Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 28 questions orales.

Utilisation du cuivre dans les zones de non-traitement

Mme Anne-Catherine Loisier .  - L'arrêté du 27 décembre 2019 prescrit le respect d'une distance de sécurité de dix mètres à partir des limites de propriété des riverains pour l'usage de la majorité des produits phytosanitaires aujourd'hui utilisés pour lutter contre les maladies cryptogamiques de la vigne et de l'arboriculture.

Cela va rendre impossible la lutte contre le mildiou, l'une des principales maladies cryptogamiques de la vigne très présente en zone septentrionale. L'absence de traitement contre cette maladie récurrente entraînera des pertes de récolte importantes. Plus de mille hectares seraient concernés en Bourgogne. Alors que la viticulture a déjà été mise à mal par les taxes Trump, le confinement et la chute de la consommation, cela pourrait entraîner de nombreux arrachages ; les terres viticoles seraient transformées en friches et, à terme, urbanisées.

Afin de sortir de cette impasse, certains viticulteurs proposent que soit autorisée l'utilisation du cuivre, produit homologué en agriculture biologique, jusqu'à la limite de propriété des riverains, pour une période transitoire de quatre ans, soit jusqu'au 31 décembre 2023 - le temps pour la recherche de trouver des alternatives au cuivre en produits de biocontrôle. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - L'évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques intègre les distances de sécurité, conformément à la réglementation européenne et à la loi. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) doit préciser ces distances lors de l'autorisation de mise sur le marché (AMM).

L'arrêté du 27 décembre 2019 fixe une distance réglementaire pour tous les produits n'en comportant pas dans leur AMM, conformément à la décision du Conseil d'État et aux recommandations de l'Anses. Les produits de biocontrôle et les substances de base sont exemptés. Les produits à base de cuivre autorisés en agriculture biologique peuvent ainsi être utilisés sans distance de sécurité réglementaire.

L'approbation européenne du cuivre a été renouvelée en décembre 2018 ; les AMM doivent être réexaminées par l'Anses, selon les nouvelles conditions fixées par la Commission européenne. Cet exercice devrait s'achever en 2021. Nous n'avons pas de visibilité sur ce que seront les conclusions de l'Anses, qui est une autorité indépendante.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Les viticulteurs sont de bonne volonté. Il faut les accompagner, en tenant compte de l'absence d'alternatives. Toutes les vignes ne se ressemblent pas en France. En Bourgogne, les rangs sont beaucoup plus serrés, la densité supérieure et les pieds plus bas. La pulvérisation ne peut pas être la même et la règlementation est inadaptée.

Enseignement de la chasse dans les lycées agricoles

Mme Laurence Rossignol .  - Voici une question que vous découvrez sans doute, monsieur le ministre.

Plusieurs lycées agricoles privés se sont dotés d'une option chasse. Pourquoi pas, s'il s'agit d'un vrai enseignement de la biodiversité qui rencontre la demande citoyenne sur différentes pratiques. S'il s'agit d'apprendre à tuer le gibier après des lâchers, ce n'est pas très intéressant. Vous connaissez la problématique des sangliers : les chasseurs font valoir qu'ils pullulent, mais chacun sait qu'ils ont eux-mêmes contribué à leur prolifération...

La chasse n'est pas anodine, c'est une activité violente. Votre ministère a-t-il l'intention de s'intéresser au contenu de ces enseignements ? Veillerez-vous à en exclure les chasses dites traditionnelles, chasse à courre ou à la glu, aujourd'hui jugées inutilement brutales et contraires à la loi sur la sensibilité animale ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Mon ministère ne propose aucune option chasse. Il existe en revanche un certificat de technicien cynégétique, qui vise à former des spécialistes capables de gérer des populations de gibiers et des habitats d'espèces sauvages.

Certains établissements proposent néanmoins un enseignement optionnel dit de pratique professionnelle, utile à la profession agricole pour appréhender au mieux les dégâts faunistiques.

Une autonomie est laissée aux équipes enseignantes sur le contenu de l'enseignement, qui est instruit par l'autorité académique.

Les objectifs de l'enseignement facultatif « pratique professionnelle cynégétique » sont le suivi des populations, la participation à une gestion durable des milieux, la création de partenariats avec les acteurs des territoires. Il ne s'agit en aucun cas de développer les pratiques que vous évoquez.

La direction générale de l'enseignement supérieur et de la recherche va inclure dans la note de service du 18 juin 2019 sur les enseignements facultatifs des préconisations pour les pratiques professionnelles en lien avec le bien-être animal. Des consignes de vigilance seront adressées aux services en région pour la validation des enseignements optionnels.

Mme Laurence Rossignol.  - Merci. Je vois que votre ministère a été saisi. Il se dit que, dans la journée, un secrétariat d'État au bien-être animal pourrait être créé. Voilà un beau thème de travail ! Il faut faire évoluer le rapport à la chasse et les relations entre usagers de la nature.

Lutte contre les déserts médicaux en Seine-Maritime

Mme Céline Brulin .  - En Seine-Maritime, la désertification médicale galope, au point que nos concitoyens renoncent à certains soins. Le Gouvernement a annoncé la fin du numerus clausus, c'est bien. Mais sur le terrain, rien ne change : aucune place supplémentaire à la faculté de Rouen en 2020, trois seulement en 2021.

On annonce le recrutement de 400 médecins salariés. Combien sont prévus pour la Seine-Maritime ? Qui décidera de leur installation ?

Les maires ont du mal à faire reconnaître la certification des médecins à diplômes étrangers auxquels ils font appel. Le décret qui vient d'être publié, après des mois d'attente, ne rassure pas.

L'Agence régionale de santé (ARS) doit apporter un soutien sur mesure aux élus qui veulent attirer des médecins et les hôpitaux de proximité, essentiels pour l'accès aux soins, doivent être confortés.

Pouvez-vous nous rassurer sur l'avenir du devenir du centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine qui craint une absorption par le groupe hospitalier du Havre ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Élue d'une circonscription rurale, je partage vos inquiétudes sur la désertification médicale. Le numerus clausus sera supprimé à la rentrée 2020.

En Normandie, région particulièrement touchée, le nombre d'internes à Rouen s'est accru de 13 % entre 2013 et 2019. L'ARS, les centres hospitaliers universitaires (CHU) de Caen et Rouen et les universités soutiennent des dispositifs d'aide à l'installation.

L'ARS finance 70 postes d'assistants chaque année pour 6 millions d'euros ; ils exercent à temps partagé entre le CHU et les hôpitaux périphériques.

En Seine-Maritime, près de 300 jeunes médecins sont passés par ce dispositif en Seine-Maritime depuis dix ans ; 75 % ont choisi d'exercer dans la région. Enfin, une démarche baptisée « territoires universitaires de santé » identifie des praticiens hospitaliers qui se verront confier des missions universitaires.

Les jeunes médecins ne veulent plus de l'exercice isolé, et aspirent à un exercice mixte entre la ville et l'hôpital. La Seine-Maritime compte 33 maisons de santé pluridisciplinaires et cinq autres sont en projet ; elle accueillera dix des 400 médecins généralistes salariés qui se partageront temps entre hôpital et consultations en zone sous-dense.

Enfin, grâce au nouveau zonage, 27 % des Seinomarins vivent dans une zone éligible aux aides à l'installation et au maintien, soit une hausse de 19 points. Le Gouvernement et l'ARS sont vigilants.

Mme Céline Brulin.  - Il faut dix ans pour former de nouveaux médecins... Les ARS sont trop technocratiques ; elles doivent apporter un soutien sur mesure aux projets des territoires.

Enfin, j'attends une réponse sur le centre Caux-Vallée de Seine, qui doit rester un hôpital de proximité.

Fraude sociale

Mme Nathalie Goulet .  - J'ai commis, avec la députée Carole Grandjean, un rapport sur la fraude aux prestations sociales.

Nous avons exhumé un rapport de l'IGAS qui faisait état de 7,335 millions de cartes Vitale actives surnuméraires. Fin 2019, on en dénombrait 5,2 millions. La directrice de la sécurité sociale, Mme Lignot-Leloup, a évoqué le chiffre de 2,5 millions devant les députés. Ce manque de transparence est regrettable, sachant que nous parlons de cartes actives, qui entraînent des paiements.

Y compris en interrogeant le GTE Carte Vitale, nous ne parvenons pas à avoir un décompte exact par tranche d'âge. Par exemple, combien d'enfants de 12 ans ont une carte Vitale ? C'est pourquoi je vous interroge ce matin.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Je connais votre investissement sur ce sujet. Tous régimes confondus, 58,4 millions de cartes Vitale étaient comptabilisées au 1er janvier 2020, dont 609 000 surnuméraires. En 2019, 1,6 million de cartes ont été désactivées ; fin mai, il restait 347 664 cartes surnuméraires sur les 609 000. D'ici fin octobre, ce nombre devrait encore baisser des deux tiers.

Le dispositif Vitale est complexe ; chaque régime fait sa propre gestion, avec l'appui du GIE Sesame Vitale.

Au-delà des mises à jour périodiques, l'assurance maladie a déployé un outil d'interrogation en temps réel des droits. En 2019, 240 400 professionnels de santé étaient utilisateurs et 213,2 millions de consultations de droits ont été faites.

La comparaison entre le nombre de cartes actives et les chiffres de population de l'Insee soulève des difficultés, car l'Insee procède par échantillonnage et extrapolation, d'où une marge d'erreur. Certaines populations -  frontaliers travaillant en France, retraités français vivant à l'étranger  - sont appréciées différemment.

Les services du ministère sont en train de consolider les données que vous demandez. Elles seront mises à disposition rapidement, au moins pour les principaux régimes.

Mme Nathalie Goulet.  - Bel effort, mais la méthode que vous décriez est celle qui a été utilisée par les organismes de sécurité sociale et de l'Insee pour nous contrer, dans un communiqué du 5 septembre 2019. Pour apporter des explications, elle fonctionne moins bien.

Le dernier PLFSS demandait un meilleur contrôle des données, qui n'a pas été fait. Faute de coordination entre l'assurance maladie et le service des étrangers, des personnes en situation irrégulière continuent d'avoir une carte qui fonctionne. J'attends des réponses écrites.

Avenir du centre-médico psychologique de l'enfant de Château-Gontier

M. Guillaume Chevrollier .  - Pendant le confinement, l'effectif médical du service de pédopsychiatrie a conduit l'hôpital de Laval à fermer le centre de consultation médico-psychologique (CMP) de Château-Gontier, provoquant l'incompréhension des familles.

Grâce à la mobilisation des élus, des professionnels de santé et des parents, les consultations pourront reprendre à la rentrée. Mais les CMP d'Evron, d'Ernée et de Mayenne attendent d'être rassurés sur le maintien de leur activité en pédopsychiatrie.

Pour le bien-être et la stabilité des enfants, il faut de la pérennité dans l'accompagnement. Or les effectifs ne cessent de baisser, avec quatre ETP pourvus sur neuf théoriques.

La situation de la pédopsychiatrie en Mayenne est révélatrice du problème de la prise en charge de la santé mentale. Les patients sont stigmatisés, les soignants, débordés, finissent par craquer.

La psychiatrie publique est au bord de l'implosion. Comptez-vous insuffler un changement structurel et organiser l'offre de soins en santé mentale ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Députée, j'ai diligenté plusieurs rapports sur l'ASE et la psychiatrie ; la pédopsychiatrie est une préoccupation majeure pour moi, à titre personnel.

Le nombre de pédopsychiatres en Mayenne décline depuis plusieurs années : 3,2 ETP sont pourvus sur les 9,6 budgétés.

Depuis le confinement, le centre hospitalier de Laval a rapatrié les consultations, en fermant provisoirement le CMP de Château-Gontier à compter du 1er juin. Cela reflète la grande fragilité de la pédopsychiatrie mayennaise.

L'ARS a élaboré un plan d'actions, en lien avec les acteurs concernés, avec la création d'un poste de praticien hospitalier partagé entre le centre hospitalier de Maine-et-Loire et celui de Laval.

Un médecin du CHU d'Angers consultera un jour par semaine à Château-Gontier, ce qui double la présence médicale. S'il est recruté, il pourra créer un hôpital de jour sur ce secteur et nous pourrons annoncer une date de réouverture du CMP de Château-Gontier.

M. Guillaume Chevrollier.  - Il y a aussi le CMP d'Evron, d'Ernée, de Mayenne... Nous regrettons le manque d'anticipation. J'espère que le Ségur sera l'occasion de revaloriser l'attractivité des métiers. Comptez sur la vigilance des familles, des élus et des professionnels.

Déserts médicaux en Haute-Garonne

Mme Catherine Deroche, en remplacement de Mme Brigitte Micouleau .  - Le désert médical n'en finit pas de s'étendre : le nombre d'habitants vivant dans une zone sous-dotée en médecins généralistes est passé de 2,5 millions en 2015 à 3,8 millions en 2018. La Haute-Garonne n'échappe pas à cette situation préoccupante, qu'il s'agisse des zones rurales comme des zones urbaines. Les jeunes médecins se détournent de l'installation libérale et aspirent à une réduction d'activité. En découle une mise en danger sanitaire des plus fragiles et une précarité sanitaire alarmante.

La suppression symbolique du numerus clausus ne sera effective qu'à la rentrée 2020. L'objectif d'augmenter de 20 % le nombre de médecins est louable mais l'effet ne se fera sentir que dans une décennie.

Une partie de la réponse réside dans la création de maisons de santé, mais leur développement souffre d'un manque de financement. Quelles actions pourraient être entreprises immédiatement pour faciliter leur déploiement et comment pallier l'insuffisance des politiques publiques qui nourrit les inégalités territoriales ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - L'accès aux soins est une priorité, et l'inquiétude est compréhensible. De 1991 à 2000, moins de 4 000 médecins ont été formés chaque année ; le vieillissement de la population et l'augmentation des maladies chroniques n'ont pas été anticipés, non plus que l'évolution des pratiques professionnelles.

La Haute-Garonne présente une densité médicale supérieure à la moyenne mais avec de fortes disparités et une pénurie dans la métropole toulousaine.

Un travail partenarial a été engagé, plus spécifiquement sur les quartiers de la ville de Toulouse, reposant sur l'ouverture de 24 maisons de santé pluridisciplinaires, dont neuf à Toulouse, cinq en attente d'ouverture. L'assurance maladie finance à hauteur de 25 000 euros à 100 000 euros par an, au titre d'un accord interprofessionnel. L'ARS Occitanie accorde 30 000 euros pour l'ingénierie. Elle doit poursuivre et renforcer l'accompagnement des structures.

En réunissant tous les acteurs, nous trouverons des solutions adaptées aux territoires.

Prise en charge des lymphoedèmes post-cancer

Mme Catherine Deroche .  - Après un cancer du sein, une femme sur cinq présente un lymphoedème du membre supérieur. Cela devient une maladie chronique qui affecte la qualité de vie et risque d'entraîner des complications infectieuses. Le traitement qui fait consensus consiste à réduire le volume du membre concerné via des bandages avec des bandes à allongement court puis par le port de compressions élastiques au long cours. Mais celles-ci ne sont pas remboursées par l'assurance maladie, d'où un non-renouvellement des matériels, voire leur non-utilisation chez les patients modestes, comme nous l'a signalé le Dr. Vignes, de la fondation Cognacq-Jay.

La prise en charge sera-t-elle améliorée ? Faute de traitement, les patients peuvent être lourdement handicapés.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Le lymphoedème secondaire est une dégradation du système lymphatique de cause chirurgicale, chimiothérapique notamment. Son incidence post-cancer est insuffisamment connue.

Selon la Haute Autorité de Santé, le risque serait moins élevé chez les femmes qui subissent une biopsie des ganglions sentinelles que chez celles qui subissent un curage axillaire classique : 2,5 % à 6,9% contre 15 % à 28 % respectivement.

Il y a plusieurs traitements en fonction de la cause. La HAS, en 2012, préconise la compression par bandage, le drainage lymphatique par un kinésithérapeute, ou des interventions chirurgicales pour restaurer la circulation normale de la lymphe. Au titre de la prise en charge des affections de longue durée, ces actes sont remboursés à 100 %.

Il y a aussi des préconisations pour améliorer la qualité de vie des patients. De ce point de vue, l'accès à des bilans d'activité physique, psychologique et diététique va être facilité par l'article 59 de la loi de financement pour 2020, dont les textes réglementaires sont en cours de finalisation.

Mme Catherine Deroche.  - Les drainages lymphatiques sont en effet pris en charge. Mais dans certains cas, le membre touché devient énorme et invalidant, avec des conséquences sanitaires mais aussi sociales, professionnelles et personnelles.

Il faut une meilleure prise en charge du traitement par compression, pour que les plus modestes puissent y avoir recours. Je regrette que les décrets ne soient toujours pas parus...

Élargissement de la prime « grand âge »

M. Olivier Cigolotti .  - Un décret du 30 janvier 2020 a instauré une prime « grand âge » de 118 euros bruts, financée par l'assurance maladie, destinée à reconnaître l'engagement des professionnels exerçant auprès des personnes âgées et à valoriser leurs compétences.

Le décret réserve cette prime aux agents des Ehpad publics, excluant les aides-soignants employés par les Ehpad privés à but non lucratif.

La Haute-Loire compte 22 établissements de ce type, sur 48 Ehpad au total. C'est une source d'inégalité entre établissements.

Alors que le recrutement n'est pas aisé et que l'on constate une baisse des effectifs dans les instituts de formation, cette prime sélective ne fera qu'accentuer le déficit en personnels compétents dans les établissements du secteur privé.

Le Gouvernement entend-il remédier à cette inégalité en généralisant la prime « grand âge » ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - L'aide à domicile, en souffrance, mérite elle aussi d'être valorisée. L'accompagnement des personnes âgées requiert des compétences particulières, qui nécessitent une meilleure reconnaissance financière. Le décret du 30 janvier dernier traduit cet objectif pour la fonction publique hospitalière.

Dans le secteur privé, une telle revalorisation, si elle est encouragée, doit faire l'objet de négociations collectives ; les pouvoirs publics ne peuvent se substituer aux partenaires sociaux, mais accompagnent cette dynamique en fixant un taux de progression de la masse salariale de 1,25 % pour l'ensemble de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale du secteur privé non lucratif, et de 2,7 % pour la branche de l'aide à domicile. Au total, c'est plus de 310 millions d'euros en faveur des rémunérations du secteur social et médico-social, tous financements confondus. Cela donne des marges de manoeuvre pour la revalorisation.

M. Olivier Cigolotti.  - Les règles sanitaires sont les mêmes dans le public et le privé non lucratif, et le travail y est le même. Il n'y a pas de raison de ne pas généraliser la prime.

Lisibilité des dates de péremption des médicaments

M. Pascal Martin .  - J'attire votre attention sur le manque de lisibilité des dates de péremption figurant sur les boîtes de médicaments pour les personnes malvoyantes.

La taille des lettres, très insuffisante, est susceptible de les induire en erreur et de les exposer à un risque réel pour leur santé.

La directive 2001/83/CE du Parlement européen, transposée dans le code de la santé publique, énumère limitativement les mentions devant figurer sur l'emballage extérieur des médicaments pour les rendre plus facilement lisibles, elles doivent aussi être indiquées en braille.

Cette question a déjà fait l'objet de multiples recommandations de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) mais n'entraîne, par définition, aucune obligation de mise en conformité de la part du fabricant.

Comment le Gouvernement compte-t-il obliger les entreprises destinataires de ces recommandations à les respecter ? Cette question posée à plusieurs reprises n'a toujours pas reçu de réponse concrète.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - L'article R.5121-138 du code de la santé publique qui transpose une directive européenne énumère toutes les informations qui doivent figurer sur l'étiquette. Elles doivent être facilement visibles, clairement compréhensibles et indélébiles.

L'ANSM a élaboré une recommandation pour les industriels après une large concertation, insistant sur le choix de la police et de sa taille. La plus grande taille doit être utilisée dans la mesure du possible : la date doit être indiquée dans le format standard : deux chiffres pour le jour s'il existe, deux chiffres ou au moins trois lettres pour le mois et quatre chiffres pour l'année.

La date de péremption doit également être mentionnée sur le conditionnement primaire des médicaments.

Le nom et le dosage du médicament doivent être inscrits en braille sur l'emballage extérieur ou à défaut sur le conditionnement primaire du médicament. Le 7 mai  2008, l'ANSM a aussi indiqué que lorsqu'un espace suffisant est disponible, d'autres informations pertinentes peuvent être mentionnées en braille, dont la date de péremption.

La réflexion pourra se poursuivre avec le ministère en charge des personnes handicapées.

M. Pascal Martin.  - Merci de rappeler la réglementation, mais il ne s'agit que de recommandations. Il faut passer à l'obligation.

Réponse à la crise sanitaire en Guyane

M. Georges Patient .  - L'épidémie de covid-19 a révélé les grandes faiblesses de l'organisation sanitaire en Guyane ; quelque 6 700 personnes sont infectées, 150 hospitalisées dont 34 en réanimation, et l'on déplore 38 décès. Les causes : un manque d'anticipation et une prise en charge inadaptée et insuffisante. On a dû réagir dans l'urgence. Les Guyanais sont excédés ; ils en ont assez d'être traités en citoyens de seconde zone et un mot d'ordre de grève générale a été lancé pour aujourd'hui.

Une contribution du Ségur de la santé demande l'implantation d'un CHU et la conversion des centres de soins de Saint-Georges de l'Oyapock et de Maripasoula en hôpital de proximité.

Les élus, les syndicats, les collectifs citoyens, les organisations professionnelles, tous ont relayé ces demandes en remettant une motion au Premier ministre lors de son déplacement récent en Guyane, en présence du ministre de la Santé.

Le Premier ministre doit présenter aujourd'hui le second volet du Ségur : la réponse du Gouvernement est très attendue.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Le Premier ministre, le ministre des Outre-mer et celui de la Santé se sont rendus mi-juillet en Guyane. Les décisions prises ont stabilisé la situation épidémique ; grâce à quatre types de mesures.

Face à l'afflux de patients important et au risque de saturation des capacités de prise en charge réanimatoire, la stratégie mise en place en Guyane repose sur quatre types de mesures : envoi de matériel et de consommables d'abord ; envoi de médicaments nécessaires à la prise en charge de ces patients afin de répondre aux tensions d'approvisionnements ; le renforcement en professionnels de santé afin d'atténuer et de mieux répartir la surcharge de travail ; l'évacuation sanitaire de patients.

Depuis plusieurs semaines, les établissements de santé de Guyane prennent de nombreuses mesures de réorganisation pour renforcer les capacités hospitalières notamment dans les services de médecine et de réanimation. Le centre de crise sanitaire a mobilisé le 20 juin la réserve sanitaire. Le Gouvernement est pleinement engagé et nous ferons face ensemble à cette épidémie.

M. Georges Patient.  - Il s'agit de mesures d'urgence. Or nous demandons des mesures pérennes : un CHU, et l'installation de médecins cubains étant donné la désertification médicale en Guyane.

Où en est le dispositif « 400 médecins » ?

M. Patrice Joly .  - Le plan « Ma Santé 2022 » prévoit le recrutement de 400 généralistes dans des territoires fragiles afin de pallier le manque de médecins dans ces zones dites sous-denses.

En avril 2019, la précédente ministre de la Santé avait identifié Château-Chinon comme prioritaire pour bénéficier d'un poste de médecin généraliste.

Un an plus tard, toujours pas de nouvelles... On nous dit qu'il n'y a pas de candidats. Était-ce un coup de communication ?

Combien des 400 médecins annoncés il y a deux ans ont réellement été recrutés ?

À Cosne-sur-Loire, une clinique a fait l'objet d'une fermeture administrative pour non-conformité aux normes sanitaires suivie d'un dépôt de bilan. Manque cruellement un service d'urgences ou d'imagerie médicale dans le territoire concerné, où vivent 200 000 personnes.

Que va faire le Gouvernement ? Le temps passe et les conditions de reprise sont de plus en plus difficiles. L'inquiétude grandit.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Le nombre de généralistes et de spécialistes en accès direct exerçant en libéral est en baisse régulière depuis 2010, et la baisse se poursuivra jusqu'en 2025.

Je suis personnellement très attachée à la lutte contre la désertification médicale. C'est un état d'esprit à faire évoluer chez les étudiants - j'ai milité directement auprès d'eux en faculté de médecine à cette fin.

Il n'y a pas de réponse unique : on peut citer l'exercice coordonné sous toutes ses formes, mais aussi la télémédecine qui a prouvé son efficacité pendant le confinement pour abolir les distances.

Le déploiement de 400 postes de médecins généralistes en exercice partagé fait effectivement partie des leviers supplémentaires.

L'année 2019 a été celle du lancement de cette mesure. À la fin de l'année, 110 postes étaient pourvus ou en passe de l'être.

Quelque 23 médecins ont été recrutés d'ores et déjà en Bourgogne-Franche-Comté, dont deux au centre polyvalent de santé à Nevers.

Pour le secteur de Château-Chinon, l'agence de santé et les acteurs locaux sont mobilisés, afin de ramener du temps médical dans le département. Ces efforts devraient aboutir dans les mois qui suivent. Nous avons fait le choix de faire confiance aux acteurs locaux. Certaines actions demandent un peu de temps pour se déployer. Sur Cosne-sur-Loire, j'attirerai l'attention du ministère qui vous répondra par écrit.

M. Patrice Joly.  - je souhaite que l'État soit proactif, pour rechercher des repreneurs potentiels dans le cas de la clinique de Cosne-sur-Loire. On ne peut pas se contenter de gérer des procédures sur le terrain, comme le font trop souvent les ARS.

Installations temporaires sur le littoral

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Les dispositions de la loi portant Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) étaient destinées à assouplir les restrictions imposées par la loi Littoral de 1986.

L'article R. 121-5 du code de l'urbanisme prévoit des aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques : équipements légers et démontables nécessaires à la préservation et à la restauration de ces milieux, objets mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du public ou encore la réfection des bâtiments existants et l'extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l'exercice d'activités économiques.

Ces aménagements sont les bienvenus mais ils ne laissent qu'une marge de manoeuvre étroite aux élus locaux qui souhaiteraient stimuler l'attractivité de leur commune littorale. À titre d'exemple, les équipements légers et démontables de restauration sur place ou à emporter n'entrent pas dans les critères admis par l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme. Les maires ne demandent rien d'autre que de pouvoir mettre en valeur les atouts de leur commune, tout en préservant les caractéristiques et la biodiversité de leur littoral.

Ne pourrait-on pas, sous couvert d'un respect strict de l'intégration paysagère et architecturale, voire de l'approbation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, étendre cette liste aux installations temporaires à vocation économique ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville .  - Depuis plus de trois ans, nous sommes mobilisés auprès des élus locaux pour renforcer le dynamisme des territoires. C'est l'objet de l'action Coeur de ville.

La loi ELAN a facilité les projets des communes. Nous avons traité la problématique des dents creuses de la loi ELAN.

Les espaces littoraux remarquables sont les plus protégés et doivent le rester. C'est pourquoi la loi ELAN a récemment affirmé le caractère limitatif de ce qu'il est possible de faire dans ces espaces et une liste a ensuite été concertée et définie par décret, fixant toutes les garanties de protection.

Il n'est pas envisagé d'étendre les possibilités de dérogation au principe d'inconstructibilité qui régit ces espaces pour des équipements destinés à des activités de restauration sur place ou à emporter, pouvant entraîner des stationnements, voire des déchets sauvages dans des milieux à préserver, particulièrement sensibles.

Nous sommes disposés à discuter des problèmes concrets rencontrés avec les services et en concertation avec la ministre de la Transition écologique.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le problème se pose très concrètement en Seine-Maritime.

Bien sûr, il s'agirait d'installations très respectueuses de la qualité environnementale et patrimoniale du lieu et de la biodiversité.

Présidente de la commission de la culture, ayant beaucoup travaillé à la loi relative à la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, et présidente suppléante de la commission régionale de l'architecture et du patrimoine, j'ai pu juger en toute connaissance de cause, sur pièce et sur place, du projet en question.

On pourrait assouplir en apportant toutes les garanties, pour autoriser ces installations temporaires : faisons confiance aux élus locaux !

Redéfinition des espaces ruraux

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - La réflexion en cours entre l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en lien avec l'agenda rural, concernant la redéfinition des espaces ruraux, doit associer les élus locaux.

Le Gouvernement a souhaité définir une « nouvelle géographie prioritaire » de la ruralité pour accompagner l'évolution des dispositifs visant à réduire les inégalités territoriales.

Le besoin de disposer d'une définition rénovée et positive des espaces ruraux est partagé, de même que celui d'une révision de certains zonages qui servent de base au soutien de l'État aux territoires, en particulier ruraux.

Alors que le Parlement, notamment le Sénat, a produit de nombreux travaux sur ces sujets, à l'instar du rapport d'information sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances du Sénat, je m'étonne de l'absence de sollicitation par le ministère de la Cohésion des territoires et par l'Insee des parlementaires impliqués sur le sujet pour participer à ces réflexions.

Vous connaissez l'attachement des élus à leurs territoires et aux dispositifs zonés qui marquent le soutien de la Nation à leur égard. Aussi, il serait souhaitable que les décisions déterminantes pour l'évolution de ces zonages soient prises d'abord à un niveau politique, impliquant une large concertation des élus locaux et nationaux, directement concernés.

Pouvez-vous me confirmer que les parlementaires impliqués seront effectivement associés à ces travaux et réflexions ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville .  - Le Gouvernement a mené conjointement deux exercices. Conformément aux engagements de l'agenda rural, le Gouvernement a lancé un groupe de travail dirigé par l'Insee pour une nouvelle définition statistique de la ruralité et une mission inter-inspections pour dessiner les pistes d'une réforme de la géographie prioritaire. Des associations d'élus sont intégrées dans la mission de l'Insee. L'idée est de sortir d'une définition purement négative de la ruralité comme non urbaine.

Mieux définir pour ne pas opposer, telle est notre ligne de conduite. Les définitions cristallisent une vision de notre territoire. C'est pourquoi nous veillerons à ce que des échanges et une vision politiques puissent se dérouler. Le zonage prioritaire, qui est d'ordre réglementaire, se distingue du zonage statistique ou d'études, les deux notions ont néanmoins vocation à être envisagées simultanément pour garantir la cohérence de l'action publique.

La mission inter-inspections vient de rendre son premier rapport, qui a conclu, au vu de sa complexité sédimentaire, à la nécessité de réformer la géographie prioritaire.

Trois grands scénarios d'évolution de ces exonérations sont esquissés. Il s'agit de rationaliser leur attribution ou de les supprimer et de les transformer en crédits budgétaires gérés de manière décentralisée. Ces pistes se retrouvent dans différents rapports parlementaires.

Nous ne manquerons pas d'engager des concertations avec les élus nationaux et locaux, dont les parlementaires, pour déterminer la stratégie à adopter.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Nous avons été saisis par l'Association des maires ruraux. Le débat ne doit pas être réservé aux experts. Nous sommes toujours inquiets que les rapports soient présentés avant la saisine des parlementaires. Nous espérons que vous serez notre interprète auprès de Mme Gourault.

Application communale du droit local d'Alsace-Moselle

M. René Danesi .  - Deux dispositions appellent une clarification quant à leur application dans les départements d'Alsace et de la Moselle.

En premier lieu, deux dispositions contradictoires de la loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) sont relatives aux seuils à partir desquels les communes sont tenues de se doter d'un règlement intérieur. Alors qu'en droit local, toutes les communes étaient soumises à l'obligation de se doter d'un règlement intérieur, l'article L. 2541-5 du code général des collectivités locales issu de la loi NOTRe a réservé cette obligation en Alsace-Moselle aux seules communes de 3 500 habitants et plus. Mais l'article L. 2121-8 du code général des collectivités territoriales, également introduit par la loi NOTRe, a fixé le seuil à 1 000 habitants, à compter de l'actuel renouvellement des conseils municipaux. Cette dernière disposition apparaît applicable en Alsace-Moselle, car cet article n'y prévoit pas sa non-application.

En attendant une nécessaire coordination législative entre ces deux dispositions, pouvez-vous me confirmer l'interprétation selon laquelle, en vertu de l'article L. 2541-5 du code général des collectivités territoriales, la règle spéciale prime sur la règle générale, de sorte que c'est bien le seuil spécifique pour les communes d'Alsace et de Moselle de 3 500 habitants qui s'applique ?

En second lieu, j'aimerais que vous précisiez les modalités de convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal en Alsace-Moselle. La loi Engagement et proximité prévoit que la convocation des conseillers municipaux par voie dématérialisée devienne la règle. L'application de ces dispositions aux communes d'Alsace-Moselle est explicitement écartée par l'article L. 2541-1 du CGCT et aucune disposition n'est prévue car la convocation par courrier est maintenue.

Il me semble plus prudent d'envoyer des courriers.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville .  - L'article L. 2121-8 du CGCT prévoit depuis le renouvellement général de 2020 l'obligation d'établir un règlement intérieur dans les six mois qui suivent l'installation du conseil municipal pour les communes de 1 000 habitants et plus, contre 3 500 auparavant.

L'article L. 2541-5 fixe ce seuil à 3 500 habitants pour le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle.

Les lois spéciales dérogent toujours aux lois générales ; le règlement intérieur n'est donc pas obligatoire dans les communes de moins de 3 500 habitants situées dans ces trois départements.

La convocation aux conseils municipaux doit désormais se faire par voie dématérialisée, selon l'article L.2121-20 du CGCT, le courrier étant l'exception. Mais ce n'est pas le cas pour les communes d'Alsace et de Moselle, écartées explicitement de l'application de cet article, par l'article L.2541-1 du CGCT.

Assouplissement de la loi littoral pour les constructions agricoles

Mme Agnès Canayer .  - Ma question complète celle de Mme Morin-Desailly.

L'interprétation stricte des règles, sans prise en compte des spécificités locales, entraîne de nombreuses incompréhensions des élus concernés, notamment en Seine-Maritime.

La loi ELAN empêche les exploitants agricoles ou horticoles de construire des locaux pour la vente directe de leur production, parce qu'elle n'est pas considérée comme « nécessaire » aux termes de la loi.

Les maires ne peuvent pas autoriser la construction dans les dents creuses des hameaux au motif qu'ils ne peuvent être considérés comme des « secteurs urbanisés ». Or dans le pays de Caux, toutes les communes ont des hameaux, souvent plus peuplés que les centres-bourgs. Les maires sont conscients de la nécessité d'une application respectueuse de la loi Littoral.

Comment mieux prendre en compte les spécificités locales ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville .  - La loi Littoral a prévu une dérogation pour les activités agricoles. La loi ELAN l'a assouplie en supprimant les conditions d'incompatibilité avec la proximité des zones habitées. En outre, les cultures marines qui n'entraient pas dans le champ d'application de cette dérogation, ce qui faisait obstacle au développement de cette activité, y ont été incluses.

Il s'agit d'assouplissements importants. En contrepartie, la loi ELAN a circonscrit le bénéfice de cette dérogation aux constructions installations réellement nécessaires et non simplement liées aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines.

Les dérogations sont très ponctuelles hors loi Littoral. Nous ne devrions pas être plus souples dans les zones littorales qu'ailleurs alors qu'il faut davantage les protéger.

Mais nous étudierons les cas que vous nous transmettrez.

Mme Agnès Canayer.  - Nous sommes tous d'accord sur l'objectif de préservation du littoral et de l'environnement. L'élevage lutte contre le ruissellement, ce qui protège le littoral. Mais la vente directe est empêchée. Prenez en compte les spécificités locales et les avis des élus locaux !

Inclusion numérique

M. Jean-Marie Mizzon .  - La Haute Assemblée, qui a particulièrement à coeur la défense des territoires, s'est saisie de l'inclusion numérique, décrétée urgence nationale.

Le Sénat a constitué, le 13 mai, une mission d'information que j'ai l'honneur de présider. Selon les chiffres du syndicat de la presse sociale, 12 % des Français, soit près de 6 millions de personnes, ne surfent jamais sur la toile. Dans le même temps, 23 % de nos concitoyens, qui utilisent internet, déclarent se sentir « mal à l'aise avec le numérique ». Les personnes âgées ne sont pas les seules concernées par cet illectronisme. Toutes les classes d'âge, tous les milieux sociaux, et, surtout, toutes les régions sont concernées.

Parce que cette situation peut conduire nombre de Français à renoncer à leurs droits ou provoquer une exclusion sociale totalement inadmissible, il convient de veiller à un juste équilibre dans les moyens mobilisés. Pour l'heure, en attendant que l'accès et l'utilisation des sites web par tous deviennent une réalité, et parce que les services publics, de plus en plus dématérialisés, doivent demeurer accessibles, par tous les moyens, à tous les Français, en particulier dans les zones rurales et dans les petites villes, est-il prévu que l'indulgence prévale quant à certaines démarches administratives obligatoires ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville .  - En effet, 14 millions de Français sont exclus du numérique, les personnes âgées étant loin d'être les seules concernées.

La fracture est d'abord territoriale : 50 % de non-internautes résident dans des communes de moins de 20 000 habitants.

Le confinement a mis en lumière l'urgence à agir. Notre stratégie nationale pour un numérique inclusif a identifié deux priorités : consolider une offre de médiation numérique de proximité et permettre à chacun d'acquérir des compétences numériques.

Le Pass numérique finance des ateliers de médiation. Après 10 millions d'euros déployés en 2019, L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) mobilisera 30 millions d'euros pour le Pass numérique.

Le service numérique « Aidants connect » se développe également. Il permet à un aidant professionnel de réaliser des démarches à la place des personnes en difficulté avec le numérique et leur apporte une sécurité juridique. Ce sera le cas au sein des 544 maisons France Service, mais aussi auprès des secrétaires de mairie et des agents publics d'accueil.

M. Jean-Marie Mizzon.  - J'observe que les acteurs publics multiplient les plans, que les schémas succèdent aux schémas, mais que sur le terrain, cela manque singulièrement d'organisation, de professionnalisme, d'ambition.

Former 14 millions de Français au numérique ne se fait pas d'un coup de baguette magique !

Montant différencié de la DGF par habitant

M. Olivier Paccaud .  - « Liberté, égalité, fraternité » telle est la devise de la République, une et indivisible. Dans la réalité, cet idéal reste verbal et s'évanouit lors de la répartition des dotations de l'État, entre les villes et les campagnes.

Une commune dont la population est égale ou inférieure à 500 habitants ne reçoit que 64 euros contre 128,93 euros quand la population est égale ou supérieure à 200 000 habitants.

Cette iniquité est justifiée par vos services, au nom de charges de centralité que doivent assumer les territoires qui accueillent plus de services administratifs et commerciaux que les autres.

Cependant, la loi du nombre abouti pratiquement toujours à des coûts moyens d'investissement bien inférieurs en zone urbaine. Raccorder les 150 logements de l'immeuble d'un quartier au réseau d'assainissement d'une grande ville s'avère ainsi souvent moins onéreux qu'installer l'assainissement dans un hameau de dix maisons. Bien souvent, péréquation rime avec illusion en matière de soutien de l'État aux territoires.

Si les habitants des campagnes sont égaux avec les urbains devant l'impôt, ils ne le sont pas en terme de retour fiscal et d'offre de services. Les ruraux sont de bons contribuables mais des citoyens de seconde zone. Ne faudrait-il pas que l'impôt sur le revenu varie en fonction du lieu de résidence, puisque les habitants en milieu rural utilisent bien moins de services publics de proximité, faute de disponibilité ? Quand le Gouvernement révisera-t-il son algorithme pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville .  - Les charges croissent avec la population. Le gain d'un habitant correspond à un gain de dotation forfaitaire entre 64 et 129 euros. Cet écart est fondé sur des travaux scientifiques qui ont été actualisés.

Peut-on dire que le niveau des charges contraintes pour la commune de Compiègne - 41 000 habitants - est le même que celui des petites communes voisines de 500 à 1 000 habitants ? Non. Il est inimaginable de ne pas prendre en compte les coûts réels et objectifs induits par la démographie dans la répartition des concours financiers de l'État.

Vous avez constaté que le niveau de la DGF ne varie pas du simple au double selon la population des communes, preuve que d'autres critères sont pris en compte : la dotation de solidarité rurale (DSR) - qui a crû de 90 millions d'euros par an depuis 2017 - vient nuancer cette logique.

Le Gouvernement ne se désintéresse pas du tout de la ruralité.

M. Olivier Paccaud.  - Il y a une vraie ségrégation illustrée par le rapport d'un à deux et ce n'est pas la DSR qui peut tout régler.

Retraites et contributions sociales des Français résidant au Royaume-Uni

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Depuis le Brexit, nos compatriotes qui vivent au Royaume-Uni s'inquiètent de leur situation fiscale. Alors que la période de transition durera encore jusqu'au 31 décembre 2020, lors de son audition au Sénat, Michel Barnier, chef de la Task Force pour la finalisation de l'accord, n'a rien caché des difficultés rencontrées pour arriver à un accord global avec le Royaume-Uni.

La question des retraites est aussi prégnante pour ceux qui cotisent au Royaume-Uni : ils craignent que leurs trimestres ne soient plus reconnus, suivant l'accord négocié.

Au lendemain de la période de transition, les Français résidant au Royaume-Uni seront considérés comme des citoyens établis hors de l'espace économique européen.

Hors Union européenne, nos compatriotes ne sont toujours pas exonérés de CSG et CRDS malgré une pétition lancée fin 2018 par les conseillers consulaires, alors qu'ils ne bénéficient d'aucune couverture en contrepartie.

Pouvez-vous nous rassurer sur ces deux points ?

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - Vous pouvez compter sur la mobilisation du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères pour accompagner nos compatriotes dans cette période difficile. Les droits acquis jusqu'à la fin de la période de transition seront préservés, selon l'accord de retrait.

Les retraites britanniques et françaises continueront à être versées selon le principe de l'exportabilité comme le prévoient les règles de coordination de sécurité sociale des règlements européens. Dès lors que l'assuré percevait déjà une pension avant la fin de la période de transition, celle-ci continuera à lui être versée dans son état de résidence. Ses soins de santé continueront aussi à être pris en charge.

S'agissant, en revanche, des personnes qui exercent leur mobilité entre le Royaume-Uni et la France après la période de transition, la situation demeure incertaine, et dépend de la négociation de la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Il faut se préparer à un no deal à la fin 2020. Le Gouvernement prendra alors des dispositions par ordonnance.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Merci pour votre réponse très claire. Mais je regrette que vous n'ayez pas abordé la question de la CSG et la CRDS - sur lesquelles la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a condamné la France en 2015. Le Gouvernement doit clarifier ce point.

Brexit et saisonniers britanniques

Mme Martine Berthet .  - Le département de la Savoie est très dépendant du tourisme hiver comme été. Les citoyens britanniques représentent une large part des touristes de nos stations, tout comme les salariés britanniques qui accompagnent ces voyageurs et renforcent les équipes en place pour un accueil adéquat.

Les tour-opérateurs qui organisent ces voyages en France sont inquiets car à l'issue de la période transitoire le 31 décembre 2020, le Royaume-Uni quittera l'Union européenne et les contours de cette sortie restent encore flous.

Deux cas de figure se présentent à eux : soit les saisonniers britanniques sont recrutés par une entité française avec un contrat de droit français avant le 31 décembre 2020 et ils ne savent pas si, après cette date, le contrat, même antérieur, sera toujours valable et si les saisonniers auront besoin d'une autorisation de travail pour terminer la saison sur le territoire national ; soit dans l'hypothèse où la qualité de travailleur détaché est validée même postérieurement au 31 décembre 2020 entre nos deux pays, ils ne savent pas non plus s'il sera nécessaire d'obtenir une autorisation de travail pour terminer ce contrat.

Je souhaite également alerter le Gouvernement sur le fait qu'Eurostar a décidé de ne plus desservir les gares proches des stations de ski : Moutiers, Aime-la-Plagne et Bourg-Saint-Maurice. Cela pourrait décourager de nombreux touristes et tour-opérateurs britanniques et alourdir les émissions de gaz à effet de serre, puisque l'alternative est la liaison aérienne avec Chambéry.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - Je suis conscient de l'importance des touristes et saisonniers britanniques dans l'industrie touristique de la Savoie en particulier.

La crise de covid-19 a eu un impact particulièrement fort sur Eurostar du fait de sa nature d'opérateur transfrontalier. L'incertitude liée à l'évolution de la situation sanitaire ne permet pas d'envisager un retour rapide de la demande.

C'est dans ce contexte difficile qu'Eurostar a prévu un plan d'économies drastique, ainsi qu'une réduction de sa flotte et de son plan de transport, en se concentrant sur les principaux itinéraires. Avec Jean-Baptiste Djebbari, nous serons vigilants à ce qu'Eurostar travaille avec les élus, les associations et la SNCF sur la connectivité de la destination Savoie.

La covid-19 a eu un effet très grave sur Eurostar. Avec Jean-Yves Le Drian et Jean-Baptiste Djebbari, nous serons attentifs à ce qu'elle travaille avec les élus sur l'attractivité de la destination Savoie.

Pendant la période de transition, qui devrait en principe s'achever le 31 décembre, le voyageur britannique doit être muni d'un passeport ou d'une carte nationale d'identité en cours de validité. Aucun visa n'est nécessaire.

Pour les conditions d'emploi des travailleurs saisonniers, la réglementation européenne restera applicable pendant la période de transition ; ensuite, tout dépendra de l'accord à trouver avant la fin 2020. En l'absence d'accord, c'est le droit commun qui s'appliquera. Il faut donc se préparer à un no deal, qui n'est pas exclu, même s'il affecterait bien plus le Royaume-Uni que l'Union européenne.

Mme Martine Berthet.  - La situation est urgente : les contrats devraient être conclus en décembre et les recrutements doivent commencer dès septembre.

Hausse du coût de la vie en Guadeloupe et dans les outre-mer

M. Dominique Théophile .  - La crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de covid-19 a pour conséquence une hausse des prix à la consommation. Cette situation est difficile à accepter pour nos concitoyens ultramarins déjà confrontés à la pauvreté, au chômage et à la faiblesse de nos services publics.

En Guadeloupe, 139 000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit le tiers de la population. Les écarts de prix avec la métropole sont importants en raison de l'éloignement qui renchérit l'importation et du manque de concurrence dans la grande distribution.

Le code de commerce autorise le Gouvernement, en Guadeloupe, à encadrer le prix de vente des produits de première nécessité et à prendre des mesures dictées par des circonstances exceptionnelles. Quelles mesures prendrez-vous pour limiter une hausse des prix aux conséquences catastrophiques ?

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer .  - C'est un sujet d'engagement constant pour le Gouvernement qui a profondément rénové, ces dix dernières années, le cadre juridique pour disposer d'outils efficaces.

Les accords de modération des prix ou « Bouclier qualité-prix », ont été renforcés en 2020 par la création de trois catégories de produits assorties chacune d'un prix maximal.

Le nombre d'observatoires des prix, des marges et des revenus ont été reconduits pour 2020, et leurs moyens ont été doublés en 2019 à 600 000 euros. Des référents « vie chère » ont également été nommés au sein des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE).

Enfin, un délégué interministériel à la concurrence outre-mer a été nommé en décembre 2018.

Il ne serait pas juste de dire que la lutte contre la vie chère a été mise entre parenthèses pendant la crise sanitaire. Plusieurs enquêtes d'observation des prix des fruits et légumes ont été menées par les DIECCTE sur les marchés de gros et de détail pendant le confinement. Aucune tension inflationniste n'a été constatée. Les produits nécessaires à la lutte contre la covid-19 ont fait l'objet d'une exonération d'octroi de mer sanitaire.

L'enjeu de la lutte contre la vie chère en Outre-mer aura toute sa place dans le cadre du plan de relance économique.

M. Dominique Théophile.  - Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En juillet 2019, l'Insee constatait des prix plus élevés de 7 % à 12 % et même des hausses supérieures à 38 % pour les produits alimentaires dans les départements outre-mer.

Il ne faut rien lâcher sur ces sujets.

Situation des fonctionnaires d'État affectés à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - L'interprétation des textes régissant la situation des fonctionnaires de l'État et de certains magistrats de Mayotte présente des difficultés.

L'article 2 du décret n°96-1027 du 26 novembre 1996 prévoit qu'« une affectation à Mayotte ne peut être sollicitée qu'à l'issue d'une affectation de deux ans hors de cette collectivité ou d'un territoire d'outre-mer. »

L'article 4 du décret n°2014-729 du 27 juin 2014 portant application à Mayotte des dispositions relatives aux congés bonifiés pour les magistrats et fonctionnaires est venu abroger ce décret de 1996.

Ledit décret prévoit néanmoins, à son article 3, que « l'application des dispositions du décret de 1996 aux personnels affectés à Mayotte avant la date d'entrée en vigueur du présent décret fait obstacle à l'application des dispositions du présent décret, pendant toute la durée de leur affectation dans le département de Mayotte durant laquelle ils sont régis par les dispositions du décret du 26 novembre 1996 précité ».

Cependant, ces dispositions continuent en pratique à être opposées à certains fonctionnaires affectés après la date d'entrée en vigueur du décret dans ce département.

Pourriez-vous préciser l'interprétation des dispositions relatives à la mobilité des fonctionnaires de l'État à Mayotte ?

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer .  - Je vous prie d'excuser l'absence de la ministre de la Fonction publique.

Les modalités d'affectation des fonctionnaires et de certains magistrats en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Mayotte ont été détaillées dans deux décrets du 26 novembre 1996 : ils limitent les durées d'affectation dans ces territoires à deux ans.

Tirant les conséquences de la départementalisation de Mayotte, un décret du 27 juin 2014 revient sur ces contraintes, renvoyant au droit commun pour Mayotte. Les mutations ne seront plus limitées dans le temps. La restriction à la mutation entre ce département et les autres territoires n'a plus lieu d'être et peut être vue comme une rupture d'égalité.

Un décret en Conseil d'État devrait être pris pour y remédier.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Vous savez que mon département souffre d'un déficit d'attractivité. J'espère que le règlement de ce problème y remédiera en partie.

Dépôts sauvages d'ordures

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Les dépôts sauvages d'ordures défigurent nos paysages et leur traitement coûte 340 à 420 millions d'euros pour les collectivités territoriales selon la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) : 900 euros la tonne contre 150 pour le traitement de déchets jetés normalement.

Le drame de Signes, dont le maire a été tué, est dans tous les esprits.

Il faut trouver une solution urgente à ce problème. Quels moyens le Gouvernement compte-t-il y consacrer ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement .  - La loi de février 2020 a permis de nombreuses avancées : une responsabilité élargie du producteur, la prise en charge d'une partie des dépôts sauvages par les filières concernées, le fléchage vers les collectivités territoriales du produit des amendes pour dépôt sauvage, un passage de la troisième à la quatrième classe de ces amendes notamment.

L'utilisation de la vidéosurveillance facilitera l'identification des auteurs. Un décret permettra aussi d'habiliter d'autres agents à dresser les procès-verbaux.

Un groupe de travail sur le sujet a été lancé en 2018, qui rassemble l'administration, des élus locaux, des parlementaires et les autres parties prenantes. Il poursuit ses travaux pour identifier de nouvelles actions, comme par exemple la formation des agents des collectivités locales.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - À la suite du drame de Signes, une consultation des maires lancée par notre chambre a montré que 92 % d'entre eux avaient déjà été pris à partie et que 45 % d'entre eux avaient été victimes d'actes de malveillance en tentant de rétablir l'ordre.

Projet de transformation de la gare du Nord à Paris

M. Pierre Laurent .  - Le préfet d'Île-de-France a délivré, début juillet, le permis de construire pour le projet Gare du Nord 2024, projet essentiellement financier et anti-écologique : plus de 22 000 mètres carrés seront transformés en surfaces commerciales, pour le compte du groupe Auchan via sa filière Ceetrus.

Les commissaires-enquêteurs reconnaissent que l'insertion urbaine, dont le trafic banlieue, est mise à mal. D'autres solutions sont possibles et la mairie de Paris a engagé un recours.

Le Gouvernement va-t-il s'entêter ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement .  - Ce projet répond à un besoin bien identifié, et il a fait l'objet d'une large concertation : une première phase par SNCF Gares et Connexions, puis une seconde phase par Gare du Nord 2024.

Le Conseil de Paris, consulté en juillet 2019, a validé le projet tout comme la Commission nationale d'aménagement commercial. Au terme de l'enquête publique, un avis favorable a été rendu le 25 février 2020. Des améliorations ont été apportées, notamment pour ajouter des places de parking-vélo. Les discussions se poursuivent avec la Ville de Paris.

Les surfaces commerciales sont, en proportion, dans la moyenne des gares parisiennes. Le préfet de région a donc délivré le permis de construire. Le réaménagement mettra la gare du nord au niveau des grandes gares européennes.

Les riverains et élus resteront associés étroitement au déroulement des travaux.

M. Pierre Laurent.  - Vous vous entêtez, manifestement. Le projet est piloté par le groupe Auchan, qui n'a rien de ferroviaire. Il est à l'évidence dominé par les exigences commerciales.

La Ville de Paris a réaffirmé son hostilité à ce projet. Les engagements de l'équipe réélue sont clairs. La contestation va grossir, alors que l'urgence est réelle.

Taxe additionnelle pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi)

M. Dany Wattebled .  - L'article 16 de la loi de finances pour 2020 prévoit la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales pour 80 % des ménages et une suppression progressive pour les 20 % restants.

À compter du 1er janvier 2023, les contribuables à la taxe d'habitation au titre de leur résidence principale ne seront plus concernés par la répartition de la Gemapi.

Le 14 mars 2019, le Gouvernement a annoncé des aménagements dans le calcul de la taxe. Or une note d'information du 28 février 2020 nous informe que la répartition, à partir de 2023, se fera au prorata de ce que rapportaient les différentes taxes. C'est très favorable aux locataires. En effet, jusqu'à présent, seuls les locataires des organismes d'habitations à loyer modéré étaient exclus du champ de la taxe Gemapi.

Les revenus locatifs des propriétaires baisseront obligatoirement.

Que va faire le Gouvernement pour limiter les conséquences financières pour les propriétaires et petits entrepreneurs ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement .  - Veuillez excuser M. Dussopt, destinataire de la question.

La taxe Gemapi est facultative, additionnelle en quatre taxes directes locales. C'est l'organe délibérant de l'EPCI, qui en fixe le taux, avec un plafond. Le produit est réparti entre les personnes physiques et morales qui versent les quatre taxes au prorata de leur contribution.

La suppression totale et définitive de l'une de ces taxes, la taxe d'habitation, conduit à une nouvelle répartition de Gemapi. Il n'est pas illogique qu'elle soit désormais concentrée sur les propriétaires. En conséquence, le Gouvernement ne prévoit pas de mesures spécifiques.

M. Dany Wattebled.  - Merci pour les EPCI !

Soutien aux jeunes en formation professionnelle

Mme Nadia Sollogoub .  - Je souhaite attirer votre attention sur les initiatives publiques locales destinées à faciliter la formation professionnelle des jeunes.

En milieu rural, éloigné des centres urbains où se concentre l'essentiel des établissements d'enseignement professionnel, la faible mobilité des personnes concernées liée à la rareté de l'offre de transports collectifs et au coût du permis de conduire, sans compter celui de l'acquisition d'un véhicule, aggrave la situation. Les quelques centres de formation des apprentis ou les lycées professionnels en milieu rural manquent d'internats, de dessertes de transports et doivent redoubler d'ingéniosité pour faciliter l'accès à leur établissement.

En complément des aides à la personne - transports, hébergement et restauration-  consenties par les conseils régionaux, les communes ou les intercommunalités interviennent souvent à leurs frais pour organiser les liaisons avec les gares routières et ferroviaires les plus proches, ou trouver des solutions d'hébergement de proximité. L'apport de ces interventions mériterait d'être évalué et soutenu financièrement par l'État.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargée de l'insertion .  - Vous avez raison : la formation est cruciale pour l'insertion des jeunes. Le Gouvernement n'a pas attendu la crise pour agir en faveur de la formation des jeunes non qualifiés : 13,8 milliards au titre du plan d'investissement dans les compétences pour former un million de jeunes et un million de demandeurs d'emploi, et réforme de l'apprentissage en 2018 qui s'est traduite en 2019 par une hausse sans précédent du nombre de contrats d'apprentissage, avec par exemple une hausse de 13 % du BTP. Citons aussi l'utilisation du compte personnel de formation (CPF) pour financer le permis de conduire. C'est un élément clé de l'insertion.

La mise en place du service public de l'insertion et de l'emploi est ma priorité. Je me rendrai prochainement dans les quatorze départements expérimentateurs : ma méthode est celle d'une élue locale, d'aller sur le terrain et de prendre en compte les spécificités de chaque territoire. C'est dans ce cadre que des réponses seront apportées aux problématiques du logement et de la mobilité des jeunes.

Face à la crise, le Gouvernement a annoncé un plan pour l'emploi des jeunes avec un soutien à l'embauche, un plan de relance de l'apprentissage, 300 000 contrats et parcours d'insertion pour les plus éloignés de l'emploi et 100 000 services civiques supplémentaires.

Notre objectif pour septembre, c'est : pas un jeune sans solution en septembre. Nous y veillerons.

Mme Nadia Sollogoub.  - Outre la difficulté de trouver un employeur, les freins à l'apprentissage pour les jeunes sont pratico-pratiques : transport et logement. Les aides aux transports sont une bonne chose, mais que faire quand il n'y en a pas ?

À Varzy, dans la Nièvre, la commune a mis en place une navette communale pour emmener les jeunes à la gare le vendredi soir, et les ramener le lundi matin et a recensé les chambres chez l'habitant.

Mais les initiatives des collectivités ne sont pas soutenues et restent invisibles aux yeux de l'État. Les élus locaux sont le maillon terminal de la chaîne dont chaque élément est indispensable.

Réglementation du marché du livre d'occasion

M. Frédéric Marchand .  - Le marché du livre d'occasion a pris une importance considérable ces dernières années et le prix d'occasion des livres est régulièrement, sinon systématiquement, affiché à côté de leur prix neuf, ce qui est fortement incitatif pour les clients.

Ce marché enrichit tous les acteurs à l'exception notable des auteurs et des éditeurs pourtant les premiers concernés. Il ne s'agit donc plus d'un phénomène lié aux fêtes de fin d'année à l'occasion desquelles une colossale quantité d'ouvrages à peine reçus en cadeaux sont sitôt proposés à la vente sur internet via des plateformes détenues par des géants mondiaux. Cette pratique pose des problèmes économiques et juridiques de grande ampleur. Hier marginal, le marché de l'occasion représente aujourd'hui plus de 42 % des ventes de livres, et ses acteurs, Amazon, PriceMinister, la Fnac ou eBay touchent des commissions sur chaque vente et sont soumis pour partie à la TVA.

En revanche, ceux qui ont créé et édité les livres vendus ne perçoivent aucun bénéfice de cette exploitation et voient même leur chiffre d'affaires amputé de recettes non négligeables.

En effet, d'après une étude de 2017, 16 % des acheteurs de BD et 25 % des acheteurs de livres déclarent acheter des ouvrages d'occasion. Ramené aux 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires de l'édition, cela représente un manque à gagner de 800 millions à 1 milliard d'euros.

Dans le cas de la vente d'occasion, seuls le libraire, le site, le vendeur et l'État, dans une moindre mesure, touchent un pourcentage. Face au développement de la vente d'occasion, les créateurs, les auteurs et les éditeurs sont donc fortement pénalisés. Les premiers sont en effet privés d'une part non négligeable de leurs droits d'auteur et les seconds voient baisser significativement leurs ventes moyennes, rendant leurs coûts de création de plus en plus difficiles à amortir et mettant en péril financier l'ensemble du secteur de l'édition.

D'où la nécessité d'une réglementation. La majorité des ventes se faisant sur les grandes enseignes de vente en ligne, nous pourrions imaginer obtenir de leur part un déclaratif de ces ventes et à travers un organisme collecteur obtenir un reversement destiné aux auteurs et aux éditeurs.

Quelles pistes seront mises en oeuvre par le Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai indiqué que j'étais particulièrement attentive à la situation des auteurs au sein de la chaîne économique du livre.

Je ne partage pas complètement votre diagnostic sur le marché du livre d'occasion. Certes, ce marché progresse, mais en 2019, il ne représente que 8 % des dépenses d'achats de livres des ménages. Les opérateurs que vous citez occupent une place importante sur ce marché, mais la moitié des ventes ont lieu de particulier à particulier, notamment lors des bourses aux livres scolaires ou des brocantes, comme il en existe dans le nord. Dans ces transactions, les auteurs ne sont pas pénalisés, puisqu'ils ont exercé leurs droits exclusifs de commercialiser les exemplaires de leurs oeuvres, l'exercice de ce droit de distribution entraînant de facto son épuisement.

De plus, un droit de suite des livres n'est pas prévu par les textes internationaux et européens. Le reversement de la part des grandes enseignes que vous évoquez pourrait être considéré comme une taxe supplémentaire, qui irait à rebours des arguments justifiant le taux réduit de TVA sur les livres. De plus, il ne pourrait pas être directement reversé sous forme de revenu aux auteurs, l'article 2 de la LOLF ne permettant l'affectation d'imposition directement à un tiers, sauf en raison de missions de services publics qui lui seraient confiées.

Le rapport de Bruno Racine remis en janvier 2020 explore d'autres pistes sur lesquelles nous travaillons et je vous associerai à notre réflexion. Je partage, monsieur le sénateur, sinon le diagnostic, vos préoccupations sur le marché du livre d'occasion.

M. Frédéric Marchand.  - Le confinement a fait exploser les sites de ventes de livres d'occasion - nous avons dans le nord des auteurs de BD importants comme François Boucq.

Accès aux appels d'offres des conservatoires publics pour les entreprises françaises

M. Pierre Louault .  - L'entreprise Bergerault Percussions, basée en Indre-et-Loire, qui fabrique des instruments de percussion, m'a signalé qu'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), le Grand Paris, avait émis un appel d'offres citant explicitement une marque de fabrication étrangère et excluant de fait les entreprises artisanales françaises. Suite aux sollicitations de cette entreprise, l'EPCI a finalement modifié son appel d'offres en incluant de nouvelles marques, mais toujours pas françaises !

À l'heure où nous souhaitons favoriser et recentrer la production artisanale et industrielle en France, comment accepter de tels agissements ?

Il est impensable que les entreprises inscrites au patrimoine vivant soient de facto mises de côté. Cela nous renvoie à un problème plus général de la commande publique qui ne prend pas toujours en compte l'excellence française. L'appel d'offres devrait citer l'instrument de musique souhaité et non la marque.

Qu'allez-vous faire pour donner leurs chances aux entreprises françaises ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Le soutien à la production artisanale et industrielle française, notamment pour les entreprises du patrimoine vivant, est indispensable. Nos territoires sont équipés de multiples établissements qui reposent, comme Bergerault Percussions, sur un savoir-faire unique et ancien.

La problématique que vous soulevez relève du code de la commande publique qui fixe les principes d'égalité de traitement, de liberté d'accès et de transparence de procédures. Toute illégalité est sanctionnable.

Cependant, s'ils sont classés par l'État, les conservatoires relèvent de l'initiative, et donc de la responsabilité, des collectivités territoriales. La plupart des conservatoires sont gérés en régie directe et l'État ne peut pas s'immiscer dans leur choix d'instruments, en raison du principe de libre administration des collectivités.

Les règles de la commande publique ne relèvent pas de mon ministère : un travail important a été entamé par Agnès Pannier-Runacher ces derniers mois sur le sujet et je vais bien sûr me mobiliser pour permettre à ce tissu artisanal et industriel français d'accéder à ces marchés.

En effet, ces entreprises participent à l'attractivité de notre territoire et font perdurer des savoir-faire anciens : merci d'avoir appelé mon attention sur cette question primordiale.

M. Pierre Louault.  - Nous comptons sur votre tempérament pour faire avancer le dossier. Il serait dommage que le théâtre Bolchoï, que l'Opéra de Sydney, la Philharmonie de Berlin, la Scala de Milan reconnaissent Bergerault Percussions et pas l'Opéra de Paris !

Prestation de fidélisation et de reconnaissance des pompiers volontaires

M. Éric Gold .  - Les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins vingt ans de service effectif ont droit à une rente annuelle, appelée prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR), après la cession d'activité, à partir de 55 ans. Le montant de cette PFR varie en fonction du nombre d'années de service et est fixé chaque année par arrêté ministériel.

Pour tenter de contrer la baisse inquiétante de pompiers volontaires, cette rente a été modifiée par la loi du 27 décembre 2016. Depuis sa mise en application, les pompiers éligibles à la PFR se voient verser une part de la PFR pour les services effectués avant 2015 et une part de la nouvelle PFR s'ils ont continué à être en exercice après cette date.

Cette réforme a engendré pour certains des droits supplémentaires mais elle a été marquée par des dysfonctionnements liés à la clôture des comptes fin 2015 par l'assureur CNP. En effet, depuis lors, de nombreux bénéficiaires potentiels de la rente ont vu leur dossier mis en attente, et ont constaté un nombre de points erroné ou ne prenant pas en compte leurs états de service postérieurs à décembre 2015.

D'après mes informations, 89 dossiers sont encore en attente pour le SDIS du Puy-de-Dôme, retardant parfois de plusieurs années le versement de sommes pourtant largement méritées par des pompiers volontaires qui ont donné de leur temps et de leur énergie.

Les volontaires représentent 80 % des sapeurs-pompiers en France. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - La sécurité civile repose sur le modèle pertinent et robuste que vous avez rappelé. C'est par la mobilisation des 240 000 pompiers - dont 198 400 volontaires - que les Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) peuvent faire face.

La loi du 27 décembre 2016 puis le décret du 9 mai 2017 ont créé la nouvelle PFR (NPFR). Il s'agit d'une avancée sociale majeure et sa mise en oeuvre donne satisfaction.

Les sapeurs-pompiers volontaires ayant cessé leur activité avant le 1er janvier 2016, quant à eux, continuent de bénéficier de l'ancien dispositif, qui était un régime de versement de prestations de fin de service par capitalisation. Cet ancien régime, qui prévoyait l'acquisition de points en fonction de seuils d'ancienneté d'activités des sapeurs-pompiers volontaires, pose aujourd'hui des difficultés pour certains anciens pompiers, notamment lorsque des anomalies existaient dans leur déroulé de carrière ou de versements de cotisations. Le régime étant clôturé depuis le 1er janvier 2016 suite à la création de la NPFR, aucun nouveau droit ne peut être créé sur les dossiers existants.

Un dialogue est mené avec CNP Assurances, gestionnaire du contrat. Quelque 282 dossiers en souffrance ont pu être régularisés en 2019. Le dialogue s'est poursuivi pour les dossiers encore en souffrance : une proposition a été approuvée lors de l'assemblée générale de la PFR le 22 janvier 2020, puis par CNP Assurances. Les dossiers restants seront donc régularisés ces prochains mois.

M. Éric Gold.  - Pour les sapeurs-pompiers volontaires, il n'est pas acceptable qu'un changement d'assureur entraîne de tels dysfonctionnements. Je compte sur vous pour faire avancer ce dossier.

La séance est suspendue à 12 h 5.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.