Protection des drapeaux d'associations d'anciens combattants

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à l'interdiction de la vente des drapeaux des associations d'anciens combattants et à leur protection, présentée par Mme Françoise Férat et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et LaREM) Nous avons terminé l'année 2018 par des célébrations en l'honneur des soldats morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale et le président de la République a effectué une itinérance mémorielle.

Mon département de la Marne était au coeur des commémorations depuis quatre ans. Les écoles, associations culturelles, associations d'anciens combattants se sont mobilisées, de même que les médias pour rendre compte de ces cérémonies.

Hymnes entonnés par les enfants, reconstitutions historiques, défilés patriotiques guidés par la fanfare et porte-drapeaux. Une cérémonie commémorative serait moins forte sans les trois couleurs hissées aux bras des anciens combattants et des bénévoles animés par le devoir de mémoire. Chaque drapeau reflète une part de notre Histoire : 14-18, 39-45, Algérie, Indochine, Mali... La liste est hélas sans fin.

Ce texte, c'est aussi la fierté d'appartenir à la même patrie. Le 20 novembre 1917, Clemenceau disait à la Chambre que le monde combattant avait des droits sur nous. Or les anciens combattants disparaissent et les associations et drapeaux avec eux. Certains drapeaux se retrouvent dans des brocantes ou sur des sites de vente sur Internet. Un drapeau tricolore est un objet commun que l'on peut acheter n'importe où, et tant mieux pour le patriotisme. Mais ce n'est pas le cas pour les drapeaux d'anciens combattants qui ont aussi une valeur symbolique de respect pour nos aînés, une empreinte historique et sentimentale forte.

Ce texte retranscrit les inquiétudes des associations d'anciens combattants. La rapporteure Élisabeth Doineau a pris en compte mes intentions et je salue la qualité de son écoute et de son travail. Les membres de la commission des affaires sociales ont adopté à l'unanimité les modifications qu'elle a proposées.

Un tel drapeau ne peut être un vulgaire souvenir, car il porte une partie de la mémoire nationale. Il sera désormais présumé appartenir à son association, la prescription acquisitive ne pourrait donc plus jouer.

En cas de dissolution d'une association, sauf dispositions particulières dans ses statuts, drapeaux et archives seront transférés à sa commune de domiciliation. Laquelle pourra les verser à un établissement scolaire, à un musée ou à toute autre structure jugée pertinente pour entretenir la mémoire. Elles sont d'ailleurs potentiellement nombreuses : en 2017-2018, plus de 300 projets scolaires ont reçu le label Centenaire pour faire vivre la mémoire de la Grande Guerre.

Le texte laisse ainsi toute liberté aux élus, c'est bien naturel au Sénat. Les organismes représentatifs que j'ai sollicités se trouvaient démunis face aux risques juridiques. Ce travail que j'ai commencé en 2017 est source d'inspiration. J'ai été heureuse d'apprendre qu'un groupe de travail se réunit dorénavant au ministère pour traiter des questions relatives aux objets militaires et de guerre dans leur ensemble ; il est vrai que les reventes ou tentatives de revente de plaques funéraires de combattants se sont multipliées ces dernières semaines. Beaucoup reste à faire mais commençons par les drapeaux.

Les drapeaux, si fièrement portés par nos grands-parents, témoignent du prix payé pour la liberté. Votons ce texte pour rendre hommage à nos anciens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - La proposition de loi déposée par Françoise Férat vise à protéger les drapeaux des associations d'anciens combattants, notamment en en interdisant le commerce. Cosigné par un grand nombre de collègues de différents groupes, ce texte illustre le consensus qui règne au Sénat sur la question de la mémoire, en particulier de la mémoire combattante.

Alors que la première génération du feu, celle de la Première Guerre mondiale, a disparu et que s'éteignent progressivement les anciens combattants de la deuxième et même de la troisième génération, qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale, en Indochine et en Afrique du Nord, la question de la transmission de la mémoire aux jeunes générations apparaît plus que jamais d'actualité.

Chacun ici le sait pour le vivre sur son territoire, les associations d'anciens combattants jouent un rôle essentiel dans la politique mémorielle, en assurant les commémorations patriotiques qui rythment la vie de nos communes.

Compte tenu de l'âge de leurs membres, ces associations ont malheureusement tendance à disparaître. Il arrive que leurs drapeaux soient oubliés, délaissés dans une cave ou un grenier ; ou qu'ils soient mis en vente, sur Internet, dans un vide-grenier ou une brocante, ce qui peut choquer.

Le drapeau tricolore, que l'article 2 de la Constitution établit comme emblème national, fait, depuis une date relativement récente, l'objet d'une protection juridique. L'outrage au drapeau constitue ainsi, selon les circonstances, une contravention ou un délit, dont la punition peut aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement. Toutefois, cette protection concerne le symbole que le drapeau représente et non l'objet lui-même, qui est, en droit, un bien matériel privé.

Les drapeaux appartenant ou ayant appartenu à des associations d'anciens combattants ne font pas exception, malgré leur dimension patriotique et symbolique. Au demeurant, ils sont librement acquis dans le commerce par ces associations. Les acheteurs de ces drapeaux ne sont pas nécessairement mal intentionnés, ce sont souvent des collectionneurs passionnés d'histoire qui traitent ces objets avec respect.

Aux yeux de certains de nos compatriotes, assimiler les drapeaux d'associations d'anciens combattants à des antiquités ordinaires conduit à nier leur dimension symbolique. Alors que le souvenir des grands conflits du passé s'estompe, le commerce de ces drapeaux est mal vécu par les anciens combattants, qui y voient un manque de considération de la société pour les services qu'ils ont rendus à la Nation et qui craignent que le souvenir qu'ils entretiennent au moyen de ces drapeaux ne tombe dans l'oubli.

La commission a aménagé le régime de la prescription acquisitive, qui ne serait plus applicable à ces drapeaux, présumés appartenir à son association.

Je sais, madame la ministre, que vous avez créé un groupe de travail sur le sujet.

Cette proposition de loi a été pour le Gouvernement l'occasion d'annoncer une avancée attendue depuis longtemps par le monde combattant.

J'espère que nous obtiendrons cet après-midi, le même consensus qu'en commission des affaires sociales. (Applaudissements)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Bleu, blanc, rouge : ces trois couleurs nous parlent de notre Histoire et nous disent une part de notre héritage. Nous y sommes profondément attachés. Aux portes de nos mairies et bâtiments officiels, au balcon de certains particuliers, dans la liesse comme dans les heures de drame, elles sont le symbole de notre ralliement.

« Le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom et la gloire de la patrie », disait Lamartine, en 1848. La situation n'a pas changé.

Sous ces couleurs, des soldats sont morts pour la France, en Indochine, en Algérie, ou encore aujourd'hui au Levant ou au Sahel. Je salue la mémoire du médecin Capitaine Marc Laycuras décédé ce mardi, mort pour la France dans l'opération Barkhane.

Notre attachement au drapeau tricolore porte l'estime que nous accordons aux femmes et aux hommes qui le défendent.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je loue votre initiative pour protéger les drapeaux des associations des anciens combattants, votre intérêt pour le monde combattant et votre souci de préserver notre mémoire.

Les porte-drapeaux portent symboliquement la Nation. Ils sont de toutes les générations. En novembre dernier, dans les Ardennes, j'ai remis une médaille à un jeune écolier qui tenait son rang parmi les porte-drapeaux.

Oui, le nombre des anciens combattants diminue. La disparition des soldats des deuxième et troisième générations du feu accentuera la disparition des associations d'anciens combattants. D'où la nécessité de préserver leur mémoire.

Cependant, soyons francs : certaines réponses proposées par la proposition de loi sont superfétatoires au regard des lois et règlements en vigueur. Le cas envisagé dans le premier alinéa concernant les biens des associations ne devrait pas se produire, car il est prévu que l'assemblée générale statue sur ce point et si ce n'est pas le cas le décret de 1901 prévoit la nomination d'un curateur chargé de convoquer l'assemblée générale.

Si un bien est retrouvé dans les mains d'une personne n'appartenant pas à l'association, celle-ci peut le revendiquer dans un délai de trois ans.

Quant à l'article 3, veillons à ne pas franchir la mince frontière qui nous sépare de la violation des droits de propriété privée.

Les associations réfléchissent actuellement, au sein d'un groupe de travail, sur les moyens de protéger leur patrimoine. Elles nous ont confirmé qu'elles ne souhaitaient pas ce dispositif trop contraignant.

Des mesures internes, efficaces et satisfaisantes, existent déjà comme le retour de drapeaux de section aux associations nationales qui est une pratique louable. En outre, on confie déjà des drapeaux d'anciens combattants aux établissements scolaires. Je salue, à cet égard, l'action remarquable du souvenir français. Enfin, ces drapeaux associatifs ne sont pas des biens publics, contrairement aux drapeaux des unités combattantes, ce qui ne signifie pas qu'ils n'aient pas de valeur. Il n'est pas du rôle de l'Office National des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) d'en tenir l'inventaire.

De nombreuses communes entretiennent déjà, avec engagement et patriotisme, les drapeaux qui leur sont confiés et nous ne pouvons que les saluer. Mais toutes n'ont pas les moyens de le faire, en particulier les petites communes.

Parce que la pérennité du monde combattant est un sujet majeur, le groupe de travail des associations d'anciens combattants est pleinement mobilisé. L'étendue de la réflexion dépasse les drapeaux et concerne aussi d'autres biens. Les conclusions devraient être rendues cet été. Je vous les partagerai.

Si l'intention de cette proposition de loi n'est rien moins que louable, le droit en vigueur rend le texte superfétatoire et le Gouvernement ne peut lui donner un avis favorable. Je m'en remets à la sagesse de votre assemblée en vous remerciant sincèrement pour votre attachement aux anciens combattants et à la préservation active de la mémoire de notre pays. (Applaudissements)

Mme Nathalie Delattre .  - Faut-il rappeler que les associations d'anciens combattants sont un vecteur essentiel de la transmission de la mémoire combattante qui nous est chère ? Nous connaissons leur vitalité, leur caractère indispensable. Que ce soit lors des cérémonies ou de leurs assemblées générales, elles honorent toujours la mémoire des combattants.

Le dernier Poilu nous a quittés en 2018. Entre 2013 et 2023, les anciens combattants auront perdu plus du tiers de leurs effectifs.

Cette proposition de loi vise la protection des drapeaux. La dissolution d'une association affecte parfois, comme la fusion de deux sections, le sort de ses étendards. La dimension symbolique de ces drapeaux mérite une attention particulière et je salue l'initiative de Françoise Férat.

Il est choquant de retrouver un drapeau d'anciens combattants dans une brocante ou sur un site de vente en ligne. Leur fin mercantile est mal vécue au regard des sacrifices consentis.

Le texte initial prévoyait un dispositif unique pour flécher la restitution des drapeaux d'anciens combattants et interdire leur vente. La commission a proposé une exception à l'acquisition prescriptive.

Je proposerai un amendement qui mentionnera les musées comme destinataires complémentaires de ces drapeaux.

« Les souvenirs sont nos forces. Quand la nuit tente de revenir il faut allumer les grandes dates comme nous allumons la bougie » écrivait Victor Hugo en 1848. J'ajouterai qu'il faut sortir les drapeaux. Ils sont le rappel des valeurs de fraternité et de solidarité dont a besoin notre société.

Nous devons nous employer à rendre la mémoire combattante vivante, pour qu'elle ne soit pas seulement gravée au front de nos monuments et que les jeunes y restent sensibles. Avec la fin du service militaire, un rapport au temps plus immédiat et l'émergence d'autres mémoires, il est en effet plus difficile de les intéresser à la mémoire combattante.

J'ai une pensée affectueuse pour Gianni, 7 ans, à qui j'ai récemment eu l'occasion d'offrir un drapeau. (Applaudissements)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - « Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent « Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant « Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir « Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant. »

Les vers d'Aragon célèbrent la mémoire des partisans du groupe Manouchian, principale force d'opposition aux Allemands en région parisienne entre février et novembre 1943, dont 23 partisans furent fusillés le 21 janvier 1944 au Mont-Valérien. Les 35 000 monuments aux morts et ces quelques strophes restent la mémoire de ces morts pour la patrie.

Cette proposition de loi protège les drapeaux d'anciens combattants en présumant que les associations en sont propriétaires, et prévoit que la commune puisse remettre ces drapeaux à un établissement scolaire ou à une institution capable de perpétuer le devoir de mémoire.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plus de 10 000 associations d'anciens combattants étaient actives, chacune avec ses symboles. Guerres mondiales, guerre du Golfe, ou d'Afghanistan, elles regroupent tous ces anciens combattants pour entretenir le devoir de mémoire que Simone Veil proposait de remplacer par un devoir d'Histoire.

La patrie ne s'apprend pas par coeur, elle s'apprend par le coeur disait Lavisse.

Qui se souvient de Jeannette Guyot parachutée à 20 ans en bord de Loire pour repérer des lieux possibles du débarquement, qui a ouvert à Paris une antenne de radio clandestine à deux pas d'un bureau de la Gestapo ? Seul un journal britannique a annoncé sa mort le 10 avril 2016. La presse française n'en n'a pas dit un mot...

En honorant la mémoire des héros de la Nation, la commémoration tisse un lien entre les générations. À l'heure où les symboles de la mère patrie sont pris d'assaut par les casseurs bêlants, à l'heure où le poison rampant de l'extrémisme se répand dans l'Europe fragilisée et où le communautarisme divise la France en son coeur, il nous faut veiller à replacer les symboles de la République au centre de nos villes et dans nos villages.

Les drapeaux des anciens combattants sont des symboles dont nous avons la responsabilité. Il en va de notre héritage et de notre destin, tant il est vrai, comme écrivait René Char dans les Feuillets d'Hypnos, que « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament ». (Applaudissements)

M. François Bonhomme .  - J'adresse une pensée attristée à la famille de Marc Laycuras, médecin militaire, décédé mardi. Nous avons aussi une pensée pour ses frères d'armes engagés dans un combat difficile contre le terrorisme islamiste.

Les associations d'anciens combattants participent à la transmission de la mémoire et des valeurs de notre pays. Je remercie Françoise Férat et Élisabeth Doineau pour leur travail. En tant que représentants des territoires, nous ne pouvons qu'être attachés aux drapeaux d'anciens combattants qui portent une valeur symbolique forte en tant qu'emblèmes de la Nation et signes de notre héritage patriotique.

Beaucoup d'associations d'anciens combattants doivent se dissoudre du fait de la disparition de leurs membres. Le temps emporte tout et les drapeaux se retrouvent à la vente, offense à la mémoire de ceux qui les ont portés.

Il revient au législateur d'organiser la conservation des drapeaux d'anciens combattants sans entraver le droit de propriété. L'interdiction simple à un propriétaire légitime de vendre un drapeau irait contre ce droit.

La proposition de notre rapporteur va dans le bon sens, qui permettra aux associations de se faire restituer leur drapeau.

Sur la possibilité pour la commune de confier les drapeaux à un établissement scolaire, on ne peut que l'approuver.

Dans son discours de 1882 à la Sorbonne, Ernest Renan disait que la Nation est une âme, qu'elle se perpétue dans le désir d'être ensemble, qu'elle est un plébiscite de tous les jours - la formule est connue. Il ajoutait aussi que ce principe spirituel trouve sa force et sa légitimité dans le passé, dans la volonté de faire vivre l'héritage qu'on a reçu indivis, constitué par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore.

Cette proposition de loi s'inscrit dans cette ligne, c'est une raison supplémentaire que nous la votions. (Applaudissements)

Mme Patricia Schillinger .  - La proposition de loi de Françoise Férat vise à protéger les drapeaux des anciens combattants en interdisant leur vente au profit d'un transfert à la commune en cas de dissolution de l'association. Si un porte-drapeau décède, il doit être transmis à l'association.

Le texte crée encore une présomption de propriété du drapeau à l'association. Dès lors, un drapeau entre les mains d'un particulier lui serait restitué. Il s'agit de protéger notre patrimoine mémoriel. Les sanctions prévues par le texte initial existaient déjà dans le droit en vigueur, en application du code civil.

Nous reconnaissons tous que ces drapeaux représentent un symbole fort de notre histoire. La proposition de loi est de bon sens lorsqu'elle encourage les communes à confier ces drapeaux à des établissements scolaires.

Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements)

Mme Laurence Cohen .  - Je remercie Élisabeth Doineau pour la qualité de son travail et Françoise Férat à l'origine de cette proposition de loi.

J'ai moi-même été interpellée par les associations d'anciens combattants, qui s'inquiètent du devenir de leurs emblèmes. Les anciens combattants disparaissent en effet progressivement...

Les ventes de drapeaux d'associations d'anciens combattants dans les brocantes ou sur Internet mettent en péril notre patrimoine mémoriel. Il faut mettre un terme à la marchandisation des drapeaux. L'interdiction de les vendre aurait pu être maintenue au nom de l'exception culturelle, le patrimoine mémoriel pouvant être considéré comme faisant partie du patrimoine culturel. Malgré tout, les associations pourront être autorisées à récupérer les drapeaux indûment vendus. À défaut, c'est une bonne chose pour la défense de notre mémoire.

Hélas, le Gouvernement a diminué de 2,79 millions d'euros les crédits alloués à la politique de mémoire en 2019, soit une baisse de 20 %.

Il faudrait aussi cesser de réduire les subventions aux associations d'anciens combattants, comme le Gouvernement l'a fait en supprimant la subvention d'action sociale de 70 000 euros de l'Association républicaine des anciens combattants (ARAC).

Le libéralisme économique que promeut le président de la République est contraire à la préservation du patrimoine mémoriel, pourtant essentiel à la cohésion de notre société - mieux vaudrait promouvoir la paix, lutter contre la guerre et pour l'amitié entre les peuples.

Le groupe CRCE votera pour ce texte. (Applaudissements)

Mme Corinne Féret .  - Je suis née dans un territoire - le Calvados - à l'histoire riche qui a connu des moments glorieux et d'autres douloureux, dans lesquels le rôle des anciens combattants n'est plus à démontrer. Ils jouent un rôle essentiel pour faire vivre la mémoire combattante auprès des jeunes générations. Hélas, ils disparaissent progressivement et, avec eux, leurs drapeaux sont vendus ou oubliés dans un grenier.

Ce texte protège ces emblèmes, il est nécessaire. Je me souviens de mon émotion en juillet 2015 lorsque le drapeau de la libération de Caen s'est remis à flotter. Il avait disparu pendant soixante ans. La proposition de loi crée une présomption de propriété au bénéfice des associations et permet aux communes de confier les drapeaux à des établissements scolaires. Ces mesures sont favorables à la politique mémorielle.

Je remercie les anciens combattants du Calvados que j'ai auditionnés dans le cadre de la proposition de loi.

J'aimerais vous signaler un problème, madame la ministre. Le 6 juin prochain, nous fêterons les 75 ans du département, mais le lieu de la cérémonie n'est toujours pas connu.

Les associations d'anciens combattants et la population le vivent mal... Il est temps de trouver une solution, d'autant que ce sera sûrement la dernière commémoration de cette ampleur à laquelle participeront des survivants.

Le groupe socialiste votera la proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Jocelyne Guidez .  - Je salue l'initiative de Françoise Férat. Des drapeaux sont vendus sur Internet, c'est un fait. Mais ils ont une signification symbolique !

Le symbole est ici en jeu : ces drapeaux sont un héritage à préserver.

L'an passé, nous commémorions le centenaire de la Première Guerre mondiale. Beaucoup de soldats ont donné leur vie pour la liberté de la France. C'est leur courage qui rayonne à travers ces drapeaux. Dans le contexte actuel, où les symboles de la France sont pris à partie, où les véhicules de police sont brûlés et les monuments historiques dégradés, il est urgent de revenir aux fondamentaux et de se rappeler l'importance du travail de mémoire.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notre pays comptait 10 000 associations d'anciens combattants. Des porte-drapeaux, sentinelles de la mémoire, continuent à se mobiliser. Je les remercie.

Notez qu'ils ne sont pas tous âgés : des jeunes reprennent le flambeau avec fierté. Mais il est regrettable que des drapeaux disparaissent : ce ne sont pas des biens sans valeur, mais les symboles de la Patrie. L'Histoire ne se monnaie pas, et le législateur doit y veiller. Tel est l'objet de la proposition de loi. Elle n'oublie pas non plus les communes, ni les établissements scolaires pour assurer la conservation de ses emblèmes. Le groupe UC la votera. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État .  - Je laisse le Sénat décider en sagesse sur cette proposition de loi.

Madame Cohen, je n'ai pas de connaissance de subvention demandée par l'ARAC, et en particulier pas de subventions d'action sociale, qui sont gérées par l'ONAC, et qui n'ont pas diminué. Certes, le budget de la mémoire recule en 2019, mais 2018 était une année de commémoration particulière.

Madame Féret, l'organisation des 75 ans de la Libération a commencé. Je me suis rendue en Corse, premier territoire libéré ; j'ai présidé une cérémonie au Mont-Valérien le 21 février pour honorer la mémoire des partisans ; j'étais enfin avec le président de la République aux Glières pour rendre hommage à la Résistance. Nous aurons aussi des temps forts pour le débarquement de Provence, la libération de Paris puis celle de Strasbourg, sans oublier la Normandie, n'ayez crainte.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure .  - Je remercie la ministre pour son investissement sur le terrain.

Nous sommes unis derrière nos drapeaux, derrière le devoir de mémoire que nous devons à ceux qui ont tout donné. Pour eux, nous ne donnerons jamais assez !

La commission des affaires sociales a donc introduit une exception à l'atteinte au droit de propriété pour les drapeaux d'anciens combattants, compte tenu du caractère symbolique de ces biens. Elle a fait de même pour le principe de prescription acquisitive. La vente de ces drapeaux sur Internet ou dans des brocantes est intolérable. Nous manifestons notre attachement à ces emblèmes, raison pour laquelle nous avons nuancé ce texte pour en assurer l'efficacité.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  Nonobstant toute disposition contraire, prise par la commune, et dans l'hypothèse où un établissement muséal se trouve à recueillir des objets pouvant être exposés dans le respect et en convention avec la collectivité territoriale éventuellement responsable de la tutelle de sa gestion, les drapeaux d'associations dissoutes peuvent être conservés par l'établissement muséal en question, pour servir le devoir de mémoire qui leur est imparti. Dans cette éventualité, il appartient à la structure en possession des drapeaux, de les conserver selon la réglementation concernant la conservation des emblèmes. »

Mme Nathalie Delattre.  - Je l'ai défendu dans la discussion générale : il s'agit de donner aux musées qui souhaiteraient s'investir dans le devoir de mémoire la possibilité de conserver et d'exposer ces étendards.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure.  - Le texte de la commission permet à la commune de remettre le drapeau à une école ; rien ne fait obstacle à ce qu'il soit remis à un musée ou un lieu mémoriel identifié. Votre amendement n'apporte pas de précision car il ne se limite pas aux drapeaux. En outre, il fait référence à la réglementation sur la conservation des emblèmes, or ces drapeaux ne sont régis par aucune réglementation. Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Nathalie Delattre.  - J'entends l'explication de la rapporteure et retire mon amendement.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

Explications de vote

Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi .  - Je remercie mes collègues pour leur soutien et la rapporteure pour la qualité de son travail. Je ne doute pas, madame la ministre, que toutes les précautions sont prises. Ce n'est pas une mais deux associations d'anciens combattants qui m'ont alertée sur le problème de la vente de drapeaux, notamment sur Internet. C'est un phénomène nouveau, qui me touche au coeur. Je ne vous cache pas qu'avant de m'embarquer dans cette bataille, j'ai recueilli les avis de l'administration et des associations, au plus haut niveau.

Je me félicite de la mise en place d'un groupe de travail et souhaite qu'il intègre le sujet de la revente en ligne dans sa réflexion.

L'adoption de ce texte sera un signal fort à destination de tous les anciens combattants. Merci à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Marc Laménie .  - Émotion, respect, mémoire, reconnaissance : ce texte nous touche. En tant que rapporteur budgétaire de la mission « Anciens combattants », je remercie Françoise Férat, Élisabeth Doineau et tous nos collègues qui se sont exprimés.

Il est indispensable de protéger les drapeaux des associations d'anciens combattants, composées de bénévoles et qui ont parfois des problèmes de recrutement... Je salue aussi la ministre qui s'est rendue dans mon département des Ardennes lors des célébrations du centenaire qui ont été l'occasion d'un engagement partagé, toutes générations confondues, dans le cadre du devoir de mémoire.

François Bonhomme l'a dit, les drapeaux sont des témoignages matériels précieux, symboliquement forts, du sacrifice de nos concitoyens. J'espère que ce texte sera voté dans les mêmes termes par nos collègues députés.

L'article unique constituant la proposition de loi est adopté.

M. le président.  - En accord avec la commission et le Gouvernement, nous reprendrons nos travaux ce soir à 21 h 30, et non 21 h 45.

La séance est suspendue à 19 h 25.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.