Évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies, à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion, présentée par le président du Sénat.

La commission des lois a déclaré cette proposition de résolution conforme aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Je vais mettre aux voix l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de résolution.

Explications de vote

Mme Éliane Assassi .  - Je salue l'initiative du Sénat et de son président de créer cette commission d'enquête. Elle est indispensable pour comprendre les défaillances de notre système de santé, des missions des agences régionales de santé (ARS), mais aussi du pilotage national pour la gestion des stocks de médicaments et de fournitures médicales.

Nous ne devons pas copier le travail de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale mais le compléter, avec le prisme des élus locaux en première ligne pour la gestion de la crise.

Nous espérons mettre en lumière les fragilités de notre système de santé.

Cette crise a montré les fragilités de notre système et montré l'erreur des gouvernements précédents et actuel qui ont soumis la santé à la loi du marché. La crise apporte un terrible démenti aux politiques publiques de santé et mis à mal notre souveraineté sanitaire, notamment en matière pharmaceutique.

J'espère que cette commission d'enquête rappellera l'importance de couvrir les besoins réels des hôpitaux.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a supprimé cinq milliards d'euros, dont un milliard au détriment de l'hôpital public. En vingt ans, 100 000 lits ont été supprimés, dont 17 500 au cours des six dernières années.

Cette commission d'enquête, sans esprit partisan, montrera les dysfonctionnements alors que des spécialistes nous assurent que la crise se reproduira. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci pour cette initiative, monsieur le Président.

Les commissions d'enquête sont aussi anciennes que le régime parlementaire. C'est un droit constitutionnel. La création de celle-ci répond à un droit, mais aussi à un devoir.

Il y a eu plus de 30 000 décès et les Français ont le droit de savoir. La France est malheureusement en tête des pays occidentaux pour la mortalité par 100 000 habitants.

Suite aux élections municipales, nous constatons que la crise démocratique s'accroît et cette commission d'enquête est un devoir démocratique car, au coeur de cette crise, il y a la question de l'impuissance publique, étouffée par la bureaucratie qui fait primer la procédure sur l'objectif à atteindre. Même le Président de la République a reconnu des failles le 13 avril.

L'exécutif a sa légitimité mais le Parlement aussi. Le Sénat assume son rôle dans la séparation des pouvoirs. L'exécutif évoque une contre commission d'enquête. Mais comment peut-il soutenir une telle affirmation ?

Nous voterons cette proposition de résolution à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Nous voterons cette proposition de résolution.

Le 16 février, Olivier Véran est nommé ministre de la Santé. Agnès Buzyn est exfiltrée du ministère de la Santé pour des municipales dont nous connaissons le résultat.

Le 27 février, se tenait la première réunion à Matignon des chefs de partis et de groupes. On nous disait : « cela sera dur, mais tout est sous contrôle. »

Le 16 mars, Emmanuel Macron tenait un discours de guerre grandiloquent, mais inadapté. Certes, la Covid-19 a tué, tue et tuera mais ce virus n'a pas de conscience, pas de projet d'envahissement, pas d'histoire et j'espère pas d'avenir.

Le 13 avril, dans un moment de sincérité voire de lucidité, le Président de la République a reconnu les failles et les insuffisances dans la gestion de la crise. Le Sénat a pour rôle de les déceler pour les prévenir.

Nous tiendrons notre rang. La mission de contrôle est essentielle pour notre démocratie. Écoutons les soignants dans les rues de Paris. Le travail du Sénat comptera pour demain.

Le groupe socialiste et républicain prendra toute sa part dans ces travaux. Nos concitoyens ont le droit et même le devoir de savoir. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur quelques travées des groupeUC et Les Républicains)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Cette proposition de résolution s'inscrit dans la mission de contrôle du Sénat, prévue par la Constitution.

Il ne s'agit ni de mimer l'Assemblée nationale ni de faire le procès du Gouvernement. L'esprit à la fois critique et constructif de cette commission d'enquête nous permettra d'établir un bilan de l'action publique de ces derniers mois qui n'ont ressemblé à aucun autre.

Nous accorderons une attention particulière à la cohérence et la clarté de la communication de crise, à la gestion des fausses informations, à l'analyse de l'éthique des décisions, à la raison du manque de masques, à la durée du confinement et à ses modalités et aux conséquences de l'épidémie sur la continuité des soins.

La dépendance de la France à l'égard de la Chine avait été dénoncée dès octobre 2018 par Jean-Pierre Decool, lors de la présentation du rapport de la mission d'information sur la pénurie de vaccins et de médicaments.

Cette commission d'enquête complètera utilement les travaux de l'Assemblée nationale. La France a trop longtemps négligé sa politique de prévention. Cet exercice de rigueur et d'humilité nous permettra d'aller dans le bon sens.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Noëlle Rauscent .  - Dans ce contexte anxiogène, je salue professionnels de santé et citoyens. Mes pensées vont vers ceux qui ont vécu des drames familiaux et des décès brutaux.

Cette crise est inédite par son ampleur et elle a touché le monde entier. Il est normal d'interroger sa gestion par l'exécutif. L'exigence de transparence est légitime. C'est dans cet esprit que la mission d'information à l'Assemblée nationale qui a débuté ses travaux en avril, s'est dotée des pouvoirs d'enquête dès le 16 juin dernier.

En parallèle, le Président de la République a installé jeudi 25 juin, une mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise du Covid-19 et l'anticipation des risques pandémiques. Cette mission qui rendra son rapport en fin d'année n'empiètera pas sur les travaux du Parlement. Il est opportun que chaque institution se dote d'outils appropriés pour mieux anticiper les crises futures.

Par ailleurs, le procureur de Paris, Rémy Heitz a ouvert le 8 juin une enquête préliminaire sur la gestion de la crise en France. Le Parlement n'a pas à s'ériger en procureur, et le président Milon nous a rassurés sur ce point en commission. Nous voulons une analyse approfondie, lucide, rigoureuse et objective.

Il n'y aura aucune complaisance vis-à-vis du Gouvernement (On s'en félicite avec humour sur diverses travées à droite.) mais les décisions prises devront être analysées au regard des connaissances du moment.

Le groupe LaREM est favorable à cette proposition de résolution.

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.) Notre commission d'enquête travaillera avec sagesse, loin d'un esprit partisan. Les sujets délicats devront être abordés avec prudence et détermination.

Les potentiels conflits d'intérêt empêchant un regard totalement libre et éclairé devront être mis en lumière.

Depuis le 1er janvier, cette crise aura emporté 433 000 personnes, dont 29 400 en France.

Nos soignants ont effectué un travail remarquable sans relâche. Le Ségur de la santé répondra à leurs problèmes et revalorisera leurs professions.

Grâce à cette commission d'enquête, le Sénat tirera les leçons de la crise en proposant un système de santé plus adaptable et efficace.

Le groupe centriste votera unanimement cette résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur diverses travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Requier .  - La pandémie a frappé de stupeur nos sociétés alors que nous pensions que technologie et hygiénisme nous mettaient à l'abri. Nous nous croyions protégés par notre système de santé et l'État-providence.

Cette crise, exceptionnelle, n'était pas complètement imprévisible. Certes, elle s'est propagée très rapidement, nécessitant la création en quelques jours d'un régime juridique ad hoc dérogatoire au droit commun.

Mais la crise a révélé divers dysfonctionnements de notre système de santé, comme la lourdeur des circuits administratifs, la situation dans les Ehpad, la question des stocks de masques, alors que les collectivités territoriales s'engageaient dans un effort logistique considérable.

Nathalie Delattre voulait une commission d'enquête sur ce sujet, qui sera intégré dans le champ d'investigation de celle-ci. Nous nous en réjouissons.

Ce qui importe, c'est que ce travail d'analyse en profondeur soit mené hors de toute polémique car il y aura d'autres crises.

En toute responsabilité, pour l'intérêt général, le RDSE soutiendra la création de cette commission d'enquête. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de résolution est adopté.

M. le président.  - Je constate l'unanimité ! C'est une joie d'auteur... (Sourires ; applaudissements des travées du groupe Les Républicains jusqu'à celles du groupe SOCR)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente