Renforcer l'encadrement des rave parties

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer l'encadrement des rave parties et les sanctions à l'encontre de leurs organisateurs, présentée par Mme Pascale Bories et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Pascale Bories, auteure de la proposition de loi .  - Les maires sont impuissants devant la multiplication des rave parties illégales, dans mon département comme dans toute la France. En mars, une rave party a rassemblé 700 personnes à Lédenon dans le Gard, sur un terrain privé, sans l'autorisation du propriétaire. Les habitants des villages alentours, dérangés par le bruit, ont prévenu la gendarmerie : 160 conducteurs ont été verbalisés pour avoir emprunté des voies de défense contre l'incendie réservées aux pompiers, sept infractions liées aux stupéfiants ont été relevées, trois pour taux d'alcoolémie très élevés. Le terrain était dévasté, jonché de déchets et de résidus de drogue.

En 2001 puis en 2002, des textes sont venus encadrer ces rassemblements en modifiant la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Est prévue une déclaration en préfecture un mois avant l'événement s'il doit rassembler plus de 500 personnes ainsi qu'un contact avec les autorités de santé, afin de garantir la sécurité, la salubrité, l'hygiène et la tranquillité publique. Mais la plupart du temps, cette déclaration préalable n'existe pas...

À l'heure où l'on évoque à juste titre les sujets environnementaux, je rappelle que ces rassemblements génèrent des déchets considérables, parfois sur des sites remarquables ou protégés, menacent la biodiversité et portent un risque d'incendie dans des zones touchées par la sécheresse, comme dans le Gard ou l'Hérault - ce fut le cas à Saint-Pargoire dans l'Hérault le 2 septembre dernier.

Au-delà des nuisances environnementales, les nuisances sonores troublent la tranquillité des habitants. Je suis attachée au bien-vivre ensemble, et la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Ma proposition de loi ne vise pas à interdire ces fêtes mais à susciter un débat apaisé entre les parties, préfets, maires, organisateurs, gendarmes, associations de protection de l'environnement et riverains.

Il s'agit de mieux encadrer les manifestations lorsqu'elles sont illégales, de donner aux maires les moyens d'exercer leur pouvoir légitime sur leur territoire et de préserver l'environnement déjà menacé.

Face à la légèreté des sanctions encourues, certains organisateurs font fi des obligations qui leur incombent. Comment ajuster mieux la peine à l'infraction ? Le débat est ouvert et je me réjouis des discussions que nous avons eues en commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Merci !

Mme Pascale Bories.  - Cette proposition de loi s'inspire de celle du 11 avril 2018 de M. Thibault Bazin, qui renforçait les sanctions.

Nous devons engager un dialogue dépassionné pour mieux encadrer ces rassemblements et en prévenir les nuisances. J'ai apprécié les propositions d'amendements adoptées en commission des lois qui enrichissent le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. Henri Leroy, rapporteur de la commission des lois .  - La proposition de loi de Mme Bories vise à résoudre un problème auquel les élus locaux sont régulièrement confrontés. La réponse de l'État face aux rave parties non autorisées est insuffisante. Ces rassemblements suscitent des troubles pour le voisinage et pour l'environnement, sans parler des dangers sanitaires pour les participants.

Le régime d'encadrement mis en place en 2002 ne fonctionne pas. Il a transféré aux préfets les pouvoirs de police relatifs à ces free parties, qualifiées de « rassemblements exclusivement festifs à caractère musical » par l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure. C'est en réalité un régime ambigu d'autorisation plus que de déclaration : aux termes de l'article L. 211-7, le préfet peut refuser de délivrer un récépissé et même interdire le rassemblement. À l'inverse, il doit engager une concertation avec les organisateurs si leur projet n'offre pas de garanties suffisantes, ce qui peut le conduire à trouver un lieu et à devenir, de facto, coorganisateur de l'événement.

L'attitude de l'État a alterné entre appui aux organisateurs et répression pour aboutir à une tolérance de l'illégalité. Souvent, ces événements se tiennent sans être autorisés par la préfecture, soit qu'ils n'aient pas été déclarés au préfet, soit qu'ils n'aient pas reçu de récépissé. Pour les rassemblements de moins de 500 participants, le rassemblement se tient souvent sans autorisation du propriétaire - privé ou public - que ce soit sur un terrain agricole ou une friche industrielle. Le nombre de condamnations est relativement faible.

Le nombre de condamnations est très faible. Certains y voient la preuve que la plupart de ces fêtes se passent bien. Certains organisateurs ont, c'est vrai, un sens des responsabilités louable. Mais nombre de rave parties sont involontairement ou volontairement hors la loi : la situation n'est pas tenable.

Paradoxalement, il y a dans le système actuel un angle mort : la concentration des interventions des préfets sur les gros événements. En deçà du seuil fixé par décret de 500 participants, c'est le maire qui est compétent, mais sans aucune déclaration. Le moindre spectacle amateur doit, lui, être déclaré au maire ! Il y a 3 200 de ces fêtes chaque année, principalement dans la France de l'Ouest, très majoritairement en zone rurale.

Le texte abaisse le seuil de déclaration obligatoire au préfet et renforce les peines en transformant la contravention de cinquième classe en délit.

La commission des lois partage les objectifs des auteurs, mais les préfets ayant peu d'enthousiasme à mettre en oeuvre le dispositif actuel, elle a choisi de couvrir l'angle mort en prévoyant un régime de déclaration obligatoire au maire pour les fêtes de moins de 500 participants.

La transformation de la contravention en délit est une bonne solution : elle permettra à la police et à la gendarmerie d'ouvrir des enquêtes en flagrance, de procéder à des interrogatoires et à des placements en garde à vue. Il ne s'agit pas d'empêcher ces fêtes au motif que leur musique serait déplaisante, mais de responsabiliser les organisateurs. On passerait à 3 750 euros d'amende et à des travaux d'intérêt général (TIG) de 400 heures - contre 120 aujourd'hui.

La commission des lois a souhaité aider les maires dans leur dialogue avec les organisateurs et les préfets. Elle a voulu sortir de la situation actuelle, où l'illégalité est tolérée.

Le régime des fêtes libres a vocation à se confondre avec le régime du spectacle. Il s'agit de redonner au maire la possibilité de sauvegarder l'ordre public, la tranquillité publique, la sécurité des personnes et la protection de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Il y a plusieurs milliers de rave parties chaque année, 2 500 selon mes informations, 4 000 selon votre rapport. Synonyme d'alcoolisation, voire d'usage de stupéfiants, elles laissent derrière elles déchets et désordre. Il faut certes les encadrer. Ce texte vise également à renforcer le pouvoir des maires, lesquels forment l'un des maillons essentiels de la République.

Mais la proposition de loi ne répond pas toujours à ces deux objectifs.

En créant une police pour les rave parties, le texte crée un régime de police spéciale concurrente à celle des préfets, sans les moyens de ce dernier. J'ai bien noté un amendement à ce sujet, j'y reviendrai.

Ancien préfet, je sais que la mesure peut avoir des effets pervers : les organisateurs pourraient sous-évaluer l'affluence de participants pour échapper au régime préfectoral. De plus, les rave parties ont lieu le plus souvent sur les petites communes, qui pourraient être dépassées ; les préfets devront intervenir en appui ou en substitution, pour des événements de taille pourtant réduite.

Parmi les amendements déposés, l'un confie au maire les mêmes pouvoirs qu'au préfet. Les maires de communes rurales devraient alors mettre en oeuvre des dispositions de préparation qui dépassent leurs moyens, même pour des manifestations mineures. De plus, il n'est pas souhaitable de voir cohabiter deux autorités de police selon que la prévision du nombre de participants excède ou non 500 participants.

La charte prévue ne dépend pas du pouvoir législatif mais du pouvoir réglementaire ; elle existe déjà depuis 2002.

Enfin, le texte transforme la contravention en délit.

Nous pourrions être favorables à la création d'un délit pour les rassemblements de plus de 500 participants, non pour des mouvements de faible envergure.

Le Gouvernement partage les objectifs poursuivis, mais la proposition discutée lui semble contre-productive. Il lui sera difficile de la soutenir...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Difficile, mais pas impossible ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - En revanche, le Gouvernement s'engage à ce que les préfets informent les maires le plus rapidement possible s'ils ont connaissance d'un tel événement. (MM. Bernard Buis et Arnaud de Belenet applaudissent.)

M. Alain Fouché .  - C'est au début des années 1990 dans les boîtes de nuit underground de Chicago et de Detroit qu'est née la musique electro, qui a aujourd'hui conquis l'Europe via les rave parties souvent clandestines. Elles se déroulent dans les petits villages et charrient des hordes de jeunes fêtards. Il y a des drames, des incidents graves, et même en l'absence de victimes de l'alcool ou des drogues, l'environnement subit des dommages.

Un encadrement des rassemblements à caractère musical existe depuis 2002, mais il a très vite montré ses limites, et le maire est seul pour gérer les événements de moins de 500 participants.

Aujourd'hui, il est plus facile d'organiser une fête libre sur un terrain privé, avec le seul accord du propriétaire, que des activités artistiques amateurs soumises à déclaration au maire.

La commission des lois n'a pas souhaité modifier le seuil de 500 participants qui déclenche l'obligation de déclaration au préfet. Mais les événements en deçà de ce seuil devront être déclarés en mairie. Elle a prévu l'élaboration d'une charte déterminée par arrêté des ministres de l'intérieur et de la jeunesse, après concertation avec les organisateurs de telles fêtes.

Je regrette que la commission des lois ait remplacé la peine de prison par une peine de travaux d'intérêt général (TIG). (Mme Esther Benbassa lève les bras au ciel.) J'ai été maire : il s'agit en général de faire quelques heures de jardinage... C'est insignifiant. (Rires à gauche) néanmoins le groupe Les Indépendants approuve la démarche des auteurs et votera ce texte à l'unanimité.

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte trouve sa place à la suite du projet de loi Engagement et proximité, hasard du calendrier ; d'ailleurs, pourquoi ne pas l'y avoir intégré ? Il aurait eu plus de chance de prospérer.

Le débat en commission a été nourri. Les maires sont en effet confrontés de manière récurrente au problème des rave parties, free parties ou fêtes libres, sans solution.

Le régime juridique actuel est ambigu. Le préfet peut refuser d'émettre le récépissé, mais il doit dialoguer avec l'organisateur, pour adapter les mesures prévues, voire pour trouver des locaux plus appropriés - se faisant co-organisateur de la manifestation !

Il y aurait 4 000 fêtes libres par an, dont 80 % de moins de 500 participants. En 2018, sur 800 rassemblements déclarés, seuls deux récépissés ont été délivrés par les préfets. La plupart des fêtes se sont déroulées sans autorisation ni concertation. La faiblesse des sanctions - contravention de 5e classe et confiscation du matériel - l'explique. Les maires sont démunis.

Le texte issu de la commission des lois rend la déclaration obligatoire, renforce les sanctions et prévoit la signature d'une charte par l'organisateur.

Je salue les mesures donnant les moyens au maire d'agir efficacement sur ce sujet. J'espère que les forces de sécurité seront mobilisées pour que ces rassemblements festifs le restent. Le groupe UC soutiendra le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jérôme Durain .  - Le texte remanié par le rapporteur de la commission des lois, Henri Leroy, a été clairement exposé. Le rapport offre un exemple des difficultés méthodologiques auxquelles se confronte notre assemblée, chaque seuil offrant la possibilité d'un nouvel effet de seuil, chaque nouveau dispositif décourageant les organisateurs par la lourdeur des procédures.

Lorsque le législateur « encadre», c'est souvent pour empêcher... J'ose croire que ce n'est pas le cas ici.

J'ai parcouru la presse régionale pour repérer les fêtes ayant posé problème. Le nombre de condamnations est faible ! D'après le rapport, on ne constate que 70 contraventions, de 418 euros en moyenne. La confiscation du matériel n'est prononcée que deux fois par an en moyenne. M. Leroy en conclut que les mailles du filet sont trop larges.

Je ne suis jamais allé en teknival ni rave party.

M. François Bonhomme.  - Quel dommage !

M. Jérôme Durain.  - Je conviens que ces rassemblements peuvent occasionner des débordements, engendrer des nuisances pour l'environnement, mais le péril est-il si immense qu'il faille légiférer ? De nombreux maires risquent de se trouver pris entre des riverains hostiles et organisateurs de bonne foi - il y en a.

Dans mon département, il n'y a guère de telles fêtes ; on me dit que c'est notre géographie qui décourage les fêtards.

Dans le Doubs en revanche, une fête nommée Alice in Wonderland devait être organisée. Le propriétaire, après des menaces de mort, a changé d'avis. Elle a été délocalisée, et il n'y a pas eu de dysfonctionnements. Même chose après la fête en hommage à Steve Mari Caniço : le maire a regretté des nuisances mais il a aussi souligné la propreté du terrain. Il faudrait explorer les pistes comme l'identification de terrains pouvant être destinés à ces rassemblements.

Laurent Garnier a commencé dans les rave parties à Dijon ; il est aujourd'hui un ambassadeur de la musique française et chevalier de la légion d'honneur.

M. François Bonhomme.  - Au titre de la culture ?

M. Jérôme Durain.  - Nous attachons de l'importance à toutes les formes de cultures.

Je reste donc réservé face à ce texte ; même si j'en comprends les motivations. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Nathalie Delattre .  - L'attrait ancestral et contemporain de la fête n'est plus à démontrer. Loin de nous l'idée d'interdire les fêtes ; elles sont transgressives par principe ; il ne s'agit que de les encadrer. Festivals, carnavals, fêtes de village, ferias sont des événements cathartiques normés et normalisés par la tradition.

Mais les rave parties et free parties qui rythment la nuit, dans nos régions, rejettent les normes coutumières de la fête traditionnelle. Elles se caractérisent par leur organisation anarchique doublée de pratiques illicites.

Les considérations de sécurité sont à prendre en compte, qu'il s'agisse de l'alcool, de la drogue, des agressions de toute sorte. D'où le dispositif Vaillant en 1981 qui chargeait les préfets de l'encadrement de ces rave parties.

S'il était appliqué systématiquement, ce dispositif fonctionnerait, mais ce n'est pas le cas. Les rassemblements festifs de moins de 500 participations reposent sur la responsabilité du préfet qui mobilise les forces de l'ordre pour les encadrer posteriori. Pour les rassemblements de moindre importance, la sécurité repose souvent sur les organisateurs. C'est le cas dans le Sud-Ouest où ont lieu la majorité des 3 200 free parties annuelles.

Les rave parties ne se déroulent pas seulement en milieu rural, mais aussi dans les zones urbaines ou péri-urbaines. J'ai dû en encadrer une dans les friches industrielles de la métropole bordelaise.

Le régime actuel n'est pas satisfaisant pour les maires qui manquent de moyens pour exercer leurs responsabilités.

Quand les rassemblements ne sont pas dangereux, pourquoi les interdire ? M. Cabanel a beaucoup travaillé sur le sujet et je l'en remercie. Les free parties, libres et gratuites, représentent des moments de loisirs et de décompression utiles, pour les jeunes et les moins jeunes, notamment ceux qui ont des difficultés d'insertion sociale et ceux qui subissent la fracture territoriale. Il ne s'agit pas de juger de l'intérêt de ce type de rassemblement, mais de les encadrer.

Les amendements du groupe RDSE se veulent pragmatiques. Je ne doute pas que leur adoption nous permettra de soutenir une proposition de loi déjà enrichie par la commission des lois. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Arnaud de Belenet .  - À écouter les orateurs, je suis heureux de constater que nous n'avons pas besoin d'être des spécialistes de acid house, trance goa, new beat, hardcore, heavy bass music (M. François Bonhomme s'émerveille.) pour nous prononcer sur ces sujets.

M. Stéphane Piednoir.  - Quelle culture !

M. Arnaud de Belenet.  - Les accidents ne sont pas rares, non plus que les mises en danger d'autrui et les abus. Nous en sommes conscients, sans nous enfermer dans une rhétorique réfractaire à ces festivités, qui expriment également une transcendance et un refus du mercantilisme. (M. François Bonhomme ironise.)

Nous partageons les objectifs du texte. Il faut trouver un point d'équilibre, nous dit M. Durain. Cependant, les communes rurales sont en première ligne, et nous partageons les objectifs des auteurs.

Accroître la charge du maire sans lui donner de moyens n'est pourtant pas acceptable. Comment mettre en application un pouvoir de police lorsqu'on est tributaire de l'intervention des forces de police ? La responsabilité du maire restera engagée en cas de défaillance, même en cas de défaut de moyens. Les dispositions seront inapplicables, en dépit des efforts de la commission des lois.

Instituer un régime de déclaration auprès du maire, dans le cas où le préfet n'est pas compétent, aboutit à créer deux régimes de police spéciale en fonction du nombre éventuel de participants. Cette organisation mérite d'être affinée !

Je m'interroge sur l'opportunité qu'il y aurait eue à inscrire ce sujet dans le projet de loi Engagement et citoyenneté ou, pourquoi pas, dans le texte à venir sur la sécurité intérieure. Le législateur a de quoi faire oeuvre utile en la matière.

Nous ne voterons pas contre ce texte, malgré nos réserves, afin que le travail se poursuive. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte n'est pas suffisant. Il faut aller beaucoup plus loin, sur les rave parties comme sur le stationnement des nomades ou toute autre démarche abusive de personnes qui bafouent la loi avec la bénédiction des pouvoirs publics. Il faut être plus fermement dissuasif. Que ce soit pour les rave parties ou les nomades, on cherche toujours à négocier ou temporiser, alors que les intéressés sont dans une totale illégalité.

M. François Bonhomme.  - Ce n'est pas pareil.

M. Jean Louis Masson.  - Ces individus ne se gênent nullement pour faire ce qu'ils veulent. C'est extrêmement grave. On crée ainsi un système à deux poids, deux mesures : plus on est hors les clous, moins on est sanctionné pour ses actions.

La dissuasion et la réaction des pouvoirs publics devraient être beaucoup plus fortes. D'où nos amendements, dont je sais hélas qu'ils ne seront pas adoptés. Si l'on agissait plus fermement contre ces marginaux qui font n'importe quoi, on normaliserait la situation. Je ne voterai ni pour, ni contre, pas plus que je n'avais voté sur le texte concernant les nomades.

Mme Éliane Assassi .  - La lecture de ce texte a fait remonter dans mon souvenir d'autres textes : sécurité des manèges, lutte contre les rodéos motorisés, mini-motos, chiens dangereux... Cela pose la question de l'opportunité à légiférer sur tout en fonction de l'actualité. Chaque fait divers nécessite-t-il que le législateur touche à la loi ?

La proposition de loi vise à baisser le seuil de déclenchement de la déclaration au préfet et à allonger la durée maximale de saisie du matériel tout en augmentant les peines encourues, en passant d'une contravention de 5e classe à un délit pénal passible de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

La commission des lois a transformé la peine de prison en peine de TIG. Cela est heureux car les auteurs du texte cédaient à la tentation de durcir les sanctions dès qu'un fait divers en donne l'occasion.

Cela ne sert à rien, et le tout sécuritaire n'a pour but que de faire peur aux gens, alors que beaucoup d'événements s'autogèrent parfaitement bien. Auditionné, Tommy Vaudecrane, le président de Technopol, estime que durcir les sanctions ne sert à rien, qu'il vaut mieux dialoguer avec les organisateurs, et souligne qu'il n'y a pas plus d'accidents que dans les ferias ou à la sortie des boîtes de nuit.

L'élaboration d'une charte prévue par la commission des lois à l'article premier bis est acceptable mais peu engageante. Les rassemblements festifs à caractère musical ont été largement encadrés par la loi de 1995, puis par celle de 2001, et par le décret d'application du 3 mai 2002. Depuis l'ordonnance du 12 mars 2012, l'encadrement de ces rassemblements figure aux articles L. 211-5 à L. 211-8 du code de la sécurité intérieure.

Transférer les pouvoirs aux maires n'est pas la bonne solution.

Nous ne sommes pas insensibles aux nuisances environnementales que comportent ces rassemblements. Mais le texte en traite seulement à la marge... Nous ne le voterons pas, malgré les modifications apportées par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Parmi les vicissitudes de la vie d'un maire, toutes ne font pas l'objet de la même considération. Il y en a une qui demeure hors des radars de la pensée conforme : je veux bien sûr parler des rave parties, cet avatar du droit à la fête.

La recrudescence de ce phénomène invite pourtant à s'interroger sur le droit de propriété et l'occupation sauvage du domaine public, sur le droit à la préservation de l'environnement, sur le droit à la santé - musique trop forte, alcoolisme - ou à la sécurité.

Le caractère avant-gardiste de ces rassemblements échappe à la plupart des maires. Tout le monde n'a pas la chance, cher collègue Durain, d'habiter en Saône-et-Loire...

M. Jérôme Durain.  - C'est bien regrettable.

M. François Bonhomme.  - Par manque de sanctions - la contravention de 5e classe et la saisie de matériels pour six mois sont insuffisantes -, les rave parties fleurissent, qui touchent d'abord le milieu rural. Le Tarn-et-Garonne n'échappe pas à la règle, soumis aux décibels assourdissants de ces événements et à leur violence induite : deux mineurs ont été victimes de bombes lacrymogènes à Montaigu en 2018, un jeune est mort à Saint-Antonin-Noble-Val en 2016...

Atteintes sexuelles, alcoolisme ne sont que quelques-unes des nuisances à déplorer. Les maires sont incapables de faire face seuls à ces phénomènes. La protection de l'environnement, la sécurité des participants, la tranquillité des riverains ne sont pas assurées. Le régime d'encadrement actuel est inefficace.

Cette proposition de loi répond à un besoin véritable de sécurité. Le régime de déclaration obligatoire auprès des maires, l'allongement de la saisie du matériel et le renforcement des sanctions sont de bonnes mesures. Il ne s'agit pas de priver les teufers de leur droit, mais de mettre en place des mesures préventives et d'ouvrir un dialogue de qualité entre les organisateurs de rave parties et les autorités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Chaque année en France, plus de 3 200 rave parties sont organisées, le plus souvent en zone rurale et sans autorisation. En 2015, alors directrice des études de l'Institut des études judiciaires, j'avais demandé que la gendarmerie intervienne pour sensibiliser mes étudiants aux nuisances de ces manifestations.

La colonnelle a raconté la vaste organisation requise par le Teknival qui devait se tenir sur l'ancienne base aérienne de Cambrai. La gendarmerie devait garantir la fluidité de la circulation et le préfet les équipements sanitaires et l'électricité. Une zone de soins avait été prévue. À l'issue de la présentation, mes étudiants ont compris qu'une telle fête nécessitait un encadrement professionnel. Ils ont saisi le bien-fondé de la demande d'autorisation.

Il ne s'agit pas d'interdire ces rassemblements mais de faire respecter la loi et l'ordre public. Il n'est pas concevable de saccager un champ ou un site naturel. Les organisateurs doivent trouver le lieu adéquat pour engendrer le moins de gêne possible et le remettre en état. Un dialogue constructif est donc nécessaire. Le maire doit gérer ces rassemblements lorsqu'ils comptent moins de 500 participants. Mais, en zone rurale, les édiles sont souvent démunis. Je me réjouis donc de l'abaissement du seuil, car le préfet dispose de davantage de moyens.

L'article 2 renforce les sanctions contre les organisateurs de rave parties illégales. La commission des lois a prévu une charte de bonne conduite : je salue son initiative. De nombreuses rave parties se font dans une atmosphère bon enfant. Nous ne souhaitons pas les interdire mais les organisateurs doivent rester dans la légalité.

Cette proposition de loi encourage les comportements vertueux ; je la voterai sans hésiter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Duranton .  - Les rave parties à répétition exaspèrent en raison du bruit, de la consommation d'alcool et de stupéfiants, des déchets et des dégâts sur l'environnement.

En 1995, une circulaire se préoccupait plutôt de la vente et de la consommation de stupéfiants. En 1998, une autre circulaire distinguait les organisateurs qui faisaient une demande auprès des services administratifs de ceux qui passaient outre, organisant des free parties.

La loi du 15 novembre 2001 entérine la règle de la déclaration, mais elle est peu appliquée. Dans l'Eure, seules sept rave furent déclarées en 2002, et neuf en 2003 ; c'est très peu par rapport à la réalité. Cette proposition de loi étend donc le champ de la déclaration préalable et octroie des pouvoirs aux maires pour encadrer les rassemblements de moins de 500 participants.

La sévérité est légitime, mais elle ne doit pas dépasser le délit sanctionné. Ainsi, mon premier amendement préconise le passage de 3 750 à 4 500 euros d'amende pour ceux qui organisent des rave non déclarées.

Les organisateurs modifient souvent le lieu de la rave party en dernière minute : je proposerai un deuxième amendement pour éviter toute communication en ce sens avant l'agrément.

Enfin, en vertu d'un décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, le niveau sonore ne peut excéder 105 décibels en général, et 102 décibels sur 15 minutes. Je propose donc une information des participants, en direct, sur des écrans, sur le volume sonore, comme cela se pratique déjà dans les festivals.

Je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Henri Cabanel .  - Je remercie Pascale Bories pour cette proposition de loi, mais il me semble compliqué de donner des pouvoirs supplémentaires aux maires sans leur octroyer davantage de moyens, notamment en zone rurale.

Il faut préserver la biodiversité de nos territoires. Une commune de l'Hérault a connu des problèmes car une rave party avait pollué l'eau potable.

Je crois au dialogue avec les organisateurs. Très peu de rave parties sont déclarées car les lieux sont difficiles à trouver. La concertation pourrait les y aider.

Mme Esther Benbassa .  - On ne peut tout réprimer ! Les sociétés ont besoin de catharsis depuis toujours ! Certes, il faut encadrer les festivités, (M. Philippe Bas, président de la commission, s'en réjouit.) mais on ne peut empêcher les débordements. Woodstock n'a jamais empêché les États-Unis de rester le temple du libéralisme économique cher à la partie de l'hémicycle d'où vient cette proposition de loi. C'était pourtant le temple du sexe et de la drogue - mais M. Bas n'était pas encore né. Ces fêtes sont des soupapes de sécurité pour la société. M. Bas me dirait que c'est de la philosophie, mais il faut de la philosophie pour gérer une société, pas seulement la police.

Il faut tirer les leçons de la mort tragique de Steve Caniço à Nantes. Il ne faut pas rester dans le tout sécuritaire, ni prévoir des peines d'emprisonnement. (M. Henri Leroy, rapporteur, se récrie.) Certains de nos collègues devraient aller en rave party pour voir ce qui s'y passe...

M. Jean-François Longeot.  - Ces rassemblements provoquent de réelles nuisances sonores. Mais les organisateurs font parfois face à des aléas de dernière minute en raison du refus d'utilisation du site qui avait pourtant fait l'objet d'une contractualisation en préfecture : ils doivent alors trouver un autre lieu en urgence.

Bien sûr, il faut condamner les excès, mais aussi reconnaître certaines désorganisations chaotiques.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - L'article premier ne crée ou ne transfère aucun pouvoir aux maires : il instaure un régime déclaratif avec une charte établie par les pouvoirs publics. Tout est, en réalité, dans l'article 2. Quand un maire a connaissance d'un délit, il a le devoir d'en informer les forces de l'ordre et le sous-préfet.

Nous n'aurions pas transféré un pouvoir au maire sans moyens, monsieur le ministre.

M. François Bonhomme.  - L'article premier sur le régime de déclaration des rassemblements me semble être une avancée.

J'apprécie la culture poétique de Mme Benbassa, et ses références à Woodstock, mais elle oublie les dérapages et les dérives. (Mme Esther Benbassa proteste.)

L'hyper-individualisme est plutôt du côté de ces manifestations dont les organisateurs qui, dans un vitalisme débridé revendiquant un prétendu droit à la fête, refusent toute limite, toute contrainte formaliste.

Je vous prie de ne pas utiliser à notre encontre des épithètes désobligeantes.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

au moins un mois avant la date prévue

M. Jérôme Durain.  - Les rave parties sont régies par le code de la sécurité intérieure : elles sont donc précisément encadrées.

En prévoyant une nouvelle déclaration auprès du maire pour tous les cas où le préfet n'est pas compétent, l'article premier crée un nouveau régime déclaratif. Le cadre législatif en vigueur pour les rave parties importantes serait ainsi appliqué à celles de moyenne importance.

Notre amendement vise simplement à aligner le régime destiné aux petites rave sur le régime en vigueur.

La précision relative au délai d'un mois étant de nature réglementaire, il convient de laisser un décret définir cette durée au même titre que pour les grands rassemblements.

Lorsque nous sommes passés en 2006 du seuil de 250 participants à 500 personnes à partir duquel une déclaration devenait obligatoire, un simple décret du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy à l'époque, a suffi sans qu'il soit besoin de légiférer.

Nous aurions pu également demander la suppression de l'alinéa 4 qui impose de mentionner dans la déclaration les nuisances de toute nature puisque cette prescription est déjà fixée par le décret.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Masson.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

un mois

par les mots :

deux mois

M. Jean Louis Masson.  - Il convient de fixer un délai préalable qui soit suffisant. Un mois, c'est trop court pour réagir et tout organiser.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Le bon délai me semble être un mois : la navette pourra améliorer la rédaction. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - L'instauration de la procédure de déclaration pour les rave parties de moins de 500 participants conduira le maire à se tourner vers les services de l'État - vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur. De plus, cela pourrait inciter des organisateurs à contourner la procédure de déclaration au préfet. Ce régime n'est pas satisfaisant.

Je comprends l'amendement n°5 mais, par cohérence, avis défavorable aux deux amendements.

L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°2.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le maire peut, soit en amont, soit au cours d'un tel rassemblement, en informer le représentant de l'État, afin qu'il puisse prendre les mesures prévues à l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, sans mise en demeure préalable. » ;

Mme Nathalie Delattre.  - Le dispositif Vaillant de 2001 concerne les événements de plus de 500 personnes. En Gironde, ce sont surtout de plus petits rassemblements qui sont organisés sous forme de free parties. Dans ce cas, les maires se sentent livrés à eux-mêmes : ils manquent de moyens pour interdire comme pour encadrer. Nous proposons de mettre en place un régime de responsabilité partagée entre les maires et l'État, les maires ayant la charge de la concertation et de l'information et la préfecture de l'intervention des forces de l'ordre si nécessaire.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Les maires peuvent déjà informer le préfet mais il semble difficile qu'ils puissent invoquer leur propre carence pour le faire intervenir. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme Duranton.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle fait état du niveau de volume sonore envisagé, et de la possibilité pour les participants de le consulter en temps réel par un dispositif d'affichage adéquat.

Mme Nicole Duranton.  - Le niveau sonore des rave parties, qui ne peut excéder le niveau envisagé par la loi, est un problème tant pour les participants que pour le voisinage. Sa lisibilité est essentielle.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - C'est vrai, mais il paraît préférable de laisser cette question à la charte, qui doit être élaborée en concertation avec les pouvoirs publics. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable.

M. François Bonhomme.  - C'est un vrai sujet. Dans les discothèques ou sur les appareils audio, le niveau de décibels est limité. Tel n'est pas le cas dans les rave parties où des jeunes peuvent se retrouver handicapés à vie à cause d'un quart d'heure d'exposition. Les pouvoirs publics ne devraient pas rester sourds à ce problème. (Sourires)

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Grand.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À l'article L. 211-6, après les mots : « préfet de police, », sont insérés les mots : « ou, si la déclaration a été faite auprès de lui, le maire, » ;

2° L'article L. 211-7 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « préfet de police, », sont insérés les mots : « ou, si la déclaration a été faite auprès de lui, le maire, » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'État les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt. »

M. Jean-Pierre Grand.  - Vous avez déjà répondu aux deux premières parties de mon amendement, monsieur le ministre.

Lors de rassemblements non déclarés en milieu rural, les forces de gendarmerie sont particulièrement mobilisées pour sécuriser les lieux. Il apparaît donc logique de mettre à la charge des organisateurs les frais liés aux services d'ordre effectués au-delà des obligations normales incombant à la puissance publique.

Dans une vie antérieure, j'ai été élu dans le Larzac, mais maintenant dans l'Hérault où nous avons de nombreuses rave parties sauvages. Une facture aux organisateurs de rave parties non déclarées ne me semble pas une mauvaise idée...

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Le texte de la commission met en place un régime de déclaration simple au maire un mois avant l'évènement. Mais il ne prévoit rien de plus. On peut comprendre qu'on demande une contribution liée à la sécurité aux organisateurs, mais c'est peu réaliste d'autant qu'il s'agit de spectacles amateurs. Cela créerait de nouvelles tensions pour des sommes qui ne seraient jamais recouvrées. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Vous imposez aux communes des obligations dont elles ne pourront pas s'acquitter : concertation, prescription, interdiction, c'est exorbitant ! De plus, la contribution n'est pas possible, compte tenu que les organisateurs sont amateurs. À Nantes, la rave party avait mobilisé 120 gendarmes.

M. Jean-Pierre Grand.  - Il y a bien un commerce : les grands camions l'attestent et la bière, pour ne parler que d'elle, est bien vendue. Ne soyons pas naïfs : les organisateurs ont les moyens de payer les gendarmes.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - S'il y a délit, il y aura confiscation. La valorisation de cette confiscation nous donnera les moyens dont nous avons besoin.

M. Fabien Gay.  - Avec un tel débat, le risque de surenchère est réel. S'il n'y a pas d'organisateur déclaré, à qui envoyer la note ? À personne !

Sur les décibels - vraie question. J'ai organisé un festival autorisé, la Fête de l'Humanité, soit la plus grande fête populaire en France, qui rassemble 600 000 personnes.

M. Loïc Hervé.  - Ce n'est pas une rave party !

M. Jean-Pierre Grand.  - La Fête de l'Humanité est tout à fait respectable.

M. Fabien Gay.  - Je peux le dire : afficher les décibels, c'est impossible, car la technique n'existe pas. D'autant plus pour des petits rassemblements amateurs ! L'arsenal législatif ne nous fait pas défaut ; nous l'avons. Mais il nous faut des moyens pour le faire appliquer, c'est-à-dire plus de gendarmes. On peut donc se lancer dans la surenchère, mais ça ne changera rien ! Il faut des moyens pour nos services publics : nous en parlerons bientôt à l'occasion du projet de loi de finances.

Le problème, quand un terrain privé est envahi, c'est que le maire est seul face à des centaines de personnes, et que les gendarmes sont souvent deux ou trois. Comment faire respecter la loi ?

M. François Bonhomme.  - En substance, M. Gay dit comme Mme Benbassa : on ne peut pas échapper aux débordements. Au motif que c'est difficile, il faudrait renoncer ! Il faudrait entériner une situation insupportable. (M. Fabien Gay proteste.)

L'objet de ce texte est de faire entrer ces manifestations dans la légalité.

Mme Esther Benbassa.  - Supprimez les carnavals ; les Français ne feront plus rien que regarder Netflix !

M. François Bonhomme.  - C'est dangereux de vouloir donner un vernis culturel, ma chère collègue !

M. Alain Fouché.  - On ne peut pas contrôler les décibels.

M. Jean-Pierre Grand.  - Je retire l'amendement n°1. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

L'amendement n°1 est retiré.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après les mots :

du ministre de l'intérieur

insérer les mots :

, du ministre chargé de la culture

M. Hervé Gillé.  - Cet amendement propose d'associer le ministère de la Culture à l'élaboration de la charte : ce n'est pas que symbolique, car il vise à éviter des oppositions frontales. Le problème des rave parties n'est abordé que sous l'angle sécuritaire mais non comme un évènement culturel et artistique. La notion de culture s'est élargie depuis 1981 : la musique techno se réinvente au gré des évolutions technologiques. Elle représente économiquement 17 % des musiques actuelles.

Le ministère de la Culture a été évincé par le seul ministère de l'Intérieur. Pourtant, il aurait pu servir de médiateur. Bien avant la charte prévue par la proposition de loi, un livret a été diffusé en Bretagne ou en Pays de Loire, avec succès.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - C'est la délégation interministérielle de la jeunesse qui est en pointe sur le sujet, avec le ministère de l'Intérieur. Mais il est vrai que le ministère de la Culture pourrait avoir une influence intéressante. Avis favorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, car le Gouvernement est défavorable au texte. Cette précision relève en outre du pouvoir réglementaire. Mais je note la bonne idée.

M. François Bonhomme.  - Assez de circonlocutions. Pas besoin de se tortiller pour ne pas apparaître trop opposé aux jeunes... C'est le niveau sonore qui est en jeu : pourquoi ne pas convoquer le ministère de la santé ou celui de l'environnement, lorsqu'on voit des espaces protégés dévastés ? Il faut commencer par un régime déclaratif strictement encadré.

Greta Thunberg n'a pas encore produit tous ses effets quand on voit tous ces champs dévastés. (Mme Esther Benbassa proteste.)

M. Henri Cabanel.  - Plus nous mettrons de parties prenantes autour de la table, plus nous parviendrons à des solutions : merci, monsieur le rapporteur, d'accepter la présence du ministère de la culture.

Pour le son, les participants mettent des protections. Au-delà des rave parties, n'oublions pas les discothèques, les casques audio, la Formule 1 aussi.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Je salue l'implication d'Henri Cabanel. Le Gouvernement s'accommode d'une illégalité totale. Quand on met trois administrations pour rédiger une charte, il est à craindre qu'elle ne soit jamais publiée...

L'amendement n°6 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.

Compléter cet article par les mots :

et des associations de représentants des communes

Mme Nathalie Delattre.  - L'article premier bis, introduit en commission, prévoit une charte. Un guide de la médiation, rédigé de façon interministérielle, avait déjà été publié - il faudrait s'en inspirer.

Cet amendement associe les représentants des maires et des communes à la rédaction de la charte, dès lors que ceux-ci seront en première ligne au moment de sa mise en oeuvre.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Avis favorable, bien sûr !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. La charte existe depuis 2002.

Mme Cécile Cukierman.  - Il ne suffit pas de faire une charte.

M. Fabien Gay.  - Il faut des moyens !

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - La commission a réaménagé le volet répressif. En étendant la possibilité de saisie du matériel de sonorisation et en créant un nouveau délit, elle envoie un message contradictoire.

En effet, il n'est pas cohérent d'avancer que l'on souhaite coopérer en amont avec les organisateurs et, dans le même temps, les mettre sous répression pénale en transformant la contravention en délit.

Les organisateurs savent que le régime de la déclaration est un régime d'autorisation déguisée. La pratique a suffisamment démontré cette réalité. Cet article risquerait de se retourner contre les élus locaux. Comme ils auront tendance à considérer que les conditions ne sont pas suffisamment réunies, ils pourront s'y opposer.

Or notre rapporteur a rappelé que ce texte ne crée aucun pouvoir de police du maire. Ce texte n'instaure qu'un régime de déclaration simple sans possibilité de refuser le récépissé.

Tel Ulysse attaché au mât de son navire, le maire pourra écouter le chant des sirènes sans pouvoir agir. C'est une position inconfortable pour répondre aux sollicitations de leurs administrés.

Du côté des initiateurs de la manifestation, tant que ces derniers éprouveront le sentiment qu'en jouant le jeu du régime déclaratoire, ils risquent de se faire piéger davantage, ils ne pourront qu'être incités à choisir la clandestinité.

La question porte essentiellement sur les petites raves. Nous ne disposons pas de statistiques précises pour connaître l'ampleur du phénomène. Notre rapporteur a rappelé que les enquêtes connues sont anciennes et les chiffres peu fiables. Nous légiférons donc à l'aveugle alors qu'il existe déjà tout un arsenal juridique pour que les maires et le préfet traitent les petites raves.

Comme le rappelle régulièrement le Conseil d'État qui dénonce les effets de l'intempérance normative, une telle mesure sera une source d'instabilité et de complexité qui sur le terrain, pourrait bien de se retourner contre les maires.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Les contraventions de cinquième classe ne sont pas utilisées. On n'a constaté que 70 condamnations pour les 800 fêtes concernées par la déclaration au préfet, avec, à la clé, 436 euros d'amende... Le fait de passer de la contravention au délit donne des prérogatives aux forces de l'ordre : gardes à vue, saisies... Faut-il accepter que les lois ne soient pas respectées ? Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis favorable. La peine d'emprisonnement, peine de référence en matière de délit, n'est pas prévue dans cet article. Les prérogatives dont le rapporteur parle ne sont mobilisables que lorsque les peines encourues sont la prison.

L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°3 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Duranton.

Alinéa 4, première phrase

Remplacer le montant :

3 750 euros

par le montant :

4 500 euros

Mme Nicole Duranton.  - La lutte contre l'organisation de rave parties sauvages doit passer par des prévisions de sanctions à même de dissuader effectivement les organisateurs potentiels de ces événements. Cet amendement propose donc d'augmenter l'amende prévue, sans pour autant la rendre équivalente aux peines encourues pour des faits plus graves.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°13 est retiré.

L'amendement n°4 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Duranton.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de rendre publiques des informations relatives à l'organisation d'un rassemblement mentionné à l'article L. 211-5 sans avoir reçu l'agrément consécutif à la déclaration préalable effectuée auprès du représentant de l'État dans le département ou, le cas échéant, du maire, est puni de 1 000 euros d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général. »

Mme Nicole Duranton.  - Les rave parties réunissent des participants venant parfois de loin, et prévenus longtemps en amont sur les réseaux sociaux. La communication sur celles-ci s'organise en effet au mépris de la loi par le maintien d'une imprécision sur le lieu de rendez-vous, souvent en le modifiant en dernière minute. Il convient donc d'encadrer ce canal, en ne permettant pas la diffusion d'informations sur la tenue d'une rave avant l'agrément préfectoral ou municipal.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Le nouveau délit a une formulation trop large - il pourrait concerner aussi la presse et les autorités publiques elles-mêmes. Retrait ou avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°12 est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Durain.  - Défendu.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - Avis défavorable : la mesure prévue par la commission semble proportionnelle.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Avis favorable à cet amendement de suppression.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les frais de confiscation sont mis à leurs dépens.

Mme Nathalie Delattre.  - Cet article prévoit la confiscation pénale du matériel. Cet amendement prévoit que les frais de confiscation sont automatiquement mis aux dépens de la personne morale déclarée responsable pénalement. Il faut souvent beaucoup de bras pour déplacer les matériels hors normes.

M. Henri Leroy, rapporteur.  - La valorisation des matériels confisqués permet de récupérer les frais engagés. Avis défavorable.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Explications de vote

M. Jérôme Durain .  - Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Ce texte est contre-productif, malgré le travail de notre rapporteur. Organisateurs de rave parties, quel numéro de téléphone ? La législation sur ce sujet est délicate. Les organisateurs ne tiennent pas à se faire remarquer. On risque de les faire opter directement pour la clandestinité. Il y a aussi un risque pour les maires. Il faut de la délicatesse et du dialogue. Nous voterons donc contre le texte.

M. Henri Cabanel .  - Les maires subissent les pollutions, notamment sonores, de ces manifestations. La concertation avec les collectifs est essentielle. Je l'ai constaté sur mon territoire.

Dans l'Hérault, nous avons réuni les services de pompiers, de sécurité, de santé, le sous-préfet et le maire et nous sommes montés sur un terrain où se déroulent des manifestations illicites. Personne n'a eu assez de courage pour assumer la responsabilité de l'organisation d'une manifestation licite car toujours un paramètre posait problème : trop grande proximité des bois pour les pompiers, manque de sécurité pour les gendarmes, etc. Les organisateurs de manifestations ne trouvent pas les conditions ni les endroits pour réaliser ces manifestations.

Les solutions ne peuvent se trouver qu'en amont, avec les collectifs, pas dans des sanctions alourdies. Je m'abstiendrai.

Mme Pascale Bories .  - Chacun a droit à la liberté, mais personne n'a de droit sur la liberté, disait en substance Victor Hugo. Chacun ses goûts en matière de musique, mais quand la liberté a un caractère licencieux, il est indispensable d'en définir les limites.

C'est l'objet de cette proposition de loi qui fixe des limites tout en permettant l'information du maire, afin qu'il puisse se retourner vers les forces de l'ordre. Ces dernières doivent être dotées de moyens juridiques leur permettant d'intervenir. C'est le sens des articles 2 et 3 de la proposition de loi. J'espère, monsieur le ministre, que vous reconsidérerez votre avis sur ce texte.

M. Fabien Gay .  - À venir dans cet hémicycle, on s'aperçoit qu'il existe encore une droite et une gauche dans ce pays. Nous considérons, nous, que c'est par le dialogue et la médiation avec ceux qui veulent faire la fête en toute liberté et en toute sécurité que nous pourrons faire évoluer les choses. Au passage, en adepte des férias, je rappelle que les conduites à risque et les agressions ne sont pas l'apanage des rave parties...

C'est une autre approche que de considérer qu'en réprimant et en sanctionnant encore plus durement, on fera rentrer dans la loi ceux qui sont déjà à la limite de la légalité. Le débat, on le voit, est philosophique et politique.

Nous voterons contre ce texte inefficace et inapplicable. Où est la cohérence, quand vous voter des budgets d'austérité, tant pour les forces de l'ordre que pour les questions culturelles ?

Mme Sylvie Goy-Chavent .  - Je déplore que la loi s'adapte à un état de fait. Des jeunes s'octroient des libertés au mépris de la loi et on tente d'arranger les choses pour les faire entrer dans le cadre.

Dans ma commune de Cerdon, dans l'Ain, nous avions 110 voitures garées en épi pour empêcher les pompiers d'accéder à la manifestation. Des jeunes émergeaient des fossés, hébétés, couverts de boue, dans un état second, tels que je n'en avais jamais vu. Je viens pourtant d'un village viticole ! Et il y avait aussi des gamins de 3 ou 4 ans !

Ce texte a le mérite de pointer un problème réel. Les maires en ont assez de subir. Professeur d'arts appliqués, je suis la première à défendre l'accès à la culture, mais de là à retrouver des gens dans un état aussi déplorable... Heureusement qu'il n'y a pas eu d'accident !

M. Arnaud de Belenet .  - Entre la droite et de la gauche, il y a un pôle médian, certes minoritaire dans cet hémicycle, qui s'efforce de faire la synthèse et regrette de ne pouvoir voter ce texte, dont les objectifs sont bons, mais les moyens inadaptés.

Mme Cécile Cukierman .  - Oui, certains maires ont des difficultés pour gérer les rave parties. La question des moyens est centrale. Il est trompeur de vouloir faire croire aux maires que cette proposition de loi résoudra leurs problèmes. Ce n'est pas en renforçant la sanction que l'on réduira le nombre de ceux qui ne respectent pas la loi. Preuve en est, c'est en place de Grève qu'on trouvait le plus de voleurs au Moyen-Âge !

Nous n'avons ni condescendance ni bienveillance à avoir vis-à-vis de ces rassemblements. Les rave parties existent et certains s'y éclatent. Nul besoin de les juger. En revanche, un encadrement en amont est nécessaire.

Ce texte tente de répondre avec des outils traditionnels à des événements qui sortent du cadre ordinaire. Il faudrait être plus inventif.

M. Henri Leroy, rapporteur .  - La proposition de loi répond à une demande qui émane de nombreux maires, de toute tendance. Elle a été présentée à l'Assemblée nationale mais n'a pas été débattue. Nous répondons à l'attente des élus en replaçant le maire au centre, en veillant à ce qu'il soit informé au même titre que les services de l'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État .  - L'objectif du texte est d'informer le maire en obligeant l'organisateur à le faire. L'information entre les forces de l'ordre et le maire existe déjà.

Ce texte renforce les sanctions mais sans prévoir de peine d'emprisonnement ; il n'y aura donc pas d'intérêt opérationnel pour les forces de l'ordre. Soyez assurés que celles-ci continueront d'encadrer efficacement les rave parties.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.