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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Lutte contre les communautarismes (I)

Mme Nathalie Delattre

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Situation de Renault en France

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Pilotage de la politique de santé (I)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Vente en ligne de médicaments

M. Daniel Chasseing

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Lutte contre les communautarismes (II)

M. Philippe Bas

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Rapprochement entre Alstom et Bombardier (I)

Mme Valérie Létard

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Rapprochement entre Alstom et Bombardier (II)

M. Frédéric Marchand

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Mise en place du réseau 5G

M. Patrick Chaize

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Pénurie de médicaments

M. Yves Daudigny

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Pilotage de la politique de santé (II)

Mme Florence Lassarade

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Congé pour le décès d'un enfant

Mme Élisabeth Doineau

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Zones de revitalisation rurale

M. Jean-Marc Boyer

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Violences sexuelles dans le sport

M. Didier Rambaud

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports

Médecine psychiatrique en France

M. Jean-Marie Morisset

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Réforme des retraites

Mme Monique Lubin

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Mission d'information (Nominations)

Libre choix du consommateur dans le cyberespace

Discussion générale

Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi

M. Franck Montaugé, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Sylviane Noël, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique

M. Jean-Claude Requier

M. Xavier Iacovelli

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Claude Malhuret

Mme Anne-Catherine Loisier

M. François Bonhomme

Mme Viviane Artigalas

M. Cyril Pellevat

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Catherine Morin-Desailly

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 4

ARTICLE 6

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 7

ARTICLE 8 A

ARTICLE ADDITIONNEL

Interventions sur l'ensemble

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Pierre Ouzoulias

M. Cédric O, secrétaire d'État

Mme Sophie Primas

Annexes

Ordre du jour du jeudi 20 février 2020

Analyse des scrutins

Mission d'information (Nominations)




SÉANCE

du mercredi 19 février 2020

59e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Catherine Deroche, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site Internet.

Chacun d'entre vous sera attentif au respect du temps de parole et à celui des uns et des autres.

Lutte contre les communautarismes (I)

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.) Hier le Président de la République s'est rendu à Mulhouse pour évoquer la lutte contre le communautarisme, ou selon la nouvelle sémantique, le séparatisme religieux. Cette prise de parole était attendue et salutaire. Les travaux de la commission d'enquête sur la radicalisation islamiste que je préside aux côtés de la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, a montré qu'il était urgent d'agir, avec des réponses concrètes pour les communes, les associations, les écoles, les universités, les fédérations sportives, les hôpitaux.

Hier, j'ai eu la désagréable impression que le Président de la République s'engageait dans la voie de l'islam « de » France - malgré les tentatives peu probantes de ses prédécesseurs - et non « en » France, alors que des milliers de musulmans pratiquent leur religion dans le respect des lois de la République, de la laïcité, qui, dans notre pays, protège les croyants comme les non-croyants.

La République ne doit pas institutionnaliser les islamistes. Le ministre de l'Intérieur a dit ce matin qu'il était prêt à accorder des moyens pour financer les religions, à rebours de la loi de 1905. Quels moyens allouerez-vous pour mettre en oeuvre les annonces du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - La séparation, c'est mettre en avant des principes religieux au-dessus des valeurs de la République.

Le Président de la République a présenté un plan d'action centré sur les enjeux de sécurité, en particulier des quinze quartiers accueillant des écosystèmes qui se créent pour esquiver la République ; la lutte contre les influences étrangères, mais aussi la volonté de redonner corps à la promesse républicaine, tels sont nos objectifs.

Nul ne souhaite ici donner des moyens aux cultes. J'y insiste : il n'est pas question de leur accorder des moyens publics. Nous présenterons bientôt un plan d'action pour reconquérir la République, mètre carré par mètre carré. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE)

Situation de Renault en France

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - (Marques d'encouragement sur plusieurs travées du groupe SOCR) Madame la secrétaire d'État, la directrice générale de Renault a déclaré vendredi ne pas avoir de tabous sur la fermeture de sites en France. Or Renault a réalisé 10 milliards d'euros de bénéfices sur les quatre dernières années, dont un tiers a été versé en dividendes aux actionnaires.

Nous nous interrogeons sur la pertinence des choix de Renault. La chute du marché automobile touche plus Renault que les autres constructeurs car le groupe n'a pas investi suffisamment dans la transition technologique et écologique, par exemple, dans une nouvelle gamme hybride comme le demandent les organisations syndicales. La direction de Renault a fait des choix défavorables à la France. Ainsi, elle a fait baisser de 43 % la fabrication française dans le groupe depuis 2004, en délocalisant particulièrement les productions les plus attractives.

L'État actionnaire a été manifestement défaillant. Il doit inverser le mouvement et demander des investissements de modernisation de la production. Il doit refuser toute fermeture de site en France.

M. Le Maire se dit « vigilant ». Sera-t-il efficace pour garantir le maintien des sites, réorienter la stratégie industrielle et consolider la souveraineté économique du pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Oui, les résultats négatifs de Renault cette année sont emblématiques des défis de la filière automobile. Ils sont liés à trois défis structurels. Le premier est la transition énergétique, Renault a investi massivement dans ce domaine. Le deuxième est le véhicule connecté, le troisième est le véhicule autonome. Ces trois défis réclament des investissements massifs, qui consomment l'argent gagné, et même plus.

De plus, la conjoncture est négative. Nous préparons 2020 avec une mesure de diversification de la sous-traitance, de 50 millions d'euros, et plus de 200 millions d'euros en plus pour faire face au contexte économique dégradé. Nous avons confié une mission à Hervé Guyot sur la compétitivité de l'automobile en France et la consolidation de ses filières.

Nous avons les instruments pour accompagner la transition de Renault et sommes très vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Pilotage de la politique de santé (I)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Il y a cinq jours, LaREM a connu un crash politique anéantissant son projet électoral à Paris. Par une curieuse décision, avec le Président de la République, vous avez désigné comme nouvelle candidate de substitution, Mme Buzyn, ministre de la Santé, en pleine crise du coronavirus et de l'hôpital.

Votre Gouvernement parvient encore à nous surprendre par sa légèreté, parfois sa vulgarité comme en témoignent les attaques inacceptables de votre ministre de l'Intérieur contre Olivier Faure ce matin. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe CRCE) Nous attendons une condamnation de votre part.

Croyez-vous vraiment que Mme Buzyn, dont le bilan s'apparente à un champ de ruines, soit la bonne candidate ? La France mérite que vous privilégiiez l'intérêt général plutôt que l'intérêt partisan. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe CRCE ; M. Sébastien Meurant applaudit aussi)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - (Exclamations sur plusieurs travées des groupes SOCR et Les Républicains) Merci de cette question formulée sur un ton ferme qui traduit une certaine incompréhension de la décision que j'ai proposée au Président de la République et sans doute aussi un peu de fébrilité. (On proteste sur les travées du groupe SOCR.)

M. David Assouline.  - On verra !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Agnès Buzyn a été une remarquable ministre de la Santé (Vives contestations sur les travées à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM) par sa connaissance des dossiers, sa technicité, son humanité (Mme Cécile Cukierman proteste.), sur des dossiers qui ne sont pas nés il y a deux ans, mais qui venaient de loin. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et UC)

Agnès Buzyn, compétente et remarquable à son poste, a donc choisi de s'engager dans un combat politique. (Forte ironie sur plusieurs travées à droite et à gauche) Je suis surpris que ceux qui reprochaient à tel ou tel membre du Gouvernement sa déconnexion avec le réel s'étonnent aujourd'hui que l'un de ses membres s'engage dans le combat municipal pour défendre un projet. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également ; nouvelles contestations à gauche.)

Je vois que les sénateurs de Paris protestent...

Olivier Véran que j'ai nommé pour remplacer Agnès Buzyn est médecin hospitalier, rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et rapporteur du projet de loi organique sur les retraites, dont il est par conséquent un excellent connaisseur. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Il a donc toutes les qualités pour travailler à ce poste délicat. Il y a des élections municipales, le débat aura lieu, les électeurs trancheront. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs travées des groupes RDSE, Les Indépendants et UC)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Les propos tenus par Christophe Castaner ce matin à la radio étaient inacceptables. Vous ne les condamnez pas, dont acte. Quant à Mme Buzyn, elle a accepté de nouvelles exonérations de cotisations sociales très mal venues dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour ce qui est d'Olivier Véran, ses dernières déclarations sur le coronavirus et le blocage des réseaux sociaux en Chine ne démontrent pas ses qualités. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs travées des groupes CRCE et Les Républicains)

Vente en ligne de médicaments

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Je souhaite la bienvenue au Sénat au nouveau ministre de la Santé. (On applaudit sur les mêmes travées, ainsi que sur celles des groupes LaREM et UC.)

L'article 34 du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) encourage la vente en ligne de médicaments. Ce ne sont pas des biens de consommation comme les autres. Quelque 95 % de la profession et des Français s'opposent à l'élargissement de leur vente. Le rôle des officines est majeur.

L'adoption de cet article fera baisser leur chiffre d'affaires. Elles seront fragilisées, notamment dans le milieu rural. En Allemagne, au Royaume-Uni, un tiers des officines sont ainsi menacées. Nous devons préserver notre modèle de pharmacies. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains)

M. le président. - Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre : vous verrez, on s'y habitue très vite ! (Sourires)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Merci, je suis très honoré d'être au Sénat !

La question du Docteur Chasseing ne m'étonne pas car il est généraliste en Corrèze. (Murmures sur plusieurs travées à gauche) Les pharmacies sont des lieux essentiels du maillage territorial.

L'article 34 du projet de loi ASAP simplifie certains dispositifs de la vente en ligne autorisée dans notre pays depuis quelques années. La France s'oppose à la vente de médicaments par des grandes plateformes étrangères. Le Gouvernement n'a jamais eu l'intention d'aller vers des plateformes de type Amazon ou autre.

L'activité doit rester sous la seule responsabilité de pharmaciens d'officine. Les mesures de simplification ne doivent pas fragiliser les officines, au contraire. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Daniel Chasseing.  - En 2014, vous aviez déclaré que les sites de vente en ligne devaient être adossés à des officines pour garantir la sécurité et éviter la surconsommation de médicaments. J'espère que le Gouvernement vous suivra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur plusieurs travées des groupes RDSE et UC)

Lutte contre les communautarismes (II)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La majorité des musulmans de France veulent vivre leur spiritualité dans le refus des communautarismes, a rappelé hier le nouveau président du Conseil français du culte musulman (CFCM), M. Moussaoui. Il a ajouté que le communautarisme était incompatible avec les idéaux de fraternité des musulmans. Son prédécesseur M. Boubakeur avait dit : « la loi de la République est notre loi ».

Le Président de la République a déclaré qu'il ne serait pas acceptable que les lois de la religion soient supérieures à la loi de la République.

Les présidents Retailleau et Marseille et moi-même proposons d'inscrire dans la Constitution que nul individu, nul groupe ne peut se prévaloir de ses origines ou de ses croyances pour rejeter les lois de la République. Pouvons-nous déduire des déclarations du Président de la République que votre Gouvernement soutient nos propositions ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - C'est la volonté de tous les acteurs, à commencer par les musulmans, de combattre le communautarisme, ou plutôt les séparatismes, terme qui évite de pointer du doigt les communautés et désigne ceux qui veulent outrepasser la République et ses valeurs.

Nous oeuvrons sans attendre de texte de loi, notamment dans 15 quartiers, identifiés dès février 2018, où il convient de faire reculer l'écosystème séparatiste. Nous avons notamment fermé 15 lieux de cultes, 12 établissements culturels et associatifs, 4 écoles et 150 débits de boissons. J'ai demandé aux préfets de généraliser ce dispositif sur tout le territoire. Nous avons diligenté des contrôles et redressé 19 millions d'euros dans ces quartiers.

Vient ensuite une réflexion sur la traduction législative. Le débat est posé. Le Gouvernement reviendra devant le Parlement pour envisager de meilleurs outils. Vous avez fait une proposition ; travaillons ensemble sans rien écarter. Mais, compte tenu notamment d'éventuelles difficultés constitutionnelles, la volonté du Gouvernement est d'agir sans attendre de traduction législative avec les outils actuels, d'autant que la voie législative n'est pas la seule. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Philippe Bas.  - Vous avez soigneusement évité de répondre à ma question qui était pourtant simple.

Il faut donner un coup d'arrêt au communautarisme. La liberté religieuse ne justifie aucun traitement à part dans les hôpitaux, les écoles, les cantines, les services publics, les transports, les ateliers et les bureaux, les mairies, les piscines, les centres sportifs, et nulle part ailleurs.

La Constitution étant muette sur ce point, il faut la compléter. Nous ne souhaitons pas travailler contre, mais avec le Gouvernement.

Le Sénat examinera fin mars notre proposition de loi. Je forme le voeu que, reprise par l'Assemblée nationale, elle fasse l'objet d'un référendum. C'est ce qu'attendent profondément nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et RDSE)

Rapprochement entre Alstom et Bombardier (I)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Un an après l'échec de la fusion avec Siemens, Alstom vient d'annoncer le rachat de Bombardier Transport, filiale ferroviaire du groupe canadien, pour faire face à la concurrence du groupe chinois CRRC. Ce rachat est essentiel pour notre filière ferroviaire. Encore faut-il que la Commission européenne ne s'oppose pas à ce projet. Madame la ministre, que pouvez-vous nous dire des récents échanges de Bruno Le Maire avec la commissaire européenne, Mme Vestager ?

Dans les Hauts-de-France, où ces deux fleurons sont implantés, on craint des compressions de postes, malgré un carnet de commandes bien rempli, car ces groupes sont complémentaires. Ainsi, dans le Valenciennois, Bombardier emploie 2 000 salariés, Alstom 1 600.

Madame la ministre, comptez-vous demander à Alstom de communiquer rapidement sur son projet industriel et sa stratégie en matière d'emplois ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe RDSE ; M. Philippe Bas applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Oui, Alstom est un groupe solide. Son carnet de commandes est bien rempli. Dans ce paysage, l'annonce du rachat de Bombardier est une bonne nouvelle. Alstom renforcera son offre, ses capacités de recherche et développement et ses capacités industrielles.

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui entrera au capital, est un actionnaire stable. Face à CRRC et ses 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Alstom représenterait 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Le PDG d'Alstom a assuré que ce projet était de croissance, de complémentarité entre les sites, et qu'il n'était pas question de synergie, autrement dit de restructuration. M. Le Maire et moi-même serons vigilants sur ce point.

Bruno Le Maire tient à assurer à la Commission européenne que ce projet est d'abord avantageux en matière de compétitivité. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE)

Rapprochement entre Alstom et Bombardier (II)

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) L'accord trouvé entre Alstom et Bombardier Transport doit conforter la position de numéro 2 mondial d'Alstom.

C'est particulièrement important pour le Nord. Alstom compte 1 355 salariés à Petite Forêt et Bombardier emploie 2 000 salariés à Crépin. À ce jour, Alstom et Bombardier travaillent en consortium sur trois projets, dont le train régional belge. Leur complémentarité géographique est un atout pour répondre à la demande toujours plus importante de projets de mobilité durable.

Les organisations syndicales font part de craintes légitimes sur les postes en doublon et la pérennité du groupe. Pouvez-vous nous rassurer ? Quelles garanties apporterez-vous pour que le groupe reste le champion de l'emploi dans le Nord ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'enjeu, c'est de créer un acteur du ferroviaire plus fort. Ce rapprochement est positif pour les salariés puisque le nouvel acteur aura plus de forces, en matière de recherche et de développement, de portefeuille de produits, et pourra répondre à plus d'appels d'offres en Europe et à l'international.

Le projet du PDG d'Alstom est de croissance et de conquête face au chinois CRRC. Nous devons faire valoir une concurrence loyale. Il semble que CRRC soit porté par le Gouvernement et l'écosystème chinois. C'est ce que nous avons dit à la Commission européenne. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe LaREM)

Mise en place du réseau 5G

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a récemment publié un rapport préliminaire sur l'impact sanitaire et biologique de la 5G. Il en ressort que les données scientifiques manquent. Deux inconnues sont à lever : l'absence d'études spécifiques sur les bandes de fréquence qui seront utilisées, notamment la 26 gigahertz, et le ciblage du signal sur les utilisateurs qui implique des temps d'exposition courts mais à un niveau élevé.

Le rapport final de l'Anses apportera des réponses au premier trimestre 2021, mais l'attribution des fréquences se fera prochainement et les premiers déploiements devraient avoir lieu cet été. L'acceptation de ce bond technologique suppose une rationalisation du débat public, ce que ne permet pas le calendrier retenu.

L'aspect environnemental doit également être pris en compte. Le président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a déploré devant la mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique que je préside, l'absence d'étude d'impact sur le thème. Allez-vous la conduire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Merci pour votre question sur un sujet important. Notre réglementation limite les émissions sur les individus des ondes électromagnétiques ; elle s'applique à la 5G comme aux générations précédentes. L'environnement est régulé sur la base des recommandations de l'OMS, établies par un groupe d'experts.

Les mesures réalisées par l'Agence nationale des fréquences (ANFR) sont partagées avec les élus locaux, les associations de consommateurs et les opérateurs pour bien conduire le déploiement de la 5G. Transparence et accompagnement sont au coeur de la feuille de route établie en juillet 2018.

Nous avons peu de recul en effet sur la bande de 26 gigahertz ; mais pour celles qui font l'objet des appels d'offres, nous avons des données car nous baignons dedans depuis des années.

Enfin, avec la 5G, plus on est loin d'une antenne, plus on est exposé aux émissions, à rebours de ce que l'on pourrait croire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Patrick Chaize.  - L'Anses ne nous rassure pas... Or la confiance est la clé de l'acceptation des antennes dans les territoires. Il est urgent d'avoir un projet construit et une vision. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Pénurie de médicaments

M. Yves Daudigny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Mes félicitations républicaines pour votre nomination, monsieur le ministre. Parmi les dossiers abandonnés par Mme Buzyn sur votre bureau, citons les pénuries de médicaments qui se multiplient en France. À l'hôpital cela conduit à des pertes de chance inacceptables pour les patients. On ne s'avance même plus sur une date de retour à la normale.

Avec le coronavirus, les excipients et principes actifs importés d'Asie sont menacés par des risques de rupture. Pouvez-vous nous rassurer sur les analyses commandées à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur les risques de rupture liés au coronavirus ?

Les industriels ont désormais l'obligation de constituer des stocks de quatre mois et non plus deux. Une expertise est-elle en cours pour un programme public de production de médicaments pour lesquels la rupture menace ? Envisagez-vous des mesures au niveau européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Christine Prunaud applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Cher Yves Daudigny, nous avons eu l'occasion de travailler ensemble. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains, d'agacement sur les travées du groupe SOCR)

M. Philippe Dallier.  - C'était le monde d'avant !

M. Olivier Véran, ministre.  - L'obligation faite aux industriels est de faire des stocks pour quatre mois. Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale fait effectivement obligation aux laboratoires de constituer des stocks de quatre mois, sur le sol européen. Ils devront aussi faire venir à leurs frais des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur qui risquent d'être en rupture.

L'autonomie de la production française et européenne des médicaments, tel est l'enjeu, à la fois sanitaire et industriel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) J'attends le rapport Biot sur le sujet. Nous ne pouvons pas être dépendants à 90 % de la Chine, de l'Inde et du Pakistan dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Je suis avec l'ANSM les signes de potentielle rupture de stock en raison du coronavirus qui sévit en Chine. Pour l'instant, aucun signal n'est passé au rouge. C'est un sujet européen ; je m'entretiendrai avec mes homologues très rapidement dans le cadre du G7 Santé. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Yves Daudigny.  - Le prix de certains médicaments anciens peut être inférieur au coût de production. Dans le même temps, prenons l'exemple du Dupixent : 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires visés en 2025, un résultat net de 2,8 milliards d'euros pour le laboratoire qui le produit... La réflexion n'est pas épuisée sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Christine Prunaud applaudit également.)

Pilotage de la politique de santé (II)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question porte sur le départ précipité d'Agnès Buzyn du Gouvernement pour reprendre la campagne de Benjamin Griveaux - en pleine crise du coronavirus, de la réforme des retraites et de l'hôpital public. Je regrette que les mesures annoncées à cet égard ne concernent que les hôpitaux parisiens.

Dans le nouveau monde, on peut pourtant être ministre et faire campagne pour les municipales : le Premier ministre au Havre, M. Riester à Coulommiers, M. Darmanin à Tourcoing, Mme Schiappa à Paris 14e, M. Lecornu à Vernon, Mme Darrieussecq à Mont-de-Marsan, M. Fesneau à Marchenoir. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains) On peut donc être ministre à temps partiel et se présenter à une élection en annonçant à l'avance qu'on ne siégera pas comme maire.

Dans ces conditions, le départ de Mme Buzyn apparaît comme une désertion. Pourquoi a-t-elle dû démissionner pour faire campagne à Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Au nom de la majorité, je vous remercie d'avoir cité ces nombreuses villes où nous présenterons des candidats de grande qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

L'émotion, le regret qui percent dans votre question laissent à penser que vous souteniez l'action menée par la grande ministre de la Santé qu'a été Mme Buzyn, à commencer par le reste à charge zéro mis en place en deux ans - déjà 70 000 Français équipés en audioprothèse et 2,5 millions de soins dentaires sans reste à charge.

Elle a mené une politique sociale ambitieuse : citons le plan de lutte contre la pauvreté, notamment au bénéfice des enfants avec la cantine à bas prix et le petit-déjeuner gratuit ; le plan sur les mille premiers jours porté par Adrien Taquet. (Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains, le brouhaha couvrant presque la voix du ministre) Citons le plan d'investissement sans pareil pour l'hôpital public : 150 millions d'euros d'investissement et la reprise de 10 milliards d'euros de la dette hospitalière ! (Mêmes mouvements)

Soyez rassurée, je suis prêt à assurer la relève et à poursuivre cette action remarquable. Encore une fois, merci ! (Huées sur les travées du groupe Les Républicains, applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Florence Lassarade.  - Vous avez vite appris : vous n'avez pas répondu à ma question ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SOCR)

Congé pour le décès d'un enfant

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 30 janvier, l'Assemblée nationale examinait la proposition de loi du député UDI Guy Bricout visant à allonger le congé de deuil après le décès d'un enfant. Face au texte voté, en net retrait, l'émotion a été grande chez les parents concernés, les partenaires sociaux, l'opinion publique et jusque dans le Gouvernement.

Rapporteur de ce texte, je souhaite travailler avec Mme Pénicaud et vous-mêmes pour aller plus loin dans le soutien aux familles endeuillées.

Pour éviter l'article 40, le Gouvernement doit s'engager à ce que tout ou partie de ce congé soit pris en charge par la solidarité nationale, à étendre la limite d'âge à 25 ans, à garantir le même droit aux fonctionnaires et aux indépendants, à mettre en place une aide universelle pour les obsèques, à maintenir les prestations familiales trois mois après le décès de l'enfant. Ce sont des attentes fortes des familles et des associations de soutien.

Au-delà de l'aspect financier, l'accompagnement social, administratif et psychologique est tout aussi essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Catherine Troendlé applaudit également.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le congé de deuil, ou plutôt répit de deuil, a fait l'objet de débats et d'une large concertation, ces dernières semaines, avec les parlementaires, les associations et les partenaires sociaux.

Les familles demandent que la durée de ce répit soit portée à douze ou quinze jours : l'État prendra ses responsabilités.

Mais ce n'est pas la seule question. Il faut aider les familles à faire face aux frais d'obsèques avec une prestation universelle, prolonger le versement des prestations et assurer un accompagnement psychologique pour les parents, frères et soeurs. Ensemble, nous voulons bâtir un accompagnement global, qui sera un modèle en Europe.

Cela nous renvoie aussi à l'accompagnement lorsque la grossesse ou l'accouchement se passe mal. Dans ce cas, les femmes se sentent très seules, y compris quand leur mari doit revenir au travail après onze jours. Il faut faire tomber les tabous. Cet accompagnement global est l'objet du projet sur les mille premiers jours qui fera bientôt l'objet d'annonces. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Zones de revitalisation rurale

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un rapport de l'Assemblée nationale sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) préconise de recentraliser les aides à la ruralité. Un rapport du Sénat préconise de renforcer ces aides.

Les ZRR sont perçues comme un dispositif de justice, tout en respectant la libre administration territoriale. Les exonérations fiscales offertes aux acteurs économiques qui font le choix de la ruralité sont un levier d'activité et soutiennent le tissu de proximité.

La recentralisation étatiste de votre politique, qui sert d'abord les métropoles, est mal vécue dans nos villages. Les citoyens attendent des mesures concrètes et pas seulement de la com'.

Comptez-vous mettre fin aux ZRR et transférer les moyens dans la dotation d'équipement des territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Rémy Pointereau.  - Très bien.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Les ZRR ont été décidées en 1995. Une loi de 2015, applicable en 2017, a modifié leur fonctionnement. Aujourd'hui, la moitié des communes françaises sont en ZRR ; en juin 2020, quatre mille d'entre elles devraient sortir du dispositif. Le Premier ministre a annoncé un report de la décision à la fin de l'année.

Le rapport Delcros-Pointereau-Espagnac a montré qu'il était utile de revoir une géographie prioritaire de la ruralité, comme l'a annoncé le Premier ministre lors du Congrès des maires ruraux en septembre dernier.

L'Agenda rural permet d'envisager une politique plus ciblée sur les secteurs qui en ont le plus besoin. Nous avons lancé une évaluation de la politique des ZRR, avec les inspections générales. Nous travaillerons avec vos délégations aux collectivités territoriales. Puis nous prendrons ensemble une décision d'ici à la fin de l'année. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes LaREM et Les Indépendants)

M. Jean-Marc Boyer.  - Nos villages, du plus petit au bourg-centre, sont la richesse de notre pays. Or les citoyens ruraux se sentent abandonnés. Vos remèdes sont de soins palliatifs, or il faut sauver nos campagnes !

Pas besoin de rendez-vous dans un agenda ; il faut des moyens concrets, une vision, une vraie politique d'aménagement du territoire qui n'existe plus depuis Jacques Chirac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Violences sexuelles dans le sport

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Depuis le témoignage glaçant de la patineuse Sarah Abitbol, de nombreux athlètes ont dénoncé des cas d'abus sexuels dans le sport. Il s'agit en réalité de témoignages de pédocriminalité dans les clubs sportifs qui accueillent nos enfants.

Il est urgent d'agir. La Convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport qui se tiendra dans deux jours est une bonne chose, comme l'élargissement du contrôle d'honorabilité aux bénévoles dans le sport. Tous les acteurs doivent être mobilisés.

Le modèle entraîneur-athlète crée parfois une dépendance extrême qui rend les mineurs vulnérables, surtout lorsque l'entraîneur se substitue à la famille.

Le futur projet de loi Sport et société se donnera-t-il les moyens de mettre un terme à ces crimes révoltants ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports .  - Merci pour votre soutien transpartisan indispensable dans cette période de transparence salutaire que traverse le sport français. Le nombre de victimes, la gravité des faits, l'impunité des auteurs choquent et bouleversent. Je remercie les agents de mon ministère mobilisés pour écouter cette parole qui se libère. Vendredi, avec Mme Belloubet, M. Taquet et Mme Schiappa, nous réunissons tous les acteurs pour une convention nationale sur le sujet.

La pédocriminalité n'est pas spécifique au sport. En Europe, un enfant sur cinq en est victime. Le sport doit apporter sa pierre à l'édifice d'un monde meilleur pour nos enfants.

L'objectif est d'élaborer un plan national de prévention robuste et efficace, passant par le contrôle de l'honorabilité des bénévoles, des actions de formation et de sensibilisation auprès des enfants sur le rapport à leur corps et auprès des éducateurs sur les limites à poser et à tenir, sur l'importance des signalements.

Cela ne doit plus arriver, ni dans le sport ni dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur plusieurs travées du groupe CRCE)

Médecine psychiatrique en France

M. Jean-Marie Morisset .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec une grande émotion que Philippe Mouiller et moi-même posons cette question, à la suite du drame de Thouars, survenu jeudi dernier. Une infirmière psychiatrique de 31 ans, Élodie, mère de deux jeunes enfants, est morte poignardée par un patient. Nous avons une pensée pour sa famille, ses proches et ses collègues, que le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie est venu rencontrer le lendemain.

Beaucoup de questions se posent sur ce drame ; une enquête judiciaire est en cours. Les services psychiatriques, dans les Deux-Sèvres comme ailleurs, sont débordés, la sécurité n'y est plus assurée, la qualité des soins n'est pas satisfaisante, les conditions de travail sont parfois indignes et le personnel est à bout de souffle.

Les besoins en personnel, en matériel et en formation sont immenses. Malgré le plan Ma Santé 2022, la psychiatrie reste le parent pauvre de la médecine, alors que le nombre de patients pris en charge explose.

Après les rapports, il y a urgence à agir concrètement. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, votre venue prévue sur le site est bien accueillie, mais quelles mesures d'urgence allez-vous annoncer pour éviter de nouveaux drames ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Je partage votre émotion et celle de la communauté médicale.

Interne à Grenoble, j'ai fait un stage de six mois en psychiatrie.

M. Gérard Longuet.  - C'est émouvant.

M. Olivier Véran, ministre.  - J'y ai vu la richesse des échanges avec les patients mais aussi les difficultés et parfois la dangerosité de patients atteints de pathologies lourdes. Prochainement, j'irai, sans presse, rencontrer les équipes hospitalières de Thouars.

La santé mentale, vous l'avez dit, a trop longtemps été le parent pauvre de la médecine en France. Les établissements sont vétustes et les médecins psychiatres en nombre insuffisant. Il y a dix ans, il manquait déjà 1 500 postes - non pas faute de budget, mais de praticiens.

Mais nous agissons, notamment dans le cadre du plan Santé mentale. Après une hausse de 80 millions d'euros en 2019, nous dégageons 140 millions d'euros supplémentaires en 2020. Cet été, les projets territoriaux de santé mentale seront lancés. Le Gouvernement a pris le sujet à bras-le-corps. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean-Marie Morisset.  - Le constat est unanime, la réalité alarmante. Nous comptons sur vous pour revoir l'organisation de la santé mentale sur le terrain et lui allouer les moyens nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Réforme des retraites

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) J'ai déjà eu l'occasion d'interpeller le Gouvernement sur le caractère anxiogène de la réforme des retraites. Le Conseil d'État parle d' « insécurité juridique ». Manifestement, vous n'en avez pas grand-chose à faire. Après les démissions, ou plutôt les désertions des responsables du dossier, on voit arriver un objet statistique non identifié, le revenu moyen par tête, qui n'existe pas et dont vous nous expliquez pourtant qu'il sera l'alpha et l'oméga de la garantie du point et de notre bonheur à venir. Chaque jour apporte son lot d'incongruités. D'ici les premières liquidations du nouveau régime, en 2037, quatre mandatures se succéderont. Comment les Français pourraient-ils vous faire confiance dans ces conditions ? Rien dans le projet n'est sécurisé.

Vous avez le choix entre une sagesse responsable qui vous fera retirer le projet de loi ou une obstination coupable. Quelle voie prendrez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées du groupe CRCE)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - La confiance, c'est là tout l'enjeu, en effet. Où est la confiance dans le système actuel des retraites ? Trois Français sur quatre considèrent que leurs chances de bénéficier d'un système de retraite par répartition sont quasi nulles.

J'ai 39 ans... (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Ça passera !

M. Olivier Véran, ministre.  - ... et j'ai déjà cotisé à quatre régimes de retraite différents. J'ai effectué plusieurs métiers, plusieurs missions. Aide-soignant dans un Ehpad pendant une semaine, ça n'est pas pris en compte, travail sur les marchés en mairie, non plus. J'ai commencé des jobs dès 18 ans, on m'a dit que je partirai à 67 ans. (Brouhaha)

Nous voulons un régime universel dont les règles seront claires pour tout le monde et qui s'appliquera à tous, public et privé.

Le nouvel indicateur qui vous inquiète tant est créé par la loi à venir. Il ne vient pas de nulle part : M. Delevoye l'évoquait déjà. Il sera assis pour 80 % sur les revenus des salariés et nous tiendrons aussi compte des libéraux et indépendants.

Après le vote du projet de loi organique par l'Assemblée nationale, vous avez déjà deux certitudes : la valeur du point ne baissera pas et les pensions des retraités ne diminueront pas, quoi qu'il arrive. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jérôme Durain.  - Chiche !

Mme Monique Lubin.  - Il n'y a que vous qui le croyez ! Comment affirmer que les retraites ne baisseront pas dans dix-sept ans, voire dans quarante ans, avec l'indicateur inexistant que vous annoncez, qui fera une moyenne entre les très hauts revenus et les très bas qui sont nombreux dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées du groupe CRCE ; Mme Valérie Létard applaudit également.)

M. le président.  - M. Véran aura pu amortir sa première séance de questions d'actualité au Sénat ! (Sourires)

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.

Mission d'information (Nominations)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la désignation des 21 membres de la mission d'information sur le thème : « Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées, aujourd'hui et demain ? ».

En application de l'article 21, alinéa 3 de notre Règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Libre choix du consommateur dans le cyberespace

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues, à la demande de la commission des affaires économiques.

Discussion générale

Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur le banc de la commission et sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi, importante, concerne le sujet stratégique pour notre avenir de la liberté du consommateur au sein de l'économie numérique. Il nous rassemble tous.

Le 5 février 2020, la commission des affaires économiques a voté cette proposition de loi à l'unanimité, sans abstention. Outre les membres de la commission, plus de la moitié des sénateurs l'a cosignée.

C'est une spécificité du Sénat où émergent des majorités d'idées au-delà des clivages politiques traditionnels. Le mot consensus n'est ici ni gros ni vain.

L'enjeu du texte est essentiel car la quasi-totalité de nos concitoyens est concernée, du soir au matin, sans qu'ils ne s'en rendent réellement compte, à savoir l'enfermement des consommateurs sur internet par quelques acteurs dominants et trop puissants.

Si le Sénat vote cette proposition de loi, il pourra s'enorgueillir de placer ce sujet au coeur du débat : merci à tous mes collègues qui se sont associés à notre démarche. Les critiques adressées aux Gafam sont nombreuses : évasion fiscale, pillage des données personnelles et professionnelles, concurrence déloyale, propagation de la haine en ligne, déstabilisation de la démocratie.

Nous avons déjà légiféré sur les géants du numérique, notamment en matière de fiscalité ; mais c'est insuffisant. La cause ? La domination économique de quelques-uns et la restriction de la liberté des consommateurs qui en résulte. Or ce qui a fait l'efficacité du marché, c'est la concurrence. Les start-up d'autrefois sont devenues des géants abusifs.

La tendance ne risque pas de s'inverser : malgré les scandales et les amendes à répétition, les marchés financiers leur accordent toujours leur confiance. C'est plus de 5 000 milliards de dollars de valorisation boursière pour les Gafam et 1 600 milliards de croissance en 2019. Comme Facebook ou Google, WhatsApp compte désormais plus de deux milliards d'utilisateurs. Le commerce électronique occupe une place sans cesse croissante. Grâce aux smartphones, il est possible de consommer en tout lieu et à toute heure. Or ils sont régis par un duopole d'écosystème en silo. Nous sommes dans les mains d'un duopole qui a toute latitude pour organiser comme il le souhaite la façon dont nous agissons en ligne. C'est comme si une seule marque de téléviseur ne diffusait qu'une seule chaîne.

Les géants du net apportent certes un service mais ils pèsent trop lourd. Plus nous attendons pour agir, plus ils se renforcent et tuent toute concurrence : nous risquons de nous retrouver face à un duopole constitué d'un américain et d'un chinois. Tant que nous n'agissons pas, nous envoyons un signal de laisser faire.

Nous devons rendre le pouvoir au consommateur. Oui, il serait plus efficace d'agir au niveau européen, voire mondial ou même intergalactique ! (Sourires)

Les parlementaires ne peuvent plus se contenter d'un « Attendons l'Europe ». Comme disait le général de Gaulle, on peut sauter sur notre chaise comme un cabri en disant « L'Europe, l'Europe, l'Europe » : cela risque de n'aboutir à rien, en tout cas pas tout de suite.

Il faut agir au niveau européen et nous soutiendrons toute initiative, mais en attendant limitons la casse en légiférant au niveau national. Voyez la taxe Gafam, que de temps perdu au niveau européen pour finalement légiférer au niveau national.

L'Allemagne a déjà publié un avant-projet de loi musclant son droit de la concurrence pour l'adapter à l'ère numérique. Confions à un régulateur le soin de fixer un cadre et même un cap au marché. Si nous disposons de commissaires européens allants sur le sujet, ce n'est pas le cas de tous les pays. Le calendrier européen nous amènera au mieux à 2022 et au pire à 2024.

Notre pression parlementaire envoie un signal aux institutions européennes. Monsieur le ministre, si le Sénat vote ce texte, la balle sera dans votre camp et dans celui de l'Assemblée nationale. Dans tous les cas, nous aurons l'occasion d'en rediscuter lors de l'examen du projet de loi audiovisuel, qui contient des dispositions relatives au numérique, au droit de la concurrence et aux communications électroniques. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe LaREM)

M. Franck Montaugé, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur le banc de la commission et sur les travées du groupe SOCR) Nous examinons un texte qui nous rassemble largement. Le groupe socialiste et républicain a tenu à y apporter d'emblée une contribution active par la fonction de co-rapporteur que j'ai le plaisir d'exercer. Nos travaux prolongent ceux de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique que j'ai eu l'honneur de présider et que M. Longuet a rapporté.

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Merci pour votre travail, monsieur le sénateur. Nous avions souligné le fonctionnement des ministères en silo, regretté l'absence de stratégie nationale pour le numérique et proposé une loi d'élaboration et de suivi de la souveraineté numérique.

Continuer à procrastiner, c'est nous condamner à la « silicolonisation » de la France et de l'Europe, pour reprendre le néologisme du philosophe Éric Sadin.

Il convient de rééquilibrer la relation entre les géants de l'internet et les utilisateurs par une régulation ex ante. La sanction ne servirait qu'à crédibiliser la régulation.

La célérité avec laquelle des comportements dommageables pour les concurrents et pour les consommateurs peuvent apparaître dans l'économie numérique justifie de compléter la régulation a posteriori, celle du droit de la concurrence ou des pratiques restrictives de concurrence. Il faut repenser la logique de l'action publique. C'est ce qu'envisage la proposition de loi, avec deux points d'entrée que sont la neutralité des terminaux et l'interopérabilité des plateformes. La nouvelle régulation que nous proposons est complémentaire de la réglementation ex post que nous connaissons et qui reste nécessaire.

La commission propose un dispositif pour garantir la sincérité des interfaces et lutter contre ce qu'il est convenu d'appeler les dark patterns, ces techniques de manipulation et de contrainte des utilisateurs internautes. La DGCCRF devra contrôler les pratiques, afin de protéger les consommateurs.

Mais le coeur de la proposition de loi est bien d'inventer de nouvelles formes de régulation des plateformes structurantes : une régulation plus agile et plus efficace contre la dynamique d'enfermement du consommateur. Nous avons suivi l'avis du Conseil d'État et les amendements de la commission visant à assurer la conformité du dispositif au droit de l'Union européenne. La directive e-commerce des années 2000 a montré son inadaptation au contexte économique nouveau. Ainsi, la Chine et la Russie ont leurs géants du numérique quand l'Europe est contrainte de suivre ceux des États-Unis.

Si le Sénat adopte cette proposition de loi au-delà des clivages politiques, il ne tiendra qu'à vous, monsieur le ministre, d'agir. La France aura donné l'exemple, comme l'Allemagne d'ailleurs, dans un contexte européen où l'on sait que les calendriers de l'action publique effective sont toujours très longs et parfois préjudiciables aux économies nationales. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et LaREM, ainsi que sur le banc de la commission)

Mme Sylviane Noël, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission) Avec cette proposition de loi, nous nous adressons à tous les utilisateurs de smartphones. Si, grâce à eux, « le monde est à portée de main » comme dit la publicité, il est en réalité orchestré par deux acteurs, Apple et Google, qui possèdent toute la chaîne de valeur. Ils enferment les consommateurs et verrouillent l'accès des entreprises à certaines applications. La concurrence est bridée comme la liberté du consommateur.

Demain, si le texte que nous examinons aujourd'hui était adopté, ces comportements seraient sous le contrôle d'un régulateur dédié.

Il y a près d'un an, l'autorité de la concurrence néerlandaise publiait un rapport sur ce sujet. L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) propose, elle, depuis les années 2010, d'étendre la neutralité du Net à tous les supports, téléphone compris. Il faut passer du constat à l'action.

C'est aussi à tous les utilisateurs de réseaux sociaux que s'adresse ce texte. Bien des échanges ont eu lieu sur ce point dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre la haine en ligne. Nous pensons que l'interopérabilité des réseaux sociaux, comme celle d'autres plateformes, permettra de rendre le pouvoir au consommateur, de communiquer avec des utilisateurs d'autres plateformes. La proposition de loi permettrait, sous le contrôle de l'Arcep, l'émergence d'agrégateurs de comptes de réseaux sociaux, comme il existe aujourd'hui des agrégateurs de mails. Elle permettrait aussi de discuter avec ses contacts, qu'ils soient ou non utilisateurs du même réseau social, comme il est possible de parler depuis un téléphone abonné à SFR vers un téléphone abonné à Orange.

Ce texte interdit le recours à des interfaces trompeuses, ces modes de conceptions des interfaces numériques qui orientent les choix du consommateur et le piègent de façon discutable. Appelées dark patterns, il s'agit par exemple de cases pré-cochées pour payer une assurance que l'on ne souhaite pas, ou le fait d'avoir de grandes difficultés à se désinscrire ou se déconnecter d'un service.

Nous entendons également renforcer le droit de la concurrence. Les seuils de déclenchement du contrôle des concentrations comprennent aujourd'hui de nombreux angles morts. Or, dans le monde numérique, les géants américains et chinois adoptent des stratégies d'acquisition à tout va et passent entre les mailles du filet. Nous proposons donc de rendre la vue à l'Autorité de la concurrence.

En commission, nous avons proposé d'établir un faisceau d'indices pour caractériser les géants du numérique. Nous ne voulons ajouter une couche de réglementation que là où c'est nécessaire.

Nos partenaires allemands ont déjà publié un projet de réforme sur le droit de la concurrence. C'est un véritable encouragement à faire du couple franco-allemand le moteur de l'Europe sur ce sujet. (Applaudissements sur le banc de la commission, ainsi que sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - On observe deux mouvements paradoxaux dans le développement d'internet. Une promesse d'universalité fondée sur la neutralité, l'ouverture, et une concentration continue.

L'utilisation des terminaux y a participé. Les environnements logiciels des téléphones, et notamment les applications préinstallées, donnent une illusion de choix. Sans doute leur succès est lié à leur commodité, qui conduit in fine à créer des positions dominantes.

Mais le confort ne saurait justifier la mainmise croissante des grandes entreprises du numérique.

L'initiative du Sénat est largement bienvenue sur le fond, même si nous divergeons sur la méthode, madame la présidente.

Il en va d'abord de l'intérêt des consommateurs, si l'on garantit le libre choix dans les usages numériques et un internet réellement ouvert de bout en bout. Le combat pour la neutralité du Net est devenu un combat démocratique.

Il en va aussi du développement de nos entreprises, parfois soumises à des conditions contractuelles avec des plateformes structurantes qui leur sont particulièrement défavorables et interrogent sur le partage de la valeur.

Il en va de notre souveraineté française et européenne. Je me réjouis de partager avec vous cette conviction commune et je remercie le Sénat, tout particulièrement Mme la présidente Sophie Primas, pour les travaux menés sur ce texte.

Outre la neutralité des terminaux, l'interopérabilité des plateformes et le respect de la concurrence sont des axes fondamentaux.

Nous ne sommes pas dépourvus de leviers d'action au niveau national sur ces questions, que ce soit au travers du droit de la concurrence ou par le biais d'autres outils. Ainsi, le droit de la concurrence permet d'ores et déjà d'agir en matière de ventes liées. En outre, la Commission européenne vient de condamner Google à une amende de plus de 4 milliards d'euros pour des pratiques de ventes liées de l'application Google Search et du navigateur de recherche Google Chrome.

La DGCCRF peut déjà sanctionner certaines pratiques abusives. C'est dans ce cadre que le ministre de l'Économie a assigné Google en justice devant le tribunal de commerce de Paris en 2017 et en 2018. Des outils existent donc pour agir sur les questions légitimes que vous avez soulevées.

Frapper juste, c'est frapper au bon moment et la régulation ex post est souvent trop tardive. Une régulation efficace doit agir au bon niveau : celui de l'Union européenne. Qui d'autre a prononcé 8,2 milliards d'euros d'amende en deux ans à Google pour abus de position dominante ?

J'ai engagé un dialogue avec la Commission européenne dans le cadre d'une réflexion globale, notamment avec Mme Vestager et M. Breton qui élaborent le Digital Services Act. Nous avons conscience qu'il reste du chemin à parcourir.

La seule solution est le respect d'un cadre harmonisé à l'échelon européen. Certaines entreprises numériques ont un poids structurant inédit sur notre économie et notre démocratie.

Nous devons apporter une réponse structurante, une régulation systémique pour des acteurs systémiques, qui imposerait notamment une interopérabilité et l'ouverture de certains services à des tarifs régulés. C'est notre priorité, mais nous sommes dans le temps de l'agenda de la nouvelle Commission européenne. Je comprends l'impatience du Sénat, mais nous serons prochainement fixés sur les ambitions de la Commission. À défaut, nous pourrons agir au niveau national.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Il faut faire les deux !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage votre diagnostic mais reste réservé sur votre dispositif. Il faut laisser sa chance à l'Europe de travailler sur ce sujet, notamment sur les obligations à appliquer aux plateformes. Il ne faut pas affaiblir le combat engagé. À ce stade, il est tôt pour légiférer au niveau national : le Gouvernement est donc défavorable au texte.

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur le banc de la commission et sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants) L'objet de cette proposition de loi est aussi utile et passionnant pour nos concitoyens que technique et complexe à mettre en oeuvre. Cela me rappelle nos débats sur le secret des affaires en 2018, avec le même souci de concilier soutien à l'activité économique et protection des libertés.

L'actualité ne cesse de nous rappeler pour le meilleur et parfois pour le pire les défis posés par les nouvelles technologies. Les services proposés sont aussi variés que le commerce en ligne, la banque ou l'information. Ces pratiques sont désormais ancrées dans les modes de vie, mais le mouvement des gilets jaunes montre combien l'éloignement de l'accès au numérique pose problème.

Mais à côté des bénéfices pour les consommateurs, cette transformation s'accompagne d'une forte concentration de l'offre dans les mains de quelques entreprises très puissantes, les géants du numérique, principalement américains, qui tendent à acquérir une situation de monopole ou d'oligopole, à cause des effets de réseau désormais bien connus.

La croissance à deux chiffres du commerce en ligne entraîne des changements profonds et peut-être irréversibles de la consommation et des conditions de travail. Le principe de la liberté du commerce et le droit de la concurrence sont remis en cause : acquisitions prédatrices, applications préinstallées, impossibilité de passer d'un réseau social à l'autre.

Avec ce texte, il s'agit de redonner du pouvoir au consommateur à l'ère numérique. Il codifie le fonctionnement du secteur des postes et communications électroniques en donnant plus de compétences à l'Arcep et à l'Autorité de la concurrence.

Les sanctions administratives en cas de non-respect des règles pourront aller jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial. Je salue aussi le rôle donné à la CNIL.

Je regrette en revanche le rejet de mon amendement sur l'information des consommateurs au titre de l'article 41. C'est pourtant indispensable à la mise en oeuvre du texte : nos citoyens doivent savoir quels sont leurs droits vis-à-vis des plateformes.

Le groupe RDSE votera cependant en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR et CRCE et sur le banc de la commission)

M. Xavier Iacovelli .  - Grâce au numérique, notre monde est à portée de clic. C'est une chance mais aussi une source d'inquiétude. Les smartphones et, demain, les objets connectés créent des opportunités nouvelles : le commerce en ligne a connu une croissance de 72 % entre 2014 et 2017, pour atteindre 2 300 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Depuis sa création en 2004, Facebook est devenu un leader des réseaux sociaux. Il a d'ailleurs franchi un nouveau palier en 2017, atteignant les 2 milliards d'utilisateurs actifs.

Mais c'est aussi une source d'inquiétude car, face à la toute-puissance des géants du numérique que sont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, le risque de voir le consommateur entravé dans sa liberté de choix s'accroît au fur et à mesure que l'offre en ligne se développe.

Il appartient donc au législateur de mieux protéger les consommateurs en garantissant leur liberté de choix sur les terminaux et en protégeant la libre concurrence des acteurs économiques sur le marché.

La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par la commission. Les rapporteurs ont su l'amender en tenant compte des préconisations du Conseil d'État. Nous souhaitons renforcer le pouvoir des régulateurs nationaux sur les géants du numérique, afin de garantir la liberté de choix sur les terminaux, de faciliter le passage d'un réseau social à un autre. Ainsi, l'utilisateur pourra conserver ses contacts du réseau précédent et interagir avec eux. Il faut également limiter les acquisitions prédatrices.

L'Arcep jouera un rôle central dans la régulation ainsi mise en place et disposera d'un pouvoir de sanction.

De nombreux rapports ont établi la nécessité de réguler les Gafam. C'est pourquoi, fin 2018, le Président de la République avait annoncé l'instauration d'une taxe française sur les Gafam. Cette mesure, définitivement adoptée par le Parlement le 11 juillet dernier, a fait de la France le premier État à introduire en Europe une taxation de ce type, en l'attente d'un accord au niveau européen. Le ministre a d'ailleurs rappelé la mobilisation du Gouvernement pour faire aboutir le sujet au niveau de Bruxelles.

Le groupe LaREM soutient cette proposition de loi tout en rappelant l'importance de parvenir à un accord européen pour en garantir l'efficacité. (Applaudissements sur le banc de la commission ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Notre groupe votera ce texte bienvenu. La transformation de l'internet en un vaste supermarché mondial dont les Gafam sont les grands bénéficiaires, pose question.

Les Gafam ont développé une hyperpuissance, notamment en bridant les choix des internautes. Nous faisant croire qu'ils nous ouvrent le monde, ils nous enferment dans le leur.

La commission d'enquête sur la souveraineté numérique, où notre collègue Pierre Ouzoulias représentait le groupe CRCE, a fait un excellent travail. Elle a notamment insisté sur la nécessité d'imposer l'interopérabilité des plateformes. Ses propositions sur le libre choix ont été reprises par ce texte.

Dès 2013, il y a sept ans, il apparaissait déjà nécessaire d'élargir la neutralité du Net aux équipements terminaux. Depuis, les géants du Net ont développé considérablement leur influence. Vous nous dites, Monsieur le ministre, qu'il faut encore attendre. Mais si nous faisons cela, nous permettrons aux Gafam d'asseoir davantage leur position. Certes, nous espérons un accord européen, mais il est temps, en attendant, de poser des actes. Voyez en matière de fiscalité du numérique !

Les données sur internet sont maîtrisées par la plateforme. Grâce à l'interopérabilité, l'utilisateur les récupère. Il y a aussi un enjeu économique, celui de permettre à d'autres entreprises d'émerger sur le marché en luttant contre les acquisitions prédatrices.

Nous sommes favorables au rôle de régulateur de l'Arcep. Nous déposerons des amendements sur le contrôle des algorithmes et sur la possibilité de mener des actions de groupe.

Cette proposition de loi porte des avancées réelles. Il faut faire émerger des acteurs français et européens pour garantir notre souveraineté numérique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. le président.  - Il y a une tolérance, mais le dépassement était excessif.

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Après avoir suscité espoir et enthousiasme, internet est-il en train de mal tourner ? Les règles du jeu sont de plus en plus détestables : loi du lynchage d'abord, avec les affaires Mila et Pavlenski, loi de la prétendue démocratie directe numérique qui se transforme en tentative de meurtre de la démocratie représentative ; loi du rendement décroissant et qui énonce que la vitesse de fabrique du crétin digital augmente en proportion du temps passé sur les écrans (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains), loi du plus fort enfin, que cette proposition de loi combat.

Nous accomplissons des actes dont nous devenons des esclaves, disait Goethe au XIXe siècle ; il ne s'attendait pas, certes, au bouleversement numérique qui conduirait à l'émergence de nouveaux tyrans tout puissants qui, subrepticement, restreignent nos libertés. Les bottes du diable ne craquent pas, comme dit le proverbe...

L'un des grands pionniers de l'internet, Robert Metcalfe, avait établi la loi qui porte son nom : l'utilité d'un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs. Cette loi de l'effet réseau explique pourquoi les nouvelles technologies sont aujourd'hui régies par une poignée d'entreprises qui n'ont plus de concurrence sérieuse et peuvent imposer leurs lois contre les lois du marché et contre les lois des États.

C'est la tendance naturelle des réseaux d'absorber, comme un trou noir, tout ce qui gravite à leur périphérie et de réduire l'univers des possibles promis par internet à leur seul appétit monopolistique.

Les Gafam n'ont au départ de puissance que celle que les citoyens leur donnent. Mais dès lors que leur place dans l'économie devient cardinale, les consommateurs et les entreprises n'ont plus d'autre choix que de se soumettre aux conditions léonines qu'ils imposent.

Il y a deux erreurs que nous devons éviter. La première consiste à croire que cet excès du capitalisme doit nous conduire à en condamner le principe même ; la seconde consiste à croire qu'en laissant faire les choses elles s'arrangeront d'elles-mêmes. Il faut aujourd'hui non pas renverser nos valeurs et abandonner le libéralisme, mais l'adapter à notre temps.

Suivons Hayek, que l'on critique plus qu'on le lit : « Dans la conduite de nos affaires, écrivait-il, nous devons faire le plus grand usage possible des forces sociales spontanées et recourir le moins possible à la coercition. Mais il y a une immense différence entre créer délibérément un système où la concurrence jouera le rôle le plus bienfaisant possible, et accepter passivement les institutions telles qu'elles sont. Rien n'a sans doute tant nui à la cause libérale que l'insistance butée de certains libéraux sur certains principes massifs, comme avant tout la règle du laissez-faire ».

Je salue cette proposition de loi, aboutissement concret des travaux de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique, dont je partage les conclusions : le meilleur moyen d'empêcher une casserole de déborder, c'est de la surveiller. Bien sûr, le choix de confier le sujet à l'Arcep peut paraître quelque peu virtuel devant l'ampleur de la tâche et du défi. Avec ses 170 agents et ses 27 millions d'euros de budget, ce serait un excès d'optimisme que d'imaginer qu'elle aura les moyens de briser les monopoles d'entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse le PIB de nombreux pays. Mais ce serait baisser les bras que de ne pas confier au régulateur des moyens plus importants pour agir.

Ce texte pourrait être une Sherman Act à la française, mais il ne concerne pas des entreprises nationales. Il ne s'agit plus de démanteler un réseau de chemins de fer à l'échelle d'un pays mais de briser l'emprise de réseaux de données à l'échelle de la planète. Le sujet devra donc être porté demain au niveau européen.

Pourquoi refuser pour la régulation ce que, monsieur le ministre, vous avez fait pour la fiscalité du numérique ? Il faut activer tous les leviers dont nous disposons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains, UC, SOCR et sur le banc de la commission)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le cyberespace a beau être virtuel, les enjeux économiques sont bien réels. Ils vont jusqu'à ébranler les fondements de nos démocraties et la souveraineté des États. De l'accaparation des données, au verrouillage du système, certains géants du numérique s'affranchissent sans vergogne des règles des États, comme l'ont montré les affaires Snowden et Cambridge Analytica.

Le Sénat donnait l'alerte dès 2013. En 2015, la rapporteure de la mission d'information « l'Europe secours de l'internet » ma collègue Catherine Morin-Desailly soulignait déjà combien la gouvernance de l'internet était un terrain d'affrontement mondial sur lequel se jouait l'avenir des valeurs européennes.

Cette proposition de loi reprend la question essentielle de la régulation économique dans le cyberespace. Elle vise à redonner du pouvoir au consommateur-internaute en définissant une régulation économique plus pragmatique et surtout plus réactive face aux pratiques évolutives des géants du numérique.

En dépit des évolutions du droit de la concurrence, le consommateur subit le monopole de quelques grandes entreprises qui neutralisent toute concurrence. Elles utilisent un modèle économique dit bi-face, avec deux ensembles distincts d'utilisateurs dont le nombre augmente corrélativement : plus il y a de chauffeurs Uber, plus il y a de clients. Le réseau se démultiplie en faisant fi des frontières. Cela favorise une économie de la concentration et de l'oligopole.

Ainsi, dès 2018, un tiers de l'humanité était sur Facebook et utilisait Androïd, le système d'exploitation de Google, et un cinquième utilisait celui d'Apple.

Le droit de la concurrence a permis aux autorités françaises et européennes de se saisir et d'infliger des sanctions. Mais les procédures sont longues, parfois jusqu'à sept ans ! La DGCCRF peut également infliger des amendes. Cependant toutes ces initiatives ex post reposent sur des sanctions inadaptées au monde numérique et à ses cycles d'innovation de plus en plus rapides.

Ce texte s'inspire des travaux de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique et de la mission d'information sur la gouvernance mondiale du Net. Le Sénat a pris la précaution de recueillir l'avis du Conseil d'État, qui a inspiré les modifications de la commission.

Le groupe UC votera ce texte qui réaffirme le rôle de l'État, garant des droits et libertés publiques.

Il faudra aussi agir au niveau européen, pour forger des outils pragmatiques de régulation, afin de contrecarrer les entreprises de domination économique qui s'exercent avant tout au détriment des États - raison pour laquelle ceux-ci ont été plus prompts à réagir que l'Europe. (Applaudissements)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2019, 49 millions de Français ont acheté des biens de consommation sur Internet. Le chiffre d'affaires de la vente en ligne a bondi de 11 % cette année, à plus de 5 milliards de dollars.

L'État est impuissant face à des multinationales en situation de monopole de fait. M. Malhuret parlait de crétin digital ; je dirai ignorant 2.0. Alain Finkielkraut s'inquiétait déjà, il y a vingt ans, de ce vide-ordures planétaire que pouvait devenir internet.

La commission d'enquête sur la souveraineté numérique a préconisé des mesures fortes et protectrices. Google et Facebook concentrent 75 % du marché de la publicité digitale en France.

Il ne s'agit pas de freiner les opportunités économiques du numérique, ni de briser l'essor de ce dernier, mais de pallier les lacunes dans la protection du consommateur. Ce texte y pourvoit. Il est anormal de priver des consommateurs de certaines applications, comme l'a fait Apple en refusant de mettre à disposition des titres de transport dématérialisés sur ses terminaux mobiles. Spotify a récemment déposé plainte contre la même entreprise pour des pratiques discriminatoires.

Le présent texte accroît les pouvoirs de l'Arcep contre les pratiques abusives. Tant mieux, car la France, au-delà des rodomontades, n'a que trop tardé à agir. L'Allemagne nous montre l'exemple. Il est primordial également de construire une réglementation à l'échelon européen, mais commençons au niveau national !

Espérons que ce texte nous permettra de combler notre retard et d'adresser un signal aux entreprises en situation de monopole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur le banc de la commission)

Mme Viviane Artigalas .  - Je félicite les rapporteurs pour leur travail sur ce texte qui répond à l'impérieuse nécessité de protéger nos concitoyens contre ceux qui les dépossèdent de leurs données et stérilisent l'espace numérique pourtant bâti, jadis, sur la liberté de naviguer et d'explorer.

Les géants du Net mettent à profit le vide juridique. L'Europe s'est emparée de ces questions, mais la France doit demeurer force de proposition, comme elle l'a été sur la fiscalité numérique ou la lutte contre la haine sur internet.

L'économie de la donnée est un enjeu politique. Un capital pour nos entreprises. La somme d'un vécu pour nos concitoyens. Il faut donc lutter contre les ultra-monopoles qui anéantissent la liberté de choix et la concurrence. L'Arcep doit avoir les moyens de faire respecter, par des sanctions, les dispositions légales.

En deuxième lieu, il faut faciliter l'interopérabilité entre les plateformes, pour préserver la liberté des consommateurs - une liberté fondamentale dans le cyberespace. C'est aussi la garantie de l'émergence d'offres compétitives.

Enfin, ce texte vise à lutter contre les acquisitions prédatrices. L'Autorité de la concurrence n'a pu examiner les achats, par Facebook, d'Instagram et WhatsApp, parce que le chiffre d'affaires de ces deux plateformes est modeste... Le rapport de la commission d'enquête prônait le déclenchement d'un contrôle lorsque le prix de rachat était sans proportion avec le chiffre d'affaires. La proposition de loi préfère une information minimale par les entreprises systémiques. Ce choix peut paraître frileux, mais il évite à l'Autorité de la concurrence d'être saisie d'opérations sans incidence sur le marché.

Les rapporteurs ont ajouté des dispositions contre les interfaces trompeuses.

Le groupe socialiste et républicain proposera des amendements sur l'auditabilité des algorithmes, la notion d'interopérabilité, les obligations de loyauté des fournisseurs de systèmes d'exploitation. Ce texte est pertinent et urgent. On ne peut attendre que la Commission européenne agisse.

La capitalisation boursière des Gafam est deux fois plus importante que celle du CAC 40, à plus de 4 000 milliards de dollars. Leur chiffre d'affaires équivaut à la totalité des recettes fiscales de notre pays. Ils ont la puissance économique d'un État. Nous devons freiner cet expansionnisme délétère et favoriser une concurrence saine, défendre un modèle de société où l'être humain ne sera pas réduit à une somme de données.

La saisine du Conseil d'État a permis d'améliorer ce texte. J'espère que l'Assemblée nationale ne tardera pas à s'en saisir. Les sénateurs socialistes, très logiquement, le voteront. (Applaudissements)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Même les personnes les moins au fait des nouvelles technologies connaissent les Gafam, voire Baidu, Xiaomi, Huawei, Alibaba.

Ces géants, par des acquisitions, concentrent l'ensemble du marché entre leurs mains, enfermant le consommateur dans un écosystème dominé par leurs stratégies. Les cycles d'innovation très courts facilitent cette tendance. Il faut donc renforcer les législations, qui demeurent lacunaires. L'inaction est coûteuse : si l'Europe est trop lente à intervenir, les positions dominantes se renforceront. Agissons au niveau national afin que les dispositions adoptées fonctionnent en Europe comme un catalyseur.

Le texte interdit notamment les traitements discriminatoires et le blocage d'applications en fonction du système utilisé. L'Arcep verra ses compétences renforcées pour y veiller.

Il assure aussi l'interopérabilité entre les plateformes, même s'il faudrait affiner les critères.

Enfin, il encadre strictement les acquisitions. La commission a décidé d'inverser la charge de la preuve : à l'acquéreur de démontrer qu'il n'est pas dans l'illégalité.

La commission a enfin ajouté des dispositifs sur les conditions du type « cases à cocher » que nous connaissons bien, qui entraînent subrepticement un consentement du consommateur.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Depuis dix ans, le Parlement vote des propositions de résolution européenne sur le sujet... Le diagnostic était posé dès notre rapport de 2013 et, pour faire écho à son titre, oui, l'Union européenne est bien devenue une colonie du monde numérique.

Si les propositions de loi fleurissent sur la manipulation de l'information sur internet, la diffusion de contenus haineux en ligne, la fiscalité numérique, c'est faute d'une stratégie globale et offensive du Gouvernement.

Monsieur le ministre, vous imputez au consommateur la faute de l'absence de libre choix. Non ! Nous sommes dans le capitalisme de surveillance ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.) Les opérateurs s'accaparent nos données gratuitement et en veulent toujours plus.

Le ministre de la justice des États-Unis conseille aux uns et aux autres de prendre des actions dans les rares entreprises européennes qui restent, Nokia ou Ericsson, pour combattre Huawei. Nous en sommes au dépeçage !

Par ce texte, le Sénat vous demande d'agir fermement. L'heure est grave ; j'en ai assez de voir nos amendements retoqués, nos propositions de loi ignorées. Merci à Mme Primas d'avoir pris cette initiative. (Applaudissements sur toutes les travées)

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié ter, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled et Gabouty, Mme Bories, MM. de Belenet, Bonhomme, Bonne, Bonnecarrère, Brisson et Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet, B. Fournier, Henno, Huré et Kern, Mme Lamure, MM. Lefèvre, de Legge, Lévrier, Longeot, Louault, Mizzon, Moga et Pellevat, Mme Puissat, MM. Rapin et Requier, Mmes Troendlé et Vermeillet, M. Vogel et Mme Vullien.

I.  -  Alinéa 8

Supprimer les mots :

de façon injustifiée

II.  -  Alinéa 9

1° Remplacer le mot :

réglementaires,

par les mots :

réglementaires ou

2° Supprimer les mots :

, ou au bon fonctionnement de l'équipement terminal et des services disponibles au bénéfice des utilisateurs non professionnels et auxquelles des pratiques moins limitatives du droit énoncé? au même premier alinéa ne peuvent se substituer

M. Claude Malhuret.  - Je soutiens pleinement les mesures de l'article premier qui laisse la possibilité aux fournisseurs de système d'exploitation de justifier d'éventuelles limitations aux choix des consommateurs. Mon amendement vise cependant à éviter le dévoiement du dispositif en le rendant plus restrictif, s'agissant du « bon fonctionnement de l'équipement terminal ».

La formule est trop floue et pourrait multiplier les contentieux, que les géants du numérique savent faire durer.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Avant de vous répondre, je souhaite saluer le travail de grande qualité mené par Catherine Morin-Desailly, auteur voici quelques années d'un rapport sur le sujet, dont la commission d'enquête s'est nourrie.

Avis défavorable à l'amendement, même si nous en comprenons le principe, car il ne faudrait pas que l'utilisateur se trouve avec des terminaux qui ne fonctionneraient plus parce qu'il serait allé trop loin dans leur adaptation.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Sur le fond, le Gouvernement voit d'un bon oeil les dispositions du texte, mais pour des raisons d'efficacité dans le dialogue européen, l'avis est défavorable. En l'espèce, le Conseil d'État a souligné que la dérogation pour motif de bon fonctionnement du terminal était justifiée.

L'amendement n°13 rectifié ter est retiré.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Après les mots :

systèmes d'exploitation

insérer les mots :

et, le cas échéant, aux principes des traitements algorithmiques des informations proposées aux consommateurs,

M. Pierre Ouzoulias.  - Les plateformes ne sont pas neutres dans le traitement de l'information qu'elles convoient : elles agissent comme des chambres d'écho, rendant virales des informations d'abord faiblement repérables sur internet. Derrière cela, il y a des algorithmes qui alimentent cette économie de l'attention.

D'où cet amendement, qui oblige à donner au consommateur des informations claires sur les algorithmes appliqués, afin que celui-ci puisse choisir les logiciels en fonction des règles déontologiques qu'il approuve.

Pour le moment, les plateformes ne communiquent pas leurs algorithmes, malgré les demandes des opérateurs ; le CSA est obligé de faire des simulations pour en comprendre le fonctionnement ! Et lorsque nous proposons d'appliquer des principes éthiques, vous ne les défendez pas. Faites respecter la loi - et renforçons-la au bénéfice des consommateurs.

Mme Sylviane Noël, rapporteur.  - L'article 117 du code de la consommation oblige les plateformes à renseigner les consommateurs sur les modalités de classement, de référencement ou de déréférencement.

L'amendement est donc satisfait. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur le ministre, « même avis », c'est une réponse trop lapidaire ! Le Gouvernement ne fait pas respecter la législation existante. Le CSA s'est plaint à plusieurs reprises de ne pas obtenir les algorithmes.

J'entends les explications de la rapporteure mais, monsieur le ministre, nous voulons une discussion de fond. Nous l'aurons la semaine prochaine sur la proposition de loi Avia ; autant l'entamer maintenant.

L'amendement n°12 rectifié est retiré.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous avons déjà eu ce débat. Les scientifiques s'accordent sur le fait que tout dépend de la manière dont fonctionne le machine learning - en l'absence de ces informations, obtenir l'algorithme n'apporte rien.

L'Arcep dispose déjà du pouvoir que vous souhaitez lui donner. Elle peut faire appliquer ses décisions sans avoir besoin du Gouvernement ! Au contraire, la précision pourrait fragiliser l'ensemble de ses pouvoirs.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Ils ne sont pas opérants !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'amendement est satisfait.

Je ne crois pas que les autorités juridiques n'agiraient pas dans le sens que vous souhaitez, si elles en avaient la possibilité. Et le Gouvernement ne s'y opposerait pas.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mme Noël, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 6

1° Au début, insérer la mention :

II.  -  

2° Remplacer les mots :

au présent I

par les mots :

au I du présent article

II.  -  Alinéa 7

Au début, insérer la mention :

III.  -  

III.  -  Alinéa 12

Remplacer les mots :

des alinéas précédents

par les mots :

du présent III

IV.  -  Alinéa 14, première phrase

Remplacer la mention :

II

par la mention :

IV

et la mention :

1° 

par les mots :

premier alinéa

V.  -  Alinéa 15

Remplacer la mention :

III

par la mention :

V

VI.  -  Alinéa 16

Remplacer la mention :

IV

par la mention :

VI

VII.  -  Alinéa 17

Remplacer la mention :

V

par la mention :

VII

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Amendement de coordination sans conséquence juridique sur le texte.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°16 rectifié est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 442-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° D'empêcher ou de tenter d'empêcher la liberté de choix des utilisateurs d'équipements terminaux, dans les conditions prévues à l'article L. 34-9-1-1 du code des postes et des communications électroniques. »

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Cet amendement donnera un moyen d'action aux entreprises dont l'existence est directement menacée par les pratiques des entreprises systémiques. Les TPE et PME françaises n'ont aujourd'hui pas les moyens d'agir devant le régulateur.

Les manquements visés par le présent chapitre relèvent tout autant des atteintes à l'interopérabilité que des pratiques restrictives de concurrence, et notamment l'avantage sans contrepartie et le déséquilibre significatif, tels que visés à l'article L. 442-1 du code de commerce.

Une entreprise qui serait menacée par la pratique des plateformes doit pouvoir aller se défendre devant le tribunal de commerce. Cette démarche est opérationnelle et efficace. Cela n'est pas, du reste, contradictoire avec la faculté de saisir l'Arcep. Mais l'autorité de régulation ne doit pas être embouteillée par toutes les demandes qui remonteraient.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait. Nous en partageons l'objectif ; les TPE et PME françaises pourront agir auprès du régulateur dans le cadre de l'article L. 108 sur la neutralité des terminaux et des articles L. 109 et L. 113 sur l'Arcep. Retrait ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis. La rédaction de l'amendement poserait problème. Une enquête de la DGCCRF a incité le ministère à mettre en oeuvre un certain nombre d'assignations.

En outre, la mesure proposée vise les relations entre professionnels et utilisateurs, or le tribunal de commerce s'occupe des relations entre les professionnels.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je maintiens mon amendement car je ne crois pas que passer uniquement par l'Arcep puisse être opérationnel pour une PME-TPE qui voudrait se défendre contre la spoliation par les Gafam. Passer directement par le tribunal de commerce sera bien plus rapide et efficace.

En outre un certain nombre de litiges n'entrent pas dans le champ de l'Arcep : une société de tourisme désavantagée par les moteurs de recherche ou une clinique hospitalière qui souhaiterait modifier la manière dont elle est présentée par les algorithmes n'obtiendraient rien de l'autorité.

Intervenir ex ante seulement est peu efficient. Il faut garantir des droits aux personnes morales et physiques menacées par les Gafam.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 111-7 du code de la consommation, il est inséré un article L. 111-7-... ainsi rédigé :

« Art. L. 111-7-....  -  Tout fournisseur de système d'exploitation tel que défini à l'article L. 105 du code des postes et des communications électroniques est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur :

« 1° Les conditions générales d'utilisation du service de communication qu'il propose et sur les modalités d'adaptation et d'édition des logiciels préinstallés sur ses équipements pour contrôler l'accès à leur fonctionnalité ;

« 2° L'existence d'une relation contractuelle, d'un lien capitalistique ou d'une rémunération à son profit, dès lors qu'ils influencent le classement ou le référencement des applications et des services accessibles via lesdits logiciels préinstallés ;

« 3° La qualité de l'annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels par l'intermédiaire desdits logiciels préinstallés. »

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre ...

Loyauté des fournisseurs de système d'exploitation et information des consommateurs

M. Alain Duran.  - Les résultats d'une recherche sur internet dépendent de critères de référencement. Cette question est centrale. La loi du 7 octobre 2016 a créé une obligation de loyauté, pour que les plateformes éclairent les consommateurs sur les raisons de la mise en avant de certains sites.

Cependant, la question du référencement se pose aussi pour les terminaux mobiles, en particulier les appstores.

La question du libre choix est d'autant plus importante qu'il y a achat. Cet amendement transpose aux fournisseurs de systèmes d'exploitation, les obligations qui s'imposent aux plateformes en ligne en matière de loyauté et d'information des consommateurs.

Mme Sylviane Noël, rapporteur.  - Un magasin d'applications est une plateforme en ligne. Dès lors l'amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Alain Duran.  - Dans ce cas, pourriez-vous nous assurer que le principe de loyauté est respecté par les fournisseurs de ces magasins d'applications ? Y a-t-il eu des contrôles pour s'assurer du respect de cette obligation ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Votre amendement n'étend pas le champ d'application des dispositions existantes. Cependant, je pourrai vous répondre plus en détail ultérieurement.

L'amendement n°4 est retiré.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Artigalas et les membres du groupe socialiste et républicain.

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après le 9° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° Interopérabilité

« L'interopérabilité est la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d'autres produits ou systèmes existants ou futurs et ce sans restriction d'accès ou de mise en oeuvre. »

Mme Viviane Artigalas.  - L'interopérabilité est qualifiée « d'exigence essentielle » dans le code des postes et des communications électroniques, s'agissant des « services » et des « équipements radioélectriques ».

L'interopérabilité est une considération structurante pour la liberté des internautes dans le cyberespace, et la définition actuelle paraît insuffisante par rapport aux enjeux soulevés par la proposition de loi. Il ne s'agit pas seulement de permettre à deux systèmes de communiquer entre eux, mais aussi de lire et de modifier les informations et contenus de manière fiable en garantissant que n'importe quel système présent ou futur puisse s'interconnecter.

On ne peut donc parler d'interopérabilité d'un produit ou d'un système que lorsqu'on en connaît toutes les interfaces.

Cet amendement reprend la définition de l'interopérabilité retenue dans le référentiel général d'interopérabilité (RGI), cadre de recommandations référençant des normes et standards qui favorisent l'interopérabilité au sein des systèmes d'information de l'administration.

L'interopérabilité serait ainsi définie comme la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d'autres produits ou systèmes existants ou futurs et ce sans restriction d'accès ou de mise en oeuvre.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Avis favorable. La définition du RGI va dans le bon sens.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - De prime abord, cette définition ne pose pas de problème. Cependant, je ne suis pas certain que la précision soit très utile ni productive. Définir trop précisément les termes ouvre des voies de contournement pour les acteurs. Peut-être faudrait-il une réflexion plus approfondie ? Sagesse.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous voterons cet amendement qui permet d'avancer. Monsieur le ministre, je ne comprends toujours pas votre argumentation. Vous nous dites que notre amendement est superfétatoire par rapport à une législation déjà existante. Or en l'état, celle-ci ne nous permet pas de réguler les Gafam. Que proposez-vous, alors ? Depuis le début de la séance, vous vous en remettez à l'Europe et vous réfugiez derrière la législation existante. C'est un peu faible.

Nous avons voté à l'unanimité la proposition de loi du président Assouline sur les droits voisins. Or le texte bute au niveau européen car les Gafam s'y opposent. Que comptez-vous faire ?

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Noël, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 6

1° Au début, insérer la mention :

II.  -  

2° Remplacer les mots :

au présent I

par les mots :

au I du présent article

II.  -  Alinéa 7

Au début, insérer la mention :

III.  -  

III.  -  Alinéa 12

Remplacer les mots :

des alinéas précédents

par les mots :

du présent III

IV.  -  Alinéa 14, première phrase

1° Remplacer la mention :

II

par la mention :

IV

2° Après les mots :

mentionnées au

insérer les mots :

premier alinéa du

V.  -  Alinéa 15

Remplacer la mention :

III

par la mention :

V

VI.  -  Alinéa 16

Remplacer la mention :

IV

par la mention :

VI.-

VII.  -  Alinéa 17

Remplacer la mention :

V

par la mention :

VII

VIII.  -  Alinéa 21

Remplacer les mots :

des articles L. 36-11 et l'article L. 108, et de l'article L. 113

par les mots :

de l'article L. 36-11, de l'article L. 108, et des I et II des articles L. 109 et L. 113

IX.- Alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) À la dernière phrase, les mots : « de l'article L. 36-11 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 36-11, L. 109 et L. 113 » ;

X.  -  Alinéa 24

Remplacer les mots :

et de l'article L. 108, de l'article L. 109 et de l'article L. 113

par les mots :

, de l'article L. 108 et des I et II des articles L. 109 et L. 113

XI.  -  Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) À la dernière phrase, les mots : « de l'article L. 36-11 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 36-11, L. 109 et L. 113 ».

L'amendement de coordination n°17 rectifié, approuvé par le Gouvernement, est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 442-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° D'empêcher ou de tenter d'empêcher l'interopérabilité des services de communication au public en ligne dans les conditions définies à l'article L. 111 du code des postes et communications électroniques. »

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Cet amendement est similaire à l'amendement n°10, rejeté. Je le retire.

L'amendement n°11 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Sous réserve du présent article, le chapitre Ier du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et le chapitre X du titre VII du livre VII du code de justice administrative s'appliquent à l'action ouverte sur le fondement du présent article.

II.  -  Lorsque plusieurs personnes physiques placées dans une situation similaire subissent un dommage ayant pour cause commune un manquement de même nature aux dispositions de la présente loi par une entreprise systémique, une action de groupe peut être exercée devant la juridiction civile ou la juridiction administrative compétente au vu des cas individuels présentés par le demandeur, qui en informe l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

III.  -  Cette action peut être exercée en vue soit de faire cesser le manquement mentionné au II, soit d'engager la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d'obtenir la réparation des préjudices matériels et moraux subis, soit de ces deux fins.

Toutefois, la responsabilité de la personne ayant causé le dommage ne peut être engagée que si le fait générateur du dommage est postérieur au jour de la publication de la présente loi au Journal officiel.

IV.  -  Peuvent seules exercer cette action :

1° Les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins ayant dans leur objet statutaire la protection des libertés numériques, de l'internet ouvert, de la vie privée ou la protection des données à caractère personnel ;

2° Les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l'article L. 811-1 du code de la consommation, lorsque le manquement affecte des consommateurs ;

3° Les organisations syndicales de salariés ou de fonctionnaires représentatives au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou du III de l'article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou les syndicats représentatifs de magistrats de l'ordre judiciaire, lorsque le manquement porte atteinte aux intérêts des personnes que les statuts de ces organisations les chargent de défendre.

Lorsque l'action tend à la réparation des préjudices subis, elle s'exerce dans le cadre de la procédure individuelle de réparation définie au chapitre Ier du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et au chapitre X du titre VII du livre VII du code de justice administrative.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il s'agit ici de rappeler de manière explicite que les atteintes à la neutralité des terminaux et à l'interopérabilité des plateformes sont couvertes par l'action de groupe.

Cela renversera le rapport de force entre nos concitoyens et l'Arcep d'une part, les Gafam d'autre part. On nous répondra certainement que c'est déjà possible. Tout est dans les textes ? Mais personne n'utilise ces possibilités ! La saisine de l'Arcep reste limitée aux entreprises : il faut l'élargir aux relations « B to C ».

Quant à l'interopérabilité du Net, elle n'est pas entièrement visée. La liste des opérations ouvertes à l'action de groupe ne comprend pas le libre choix du consommateur dans le cyberespace. La législation sur l'action de groupe ne connaît que le préjudice matériel, non l'immatériel.

Or c'est précisément celui qui est en cause dans le cyberespace.

Enfin, le code de la consommation ne prévoit l'action de groupe que pour la défense du consommateur.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - On ne peut pas dire que tout est déjà dans les textes. La raison d'être de cette proposition de loi est précisément de compléter la législation.

Mais l'Arcep peut d'office, ou à la demande du ministère, d'une association, ou d'une personne physique ou morale, sanctionner l'atteinte à la liberté de choix ou à l'interopérabilité. Elle peut être saisie aux termes des articles 3 et 6 de notre texte.

L'article L.623-1 du code de la consommation couvre les manquements d'un professionnel à ses obligations légales à l'occasion de la vente d'un bien ou d'un service. Votre amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les juristes considèrent que l'interopérabilité ne relève pas de la fourniture de services. Notre amendement éviterait les divergences d'interprétation. D'autant que les fournisseurs ne sont pas des enfants de choeur... Il est fondamental de rappeler que les actions de groupe couvrent ce champ.

Inscrivons cette précision dans notre droit à ce stade de la discussion ; il sera toujours temps de la supprimer ensuite.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Supprimer la première occurrence des mots :

un ou

Mme Viviane Artigalas.  - Le texte vise à limiter la consolidation des entreprises structurantes qui rachètent peu à peu tout un écosystème. Pour déterminer le caractère structurant d'une entreprise, il retient une approche par indices. Notre amendement précise que l'Autorité de la concurrence devra recourir à un faisceau d'indices pour ce faire.

Mme Sylviane Noël, rapporteur.  - Cette clarification est bienvenue. Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Modulo le sujet du bon niveau, européen ou national, il me semble utile de se reposer sur plusieurs indices plutôt qu'un seul. Sagesse.

L'amendement n°6 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Artigalas et les membres du groupe socialiste et républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le dernier alinéa de l'article L. 450-3 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils ont également accès aux principes et méthodes de conception des algorithmes ainsi qu'aux données utilisées par ces algorithmes. »

Mme Viviane Artigalas.  - Les algorithmes sont au coeur du fonctionnement de certaines entreprises. Or ils risquent de faciliter ou d'autoriser des comportements contraires au droit de la concurrence. Il faut désormais s'interroger sur leurs usages commerciaux.

L'Autorité de la concurrence doit avoir une connaissance approfondie des systèmes algorithmiques utilisés par les plateformes numériques. Notre amendement propose de renforcer ses moyens d'action.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement qui clarifie le droit en vigueur et correspond à une recommandation de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique. Le Sénat l'a d'ailleurs voté dans la proposition de loi sur les contenus haineux, amendement conservé par l'Assemblée nationale.

Il sera utile au regard de l'équipe de data scientists de haut niveau qui sera mise à disposition des autorités de régulation.

Avis favorable également à l'amendement n°2 rectifié.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'amendement est satisfait. Nous partageons l'objectif. Le Gouvernement proposera dans le projet de loi Audiovisuel la création d'un service national pour mutualiser les compétences des data scientists, au bénéfice des administrations et des autorités administratives indépendantes.

L'article L.453-4 du code du commerce autorise déjà les agents à recueillir toutes les données utiles à une enquête, y compris les algorithmes. La DGCCRF a engagé un travail en coopération avec le CEA pour se doter des compétences techniques nécessaires ; l'Autorité de la concurrence aussi, en partenariat avec son homologue allemand. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La philosophie de l'amendement est pertinente, mais il faudra dégager des moyens financiers considérables. Les ingénieurs et les mathématiciens français particulièrement doués en algorithmes sont recherchés par les Gafam, qui leur proposent de très gros salaires. C'est un choix stratégique que de travailler avec les universités pour retenir ces compétences et les mettre au service de l'intérêt général. Nous verrons lors du projet de loi de finances si la France se dote des moyens nécessaires.

Mme Viviane Artigalas.  - Il est important d'inscrire ce point dans la loi afin d'en rappeler l'importance.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Je suis sensible aux arguments du ministre, mais la clarification n'est pas inutile, même s'il y a redite.

La commission d'enquête sur la souveraineté numérique a auditionné le philosophe Bernard Stiegler qui avait appelé à financer d'urgence des milliers de thèses sur les questions numériques. C'est un investissement stratégique qui conditionne notre souveraineté.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La future loi de programmation sur la recherche devra poser les impératifs qui devront gouverner nos choix.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La recherche sur les nouvelles technologies devra être prioritaire. Notre commission de la culture engagera très prochainement une réflexion sur le sujet.

Nous devons nous donner les moyens d'ancrer un écosystème du numérique en Europe en soutenant nos chercheurs et nos startups.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLE 8 A

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Artigalas et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 1

Supprimer les mots :

livre Ier du

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article L. 512-11 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils ont également accès aux principes et méthodes de conception des algorithmes ainsi qu'aux données utilisées par ces algorithmes. »

Mme Viviane Artigalas.  - L'algorithme est devenu un outil incontournable des plateformes pour cibler les besoins et envies du consommateur par des recommandations personnalisées.

Leur utilisation dans le e-commerce peut mener à des pratiques déloyales, voire trompeuses ou agressives, à l'instar des cases précochées. Notre amendement renforce les moyens d'action de la DGCCRF pour lutter contre les interfaces trompeuses.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Cet amendement est satisfait par l'article L.512-11 qui donne accès aux données et aux logiciels à la DGCCRF et permet l'adaptation à toute évolution technique ultérieure. La rédaction proposée n'apporte rien à ce qui existe déjà, et trop de précision risque de réduire le champ d'application du dispositif.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié ter, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Gabouty, Buis, Saury, de Belenet, Bonhomme, Bonne, Bonnecarrère, Brisson et Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet, B. Fournier, Henno, Huré et Kern, Mme Lamure, MM. Lefèvre, de Legge, Lévrier, Longeot, Louault, Mizzon, Moga et Pellevat, Mme Puissat, MM. Rapin et Requier, Mmes Troendlé et Vermeillet, M. Vogel et Mme Vullien.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

dont l'activité? dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret

M. Claude Malhuret.  - La lutte contre les interfaces trompeuses est essentielle pour garantir le libre choix des consommateurs. Je salue l'apport de la commission. Cependant, ces pratiques visant à subvertir ou altérer l'autonomie du consommateur dans sa prise de décision ou d'obtenir son consentement ne se limitent pas aux grands opérateurs, elles sont également le fait de petits opérateurs. C'est une question de principe.

Mme Sylviane Noël, rapporteur.  - En effet, il n'y a pas lieu de tenir compte de la taille de la plateforme. Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'article 8A ne fait que répéter le droit en vigueur s'agissant des pratiques commerciales trompeuses. La pratique dénoncée peut être punie d'une amende maximale de 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel et d'une peine de deux ans de prison aux termes de l'article L. 121-2 du code de la consommation.

Ce dispositif ressort de la directive européenne du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales. L'interdiction ne se limite pas aux grands acteurs, mais s'applique à l'ensemble des plateformes.

L'amendement n°14 rectifié ter est adopté.

L'article 8A, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l'application de la section 3 du chapitre Ier du titre II de la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

M. Alain Duran.  - La loi pour une République numérique a créé une obligation de loyauté pour les plateformes qui consiste à donner une information claire sur les critères de référencement et indiquer les liens contractuels et capitalistiques qui peuvent exister avec les différents résultats référencés. Cet amendement demande un état des lieux de l'application de la loi ; c'est une des recommandations de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - La commission d'enquête recommandait effectivement un tel rapport. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable, comme à toutes les demandes de rapport.

Monsieur le ministre, vous engagez-vous néanmoins à remettre ce rapport utile pour notre information et celle des consommateurs ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je rejoins le Sénat sur les demandes de rapport. Compte tenu de l'information disponible, la demande est satisfaite. De fait, en application de la loi pour une République numérique, la DGCCRF réalise des enquêtes nationales annuelles. Les résultats de celle de 2018 ont été publiés en 2019. Elle a mis en évidence un taux de non-conformité élevée : sur 29 plateformes contrôlées, une seule remplissait ses obligations ; il y a eu 22 injonctions et 4 avertissements. Nous allons maintenir la pression pour qu'elles rentrent dans le rang. Je m'engage à ce que les résultats de l'enquête 2019 soient rendus publics cette année.

L'amendement n°5 est retiré.

Les articles 8 et 9 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - L'un de nos amendements a été déclaré irrecevable car trop éloigné de l'objet du texte. Il portait sur les lanceurs d'alerte et l'asile constitutionnel. Au regard de l'affaire Snowden, ce sujet méritera d'être traité.

Nous voterons néanmoins favorablement cette proposition de loi.

Je suis consternée par la position du Gouvernement dans ce débat. M. Ouzoulias et Mme Morin-Desailly l'ont dit : il ne suffit pas de s'en remettre à l'Union européenne. Nous sommes face à une absence totale de stratégie. Vu l'urgence pour la France de s'outiller pour se faire respecter et défendre ses citoyens, c'est alarmant.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - J'ai déposé il y a quelques années, avec Chantal Jouanno, une proposition de résolution européenne sur les lanceurs d'alerte, qui demandait que la France accorde l'asile à Edward Snowden. Le Sénat l'avait votée.

Nous voterons cette proposition de loi que j'ai cosignée, mais ne nous mettons pas le doigt dans l'oeil : c'est bien au niveau européen qu'il faut agir. Encore faut-il avoir une vision claire de ce que l'on veut porter.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mener le combat pour rouvrir le débat sur la directive e-commerce ? C'est par cela qu'il faut commencer. Êtes-vous prêt à revoir les règles de concurrence en cas d'abus de position dominante ? Vous pouvez vous appuyer sur la proposition de résolution adoptée par le Sénat.

Êtes-vous prêt à mener une politique industrielle offensive, sur la santé, la mobilité, les outils cryptographiques ? Une vague d'ubérisation nous guette, dans le secteur assurantiel et bancaire notamment. Êtes-vous prêt à engager une réflexion sur les outils technologiques stratégiques ? La DGSI a passé un contrat avec Palantir, start-up financée par la CIA, faute d'option hexagonale ! Je regrette notre absence de patriotisme dans ce domaine...

Que le Président de la République confie la présidence de la French Tech à John Chambers, ancien président de Cisco, envoie un signal très négatif.

Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Sylvie Goy-Chavent et M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Pierre Ouzoulias .  - Je remercie Mme Primas pour cette proposition de loi qui arrive à un bon moment, après la commission d'enquête qui a montré l'absence de stratégie globale de l'État pour la régulation des Gafam.

Le ministre a déclaré que des infractions avaient été relevées lors des contrôles menés sur les plateformes. J'espère qu'il y a eu des amendes. Les Gafam ont reçu 8 milliards d'euros d'amendes en deux ans dans l'Union européenne, plus encore aux États-Unis et en Asie : on voit bien que les amendes ne suffisent plus face à ces entreprises dont les budgets sont ceux des États.

Essayons de toucher le fondement même de la logique des Gafam, c'est-à-dire l'économie de l'attention. Il faut une prise de conscience des utilisateurs. La jeune génération n'a toujours pas compris que quand un logiciel est gratuit, c'est grâce à la vente des données.

Il est important que le Gouvernement nous retrouve sur la façon dont les Gafam se sont emparés du pouvoir.

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - Les positions du Gouvernement sur l'interopérabilité sont claires, je les ai exprimées lors de l'examen de la loi Avia. Vous pouvez vous opposer, mais pas dire que nous n'avons aucune vision ou stratégie !

Vous préférez avancer au niveau national qu'au niveau européen, soit. Le président Retailleau disait le contraire sur la loi Avia, arguant que dès lors qu'il y a une initiative de la Commission européenne, il était prématuré d'agir au niveau national.

Or il y a une différence de nature entre la proposition de loi Avia et le présent texte : dans le premier cas, il y a une urgence vitale à intervenir.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Pour l'économie aussi !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'urgence est moins vitale, au sens propre !

En effet, monsieur Ouzoulias, étant donné le cash flow de ces entreprises, les amendes, même de 10 milliards d'euros, ne suffisent pas. Il faut une régulation structurante au niveau européen, et intrusive dans le business model des plateformes. Profitons du volontarisme de Margrethe Vestager et Thierry Breton pour pousser une action agressive sur la lutte contre la concentration et la régulation des contenus.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Très bien !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous ne sommes pas opposés à la réouverture de la directive e-commerce pour renforcer la responsabilité des plateformes, mais les États membres sont partagés. L'important est d'être efficace.

Madame Morin-Desailly, peu de gouvernements ont fait autant que nous pour l'écosystème numérique français. Demandez aux principaux concernés ! Si nous voulons faire émerger des champions du numérique, une réforme de la fiscalité du capital est impérative.

Je vous indique que John Chambers est ambassadeur de la French Tech pour les investissements étrangers, pas président. Il ne décide pas des politiques que nous menons. Si l'ancien président de Cisco nous ouvre son carnet d'adresses pour attirer des investissements en France, chacun devrait s'en féliciter.

Le Gouvernement est mobilisé pour faire émerger des champions européens. Depuis le sommet de Lisbonne en 2010, on dit qu'il faut investir 3 % du PIB dans la Recherche Développement. Nous serons les premiers à inscrire cet objectif dans une loi de programmation pour la recherche. Dire que nous n'avons pas d'ambition, c'est nous faire un mauvais procès.

Mme Sophie Primas .  - Nous ne sommes pas surpris par votre position, mais elle apparaît incohérente avec celle que vous avez soutenue sur la taxe GAFA et sur la proposition de loi Avia. Peut-être des menaces de rétorsion économique ont-elles eu raison de votre volontarisme ?

Venant de lire votre article dans La Tribune, je m'étonne que vous ne nous tendiez pas la main. Si vous reveniez vers nous à l'avenir, comme vous le laissez entendre, vous serez bien accueilli.

Je précise que le président Retailleau reproche à la loi Avia d'être attentatoire aux droits et libertés individuelles et non conforme au droit européen.

Je remercie mes collègues pour leur soutien politique et technique, les rapporteurs pour leur engagement, Mme Morin-Desailly pour son travail sur le numérique, ainsi que les membres de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique. Je remercie les autorités de régulation pour le dialogue que nous avons eu avec elles et, enfin, le Conseil d'État pour ses précieux conseils.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très utile, le Conseil d'État !

À la demande de la commission des affaires économiques, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°91 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 342
Contre 0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements)

Prochaine séance, demain, jeudi 20 février 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 15.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du jeudi 20 février 2020

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : M. Philippe Dallier, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi - M. Daniel Dubois

1. Débat sur l'action du Gouvernement en faveur de l'agriculture (demande du groupe Les Républicains)

2. Débat sur la politique spatiale de l'Union européenne (demande de la commission des affaires européennes)

Analyse des scrutins

Scrutin n°91 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 342

Suffrages exprimés : 342

Pour : 342

Contre : 0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Pour : 71

Groupe UC (51)

Pour : 51

Groupe LaREM (24)

Pour : 24

Groupe RDSE (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Pour : 16

Groupe Les Indépendants (13)

Pour : 13

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 2

N'ont pas pris part au vote : 4 - M. Philippe Adnot, Mme Christine Herzog, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Mission d'information (Nominations)

Les 21 membres de la mission d'information sur le thème : « Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées, aujourd'hui et demain ? » sont :

MM. Arnaud Bazin, Bernard Bonne, Jean-Marc Boyer, Max Brisson, Mme Cécile Cukierman, MM. Bernard Delcros, Hervé Gillé, Éric Gold, Mme Laurence Harribey, M. Benoît Huré, Mme Corinne Imbert, MM. Patrice Joly, Guy-Dominique Kennel, Pierre Louault, Didier Marie, Pierre Médevielle, Franck Menonville, Mme Frédérique Puissat, MM. Didier Rambaud, André Reichardt et Mme Patricia Schillinger.