de produits phytosanitaires, posée par la loi EGalim, ne sera pas sans poser de grandes difficultés.

Si l'exploitation agricole n'est pas certifiée, un conseil indépendant doit être donné sur l'usage des phytosanitaires. Où s'arrête le rôle du vendeur ? Quel sera le coût du conseil indépendant ?

La gouvernance des coopératives s'adapte, mais les évolutions réglementaires provoqueront de profonds changements. Les coopératives doivent pouvoir apporter un conseil de proximité au quotidien.

Avec un chiffre d'affaires global de 84 milliards d'euros, il est essentiel d'améliorer la gouvernance. Même si 32 % des adhérents de Coop de France estiment que leur voix n'est pas assez entendue, ils sont 77 % à juger que le modèle coopératif a vocation à être pérennisé. Pour beaucoup, c'est même un bouclier - mais il faut sauvegarder l'indépendance et l'impartialité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Merci à l'Union centriste d'avoir choisi ce sujet passionnant.

Lorsqu'on parle des coopératives, il y a deux écueils à éviter : la défiance et la crainte du développement et de la concurrence. Depuis l'origine, l'esprit reste le même. Chacun est libre d'adhérer ou non.

Le système coopératif fonctionne à merveille. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain !

Les coopératives participent à l'excédent de la balance commerciale. Je suis très fier que six coopératives fassent 11 milliards d'euros de chiffre d'affaires. (Mle ministre brandit un graphique.) Elles sont notre fierté, même si l'une d'entre elles a eu des problèmes dans sa gouvernance. Nous suivons ce dossier avec attention : l'administrateur écarté est de retour ; si la liste des pétitionnaires est validée, une nouvelle assemblée générale se tiendra.

Je rends un vibrant hommage aux agriculteurs ayant opté pour le modèle coopératif. C'est un bel exemple de ce que nous pouvons accomplir ensemble. Les coopératives maillent le terrain, contribuant au véritable aménagement du territoire, représentant des emplois non délocalisables.

L'ordonnance prévue par la loi EGalim renforcera la transparence et la régulation. Elle sortira très prochainement ; elle est en train de « tourner », d'être présentée à tous les acteurs concernés : l'objectif est qu'elle soit consensuelle.

L'ordonnance sur la séparation entre vente et conseil est également en train de tourner afin d'être acceptable par les parties prenantes. Il s'agit d'accompagner le développement d'une agriculture moins consommatrice de produits phyto, en responsabilité, avec les représentants des filières.

La relation entre un agriculteur et sa coopérative est unique : il en est à la fois le propriétaire, le client, et le fournisseur. Il y en a de toutes petites, pour les produits de niche ; il y en a de plus grosses, qui exportent.

L'ordonnance précisera l'article premier de la loi EGalim. Elle proposera un cadre rénové de la contractualisation, traitera de l'information sur les modalités de rémunération, des modalités de sortie de la coopérative, de la répartition entre filiales et société mère.

Il faut faire évoluer le HCCA en renforçant ses capacités. Plutôt qu'un gendarme, monsieur Dubois, je préfère qu'il soit un conseiller. Le HCCA contrôlera les statuts de la coopérative, les modalités de fusion ou d'extension territoriale. Les statuts types homologués sont déjà prévus par la loi, inutile de légiférer à nouveau.

Le HCCA vérifiera la conformité des textes régissant le fonctionnement et leur application pratique. Ce contrôle existe : il s'agit de la révision. Le HCCA pourra diligenter des contrôles ad hoc et prononcer des sanctions graduées en cas de manquement : courrier d'avertissement, convocation d'une assemblée générale - c'est la nouveauté dont parlait M. Louault - voire saisine du tribunal.

Les coopératives et leurs membres font très peu appel au médiateur de la coopération agricole, qui est peu visible. Il sera désormais nommé par décret pris après avis du comité directeur du HCCA. Ses interventions doivent être mieux articulées avec celles du médiateur des relations commerciales agricoles. Une charte éthique et déontologique s'appliquera aux membres du HCCA.

Nous ne serions pas allés assez loin ? Nous avons respecté l'habilitation fixée par le Parlement, nous avons beaucoup travaillé avec Coop de France, le HCCA et les organisations professionnelles agricoles. C'est ma méthode : on ne peut pas décider d'en haut, sans en référer au terrain.

La loi d'avenir a renforcé la transparence des coopératives en imposant la publication des comptes des filiales. Mais n'allons pas plus loin, au risque de faire croire à tort à des dysfonctionnements !

Avec une rémunération médiane de 14 500 euros par conseil d'administration et par an, la rémunération des administrateurs n'est pas excessive, sachant qu'elle correspond à 311 jours par an et par coopérative. Un comité des rémunérations existe déjà dans de nombreuses coopératives. Mais ne le rendons pas obligatoire : laissons les conseils d'administration prendre leurs responsabilités.

Chaque fois qu'une structure croît, elle est confrontée à des problèmes de gouvernance. La montée en compétence des administrateurs est indispensable pour qu'ils puissent « challenger » le directeur général. Quand le politique est défaillant, la technostructure prend le pouvoir. Idem dans les coopératives !

M. Loïc Hervé.  - Ce n'est pas rassurant ! (Sourires)

M. Didier Guillaume, ministre.  - Pour en connaître beaucoup, je sais que les présidents et les administrateurs sont des personnes compétentes et passionnées. J'ai confiance en l'avenir des coopératives ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM, RDSE, Les Indépendants, SOCR et CRCE)

La séance est suspendue à 17 h 55.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 18 heures.