Questions de contrôle au Gouvernement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions de contrôle au Gouvernement.

Je précise que nous siégeons en effectif restreint adapté aux contraintes sanitaires en accord avec les présidents de groupes politiques, que je tiens à remercier pour leur présence et leur engagement. Nous aurons une Conférence des présidents la semaine prochaine.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat : je remercie les journalistes et techniciens.

Service public postal

Mme Jocelyne Guidez .  - Au nom du groupe centriste, je veux interroger le Gouvernement au sujet de La Poste.

Le groupe vient d'annoncer « se recentrer sur ses missions essentielles ». En conséquence, depuis lundi, le courrier n'est plus distribué que trois jours par semaine. La Poste ne maintient que 6 % de ses bureaux ouverts en horaires aménagés. Enfin, de nombreux distributeurs de billets de La Banque Postale ne sont pas approvisionnés.

Les conséquences de ce qui ressemble à une démission sont graves. En milieu rural, certaines personnes se retrouvent totalement isolées. La distribution du courrier trois jours sur six fragilise un peu plus la presse écrite. Sans parler du lien social et d'information qu'elle assure auprès des personnes âgées. Une situation bien peu compatible avec l'idée que les Français se faisaient de ce service public et d'une entreprise qui communique sur sa proximité et son lien avec les territoires.

Encore plus grave, cette situation va couper les vivres à certains de nos concitoyens. J'ai été interpellée par une personne âgée qui a pour seule ressource l'argent qu'elle retire au guichet de La Poste. Un million et demi d'allocataires des minima sociaux sont dans ce cas.

Pour répondre à cette urgence, La Banque Postale va permettre les retraits d'espèces en distributeurs à partir du 4 avril, au lieu du 7. Et 250 bureaux de poste supplémentaires vont être ouverts.

Ces mesures seront-elles à la hauteur de l'enjeu ? Le retrait en distributeurs automatiques de billets (DAB) ne sera d'aucune utilité s'ils ne sont pas approvisionnés ! Et les nouveaux guichets ouverts ne représentent qu'une fraction des bureaux fermés.

À l'heure où les gens n'ont plus d'argent, où les commerçants commencent à faire des ardoises, ne peut-on protéger correctement les agents pour que le service soit rendu normalement ? Pourquoi seraient-ils plus exposés dans leurs bureaux que les commerçants de bouche qui sont ouverts ? N'est-il pas possible, au moins en zone rurale, de répartir les tournées restantes en les programmant les lundis, mercredis et vendredis, au lieu de les concentrer en fin de semaine ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Vous avez raison. La Poste fait partie des services qui doivent permettre au pays de fonctionner même en cette période de confinement, et qui sont indispensables à nos concitoyens. Nous avons le devoir de les organiser, comme de protéger les salariés de cette entreprise.

Ainsi, dès la semaine prochaine, au-delà des 1 600 bureaux répartis dans notre territoire, 250 bureaux supplémentaires assureront le versement des prestations sociales. La caisse d'allocations familiales anticipera le versement de ces prestations et les distributeurs devront être fournis pour qu'il ait lieu dès ce week-end. Nous demanderons, sur la base du volontariat, l'appui de postiers aujourd'hui en télétravail, pour compléter les équipes sur le terrain.

Il faut en effet maintenir le lien social, la cohésion, les livraisons - en particulier de repas à domicile aux plus vulnérables. Le Premier ministre a indiqué qu'il fera le point cette semaine avec les dirigeants de La Poste, afin d'assurer un service sans faille, non seulement pour la distribution du courrier et de la presse écrite, mais également pour la mise à disposition d'argent aux plus vulnérables.

Réserve civique Covid-19

M. Martin Lévrier .  - La pandémie que nous subissons met en évidence le travail et l'abnégation de tout le personnel soignant qui est en première ligne, mais aussi l'indispensable travail de toutes les personnes qui agissent au quotidien, souvent dans l'ombre, pour faire fonctionner une grande part de notre économie. À toutes ces femmes et tous ces hommes, je veux dire merci.

Pour sortir de cette crise, pour protéger les autres, nous demandons à chacun de se confiner. À tous ces Français qui acceptent l'attente, nous devons aussi dire merci.

Beaucoup s'unissent et inventent des solutions pour les plus démunis, les plus vulnérables qui, sans aide, ne pourraient se relever de cette crise.

Comprenant le besoin de les fédérer, vous avez lancé lundi dernier, monsieur le ministre, la Réserve civique Covid-19, via la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, pour tous ceux qui souhaitent donner de leur temps.

Cet espace d'engagement a été construit pour renforcer associations humanitaires et collectivités publiques dans quatre domaines : l'aide alimentaire et l'aide d'urgence ; la garde exceptionnelle d'enfants ; le lien avec les personnes fragiles isolées ; la solidarité de proximité.

Combien de nouveaux bénévoles avez-vous enregistrés sur cette plateforme depuis son lancement ?

Je connais des jeunes qui souhaitent prêter main-forte mais qui ne trouvent pas de missions dans leur commune. Comment pourront-ils être utiles ?

Enfin, quelles missions auront les préfets : traits d'union entre l'offre et la demande, inciteront-ils les associations à saisir leurs offres de mission ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Dès le début de cette crise, le Président de la République nous a souhaités solidaires plutôt que solitaires, dans ce moment d'angoisse où beaucoup de Français sont isolés. Nous avons réuni avec Olivier Véran, Jean-Michel Blanquer et Christelle Dubos les grandes associations de solidarité de notre pays.

Inévitablement, en raison du confinement, 80 % à 90 % de leurs activités sont suspendues, mais certaines sont vitales, notamment la distribution alimentaire en libre-service social ou aux restos du coeur. Les associations ont demandé à leurs nombreux bénévoles de plus de 70 ans de rester chez eux. C'est très responsable, mais les besoins en bénévoles sont là.

Le lancement de la plateforme a suscité un élan de solidarité absolument exceptionnel, inédit en si peu de temps : ainsi, 250 000 Français sont ainsi inscrits dans la réserve civique pour venir en aide aux plus démunis sur le terrain et 50 000 d'entre eux sont déjà engagés dans ces missions.

Tout le monde peut être utile. Rester chez soi est la première marque de solidarité avec nos soignants. Un kit réalisé avec l'association Voisins solidaires est disponible sur la plateforme pour ceux qui souhaiteraient s'engager à l'échelle de leur immeuble, de leur rue : déjà 500 000 téléchargements...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - Tous les Français peuvent s'engager ainsi en proximité.

Prêts garantis ; secteur des assurances

M. Jean-Marc Gabouty .  - L'impératif sanitaire est prioritaire mais le risque d'une grave crise économique est devant nous. Les mesures prises rapidement par le Gouvernement sont pertinentes, elles doivent à présent être amplifiées, complétées et parfois précisées.

Pour les prêts bancaires aux entreprises avec une enveloppe garantie de l'État de 300 milliards d'euros, le Gouvernement communique avec le slogan audacieux et incitatif : « prenez dans votre banque le prêt garanti par l'État », qui suggère une certaine automaticité. Pouvez-vous confirmer que les banques ne peuvent refuser, de manière directe ou détournée, l'octroi de ces prêts dès lors que leurs clients répondent aux conditions d'éligibilité ?

Le fonds de solidarité d'un milliard d'euros serait majoré de 200 millions par les compagnies d'assurance. Avec le confinement, qui entraîne un fort ralentissement des activités économiques et des particuliers, elles économisent entre trois et cinq milliards d'euros sur les 40 à 50 milliards d'indemnisation en année pleine, mais ne participent à l'effort qu'à hauteur de 200 millions d'euros ! Ne pourrait-on pas être plus ambitieux, pour prendre en charge, fût-ce partiellement, les pertes d'exploitation des entreprises, des commerçants, artisans, professions libérales ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le plan mis en oeuvre par l'État pour accompagner les entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, repose sur quatre piliers : chômage partiel, report des cotisations sociales et fiscales, fonds de solidarité, possibilité d'obtenir un financement bancaire garanti par l'État à 90 %.

Les 300 milliards d'euros de garantie permettront en effet aux banques, sur la base des discussions que nous avons eues avec elles et des instructions claires qui ont été données, de prolonger et garantir de manière quasi-automatique les lignes de trésorerie des entreprises dont la notation Banque de France - gelée avant la crise - est supérieure à un certain niveau.

Nous sommes en train d'organiser le dispositif. Pour les entreprises en bonne santé avant la crise, le prêt sera accordé de manière quasi-automatique. Les entreprises qui connaissaient déjà des difficultés de trésorerie, sans être dans des procédures de sauvegarde, feront l'objet d'un examen, avec intervention de la Médiation du crédit. Pour les entreprises en difficulté, sous condition de critères européens, nous travaillons à un plan spécifique.

Pour les pertes d'exploitation, moins d'une entreprise sur deux est assurée, et ce sont souvent les plus grosses. Les assurances devront sans doute aller plus loin, c'est pourquoi Bruno Le Maire les incite à prolonger les contrats quand les entreprises ne parviennent plus à payer la prime.

M. Jean-Marc Gabouty.  - À court terme, les besoins de trésorerie sont immenses : vous y avez répondu, même si l'enveloppe de 300 milliards risque d'être insuffisante. Mais demain, la santé financière des entreprises sera indispensable au rebond économique, à la relance de l'investissement productif !

Quant aux assurances, je vous interrogeais sur toutes les entreprises et non pas seulement celles qui ont déjà souscrit une assurance pour pertes d'exploitation.

Production de matériel médical et de médicaments

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le Président de la République a annoncé une dotation de 4 milliards d'euros pour financer les commandes en médicaments, respirateurs et masques, produits chez nous. Il était temps ! Masques et protections arrivent au compte-gouttes, le curare commence à manquer. Tardives, ces mesures n'auront pas un effet immédiat.

Entre peur et angoisse, les soignants nous lancent un SOS. Les maires, les élus, le secteur associatif se mobilisent. Que dire des conditions de travail dans les hôpitaux et dans les Ehpad, que dire de ces salariés qui font vivre le pays et qui ne sont pas protégés, de ceux qui travaillent alors que leur activité n'est pas indispensable ?

Quand allez-vous réquisitionner les entreprises pour qu'elles fabriquent des médicaments comme le curare, la morphine ou l'oxygène ?

Quand allez-vous mettre les moyens nécessaires pour produire massivement des tests, afin de suivre les recommandations de l'OMS ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Une enveloppe massive de 4 milliards d'euros est mise à disposition des hôpitaux. Le ministre de la Santé a été clair sur le plan mis en oeuvre dès le début de la crise pour approvisionner l'ensemble des hôpitaux, alors que la demande mondiale en masques et en gel hydro-alcoolique a été multipliée par dix, cent, voire mille.

Réquisitionner ou nationaliser ne permettra pas de fabriquer plus de masques ou de gel.

Mme Éliane Assassi.  - Il fallait le faire avant !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - Nous préférons entraîner notre industrie à augmenter la production nationale de masques de 13,5 à 40 millions.

Le réseau d'achat Santé publique France a acheté un milliard de masques, étayé par 150 acheteurs privés, pour équiper les Français.

La production de gel hydro-alcoolique a été multipliée par dix et nous allons produire en cinquante jours autant de respirateurs qu'en trois ans.

Je remercie cette deuxième ligne qui est au travail pour accompagner les soignants.

Des protocoles très précis sont élaborés par le ministère du Travail pour la protection des salariés. En trois semaines, nous avons élaboré de nouveaux masques en R&D : ils sont aujourd'hui en production afin d'assurer la protection de tous.

Mme Éliane Assassi.  - Quand ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Vous n'avez pas fait ce qu'il fallait en temps et en heure, et le retard est considérable. Peut-être serons-nous prêts l'hiver prochain...

Demain, il vous faudra rendre des comptes. L'urgence exige de substituer à vos dérives libérales le choix de l'intérêt général. Les réquisitions et les nationalisations sont la voie du salut. Rétablissez d'urgence l'ISF par ordonnance ! (Sourires à droite)

Contribution du secteur des assurances

M. Didier Marie .  - Notre pays connaît une situation inédite et inquiétante sur le plan sanitaire et économique. Les mesures prises pour freiner la propagation du virus sont nécessaires mais frappent durement nos entreprises, qui subissent d'importantes pertes d'activité, au point que leur survie est menacée.

Malgré les mesures prises par le Gouvernement, beaucoup de très petites entreprises craignent de ne pouvoir faire face. Elles ne peuvent se tourner vers leur assureur, le risque de pandémie étant exclu des polices d'assurance, de même que le risque de catastrophe naturelle quand il n'y a pas dommage à l'appareil productif.

Allez-vous déclarer l'état de catastrophe naturelle sanitaire, justifiant une indemnisation des pertes d'exploitation ? Saisirez-vous le Conseil constitutionnel en ce sens, en invoquant un impérieux motif d'intérêt général pour valider une loi rétroactive au premier jour du confinement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Nous répondons avec le fonds de solidarité qui vise les TPE de moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires, celles qui ont perdu 50 % de leur chiffre d'affaires en mars, celles qui seront en difficulté en avril ou qui ont dû fermer pour des motifs réglementaires.

Les assureurs sont au rendez-vous, abondant ce fonds à hauteur de 200 millions d'euros, qui iront à ces entreprises ; elles recevront 1 500 euros dès les premiers jours d'avril pour pallier les difficultés, en sus du report des charges sociales et fiscales.

Voilà une mesure concrète, rapide et efficace - bien plus que d'espérer un revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la non-rétroactivité de la loi.

Notre choix, pragmatique, engage les assureurs qui devront aller plus loin dans leur effort, notamment en prolongeant les contrats même en l'absence de règlement des primes d'assurance.

M. Didier Marie.  - Votre réponse me déçoit. Une loi aurait pu être envisagée pour que les assurances couvrent les pertes d'exploitation sans dommage. Il faudrait à tout le moins une contribution spéciale temporaire des assurances, comme en 2017, sachant qu'elles collectent 2,1 milliards d'euros par an au titre du risque de perte d'exploitation.

Continuité des activités indispensables

M. Emmanuel Capus .  - Dans cette crise, les soignants sont en première ligne - je salue leur professionnalisme et leur dévouement, tout comme je salue nos concitoyens qui restent confinés chez eux : ils contribuent à endiguer l'épidémie. Au-delà, je veux saluer les caissières, les policiers, les militaires, les routiers, les éboueurs, les agriculteurs, tous ceux qui continuent de travailler et assurer leur mission malgré les conditions dégradées.

Dans cette guerre contre le virus, chacun doit être à son poste. La continuité des services est indispensable au fonctionnement de notre pays, notamment la continuité des services publics. Il est inacceptable que le service postal ne soit plus correctement assuré dans les territoires ruraux ; pour les plus âgés, c'est souvent le seul lien avec l'extérieur.

L'heure est à la mobilisation générale. L'unité nationale, c'est le geste barrière de nos institutions. Dans les semaines qui viennent, la continuité des services indispensables à la population sera-t-elle assurée ?

Pour assurer la continuité alimentaire, encore faut-il qu'il y ait des producteurs. L'Angevin que je suis plaide pour les horticulteurs qui vont devoir jeter leur production. Les autoriserez-vous à commercialiser leurs plants potagers, qui sont les aliments de demain ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'arbitrage a été rendu : les plants potagers seront considérés comme un achat de première nécessité.

Nous travaillons avec chaque filière pour identifier les grains de sable qui empêchent la continuité de la production : logistique, approvisionnement, capacité réelle des salariés à exercer leur métier, craintes légitimes qu'ils éprouvent pour leur sécurité sanitaire.

Les ministères de la Santé et du Travail ont précisé les conditions dans lesquelles le travail doit être exercé, les gestes barrières et mesures de distanciation à mettre en place, les équipements à privilégier - comme les plaques de plexiglas entre caissiers et clients.

Les matériaux de protection peuvent être achetés sur une plateforme gérée par la Direction générale des entreprises ; les 480 000 masques textiles réutilisables que nous produisons chaque jour en font partie.

M. Emmanuel Capus.  - Merci pour les horticulteurs. Quant au service postal, il est vital dans les territoires ruraux les plus isolés...

Besoins des professionnels de santé

Mme Catherine Deroche .  - La tension sur les protections individuelles, sur les matériels lourds et les médicaments est inquiétante. Certes, les masques commencent à arriver dans les hôpitaux, mais peu encore jusqu'aux médecins de ville et aux Ehpad. Le Président de la République a annoncé hier à Angers que la production atteindrait son maximum à la mi-mai. Or chaque jour qui passe est un jour qui compte.

Première question, pourquoi ne pas envisager un essai clinique sur des médicaments de type hydroxychloroquine, pour des patients plus jeunes, présentant des formes modérées, confié aux médecins de ville, pour éviter des hospitalisations ?

Deuxième question, des kinésithérapeutes et des dentistes, qui ont fermé leurs cabinets, participent à la réserve sanitaire et aux urgences : comment seront-ils indemnisés ?

Troisième question, la fin du confinement doit être anticipée et organisée, pour éviter une deuxième vague : quid des tests ? Quid du test sérologique rapide annoncé à Rennes ? Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas accepté les offres de service des laboratoires des départements ?

Soyez fermes, en tout cas, sur le confinement : évitons les dérogations, même pendant les vacances ! Nous soutenons les policiers qui vont dans les quartiers difficiles pour faire respecter le confinement.

Évitons les tâtonnements administratifs qui ralentissent les décisions.

Notre groupe est le porte-voix des collectivités : il n'est pas dans la polémique.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Soyons clairs : il n'y a pas de vacances pour le virus, donc pas non plus pour le confinement. Je comprends les difficultés que cela peut représenter pour les Français, mais nous ne pouvons déroger à la règle. Une étude anglaise a montré qu'une vie est sauvée toutes les dix minutes grâce au confinement.

L'État commandera les tests rapides produits par une entreprise bretonne pour un montant de 500 000 euros, une fois que toutes les vérifications de qualité et de sensibilité auront été menées. Ces tests devraient être produits à partir de fin avril.

Dans le monde, dès que des tests fiables sont disponibles, nous les achetons ; lorsqu'ils sont français et surtout bretons, diraient certains (Mme Catherine Deroche sourit.), c'est encore mieux.

Il existe au moins trois études cliniques qui testent différents médicaments en prophylaxie, sur des formes peu sévères, contre placebo ou contre d'autres traitements. La première étude est menée à Angers sur l'hydroxychloroquine, la seconde à Montpellier, qui teste sur des formes légères, peu symptomatiques, l'hydroxychloroquine associée à l'azithromycine. Enfin, une troisième étude en prophylaxie est en cours d'examen par le Comité de protection des personnes, pour vérifier qu'elle respecte les règles éthiques. Nous sommes donc « à fond » sur les études.

Enfin, j'ai indiqué hier aux différents syndicats des libéraux de santé que des négociations étaient en cours avec l'assurance maladie pour qu'ils puissent bénéficier d'une compensation de perte de revenu, et des avances - dans des conditions à définir avec l'assurance maladie.

Pertes d'exploitation des petits commerces, secteur des assurances

M. Rémy Pointereau .  - Le fonctionnement actuel de La Poste, avec la distribution du courrier trois jours de suite par semaine et la fermeture de nombreux guichets, est inacceptable. Qu'allez-vous faire pour garantir le principe de continuité du service public ?

Pendant que les petits commerçants doivent fermer, puisque leurs activités ne sont pas jugées prioritaires, les grandes surfaces continuent de vendre des produits qui ne sont pas de première nécessité - sans parler d'Amazon pour qui le confinement est une aubaine économique sans égale. La distorsion de concurrence entre commerce physique et numérique se trouve ainsi encore renforcée.

Que ferez-vous pour rééquilibrer cette situation ? Le commerce de proximité ne doit pas être lésé par cette période de confinement.

L'État a proposé 300 milliards d'euros de prêts bancaires en faveur des artisans, des commerçants, des TPE et des professions libérales. Ceux-ci en effet désespèrent de la situation, d'autant que leurs contrats d'assurance ne couvrent pas les pertes d'exploitation. Pourquoi ne pas demander aux assureurs de verser ne serait-ce que 5 % de ces 300 milliards afin de couvrir les pertes d'exploitation au titre des catastrophes sanitaires ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État .  - Nous ferons tout pour que la continuité du service de La Poste soit assurée quotidiennement : la presse doit ainsi être distribuée, y compris en début de semaine. Les services de proximité que La Poste assure auprès des plus vulnérables et des personnes âgées doivent être assurés. En zone rurale, la continuité du service est particulièrement cruciale.

J'en viens à votre question sur les assurances. Le Gouvernement a décidé que les TPE en détresse toucheraient 1 500 euros dès les premiers jours d'avril, afin de compenser les pertes d'exploitation. Pourront s'y ajouter 2 000 euros, grâce notamment aux régions qui ont joué le jeu. En outre, les assurances verseront 200 millions d'euros pour accompagner les entreprises. Celles-ci bénéficient aussi du report de leurs charges sociales et fiscales et elles peuvent demander des dégrèvements d'impôt direct en cas de difficultés de trésorerie.

J'en viens au e-commerce : la moitié des plateformes a vu son activité baisser de plus de 50 % depuis le confinement.

Enfin, les petits commerçants peuvent vendre leurs marchandises via le e-commerce grâce à des outils mis à leur disposition sur le site du ministère de l'Économie et des finances. Il faut le leur faire savoir.

Accès à l'IVG durant la crise sanitaire

Mme Laurence Rossignol .  - Hier, une centaine de médecins, le directoire de l'AP-HP ainsi que de nombreuses personnalités ont lancé un appel pour garantir le maintien des interruptions volontaires de grossesse (IVG) durant la crise sanitaire que nous traversons, en prolongeant les délais légaux. D'autant que le filet de sécurité des avortements hors délais à l'étranger n'existe plus, puisque les frontières sont fermées.

Ces médecins vous demandent d'allonger de deux semaines le délai légal pour les IVG par aspiration comme pour les IVG médicamenteuses.

Ils demandent aussi que soit levée l'exigence d'un délai de 48 heures entre la première consultation et la pratique de l'IVG pour les mineures. Que comptez-vous faire ?

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Sans avoir attendu la parution de la tribune à laquelle vous faites référence, et à la suite de votre première interpellation, j'avais saisi mes services. Les remontées du terrain attestent effectivement que le recours à l'IVG est en baisse, ce qui est à la fois inquiétant et fort bien relaté dans la tribune en question.

Mon engagement est total. Il est hors de question que l'épidémie restreigne le droit à l'IVG dans notre pays.

Durant la période de confinement, les IVG médicamenteuses doivent être encouragées et facilitées, tout en garantissant le libre choix des femmes. La téléconsultation doit être favorisée pour la première consultation et pour celle suivant la prise de la pilule abortive.

J'ai entendu la demande des gynécologues de repousser le délai de l'IVG médicamenteuse à neuf semaines. Il faut examiner certains aspects techniques, voir si cela ne rompt pas la chaîne du froid, car la pilule est congelée. Nous regarderons ce qu'il est possible de faire pour éviter tout risque. Mais je n'ai pas d'opposition de principe à cette mesure, vous l'aurez bien compris.

J'ai demandé à tous les centres hospitaliers de maintenir le recours à l'IVG instrumentale.

Pour les recours tardifs, une interruption médicale de grossesse (IMG) est possible en cas de détresse psychosociale. À la fin de la crise sanitaire, on pourrait, face à de telles demandes, examiner si le confinement justifie une décision en ce sens - elle serait prise de manière collégiale.

Mme Laurence Rossignol.  - Merci pour vos réponses sur l'IVG médicamenteuse. La Grande-Bretagne est passée hier à un délai de dix semaines, sans que cela pose de problème.

Concernant l'IVG par aspiration, je ne m'étais pas contentée de vous interpeller, il y a deux semaines : j'avais déposé un amendement. Si le Gouvernement n'avait pas donné un avis défavorable, nous aurions pu agir dès ce moment pour allonger le délai.

M. Olivier Véran, ministre.  - Je ne l'ai pas repoussé !

Mme Laurence Rossignol.  - Mme Pénicaud l'a fait en votre nom ! Le Gouvernement a dérogé au code du travail, au code des assurances, à tous les codes, mais pas à celui de la santé publique pour allonger les délais d'IVG ! C'est fort regrettable, car l'IMG n'est pas la meilleure des solutions pour les femmes.

Information et contrôle sanitaire des Français rapatriés

M. Michel Laugier .  - Cette question fait suite à une question écrite d'Olivier Cadic. Si 10 000 de nos compatriotes, selon le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, se battent encore pour se faire rapatrier, se retrouvant parfois dans des situations kafkaïennes, les 120 000 personnes rentrées depuis deux semaines n'ont, quant à elles, droit à aucune information à leur arrivée en France.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucune mesure spécifique n'encadre le retour des Français sur le territoire national. Aucune mesure de protection. Même s'ils arrivent de pays à risque, on ne les met pas en quarantaine, comme on avait pourtant commencé à le faire avec les Français revenant de la région de Wuhan en Chine. On ne les interroge même pas sur leur parcours.

Ils ne reçoivent pas d'information non plus. Certains ne savent même pas que nous sommes en confinement général ! Aucune injonction à se confiner ne leur est faite. À l'évidence, l'état de guerre sanitaire n'est pas déclaré dans les aéroports.

Cette réalité tranche avec les mesures prises par de nombreux pays, où les voyageurs sont interrogés sur leur état de santé et à qui l'on recommande de se confiner.

Comment se fait-il que les mesures si drastiques à l'origine pour ceux revenant de Wuhan aient pu laisser la place à un tel laisser-aller dans les aéroports ? Et comment justifiez-vous que les Français soient confinés mais qu'aucune mesure sanitaire n'organise l'accueil des rapatriés ?

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Les 10 000 Français confinés dans des caravanes, revenus dans un ferry du Maroc à Sète via l'Espagne, peuvent témoigner que ce que vous décrivez est loin de la réalité. Ils restent confinés en l'absence de symptômes ; en cas de symptômes, ils doivent appeler le 15.

Une information est dispensée par affichage dans les aéroports depuis le 18 janvier. Dans ceux qui sont encore ouverts, des services sanitaires sont présents 24 heures sur 24, notamment pour prendre la température des voyageurs et adresser directement les personnes suspectées d'être contaminées aux établissements de soins.

Les conditions d'hygiène et les gestes barrières sont rappelés en grand format dans les gares et aux arrêts de bus. Les conditions de quarantaine et de confinement sont rappelées.