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Table des matières



Mission d'information (Nomination)

Favoriser la reconnaissance des proches aidants (Deuxième lecture)

Explications de vote

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Olivier Henno, rapporteur de la commission

M. Daniel Chasseing

Mme Brigitte Micouleau

Mme Patricia Schillinger

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Nadine Grelet-Certenais

Mme Véronique Guillotin

Mme Jocelyne Guidez

Améliorer la lisibilité du droit

Explications de vote

Mme Nathalie Delattre, rapporteure de la commission des lois

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

M. Dany Wattebled

M. François Bonhomme

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Laurence Harribey

M. Vincent Delahaye

Mme Josiane Costes

La juste mesure du bénévolat dans la société française

Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste

M. Michel Savin

M. Bernard Buis

Mme Céline Brulin

M. Maurice Antiste

M. Éric Gold

M. Claude Kern

M. Jérôme Bignon

M. Arnaud Bazin

M. Jean-Jacques Lozach

M. Olivier Cigolotti

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Cyril Pellevat

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Annexes

Ordre du jour du jeudi 14 mars 2019

Nomination d'un membre d'une mission d'information




SÉANCE

du mercredi 13 mars 2019

69e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mission d'information (Nomination)

M. le président.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la mission d'information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? » a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Favoriser la reconnaissance des proches aidants (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat. Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Explications de vote

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Avant d'en venir au fond du texte, je veux rappeler le destin un peu particulier de la proposition de loi que Mme Jocelyne Guidez a déposée en juin 2018 et que le Sénat a votée le 25 octobre suivant. À cette date, soutenir sans réserve ce texte semblait prématuré au Gouvernement, qui lançait, en parallèle, la concertation « Grand Âge ». Un atelier « Aidants », présidé par Mme Annie Vidal, députée, avait engagé une réflexion ambitieuse et prévu d'auditionner des personnalités très diverses, d'un professeur d'éthique à des représentants des centres communaux d'action sociale. Par cohérence avec nos engagements, nous avons souhaité ce temps d'écoute. Après plus de cinq mois, il présentera ses propositions le 28 mars. Ce temps et ce travail n'ont pas été vains : parmi les pistes que vous avez ouvertes, certaines ont été confirmées par l'atelier « Aidants ». Ce sont les quatre articles soumis à votre vote aujourd'hui.

Ce texte manquerait d'ambition ? Non. Les mesures s'adressent à tous les aidants et sans distinction entre les champs du handicap, de l'âge ou de la maladie. Ce texte introduit dès aujourd'hui des avancées majeures, en amont de mesures qui interviendront demain, dans le cadre du projet de loi Autonomie que nous présenterons avant la fin de l'année.

Grâce à son article premier, qui rend obligatoire la négociation collective sur la situation des salariés aidants, les 4 millions d'aidants salariés obtiendront enfin visibilité et reconnaissance au sein des entreprises. Avec son article 5, l'expérimentation du relayage est étendue au secteur public. L'article 5 bis favorisera le financement d'actions en faveur des aidants au plus près du terrain. Certes, les conférences des financeurs financent déjà ces actions dans certains départements, mais parfois les sommes ne sont pas totalement utilisées. Enfin, l'article 6 représente une avancée conceptuelle significative : l'inscription du couple aidant-aidé sur le dossier médical partagé de l'un et de l'autre. Sa rédaction initiale soulevait de nombreuses réserves qui ont été levées.

Le Gouvernement et le Parlement partagent le même objectif : aider les 8 à 11 millions de personnes qui, sans compter leur temps et leur peine, soulagent quotidiennement des proches fragiles. Nous ne nous arrêterons pas là. Le 28 mars, seront présentés les résultats de la concertation « Grand Âge et autonomie ». Avant la fin de l'année 2019, le Gouvernement passera à l'action : l'indemnisation du congé proche aidant sera inscrite dans la loi avant la fin de l'année 2019, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou le projet de loi Autonomie.

Oui, madame Guidez, ce texte appartient aux aidants. Ses mesures et celles qui pourront être prises ultérieurement favoriseront cette reconnaissance que des millions de personnes attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Olivier Henno, rapporteur de la commission .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Henno, qui est retenu. Ce projet de loi, examiné selon la procédure de législation en commission, n'a pas connu un parcours parlementaire ordinaire. Mais je veux insister sur les résultats que nous obtenons quand Parlement et Gouvernement agissent de concert ; écartent, durant au moins un temps, leurs oppositions pour faire place au dialogue.

Le texte initial, ambitieux, tirait sa source d'un rapport que notre collègue Jocelyne Guidez avait rendu sur une proposition de loi relative au don de jours de congé non pris en faveur d'un collègue aidant. Après avoir constaté de grandes lacunes dans la protection sociale des aidants, elle avait décidé de s'emparer du sujet pour proposer un texte exhaustif et innovant. Nos débats, parfois houleux, ont rappelé l'importance de l'initiative parlementaire et la force qu'une impulsion politique, venue du Sénat, pouvait produire.

Le résultat des travaux que nous vous présentons, un texte finalement composé de quatre articles et fortement modifié par rapport à sa version originelle, n'a pas amoindri le rôle de notre institution. Dans la Ve République, aucune institution ne travaille efficacement seule. Si nous avons été déçus de voir l'Assemblée nationale dépouiller notre texte, le Gouvernement a pris des engagements réitérés sur l'indemnisation du congé de proche aidant et l'harmonisation des conditions d'affiliation à un régime de retraite de l'aidant. Nous avons dit notre mécontentement devant les entraves que le Gouvernement mettait à nos initiatives pour des motifs essentiellement calendaires ou de récupération politique mais nous reconnaissons avoir été entendus - au moins, en partie. J'en veux pour preuve la réintégration de deux articles, dont l'article 6. Et l'indemnisation du congé de proche aidant sera à mettre au crédit du Sénat.

Je remercie la ministre qui a souhaité trouver un débouché à l'Assemblée nationale pour ce texte ainsi qu'à Olivier Henno pour son travail minutieux et, évidemment, à Jocelyne Guidez (M. Vincent Delahaye approuve.) qui a su trouver les mots justes pour aboutir à un accord. Comme elle l'a si bien dit : ce texte n'est ni celui du Parlement ni celui du Gouvernement, c'est celui des aidants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Daniel Chasseing .  - Je salue l'excellent travail d'Olivier Henno, rapporteur, et de Mme Jocelyne Guidez, auteur de la proposition de loi.

Les proches aidants représentent près de huit millions de personnes en France. Et ce nombre ira augmentant : huit personnes âgées sur dix sont aidées par un proche selon la DREES et un tiers de la population française aura plus de 60 ans en 2060.

Nous savons les difficultés qu'entraîne le cumul de ce temps de soutien avec les vies professionnelle et familiale. Neuf aidants sur dix se disent fatigués, voire déprimés ; certains laissent même de côté leur propre santé. Si la loi d'adaptation de la société au vieillissement de 2016 a apporté une première reconnaissance des proches aidants, les dispositifs de soutien restent très largement insuffisants.

Le texte initial que le Sénat a voté en octobre dernier renforçait les droits sociaux des aidants. Il avait pour pierre angulaire l'indemnisation du congé de proche aidant à l'article 2, mon groupe a déposé un amendement en commission pour le rétablir. C'est, en effet, une première étape avant l'ouverture de ce congé indemnisé aux indépendants et aux fonctionnaires. En l'état, les proches aidants continueront de délaisser leur droit au congé au profit du système des arrêts maladies.

En dépit du remarquable travail de Mme Jocelyne Guidez, l'Assemblée nationale l'a supprimé, ainsi que quatre autres articles. Nous comptons sur le Gouvernement pour se montrer à la hauteur des besoins et des attentes légitimes des aidants lors de la prochaine réforme de la prise en charge de la dépendance.

Le texte, augmenté des articles 5 bis et 6 que notre rapporteur a proposé de rétablir, reste néanmoins positif.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi.

Mme Jocelyne Guidez.  - Très bien !

Mme Brigitte Micouleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi visait à mieux reconnaître et à prendre en compte le travail exceptionnel des proches aidants, eux qui sont souvent confrontés à l'isolement. J'utilise le passé car l'Assemblée nationale n'a pas hésité à vider de sa substance ce texte que le Sénat avait adopté à l'unanimité.

L'objectif était d'envoyer un message concret aux proches aidants. Je le constate en Haute-Garonne, les familles sont souvent désemparées devant le manque, voire l'absence, de professionnels de santé, le manque cruel de places en établissement spécialisé et le coût des institutions. Aux proches aidants, nous disons toute notre admiration devant leur généreuse abnégation. Ils sont les relais de la solidarité nationale.

Le rapporteur, en dépit d'un climat tendu, a privilégié le dialogue. Il en a obtenu le rétablissement de deux articles, adoptés en commission avec l'avis favorable du Gouvernement, sur le financement des actions en faveur des aidants et l'inscription de leur nom dans le dossier médical partagé. Madame la ministre, nous vous rappellerons votre engagement et celui de Mme Buzyn sur l'indemnisation du congé de proche aidant.

Cette proposition de loi marque une première étape, le groupe Les Républicains la votera pour envoyer un signal positif aux aidants. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Patricia Schillinger .  - Je salue ce texte de compromis et celui qui fut l'artisan de ce compromis, le rapporteur. Il fallait concilier la volonté légitime d'avancer vite pour les aidants et la volonté, tout aussi légitime, de ne pas fractionner les mesures en leur faveur alors que deux grandes concertations sur la dépendance et les retraites sont en cours.

Je l'ai dit en commission, nous devons concevoir un plan global et structuré pour aider les aidants et mieux les informer. Ne nous attardons pas sur les considérations de communication, d'antériorité ou de paternité de tel ou tel dispositif ; mieux vaut que Parlement et Gouvernement se synchronisent pour travailler de manière constructive.

Le compromis est satisfaisant : maintien des articles premier et 5, rétablissement des articles 5 bis et 6. Ces dispositions s'inscrivent utilement dans l'approche globale et la concertation en cours en amont du projet de loi annoncé pour la fin de l'année 2019. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Notre groupe politique est investi depuis longtemps sur le sujet des aidants. En 2018, une « mission flash » du député Pierre Dharréville avait été suivie d'une proposition de loi du groupe GDR et d'une du groupe CRCE déposée au Sénat en octobre dernier.

Parce que les proches aidants assument des responsabilités qui relèvent de la solidarité nationale, nous devons leur assurer des conditions d'existence dignes pour le présent et le futur. Nous avions identifié trois axes de travail : le temps du proche aidant et son droit au répit ; ses ressources, celles dont il dispose pendant son congé et ses droits à retraite ; enfin, sa reconnaissance, auprès des professionnels de santé et dans le monde du travail.

Nous nous sommes réjouis de voir Mme Guidez reprendre les propositions de la « mission flash », tout en regrettant qu'elle ait laissé de côté l'assouplissement des conditions de mise en oeuvre du congé de proche aidant, la prise en charge à 100 % des frais pour la santé physique et mentale de l'aidant ainsi que la reconnaissance de leur expérience acquise au moment de leur réinsertion dans le monde du travail.

Si elle était incomplète, cette proposition de loi apportait des avancées incontestables. Tel n'est plus le cas depuis que les députés l'ont vidé de sa substance. L'aide aux proches aidants, qui prennent sur leur temps et leur énergie pour pallier les carences de l'État, devrait être une priorité. Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - L'entêtement dont a fait preuve le Gouvernement sur cette proposition de loi fait penser à la passe d'armes que nous avons eue sur la revalorisation des retraites agricoles. C'est l'honneur du Sénat de voter de telles avancées.

Indemnisation du congé de proche aidant, majoration de la durée d'assurance pour le calcul des droits à pension, affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse pour les aidants ayant interrompu leur activité professionnelle, ouverture du droit à la reconversion professionnelle aux aidants que j'ai fait adopter en première lecture, ces mesures, qu'attendent les huit millions d'aidants, le Gouvernement n'en a pas voulu Nous devrons attendre les conclusions de la mission de Dominique Libault et leur traduction législative qui est promise avant la fin de l'année 2019.

Nous craignons, avec le président de l'AD-PA, que les mesures n'arrivent que dans deux ou trois ans, au mépris du travail parlementaire, pour des raisons de calendrier gouvernemental. Quel gâchis, madame la ministre !

Nous regrettons profondément que nos amendements aient été repoussés en commission pour des raisons de barguignage avec la majorité à l'Assemblée nationale. Attention : au nom du pragmatisme, le Parlement pourrait se trouver dépossédé de ses prérogatives.

Très peu d'avancées ont été conservées par la majorité à l'Assemblée nationale, pusillanime par excès de loyalisme, même si le texte présenté à notre vote est mieux-disant grâce à notre rapporteur Olivier Henno.

Madame la ministre, vous préférez les petits pas pour les plus humbles au lieu de reprendre les mesures que le Parlement vous présente clé en main. Soit. Les proches aidants savent qu'ils peuvent compter sur le soutien indéfectible du groupe socialiste du Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Véronique Guillotin .  - Le 6 décembre, après avoir rejeté de justesse une motion de renvoi en commission, l'Assemblée nationale n'a retenu que deux articles de cette proposition de loi ambitieuse, au prétexte que le sujet serait traité plus tard.

Je me suis interrogée : faut-il voter un texte vidé de sa substance ? Il y subsiste des avancées : la négociation collective obligatoire sur la situation des aidants, l'identification de l'aidant dans le dossier médical partagé, le relayage pour les agents publics et le financement des actions en faveur des aidants par la conférence des financeurs - et, à en croire la ministre, les financements vont augmenter, bonne nouvelle !

Le quotidien des proches aidants est épuisant : 48 % des aidants déclarent avoir une maladie chronique, 60 % sont exposés à un risque de surmortalité dans les trois ans qui suivent le début de la maladie de leur proche et un tiers décède avant la personne aidée.

« Je ne puis pas laisser dire que le travail parlementaire est limité » disiez-vous, madame la ministre. C'est pourtant la réalité... Le législateur ne peut pas se contenter d'attendre les initiatives du Gouvernement, il doit être force de proposition, à l'exemple de Mme Jocelyne Guidez.

Le groupe RDSE, qui a entendu l'appel du rapporteur, votera ce texte mais restera attentif aux mesures à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Jocelyne Guidez .  - En commission, moi aussi, j'ai eu un cas de conscience. Que faire : réintroduire les mesures votées par le Sénat à l'unanimité ou voter conforme pour sécuriser les quelques mesures restantes ? Heureusement, un compromis a été trouvé. La Ve République est ainsi faite. Le Sénat n'a pas le dernier mot et l'élection législative suivant celle du chef de l'État donne au Gouvernement une majorité absolue.

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

Mme Jocelyne Guidez.  - Le Sénat peut avoir des convictions mais ne peut ignorer le fonctionnement de la navette parlementaire. Camper sur nos positions serait un choix dogmatique quand des familles, parfois dans des situations dramatiques, attendent des réponses. L'intérêt général doit guider notre plume ; le principe de réalité nous commande d'enregistrer tout progrès, si limité soit-il.

Non, ce texte n'est donc pas vide. L'article premier oblige les branches professionnelles à négocier, les entreprises devront donc adapter le temps de travail des proches aidants. L'article 5 étend le relayage aux agents publics ; l'article 5 bis permet à la conférence des financeurs d'utiliser les fonds de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour soutenir les proches aidants ; l'article 6 reconnaît officiellement le lien entre aidant et aidé, à travers le dossier médical partagé. L'ensemble des aidants est concerné.

Beaucoup ont noté que l'article 2 qui concerne 267 000 aidants, avait disparu mais l'article 6 subsiste et s'adresse à 11 millions d'aidants. Le Gouvernement s'est engagé publiquement sur l'indemnisation du congé de proche aidant, je veux le croire.

Je voterai, comme mon groupe, ce texte sans la moindre réserve en remerciant le Gouvernement pour son soutien en faveur d'un vote à l'Assemblée nationale avant l'été. Fait suffisamment rare pour être souligné, les députés vont adopter conforme un texte du Sénat.

Comme me l'a dit une personne aidante rencontrée hier : « Nous sommes des aimants avant d'être des aidants ». (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE, LaREM et Les Indépendants)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE, LaREM et Les Indépendants)

La séance, suspendue à 15 h 20, reprend à 15 h 25.

Améliorer la lisibilité du droit

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Explications de vote

Mme Nathalie Delattre, rapporteure de la commission des lois .  - Le 6 mars, la commission des lois a adopté à l'unanimité ce texte abrogeant des lois adoptées entre 1819 et 1940 et tombées en désuétude depuis. Certains ont cité Montesquieu, je vous rappellerai les mots de Montaigne : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde et plus qu'il n'en faudrait pour régler tous les mondes d'Épicure. »

L'adage « Nul n'est censé ignorer la loi » semble de plus en plus irréaliste quand notre droit compte quelque 80 000 dispositions législatives et 240 000 dispositions réglementaires. En 2018, Le Journal Officiel a compris 71 521 pages, dont 45 lois, 1 267 décrets et 8 327 arrêtés réglementaires.

Or la complexité du droit déroute les administrés et bride les initiatives. Les 308 articles de la loi Macron de 2015 modifient 848 modifications législatives dans 30 codes et 55 lois et ordonnances !

Depuis les années 1990, de nombreuses actions ont été menées pour rendre le droit plus lisible. Légifrance est une réussite, les lois de simplification qui rassemblent des mesures éparses le sont moins. Quant à la règle séduisante de deux pour un, elle n'a été appliquée qu'à 32 décrets sur 1 500 depuis juillet 2017.

Il faut souligner l'importance des travaux du Conseil national d'évaluation des normes, le CNEN, présidé par Alain Lambert. Il a signé une charte de partenariat avec notre délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour mieux identifier les difficultés des élus locaux. Reste que ses conditions de travail sont difficiles.

La mission B.A.L.A.I., pour « Bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles », créée en janvier 2018 par le Bureau du Sénat, vise à chasser les fossiles législatifs. Ce texte, de notre résistant Vincent Delahaye car le chantier est de longue haleine, est le premier d'une série.

Certains s'interrogent : ce texte constitue-t-il une priorité ? Je leur réponds que nous devons réduire le stock des normes, que ce texte a un caractère pédagogique; que c'est, enfin, un galop d'essai, avant d'aborder des lois plus récentes qui soulèvent davantage de questions politiques.

La commission a adopté 15 amendements, s'appuyant sur l'avis du Conseil d'État saisi par le président Gérard Larcher. Nous avons conservé des dispositions utiles, comme l'interdiction des casinos à 100 km autour de Paris, sauf à Enghien-les-Bains.

La commission a adopté trois amendements du Gouvernement pour conserver des articles qui constituent le fondement du code général des impôts et ne sont consultables, en version papier, qu'à Bercy. Comme l'a dit Alain Richard, c'est ubuesque. Nous vous invitons, monsieur le ministre, à prendre l'attache de la commission supérieure de codification.

Enfin, la commission a abrogé huit lois obsolètes supplémentaires, prolongeant les travaux de la mission B.A.L.A.I. Au total, le texte de la commission abroge intégralement ou partiellement 49 lois adoptées entre 1814 et 1940. Ce chiffre correspond à une année d'activité législative - ce n'est qu'un début, la mission poursuivant inlassablement ses travaux.

La commission des lois propose d'adopter ce texte ainsi amendé. Merci à Vincent Delahaye pour son engagement sans relâche et au président Larcher pour les moyens qu'il a mis à notre disposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et LaREM)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - J'ai plaisir à vous retrouver pour les explications de vote sur cette proposition de loi prise à l'initiative de Vincent Delahaye et Valérie Létard, et sur la mission B.A.L.A.I. Je tiens à saluer la méthode de travail retenue.

Vous avez consulté les ministères pour identifier les lois obsolètes. Le Conseil d'État a aussi été saisi par le président Larcher en application de l'article 39 de la Constitution. Ce texte a été adopté en commission selon la procédure tout à fait adaptée de législation en commission. Quinze amendements ont été adoptés, nous sommes parvenus à un consensus.

Les chiffres sont vertigineux. Le Journal officiel 2018 compte plus de 71 000 pages, 45 lois, 1 260 décrets et 8 200 circulaires. Le travail de simplification des normes ne fait que commencer. Il faudra aller plus loin pour examiner les textes plus récents ; ce sera sûrement plus difficile. C'est pourquoi le Gouvernement a pris le décret du 26 juillet 2017 relatif à la règle de la suppression des deux mesures réglementaires pour chaque norme édictée. Le Premier ministre demande que chaque ministère fasse preuve de la plus grande sobriété normative possible, le Secrétariat général du Gouvernement y veille.

Nous préférons aussi inclure dans chaque loi un volet de simplification thématique, ce qui est plus efficace que l'accumulation de lois de simplification fourre-tout.

Nous voulons aussi changer le rapport à la règle pour l'adopter au terrain.

Nous avons supprimé plusieurs milliers de circulaires mais le chantier reste immense.

Nous devons aussi progresser pour mieux évaluer les normes. C'est le rôle du Conseil national d'évaluation des normes dont plusieurs sénateurs ont salué la qualité du travail lors de l'examen du texte en commission, ainsi que la nécessité d'évaluer son activité depuis quatre ans. Plus nous lui donnons du temps pour travailler en amont, plus efficace est son travail : il a ainsi examiné l'avant-projet de loi relatif à la fonction publique et y a donné un avis favorable.

Le Gouvernement est favorable à l'adoption de ce texte utile et à l'abrogation des 49 lois citées. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Dany Wattebled .  - Cette proposition de loi tend à améliorer la lisibilité des droits par l'abrogation des textes obsolètes.

Elle reflète l'action de la mission B.A.L.A.I. créée par le Bureau du Sénat en janvier 2018, qui fait la chasse aux fossiles législatifs, en abrogeant les dispositions devenues inutiles.

Je ne répéterai pas les chiffres. La France est la patrie de l'inflation législative, nos concitoyens sont désarçonnés face à la marée normative. Dans les librairies de la rue Soufflot, les codes rouges s'empilent dans les vitrines...

Bien sûr, bien des lois sont rendues nécessaires par la multiplication des sources du droit, internes comme externes. Cette prolifération s'explique aussi par l'émergence de nouveaux domaines, par la libéralisation de nombreux secteurs comme les transports, l'énergie, les télécommunications, qui requièrent la définition de règles nouvelles.

Cette complexité peut apparaître comme un véritable handicap, en particulier sur le plan économique. Une législation illisible devient inapplicable et effrayante, notamment pour les entrepreneurs qui ont besoin de simplification juridique. Les collectivités territoriales, quant à elles, doivent appliquer plus de 400 000 normes...

Jean Carbonnier disait déjà, il y a trois décennies, que nous demandions une loi dès qu'un problème apparaissait, qu'un scandale éclatait, comme si c'était une solution suffisante - le constat n'a rien perdu de sa pertinence.

Ce texte a donc toute sa pertinence, il est utile : le groupe Les Indépendants le votera - et je félicite notre rapporteure pour son excellent travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM et UC)

M. François Bonhomme .  - Avec plus de 80 000 articles législatifs et 240 000 articles réglementaires, notre corpus juridique frôle la pachydermie !

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » : l'avertissement de Montesquieu n'a jamais été aussi vrai... L'empilement des lois nuit à l'objectif de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité du droit. Nous avons tous à gagner à nous sortir de ce que Montaigne qualifiait déjà d'exception française.

Cette proposition de loi abroge totalement ou partiellement 49 lois. Je ne peux que m'en féliciter. Les collectivités territoriales sont les premières victimes d'un droit abscons, devant composer avec 400 000 normes ! C'est particulièrement vrai en matière d'installations sportives ou d'urbanisme - et cela a un coût évident.

Rappelons-nous également des propos de notre ancien collègue Éric Doligé déplorant l'excès de zèle d'un État prescripteur, ignorant la réalité quotidienne du terrain et marquant la fracture entre l'échelon central et les territoires. Élus locaux, nous connaissons le poids de cette inflation législative. Cette proposition de loi est la première pierre d'une salutaire mission B.A.L.A.I. visant à supprimer les « fossiles législatifs ». L'objectif est de permettre au Sénat de contribuer à cet exercice essentiel. Le Conseil d'État, depuis longtemps, a indiqué que « lorsque la raison d'être d'une loi disparaît, la loi ne s'applique plus ».

Cette mission B.A.L.A.I. travaille aussi en partenariat avec notre délégation aux collectivités territoriales, qui a noué un partenariat avec le Conseil national d'évaluation des normes pour identifier et pourchasser les mesures inutiles.

René Descartes a écrit : « La multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices en sorte qu'un État est bien mieux réglé lorsque n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées. ». Soyons cartésiens, adoptons peu de lois mais respectons-les, et notre droit n'en sera que plus efficace ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Le Bureau du Sénat a choisi d'examiner ce texte selon la procédure de législation en commission ; son objectif est dans son intitulé : améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes.

« Nul n'est censé ignorer la loi », mais c'est devenu impossible. La loi est souvent trop longue, trop complexe, trop instable et sa connaissance est devenue un défi pour nos concitoyens. Le législateur doit veiller à ce que la loi soit applicable.

Cette proposition de loi est la première initiative de la mission B.A.L.A.I., créée en janvier 2018 pour faire la chasse aux « fossiles législatifs » et aux lois obsolètes. Si la loi sur le travestissement des femmes du 7 novembre 1800 a été abrogée en 2013, il reste beaucoup de textes obsolètes.

Le texte abroge 49 lois anciennes. Ce travail d'élagage, nécessaire, doit s'accompagner d'une volonté politique : le 3 juillet 2017, le président de la République a pris position dans ce sens devant le Congrès. Le Gouvernement a pris deux décisions importantes : chaque mesure réglementaire prise doit s'accompagner de la suppression de deux mesures réglementaires existantes, et chaque texte doit comporter un titre de simplification. Par ailleurs, le Secrétariat général du Gouvernement a mis en ligne le 7 mars 2018, un tableau de bord de l'activité normative.

C'est parce que nous partageons l'adage de Montesquieu, en 1748, que rappelait notre collègue François Bonhomme, selon lequel « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », que nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je suis convaincu que s'il y avait plus de lois utiles, elles vieilliraient mieux... mais c'est un autre débat. (Sourires)

Je n'ai pas de commentaire à faire sur le recours à la LEC et aux amendements qui ont été adoptés en commission. Cela n'a pas été le cas récemment, je pense à la loi modifiant le régime électoral des instances des Français établis hors de France, où l'on a vu des amendements de fond être pris en commission, alors qu'ils nécessitaient un débat en séance plénière.

La dispersion du droit applicable à un domaine dans de multiples textes et codes rend le droit illisible. J'ai toujours été frappé par notre façon de légiférer en supprimant des mots, en ajoutant des bouts de phrases, des alinéas. Cela rend notre travail incompréhensible, sauf à avoir Légifrance ouvert en permanence.

Cela dit, le travail est fait et mieux vaut qu'il le soit, plutôt que pas. Reste la question de savoir si ce n'est pas plutôt au Conseil d'État que revient un tel travail - ce qui revient à poser celle de savoir pourquoi tant de conseillers d'État choisissent d'aller vers des carrières différentes de celles pour lesquelles ils ont été formés, mais c'est encore un autre débat. Quoi qu'il en soit, donc, le groupe CRCE votera ce texte. (Applaudissements)

Mme Laurence Harribey .  - Ce texte, qui résulte du travail de la mission B.A.L.A.I., supprime 49 lois adoptées entre 1819 et 1940 et qui n'ont jamais été appliquées. Dans cette chasse aux « fossiles », on note quelques perles comme la loi du 12 décembre 1916 sur le trafic des monnaies nationales. On aurait peut-être pu les conserver pour laisser du travail aux archéologues du droit... (Sourires)

Le groupe socialiste votera ce texte. Cependant, on peut s'interroger sur son utilité, car il n'y a pas d'insécurité juridique dès lors que les textes visés ont déjà fait l'objet d'une abrogation tacite ou expresse, ou qu'ils contiennent des mesures tombées en désuétude. Toutefois, le travail est fait, c'est utile - et il est utile aussi de passer à autre chose, car le rôle du Parlement n'est pas de faire la chasse aux fossiles, mais plutôt de légiférer pour répondre aux besoins du monde contemporain. Donc oui à une mission B.A.L.A.I., mais pas pour réduire le Parlement à n'être qu'un camion-balai - notre rôle, c'est celui d'un instigateur de lois utiles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je remercie... tous ceux qui m'ont remercié ! (Sourires) Je me félicite du nombre élevé de cosignataires de la proposition de loi commise avec Valérie Létard, que j'excuse aujourd'hui, et je remercie Gérard Larcher de nous avoir donné les moyens de travailler utilement.

Le ménage que nous effectuons est utile. Notre législation n'a cessé de se complexifier voire de s'obscurcir.

Nous sommes passés d'un État de droit à un état de paralysie par le droit. (M. Pierre-Yves Collombat approuve.) Nous ne savons pas même chiffrer le nombre de lois en vigueur : le Conseil d'État en recense 10 500, Légifrance 2 707, tandis que l'exécutif ne recense que le nombre de pages du Journal officiel...

Cette situation résulte de notre histoire politique et juridique. Depuis la nuit du 4 août, il y eut peu d'abrogations de règles obsolètes et injustifiées. Depuis cette nuit glorieuse, la République est retombée dans une certaine logique corporatiste visant à normer toutes les activités, à légiférer partout et tout le temps. Si bien que si les régimes passent, les lois, elles, demeurent.

Ce texte a identifié des lois obsolètes remontant... à 1819, c'est dire que la longévité de lois inutiles est inversement proportionnelle à la lisibilité de notre bloc législatif.

Le législateur n'a pas été avare de lois de simplification : dix lois depuis 2004, mais elles ont souvent négligé le travail préalable d'allègement de la loi. Or la multiplication des lois complexifie leur compréhension par nos concitoyens.

Certes, cette proposition de loi ne supprime que 49 lois, quand d'innombrables s'ajoutent chaque année - certains diront que ce n'est qu'une goutte de simplification dans un océan de normes. Nous abrogeons des lois désuètes comme celles relatives à la chasse aux sangliers de 1904, au mont-de-piété - devenu depuis bien longtemps le Crédit municipal de Paris - ou au trafic de monnaies nationales - à l'heure de l'euro ! C'est un début. Il faudra ensuite nous attaquer aux lois postérieures à 1970 et, surtout, veiller à éviter l'excès de normes dans les textes que nous votons. À l'instar du poivre et du sel, dont tant l'absence que l'excès rendent un mets inconsommable, nous devons retrouver le sens des proportions en matière de normes ! (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Josiane Costes .  - « Il faut être sobre en matière de législation », estimait Portalis en 1801. Nous nous sommes, hélas, éloignés de ce conseil en voulant trop souvent répondre par l'immédiateté.

Cette inflation législative est aggravée par le quinquennat, on en arrive à prendre de nouvelles lois alors que les décrets des précédentes ne sont pas toutes pris. Notre droit a accumulé des normes, parfois antinomiques. La loi peine à être compréhensible. L'inflation de normes est néfaste pour notre démocratie : elle restreint de facto la liberté individuelle. Car à force de légiférer sur tout, c'est le principe fondamental de liberté qu'on oublie et qu'on bafoue - la multiplication des règles restreint de fait notre liberté individuelle, c'est préoccupant.

Le groupe RDSE a donc accueilli très favorablement la mission B.A.L.A.I. et la présente proposition de loi - dont je salue la rapporteure Nathalie Delattre. Son adoption sera utile pour la lisibilité de la loi, objectif qui gagnerait à être inscrit dans la Constitution, comme le propose le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle. Le législateur doit également modifier ses habitudes de travail : il ne doit légiférer que d'une main tremblante. Par ailleurs, les normes réglementaires doivent être limitées et cohérentes. Il faut moins légiférer mais mieux légiférer. En ce sens, je salue la règle du « deux contre un » mise en place par le Gouvernement pour supprimer deux décrets lorsqu'un nouveau est publié, et le travail réalisé par le CNEN. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains)

La proposition de loi est adoptée.

La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 20.

La juste mesure du bénévolat dans la société française

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur : « La juste mesure du bénévolat dans la société française », à la demande du groupe UC.

Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je remercie notre président d'avoir accepté d'organiser le présent débat sur la « juste mesure du bénévolat » et pas seulement le bénévolat ; j'en rêvais comme bénévole dans la Nièvre : je rêvais de pouvoir un jour porter cette voix-là, ces mots-là, à la tribune du Parlement.

Le bénévolat est un maillage discret, subtil, mais omniprésent et indispensable dont la perception varie selon le lieu où il est exercé et l'expérience de chacun. Comme l'amour, comme la générosité, il ne se quantifie pas. Je ne vous donnerai donc aucun chiffre. Je choisirai donc une méthode inversée. Mais que se passerait-il si le bénévolat, notamment associatif, disparaissait de notre société ? Les associations culturelles, sportives, sociales et solidaires jouent un rôle indispensable. Il ne resterait, sans elle, plus grand-chose de notre vie quotidienne. Ce serait la fin du nombre d'activités artistiques, sportives, de commémorations, d'aide aux devoirs, de visiteurs dans les Ephad, de bibliothèques, etc. Si la Croix-Rouge, les Restos du coeur, l'Ordre de Malte et Emmaüs n'existaient pas, que se passerait-il ? Une révolte d'affamés ?

Je tiens à cet égard à votre disposition le témoignage de l'employée d'une petite bibliothèque communale, où 600 livres sont empruntés chaque année pour 502 habitants. En 2017, elle a dû signer une convention avec la bibliothèque départementale, créer une adresse mail, saisir des données, communiquer des chiffres par habitant - tout ceci pour quoi ? Des heures de travail, sans pouvoir mesurer le pourquoi - si vous pouvez m'éclairer, Monsieur le ministre... Un point de lecture de proximité est indispensable, mais il ne faut pas décourager les bénévoles qui s'y investissent plus par trop de paperasserie.

En milieu rural, la plupart des élus sont bénévoles. Sans bénévolat, il n'y aurait plus d'élections. Les élus ont donné quatre dimanches à cette activité en 2017.

L'entretien des communes comme le champ de la sécurité civile repose sur le bénévolat. Bernadette, maire d'une commune rurale depuis vingt ans, ne touche aucune indemnité. Elle offre gracieusement timbres et vins d'honneur et son mari tond les pelouses avec son tracteur. Son cas n'est pas unique, bien au contraire, mais il n'est pas visible depuis Paris.

Prendre la juste mesure du bénévolat, c'est comprendre qu'il porte notre pays à bout de bras. Le sous-estimer serait prendre un risque de paralysie générale.

Ce n'est pas en additionnant plusieurs pauvres qu'on fait un riche. Il faut au contraire soutenir les bénévoles. Qui pour remplacer le mari de Bernadette qui tond la pelouse communale ? Un agent, puis deux, pour le remplacer en cas de congés, sans compter l'achat du tracteur, son entretien et le carburant...

« Se sentir utile et faire quelque chose pour les autres, voilà notre moteur », disait un président d'association.

Préservons le bénévolat, trésor inestimable. Avant de décourager définitivement les bénévoles français, que l'État fasse ses comptes : a-t-il les ressources nécessaires pour le remplacer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Michel Savin .  - Il y a une semaine, le Sénat a adopté la proposition de loi favorisant l'engagement associatif. J'espère qu'elle sera bientôt inscrite à l'Assemblée nationale, afin de donner un nouvel élan au mouvement associatif.

La France est riche de son dynamisme associatif. Mais il est difficile de fidéliser les bénévoles et de recruter des dirigeants. Certaines réponses sont apportées dans la proposition de loi.

Le bénévolat sportif est spécifique : nombre de bénévoles ont des responsabilités d'encadrement, sans reconnaissance. Travaillons sur le compte d'engagement citoyen.

La France accueillera la Coupe du monde de football féminin dans très peu de temps, l'Euro de volley à l'automne, les championnats d'Europe d'athlétisme en 2020, la Coupe du monde de rugby en 2023, les Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Ces derniers mobiliseront 70 000 bénévoles.

Les bénévoles doivent pouvoir valoriser leur engagement. En 2016, les fonctionnaires de l'Urssaf ont déclenché un contrôle sur le statut des bénévoles lors de l'Euro 2016, soupçonnant du travail dissimulé. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Les responsables syndicaux disposent de jours de congé rémunérés supplémentaires, notamment dans le cadre de leur formation. Il me semble normal et souhaitable que les dirigeants associatifs bénéficient de même d'un à trois jours de congé rémunérés par an. Ils ont des responsabilités importantes devant être retenues. Ils ont droit à des formations. Quelles solutions préconisez-vous, monsieur le ministre ?

Il faut aussi mieux former les bénévoles pour que leurs missions soient accomplies dans les meilleures conditions. Nous avons déposé des amendements. On pourrait en ce sens recourir davantage au mécénat de compétences. Je souhaite que le Gouvernement écoute le Parlement et que l'avenir du bénévolat soit encourageant et concret. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Bernard Buis .  - Selon Léon Bourgeois, qui a introduit le mot « solidarité » dans le vocabulaire français, « l'association, c'est l'apprentissage de la vie sociale, c'est faire sur un petit espace, dans un petit domaine, l'image réduite, visible pour quelques-uns de ce que doit être la grande société humaine. ».

L'association a l'intérêt collectif pour matière et le civisme pour manière. Or 25 % des Français participent à des associations, soit bien plus que la moyenne européenne dans ce « petit domaine » qui repose sur des « collectifs de volontés ».

Il existe autant de bénévoles que d'associations avec des raisons d'engagement différentes. On ne s'engage pas pour les mêmes raisons dans la Croix-Rouge française, une association du judo ou une association de parents d'élèves. Alors que nos concitoyens se détournent des syndicats, ils plébiscitent toujours les associations.

Dans une époque dont on fustige volontiers l'individualisme, le regard vers l'autre, la gratuité, le don de soi et le désintéressement participent à l'engagement bénévole. La majorité présidentielle défend ces valeurs. Il faut accompagner ces bénévoles. Voilà l'objectif de la feuille de route du Gouvernement. Le recrutement est difficile, les raisons de s'engager ne manquent pas. C'est pourquoi le groupe LaREM a soutenu la proposition de loi sur l'engagement associatif.

L'enthousiasme pour le bénévolat est justifié. Les associations participent pleinement au maillage territorial, des métropoles aux territoires les plus ruraux. Réjouissons-nous de cet engouement, tout en restant à notre place de législateurs. Le Gouvernement et le Parlement veillent à leurs devoirs et missions d'intérêt général.

L'association ne peut assumer ce qui relève des prérogatives de l'État. Un engagement associatif est nécessairement libre, gratuit et désintéressé. Mais l'association peut être un mode de gouvernance utile pour l'État - la solidarité, le logement, le travail, l'insertion sont les plus subventionnés - ce qui justifie l'abondement des crédits aux associations en 2018 ou le maintien du crédit d'impôt en 2019 sur les taxes sur les salaires.

Mais l'association ne peut se substituer l'État, elle ne peut pas offrir l'égalité devant le service public ni la continuité de celui-ci. Le bénévolat contraint des aidants est cependant préoccupant. Le législateur et le Gouvernement peuvent faire en sorte que cet oxymore ne désigne plus la réalité. Nous espérons que les 360 millions d'euros supplémentaires déployés par Agnès Buzyn pour les Ehpad y remédieront.

La juste place du bénévolat, c'est la liberté, quand l'État assume toutes ses responsabilités et poursuit sa mission d'émancipation avec ferveur.

Mme Céline Brulin .  - Je remercie les collègues du groupe UC de mettre le bénévolat au coeur du débat. De très nombreuses missions sont confiées aux bénévoles : sport, soutien scolaire, sapeurs-pompiers volontaires... Les élus locaux exercent aussi leur mandat de manière quasi bénévole. Quinze millions de bénévoles remplacent parfois la puissance publique, comme le Téléthon qui récolte des millions d'euros, Les Restos du coeur, la Journée des oubliés des vacances du Secours populaire, qui offre le dépaysement à des milliers d'enfants, le temps d'une journée...

Et cela permet à notre société de tenir, quand certains ont comme modèle un monde mercantile où tout se vend. Le modèle fécond et spécifiquement français de l'association loi 1901 à but non lucratif est à vivifier.

Le Parlement doit encourager le bénévolat et susciter de nouvelles vocations, pour éviter tout dévoiement.

Encourageons le bénévolat. La loi a établi un compte engagement citoyen, qui se traduit dans des droits à formation et à congés supplémentaires, la valorisation des acquis de l'expérience et la troisième voie d'accès aux concours de la fonction publique. Pour les étudiants, la loi Égalité et citoyenneté a rendu possible la validation du bénévolat en crédits ECTS.

Cependant, nombreux sont ceux qui méconnaissent ces outils. Faisons-les connaître et allons plus loin pour concilier réellement engagement bénévole et vie professionnelle, avec des horaires personnalisés ou en élargissant les possibilités de congés spécifiques. Reconnaissons à sa juste valeur le bénévolat, et formons les bénévoles.

Quelle société voulons-nous ? On constate un tassement du bénévolat chez les seniors. Selon France bénévolat, seraient en cause le durcissement des conditions de départ en retraite et la nécessité pour les retraités de travailler, non pour « mettre du beurre dans les épinards », mais bien pour accéder aux épinards...

Nous devons aussi interroger les voies intermédiaires entre bénévolat et travail salarié, telles que les missions de service civique, qui pourraient donner lieu à des abus. Il convient de les traquer. Et gare à ne pas lier le bénévolat et les aides sociales comme le voulait le Premier ministre.

Encourageons le bénévolat, sans en trahir le sens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, RDSE et UC ; MM. Michel Savin et Jean-Raymond Hugonet applaudissent également.)

M. Maurice Antiste .  - Je remercie le groupe UC de son heureuse initiative. Soixante-cinq mille associations naissent chaque année ; plus d'un million sont en activité, qui emploient 1,8 million de salariés et regroupent environ 16 millions d'adhérents de plus de 16 ans.

Loin des clichés, les Français ont à coeur d'être utiles à la société, conformément aux valeurs fondamentales de l'engagement associatif, la fraternité et la solidarité.

En outre-mer, les nombreuses difficultés de nos territoires - emploi, vie chère, précarité, pauvreté - participent de l'engouement pour les associations promouvant la culture, l'éducation, le social, la santé, l'environnement, la défense des droits, les loisirs...

En Martinique, le rythme de création d'associations est plus soutenu qu'en métropole. L'on y compte entre 7 000 et 8 000 associations de toutes tailles, animées par 68 000 à 76 000 bénévoles auxquels s'ajoutent 10 000 salariés.

Cependant, ces associations ont vu leur objet évoluer. Elles répondent à la crise sociale et économique en raison du désengagement de l'État. Nous avons besoin des associations. Les bénévoles s'engagent pour une cause.

Mais le monde associatif et le bénévolat sont en danger, étant de plus en plus dépendants des cotisations et des dons, devenus de plus en plus rares. Le Gouvernement a supprimé 45 millions d'euros de réserve parlementaire directement versés aux associations, sans alimenter suffisamment le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) - à hauteur de 25 millions d'euros seulement.

S'y ajoute la poursuite de la réduction des emplois aidés, pourtant indispensables au fonctionnement des banques alimentaires, représentant une baisse de 2,8 milliards d'euros de crédits dédiés. Les crédits budgétaires de la mission Sport, jeunesse et vie associative ont également été réduits. Il faut savoir que 90 % des associations ont moins de 50 000 euros annuels de budget, et que 50 % des associations n'ont même pas 10 000 euros de budget. Cela doit nous interpeller. Réfléchissons à de nouvelles sources de financement, et faisons des propositions cohérentes pour créer un vrai statut du bénévole. Agissons pour la reconnaissance des compétences acquises par les bénévoles - via des diplômes universitaires ou la valorisation des compétences. Recentrons ainsi la vie citoyenne au coeur de la société et de la politique, à sa vraie place ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et RDSE ; M. Pierre Ouzoulias applaudit aussi ; on applaudit également sur quelques bancs du groupe UC.)

M. Éric Gold .  - Après l'adoption de la proposition de loi, nous rendons hommage aux 13 millions de bénévoles qui font vivre le lien social dans nos territoires. La mobilisation qui a émergé et se poursuit depuis de nombreuses semaines interpelle sur l'accès aux services publics et la prise en charge des plus fragiles dans notre société. La fracture territoriale s'est aggravée.

Souvent, ce sont les associations et les bénévoles qui prennent le relais et créent du lien, en se substituant à l'État.

Le groupe RDSE se félicite de ces deux occasions de débattre du bénévolat sous toutes ses formes : la proposition de loi du 6 mars et le débat de ce jour.

Prendre « la juste mesure du bénévolat dans la société française », c'est regretter les 100 000 contrats aidés supprimés, dont un tiers bénéficiait au secteur associatif, soit 1,6 milliard d'euros de subventions indirectes en moins. Dans le secteur sportif, où les besoins d'accompagnement des jeunes sont immenses, les associations font aussi face à la baisse des dotations des collectivités territoriales et des dons, à la suite de la suppression de l'ISF.

Monsieur le ministre, un bénévole ou un volontaire en service civique n'ont pas vocation à se substituer à un salarié ; le bénévole a un temps d'engagement limité.

Une petite association doit dépenser temps et énergie pour remplir de nombreux dossiers de demandes de subvention, tout cela pour finalement obtenir quelques centimes d'euros d'une collectivité territoriale, au détriment du temps passé envers les adhérents. Le remboursement de frais à hauteur de 66 % de l'impôt sur le revenu ne couvre pas toutes les dépenses et ne concerne pas les non-imposables.

Le groupe RDSE a déposé plusieurs amendements à la proposition de loi de la semaine dernière, pour améliorer les droits des bénévoles. Une réflexion doit être menée pour limiter la crise des vocations !

Un quart des présidents d'association sont en poste depuis au moins dix ans. Élargissons le compte engagement citoyen et le congé engagement !

Souvent, nous le savons d'expérience, l'engagement associatif est le prélude d'un engagement politique. Être élu bénévole est un sacerdoce. Dans les petites communes rurales, les élus sont seuls face au citoyen, en raison du désengagement progressif de l'État. Je leur rends un hommage appuyé ; je redis que le Sénat souhaite les accompagner dans leur noble mission. Je salue aussi l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, sans limite, au service des autres, qui s'exerce dans des conditions de plus en plus difficiles.

Après 118 ans d'existence, la loi de 1901 montre toute sa pertinence. La liberté d'association, constitutionnelle, est incontournable en démocratie. Tâchons de la préserver du mieux possible ! (Applaudissements)

M. le président.  - En lui souhaitant un joyeux anniversaire, je donne la parole à Claude Kern. (Applaudissements)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et SOCR) Le secteur du sport regroupe 3,2 millions des 16 millions de bénévoles, soit l'équivalent de 274 000 emplois à temps plein, pour un poids économique estimé entre 5 milliards d'euros et 10 milliards d'euros. Il faut valoriser le bénévolat et former les bénévoles, malgré les menaces que constituent la suppression des contrats aidés et l'explosion de leur charge de travail. Le rôle social des clubs et associations de proximité n'est plus à prouver. Ils participent à l'éducation de nos enfants et ont un fort impact en matière de santé publique.

C'est particulièrement vrai dans les quartiers dits sensibles de Strasbourg et de sa région, avec « Unis vers le sport ». Je rends hommage aux petites associations sans salariés, reposant à 100 % sur le bénévolat, qui jouent un rôle crucial en fait de solidarité et de lien social.

Les bénévoles garantissent ainsi le bon fonctionnement du monde sportif. La fin des contrats aidés, la baisse drastique des dotations aux collectivités locales sont des coups portés à ce modèle. Si la charte du bénévolat adoptée dans le cadre de l'Euro 2016 a marqué une première étape utile, on doit aller plus loin. On ne peut plus faire l'économie d'un véritable statut du bénévole, en particulier dans la perspective de l'organisation des Jeux Olympiques.

Le FDVA oeuvre de façon conséquente dans la formation des bénévoles, mais qu'en sera-t-il demain ? Comment le Gouvernement compte-t-il lever les obstacles administratifs et réglementaires pour un développement du bénévolat dans le sport ? Quelle stratégie de pérennisation de l'emploi ? Nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jérôme Bignon .  - À mon tour de remercier le groupe UC. L'État n'a plus le monopole de l'intérêt général, disait déjà Camus.

Des cours sur l'économie sociale et solidaire et l'engagement sont dispensés dans les plus grandes universités et écoles.

« Être bénévole, c'est précisément être responsable », disait Saint-Exupéry, « c'est connaître la honte en face d'une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C'est sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde. »

II ne s'agit pas de changer le monde, mais de redresser une injustice locale, d'améliorer le quotidien de quelques personnes, de trouver des solutions à un problème concret... Le dénominateur commun des bénévoles, c'est de tisser le lien social en servant une cause commune, qu'il s'agisse de construire une école au Burkina Faso ou de ramasser les algues vertes en Bretagne.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont bénévoles pour la plupart ; la grande majorité des élus locaux aussi. Le secteur associatif est la partie immergée de l'économie marchande. Ma vie de bénévole m'a apporté tant de joie que je crois que la grande valeur du bénévolat est de rendre heureux, contre le narcissisme de la société.

Des chercheurs de l'école de médecine d'Harvard, en 2019, ont observé des personnes pour chercher la source du bonheur : ce serait la qualité dans leurs relations humaines, à rebours donc de la formule de Jean-Paul Sartre, pour qui « l'enfer, c'est les autres ».

La loi de 1901 a fait de la vie associative le creuset de la démocratie, en développant, à partir d'idées jugées utopiques a priori, grâce à l'engagement d'une multitude de personnes, des réalités concrètes, des améliorations du quotidien, des innovations, des pratiques nouvelles. Voyez les Restos du Coeur ! La loi contre le gaspillage alimentaire produit ses effets, et dans quelques mois, nous examinerons le projet de loi pour lutter contre le gaspillage des produits invendus.

La France ne peut se concevoir sans l'engagement de ces citoyens qui ne comptent ni leur temps, ni leur argent, pour donner de leur temps, de leur compétence et de leur générosité au profit de la solidarité nationale.

Le tissu associatif, ciment de la République, forme l'un des derniers remparts contre l'isolement, le populisme, la montée des égoïsmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)

M. Arnaud Bazin .  - La France compte plus de 16 millions de bénévoles, qui constituent le maillon essentiel de nombreux services publics. Plus de 30 % d'entre eux s'engagent dans le domaine social. C'est le cas de l'aide alimentaire, dont Éric Bocquet et moi-même, en tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », avons pu observer le fonctionnement, lors d'un contrôle budgétaire. Il s'appuie essentiellement sur 9 000 structures associatives, dont quatre grandes : la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du Coeur, la Croix-Rouge française et le Secours populaire français - qui comptent plus de 200 000 bénévoles. Ceux-ci sont la clé du développement de ces structures. Comme les salariés sont peu nombreux, ils peuvent occuper toutes les fonctions : de la gestion, de l'approvisionnement à l'informatique, de la distribution au mécénat.

Les banques alimentaires comptent 90 % de bénévoles. Ces associations sont peu coûteuses au vu du service rendu et l'effet de levier de l'argent public consacré à leur action est considérable.

L'enjeu est de faire respecter les exigences administratives nationales et européennes, compte tenu de l'équilibre à trouver avec le travail de terrain, tout en garantissant la vie de ces associations, qui repose sur l'action bénévole, au service des plus vulnérables de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs depuis ceux du groupe SOCR jusqu'à ceux du groupe UC)

M. Jean-Jacques Lozach .  - Les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir agir pour les autres, que ce soit dans un cadre associatif ou non : on compte entre 13 millions et 18 millions de bénévoles, seuls ou au sein de 300 000 associations répertoriées.

Les associations ont perdu pourtant quelque 15 milliards d'euros en dix ans. La baisse des dotations aux collectivités territoriales, la réforme des rythmes scolaires, qui n'est plus appliquée que par une seule commune dans la Creuse, leur ont porté un rude coup, tout comme la suppression brutale et sans concertation de plus de 250 000 contrats aidés, qui a abouti à un transfert de charges vers les bénévoles, ou à la disparition d'activités. Ainsi, un sport, l'escrime, a tout bonnement disparu dans mon département, car il avait besoin d'un emploi aidé.

Toutes ces mesures menacent l'existence de nombreuses associations, en raison de leur impact non seulement financier, mais aussi moral.

La proposition de loi en faveur de l'engagement associatif adoptée mercredi dernier est une étape nécessaire mais pas suffisante. Attention : 40 % des responsables associatifs se disent inquiets de la crise des vocations, due à la pénalisation croissante des fonctions de direction. Le modèle le plus efficient est celui qui combine professionnels et bénévoles. On estime la valeur du bénévolat sportif, entre 5,2 milliards d'euros pour une valorisation au Smic et 10,1 milliards au salaire moyen de la branche ; dans le secteur culturel, les estimations vont de 3,6 milliards à 8,2 milliards d'euros.

Le mouvement sportif ne pourrait survivre sans eux. Le public et les licenciés poussent les bénévoles à se former, à s'adapter pour être plus efficients, et gagner en technicité. Il est de notre responsabilité de les y aider. J'espère que le futur service national universel suscitera des vocations d'implication bénévole. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le bénévolat est, avant tout, un don de soi, libre, consenti et gratuit. Son spectre est plus large que ce qu'on peut imaginer. De l'accompagnant sportif ou social aux interventions en établissement ou à l'ingénierie, chacun peut trouver la mission qui lui correspond.

Le bénévolat est la clé de voûte du fonctionnement des plus petites communes rurales dont les budgets sont serrés. Au lieu d'augmenter la fiscalité ou de rogner sur les dépenses, le bénévolat offre une troisième voie précieuse. Je pense aux citoyens qui mettent la main à la pâte en menant des travaux de voirie, de bâtiments, de décoration ou d'organisation, mais aussi aux élus qui ne perçoivent pas leurs modestes indemnités au maximum légal, par choix personnel.

Les élus multitâches sont ainsi juriste, inspecteur des travaux ou même psychologue. Je salue à cet égard les travaux de la mission sénatoriale sur les conditions d'exercice des mandats locaux. Dans ce domaine, les attentes sont fortes. Les regroupements au sein d'intercommunalités XXL ont suscité un sentiment de perte d'autonomie dont il faudrait mesurer le coût à l'échelle de chaque fusion.

Les sapeurs-pompiers volontaires, qui forment le socle du modèle français de secours et de gestion des crises, sont menacés par une directive européenne sur le temps de travail. (M. Roland Courteau le confirme.) Nous attendons du Gouvernement une prise de position forte sur ce dossier qui a fait l'objet d'une résolution européenne du Sénat. Bénévolat et volontariat maintiennent la proximité indispensable et oeuvrent en faveur d'une société de l'engagement, inclusive et davantage fraternelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue l'initiative du groupe UC et de son président, Hervé Marseille. Oui, l'engagement dans le monde associatif est au coeur de la responsabilité sociale. Le bénévolat occupe une place spécifique dans la société civile, non concurrentielle au travail. Mais la vocation associative est en crise : les contraintes croissantes inhérentes à l'exercice des responsabilités freinent les bénévoles ; il est de plus en plus difficile de trouver des dirigeants. Le projet fondateur des associations n'est plus reconnu en tant que tel : elles ont pour but de faciliter le regroupement libre de citoyens pour proposer une action, un service à la collectivité.

La politique du Gouvernement a pour effet une baisse voire une disparition du salariat associatif. Les associations adoptent de plus en plus une attitude d'entreprises privées mises en concurrence si le bénévole devient un professionnel non salarié.

D'où cette question très paradoxale, et de plus en plus fréquente : « quelle contrepartie à l'engagement associatif » ? La boucle est bouclée !

Le projet de la loi de 1901 n'est plus respecté, lorsque la seule capacité technique est reconnue aux associations au détriment de leur capacité politique, au sens noble et large du terme, puisque l'État ne les finance plus que pour l'application de politiques sectorielles. Espérer enrayer ainsi l'hémorragie de responsables est illusoire. (Applaudissements)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Noble valeur, le bénévolat est en hausse : un Français sur quatre s'engage bénévolement. Traditionnellement privilégié par les retraités, l'engouement se fait de plus en plus sensible parmi les 15-35 ans.

Activités sociales caritatives, culturelles, sportives : en zone rurale, le bénévolat fait vivre le territoire, il est l'essence du tissu associatif.

Issu du monde associatif, je veux remercier tous les bénévoles pour leur engagement. Il est important d'encourager ce mode d'action. Les collectivités soutiennent leurs associations via des financements, la mise à disposition de locaux ou l'organisation de forums d'associations.

Selon une étude de 2018, 38 % des Français déclarent vouloir s'engager mais n'ont pas encore franchi le pas. Il serait à cet égard utile de développer les actions de sensibilisation à l'école ou à l'université, mais aussi en entreprise. Les pistes sont nombreuses.

Monsieur le ministre, seriez-vous favorable à une réduction d'impôt au profit des activités bénévoles, pour récompenser l'engagement associatif ? Actuellement, au-delà d'un seuil, les heures de bénévolat donnent droit à des heures dans le compte personnel de formation ; je propose de diminuer le nombre d'heures nécessaires pour y prétendre. Y seriez-vous favorable ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je remercie le groupe Union centriste d'avoir pris l'initiative de ce débat, sur un sujet dont on ne parle pas assez. Le Gouvernement prend-il la juste mesure du bénévolat ? Oui ! La France compte 22 millions de bénévoles, représentant 1,425 million d'équivalents temps plein (ETP), qui mènent plus de 31,272 millions d'actions. Mais les chiffres ne sont pas suffisants pour mesurer la réalité du bénévolat, que connaissent bien les élus locaux.

Les bénévoles sont des personnes qui ne comptent pas leur temps, leur énergie ni, parfois, leurs moyens personnels à l'appui de leur engagement. Ils déboursent même souvent eux-mêmes les frais pour exercer leurs missions. Solidarité, lien, culture, sport, aide alimentaire, mémoire : c'est la vie même qui disparaîtrait de nos territoires sans bénévoles pour l'animer !

Les pouvoirs publics peuvent-ils imposer le bénévolat ? Non. Celui-ci procède d'un choix libre, d'une volonté de s'engager. En revanche, la puissance publique peut et doit susciter l'engagement, le favoriser dans la durée et le valoriser.

Susciter le bénévolat passe avant tout par l'éducation. C'est à l'école que l'on doit apprendre ce qu'est le fait associatif, ce qu'est l'engagement, ce que signifie donner du temps pour les autres. Je travaille avec Jean-Michel Blanquer pour développer les actions de sensibilisation tout au long de la scolarité, notamment dans le cadre de l'enseignement moral et civique. Des évolutions ont déjà eu lieu dans le primaire mais pour qu'il y ait un continuum dans l'engagement, il faut que l'école en soit le pivot.

Nous devons aussi soutenir le tissu associatif : comme l'a rappelé le sénateur Buis, l'État a ainsi rendu 1,4 milliard d'euros en trésorerie aux associations cette année par le biais de la transformation du CICE, dont ne bénéficiaient pas les associations, en réduction de charges sociales. Pour soutenir les associations qui ne fonctionnent qu'avec des bénévoles, nous nous appuyons sur le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) qui a pris le relais de la réserve parlementaire. Certes, l'enveloppe est moindre, je l'avais regretté quand j'étais député, mais elle est ciblée sur les petites associations bénévoles alors que la réserve parlementaire concernait aussi les grands réseaux associatifs.

Loin de se désengager, l'État subventionne les associations à hauteur de 4,5 milliards d'euros. C'est massif ! La dépense fiscale s'établit à 2,8 milliards d'euros. Ces chiffres peuvent sembler désincarnés, il me semble important de les rappeler néanmoins.

La puissance publique doit aussi s'attacher à rapprocher les futurs bénévoles des associations, comme l'appelait de ses voeux M. Pellevat. Le service national universel (SNU) sera ainsi un moyen de mettre en relation les associations avec les jeunes, via la mission d'intérêt général de quinze jours à réaliser notamment au sein d'une association. Trop de jeunes ne s'engagent pas car ils craignent de n'avoir rien à apporter ; le SNU les y encouragera. En outre, la plateforme numérique de la réserve civique permet aux volontaires de se géo-localiser pour trouver autour d'eux les associations qui ont besoin d'aide.

Le bénévolat a évolué. On s'engage moins sur la durée mais plus volontiers désormais de manière épisodique, en faveur de causes ponctuelles. Il importe donc d'indiquer aux Français les associations dans lesquelles ils peuvent s'engager.

Nous devons aussi aider les bénévoles à le rester. Ils ont notamment besoin de temps - or les dispositions de la loi Égalité et citoyenneté sur le congé d'engagement ne sont pas assez connues des salariés et des employeurs. Je lancerai bientôt une mission parlementaire pour y remédier. Le Sénat a adopté dernièrement un amendement prévoyant de rémunérer trois jours de congé d'engagement. J'y étais opposé car un engagement rémunéré est-il encore du bénévolat ? Cela se rapproche du mécénat de compétences... Nous réfléchissons à des pistes pour aller plus loin. Les associations, que je rencontre dans le cadre du grand débat, ont des propositions intéressantes, comme le don de RTT en faveur des salariés responsables associatifs.

Outre le temps, les bénévoles ont besoin d'une formation ; c'est notamment indispensable pour les responsables associatifs. Le FDVA a financé la formation de 160 000 bénévoles en 2018, pour un budget de 8 millions d'euros. C'est insuffisant, et ce budget sera porté à 10 millions d'euros dès 2019. C'est un engagement fort, dans un contexte budgétaire contraint.

Nous voulons identifier les comptes bancaires inactifs des associations pour les flécher vers le financement de la vie associative. Une proposition de loi, actuellement à l'Assemblée nationale, viendra prochainement au Sénat sur ce sujet.

Enfin, il nous faut permettre aux bénévoles de valoriser leur engagement. Le bénévolat permet d'acquérir des compétences qui peuvent être valorisées. On s'engage pour les autres, mais aussi pour soi, il faut l'assumer.

M. Pellevat propose de revoir les barèmes du compte d'engagement citoyen ; pourquoi pas. Nous allons l'élargir aux encadrants associatifs - encadrants sportifs et chefs et cheftaines scouts notamment - soit 70 000 bénévoles supplémentaires.

Pour valoriser l'engagement, il faut certifier les compétences acquises. Je suis favorable à la valorisation des acquis de l'expérience (VAE), mais le processus est long et « universitarisé ». Nous mettons en place des plateformes de certifications gratuites, via des modules numériques, permettant de certifier les compétences acquises par les bénévoles en matière de gestion de projet, de communication, de recherche de subventions, etc., qui sont utiles à leur insertion. Je travaille avec France bénévolat, ou la Jeune Chambre économique française - qui a développé le CV citoyen -, ainsi qu'avec les employeurs et les DRH. Le bénévolat permet d'acquérir un savoir-être dans un collectif, des compétences sociales très prisées des employeurs. Comme le disait un représentant du Medef, le bas du CV devient le haut du CV, car les employeurs regardent de plus en plus les expériences d'engagement.

En conclusion, le bénévolat est un beau sujet fédérateur, au-delà des désaccords sur tel ou tel point et des inquiétudes sur l'impact de certaines mesures fiscales sur le niveau des dons. Développer la vie associative, c'est développer la solidarité, le lien social. Je serai toujours disponible pour y travailler avec vous. Le bénévolat est une école de la citoyenneté et de la démocratie pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et LaREM)

Prochaine séance demain, jeudi 14 mars 2019, à 10 h 30.

La séance est levée à 17 h 50.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du jeudi 14 mars 2019

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

Secrétaires : M. Guy-Dominique Kennel.  - M. Éric Bocquet

1. Débat sur le thème « Le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles ».

À 14 h 30

Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

2. Débat sur la précarité énergétique des ménages.

3. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines, présentée par Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Marta de Cidrac et plusieurs de leurs collègues. (Texte n° 302, 2018-2019).

Nomination d'un membre d'une mission d'information

M. Dany Wattebled est membre de la mission d'information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? », en remplacement de M. Alain Fouché.