Adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi sur l'adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux.

Explications de vote

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - La LEC utilisée pour cette proposition de loi, trouve toute son utilité aussi pour accélérer le traitement des textes les plus urgents et très attendus - c'est le cas ici.

La proposition de loi de notre collègue Serge Babary traite des règlements locaux de publicité intercommunaux (RLPi) - sujet quotidien des élus locaux - qui réglementent l'affichage publicitaire dans nos villes. Cette proposition de loi était une demande de longue date des communes et des intercommunalités.

En effet, les élus locaux pâtissent d'une mauvaise articulation entre trois lois, adoptées à quelques années de distance, forçant les élus à s'adapter très rapidement.

Depuis la loi ALUR, les règlements locaux de publicité (RLP) sont passés aux intercommunalités ; or il faut deux à trois ans pour les élaborer. Il existe dès lors quatre types de RLP ; quelque 5 % d'entre eux, seulement, sont intercommunaux, conformes au modèle le plus récent et 1 211 RLP relèvent encore de l'ancien modèle. Dans moins de 10 mois, ils devraient tout bonnement disparaître, la loi ayant prévu une caducité automatique au 14 juillet 2020.

Conséquences : le règlement de base, national, s'appliquera, autorisant des milliers d'affichages sauvages ; le pouvoir de police sera transféré du maire au préfet ; enfin, les collectivités territoriales perdront le revenu du mobilier urbain - à Aix-Marseille, cela représente pas moins de 11 millions d'euros par an de perte...

Autre problème traité par cette proposition de loi : le défaut d'articulation entre les procédures applicables aux PLU et aux RLP, en particulier pour les règlements relevant de territoires infra-communautaires dans une intercommunalité.

Vous mesurez bien que les communes et intercommunalités font face à une double urgence : il faut sécuriser les documents en cours d'élaboration, et cela avant la date de caducité.

Les deux articles relatifs au RLP dans la loi ELAN - dont j'étais rapporteur - ont malheureusement été censurés par le Conseil constitutionnel au titre de cavaliers législatifs.

Cette proposition de loi prolonge le délai de deux ans et considère les RLP comme valables s'ils ont suivi de bonne foi les anciennes normes.

La commission a enrichi la proposition de loi sur trois volets : elle a apporté une protection supplémentaire au tiers, elle a étendu le bénéfice du délai aux EPT, elle a aligné les dates de mise en oeuvre avec les dates de caducité.

Cette proposition de loi doit être adoptée ; il y va de la tranquillité de milliers de communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Cette proposition de loi concerne un enjeu fondamental d'attractivité du territoire. L'attente à laquelle elle répond n'est pas inconnue du Gouvernement, qui avait voulu y répondre aux articles 52 et 53 de la loi ELAN. Or le Conseil constitutionnel a censuré ces deux articles. Cette décision ne remet pas en cause leur pertinence ni leur opportunité.

La loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle II, a adossé la compétence de RLP à la compétence de PLU. La loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a prévu le transfert de cette compétence aux EPCI : cela a fait émerger de nouvelles difficultés. Toute élaboration d'un PLU et d'un RLP était valide sur la totalité du territoire. Or la loi Égalité et citoyenneté a prévu que PLU et RLP puissent être infra-communautaires.

Les anciens RLP seront caducs le 14 juillet 2020 - échéance trop courte.

La commission a adopté des améliorations avec l'avis favorable du Gouvernement, telles que l'introduction d'un délai de deux ans pour les professionnels afin qu'ils puissent adapter leur affichage aux nouveaux RLP.

La taxe locale d'affichage ne sera pas pour autant perçue par l'intercommunalité.

Le Gouvernement souhaite que cette proposition de loi soit adoptée dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Annie Guillemot .  - Cette proposition de loi reprend stricto sensu les dispositions des articles 52 et 53 de la loi ELAN, censurés comme cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel.

Depuis sa création dans les années quatre-vingt, les communes élaboraient le RLP. Mais il est désormais aux mains des EPCI, multipliant les types au rythme des réformes : première génération, modèle transitoire, deuxième génération, et, enfin, les RLP intercommunaux.

Sur 1 650 RLP, seuls 82 sont intercommunaux et 1 211 non conformes.

Avec la caducité des règlements non conformes programmée pour juillet prochain, le maire n'aurait plus la police de l'affichage - c'est un risque particulier en période électorale... La collectivité ne percevrait plus les revenus liés à l'affichage sur le mobilier urbain, c'est bien dommageable.

La question posée par Martial Bourquin en commission des affaires économiques est essentielle : les communes ne doivent pas perdre la ressource liée à l'affichage au profit des EPCI, même si ce sont ceux-ci qui désormais élaborent les RLP. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Jean-Marc Gabouty .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Cette proposition de loi entend mettre en cohérence les différentes évolutions législatives successives.

Le RLP est un outil de planification et de réglementation de la publicité, dans un sens plus restrictif que le règlement national, destiné à équilibrer respect du paysage et droit à l'information. Il ne s'agit pas que de publicité commerciale, mais aussi de supports essentiels pour l'information événementielle, en matière culturelle, patrimoniale ou sportive, ou encore pour des manifestations festives. En matière d'environnement, le RLP évite la surcharge des panoptiques publicitaires ou le fléchage sauvage d'établissements commerciaux.

Depuis 2010, l'EPCI compétent en matière de PLU l'est aussi en matière de RLP.

En 2014, le transfert du PLU a été généralisé aux intercommunalités. Les aménagements de la loi de janvier 2017 au bénéfice du PLU n'ont pas été explicitement étendus aux RLP. Cette proposition de loi y remédie.

Nous allons vers un accroissement de la complexité et un allongement des délais. Il ne peut y avoir une économie d'échelle que s'il y a partage des frais fixes.

Le RLP doit rester du cousu main. Quel intérêt pour des intercommunalités XXL ? En l'état, 70 % des RLP élaborés avant 2010 seraient caducs en 2020. Allonger les délais paraît nécessaire. Les recettes des redevances doivent-elles aller à la commune ou à l'EPCI ? La réponse de Mme la ministre n'est pas claire.

La structure qui bénéficiera des recettes adoptera une approche différente. C'est, entre les EPCI et les communes, le pot de terre contre le pot de fer. On dit qu'on encourage les EPCI à adopter un RLP, or c'est une obligation et non une incitation.

Je regrette que parmi les associations d'élus seule France urbaine ait été auditionnée...

M. le président. - Veuillez conclure !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera cette proposition de loi.

M. François Patriat .  - Cette proposition de loi répond à une problématique importante. Je remercie l'auteur de cette proposition de loi, Serge Babary, et le rapporteur Dominique Estrosi Sassone de leur travail. Le Conseil constitutionnel avait censuré les articles concernant les RLP. Il fallait les rétablir. Ce n'est pas un détail technique, mais une mesure essentielle, très attendue par les 1 200 communes concernées.

Ce domaine a connu nombre d'évolutions législatives ces dernières années, cela a été souligné. Il fait aujourd'hui l'objet d'un vide juridique. Le groupe LaREM votera cette proposition de loi. Madame la ministre, vous avez toute notre confiance pour faire adopter cette proposition de loi dans les meilleurs délais. (M. Bernard Buis applaudit.)

Mme Cécile Cukierman .  - Déjà l'an dernier nous étions revenus sur une censure du Conseil constitutionnel dans le cadre d'une saisine de la loi ELAN. Nous devons nous interroger sur le sens d'un cavalier législatif. Pourquoi une mesure relevant de l'urbanisme est-elle considérée comme un cavalier alors qu'elle aurait trouvé sa place dans la loi ELAN ? La jurisprudence du Conseil constitutionnel est toujours plus stricte et interroge la place du législateur.

Rappelons le rôle fondamental des PLU et RLP dans la cohabitation d'intérêts parfois divergents. Les élus doivent disposer d'outils efficaces pour réglementer la publicité sur leur territoire et éviter les abords de ville défigurés.

Il s'agit de protéger les secteurs patrimoniaux et paysages tout en prenant en compte les circonstances particulières et les intérêts locaux.

Produire un RLP à l'échelle locale pose problème quand il n'y a pas d'accord entre les différentes communes.

Les intercommunalités sont choisies et fondées sur un projet commun.

Qu'il s'agisse du PLU ou du RLP, ces compétences doivent être librement transférées - ou non - aux intercommunalités.

Nous voterons cette proposition de loi qui laisse plus de temps aux intercommunalités pour produire un RLP. Elle incitera les élus à s'engager.

Le cadre assoupli évitera que des équipes municipales nouvellement élues en 2020 aient à mettre en oeuvre des RLP décidés par leurs prédécesseurs.

M. Alain Fouché .  - Cette proposition de loi est assez technique. La publicité par affichage est un outil de communication utile qui doit bénéficier à tous. Il est un vecteur utile de l'information locale.

Je suis résolument contre les panneaux des grandes surfaces commerciales ou annonçant des promotions sur les meubles, mais tout à fait favorable à l'information publique, sur les événements culturels ou sportifs, sur les foires-expositions, sur notre patrimoine, sur les zones économiques des collectivités. Toutes ces manifestations font vivre nos collectivités.

Nous ne devons pas restreindre la publicité aux agglomérations.

La France est un pays riche de ses villes, de ses villages, de ses campagnes. Nous devons communiquer sur leurs atouts. Pour autant la publicité ne doit pas défigurer nos paysages - pour cela nous avons les éoliennes ! (Rires et marques d'étonnement à gauche)

M. Roland Courteau.  - Allons bon !

M. Alain Fouché.  - Cette proposition clarifie l'existant. Les RLP sont techniques et complexes. Leur élaboration demande du temps et de l'argent, ce dont nos collectivités territoriales manquent.

Recommencer les procédures est complexe et coûteux en argent et en temps. Si rien n'est fait au 14 juillet 2020, 1 200 EPCI se verront appliquer le règlement national de la publicité moins protecteur et moins adapté. La police de l'affichage serait ainsi assurée par le préfet et non plus par le maire, ce qui ne va pas dans le sens de la proximité de plus en plus demandée.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi qui donne du temps et plus de sécurité aux élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Françoise Férat .  - (Quelques applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi, travaillée lors d'une PLEC, peut sembler technique. Elle est néanmoins essentielle. La situation actuelle résulte de l'empilement de lois successives votées par diverses majorités qui ont rarement donné satisfaction aux collectivités territoriales.

L'état d'insécurité juridique est très fort.

Ce texte auquel nous ne pouvons que souscrire, doit nous faire prendre conscience du poids des responsabilités qui pèsent sur les élus locaux et qui les exposent de manière inquiétante.

La question des recettes des redevances, posée en commission, est légitime : il ne faudrait pas pénaliser de manière indirecte les recettes communales déjà installées.

Établir des règles locales, ce n'est pas seulement convaincre mais prévenir les paysages et les entrées de villes.

Il y va de l'harmonie de nos communes. Nous devons fournir des outils aux élus locaux face à la pollution visuelle et à la défense du patrimoine.

J'y avais oeuvré lorsque j'étais à la tête du parc régional de la montagne de Reims.

Le règlement local de publicité est un acte volontariste.

En zone rurale, il faut souvent trouver un équilibre entre pollution visuelle et désenclavement. Nous l'avons fait sur la promotion de produits locaux. Ne revenons pas sur ce compromis. Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Serge Babary .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai déposé cette proposition de loi avec plusieurs de mes collègues. Je les remercie de leur soutien. Cette proposition de loi répond à la demande de nombreux élus locaux après la censure de plusieurs articles par le Conseil constitutionnel qui avaient été adoptés dans les deux Assemblées. Le consensus existe.

Il s'agit d'assurer un équilibre entre préservation du paysage et information du public.

La loi Grenelle II du 12 juillet 2010 avait prévu un parallèle entre RLP et PLU.

Des ajustements ont été effectués par la loi ALUR du 24 mars 2020 et la loi Égalité et citoyenneté de 2017.

L'article premier sécurise l'élaboration des RLP en les alignant totalement sur les aménagements prévus pour les PLU.

L'article 2 aménage l'échéance de caducité des RLP en la repoussant de deux ans.

Les échéances qui avaient été entérinées sont trop courtes. Sur 1 258 EPCI, 125 seulement ont lancé la procédure.

Il est essentiel que les acteurs locaux puissent définir des règles propres à leur territoire. Évitons que le règlement national de la publicité s'applique, que le préfet remplace le maire et les communes perdent les recettes des redevances.

Ainsi, les collectivités territoriales auront deux ans supplémentaires pour élaborer un RLP.

Je remercie la commission pour le travail accompli. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Je compte sur le Gouvernement pour l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il est impératif de l'adopter et de la promulguer avant l'été. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La séance est suspendue quelques instants.