Organisation du système de santé (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 27 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°756, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'accès effectif à l'interruption volontaire de grossesse et sur les difficultés d'accès rencontrées dans les territoires, y compris celles liées aux refus de pratiquer une interruption volontaire de grossesse par certains praticiens et à la délivrance d'informations dissuasives.

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement rétablit une demande de rapport, que Mme la ministre avait promis, sur l'effectivité des IVG sur tout le territoire français.

Si je suis confiante dans les convictions des Français, je m'inquiète de l'accès à l'IVG. L'hostilité à l'IVG, si elle est une opinion marginale, devient une menace lorsqu'elle est revendiquée par le président du syndicat national des gynécologues et obstétriciens. Pour lui l'IVG est un « crime ». Il n'a pas hésité, pour faire pression sur des négociations conventionnelles, à brandir la menace d'une grève de l'IVG.

Ces inquiétudes sont renforcées par l'extension des déserts médicaux. Je regrette que nous n'ayons pas garanti, hier, la présence d'un centre de planification et d'orthogénie dans chaque hôpital de proximité. De fait, l'IVG est menacée par le mépris ou le désintérêt des jeunes médecins. Ils n'y voient pas un acte susceptible de servir leur brillante carrière hospitalière... Sécurisons ce droit.

M. le président.  - Sous-amendement n°824 à l'amendement n°756 de Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 756, alinéa 2

Supprimer les mots :

et à la délivrance d'informations dissuasives

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°756, sous réserve du sous-amendement n°824. Vous ajoutez à l'article 27 un champ d'investigation supplémentaire relatif à l'évaluation de l'éventuelle délivrance d'informations dissuasives qui relève de pouvoirs d'enquête, que nous ne pouvons pas mobiliser dans les délais fixés pour la remise du rapport.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La ministre a confirmé que ce rapport serait remis fin 2019. Inutile de l'inscrire dans la loi. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol.  - D'accord pour le sous-amendement. Reste que nous devons en savoir davantage sur l'application des différentes législations sur le délit d'entrave, qui se pratique de plus en plus sur internet.

Mme Laurence Cohen.  - Monsieur le rapporteur, la ministre s'est engagée il est vrai mais les parlementaires doivent se positionner, surtout après le vote d'hier, sur le droit à l'avortement.

La loi est toujours un point d'appui pour aller plus loin, elle n'est jamais superflue quand il s'agit des droits des femmes.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai cet amendement. Il y a quelques semaines, le droit à l'avortement a été mis en cause à l'ONU. Un rappel de plus n'est pas un rappel de trop.

Le sous-amendement n°824 est adopté.

L'amendement n°756, sous-amendé, est adopté et l'article 27 est ainsi rétabli.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°628 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Jasmin, M. Filleul et Meunier, M. Daudigny, Mme Lepage, MM. P. Joly et Iacovelli, Mme Conconne, MM. Manable, M. Bourquin, Tourenne, Temal et Duran, Mmes Monier et Blondin et M. Mazuir.

Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 2212-1 du code de la santé publique, le mot : « douzième » est remplacé par le mot : « quatorzième ».

Mme Laurence Rossignol.  - Chaque année, 3 000 à 5 000 femmes vont à l'étranger pour pratiquer une IVG hors délais. Les délais varient d'un pays à l'autre ; notez que le délai moyen constaté de l'avortement est le même, qu'il y ait ou non un délai légal. Une IVG à l'étranger coûte cher, elle est facteur d'inégalité sociale. Et nous ne pouvons pas admettre de dépendre de la législation de pays voisins.

Après des débats avec les médecins et les associations, je propose deux semaines supplémentaires pour passer à 14 semaines de grossesse, donc 12 semaines d'aménorrhée. En Islande, le délai est de 22 semaines ; en Suède il est de 18 semaines.

Certaines femmes ne peuvent accéder à l'IVG dans les délais fixés par la loi. En juillet et en août, il est quasiment impossible, dans de nombreux endroits, d'obtenir une IVG.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Selon la Drees, 5 % des IVG sont réalisés dans les deux dernières semaines. L'enjeu est davantage de prévenir les situations d'urgence. La bonne information des patientes est fondamentale car les délais de prise en charge sont longs dans certaines régions - il y a eu néanmoins des progrès. Depuis la loi Touraine, certains centres de santé peuvent pratiquer l'IVG instrumentale. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Même avis.

Mme Laurence Cohen.  - Nous ne pouvons pas déplorer une pénurie d'accès aux soins, avoir refusé que les sages-femmes pratiquent l'IVG instrumentale et affirmer, ensuite, que l'accès à l'IVG passe par une meilleure information des femmes. Bien sûr, cela passe aussi par une meilleure information sur la contraception. Aucune femme n'avorte de gaîté de coeur. Nous demandons une souplesse pour que des femmes ne soient plus contraintes d'aller à l'étranger. Cela nous rappelle une période un peu oubliée, celle d'avant la loi Veil.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Nous n'avons pas refusé les IVG instrumentales par les sages-femmes. Avant de leur donner l'autorisation, il faut les former ; quand elles le seront, cela pourra être envisagé sous la responsabilité d'un médecin spécialisé. Nous avons dit oui sous condition, et pas non.

Mme Nathalie Goulet.  - Par solidarité avec les femmes qui se trouvent dans des conditions difficiles, je voterai cet amendement.

Mme Michelle Gréaume.  - Pensez aux dénis de grossesse. Quand la grossesse est acceptée, c'est souvent trop tard pour avorter.

M. Marc Laménie.  - Je me rallie à la position de la commission mais je comprends très bien cet amendement comme membre de la délégation aux droits des femmes. Conservons tous les moyens humains pour faire des IVG.

Mme Laurence Rossignol.  - Oui, il faut informer les femmes mais les trois quarts des IVG sont pratiqués par des femmes sous contraceptif, pour lesquelles il y a eu un échec de contraception ou un accident de contraception.

Je maintiens que vous avez refusé, pour les sages-femmes, la pratique de l'IVG instrumentale. Vous pouviez l'autoriser et prévoir leur formation.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°628 rectifié, mis aux voix par assis et debout, est adopté et devient un article additionnel.

(Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. le président.  - Amendement n°349, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2212-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont supprimés ;

2° Le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « L'intéressée est informée sans délai dudit refus. L'établissement privé lui communique immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2. »

Mme Laurence Cohen.  - En 2015, 218 100 IVG ont été réalisées en France, un chiffre stable. Depuis 1975, l'accès à l'IVG reste cependant difficile ; il l'est même de plus en plus. Quelque 130 centres d'interruption volontaire de grossesse ont fermé en dix ans et l'on manque de professionnels formés. L'existence d'une clause spécifique, l'absence d'IVG dans un hôpital de La Flèche, ou les propos du président du syndicat des gynécologues-obstétriciens sont autant d'entraves physiques ou psychologiques.

Cette clause, compréhensible en 1975, ne l'est plus aujourd'hui. Sa suppression est très attendue par toutes les militantes féministes. Pourquoi des mesures d'exception ? Les femmes n'ont-elles pas le droit de disposer de leur corps ? Nous sommes en 2019 tout de même !

M. le président.  - Amendement n°735 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2212-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les premier et deuxième alinéas sont supprimés ;

2° Le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En cas de refus, l'intéressée est informée sans délai dudit refus. L'établissement privé ou le médecin à l'origine du refus, lui communique immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2. »

Mme Laurence Rossignol.  - Le Parlement européen a observé que le nombre de médecins refusant de pratiquer l'IVG augmentait dans l'Union européenne. C'est paradoxal : le droit à l'IVG s'étend à un nombre croissant de pays, mais la clause de conscience en ferme de plus en plus l'accès. En Italie, 75 % des médecins font jouer leur clause de conscience, rendant l'accès à l'IVG quasiment impossible.

Cette clause spécifique à l'IVG, qui s'ajoute à la clause générale, stigmatise cet acte, infantilise et culpabilise les femmes.

Le Gouvernement a fait campagne aux élections européennes en promettant de promouvoir un bouquet législatif qui aligne le droit européen sur la législation nationale la plus favorable, pour chacun des droits des femmes. La clause de conscience n'est pas favorable. Donnons l'exemple, soyons un point d'appui en Europe !

Enfin, l'argument selon lequel les médecins, s'ils étaient obligés de pratiquer l'IVG, se vengeraient en maltraitant les femmes est honteux et contradictoire avec le serment d'Hippocrate.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le médecin qui refuse de pratiquer l'IVG a l'obligation de rediriger la patiente vers un autre praticien. Supprimer la clause de conscience spécifique en maintenant la clause de condition générale serait un recul pour les femmes, parce que cette contrepartie disparaîtrait.

Avis défavorable à l'amendement nos349, au 735 rectifié bis - qui ne vise du reste que les établissements privés - et au 630 rectifié. Ce dernier pose un problème de constitutionnalité, car les sanctions prévues sont incompatibles avec la liberté de conscience telle que protégée par nos textes fondamentaux comme par la Convention européenne des droits de l'homme.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - C'est une discussion très importante. Vote-t-on sur des principes ou sur les droits réels des femmes ? Je comprends l'argument de Mme Rossignol selon lequel il faut refuser de stigmatiser les femmes et, au contraire, promouvoir en Europe les dispositions qui leur sont les plus favorables.

Mais je crois profondément que la clause de conscience protège les femmes, car s'y attache l'obligation pour le médecin de rediriger la patiente.

Les professionnels réticents affichent leur position, ils sont connus et les femmes ne perdent pas de temps à solliciter un rendez-vous médical auprès d'eux.

M. Bernard Jomier.  - La réponse de la ministre est constante - j'avais posé la question lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement récemment et j'en comprends la logique. Mais il est temps de faire entrer l'IVG dans le droit commun. Des dispositions transitoires en 1975, pour faire accepter un droit nouveau : bien sûr. Mais quarante-cinq ans plus tard, elles ne se justifient plus. Il faut supprimer la clause de conscience spécifique. On pourrait parfaitement conserver l'obligation de réorientation les patientes.

À la demande de la commission, l'amendement n°349 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°145 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption   92
Contre 247

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°735 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Laurence Rossignol.  - L'amendement n°630 rectifié était de repli. Je ne partage pas le point de vue que vient d'exprimer Mme la ministre : il suffit de constater comment les choses se passent dans les pays qui n'ont pas de clause de conscience !

Cet amendement va dans le sens souhaité par Mme la ministre, éviter une perte de temps et garantir la sécurité des femmes : il prévoit qu'un praticien opposé à l'IVG ne pourra être chef d'un service d'obstétrique.

Un chef de service qui fait valoir la clause de conscience exerce une forme d'influence sur ses collaborateurs...

L'amendement n°630 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°629 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Meunier et Lepage, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Iacovelli et Daudigny, Mme Conconne, MM. Manable, M. Bourquin et Tourenne, Mme Grelet-Certenais, M. Mazuir, Mmes Blondin et Monier et MM. Duran et Leconte.

Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2212-8 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La liste des médecins, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux ayant refusé de pratiquer une interruption volontaire de grossesse en vertu du présent article est rendue publique par voie numérique et régulièrement actualisée dans des conditions fixées par décret. »

Mme Laurence Rossignol.  - Pour que les femmes ne perdent pas de temps, madame la ministre, il faudrait publier la liste, mise à jour régulièrement, des médecins objecteurs de conscience à l'IVG. Je le demande depuis des années !

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Nous avons demandé aux ARS d'évaluer le dispositif. Le rapport remis à la fin de l'année nous dira si les services savent où adresser les patientes qui souhaitent prendre un rendez-vous, ou s'il faut légiférer sur ces questions. Avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - Il y a une contradiction dans ce propos. Si les secrétariats savent où et à qui adresser les femmes qui veulent un rendez-vous, on ne peut invoquer la perte de temps pour justifier le maintien de la clause. Il est très important d'intégrer cet acte dans le droit commun. Que la liste des objecteurs de conscience soit publiée ! Pourquoi tant de timidité lorsqu'il s'agit des droits des femmes ? Nous avons voté depuis lundi des mesures très importantes pour l'avenir de la santé, soyons aussi ambitieux pour la santé des femmes.

M. le président.  - Je mets aux voix l'amendement.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Je demande une suspension de séance de deux minutes.

Mme Laurence Rossignol.  - Est-ce pour demander une nouvelle délibération ?

M. le président.  - On ne peut suspendre la séance lorsque le scrutin est ouvert.

À la demande de la commission, l'amendement n°629 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°146 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption   89
Contre 230

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°748, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l'article L. 5122-6, après le mot : « remboursables », sont insérés les mots : « ou pour les médicaments remboursables ayant pour but la contraception d'urgence et qui ne sont pas soumis à prescription médicale obligatoire » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 5122-8, après la référence : « L. 5122-6 », sont insérés les mots : « pour les médicaments remboursables ayant pour but la contraception d'urgence et qui ne sont pas soumis à prescription médicale obligatoire ».

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Laurence Rossignol.  - L'amendement m'a été soumis par le laboratoire HRA Pharma : je ne me fais pas le relais d'un lobby, j'estime que la proposition est dans l'intérêt des femmes. La publicité pour les contraceptifs est interdite, et c'est une interdiction lourde, en particulier, pour la pilule du lendemain. Lever cet interdit, ce n'est pas faire allégeance à l'industrie pharmaceutique mais mieux faire connaître la contraception d'urgence et défendre les droits des femmes.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Ces médicaments ne sont pas anodins. Ils ne sauraient être assimilés aux substituts nicotiniques ou aux vaccins : avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Le recours à la contraception d'urgence augmente, elle est de plus en plus connue des femmes. En outre, en autoriser la publicité n'est pas le bon moyen de la faire connaître : avis défavorable.

L'amendement n°748 n'est pas adopté.

M. le président.  - Les explications de vote et le vote auront lieu le mardi 11 juin à 15 heures.

Prochaine séance, mardi 11 juin 2019, à 15 heures.

La séance est levée à 13 h 5.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus