Création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, présentée par M. Ronan Le Gleut et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Ronan Le Gleut, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Des personnes en détresse, des enfants d'âge scolaire, des personnes ayant tout perdu », c'est ainsi que le Quai d'Orsay qualifiait les Français évacués de Côte d'Ivoire lors des événements de 2004, à Abidjan.

Un coup d'État, un tremblement de terre, un tsunami, une prise de pouvoir par des djihadistes, une pandémie sont des tragédies qui peuvent frapper les Français établis à l'étranger. Or le ministère des Affaires étrangères est en paupérisation constante et faute de fonds d'urgence, nos consulats n'ont plus les moyens de faire face.

Le Covid-19 a montré que nos compatriotes à l'étranger peuvent se retrouver, du jour au lendemain, dans un état de grave danger. Le Gouvernement a réagi, mais dans la précipitation il aura fallu chercher l'arbitrage de Bercy, ce qui a fait perdre un temps précieux.

Cette proposition de loi permettrait une réaction immédiate de la France pour venir en aide en urgence à nos compatriotes à l'étranger.

Les Français de l'étranger n'ont aucun filet de sécurité. En cas de catastrophe, le retour en France se fait précipitamment, avec une valise, sans emploi, sans logement, avec les enfants... Une aide ponctuelle permettrait de rester sur place ou d'y retourner rapidement.

En 2004, je me souviens des 359 premiers Français évacués d'Abidjan, arrivés, tongs aux pieds, à Roissy.

Les guerres civiles des années 90 en Afrique centrale, où les Français vivaient nombreux, ont incité les sénateurs des Français de l'étranger de l'époque à tenter de créer un fonds de garantie.

Le séisme de 1999 à Izmit, en Turquie, celui de 1988 en Arménie, ou plus récemment de 2016 en Équateur, ont frappé nos compatriotes à l'étranger, tout comme le tsunami de 2004.

À l'avenir, il faudra également rester vigilant pour les Français qui font face au terrorisme islamiste dans les pays du G5 Sahel. Un fonds d'urgence nous y aiderait.

Nous faisons face à une multiplication des conflits et tensions. Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, parle de « chaos ».

Enfin, le dérèglement climatique avec ses conséquences en termes de catastrophes naturelles, fait courir des risques nouveaux.

La baisse continue des moyens du Quai d'Orsay pèse sur les capacités d'action des consulats et des ambassades. Lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé disait déjà que le budget du ministère était à l'os. Désormais, on doit être à la moelle.

Président d'une association de Français de l'étranger pendant dix ans, j'ai été sollicité plusieurs fois pour venir en aide à des familles en difficulté. C'était à Berlin. Imaginez ce qu'il en est au Venezuela !

La crise de la Covid-19 a été un révélateur de ce manque de moyens. Il a fallu intégrer un volet spécial pour les Français de l'étranger au plan global d'action pour faire face à la crise sanitaire, mais on a perdu un temps précieux.

Cette proposition de loi permettrait de ne plus vivre un tel retard à l'allumage. L'idée d'un fonds d'urgence remonte au moins à la commission Bettencourt en 1974. On pourrait aussi mentionner les travaux de nos collègues Jacques Habert, Charles de Cuttoli, Paulette Brisepierre, Paul d'Ornano ou Xavier de Villepin, dans les années 1990.

Le groupe socialiste et républicain avait déposé une proposition de loi à l'initiative de notre ancienne collègue Monique Cerisier ben Guiga. Puis Joëlle Garriaud-Maylam en 2008 et encore fin mars cette année, ainsi qu'Olivier Cadic le 24 mars cette année, ont eux aussi déposé des propositions de loi. Notre ancien collègue Christian Cointat m'a raconté l'implication du Conseil Supérieur des Francais de l'étranger (CSFE), à travers le rapporteur Jean Ricoux dans les années 1990.

Grâce à Régine Prato, nous avons repris cette idée ancienne sous un angle nouveau. Nous avons ajouté la dimension sanitaire que la crise a mise au jour, et nous nous sommes écartés de la logique assurantielle.

Je remercie le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, qui a fait le choix de mettre notre texte à l'agenda du Sénat. Je rends hommage à Jérôme Bascher, rapporteur pour la commission des finances.

Les 3,4 millions de Français de l'étranger ne sont pas les abominables milliardaires déserteurs de la France et de sa fiscalité que l'on dénonce. Souvent, ce sont de modestes retraités qui vivent seuls dans des pays où le coût de la vie est inférieur à celui de la France. Leur précarisation est bien réelle.

Or ces Français contribuent au rayonnement culturel, linguistique, diplomatique de notre pays, au travers de la francophonie par exemple. Les entrepreneurs jouent un rôle essentiel pour notre commerce extérieur et nos emplois. Nous avons besoin de ces Français qui réalisent un pont avec notre pays. Beaucoup d'entre eux paient des impôts et des taxes, et leur contribution au budget de l'État est tout à fait substantielle.

Ajoutons que permettre à des expatriés de faire face provisoirement à une tragédie en les maintenant dans le pays où ils sont établis coûterait bien moins cher aux finances de l'État que leur retour définitif en France, sans ressources, ni emploi, ni logement.

Nos compatriotes sont partie intégrante de la Nation, même lorsqu'ils ne vivent plus en France. « Dans le monde d'aujourd'hui, on ne peut distinguer le sentiment de la politique » disait le général de Gaulle en 1967. Les Français de l'étranger sont parfois loin des yeux, mais toujours près du coeur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Joël Guerriau applaudit également.)

M. Jérôme Bascher, rapporteur de la commission des finances .  - C'est le second texte en deux mois en faveur des Français de l'étranger, après celui de Jacky Deromedi et Christophe-André Frassa. Nous ne faisions pas assez attention à notre communauté nationale. Je pense aux Français de l'étranger et aussi aux Ultramarins.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée de nombreux autres depuis plusieurs décennies. La voilà enfin à l'ordre du jour.

Soutenir les Français de l'étranger en cas de crise majeure est une nécessité. Joëlle Garriaud-Maylam et Olivier Cadic ont récemment défendu des textes similaires pour instituer un fonds de solidarité en faveur des Français de l'étranger.

Ce texte propose de créer un fonds d'urgence. Il s'agit de sortir de la logique assurantielle des fonds d'indemnisation et de choisir la voie du secours. La distinction n'est pas que rhétorique. Il faut aider les Français à faire face sans délai aux menaces.

Serait-ce une bizarrerie législative ? Non, car certains fonds existent déjà pour venir en aide aux Français les plus démunis qui font face à une crise majeure.

Cette proposition de loi reprend l'idée des fonds de secours pour l'outre-mer ou encore les secours d'extrême-urgence aux victimes de catastrophes naturelles, mobilisés lors du passage de l'ouragan Irma ou des inondations de l'Aude. Il faut aider tous nos compatriotes de la même façon.

La crise sanitaire, économique et sociale en témoigne : face aux difficultés des Français de l'étranger, le Gouvernement a mis en place un fonds de 240 millions d'euros, dont 50 millions d'euros d'aides d'urgence, calquées sur le dispositif d'aides annoncé le 15 avril pour les foyers les plus modestes en France.

Le fonds que cette proposition de loi propose de créer permettrait de déterminer une doctrine d'attribution d'aides d'urgence, mobilisées lorsque les circonstances le nécessitent. Il contribuerait à distinguer clairement les aides sociales existantes, qui dépendent des difficultés personnelles des Français de l'étranger concernés, et les aides d'urgence liées à une crise touchant l'ensemble d'un territoire.

Ce fonds n'a pas vocation à être souvent mobilisé, espérons-le. Ses crédits pourraient être ouverts en loi de finances initiale, pour partie. La LOLF prévoit une réserve de précaution, précisément pour ce genre de cas. On pourrait ajouter des crédits au fur et à mesure... Il faut adopter ce pas de sénateur romain, cette prudence qui ordonne : si vis pacem, para bellum. Armons notre pays face aux crises.

Les amendements suivent tous la même logique : faire place à la consultation des instances représentant les Français de l'étranger. Le Sénat défend la démocratie représentative. J'y suis également attaché. Mon avis sera plus celui d'un sénateur républicain que celui d'un membre de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cadic et Joël Guerriau applaudissent également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - C'est la deuxième fois en quelques semaines que nous nous réunissons sur un texte relatif aux Français de l'étranger.

Je remercie les auteurs de la proposition de loi, ainsi que les auteurs des propositions de loi précédentes. De nombreuses tentatives eurent lieu, et je rends hommage à vos prédécesseurs.

Le rapporteur fut romain avant que d'être sénateur (M. le rapporteur le confirme en s'amusant.) et est devenu un spécialiste des Français de l'étranger.

Cette proposition de loi instaure un mécanisme d'urgence pérenne, pour couvrir les crises sanitaires, les catastrophes naturelles ou les conflits. Il est fondé sur un principe de secours, expression naturelle de la solidarité nationale, plutôt que sur une logique assurantielle.

La crise sanitaire mondiale nous a rappelé combien la solidarité envers nos compatriotes vivant à l'étranger était un devoir, voire un réflexe. Je pense notamment à ceux de Wuhan, évacués en janvier.

Cette proposition de loi est l'occasion de porter un regard sur les réponses conjoncturelles mais aussi structurelles à la crise.

Le Sénat est la chambre du contrôle du Gouvernement, je vous apporterai quelques chiffres. Notre réponse immédiate a pris la forme d'un plan massif d'assistance, avec un volet sanitaire d'un montant de 20 millions d'euros permettant de suivre nos compatriotes dans 80 pays, pour assurer aide et conseil, mais aussi téléconsultations. Quelque 54 médecins ont été formés, 60 patients en bénéficient ; 4 tonnes de médicaments ont été acheminées pour toutes les pathologies. Quelque 79 postes ont été équipés de 11 générateurs et de 128 extracteurs d'oxygène. Un mécanisme d'évacuation sanitaire a été mis en place : à ce jour 18 évacuations sanitaires ont été organisées par le centre de crise et de soutien (CDCS).

Des moyens supplémentaires à hauteur de 50 millions d'euros ont été dégagés pour l'aide sociale.

L'aide à durée déterminée n'est pas assez mobilisée. À Madagascar, elle représente pourtant 168 euros par mois pendant six mois.

La préservation de notre réseau d'enseignement est aussi indispensable : le prochain projet de loi de finances rectificative prévoit 50 millions d'euros de subventions pour les établissements et 50 millions d'euros pour bonifier les bourses scolaires. Nous sommes fin juin et l'ensemble de l'enveloppe a déjà été consommé !

Pour ce qui est de la réponse à long terme, voilà quarante ans que la France apporte une aide substantielle à ses citoyens hors de France. Elle n'a pas à rougir de la comparaison avec les autres pays de l'OCDE. Pas moins de 17 millions d'euros sont consacrés chaque année à nos compatriotes de l'étranger. Près de deux cents d'entre eux ont besoin d'aide chaque année pour rentrer. Les 78 organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES), partenaires de l'État qui jouent un rôle précieux, bénéficient de subventions. Quelque 632 000 euros, soit 240 000 euros de plus que prévu, leur ont été versés. Les centres médico-sociaux, quant à eux, ont reçu 180 000 euros.

Ce système est sans doute perfectible. D'où cette proposition de loi que le Gouvernement regarde d'un oeil bienveillant. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Joël Guerriau et Jérôme Bascher, rapporteur, applaudissent également.)

M. Pierre Laurent .  - Cette proposition de loi a pris, avec la crise sanitaire, une dimension particulière. Les Français de l'étranger sont tributaires de moyens de protection sanitaire et sociale très inégaux selon l'endroit où ils se trouvent. Or l'État leur doit la même protection qu'aux autres citoyens, en particulier face à des périls exceptionnels.

Nous nous dirigeons vers une crise sanitaire longue, aux conséquences économiques et sociales imprévisibles. Nombre des 158 000 Français établis aux États-Unis peuvent craindre une situation inquiétante quant à leur accès aux soins, voire leurs moyens de subsistance. Même une zone développée peut devenir un territoire d'insécurité.

Le Gouvernement a déployé des efforts exceptionnels, notamment pour les Français de passage à l'étranger, qui ont été massivement rapatriés.

Cette proposition de loi complète utilement les dispositifs existants et nous en soutenons le principe.

Ce dispositif d'urgence ne doit pourtant pas amoindrir le renforcement des aides permanentes pour lutter contre ce que Ronan Le Gleut a appelé la paupérisation de notre présence à l'étranger. Le prochain projet de loi de finances rectificative prévoit 150 millions d'euros à cette fin. C'est un premier pas qu'il faut pérenniser.

Le dispositif ne doit pas complexifier l'accès aux aides mais les compléter et renforcer leur ciblage, tout en favorisant la mise à niveau des crédits de la mission budgétaire « Action extérieure de l'État ». Il est utile de préciser la place donnée aux conseillers consulaires dans les assemblées des Français de l'étranger.

Quant au champ d'application du fonds d'urgence, veillons à ne pas utiliser une définition trop vague des périls. On parle de crise sanitaire, de violences généralisées... Certes, les émeutes ont été écartées, mais si nous voulons que le fonds puisse fonctionner efficacement, il faut qu'il vise des situations précises.

Nous sommes favorables à cette proposition de loi qui doit s'inscrire dans un plan général de revalorisation de nos dispositifs de soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Jean-Yves Leconte applaudit aussi.)

M. Joël Guerriau .  - C'est dans le besoin qu'on reconnaît ses amis, dit la sagesse populaire. C'est aussi à cette aune que les Français jugent l'action publique. La crise a révélé un État fort et robuste qui a tenu bon malgré les difficultés. Aider nos concitoyens de l'étranger est aussi nécessaire que délicat, surtout en temps de crise. La puissance publique doit être une garantie sans faille, surtout quand le contexte international se tend.

Nombre de nos concitoyens ont pu compter sur un État réactif et agile. Le crédit en revient au Gouvernement et à notre réseau consulaire. Quand une crise survient, c'est à l'exécutif qu'échoit la responsabilité de répondre à l'urgence par l'action, dans le cadre défini par le Parlement. C'est pourquoi je salue l'initiative de M. Le Gleut.

La menace sanitaire n'a pas disparu, mais cette loi n'est pas de circonstances. La crise a joué un rôle de catalyseur dans le processus législatif.

M. le ministre a rappelé que les Français de l'étranger bénéficiaient de nombreux dispositifs d'aides sociales, directes ou indirectes, mais pas calibrés pour des situations exceptionnelles. D'où la nécessité d'un mécanisme général.

Le chiffre annoncé de 30 millions d'euros d'abondement annuel me semble raisonnable - la réserve de précaution pouvant exceptionnellement être mobilisée. Nous envisageons aussi un financement par une hausse de la taxe sur les nuisances sonores aériennes ou une majoration de 10 % des prix des passeports.

Sécuriser le dispositif au plan juridique suppose de bien définir les cas de figure où son usage sera déclenché. Notre groupe sera donc favorable aux amendements dans ce sens.

Le groupe Les Indépendants soutient cette proposition de loi qui clarifie l'emploi des ressources publiques et prend les devants face aux catastrophes à venir - notamment à cause du réchauffement climatique. (M. Jérôme Bascher, rapporteur, applaudit.)

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Christophe-André Frassa applaudit également.) Je félicite chaleureusement Ronan Le Gleut pour sa proposition de loi. Depuis des décennies, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) appelle de ses voeux un tel fonds. Qu'il s'agisse de la tentative de Christian Cointat ou de celle de Joëlle Garriaud-Maylam, qui cherchait à réaliser la promesse de Nicolas Sarkozy de 2007, les efforts sont restés vains. On leur a toujours opposé des motifs budgétaires.

Merci également au rapporteur Jérôme Bascher d'inciter à corriger ce manque.

Ne pas disposer d'un fonds pour aider nos compatriotes à l'étranger nous condamne à l'impuissance quand une catastrophe survient. Tannya Bricard, conseillère consulaire en Équateur, y a été confrontée après le séisme de 2016 qui a ravagé la ville de Manta dans laquelle elle vit.

Je m'y suis rendu l'an dernier. Tous nos compatriotes déploraient que la France ne leur offre aucune assistance pour faciliter le redémarrage de leurs activités.

Je pense à Martine, productrice de crevettes, dont les bassins qui s'étalaient sur dix hectares ont été dévastés ; à Thierry, capitaine de pêche thonier, qui m' a accueilli dans le restaurant de sa femme en me faisant observer que le restaurant péruvien situé à proximité avait reçu une aide du Pérou pour redémarrer ; à Christian, propriétaire d'un bar restaurant, qui ne savait plus où habiter après le séisme ; et à tant d'autres qui ont eu le sentiment de ne pouvoir compter que sur eux-mêmes et leurs proches...

Je pense également à Jean-Louis Maingy, conseiller consulaire au Liban et en Syrie, qui m'alertait en décembre 2019 sur l'impérieuse nécessité de venir en aide aux Français du Liban. La crise exceptionnelle traversée par ce pays a plongé 45 % de la population sous le seuil de pauvreté, dont de nombreux Français.

Le 17 mars, Jean-Louis Mainguy, qui est également vice-président de l'Union des Français de l'étranger, décidait d'écrire au Président de la République pour lui demander d'instaurer un « Fonds permanent de solidarité et d'entraide ».

En février dernier, tandis que j'étais en Égypte, la conseillère consulaire Régine Prato, présidente de la commission de la sécurité et de la protection des personnes et des biens à l'Assemblée des Français de l'étranger me rappelait combien ce fonds était une priorité.

Voilà pourquoi j'avais intégré la création d'un tel fonds à la proposition de loi que j'ai déposée en mars dernier. Il n'y a aucune raison que la solidarité nationale s'arrête à nos frontières. J'avais donc proposé que les Français expatriés bénéficient, eux aussi, du fonds de solidarité, créé par la loi d'urgence du 23 mars 2020. La décision du Gouvernement de consacrer 220 millions d'euros pour les entreprises de l'étranger a pleinement satisfait l'article premier de mon texte.

L'article 2 prévoyait un fonds d'urgence et de solidarité, permanent et pérenne, pour secourir nos compatriotes victimes de circonstances graves, à l'avenir. Je remercie les sénateurs qui s'étaient associés à ma démarche. Je me retrouve pleinement dans le texte de mon collègue Le Gleut.

J'ai proposé deux amendements de précision. L'article premier prévoit que les conseillers consulaires se prononcent sur les décisions d'attribution des aides. Cela va sans dire. Mais quand ? Est-ce avant l'attribution ou bien après, comme nous l'observons actuellement ?

Le Gouvernement sera aussi jugé sur sa capacité de répondre à cette urgence sociale que vivent nos compatriotes à l'étranger. Les postes diplomatiques doivent s'appuyer sur les conseillers consulaires pour construire les plans de soutien et organiser l'attribution des aides directes ou indirectes.

Le groupe centriste votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Jacky Deromedi et M. Damien Regnard applaudissent également.)

M. Rémi Féraud .  - Les Français de l'étranger font pleinement partie de la communauté nationale. Même loin des yeux, ils ne sont jamais loin du coeur. Le Covid-19 a révélé un manque dans nos outils de politiques publiques pour faire face à une situation exceptionnelle - cela dit sans remise en cause du travail admirable de nos réseaux consulaires.

Pour pallier ce manque relevé depuis longtemps, ce texte prévoit un mécanisme d'urgence. Aucun fonds spécifique n'existe à cet effet et il faudra ouvrir des crédits dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Cette initiative montre la volonté de la France de soutenir ses ressortissants partout où ils se trouvent.

Les sénateurs des Français de l'étranger nous alertent régulièrement sur les faibles moyens consulaires et diplomatiques.

Il y a quelques semaines, nous avons voté la proposition de loi du président Retailleau. Le sujet n'est pas épuisé.

La crise sanitaire que nous traversons, bien loin d'être terminée, montre combien cette proposition de loi est légitime. Le Gouvernement a dégagé des moyens exceptionnels : 50 millions d'euros d'aides aux familles par le plan de soutien, autant pour les Français les plus démunis ne recevant pas d'aides du Gouvernement du pays d'accueil, 20 millions d'euros pour suivre et conseiller médicalement ces Français, 20 millions d'euros déjà mobilisés pour rapatrier nos compatriotes, soit au total 140 millions d'euros qui n'étaient pas inscrits en loi de finances initiale.

Cette proposition de loi a un défaut : nous ne connaissons pas son coût. Nous avions déjà dénoncé l'absence de budget dans la proposition de loi du groupe Les Républicains. Nous approuvons la création d'un fonds d'urgence, hors de la logique assurantielle.

Si son devenir reste aléatoire, cette proposition de loi a le mérite d'inviter le Gouvernement à pérenniser des réponses qui ont été trouvées en urgence.

Le groupe socialiste et républicain approuvera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi répond à une préoccupation pas tout à fait nouvelle que la crise du Covid-19 a remise en lumière : l'aide d'urgence aux Français de l'étranger.

L'action de l'État peut se diluer avec la distance. Bien que les expatriés disposent de droits et d'institutions à leur service, l'isolement et l'éloignement du pays d'origine ne facilitent pas l'assistance en cas de crise.

Si la situation de confinement a été une épreuve pour nous tous, elle a été parfois plus violente dans certains pays, où nos concitoyens ont été confrontés à des situations particulières : fermeture des frontières et d'espaces aériens qui a coupé les relations familiales, dégradation de la situation économique qui a plongé des foyers français dans la détresse, difficultés à payer les frais de scolarité élevés ou bien encore les frais médicaux.

Dans l'urgence, le Gouvernement a mis sur pied un plan de soutien de 50 millions d'euros engagés au sein du programme budgétaire consacré aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires. La revalorisation de l'enveloppe des aides à la scolarité, a permis d'assurer la continuité pédagogique pour des milliers d'élèves.

Il apparaît clairement nécessaire de créer un fonds suffisamment abondé et réactif pour éviter un secours désordonné ou trop tardif.

Les 2,5 millions de Français de l'étranger ne sont pas tous de riches expatriés ou des exilés fiscaux. Ce sont aussi des gens modestes, des retraités aux petites pensions dont la situation peut vite se dégrader.

S'il existe des aides ponctuelles pour les personnes socialement ou économiquement fragilisées, elles restent insuffisantes en cas de grave crise, catastrophe naturelle, guerre ou révolution.

Le RDSE est favorable à cette proposition de loi.

La commission des finances a apporté quelques correctifs à la marge, que j'approuve, comme la suppression de la subrogation pour l'État dans les droits de tout bénéficiaire. Toute action récursoire à l'encontre d'un État ou personne privée de droit étranger serait vaine, à moins d'un accord bilatéral.

La précision sur la condition de ressources devrait être gravée dans le marbre de la loi. Demeure une inconnue : quel sera le financement, à quel niveau ?

Cette proposition de loi contribue au soutien global que nous devons apporter à la communauté des expatriés qui aident au rayonnement de la France à travers le monde. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains)

M. Christophe-André Frassa.  - Très bien !

M. Richard Yung .  - Quel plaisir de venir au Sénat ! On y parle, presque chaque semaine, des Français de l'étranger... Pendant longtemps, on n'en parlait pas.

Merci à Ronan Le Gleut pour sa proposition de loi qui permet de témoigner de notre solidarité à l'égard de nos compatriotes établis hors de France qui sont nombreux à subir de plein fouet la pandémie et ses conséquences.

Merci au Gouvernement pour son soutien : le troisième projet de loi de finances rectificative ira dans le bon sens. Le redéploiement des crédits à destination des OLES est bienvenu.

Deux mois, jour pour jour, après la présentation du dispositif de soutien, cette proposition de loi prévoit un fonds d'urgence alimenté par le budget de l'État, basé sur un fondement législatif. L'idée d'un tel fonds de soutien ne date pas d'hier. Le plus souvent, on tentait de tirer les conséquences d'évènements tragiques, comme en Côte d'Ivoire ou au Liban. Je me souviens encore du rapatriement de 8 000 Français de Beyrouth... Les mécanismes d'indemnisation prévus reposaient soient sur la solidarité nationale, soit sur l'assurance.

Pendant la campagne pour l'élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait proposé un fonds d'assurance d'indemnisation pour les Français spoliés mais cette proposition n'avait pas été suivie d'effet.

Dans ma proposition de loi sur l'indemnisation des dommages à l'étranger, j'avais moi-même proposé un système conjuguant solidarité nationale pour l'indemnisation des dommages corporels et assurance pour les dommages matériels. Je proposais ainsi d'augmenter de 0,01 % les primes d'assurance pour le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme. Mais les menaces sanitaires graves n'étaient pas couvertes, car nous n'en avions pas conscience à l'époque.

La crise actuelle montre le besoin de subvenir aux besoins de première nécessité. Le mécanisme proposé dans la proposition de loi relève du bon sens.

Subordonner l'accès au fonds à l'inscription au registre du consulat inciterait nos concitoyens à s'enregistrer.

Pour pouvoir activer rapidement le fonds, il faut le doter d'au moins 30 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de plus que le fonds de secours pour l'outre-mer. Plaçons cette réflexion dans le cadre européen dont le fonds de solidarité pourrait être élargi.

Le groupe LaREM votera la proposition de loi.

Mme Jacky Deromedi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Sénat est bien la maison des Français de l'étranger. Nous l'avons vu le 19 mai lors de l'adoption de la proposition de loi de Bruno Retailleau dont j'étais rapporteur. Mais il fallait aller plus loin pour que nos concitoyens de l'étranger soient des Français à part entière et non des citoyens de seconde zone.

Les sénateurs des Français de l'étranger ont toujours répondu présents pour soutenir nos compatriotes expatriés pendant les crises, en lien avec les différents acteurs de terrain dont les conseillers consulaires.

Dans notre monde très agité, nous essayons depuis longtemps de trouver une solution immédiatement mobilisable.

Toutes les situations sont visées. Jusqu'à présent, la seule aide accessible aux Français de l'étranger est le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme. Tous les autres fonds leur sont refusés. Il est donc urgent de prévoir un mécanisme qui leur soit dédié spécifiquement.

Les Français de l'étranger ne souhaitent qu'une chose : ne jamais avoir à tendre la main. Mais il peut arriver qu'on s'effondre. Aidons-les à passer la vague pour pouvoir se relever et reprendre courageusement leur parcours.

Je me réjouis de l'amendement du rapporteur reprenant celui que j'avais déposé sur les conseils consulaires, adopté par la commission des finances, qui prévoit leur consultation pour l'octroi des aides.

Tous ensemble, redisons à nos compatriotes qui vivent loin de nous que nous ne les abandonnerons pas. Ils aiment la France où ils ont leurs racines et sont nos dignes représentants aux quatre coins du monde et font connaître notre langue, notre culture et nos produits.

Tous ensemble, nous sommes la France dans sa plus belle diversité, mais rassemblés et unis sous le même drapeau. Je voterai cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe-André Frassa .  - « Oh ! Combien de Lorrains, combien d'Aquitaine, qui sont partis joyeux pour des contrées lointaines, dont les rêves d'un coup se sont évanouis, combien ont tout perdu, dure et triste fortune ».

Victor Hugo me pardonnerait, je l'espère, de détourner ainsi « Oceano Nox ». Il comprendrait peut-être, lui qui vécut l'exil, mon désir de rendre hommage à tous ces femmes et hommes qui vivent loin de leur mère patrie tout en y restant profondément attachés.

Cassons l'image totalement fausse du Français de l'étranger exilé fiscal, image complaisamment entretenu dans les bureaux feutrés de certains ministères... pas le vôtre, monsieur le ministre. Sur les 3,5 millions de Français établis hors de France, combien sont des exilés fiscaux ? Quelques centaines, quelques milliers tout au plus.

De l'enseignant au restaurateur, du serveur au responsable d'ONG, du cadre au retraité, ils sont la France et la font rayonner dans le monde. Ils peuvent subir les tragédies de plein fouet mais contrairement aux Français de France, ils n'ont aucune aide. Du jour au lendemain, ils peuvent se retrouver dans la détresse la plus absolue. Nous voulons donc trouver un mécanisme permanent pour répondre aux urgences.

Cette proposition de loi du 10 février s'inscrit dans une longue liste d'initiatives. Des propositions de loi de 1990 et 1998 prévoyaient déjà un fonds de solidarité. Mme Garriaud-Maylam a également déposé un texte en ce sens en 2008, puis le 30 mars dernier. M. Cadic en a aussi déposé une. La mobilisation est donc générale, sans rivalité ni égo.

M. Ronan Le Gleut est le premier à avoir compris l'étendue du désastre cette année. Sa proposition de loi s'inspire du fonds d'urgence pour l'outre-mer et met en place une aide à nos compatriotes de l'étranger qui, je le rappelle, sont des contribuables et participent à la solidarité nationale.

Je remercie M. Jérôme Bascher pour son travail de remodelage et M. Bruno Retailleau pour avoir inscrit la proposition de loi dans notre temps réservé.

Si ce fonds avait déjà existé, nous aurions gagné du temps au cours de la crise actuelle. Pensons à l'avenir : d'autres problèmes ne manqueront hélas pas de survenir.

Après avoir voté la proposition de loi de M. Bruno Retailleau, adoptons celle-ci.

Le fonds prévu ne coûtera pas des sommes astronomiques, il ne s'agit pas d'un « quoi qu'il en coûte ». Il conviendra de prévoir des crédits raisonnables.

Tant d'aides sont prévues en France. Étendons-les à nos compatriotes de l'étranger qui les méritent tout autant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Les Français établis hors de France, dont nous parlons beaucoup en ce moment, ont de profils aussi différents que les Français de France. Difficile de cocher des cases. Par-delà la caricature, ils disent tous quelque chose de la France.

Partis trop longtemps ou nés à l'étranger, ils sont victimes d'un choc quand ils sont assimilés à l'autre, à l'étranger. Mal connus, la stigmatisation dont ils sont victimes relève d'une méconnaissance de cette communauté hétérogène.

Beaucoup de Français vivant à l'étranger refusent le terme d'expatrié auquel beaucoup de privilèges sont attachés. (M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre, le confirme.)

L'envie de se déplacer a toujours existé et nous a fait découvrir le monde entier, jusqu'à l'espace. Plus de 3,5 millions de Français vivent à l'étranger, ce qui démontre que la France est une Nation ouverte et appréciée.

Où qu'ils soient, ils sont toujours des Français à part entière. Représentant 5 % de la population nationale, ils ont droit à une représentation démocratique au Parlement et localement. C'était tout le sens de la loi du 7 juin 1982, chère à Claude Cheysson. Ce fut aussi le sens de la réforme que j'ai voulue pour plus de proximité et de vitalité démocratique en 2013. Représentés par les 443 conseillers consulaires depuis mai 2014, les Français bénéficient désormais d'une écoute plus grande. La crise actuelle démontre combien leurs élus locaux sont précieux pour relayer leurs problèmes.

La proposition de loi complète les aides de l'État, restreintes à l'éducation et au social.

Les crises sont nombreuses. Elles précarisent nos compatriotes, notamment nos entrepreneurs implantés de longue date dans leur pays d'accueil. Travailleurs indépendants, ces Français sont très résilients mais ne bénéficient souvent d'aucune aide.

Je salue la proposition de loi de M. Ronan Le Gleut, qui tombe à point. Nous ne sommes pas habitués à avoir des crédits supplémentaires du ministère des Affaires étrangères.

Il faudra pérenniser l'aide exceptionnelle actuelle grâce au fonds prévu. La France a du mal à valoriser son implantation planétaire hors du commun : elle doit mieux accompagner ses compatriotes et faire preuve de solidarité.

Le groupe socialiste et républicain soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Jacky Deromedi applaudit également.)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Étant la dernière intervenante avec le plus petit temps de parole...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Last but not least !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - ... je partage tout ce qui a été dit. Je remercie le ministre des Affaires étrangères pour son action inlassable en faveur des Français de l'étranger durant cette crise.

Mais je regrette que mon amendement ait été refusé par la commission des finances au titre de l'article 40 de la Constitution.

Bien évidemment, je voterai cette proposition de loi puisque c'est une idée que je porte depuis très longtemps. Nous avions proposé cette idée au président Sarkozy en 2007 et j'avais déposé une proposition de loi cosignée par tous les sénateurs de l'UMP en 2008.

Je n'ai cependant pas cosigné ce texte car soucieuse de vérité, je regrette certaines informations erronées dans l'exposé des motifs. Non, toutes les propositions de loi déposées depuis deux décennies n'ont pas proposé la création de fonds dans une logique assurantielle. Notre texte de 2008 a été cosigné par tous les sénateurs UMP, que j'ai repris dans une proposition de loi en 2016 après la crise en Équateur pour laquelle j'avais mobilisé ma réserve parlementaire.

J'avais, par honnêteté intellectuelle, rappelé dans mon exposé des motifs le travail de mes collègues dans les années 1980 pour mettre en place une assurance indemnisation spécifique.

Si la proposition de M. Richard Yung et Mme Monique Cerisier ben Guiga répondait bien à une logique assurantielle, cela n'a jamais été le cas de nos textes. Notre proposition de loi de 2016 devait être alimentée par des fonds de l'État. En 2017, quand M. Ronan Le Gleut était candidat de l'UDI contre moi, il avait repris cette proposition de loi dans ses promesses électorales. Comparez !

Deuxième différence essentielle : le terme fonds d'urgence a remplacé le terme de fonds de solidarité.

Comme l'a dit une collègue de la commission des finances, ces deux propositions de loi sont les mêmes raviolis, seule l'étiquette change. Le financement est certes différent.

Je remercie le président Retailleau d'avoir inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour, mais je regrette que les autres propositions de loi n'aient pas été examinées en même temps, comme c'est l'usage.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci pour ce moment !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Claudine Lepage .  - « Vous êtes les ambassadeurs de la France. » C'est en ces termes que les Présidents de la République et les ministres des Affaires étrangères saluent les Français établis hors de France lorsqu'ils les rencontrent. Cela montre l'importance de ces Français pour le rayonnement de notre pays.

Mais si une crise politique ou sanitaire grave survient, rien n'est prévu pour les aider.

L'AFE avait en son temps travaillé sur l'idée d'un fonds de solidarité. La piste assurantielle s'est révélée trop onéreuse et les Gouvernements successifs n'ont pas voulu d'un fonds garanti par l'État.

La proposition de loi de Ronan Le Gleut va dans le bon sens. La création d'un fonds d'urgence permettra de réagir rapidement pour faire face à la précarité de nos compatriotes.

M. Guillaume Chevrollier .  - La place d'un pays sur la scène internationale est liée à sa capacité d'exploiter et de valoriser les atouts dont il dispose.

La France rayonne à l'international grâce à un magnifique réseau. Pour le général de Gaulle, c'était l'expression même de la Nation sur la scène internationale. Il est donc essentiel de consolider le réseau des Français de l'étranger.

D'autres grandes puissances savent très bien soutenir leur diaspora pour développer leur influence. Faisons de même.

Je soutiens la proposition de loi Le Gleut qui crée un fonds d'urgence des Français de l'étranger en cas de crise politique ou sanitaire. Le contexte de pandémie renforce cette idée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mme Billon, MM. Canevet, Cigolotti, del Picchia, Delahaye et Détraigne, Mmes Férat et Guidez, MM. Lafon, Louault, Moga et Regnard, Mmes Saint-Pé, Sollogoub et Garriaud-Maylam, M. Cazabonne et Mme de la Provôté.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

sur les décisions

par les mots :

préalablement à toute décision

M. Olivier Cadic.  - Mon amendement prévoit que les conseillers consulaires sont consultés avant l'attribution des aides. Notre collègue député Frédéric Petit s'est adressé au ministre Le Drian, s'étonnant que les élus consulaires ne soient pas consultés lors de l'attribution des aides sociale d'urgence, leur rôle se réduisant à faire connaître le dispositif.

C'est le fonctionnement de la répartition de l'aide sociale qui est en cause. Les élus ne sont pas des spectateurs : ils doivent donner leur avis avant que l'aide soit attribuée.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°5 rectifié à l'amendement n°2 rectifié de M. Cadic, présenté par M. Frassa.

Amendement n° 2, alinéa 5, au début

Insérer les mots :

, dans un délai de huit jours francs,

M. Christophe-André Frassa.  - Je soutiens la démarche d'Olivier Cadic. Mon sous-amendement encadre cette consultation préalable des conseils consulaires.

Comme le disait un brillant prédécesseur de M. Le Drian, M. de Talleyrand, « si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant » et j'ajouterai « et encore mieux en l'écrivant ».

Les conseils consulaires doivent se prononcer dans un délai de huit jours francs.

M. Jérôme Bascher, rapporteur.  - Avis favorable au sous-amendement et à l'amendement. Il s'agit bien d'un avis et non d'une décision ou d'une exécution. Respectons bien les rôles de chacun.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°2 rectifié bis, sagesse au sous-amendement n°5 rectifié. L'association des élus est nécessaire, bien sûr.

Il faut cependant concilier la nécessité de consulter avec celle de ne pas retarder les décisions, au fur et à mesure que les cas se présentent. La capacité à réunir chaque semaine ces conseils peut poser problème. Avis favorable sur le principe, mais attention à l'exécution.

M. Christophe-André Frassa.  - Nous avons montré pendant la crise sanitaire que la visioconférence permettait de se passer de réunions physiques. Prévoyons un délai pour que cette consultation ne traîne pas

Le sous-amendement n°5 rectifié est adopté.

L'amendement n°2 rectifié, sous-amendé, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mme Billon, MM. Canevet, Cigolotti, del Picchia, Delahaye et Détraigne, Mmes Férat et Guidez, MM. Lafon, Louault, Moga et Regnard, Mmes Saint-Pé, Sollogoub et Garriaud-Maylam, M. Cazabonne et Mme de la Provôté.

Alinéa 4, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

après consultation de l'Assemblée des Français de l'étranger

M. Olivier Cadic.  - Mon amendement complète l'article premier en prévoyant la consultation de l'AFE avant la publication du décret en Conseil d'État. Il serait dommage de les consulter après.

Conformément à la loi du 22 juillet 2013, l'AFE a vocation à être consultée sur les modalités d'application des aides d'urgence aux Français résidant hors de France, avant qu'elles ne soient fixées par décret.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°6 à l'amendement n°3 rectifié de M. Cadic, présenté par M. Frassa.

Amendement n°3, alinéa 3

Après le mot :

consultation

insérer les mots :

, dans un délai de quinze jours,

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Toujours dans un souci de ne pas perdre de temps, je propose un délai de quinze jours pour consulter l'AFE.

M. Jérôme Bascher, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement et au sous-amendement. Huit jours, c'était pour donner rapidement un avis sur les aides ; ici il s'agit de quinze jours pour donner un avis sur un décret, cela me semble suffisant.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement et au sous-amendement.

Si je voulais être taquin, pourquoi ne pas consulter l'AFE lorsqu'une proposition de loi arrive dans l'hémicycle ? (Sourires)

M. Jean-Yves Leconte.  - L'amendement d'Olivier Cadic va dans le bon sens. Par contre, prévoir un délai très court pour consulter l'AFE me semble plus compliqué. Privilégions surtout les réunions plénières de l'AFE, et non une simple consultation du bureau de cette assemblée. Ne confondons pas vitesse et précipitation.

M. Christophe-André Frassa.  - L'AFE s'est dotée, dans son règlement, d'outils permettant de se réunir entre les sessions pour donner son avis. Pourquoi mettre un terme à cette pratique qui a bien marché ? Les avis motivés de l'AFE figurent déjà sur son site. Utilisons ces outils ! Il n'y a que deux sessions plénières par an ; cela nous ferait prendre du retard.

Monsieur le ministre, nous avons déjà un avis de l'AFE puisque nous auditionnons ses membres lorsque nous préparons des propositions de loi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas la même chose...

M. Christophe-André Frassa.  - Mais je retiens votre suggestion.

Le sous-amendement n°6 est adopté.

L'amendement n°3 rectifié bis, sous-amendé, est adopté.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cette proposition de loi nous permet de débattre. N'attendons pas que nos compatriotes soient à terre pour les aider. Or les conditions dans lesquelles vous mettez en place les aides sociales sont particulièrement restrictives et faibles.

Un Français ayant un petit restaurant ne va pas survivre avec 150 euros par mois ! Et surtout, s'il est éligible à l'aide locale, il ne peut l'être à l'aide française.

Une famille vivant à Madagascar, qui pouvait bénéficier d'un rapatriement sanitaire car il y a eu confinement, n'est plus éligible car elle l'est à l'aide de 25 euros du gouvernement malgache. Les 50 millions d'euros ne seront pas dépensés avec de telles conditions ! Supprimez la disposition conditionnant l'éligibilité à l'absence d'aide du pays d'accueil. Si celle-ci n'est que de 20 euros par mois pour toute la famille, cela n'est pas possible !

Nous avons demandé que les entreprises puissent bénéficier des garanties bancaires. Lorsqu'elles engendrent plus de quatre emplois en France, c'est bon pour les Français et notre économie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Je suis sensible à cette argumentation. C'est pourquoi j'ai tenu à mettre les chiffres sur la table. La montée en puissance du dispositif est très progressive. 2 700 bénéficiaires rapportés à l'ensemble des Français établis hors de France, c'est peu...

La commission des finances est en contact régulier avec Bercy. Instruit de ce retour d'expérience, je suis plutôt favorable à un assouplissement de certains critères pour prendre en compte plus de situations. C'est le bon sens. Tous les combats doivent être menés, menons-les ensemble !

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les conseils consulaires sont consultés avant toute décision relative au versement d'une subvention de l'État versée à un organisme local d'entraide et de solidarité ou à un centre médico-social particulièrement en période de crise sanitaire, de catastrophe naturelle ou de crise politique grave. L'avis du conseil consulaire porte sur le montant et l'usage de la subvention.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement prévoit plus de concertation avec les conseils consulaires : lorsque ces conseils se réunissent en formation « action sociale », ils peuvent verser des aides aux personnes de plus de 65 ans, aux adultes ou aux enfants handicapés ou en détresse.

Les subventions peuvent également être versées à des organismes locaux d'entraide et de solidarité qui ne sont pas autant contrôlées que les aides aux personnes, puisqu'elles sont débloquées de façon discrétionnaire par l'administration sans que le conseil permanent pour l'action sociale puisse se prononcer.

Cet amendement y remédie en prévoyant expressément un avis du conseil consulaire avant tout versement.

M. Jérôme Bascher, rapporteur.  - Cet amendement m'a embarrassé, eu égard à l'article 45 de la Constitution et au lien avec la proposition de loi.

Vous avez bénéficié de la bienveillance du Bureau du Sénat. C'est ce qui explique la sagesse de la commission, qui est pourtant favorable à la consultation.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Sagesse bienveillante car nous nous inscrivons déjà dans cette philosophie.

Nous demandons déjà l'avis des conseillers consulaires sur les subventions aux 78 OLES. Mais il n'est pas forcément suivi.

J'enverrai à l'ensemble des parlementaires représentant les Français établis hors de France, l'ensemble des demandes de subventions pour 2020.

M. Ronan Le Gleut.  - Cet amendement va tout à fait dans le sens de la vocation de ces élus au suffrage universel direct que sont les conseillers consulaires.

L'amendement n°1 est adopté, et devient un article additionnel.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié quater, présenté par MM. Guerriau, Frassa, Laufoaulu, del Picchia, Decool, Bignon, Chasseing, A. Marc, Capus, Lagourgue et Menonville.

Rédiger ainsi cet article :

Les conséquences financières résultant pour l'État de l'article 1er sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 1609 quatervicies A.

M. Joël Guerriau.  - Cet amendement finance le fonds d'urgence par une augmentation de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, en lieu et place du gage habituel sur les alcools et tabacs.

Les différentes taxes sur l'aviation sont de vraies pistes. (Sourires) Nous avons été écologistes avant les élections municipales. Cette taxe est intéressante, notamment car elle porte sur tous les avions, quelle que soit leur nationalité. Une hausse de 10 % des droits à percevoir pour les passeports était malheureusement irrecevable car contraire à l'article 40 de la Constitution. Nous nous limitons donc à la hausse de la taxe sur les nuisances sonores aériennes.

M. Jérôme Bascher, rapporteur.  - Je ne voudrais pas qu'on me soupçonne de laxisme budgétaire. C'est pourquoi je propose d'abonder année après année le fonds qui pourrait aussi bénéficier de la réserve de précaution. Il n'a donc pas besoin d'un gage très élevé.

Je reste perplexe face à votre proposition, qui me semble un mauvais signal envoyé à nos aéroports et à nos compagnies aériennes, qui sont en grande difficulté. Sagesse dubitative dès lors ; sinon, avis défavorable...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Je rejoins le rapporteur dans son avis de sagesse dubitative. De plus, il faudrait toucher au mécanisme de la taxe pour la rendre opérationnelle. Le recours à un gage plus traditionnel serait plus opérant.

M. Christophe-André Frassa.  - Nous cherchions à échapper au sempiternel gage sur les droits sur les alcools et les tabacs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - ... dont vous êtes amateur !

M. Christophe-André Frassa.  - Je suis en effet amateur de cigares. Nous aurions préféré une taxe sur les passeports, car les Français qui partent en voyage sont ceux qu'il faut rapatrier en cas de catastrophe - mais nous nous sommes heurtés à l'article 40. La meilleure solution serait que vous leviez le gage, monsieur le ministre, ou que vous déposiez un amendement pour créer une taxe sur les passeports.

Nous souhaitions avant tout avoir le débat, pour cheminer ensemble vers une solution pérenne. Je laisse Joël Guerriau décider du sort de notre amendement.

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce ne serait pas la première fois que les parlementaires proposent de gager une mesure en faisant payer les fumeurs ! Ne plus le faire serait...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - ... un précédent !

M. Jean-Yves Leconte.  - Cela serait interprété comme un signe. Il ne paraît pas opportun, en cette période, de prévoir une taxe affectée sur le transport aérien. Restons-en au gage classique.

M. Richard Yung.  - Je ne sais pas ce qu'est un avis de sagesse dubitatif... Cela dit, le transport aérien étant dans une situation difficile, et déjà soumis à différentes taxes, je ne suis pas favorable à cette taxe supplémentaire. Restons-en au gage tabac, qui au moins a une dimension morale.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je considère moi aussi qu'une taxe sur le transport aérien n'est pas opportune. Dans mes propositions de lois de 2008 et 2016, j'avais proposé un financement par une taxe sur les passeports, mais aussi par les successions en déshérence.

M. Jean-Claude Requier.  - Alors qu'on essaie de faire repartir le trafic aérien régional vers Aurillac ou Brive, ne portons pas un coup aux lignes aériennes dont nous avons tant besoin. Aurillac-Paris, c'est 7 h en train, contre 1 h 10 en avion... Pourquoi pas une taxe sur les passeports, en effet. Si l'on multiplie les gages tabac, le paquet finira par dépasser les 200 euros ! (Sourires)

M. Joël Guerriau.  - Nous souhaitions élargir le spectre pour que le financement ne soit pas strictement national. Le taux que nous proposons ne va pas mettre les compagnies aériennes en difficulté : au regard du trafic, il est dérisoire !

M. Jean-Pierre Grand.  - Il est presque nul aujourd'hui !

M. Joël Guerriau.  - Le sujet ne serait pas d'actualité ? Mais les Français viennent d'exprimer dans les urnes leur préoccupation pour l'environnement. Une taxation du transport aérien n'a rien de choquant dans ce contexte.

Pour autant, le débat a eu lieu, nous retirons l'amendement, pour ne pas polluer un vote unanime. (Mme Jacky Deromedi applaudit.)

L'amendement n°4 rectifié quater est retiré.

M. Jérôme Bascher, rapporteur.  - Merci à M. Guerriau d'avoir suscité le débat. Le sujet du gage est récurrent, mais la discussion relève de la loi organique, et même de la Constitution. Nous devons retrouver la plénitude de notre droit d'amendement - souvenons-nous que la raison d'être du Parlement est de voter l'impôt ! Merci cependant à M. Guerriau d'avoir retiré son amendement.

L'article 2 est adopté.

Explications de vote

M. Jean-Yves Leconte .  - Merci à M. Ronan Le Gleut et à tous pour ce débat utile, qui aura permis de préciser l'évolution du plan d'urgence actuel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dévoiler quelques éléments du rapport sur la fiscalité ? Que prévoit le Gouvernement en matière de retenue à la source ? Sera-t-elle libératoire ou non ?

Mme la présidente.  - Ce n'est pas une explication de vote. (Sourires)

M. Pierre Laurent .  - Nous soutiendrons cette proposition de loi. J'ai été sensible à la conviction d'Olivier Cadic, de Christophe-André Frassa, de Jean-Yves Leconte, en faveur de la consultation préalable des principaux intéressés sur l'utilisation du fonds d'urgence.

Nous débloquons des sommes considérables pour faire face à la crise. J'espère que l'idée d'une consultation préalable des premiers concernés - les salariés des entreprises par exemple - bénéficiera du même soutien ! (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Le Gleut .  - C'est avec émotion que je vote ce texte, dont l'idée a traversé les décennies. Comme le disait le général de Gaulle, la France ne peut être la France sans la grandeur. Ce message universel est porté par les Français de l'étranger, qu'il s'agisse de notre commerce extérieur, de la défense de notre langue, de notre diplomatie...

M. Jérôme Bascher, rapporteur .  - Merci pour votre intérêt partagé sur un sujet que l'on pourrait penser réservé aux sénateurs des Français de l'étranger. Pour ma part, je ne connais que la communauté nationale !

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - Belle unanimité ! (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.