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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Protection des civils dans les conflits armés

M. Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Coût du RGPD pour les collectivités locales

Mme Nadia Sollogoub

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Cristallisation des règles du fonds national de garantie individuelle des ressources

M. Olivier Paccaud

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Critères de répartition du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle

M. Bernard Bonne

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Relocalisation de l'industrie textile

M. Jean-Claude Tissot

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Avenir du site industriel d'Hambach

Mme Catherine Belrhiti

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Réseau des finances publiques dans la Drôme

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Démantèlement du réseau des finances publiques

M. Éric Bocquet

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Suite des intempéries dans les Alpes-Maritimes

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Indemnisation des préjudices liés aux choucas des tours

M. Michel Canevet

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Recyclage des pneumatiques

Mme Jocelyne Guidez

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Programme Syndièse du CEA

M. Bruno Sido

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Renaissance de la Palombe bleue

M. Max Brisson

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Chasse à courre

Mme Laurence Rossignol

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Risque radioactif autour de l'ancienne usine de radium de Nogent-sur-Marne

Mme Catherine Procaccia

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Affichage numérique publicitaire

Mme Annick Billon

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Réserves en eau pour l'agriculture

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Dangers du nitrate d'ammonium

M. Guillaume Gontard

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Procédure de vente des logements HLM

M. Pascal Martin

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

Couverture téléphonique en Mayenne

M. Guillaume Chevrollier

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

Politique de médiation numérique

M. Hervé Gillé

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

Report de la caducité des POS

Mme Viviane Artigalas

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

Regroupement des fonctions de juge d'instruction

M. Franck Menonville

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

Création d'une juridiction inter-régionale spécialisée à Toulouse

Mme Brigitte Micouleau

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

Effectifs de police à Villeneuve-sur-Lot

Mme Christine Bonfanti-Dossat

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Rôle de la police municipale

Mme Nathalie Delattre

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Effectifs de police à Sevran

M. Fabien Gay

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Mineurs isolés étrangers

M. Édouard Courtial

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Fréquentation des centres de vacances

M. Cyril Pellevat

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Intelligibilité de la loi

M. Jean-François Longeot

M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Fusion des établissements portuaires de Rouen, du Havre et de Paris

M. Didier Marie

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

Démographie médicale dans l'Ain

M. Patrick Chaize

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Fermeture de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches

M. Pierre Ouzoulias

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Dangers du gel hydroalcoolique pour les yeux des enfants

M. Yves Détraigne

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Désertification médicale (I)

M. Jean-Pierre Moga

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Désertification médicale (II)

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Maisons de naissance

M. Dominique Théophile

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Désertification médicale (III)

M. Patrice Joly

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Bulletin de paie unique pour les contrats courts

Mme Françoise Férat

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

Difficultés des missions locales liées à l'agence de services et de paiement

Mme Marta de Cidrac

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargée de l'insertion

Compte personnel de formation (CPF)

Mme Sabine Drexler

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargée de l'insertion

Utilisation des dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris

Mme Catherine Dumas

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Commission (Nomination)

Décès d'un ancien sénateur

Rappel au Règlement

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois

Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

Mme Éliane Assassi

Mme Dominique Vérien

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Franck Menonville

Mme Esther Benbassa

Mme Nadège Havet

Mme Maryse Carrère

Mme Muriel Jourda

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2 (Supprimé)

ARTICLE 3

ARTICLE 4

ARTICLE 10 BIS

Explication de vote

M. Philippe Bonnecarrère

Annexes

Ordre du jour du lundi 9 novembre 2020




SÉANCE

du jeudi 5 novembre 2020

17e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-présidente

Secrétaires : Mme Eustache-Brinio, Mme Martine Filleul.

La séance est ouverte à 09 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle 42 questions orales.

Protection des civils dans les conflits armés

M. Jean-Pierre Sueur .  - Lorsque des armes explosives sont utilisées lors de conflits dans des zones peuplées, 90 % des victimes sont des civils.

Les conséquences sont dramatiques pour les populations habitant dans des zones urbaines et périurbaines : morts et blessés, déplacements de populations, contamination par des explosifs, destruction massive d'infrastructures vitales. L'actualité au Haut-Karabakh nous le rappelle cruellement.

C'est pourquoi le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies et le directeur général du Comité international de la Croix rouge se sont prononcés pour mettre fin à leur utilisation dans les zones peuplées. À la suite de la conférence de Vienne pour la « protection des civils dans la guerre urbaine », en octobre 2019, la majorité des 133 États présents ont souhaité travailler ensemble à l'élaboration d'une déclaration politique visant à mettre fin aux souffrances humaines causées par l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées.

Si la France s'est engagée de façon très active dans les discussions à Genève, elle n'a cependant toujours pas donné son accord pour limiter l'usage des armes explosives les plus destructrices, « à large rayon d'impact », dans les zones peuplées. À quelle date la France donnera-t-elle cet accord ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Le Gouvernement partage vos préoccupations humanitaires sur l'usage indiscriminé des armes explosives en zone habitée, au mépris du droit humanitaire.

La France s'est donc engagée activement dans le groupe d'États, mené par l'Autriche et l'Irlande, qui a pris cette initiative, à la demande d'ONG comme Handicap International.

Certains acteurs non étatiques utilisent aussi des engins explosifs improvisés et transforment les civils en boucliers humains, pratiques que nous condamnons.

Les propositions de la France ont été publiées.

Le droit humanitaire impose de faire la distinction entre civils et combattants et de respecter le principe de proportionnalité. S'il était respecté unanimement, les souffrances des civils seraient réduites. Nous ne connaissons pas encore la date de mise en oeuvre en raison de la pandémie, mais la France n'est pas bloquante, elle est allante sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci de ce rappel ; j'espère la signature prochaine d'un texte rappelant ces engagements par les États, dont la France.

Coût du RGPD pour les collectivités locales

Mme Nadia Sollogoub .  - Ma question, qui date d'avril 2019, attirait votre attention sur les conséquences financières de la mise en oeuvre du règlement général de la protection des données (RGPD) dans les collectivités territoriales.

Des cabinets spécialisés ont fait des offres de services avec des devis difficilement abordables pour les communes de moins de 3 500 habitants. Le maire de Marcy, dans la Nièvre, s'interrogeait sur le coût que cela représente pour des communes dont le budget est déjà à l'étiage.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - La loi du 20 juin 2018, sur la protection des données personnelles intégrant le règlement européen dans le droit français, s'applique aux administrations comme aux entreprises. Ses obligations concernent toutes les compétences des collectivités territoriales, qui doivent prévoir la protection et l'accès aux données qu'elles traitent.

Ce faisant, le législateur n'a pas modifié les compétences des collectivités, mais s'est borné à aménager les modalités de leur exercice. Cette disposition n'entraîne donc pas la compensation constitutionnellement due. Un dispositif d'accompagnement a été mis en place par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et les collectivités territoriales ont la possibilité de mutualiser l'exercice de cette mission.

Mme Nadia Sollogoub.  - L'accompagnement par la CNIL n'est pas une réponse financière. Quant à mutualiser... Additionner deux pauvres, cela ne fait pas un riche !

Qui s'est soucié de combien ça coûte ? Le rapport de la Commission européenne de juin 2020 se félicite du dispositif, mais rien sur l'impact financier !

D'après la CNIL, 60 % des communes françaises n'avaient pas nommé de délégué RGPD. Un audit de quatre à dix jours coûte 4 000 euros.

Qui se soucie de l'addition pour les communes qui font face à des charges croissantes et nous appellent au secours, notamment dans le contexte de la crise sanitaire ?

La seule solution trouvée par les élus est de rogner sur leurs indemnités... Le pire, c'est de faire semblant de ne pas voir, de croire que cela va passer. Cela ne passe plus.

Cristallisation des règles du fonds national de garantie individuelle des ressources

M. Olivier Paccaud .  - Le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) porte bien mal son nom : il ne garantit aucune ressource mais pétrifie au contraire des injustices sidérantes. Lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2019 et 2020, un amendement du Sénat mettant fin à cette injustice fiscale a été à chaque fois supprimé par l'Assemblée nationale. Le ministre Olivier Dussopt avait alors déclaré « qu'il nous faudra revenir sur les règles du FNGIR pour tenir compte de l'évolution des territoires ». Depuis, les élus locaux continuent de subir. Un an plus tard, M. Darmanin renchérissait, mais sans effet.

Certaines communes souffrent en plus du maintien du prélèvement au titre de ce FNGIR alors qu'elles ont vu fondre leurs recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou de cotisation foncière des entreprises (CFE).

Dans l'Oise, c'est notamment le cas d'Éragny-sur-Epte, 610 habitants, qui depuis 2012 a vu chuter le produit de sa CVAE, suite à la cessation d'activités d'entreprises sur son territoire. En 2011, elle percevait 143 535 euros de CVAE et reversait 145 000 euros au FNGIR ; en 2018, elle ne percevait plus que 4 307 euros de CVAE et reversait toujours 143 758 euros au FNGIR, soit un différentiel négatif de 139 451 euros !

Pour les élus, c'est une spoliation, voire une escroquerie d'État, intenable et kafkaïenne. Le Gouvernement va-t-il enfin tenir ses promesses et corriger cette injustice ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - L'article 78 de la loi de finances pour 2010 avait prévu des correctifs à la réforme de la taxe professionnelle. En vertu de l'article 40 de la loi de finances pour 2012, les prélèvements pour le FNGIR sont désormais figés.

Le Gouvernement est parfaitement conscient des difficultés que rencontrent certaines communes contributrices, comme Éragny-sur-Epte, en raison du départ de certaines entreprises de leur territoire. La refonte du FNGIR doit être envisagée globalement pour éviter tout nouveau déséquilibre.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement a soutenu un amendement voté à l'Assemblée nationale prévoyant le versement d'une dotation d'un tiers du FNGIR pour les communes ayant une perte de CFE de plus de 70 % depuis 2012. C'est un effort substantiel de soutien, sans déséquilibrer l'intégralité du système.

L'intercommunalité peut permettre de mutualiser ce problème. Je note que concernant la commune en question, les bases fiscales de la CVAE ont augmenté de 25 % entre 2012 et 2018 sans augmentation du FNGIR.

Critères de répartition du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle

M. Bernard Bonne .  - Depuis 2017, l'enveloppe consacrée au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) est en baisse régulière. Surtout, les critères de répartition utilisés au niveau national pénalisent fortement les communes rurales.

Alors que, jusqu'à présent, le fonds était réparti au prorata de la somme allouée à chaque département l'année précédente, le critère de répartition est désormais basé sur les recettes réelles de fonctionnement des départements, telles que constatées dans leur compte de gestion de 2017. Or cela change tout !

Dans la Loire, la dotation a ainsi été divisée par cinq entre 2017 et 2020. Certaines petites communes ont donc vu leur dotation baisser de 81 % sur les deux derniers exercices.

Lier le FDPTP aux recettes du département semble incompréhensible, remet en cause le principe de solidarité au sein des départements et prive les communes rurales des moyens d'exercer leurs missions, notamment les services publics de proximité.

Cela conduit les communes rurales à chercher à attirer de nouveaux habitants afin de densifier les villages, au détriment de l'équilibre environnemental.

Avez-vous mesuré l'impact très négatif de ces nouveaux critères d'attribution sur le budget déjà très fragile des petites communes rurales ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Chaque année, la France verse une dotation via le FDPTP, depuis la suppression de la taxe professionnelle en 2010. La dotation s'élève à 284 millions d'euros, valeur stable pour la troisième année consécutive. La dotation aux départements a été réduite car les autres dotations de l'État aux collectivités territoriales ont augmenté à due concurrence.

Depuis 2017, l'engagement de stabilité sur les dotations a été maintenu.

La baisse de 15 % des FDPTP en 2019 a été appliquée uniformément au prorata des recettes réelles de fonctionnement des départements. C'était le critère le plus adéquat.

Le département de la Loire a subi une baisse du FDPTP en 2019, c'est vrai, mais cette baisse ne représente que 0,09 % de ses recettes de fonctionnement.

L'État réalise des efforts de soutien des collectivités territoriales. Il a notamment augmenté d'un milliard d'euros la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

M. Bernard Bonne.  - À l'échelle des petites communes rurales, il y a une baisse des dotations. Même si à l'échelle du département, la baisse est faible, les communes rurales sont de plus en plus fragiles. Entre 2017 et 2019, les dotations ont fortement baissé, ce que je regrette.

Relocalisation de l'industrie textile

M. Jean-Claude Tissot .  - La Loire est bien représentée aujourd'hui ! Je partage les propos de M. Bonne. La crise de la covid montre la trop grande dépendance de notre pays. Il faut relocaliser notre industrie.

La première mesure écologique et de bon sens, c'est de produire les textiles en France, décarbonés, accessibles au plus grand nombre. Ce n'est plus une utopie ! Dans la Loire, les Tissages de Charlieu et ses 70 salariés ont ainsi répondu à l'appel du Gouvernement de fabriquer des masques grand public. Malheureusement, quelques mois seulement après, les grandes administrations ont de nouveau commandé leurs masques en Asie.

À l'initiative du directeur des Tissages, M. Éric Boêl, un dossier d'investissements ambitieux a été déposé, le 14 octobre dernier, sur la plateforme du plan de relance, afin de relocaliser la fabrication de 12 millions de sacs de caisse compétitifs par rapport à la production asiatique, en économisant 4 kilos de C02 par sac et en créant 46 nouveaux emplois.

Quelles consignes ont été passées aux administrations publiques, notamment l'Éducation nationale ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - La mobilisation de la filière textile a été exemplaire par sa rapidité, son agilité et son ampleur.

Le Gouvernement a favorisé la production de masques grand public qui respectent les recommandations de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). La production textile doit répondre à l'objectif d'indépendance industrielle. Le Gouvernement va pérenniser cette filière, en encourageant les capacités de production.

Avec le comité stratégique de filière mode et luxe, nous voulons améliorer la connaissance de cette filière auprès des acheteurs potentiels, promouvoir l'achat de ces masques produits en France et favoriser leur exportation.

Je salue la mobilisation de ces entreprises. La ministre déléguée à l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, a révélé le nom des dix premiers lauréats de l'appel à manifestation d'intérêt concernant la fabrication de matériel filtrant pour masques sanitaires, qui devrait permettre de créer 250 emplois directs sur notre territoire.

Avenir du site industriel d'Hambach

Mme Catherine Belrhiti .  - La citadine Smart est assemblée à Hambach en Moselle depuis 1997. Près de 1 600 personnes travaillent dans ce gigantesque complexe industriel appartenant au groupe Daimler.

Près de 600 millions d'euros, provenant de fonds européens et de l'État, avaient été investis dans la construction de cette usine inaugurée par Jacques Chirac et Helmut Kohl, l'action de Gérard Longuet et Philippe Leroy ayant été déterminante.

Mais en juillet 2020, la cession de l'usine a été annoncée, ce que n'ont pas compris les salariés, qui avaient accepté de travailler 39 heures payées 37. Le groupe Ineos est intéressé par la reprise du site pour produire son 4X4 Grenadier. Le Gouvernement soutient ce repreneur. Les deux groupes annoncent vouloir maintenir l'emploi pour la quasi-totalité des personnels, notamment grâce à des mesures de flexibilité.

Reste la question de 150 à 225 emplois à risque, ce nombre correspondant aux salariés qui n'ont pas signé la charte de mobilité. Le site de Hambach étant surdimensionné pour la production du Grenadier, Ineos examine d'autres solutions, telles que l'implantation de fournisseurs.

La situation serait très risquée en cas d'arrêt prématuré de la production de la Smart ou d'une montée en puissance trop lente de la production du Grenadier.

Quelles sont les solutions envisagées par le Gouvernement, notamment en cas d'échec des discussions entre les deux groupes ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Le 3 juillet dernier, Daimler surprenait tout le monde en annonçant la vente de son site d'Hambach, surnommé Smartville.

Agnès Pannier-Runacher a demandé à la direction de travailler à un projet de reprise solide et mandaté un cabinet de conseil indépendant. Elle s'est rendue à Hambach le 30 juillet.

Depuis, elle assure un suivi très rapproché avec les dirigeants. Les conclusions du cabinet ont été présentées le 6 octobre lors d'une réunion au ministère à laquelle vous avez participé, madame le sénateur. Ce travail a permis d'avancer sur plusieurs points : un projet de reprise solide porté par le groupe Ineos qui est un repreneur solide ; l'engagement de Daimler à produire la Smart sur place jusqu'en 2024, avec l'ensemble des salariés et sous-traitants, et à fabriquer d'autres pièces sur le site. Ces avancées n'auraient pas pu être possibles sans l'engagement des élus locaux et des responsables syndicaux que je tiens à saluer.

Mme Catherine Belrhiti.  - Merci. J'espère que tout ira pour le mieux pour ces salariés.

Réseau des finances publiques dans la Drôme

Mme Marie-Pierre Monier .  - Le projet de réorganisation des services des finances publiques de la Drôme de juin 2019 n'est rien moins qu'une concentration.

Les élus avaient dénoncé l'absence de concertation dans les territoires les plus urbanisés au détriment de la ruralité. La direction a annoncé des fermetures de trésorerie comme celle de Rémuzat dès le 1er janvier prochain, alors que l'on nous avait promis qu'il n'y aurait pas de fermeture avant 2022.

Le bureau de tabac est peut-être le bon endroit pour payer une amende, mais pas pour expliquer ses difficultés à payer la cantine ou exposer son désaccord avec le calcul d'un impôt !

Dans les Baronnies, il faudra faire plus d'une heure de route pour atteindre un point d'accueil de proximité.

La réorganisation de ces services doit rester concertée. Un changement de méthode et une réorganisation qui ne vide pas la ruralité sont indispensables.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Cette réforme augmente le nombre de points d'accès de 40 %. Quelque 1 400 cadres sont prévus pour le conseil aux élus locaux, les services de la gestion comptable étant mutualisés.

La DGFiP a engagé une démarche de concertation : 33 chartes ont été signées avec des départements et 300 autres avec des intercommunalités ; au total, 71 départements sont concernés par une charte.

Dans la Drôme, une négociation a été lancée dès juin 2019. Après une interruption au printemps, les échanges ont repris à l'été et cinq chartes ont été signées, une sixième sera prochainement finalisée concernant les Baronnies.

Les territoires ruraux ont tout à gagner dans cette réorganisation. La concertation a permis de faire évoluer le projet avec la création de nouveaux points d'accueil de proximité dans le sud du département et la possibilité de payer chez les buralistes implantés dans les villages.

Un appel à candidature pour accueillir des services jusqu'à présent installés dans les métropoles a été lancé en octobre 2019 ; la ville de Valence accueillera ainsi en 2022 l'un d'eux et sa cinquantaine de fonctionnaires.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Valence est la ville préfecture. Certains territoires n'ont pas accepté le projet. Or nous avons besoin de ces services dans les territoires.

Démantèlement du réseau des finances publiques

M. Éric Bocquet .  - Ma question porte sur le même thème, sur la réforme profonde des finances publiques engagée par le Gouvernement.

Sous couvert de modernisation, il s'agit d'un démantèlement pur et simple du réseau des finances publiques.

Le lien humain avec les usagers, fondamental, n'existera plus demain, et le lien entre ordonnateur et comptable sera pour le moins distendu. Or nos concitoyens et les élus en ont besoin. Les services publics de proximité sont essentiels pour la vitalité des communes.

Cette réforme est dictée par des impératifs budgétaires : comment pourrez-vous nous faire croire que vous ferez mieux avec moins ? La fermeture des perceptions va sacrifier encore plus la ruralité. La nomination d'un secrétaire d'État à la ruralité fait ainsi figure d'écran de fumée, voire de gadget.

Votre Gouvernement se targue d'être le Gouvernement des territoires, mais la concertation est au mieux une aimable information, descendante, top down, comme on dit dans le « nouveau monde ».

Allez-vous enfin entendre cette mobilisation des élus et des populations ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Connaissant bien Joël Giraud, je peux vous dire qu'il est tout sauf un gadget.

L'objet de notre démarche est d'augmenter le nombre de services d'accueil de proximité de plus de 30 % et de donner des conseils plus personnalisés aux élus locaux.

Des conventions départementales ont été signées dans 33 départements avec quelque 350 EPCI, et 71 départements ont signé une charte.

Dans le Nord, il y a eu 17 réunions, une par EPCI, avec une forte participation des maires. Cela a permis de renforcer le maillage territorial. En 2023, la DGFIP sera présente dans 23 communes supplémentaires par rapport à aujourd'hui. Elle comptera 20 services de gestion, 32 conseillers pour les élus du Nord et une présence dans 44 maisons France-services. Une permanence hebdomadaire sera organisée dans les communes qui avaient une trésorerie. Quelque 189 buralistes agréés compléteront ce réseau.

M. Éric Bocquet.  - On parle beaucoup d'Amazon. Son patron Jeff Bezos considère que le meilleur service client, c'est quand le client n'a pas besoin de vous appeler. C'est la philosophie qui semble inspirer votre politique.

Suite des intempéries dans les Alpes-Maritimes

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - La tempête Alex a touché très durement les Alpes-Maritimes : 1 à 1,5 milliard d'euros seront nécessaires pour la reconstruction, qui sera titanesque. Or le fonds Barnier est insuffisant avec ses 130 millions d'euros. Son transfert dans le budget de l'État en 2021 ne l'étoffera pas plus.

Dans les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée, le confinement est une épreuve supplémentaire, surtout pour ceux qui ont perdu leur habitation !

Le Gouvernement doit entendre notre appel à un assouplissement du confinement, qui bloque l'acheminement par les bénévoles du matériel de première nécessité et la possibilité d'assurer le soutien moral aux populations, très important.

Les maires ont identifié un obstacle qui risque de bloquer la reconstruction : le principe de continuité territoriale institué par la loi Montagne.

Quels concours financiers sont prévus par le Gouvernement en plus du fonds Barnier ? Le Gouvernement va-t-il revoir la loi Montagne et assouplir le confinement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Le Gouvernement assure toutes les victimes et leurs proches de son soutien. Mercredi prochain, un point sera fait sur les mesures sanitaires : l'objectif est de couper les contaminations pour faire baisser l'intensité de la pandémie. Je ne peux donc rien vous dire de plus en attendant.

Le Président de la République a indiqué le 2 octobre que la réponse serait à la hauteur pour la reconstruction. Un arrêté de catastrophe naturelle a été pris en Conseil des ministres le 7 octobre : les victimes pourront donc être indemnisées extrêmement rapidement. La dotation de solidarité sera mobilisée pour les équipements publics non assurables.

En outre, 100 millions d'euros seront prévus sur le budget de l'État.

Les ressources du fonds Barnier sont portées à 205 millions d'euros. Une réflexion sur la réforme du régime de l'indemnisation dans le cadre des catastrophes naturelles est engagée.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Nous souhaitons que cette solidarité nationale s'inscrive dans la durée pour reconstruire nos vallées.

Indemnisation des préjudices liés aux choucas des tours

M. Michel Canevet .  - Ma question porte sur les ravages dus au choucas des tours, en particulier en Bretagne, mais pas seulement.

Cette espèce protégée a proliféré et cause de nombreux dégâts chez les particuliers car elle s'installe dans les cheminées, près des entreprises agroalimentaires - ce qui fait peser des risques sanitaires - mais elle touche surtout les agriculteurs. Plus de 2 000 hectares ont été saccagés dans le Finistère et les dégâts se chiffraient à 1,5 million d'euros en 2019 dans le Finistère et les Côtes d'Armor. Il faut ajouter à cela la détresse psychologique de ces agriculteurs dont les parcelles sont ravagées et qui sont obligés de semer à nouveau, alors que l'agriculture souffre déjà par ailleurs.

En attendant une solution de long terme, comment le Gouvernement compte-t-il indemniser ces agriculteurs ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Le choucas est un corvidé dont la population est en hausse et qui occasionne de nombreux dégâts en Bretagne - sans doute en raison de la transformation des pratiques agricoles - tandis que sa population est en déclin ailleurs, comme en Île-de-France. C'est une espèce protégée aux plans français et européen, mais son statut permet des destructions à titre dérogatoire. Cette possibilité a été utilisée dans le Finistère et dans une moindre mesure dans les Côtes d'Armor et le Morbihan. Une étude confiée à l'université de Rennes nous sera remise en 2022, mais les premiers résultats paraîtront cette année.

Le ministre de l'Agriculture a défini un plan d'action avec trois volets : la connaissance du dynamisme des populations, la prévention et la régulation. La mise en oeuvre de ces mesures devrait ramener la déprédation à un niveau qui nous permette d'éviter d'avoir à indemniser.

M. Michel Canevet.  - Cela n'est pas suffisant. Il faut aussi indemniser. La quatrième loi de finances rectificative prévoit 50 millions d'euros pour les calamités agricoles : ils pourraient servir à indemniser des agriculteurs qui souffrent.

Recyclage des pneumatiques

Mme Jocelyne Guidez .  - Il est courant de voir des pneumatiques usagés au bord des routes ou des espaces verts. Ils sont nuisibles à l'environnement et la santé. Mais les élus locaux sont désemparés.

Le cadre juridique actuel suscite des interrogations. Une directive européenne de 1999 impose aux États membres de prendre des mesures afin que les pneumatiques usés ne soient plus mis en décharge. Une filière à responsabilité élargie du producteur est apparue en 2003 : les metteurs sur le marché doivent prendre en charge la collecte et le traitement des déchets issus des pneumatiques.

Les garagistes doivent les reprendre gratuitement, un manquement à cette obligation fait l'objet d'une amende de 450 euros. Mais cette obligation est encore méconnue - et elle est limitée au tonnage des pneus vendus par le professionnel.

Comment inciter les particuliers à rapporter leurs pneus usés ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - La collecte et le traitement des pneus usagers sont une préoccupation importante de mon ministère.

L'objectif de récupération de l'équivalent de 100 % des pneus neufs mis sur le marché n'est pas encore atteint. Le taux est actuellement de 90 %.

En juillet 2019, les acteurs de la filière ont volontairement proposé la collecte et le traitement des pneus auprès des agriculteurs, ce qui a permis de récupérer 2,3 millions de pneus d'ensilage, grâce à l'association Ensivalor. Les associations métropolitaines apportent aussi leur soutien en outre-mer.

Il est rare que les particuliers changent eux-mêmes leurs pneus et aient donc à gérer leur recyclage mais cela existe dans certaines régions aux hivers rudes. Il nous appartient de mieux communiquer sur la possibilité de dépôt des pneus.

Programme Syndièse du CEA

M. Bruno Sido .  - La pandémie actuelle place la question des mobilités au coeur des réflexions. Les usages des transports s'en trouvent brutalement bouleversés et une fois la crise sanitaire jugulée, des mutations importantes en matière de transport collectif et de transport aérien devraient advenir.

Le Gouvernement pose des conditions au soutien apporté par l'État à Air France ; réduction de moitié des émissions de CO2 sur les vols métropolitains à l'horizon 2024, renouvellement de la flotte pour des avions moins émetteurs de CO2 - et 2 % de carburant alternatif durable dès 2025.

Le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a développé les procédés nécessaires à la production de carburants liquides à partir de biomasse forestière autour du procédé Fischer-Tropsch. Ces travaux ont été menés dans le cadre du programme Syndièse. Ils ont été suspendus en 2016, trop hâtivement, au motif d'une baisse du prix du baril de pétrole.

L'État doit mobiliser le CEA pour que Syndièse soit de nouveau mis en oeuvre sur la plateforme technologique dédiée en Haute-Marne, aux confins de la Meuse. (M. Franck Menonville applaudit.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Ancienne rapporteure de la LOM et élue de Haute-Marne, je suis attachée moi aussi à la question.

La validation des composants technologiques a été menée à son terme en 2015 par le CEA, et une plateforme technologique de 35 hectares a été achetée et viabilisée. Un cabinet d'expertise ayant conclu en 2015 à la non-viabilité du projet, le pilotage industriel a été différé de cinq ans, jusqu'à 2021. Mais le CEA a développé d'autres projets en Haute-Marne, dont Cicéron.

Il travaille également avec l'IFP Énergies nouvelles, sur le projet de bio carburant aérien BioTFuel, à base de biomasse et utilisant le procédé Fischer-Tropsch. Une étude est en cours pour un développement national dans le cadre du pacte productif. Comptez sur notre engagement.

M. Bruno Sido.  - Les Hauts-Marnais se retrouvent... Mais le Gouvernement ne peut pas avoir trente-six politiques en la matière. Il y a urgence climatique, sans parler de l'aspect économique, qui est autre.

Renaissance de la Palombe bleue

M. Max Brisson .  - La ligne de trains de nuit La Palombe bleue reliant Paris, Pau, Lourdes et Hendaye a été fermée en 2017.

L'intérêt environnemental des trains de nuit est évident. Je me réjouis qu'ils reviennent en grâce. Mais je suis très inquiet de la modification du trajet, qui rallonge considérablement le temps de voyage en passant par le centre de la France.

Le tracé historique, avec à Dax la séparation en deux lignes, assurant d'une part la desserte de Pau, Lourdes, Tarbes, de l'autre Hendaye, peut-il être restauré ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Le Gouvernement est convaincu de l'intérêt des trains de nuit.

Paris-Briançon et Paris-Cerbère verront leur matériel rénové d'ici 2023 pour 44 millions d'euros. Le plan de relance prévoit aussi 100 millions d'euros pour rouvrir les trains de nuit sur Paris-Nice en 2021 et Paris-Tarbes en 2022. L'État travaille avec la SNCF sur les conditions de remise en circulation. Je vous confirme l'objectif d'aller jusqu'à Hendaye.

L'opportunité de recréer un réseau de lignes de nuit est à l'étude. Le rapport sera remis au Parlement avant la fin de l'année.

M. Max Brisson.  - Le calendrier est prometteur mais le tracé, donc les horaires de desserte, posent problème. Un train de nuit qui arrive au terminus à Hendaye à 11 heures, ce n'est plus un train de nuit !

Chasse à courre

Mme Laurence Rossignol .  - Ma question porte sur la pratique de la chasse à courre. Chaque année, celle-ci donne lieu à des conflits de voisinage. Les animaux se réfugient dans des zones urbanisées. À Compiègne, dès le premier jour de la chasse, un grand cerf s'est réfugié dans un chantier ; la gendarmerie a dû intervenir. Récemment, des chiens de chasse à courre ont tué un lama dans un élevage.

La chasse à courre est anti-écologique, elle ne participe pas à la régulation des espèces et elle tue les plus beaux reproducteurs. Elle n'est pas non plus une tradition ancestrale. Or elle est de plus en plus pratiquée en France, notamment par des étrangers, en raison des interdictions dans d'autres pays.

Allez-vous l'interdire, comme vous l'avez fait de la chasse à la glu ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Nos positions peuvent évoluer, y compris à l'égard de nos patrimoines culturels. Cela a été le cas sur les cirques itinérants employant des animaux sauvages et les delphinariums. La chasse à courre concerne 390 équipages, pour 70 000 veneurs et suiveurs. Le prélèvement, faible, est fixé dans les plans de chasse définis à l'échelle des territoires - la population des cervidés n'est pas menacée.

L'incident de Compiègne a été l'occasion de clarifier les choses. L'animal est gracié quand il arrive à proximité des habitations et jardins. Le maître d'équipage doit éloigner hommes et chiens et faciliter le retour de l'animal vers les zones non habitées.

À chaque incident de chasse, une enquête est diligentée et des sanctions peuvent être prononcées.

Pour envisager une évolution, il faut un dialogue, éclairé par des données scientifiques, et un diagnostic partagé.

Mme Laurence Rossignol.  - Merci de renforcer nos arguments mais votre conclusion n'est pas à la hauteur de votre sensibilité au sujet.

Dans les Hauts-de-France, les forces de l'ordre ont autre chose à faire que régler les problèmes de chasse à courre. Il faudrait que vous mettiez autant de zèle, avant toute réforme, à vous concerter avec les organisations sociales qu'avec les chasseurs !

Risque radioactif autour de l'ancienne usine de radium de Nogent-sur-Marne

Mme Catherine Procaccia .  - Une ancienne usine d'extraction de radium utilisée par Marie Curie nous pose, à Nogent-sur-Marne, un problème de pollution radioactive. Le site a été en partie dépollué sous le contrôle de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) en 2010-2011. L'autre partie de la parcelle, en attente de dépollution, reste à l'état de friche.

La mairie s'était engagée à consacrer en 2020 un million d'euros à cette dépollution mais la crise sanitaire a conduit à reporter les opérations. L'épidémie ne semble pas ralentir, or il n'est pas concevable que la municipalité et les Nogentais attendent encore une année, faute de financements.

Selon la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), la radioactivité ne s'arrête pas aux palissades du site. Logique ! Ainsi, tous les travaux alentour comportent des risques pour les habitants. Une intervention de l'État s'avère indispensable.

Le plan de relance présenté par le Gouvernement prévoit des fonds pour le recyclage des friches : comment sont définies les priorités ? La ville de Nogent-sur-Marne pourra-t-elle rapidement bénéficier de ces financements ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Cette parcelle correspond à la première usine française d'extraction de radion, fermée en 1968, et où s'est implantée ensuite une école, fermée elle-même en 1998.

Le site a été en partie dépollué entre 2010 et 2011. Une zone résiduelle reste à traiter, avant la création d'une aire de loisirs et de sport.

Une subvention de 92 000 euros a été attribuée à la ville. L'appel à projet de l'Ademe ne s'appliquera pas pour des raisons de comptabilité communautaire et de normes. Je vous invite en revanche à solliciter l'Andra, même si elle est très sollicitée...

Mme Catherine Procaccia.  - C'est une réponse claire mais désolante. Ce site ne répond donc pas aux priorités. Le sol de cette ancienne usine, patrimoine national, restera pollué. Je regrette qu'il ne puisse être fait appel au fonds friche.

Affichage numérique publicitaire

Mme Annick Billon .  - Votre projet de réforme visant à lutter contre l'affichage publicitaire et institutionnel numérique sonnera le glas de toute une profession. Pourtant des acteurs économiques responsables se sont engagés dans la transition écologique depuis une vingtaine d'années. Ils sont accusés de tous les maux, alors qu'ils évitent la prolifération du papier et ont recours à une technologie LED bien moins énergivore que de nombreux appareils électroniques en circulation. En outre les écrans dynamiques sont d'ores et déjà soumis à de fortes contraintes depuis le Grenelle de 2012 et le règlement de publicité encadre déjà strictement les possibilités d'implantation.

Le bilan carbone des écrans LED est bien meilleur que celui de l'affichage papier traditionnel. Le secteur développe des écrans hybrides, utilisant une technologie photovoltaïque permettant une réduction de 75 % de la consommation électrique.

Lancer le discrédit sur toute une profession, en éludant les conséquences économiques et sociales, est dangereux à l'heure où la crise sanitaire se double à une crise économique sans précédent.

L'écologie que je défends est pragmatique et non punitive. Renoncez à votre projet de réforme !

M. Max Brisson.  - Très bien !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Ce projet de réforme est issu de la Convention citoyenne sur le climat et des propositions des 150 citoyens représentatifs de la population française.

En 2019, l'empreinte carbone des Français est de 11,2 tonnes contre un objectif à atteindre de 2 tonnes conformément aux Accords de Paris.

L'un des moyens identifiés par la Convention est de réduire la publicité pour freiner la surconsommation. Des réunions de concertation ont eu lieu, en particulier sur les répercussions économiques. Un projet de loi sera déposé et il reviendra aux parlementaires de statuer.

La publicité numérique entraîne une forte consommation d'énergie et une pollution lumineuse nuisible à la biodiversité. Elle nécessite des métaux rares comme la bauxite ou l'aluminium, mais aussi du pétrole, pour fabriquer les panneaux.

Mme Annick Billon.  - Le tirage au sort n'est pas une garantie de représentativité. La Convention citoyenne sur le climat n'a aucune légitimité. Après l'agribashing, non au pub-basching !

Les acteurs de ce secteur sont écoresponsables et cherchent à rendre leurs panneaux totalement autonomes. C'est le cas de la société vendéenne Cocktail Vision.

Réserves en eau pour l'agriculture

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Depuis trois ans, la France connaît de longues sécheresses dommageables pour les cultures et le bétail, sans qu'aucune mesure de prévention ne soit imaginée. Pire, nous détruisons certains ouvrages traditionnels.

La loi sur la continuité écologique qui condamne toutes les retenues et des réglementations trop restrictives contraignent aujourd'hui les éleveurs à parcourir des kilomètres pour remplir des citernes ou pire, à ponctionner sur le réseau d'eau potable déjà en tension, ce qui est un non-sens écologique et coûte très cher.

Depuis le 30 juin, un décret permet l'arasement des moulins, sans réflexion sur l'antériorité des usages. Finies les autorisations, les enquêtes publiques, l'information donnée aux riverains !

Est-ce en détruisant les retenues que nous répondons aux besoins d'approvisionnement de proximité en eau dès mars-avril ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Collectivement, nous devons revoir la gestion en eau, en raison des tensions actuelles.

Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) concilient l'évolution des systèmes agricoles et l'administration de la ressource par le stockage-déstockage. À ce jour, 60 PTGE ont été adoptés ; 25 sont en cours et 16 sont engagés. Quelque 62 retenues ou projets font l'objet d'une contestation, 14 ont été annulés.

Un groupe de travail rassemble les trois bassins versants les plus concernés, ainsi que les associations de production et des représentants des ministères concernés. Les difficultés portent sur le manque d'identité d'un porteur de projet, sur une insuffisante justification des bassins en eau, sur l'acceptabilité sociale, sur la fixation des volumes. Il arrive aussi que les études d'impact soient incomplètes.

Il faut renforcer la fiabilité des projets pour les pérenniser.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Les services sont mobilisés, dites-vous en substance : mais pas assez ! C'est maintenant qu'il faut créer les réserves en eau : accélérez les procédures !

Adapter les élevages ? Mais dans certaines zones, on ne peut faire que de l'élevage...

Dangers du nitrate d'ammonium

M. Guillaume Gontard .  - La catastrophe survenue à Beyrouth, le 4 août 2020, à la suite de l'explosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium qui a causé la mort de près de 200 personnes, soulève de nouvelles inquiétudes sur l'usage de ce composé.

La France consomme chaque année 2 millions de tonnes de nitrates d'ammonium, soit 8 % de la production mondiale. Près de 186 sites industriels classés, installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), stockent de l'ammonium.

Le rapport sénatorial a montré que le risque zéro n'existe pas. Vous annoncez une augmentation du nombre d'ingénieurs, mais je m'inquiète de la politique d'implantation de nouvelles usines, qui progresse dans l'ombre.

Par ailleurs, la réglementation ne prévoit pas de contrôle sur les sites stockant moins de 250 tonnes de nitrate d'ammonium, en particulier sur les exploitations agricoles, où plusieurs accidents se sont pourtant produits.

Quels moyens de contrôle envisagez-vous ? Souhaitez-vous développer des alternatives aux phytosanitaires ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Ces produits servent d'explosifs ou de fertilisants. Au-delà d'un certain seuil, les stockages sont soumis à déclaration voire à autorisation, avec des règles particulières. Les ICPE sont contrôlées par l'inspection dédiée et les contrôles seront renforcés en 2021. La base de données nationale est accessible au public.

Les installations soumises à autorisation sont recensées sur le site internet Georisques, celles soumises à déclaration sont recensées au niveau départemental.

À la suite de l'accident de Beyrouth, nous avons demandé un audit au CGE et au CGEDD. Nous en tirerons les conclusions nécessaires, sans aucune zone d'ombre.

M. Guillaume Gontard.  - Je reste inquiet. Les contrôles Seveso sont réels, mais ceux sur les stocks inférieurs à 250 tonnes sont très limités.

Procédure de vente des logements HLM

M. Pascal Martin .  - Les règles d'attribution des logements appartenant à un organisme d'habitations à loyer modéré (HLM) ont été modifiées depuis la loi du 23 novembre 2018.

Les acquéreurs prioritaires sont toutes les personnes physiques remplissant les conditions de ressources pour l'accession à la propriété, les collectivités territoriales ou leurs groupements, ou toute autre personne physique sans conditions de ressources.

Quand plusieurs candidats de même rang se portent acquéreurs du même logement, c'est celui qui formule la première offre au prix proposé qui l'emporte. Ainsi, un appartement de quatre chambres peut être vendu à un candidat célibataire si son offre d'achat est arrivée la première.

En outre, les locataires de l'organisme HLM qui propose des logements à la vente ne bénéficient pas d'une priorité.

L'organisme HLM est ainsi privé de son rôle social d'accompagnateur dans le parcours résidentiel de ses locataires. Comment remédier à ce problème ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Il faut concilier le parcours résidentiel des locataires d'HLM vers la propriété et la nécessité pour les organismes d'avoir de nouvelles ressources afin d'accroître l'offre.

Locataires et gardiens sont prioritaires, puis les collectivités territoriales et leurs groupements ; enfin, toutes les autres personnes physiques.

Le décret du 15 novembre 2019 a précisé que les locataires du parc social ont le même rang de priorité, ce qui va dans le sens d'une meilleure équité. Si l'offre dépasse le prix de mise en vente, c'est le premier locataire à déposer son offre qui sera retenu. Le législateur n'a pas prévu de typologie des ménages afin de ne pas alourdir la procédure, qui doit rester juste et efficace.

M. Pascal Martin.  - Les organismes HLM ne sont plus que des chambres d'enregistrement ; c'est regrettable, ils doivent jouer leur rôle social d'accompagnateur.

Couverture téléphonique en Mayenne

M. Guillaume Chevrollier .  - Il y a de fréquentes pannes sur les réseaux téléphoniques fixe et mobile d'Orange en Mayenne. Elles durent parfois plus d'un mois. Le service de déclaration des sinistres - 3900 pour les particuliers - n'est pas satisfaisant, il est rare de trouver un interlocuteur.

De trop nombreuses zones blanches subsistent. Les habitants subissent la double peine. Une personne âgée en difficulté a été secourue après plusieurs heures car la téléalarme ne fonctionnait pas.

Alors qu'un New Deal est annoncé, comment obliger Orange à répondre à ses obligations de service public ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - C'est la couverture de tout le territoire par les réseaux numériques, et non les critères financiers, qui est privilégiée par le Gouvernement. Les opérateurs ont pris des engagements forts pour généraliser la couverture 4G du territoire d'ici à la fin de 2020 et le 1 % de territoire restant devrait être couvert d'ici 2022 : 600 à 800 sites par an.

En Mayenne, 24 sites mobiles ont été annoncés ; les opérateurs doivent couvrir la zone prioritaire dans les 24 mois suivant la parution de l'arrêté, sous le contrôle de l'Arcep qui élabore un tableau de bord consultable.

La maintenance du réseau pose problème, j'ai pu le constater lors de mes déplacements, par exemple dans la Drôme. Cédric O est particulièrement attentif à ces questions, et incite l'Arcep à exercer amplement son contrôle sur les questions numériques.

Les départements ont des correspondants territoriaux... qui font plus ou moins bien leur travail.

M. Guillaume Chevrollier.  - Les maires attendent beaucoup de la maintenance du réseau. Le délai de 24 mois pour la mise en service est trop long. Levons les dysfonctionnements pour le réseau fixe : attendre 3 à 4 semaines une réparation, c'est inacceptable. On voudrait que les opérateurs soient aussi réactifs à réparer qu'à proposer un nouvel abonnement !

Politique de médiation numérique

M. Hervé Gillé .  - La crise sanitaire entraîne une discrimination de la population rurale, dès lors que le New Deal mobile n'a pas permis de couvrir tout le territoire. Les opérateurs sont en retard et l'Arcep contrôle insuffisamment.

Les médiateurs numériques sont de plus en plus indispensables dans les zones rurales, où souvent 30 % de la population est en décrochage numérique.

Comment orienter prioritairement vers les zones rurales les moyens disponibles dans le cadre du plan France Très Haut Débit, afin d'éviter un nouveau décrochage de ces territoires ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - La crise sanitaire a mis en évidence l'utilité du numérique pour la santé et l'économie. C'est un outil essentiel de la vie des Français.

Le Gouvernement agit partout avec force. Depuis 2017, nous avons fait de vrais choix technologiques et financiers, pour une couverture totale et parfaite du territoire. Un service universel a été instauré et 550 millions d'euros de nouveaux crédits, dans le plan de relance, sont alloués pour les nouveaux réseaux, notamment portés par les collectivités territoriales.

Le dialogue entre la collectivité territoriale maître d'ouvrage et l'État doit être privilégié.

Le Gouvernement accompagne les Français vers l'autonomie numérique, avec des accompagnateurs, des espaces dédiés, des outils sécurisés...

Nous surveillerons les opérateurs, d'autant que le secrétariat d'État de Cédric O est sous la double tutelle du ministre de la Cohésion des territoires et de Bercy.

M. Hervé Gillé.  - Le déploiement de la 4G est plus lent que ne l'imposent les obligations des opérateurs.

Il faut accompagner les personnes : la médiation numérique doit se faire avec un cadre déontologique spécifique.

Report de la caducité des POS

Mme Viviane Artigalas .  - La loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a reporté la caducité des plans d'occupation des sols (POS) au 31 décembre 2020 pour les communes membres d'une intercommunalité n'ayant pas achevé l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi).

Ce délai supplémentaire avait été octroyé afin de ne pas pénaliser les communes concernées par une situation dont elles ne sont pas responsables et qui entraîne l'annulation de leur document d'urbanisme. Ce report devait aussi laisser le temps aux intercommunalités pour faire aboutir leur PLUi.

La crise sanitaire et le confinement sont passés par là : nombre de collectivités territoriales n'auront pas achevé leur plan local d'urbanisme fin décembre, ce qui entraînera l'application du règlement national d'urbanisme (RNU).

Comment permettre aux collectivités territoriales de s'adapter, par exemple en prorogeant les délais échus au 31 décembre 2021 ? Apportez souplesse et proximité aux collectivités territoriales !

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - La caducité des POS est prévue depuis la loi SRU du 13 décembre 2000. La loi ALUR du 24 mars 2015 a fixé le délai au 31 décembre 2015, mais a laissé quatre ans supplémentaires lorsqu'un PLUi était en chantier. Encore un an supplémentaire a ensuite été accordé.

Il ne reste aujourd'hui plus guère de POS laissés en l'état : ils étaient 7 500 en 2014, 800 au 1er janvier 2020 et 546 au 1er septembre : autrement dit, 80 % ont été transformés.

Il n'y a pas de vecteur législatif disponible, du reste...

Encourageons le remplacement des POS par des PLUi, qui comprennent des objectifs de mixité sociale et de protection de l'environnement, bien utiles.

Après la caducité, le RNU s'appliquera si besoin.

Mme Viviane Artigalas.  - J'insiste : même si peu de communes sont concernées, elles sont dans des situations difficiles. Faire un PLU prend beaucoup de temps. À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle ! Cela permettrait aussi de relancer la construction en milieu rural.

Regroupement des fonctions de juge d'instruction

M. Franck Menonville .  - La loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 prévoit le regroupement des fonctions de juge d'instruction au sein d'une même juridiction dans les départements dotés de plusieurs tribunaux judiciaires.

La Meuse dispose actuellement de deux cabinets d'instruction, à Verdun et à Bar-Le-Duc. Le transfert se ferait vers Verdun, où se situe le tribunal pour enfants.

La perte d'un magistrat instructeur affectera la pérennité et l'attractivité des institutions judiciaires essentielles au dynamisme local. Compte tenu des distances, une telle organisation éloignera davantage nos concitoyens de la justice, à rebours de l'objectif de la loi...

L'éloignement des deux tribunaux desquels dépendent deux centres de détention, Saint-Mihiel et Montmédy, et une maison d'arrêt va complexifier le transport des gardés à vue.

En outre, le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigeo), encore au stade de laboratoire, se trouve dans la circonscription du tribunal de Bar-Le-Duc. Il nécessitera sans doute la présence d'un juge instructeur. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - Veuillez excuser l'absence du garde des Sceaux.

La loi du 23 mars 2019 vise à simplifier l'organisation des juridictions pour une justice plus accessible et efficace, avec pour impératifs la proximité et la spécialité.

La fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance s'est effectuée sans aucune fermeture.

L'article 52-1 du code de procédure pénale prévoit au moins une juridiction d'instruction par département. L'article L.211-9-3 du code de l'organisation judiciaire prévoit quant à lui la faculté de spécialiser un tribunal quand le département en compte plusieurs.

La mise en oeuvre de ces dispositions est toujours à l'initiative des acteurs locaux, qui sont les plus à même d'élaborer des propositions adaptées. De larges concertations ont ainsi été menées à l'initiative des chefs de la cour d'appel de Nancy, afin de prendre en compte la réalité des territoires.

Si la situation sanitaire n'a pas permis d'aller à ce stade plus avant sur ces projets, le Gouvernement portera une attention particulière à la situation du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc.

Création d'une juridiction inter-régionale spécialisée à Toulouse

Mme Brigitte Micouleau .  - Je regrette que le garde des Sceaux ne soit pas là pour me répondre.

Lors de sa venue à Toulouse le 9 octobre dernier, Jean-Luc Moudenc, maire de la ville et président de la métropole, a souligné le manque de moyens humains de la justice, notamment en magistrats et greffiers, du parquet et du siège, et plaidé pour la création à Toulouse d'une neuvième juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS).

Créées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les JIRS regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction spécialisés en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière.

À ce jour, Toulouse, quatrième ville de France, voit son parquet dessaisi au profit de la JIRS de Bordeaux. En volume d'affaires, la justice toulousaine traite pourtant une masse de travail équivalente à celle de Marseille ou d'un tribunal de la première couronne parisienne !

Toulouse connaît une montée de la violence, de la délinquance et de la criminalité organisée. À quelle échéance le Gouvernement sera-t-il prêt à s'engager pour la création d'une JIRS à Toulouse ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - Je vous renouvelle les excuses du garde des Sceaux. La réponse est celle du Gouvernement, quel que soit le ministre au banc.

L'organisation des JIRS est au coeur des préoccupations de la Chancellerie. Depuis leur création en 2004, la JIRS de Bordeaux a traité 98 dossiers du ressort de la Cour d'appel de Toulouse, soit 6 dossiers par an. En outre, la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), créée par la loi du 23 mars 2019, dispose d'une compétence nationale concurrente pour les affaires de très grande complexité.

La situation actuelle ne plaide pas en faveur de la création d'une JIRS dédiée à Toulouse. Les échanges entre la juridiction toulousaine et la JIRS de Bordeaux sont fluides et ont vocation à être renforcés par la création d'une instance de coordination. Le parquet de Toulouse peut aussi s'appuyer sur la cellule de renseignement opérationnel sur les stupéfiants.

La juridiction toulousaine a su se doter de moyens efficaces et pertinents pour la lutte contre la criminalité organisée, sans qu'il paraisse nécessaire de créer une JIRS. Le ministère de la justice reste néanmoins vigilant à l'évolution de la criminalité dans la région pour adapter au mieux la réponse.

Mme Brigitte Micouleau.  - Toulouse n'est pas épargnée par la criminalité et a besoin de cette JIRS pour désencombrer celle de Bordeaux.

Effectifs de police à Villeneuve-sur-Lot

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Dans le département de Lot-et-Garonne, le commissariat de Villeneuve-sur-Lot est confronté depuis des années à un problème de sous-effectif chronique. En dépit des moyens déployés par la nouvelle municipalité, qui a fait de la sécurité du centre-ville une priorité, les effectifs de police font défaut.

Au cours du week-end des 25 et 26 juillet, un seuil a été franchi : coups de feu, violences à l'arme blanche, dégradations, perpétrés par une horde d'individus violents - que la puberté a quittés depuis bien longtemps.

Des effectifs supplémentaires de police nationale ont été affectés mais cela ne suffit pas, surtout la nuit : une seule patrouille en zone police, soit un policier pour 11 500 habitants ! Il faut compter sur le renfort du commissariat d'Agen, à 30 kilomètres.

Nous ne sommes plus des territoires perdus de la République mais des territoires où la République est désormais perdue. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Veuillez excuser l'absence de M. le ministre de l'Intérieur. Apporter des réponses aux problèmes d'insécurité et de délinquance est notre priorité. Conformément à l'engagement du président de la République, 10 000 postes de policiers et gendarmes auront été créés durant le quinquennat et le budget « Sécurités » a déjà augmenté de 1,7 milliard d'euros.

La circonscription de sécurité publique de Villeneuve-sur-Lot compte au 1er septembre 50 gradés et gardiens de la paix, contre 44 fin 2019. Les renforts sont possibles, les effectifs dans le département s'élevant à 161 policiers contre 158 en 2016. Ces chiffres sont bien supérieurs à la clé de répartition classique. Les moyens sont là.

Dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, un délégué à la cohésion police-population est aussi à l'oeuvre.

La délinquance a diminué de 6 % en 2019, les violences physiques de 7,3 %. Le taux d'élucidation a progressé, et les interpellations pour trafic de stupéfiants ont augmenté de 30 % dans le centre historique.

Ces données prouvent que notre investissement doit se poursuivre et s'amplifier. Je salue l'engagement de la commune de Villeneuve-sur-Lot.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Je ne partage ni votre constat ni vos données. Concernant la ville dont Jérôme Cahuzac fut élu, je redoutais une réponse les yeux dans les yeux ! (On s'amuse sur les travées du groupe Les Républicains.)

Rôle de la police municipale

Mme Nathalie Delattre .  - Difficile d'ignorer la forte progression de la police municipale, objet d'un rapport du 20 octobre 2020 de la Cour des comptes. Nos forces de police municipale font la preuve de leur utilité, à Nice, dans nos gares et nos aéroports, devant nos écoles, nos lieux de culte et nos hôpitaux...

Face à la montée de l'insécurité, et faute de moyens territorialisés déployés par l'État, de nombreuses municipalités ont dû se doter de police municipale, lorsqu'elles le peuvent. Les plus petites se heurtent à la complexité de la mutualisation au niveau intercommunal. Allez-vous simplifier ?

Les moyens municipaux n'ont pas vocation à se substituer à la police nationale ou à la gendarmerie : ils doivent intervenir en complémentarité, au sein du continuum de sécurité.

Au vu des disparités constatées localement, le Gouvernement compte-t-il encadrer les missions confiées aux agents municipaux ?

Que pensez-vous de la proposition de la Cour des comptes de conditionner le maintien de forces de police nationale localement en contrepartie de la mise en place d'une police municipale ? Ce serait à la fois mépriser les efforts des communes et méconnaître les réalités locales !

Enfin, il faut renforcer la collaboration entre le CNFPT et l'État, qui devrait assumer la charge financière de la formation des agents.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Les services de police municipale jouent un rôle à part entière dans la sécurité de notre pays, comme l'a rappelé le dramatique attentat de la basilique Notre-Dame à Nice.

On ne peut dire que l'État n'a pas déployé de moyens territorialisés. Le Gouvernement recrute 7 500 policiers et 2 500 gendarmes supplémentaires. Je partage votre désaccord sur la préconisation de la Cour des comptes de conditionner le maintien de la police nationale à la mise en place d'une police municipale. Il ne saurait en être question ! (Mme Nathalie Delattre opine.) Le seul critère est le besoin de sécurité sur le terrain.

Les mutualisations entre petites et moyennes communes sont encouragées. Les synergies, pour certaines déjà mises en oeuvre, doivent être poursuivies. Une proposition de loi en ce sens sera soutenue par le Gouvernement.

Le CNFPT organise ses formations en lien avec la police nationale et la gendarmerie nationale. Des passerelles existent pour des policiers et gendarmes souhaitant intégrer une police municipale. En revanche, les policiers municipaux étant des fonctionnaires territoriaux, c'est à leur employeur de prendre en charge le coût de leur formation.

Enfin, des réflexions sur les nouvelles prérogatives des policiers municipaux sont en cours.

Effectifs de police à Sevran

M. Fabien Gay .  - La ville de Sevran manque cruellement d'effectifs policiers. Sa population a quadruplé en 40 ans ; malgré ses 51 000 habitants, la ville n'a pas de commissariat de plein exercice - contrairement à Livry-Gargan, 44 000 habitants. Elle doit faire face à des trafics autour des gares RER et des rassemblements non autorisés dans le parc de la Poudrerie. Pourtant, le soir, il y a moins de policiers, et la ville de Sevran dépend du commissariat d'Aulnay.

Ce qui manque le plus, ce sont les effectifs. La ville de Sevran compte 60 policiers, basés à Aulnay. Le départ en retraite d'un des deux commandants est comblé par un lieutenant.

Difficile aujourd'hui de vivre en toute tranquillité à Sevran. Il ne s'agit pas uniquement de réprimer, mais d'améliorer les relations avec la population, pour recruter et fidéliser les policiers. Rien n'a été fait pour augmenter les effectifs. À quand le retour d'une brigade des mineurs dans l'une des villes les plus jeunes de Seine-Saint-Denis ?

À quand une augmentation des effectifs policiers ? C'est une exigence d'égalité républicaine !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Le commissariat subdivisionnaire de Sevran est autonome mais dépend de celui d'Aulnay. Il possède trois brigades de roulement de jour et une de nuit, soit 45 fonctionnaires, ainsi qu'une brigade territoriale de contact (BTC) d'une douzaine de fonctionnaires. Deux autres BTC interviennent quotidiennement en renfort des policiers locaux, de même que la brigade anti-criminalité d'Aulnay. (M. Fabien Gay manifeste qu'il en doute.) La compagnie de sécurisation et d'intervention 93 y a effectué 32 interpellations. Je salue l'engagement de ces fonctionnaires.

Votre comparaison avec Livry-Gargan n'est pas adaptée, car la commune ne dispose pas d'un commissariat en propre : la circonscription de sécurité publique (CSP) regroupe en réalité 57 000 habitants. La CSP d'Aulnay-Sevran dispose, hors renforts départementaux, d'un policier pour 460 habitants, soit la moyenne du département. Il n'y a donc pas de sous-dotation.

M. Fabien Gay.  - Le département est sous-doté par rapport à Paris !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - L'absence d'un commissariat de plein exercice ne traduit en rien un recul de l'État, même si les difficultés des habitants de Sevran sont une réalité. Nous agissons afin que le niveau de sécurité reste conforme aux exigences d'égalité républicaine.

Mineurs isolés étrangers

M. Édouard Courtial .  - La crise sanitaire actuelle s'ajoute à deux autres crises : la crise migratoire et la crise de l'autorité de l'État. Le récent attentat à Paris par un Pakistanais admis en France comme mineur isolé étranger illustre les carences de l'État en la matière.

Le Sud de l'Oise est victime de nombreux raids pratiqués par des groupes de mineurs isolés étrangers qui jouissent d'un sentiment d'impunité en raison d'un arsenal législatif trop permissif.

Fort de mon expérience à la tête du conseil départemental, j'ai proposé, en 2019, des solutions opérationnelles et concrètes : présomption de majorité en cas de refus d'un test osseux, interdiction du regroupement familial, qui est un appel d'air à l'immigration illégale. Les passeurs ne s'y trompent pas : le tarif est plus élevé pour un mineur que pour un majeur.

Les mineurs étrangers isolés coûtent 20 millions d'euros par an à l'Oise, soit 1,5 fois le budget de fonctionnement de ses collèges. Alors que l'insécurité explose, quand passerez-vous enfin à l'action ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Il faut distinguer deux problématiques : les mineurs délinquants qui refusent toute prise en charge et l'afflux de majeurs se prétendant mineurs pour bénéficier de l'aide sociale à l'enfance.

La France coopère avec les pays d'origine, notamment le Maroc, pour assurer le retour des mineurs délinquants.

La piste de la présomption de majorité, qui peut paraître intéressante, est écartée par le juge constitutionnel depuis juillet 2019, en raison du manque de fiabilité des tests osseux.

Le Gouvernement privilégie d'autres pistes pour détecter les vrais des faux mineurs en invitant les départements à solliciter davantage le concours de l'État dans la phase d'évaluation de la minorité. Ceux qui s'y refusent seront bientôt moins indemnisés.

Le Gouvernement agit pour décourager les faux mineurs et permettre aux vrais mineurs pris en charge par les départements d'élaborer un parcours d'insertion et de formation dans des métiers en manque de main-d'oeuvre.

Fréquentation des centres de vacances

M. Cyril Pellevat .  - Les centres de vacances permettent à nos enfants, en voyage scolaire ou en colonie, de s'évader pendant quelques jours au contact de la nature. Cette découverte des territoires dès l'enfance nourrit aussi les envies de séjour à l'âge adulte.

Ces voyages, le plus souvent organisés par des établissements scolaires, nécessitent huit à douze semaines de préparation. Avec la crise sanitaire, ils ont été massivement annulés au printemps ; faute d'anticipation, les centres ont été peu fréquentés durant l'été. Et voilà que des annulations se profilent pour l'hiver prochain !

Il est urgent de clarifier les directives sur l'organisation de tels voyages pour permettre aux établissements scolaires de se projeter.

Un accord spécifique doit être trouvé avec les assureurs en cas d'annulation tardive. Certains centres sont prêts à organiser des séjours sans avance de frais pour vaincre les réticences des organisateurs - signe que la situation est grave. Il faudrait inciter les établissements à utiliser les fonds qui n'ont pu l'être au printemps.

Le groupe Montagne du Sénat, que je préside, est à votre disposition pour travailler sur ce sujet.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Les acteurs de l'éducation populaire sont des piliers essentiels de la mixité sociale et territoriale et de la consolidation des valeurs républicaines, en dehors de l'école et en complément des familles. Le travail avec ces acteurs est constructif et permanent.

Avec Jean-Michel Blanquer, nous avions encouragé auprès des recteurs l'organisation de séjours d'hiver, mais ils ne pourront hélas se tenir en raison de la situation sanitaire. Je travaille à un fonds spécifique de solidarité pour les secteurs touchés.

Nous avons besoin d'une large mobilisation, car les besoins sont différents d'un territoire à l'autre.

Les 200 millions d'euros investis dans le dispositif « vacances apprenantes » ont sauvé la saison estivale pour les centres. Ce sont des lieux où les valeurs de la République sont promues, défendues, vécues. Nous les accompagnerons dans cette période difficile pour qu'ils puissent à nouveau accueillir nos enfants, le jour où le soleil rayonnera à nouveau.

M. François Bonhomme.  - Quel lyrisme...

Intelligibilité de la loi

M. Jean-François Longeot .  - L'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi demeure intact et les responsabilités sont partagées.

Lors de la session 2018-2019, 49 lois ont été votées. D'une part, l'exécutif demande au Parlement d'être de plus en plus rapide dans le vote de la loi, en déclarant la procédure accélérée sur les deux tiers des lois, d'autre part, le Parlement attend une parution plus rapide des textes réglementaires.

Les citoyens français arrivent-ils à suivre cette intense activité législative, sont-ils en mesure d'en identifier les enjeux ?

La complexification de la loi éloigne les citoyens de la chose publique et nourrit la défiance entre les Français et leurs représentants.

Pour être accessible, la norme doit être compréhensible. Le législateur doit s'y attacher. Cette exigence constitutionnelle s'applique d'abord au Gouvernement, qui est à l'initiative de la grande majorité des textes.

Il n'y aura pas d'amélioration sans une volonté de sa part. Comment le Gouvernement compte-t-il éviter les lois bavardes et les dispositions législatives non normatives, qui sont autant de déclarations de bonnes intentions ?

M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne .  - L'accessibilité et l'intelligibilité de la loi est un objectif à valeur constitutionnelle. Le Gouvernement a présenté plusieurs textes pour simplifier la mise en oeuvre quotidienne du droit, comme la loi du 10 août 2018 qui a introduit un droit à l'erreur pour nos concitoyens dans leurs relations avec l'administration. La récente loi d'accélération et de simplification de l'action publique va dans le même sens.

Il est vrai qu'une part de la responsabilité incombe au Gouvernement, qui recueille l'avis du Conseil d'État. Celui-ci veille au respect du domaine de la loi et à la portée normative des projets ; ses avis sont désormais publiés. Cela dit, sur les 42 textes définitivement adoptés durant la législature 2019-2020, 18 sont d'initiative parlementaire, soit 43 % du total. La responsabilité est donc partagée.

Et les projets gouvernementaux sont amendés au cours de la navette - ce qui est normal mais doit s'accompagner d'un strict examen de la recevabilité des amendements. Le Sénat a été précurseur en la matière.

Le Gouvernement respecte, sauf urgence, le délai de quatre à six semaines entre le dépôt d'un projet de loi et son examen en séance publique. Le temps consacré à faire la loi est gage de sa qualité.

Malgré la crise sanitaire, nous avons pour objectif que l'ensemble des textes promulgués avant l'été 2020 soient appliqués avant le début de l'année 2021, afin que nos concitoyens puissent constater, dans leur quotidien, les effets des réformes votées.

Fusion des établissements portuaires de Rouen, du Havre et de Paris

M. Didier Marie .  - La fusion des établissements portuaires de Rouen, du Havre et de Paris est une bonne nouvelle pour la vallée de la Seine, mais des incertitudes demeurent.

Rouen, capitale de la Normandie, accueille déjà le siège d'HaRoPa, le groupement d'intérêt économique regroupant les trois ports. Il aurait été logique d'y implanter le siège du nouvel établissement public résultant de la fusion - or le Gouvernement a choisi Le Havre, sans concertation. Nous en prenons acte, mais appelons à un respect de l'équilibre entre les trois territoires.

Comment seront répartis les postes dans la gouvernance, quelle sera la place des entreprises portuaires ? Comment seront répartis les emplois et les directions fonctionnelles ? Quid de la fiscalité ?

Le projet ne peut réussir que dans la concertation et le respect des territoires. La gouvernance doit être partagée et le principe de subsidiarité appliqué. Nous avons besoin d'un plan massif d'investissement dans les infrastructures pour accroître le report modal. Il faut un contrat d'objectif et de moyens.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Le Gouvernement porte une stratégie portuaire ambitieuse. Le projet HaRoPa participe de l'attractivité de nos hubs portuaires. Une préfiguratrice, Catherine Rivoallon, a été nommée ; elle a organisé la concertation avec les élus locaux, les clients, les places portuaires, les partenaires sociaux.

Je veillerai à ce que chacun trouve sa place et à ce que les équilibres soient respectés.

Pour assurer un maximum de visibilité, le Gouvernement a fait le choix de confier d'ores et déjà la direction à Stéphane Raison et d'installer le siège au Havre. La création est fixée au 1er juin 2021.

Le rapport définitif de Mme Rivoallon devait être remis lors du Comité interministériel de la mer (Cimer) - qui a été reporté à cause de la crise sanitaire. Il sera rendu d'ici fin décembre, et des réunions se tiendront dans les jours qui viennent avec l'ensemble des acteurs.

M. Didier Marie.  - Je prends acte de vos engagements et me félicite que ce soit votre ministère, et non celui des transports, qui suive le dossier.

Démographie médicale dans l'Ain

M. Patrick Chaize .  - La démographie médicale du département de l'Ain est à un stade critique, avec 6,9 généralistes pour 10 000 habitants, quand la moyenne nationale est de 8,9. Il est parmi les départements les moins dotés en professionnels de santé, à la neuvième place pour les généralistes, à la septième pour les spécialistes. Les spécialistes en accès direct, gynécologues et ophtalmologues, manquent aussi, tout comme les kinésithérapeutes et orthophonistes.

Cela s'explique notamment par l'attractivité des métropoles de Lyon et de Genève pour les médecins, malgré la politique volontariste du conseil départemental de l'Ain, des communes et de l'assurance maladie. Or la difficulté d'accès à un médecin est facteur de renoncement aux soins. L'annulation de collectes de sang par manque de médecins est éloquente. Et la crise sanitaire, qui frappe durement notre département, ne fait qu'aggraver les choses.

Quelles politiques de lutte contre la désertification médicale le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre, au-delà des incitations ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Le zonage de 2018 confirme une densité médicale faible dans l'Ain, avec une baisse régulière depuis 2010.

L'ARS travaille à la structuration des soins de premier recours en s'appuyant sur la stratégie MaSanté2022, qui répond tant aux enjeux du territoire qu'aux aspirations des professionnels de santé.

Le département de l'Ain compte trente maisons de santé pluri-professionnelles, ce qui en fait le département le plus doté. Des centres de santé médicaux ont vu le jour à Gex, à Bourg-en-Bresse, d'autres sont en projet. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) créent des passerelles entre ville et hôpital.

Enfin, l'ARS a cofinancé deux séminaires de formation à la maîtrise de stage à Bourg-en-Bresse pour valoriser auprès des jeunes professionnels la pratique diversifiée que peut offrir un département semi-rural comme l'Ain.

M. Patrick Chaize.  - Vous ne faites que partager le constat. Beaucoup d'efforts sont faits mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Il faut passer à la vitesse supérieure pour faire revenir des médecins dans les territoires ruraux.

Fermeture de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches

M. Pierre Ouzoulias .  - Selon M. Véran, les parlementaires bavardent pendant que les soignants se battent pour sauver des vies. Il y a aussi des parlementaires qui se battent pour défendre les conditions de travail des soignants !

Ayant vous-même été élu à Garches, monsieur le ministre, vous savez que le CHU Raymond-Poincaré est une référence mondiale en ophtalmologie et dans la prise en charge du handicap des enfants. Je ne comprends pas la décision de le fermer et de transférer à Boulogne une partie de l'offre de soins, au motif qu'il ne serait pas assez rentable. Peut-on encore utiliser cet argument en pleine pandémie ?

Vous me direz que le déménagement est reporté de 2027 à 2029. Je préférerais, devant l'investissement des soignants, vous entendre annoncer l'abandon de ce projet de démantèlement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Le sujet m'est cher : je suis effectivement originaire de Garches. L'hôpital Raymond-Poincaré, spécialisé dans tout ce qui a trait au handicap, a toujours été proche de mon coeur.

Il ne s'agit nullement d'un projet de démantèlement guidé par un souci de rentabilité mais de doter les Hauts-de-Seine d'un nouveau plateau technique de pointe et de renforcer l'offre de soins sur le territoire. J'entends les inquiétudes, mais le projet a été conduit en parfaite concertation avec les professionnels et les associations de patients.

Le plateau technique installé sur le site de l'hôpital Ambroise-Paré bénéficiera à toutes les spécialités qui sont présentes aujourd'hui à l'hôpital Raymond-Poincaré et renforcera plus spécifiquement la prise en charge médico-chirurgicale du handicap. C'est un investissement majeur de l'AP-HP. L'offre de soins sera maintenue et le confort hôtelier sera renforcé, avec 95 % de chambres simples, contre 70 % aujourd'hui.

Par ailleurs, l'avenir du site d'Antoine-Béclère à Clamart n'est en rien menacé. Nous travaillons pour assurer la pérennité d'une offre de soins dans le sud des Hauts-de-Seine. En 2020, l'accent a été mis sur la réouverture de lits de soins critiques, l'extension de l'unité Sommeil ou l'assistance médicale à la procréation.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je vois que vous suivez de près mon action. Le maintien des urgences de l'hôpital Antoine-Béclère est effectivement essentiel.

Dois-je comprendre qu'il y aura un réaménagement des capacités de Raymond-Poincaré sur place ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - À Boulogne.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ce déménagement m'inquiète, car on risque de manquer de place à Boulogne.

Dangers du gel hydroalcoolique pour les yeux des enfants

M. Yves Détraigne .  - La société française d'ophtalmologie a alerté sur les dangers que représentent les bornes de distribution de gel hydroalcoolique pour les yeux des enfants.

Alors que ces distributeurs se généralisent dans les lieux publics pour des raisons sanitaires évidentes, les accidents se multiplient du fait de la taille de ces nouvelles installations.

Des enfants, en voulant se nettoyer les mains à ces bornes, reçoivent du gel dans les yeux, ce qui occasionne des brûlures oculaires parfois sévères. La substance peut atteindre toute la surface oculaire. L'alcool contenu dans ces gels peut brûler une partie de la cornée et entraîner une baisse de la vision.

Les spécialistes sont inquiets du fait de la multiplication du nombre de cas admis aux urgences. Ils recommandent aux parents d'être très attentifs car ces kératites peuvent passer inaperçues et l'enfant ne s'en plaint pas toujours immédiatement.

Avant que ce phénomène prenne de l'ampleur, quelles mesures comptez-vous prendre afin qu'une campagne de prévention sensibilise et alerte chacun du danger et que les fabricants de ces bornes mettent en place une signalisation avertissant les utilisateurs des risques encourus pour les plus jeunes ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Les ophtalmologues et les centres antipoison nous ont alertés de ces accidents. Les ophtalmologues et les centres antipoison ont recensé 63 cas. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et le ministère ont publié le 31 août un communiqué de presse pour diffuser des conseils afin d'éviter ces accidents.

Ces enfants, âgés en moyenne de 4 ans, peuvent subir des atteintes allant jusqu'à l'inflammation de la cornée nécessitant une hospitalisation. Il ne faut pas laisser les enfants jouer avec les distributeurs de gel hydro-alcoolique ; c'est à l'adulte de se servir. Il faut rincer au plus vite l'oeil sous un filet d'eau et consulter au plus vite si besoin, soit un ophtalmologue soit le centre antipoison.

La solution ayant un effet anesthésiant, la douleur peut s'estomper en dépit de lésions oculaires importantes : continuons la pédagogie à ce sujet. La société française de pharmacologie et de thérapeutique, entre autres acteurs, a également émis des recommandations Le ministère, et tout particulièrement mon secrétariat d'État, est mobilisé sur ce sujet.

M. Yves Détraigne.  - Ces risques sont insuffisamment connus. Organisez une campagne médiatique !

Désertification médicale (I)

M. Jean-Pierre Moga .  - Dans les territoires ruraux, l'âge moyen des médecins généralistes est très élevé : nombre d'entre eux pourraient prendre leur retraite. Dans de nombreux départements, comme le Lot-et-Garonne, des départs importants de généralistes se profilent.

La désertification médicale conduira à une situation sanitaire explosive dans les deux à trois ans à venir. Pourtant, la médecine de proximité a de multiples vertus. Elle permet de faire travailler les infirmières et tous les paramédicaux qui assurent le maintien à domicile ; d'éviter les fermetures de pharmacie en milieu rural et de pallier la surcharge des services d'urgences avec un coût moindre pour les finances publiques. Une consultation vaut 25 euros en médecine générale, 200 euros lors d'un passage aux urgences.

Des solutions courageuses sont pourtant possibles : par exemple, rendre obligatoire la déclaration des médecins thésés aux conseils de l'ordre régionaux et nationaux ; limiter les remplacements à trois ans au maximum ; exiger une contrepartie au financement des études en rendant obligatoire un exercice de trois à cinq ans dans les zones en demande de médecins. L'État pourrait aussi organiser la signature d'une charte d'engagement avec les médecins reçus au concours ; en cas d'abandon, ils devraient rembourser leurs frais de scolarité.

Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre pour remédier à ces difficultés ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Cette question, récurrente ici, est essentielle, et je comprends votre impatience.

De nombreuses mesures ont été mises en place mais demandent du temps : développement de l'exercice coordonné de la médecine ; déploiement des stages dans des territoires sous-dotés... Le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) montre la dynamique autour de ces projets. Il y a eu 578 projets en juin 2020 contre 400 en septembre 2019.

Dans le cadre de la stratégie MaSanté2022, nous voulons libérer du temps médical avec la création de 4 000 postes d'assistants médicaux et le déploiement de 400 généralistes en exercice partagé dans des zones défavorisées.

C'est ainsi, en unissant nos forces et en continuant des mesures d'urgence et de plus long terme, que nous améliorerons la situation.

M. Jean-Pierre Moga.  - Votre réponse ne me satisfait pas. Il y a urgence ! En 2016, trois millions de Français n'avaient pas accès aux soins ; ils sont six à huit millions en 2019, dont beaucoup en zone rurale !

Désertification médicale (II)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - Face à la crise de la covid-19, augmentons l'accès aux soins dans les territoires ruraux.

Le Ségur de la santé a revalorisé le statut et les rémunérations des personnels médicaux, mais n'a pas apporté de réponse concrète et immédiate à la situation de nombreuses communes rurales privées de médecins à la suite de départs à la retraite, qui ont été multipliés par six en dix ans.

Ainsi, en Haute-Vienne, la commune de Châteauneuf-la-forêt, de 1 204 habitants, dont une partie est âgée et peu mobile, et qui compte un Ehpad de 133 lits, voit son unique médecin partir à la retraite à la fin de l'année. Parfois, le cabinet médical ou la maison de santé les plus proches se trouvent à plus d'une demi-heure de route.

Longtemps préservée, la Haute-Vienne est menacée par la recrudescence de la covid-19.

Quelles mesures concrètes, financières et organisationnelles, comptez-vous mettre en oeuvre ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - L'accès aux soins et la lutte contre la désertification médicale sont une priorité du Gouvernement, qui a pris des mesures pour répondre à la désertification médicale, à travers MaSanté2022 qui concerne des zones rurales mais aussi urbaines.

Par le dispositif des CTPS, les professionnels de santé d'un même territoire sont incités à s'organiser entre eux pour répondre aux besoins de santé de la population : par exemple, trouver des médecins traitants pour les patients qui en sont dépourvus, garantir l'accès à des consultations sans rendez-vous en journée.

Le dynamisme de leur déploiement traduit un certain succès : les professionnels ont fait preuve de leur capacité d'innovation et ont pu s'organiser entre eux pour de la télémédecine, des consultations sans rendez-vous, de la maîtrise de stages, ainsi que pour faciliter les relations entre l'hôpital et les services sociaux. Cela a amélioré la situation de certains territoires en difficulté.

S'il est peut-être encore un peu prématuré de dresser un bilan des CPTS, leur dynamique semble montre un certain succès de ce dispositif. La crise de la covid a montré leur capacité à s'adapter et s'organiser.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Oui, la télémédecine peut être une des solutions d'avenir ; mais la population ne maîtrise pas toujours les usages du numérique et souffre d'une couverture insuffisante du territoire, en attendant la résorption des zones blanches. Les territoires ruraux attendent encore des avancées, mais il est bien tard.

Maisons de naissance

M. Dominique Théophile .  - En Île-de-France, en Occitanie, en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Grand Est, en Guadeloupe et à La Réunion, huit maisons de naissance accueillent, depuis 2015, les femmes enceintes qui le souhaitent.

Le rapport de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publié en 2019 sur la qualité des soins en maison de naissance et le rapport remis au Parlement par le Gouvernement en juin 2020 ont en effet dressé un bilan très positif de cette expérimentation, en application de la loi du 6 décembre 2013. Le Gouvernement a donc pérennisé le dispositif.

La gestion médicale, technique, administrative et financière de ces maisons de naissance a été assurée exclusivement par des sages-femmes dans le respect du cahier des charges de la Haute Autorité de santé (HAS). Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 prévoit de confier exclusivement à des sages-femmes la création et la gestion - et non seulement la direction médicale - des maisons de naissance, afin de garantir leur bon fonctionnement, leur capacité d'adaptation et leur caractère innovant. Cette condition de diplôme, à l'image de celle encadrant l'ouverture des officines de pharmacie, assurerait aux sages-femmes un rôle central et mérité, que l'arrivée de nouveaux acteurs pourrait menacer.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Merci de porter ce beau sujet de la maternité, de la parentalité et du rôle des maisons de naissance. Sur la base de l'expérimentation, le Gouvernement veut étendre les maisons de naissance sous la responsabilité des sages-femmes. J'y suis attaché autour du projet des 1 000 premiers jours de l'enfant.

L'expérimentation a montré que l'implication d'autres professionnels pour la gestion administrative et financière de ces maisons de naissance peut avoir une valeur ajoutée, dans le cadre de partenariats féconds, toutes les sages-femmes n'étant pas formées en la matière. Rien ne fait obstacle, toutefois, à ce qu'elles assurent la direction administrative et financière de ces maisons, mais ne l'imposons pas de façon exclusive.

M. Dominique Théophile.  - Nous avons mené un combat pour pérenniser ces structures. Évitons que des investisseurs ouvrent de telles maisons qui échappent aux sages-femmes qui seraient uniquement salariées. Pour protéger ces expérimentations, confions-les à des sages-femmes.

Désertification médicale (III)

M. Patrice Joly .  - J'attire une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur le désarroi de la population nivernaise en raison de la situation sanitaire délicate dans laquelle elle se trouve.

Le nombre de médecins généralistes est insuffisant d'autant que les deux tiers d'entre eux ont plus de 55 ans. Entre 2010 et 2017, le nombre de médecins a diminué de 27 % dans la Nièvre. C'est l'une des plus fortes baisses de généralistes constatées en France. Aujourd'hui, il y a moins de sept médecins généralistes pour 10 000 Nivernais. Leur répartition étant peu homogène, les inégalités territoriales accentuent les inégalités sociales d'accès aux soins.

L'indicateur qui mesure l'activité et le temps d'accès aux médecins, ainsi que la consommation de soins de chaque habitant, est inférieur à 2,5 consultations par an et par habitant dans la Nièvre alors qu'au niveau national il est de 3,93. Le chiffre ne cesse de baisser et c'est l'un des plus faibles de France.

D'où un sentiment d'injustice et d'iniquité.

Aujourd'hui, plusieurs situations sanitaires ne sont pas traitées dans le département alors qu'elles méritent des solutions urgentes : la reconstruction d'un pôle de santé à Cosne-sur-Loire à la suite de la fermeture de la clinique privée - elle constitue une réponse sanitaire pour plus de 100 000 personnes selon une étude réalisée par l'ARS ; la nomination effective d'un médecin salarié à Château-Chinon dans les plus brefs délais dans le cadre du dispositif « 400 médecins salariés » comme annoncé par la précédente ministre de la santé, alors même que dans les prochaines semaines il risque de n'y avoir plus qu'un seul médecin libéral sur ce territoire de 7 000 habitants ; ou encore, l'accélération de la réalisation des travaux annoncés à l'hôpital de proximité de Château-Chinon.

Il faut jusqu'à cinq jours pour faire un test, autant pour recevoir les résultats. L'espérance de vie est de quatre ans inférieure à celle de la France métropolitaine. C'est injuste et inacceptable.

Quelle stratégie le Gouvernement envisage-t-il et quelles actions concrètes entend-il mettre en oeuvre ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Le Gouvernement a conscience des difficultés de votre département. Je mettrai en avant les actions.

En matière de santé mentale, un projet territorial a été signé pour mieux prendre en charge les patients. La situation du pôle de santé de Cosne-sur-Loire fait l'objet d'une attention particulière et permanente de l'ARS, en lien avec le centre hospitalier de l'agglomération nivernaise, pour maintenir une activité nécessaire pour ce bassin de population. Pour l'imagerie médicale, l'ARS accompagne l'hôpital de proximité de Château-Chinon. Des efforts sont également fournis, dans le cadre des CTPS existantes, et en lien avec les élus locaux, pour recruter un médecin et ramener du temps médical dans le département. Les difficultés du département sont connues et le Gouvernement s'engage. Nous avons fait le choix de la confiance aux acteurs.

Bulletin de paie unique pour les contrats courts

Mme Françoise Férat .  - Le Parlement a voté en août 2018 la loi « pour un État au service d'une société de confiance » (Essoc) avec la possibilité pour les employeurs de main-d'oeuvre occasionnelle d'émettre un bulletin de paie unique lorsque le contrat de travail qui s'y rattache est établi pour une durée inférieure à un mois et réparti sur deux mois civils.

Or seul l'outil de paie proposé par la mutualité sociale agricole (MSA), le titre emploi service agricole (TESA) simplifié, permet la réalisation d'un bulletin de paie dit «à cheval ».

Dans mon département de Champagne, les vendanges, qui ont débuté le 24 août, obligent à deux bulletins de paie. Simplifions la charge administrative des employeurs ! Réduisons les surcoûts de paperasse et que le pouvoir réglementaire et l'administration trouvent une solution pour mettre en place, pour les saisonniers, un bulletin de paie unique pour les courtes durées, étalé sur deux mois.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Nous partageons votre souci de simplification des démarches pour les administrés, particuliers ou entreprises, employeurs. Depuis la généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN), l'employeur a l'obligation d'établir cette déclaration à la fin de chaque mois. C'est un principe structurant du système.

Le Gouvernement a apporté certaines simplifications notamment un bulletin unique pour les contrats courts à cheval depuis la loi Essoc. Mais cette disposition n'autorise pas l'employeur à déroger à la périodicité de déclaration des droits des salariés aux organismes sociaux susceptibles de verser des prestations. Cela entraînerait des répercussions concrètes très défavorables aux salariés. Une DSN doit donc être transmise chaque mois civil. Il n'est pas possible de modifier le cahier des charges de la DSN sur ce point.

Mme Françoise Férat.  - Il n'est pas question de déroger à la loi. Ce n'est pas une prouesse technique : la MSA réussit à le faire !

Je ne peux croire que ce ne soit pas possible. Soyez mon porte-parole, monsieur le ministre ! Je reviendrai inlassablement à la charge.

Difficultés des missions locales liées à l'agence de services et de paiement

Mme Marta de Cidrac .  - J'attire votre attention sur un problème constaté au sein des missions locales provenant de l'agence de services et de paiement (ASP) qui occasionne le blocage de plus de 3 200 dossiers de jeunes en Île-de-France.

Le Gouvernement a présenté une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui misait sur la prévention de l'exclusion et l'inclusion vers l'emploi.

Dans ce cadre, les missions locales sont chargées de : repérer et accompagner des jeunes dits « invisibles » ; innover et expérimenter de nouvelles modalités d'insertion dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC) ; poursuivre le développement de parcours d'accompagnement adaptés aux besoins de chaque jeune en évitant les ruptures. À cette fin, elles disposent d'enveloppes versées aux jeunes pour financer des frais de formation, l'achat de matériel ou d'une tenue professionnelle, le permis de conduire, etc.

Les missions locales, en particulier celle que je préside à Saint-Germain-en-Laye, DynamJeunes, font remonter tous les mois à l'ASP la liste des allocations à verser. Or les dysfonctionnements importants de l'ASP mettent en grande difficulté 7 % à 10 % des jeunes qui risquent une rupture de parcours.

Quelles sont les intentions du Gouvernement concernant ce dysfonctionnement, totalement inadmissible et remonté plusieurs fois aux services de l'État ? Que comptez-vous mettre en place pour pallier cette situation ?

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargée de l'insertion .  - Madame de Cidrac, je connais votre investissement dans l'insertion professionnelle de notre jeunesse et je le salue.

Les services de l'État sont pleinement investis, avec des échanges très réguliers entre Direccte, ASP et missions locales, pour lever ces difficultés.

L'ASP transmet aux missions locales une version mise à jour des anomalies pour que les missions locales puissent y remédier. Un accueil téléphonique de l'ASP dédié aux missions locales est ouvert depuis le 31 août 2020. Une réunion annuelle entre l'ASP, les missions locales et la Direccte est également organisée pour échanger sur les procédures de paiement.

Ces retards de paiement sont le plus souvent dus à l'absence de pièces justificatives. Dès qu'elles sont fournies, le jeune est payé sous huit jours.

Je reste à votre pleine écoute sur ce dossier.

Mme Marta de Cidrac.  - Votre réponse ne me satisfait pas pleinement. Mes chiffres sont réels : entre 7 % et 10 % des jeunes ne reçoivent pas ce que nous leur devons et le délai de dix jours n'est pas respecté.

Compte personnel de formation (CPF)

Mme Sabine Drexler .  - Il faut reporter l'échéance impartie aux salariés pour inscrire leurs droits acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF) dans le compte personnel de formation (CPF).

Lors des débats à l'Assemblée nationale le 24 octobre dernier, vous avez fait adopter un amendement, que le Sénat a également voté, pour reporter cette date butoir de six mois.

Mais ce délai est trop court au regard de la durée de la crise sanitaire. Beaucoup d'experts, y compris le Président de la République, pensent qu'elle devrait durer au minimum jusqu'à l'été 2021. Un délai d'un an aurait été plus judicieux au regard des conséquences sociales de cette crise.

Quels moyens allez-vous mobiliser, avec la Caisse des dépôts, pour faire connaître ces obligations à tous les salariés français et leurs employeurs pour qu'ils ne perdent pas du jour au lendemain une partie de leurs droits acquis ? Un nouveau report est-il envisagé si la crise sanitaire perdure ?

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargée de l'insertion .  - Ce dispositif a déjà fait l'objet de cinq années de report, depuis la loi du 5 mars 2014, ainsi que d'une communication importante et régulière de la part de l'État.

Les droits au titre du CPF, reportés d'un an par la loi du 5 septembre 2018 et l'ordonnance du 21 août 2019, devaient au départ être supprimés mais cela aurait correspondu à 4,8 millions d'heures de formation perdues. Nous ne l'avons donc pas voulu.

La crise sanitaire exige un nouveau report : ce sera chose faite grâce à la loi relative à l'état d'urgence sanitaire qui est en cours d'adoption : l'article 5 proroge au 30 juin de l'année prochaine l'inscription des droits.

Une campagne de communication, qui n'avait malheureusement pu être réalisée lors du précédent confinement, est en cours de finalisation, en direction des publics concernés et des employeurs, pour que chacun puisse enregistrer ses heures de DIF résiduelles dans son compte formation. En donnant aux utilisateurs comme aux employeurs tout le temps nécessaire, le Gouvernement répond à vos préoccupations.

Mme Sabine Drexler.  - Depuis le début de cette réforme en 2015, la volonté du législateur a été de conserver les droits acquis des salariés, afin de booster la formation continue dans notre pays. Merci beaucoup pour votre réponse.

Utilisation des dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris

Mme Catherine Dumas .  - L'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, survenu le 15 avril 2019, a suscité un élan de générosité exceptionnel.

Cependant, dans un rapport du 30 septembre 2020, la Cour des comptes relève un manque de transparence dans l'utilisation de ces dons, dont le montant total s'élève à 825 millions d'euros. La Cour note que les modalités de financement de l'établissement public, en charge de la maîtrise d'oeuvre, ne respectent pas les dispositions de la loi du 29 juillet 2019.

Les magistrats financiers formulent cinq recommandations pour remédier à cette situation, et renforcer la confiance des donateurs, notamment la mise en place au sein de l'établissement public d'une comptabilité analytique, pour donner à chacun des organismes collecteurs une information détaillée sur l'emploi des fonds issus de la souscription nationale, et répondre aux obligations de la législation française sur la générosité publique, ainsi qu'aux règles spécifiques des fondations étrangères.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour rassurer les milliers de bienfaiteurs, qui ont fait preuve de générosité, afin de restaurer ce joyau du patrimoine mondial de l'humanité ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Oui, les Françaises et les Français ont été nombreux à se mobiliser, à hauteur de 825 millions d'euros. La Cour des comptes a formulé cinq recommandations. Quatre d'entre elles correspondent à des actions en cours : la mise en place d'une comptabilité analytique, le recollement des objets mobiliers, la réflexion engagée sur la gestion future de la cathédrale et une enquête sur les circonstances dans lesquelles est survenu l'incendie. Je rappelle qu'une enquête judiciaire est lancée, évidemment supérieure à toute démarche administrative.

Le Gouvernement ne partage absolument pas l'interprétation de la loi du 29 juillet 2019 par la Cour des comptes. S'agissant de la cinquième recommandation, le caractère non détachable des opérations de maîtrise d'ouvrage et du fonctionnement de l'établissement public justifie le financement par les dons. L'État procède en toute transparence en la matière.

Franck Riester avait bien énoncé, devant le Sénat, le 10 juillet 2019 que les fonds issus de la souscription nationale serviraient aussi à financer le fonctionnement de l'établissement public. C'est parfaitement clair. L'un des éléments principaux du prochain contrat d'objectifs et de performance sera l'exemplarité de la gestion, dans la transparence vis-à-vis des donateurs, comme dans la maîtrise des coûts de fonctionnement.

L'incendie de Notre-Dame de Paris a donné lieu à une vague de générosité sans précédent pour sauver l'un des monuments historiques les plus emblématiques de notre histoire. Soyez assurée que le ministère de la Culture est pleinement conscient de la responsabilité qui est désormais la sienne pour garantir en toute transparence, une utilisation optimale des sommes récoltées en vue d'une restauration dans les meilleurs délais de la cathédrale.

Mme Catherine Dumas.  - C'est bien que cela ait été dit ici où votre prédécesseur avait pris, en effet, des engagements. Après dix-huit mois d'enquête, nous avons besoin d'avoir des éléments sur ce qui s'est vraiment passé. Cela rassurera les Parisiens et les Français, mais aussi les donateurs, alors qu'il semble qu'il ait été fait appel aux mêmes prestataires.

Mme le président.  - Merci, madame la ministre, d'être venue répondre à cette question importante, dans cet hémicycle où vous étiez hier soir.

Commission (Nomination)

Mme le président.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Décès d'un ancien sénateur

Mme le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jacques Golliet, qui fut sénateur de la Haute-Savoie de 1986 à 1995.

La séance est suspendue à 13 h 20.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 19 heures.

Rappel au Règlement

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois .  - Depuis que nous travaillons sur ce texte, le Sénat a délibéré dans des conditions sereines, en conscience et en responsabilité. Or nous entendons depuis quelques jours un procès en inexpérience, voire en démagogie, alors que nous avons donné au Gouvernement tous les moyens de combattre le fléau épidémique.

Nous avons été au rendez-vous le 23 mars, nous sommes au rendez-vous aujourd'hui.

Les parlementaires de la majorité ont tenu des propos inacceptables, parlant de prise en otage, et prétextant que le Sénat voulait mettre fin au confinement le 8 décembre, ce qui n'a jamais été le cas. Certains se demandent même si le travail du Sénat est utile. Nous faisons le travail que nous dictent la Constitution, notre conscience et notre responsabilité de parlementaires. Nous exerçons notre liberté de poser des questions et nos fonctions de contrôle. Le Sénat doit être respecté pour le travail qu'il fait. (Applaudissements)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Bravo !

M. le président.  - Acte est donné de ce rappel au Règlement.

Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

Discussion générale

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Il y a en effet des divergences sur ce texte entre le Sénat et le Gouvernement ; mais il y a une convergence, « l'exigence du contrôle parlementaire », pour reprendre les mots de votre rapporteur dans la presse. C'est pourquoi je suis devant vous ce soir, et que le Gouvernement défendra des amendements rétablissant son texte. C'est le débat démocratique.

Oui, il y a des divergences ; mais aucun membre du Gouvernement n'a tenu les propos que vous évoquez. Les divergences portent sur la date de fin de l'état d'urgence sanitaire, l'instauration d'un régime transitoire, certaines habilitations de légiférer par ordonnance et l'ouverture des commerces.

La situation fait craindre le pire et ce deuxième confinement a été adapté. Le Gouvernement mesure les sacrifices qu'il demande, mais ils sont indispensables pour sauver des vies.

Concernant la date de fin de l'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement estime qu'il a besoin de visibilité. Si la situation sanitaire s'améliore, le Gouvernement pourra mettre un terme anticipé à l'état d'urgence sanitaire, comme il l'a fait en septembre à Mayotte et en Guyane.

Le régime transitoire, indispensable à nos yeux, n'est pas un blanc-seing. La sortie de l'état d'urgence ne se fera pas du jour au lendemain, sauf à le maintenir jusqu'à la dernière personne atteinte. L'été a confirmé l'utilité d'un régime moins contraignant, permettant de protéger la population lors du recul de l'épidémie.

Le terme du 1er avril 2021 était cohérent avec la caducité, voulue par le Parlement, de l'état d'urgence sanitaire.

Les habilitations présentes à l'article 4 permettront, en tant que de besoin, de rétablir les mesures d'accompagnement conçues en mars dernier et les règles de police sanitaire. Le Sénat a choisi en première lecture soit de les supprimer, soit de graver ces mesures dans le marbre de la loi.

Compte tenu de l'évolution de la situation, nous avons pourtant besoin d'habilitations pour parer aux éventualités. La deuxième vague, en outre, est différente de la première et réclame des adaptations.

Enfin, l'ouverture de certains commerces fait l'objet d'un vif débat, au Parlement et parmi la population.

Contrairement à ce qui prévalait cet été, la fermeture et la restriction des activités demeurent la règle et l'ouverture l'exception. Le ministre de la Santé a montré tout à l'heure l'impact sur le système hospitalier d'un confinement peu respecté. La territorialisation ne se justifie que si elle fait sens sur le plan sanitaire ; or personne ne comprendrait qu'à quelques kilomètres près, tel type de commerce puisse ouvrir et non tel autre ; des différences territoriales entraîneraient des brassages de population, certains se rendant dans les territoires où davantage de commerces seraient ouverts. Il est donc de la responsabilité du Gouvernement de prendre les mesures de police sanitaire appropriées. Il est par ailleurs soucieux d'accompagner les entreprises.

Les apports du Sénat à l'article 3 - sur la Polynésie, les réunions des collectivités territoriales, les infractions pénales, la durée de l'affectation à la réserve, la lutte contre les violences conjugales - ont été maintenus. C'est la preuve éclatante, s'il en était besoin, de son utilité ! J'ai lu les propos de M. le rapporteur dans la presse

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Merci !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Le combat pour la liberté n'est jamais vain, c'est vrai, mais le combat pour la démocratie non plus. En commission, vous avez appelé à poursuivre le débat. Le Gouvernement a donc déposé des amendements pour revenir au texte de l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement s'est montré à la hauteur du défi historique, et s'est tenu à la disposition du Parlement. Nous nous préparons à un nouveau choc très important dans les jours qui viennent. Renoncer à des libertés pour sauver des vies est un sacrifice ; mais c'est aussi l'honneur d'une nation qui fait de la fraternité autre chose qu'un principe abstrait.

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Nous voici au terme d'un processus législatif à rebondissements, qui a commencé par la sortie de l'état d'urgence sanitaire, interrompue par le couvre-feu, vite remplacé par le retour de l'état d'urgence. Il serait regrettable qu'il se conclue par un retour au texte de l'Assemblée nationale.

Le débat - y compris les désaccords - est fécond, s'il est conduit dans un esprit de dialogue. C'est le malentendu qui est toxique ; il survient lorsqu'au désaccord s'ajoute le procès d'intention. Je remercie le président de la commission des lois de sa mise au point, qui me semblait indispensable.

Le Sénat n'a jamais marchandé son soutien au Gouvernement pour faire face à une crise exceptionnelle. Il l'a toujours fait en limitant au strict nécessaire les restrictions aux libertés.

Le Gouvernement avait été jusqu'à maintenant d'accord avec le Parlement pour que ses pouvoirs d'exception fassent l'objet de reconductions successives par le Parlement. Nous avons voté quatre fois en sept mois ! La question de l'efficacité de l'action gouvernementale n'est pas en cause ce soir : le moment de l'évaluation de la lutte contre l'épidémie viendra - il a commencé à la commission d'enquête - mais pour le moment la question posée est : faut-il restreindre les libertés pour casser la circulation du virus ?

La responsabilité ne va pas sans vigilance, ni la vigilance sans contrôle. Pourquoi le contrôle que nous avons exercé pendant sept mois deviendrait-il soudain une entrave insupportable ? Il faut circonscrire les désaccords à la réalité.

Nous ne nous sommes jamais opposés à la prorogation du confinement au-delà du 8 décembre. Nous avons dit que si le confinement devait se prolonger au-delà du 8 décembre, il faudrait que le Parlement l'autorise. Idem pour la prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà du 31 janvier.

Dire que nous aurions voulu imposer des dates butoir est une imposture dans le débat public, lequel a besoin de bonnes bases pour se tenir.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous sommes responsables : nous souhaitons que le Gouvernement ne s'isole pas au moment où il est difficile de faire accepter les contraintes aux Français. Pour cela, il a besoin que le Parlement se prononce, et il l'a toujours fait.

Autre mise au point : le Gouvernement pourrait, à la fin du confinement, avoir besoin d'interdire les manifestations de rues ou les réunions. Il n'a pas besoin pour cela d'un régime différent de l'état d'urgence : qui peut le plus peut le moins ! Cette invention du régime de sortie de l'état d'urgence ne répond qu'à une exigence psychologique, nullement juridique.

Oui, il faudra une transition ; vous pouvez alors recourir, en mode mineur, aux mesures prévues par l'état d'urgence sanitaire.

Vous voyez, monsieur le ministre, je viens vers vous. Faites le même effort !

Où avez-vous vu que nous voulions vous imposer des mesures différenciées, prenant même le risque de « brassages de population » ? Nous souhaitons au contraire vous donner les moyens d'apprécier les situations, avec le discernement dont les préfets sont capables, afin de savoir si l'on peut permettre l'ouverture de certains commerces, si cela ne porte pas préjudice à la lutte contre l'épidémie.

Ce n'est pas seulement moi qui ne comprends pas cette fermeture uniforme ; ce sont les Français qui ne comprennent pas pourquoi, chaque jour, 20 millions de personnes se rendent à leur travail, 12 millions d'enfants vont à l'école, sans compter un million de professeurs, tandis que l'ouverture du magasin de chaussures de Villedieu-les-Poêles serait un danger. (Sourires)

Monsieur le ministre, du bon sens, et le respect du Parlement ; seuls vous serez plus faibles qu'avec le Parlement ; c'est ensemble que nous serons efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et SER)

M. Jérôme Bascher.  - Bravo !

Mme Éliane Assassi .  - Nous examinons à nouveau un texte que nous avons amendé en vain, puisque la consigne avait été donnée aux députés de la majorité de le rétablir dans sa version initiale. Pitoyable tableau pour nos concitoyens !

Monsieur le ministre, votre Gouvernement n'a aucun scrupule à bafouer la voix du Sénat. Il doit pourtant souffrir que celui-ci ne lui soit pas acquis ! Le débat démocratique devrait être placé au plus haut par l'exécutif. Or les décisions se prennent dans un petit cercle autour du Président de la République, plus étroit même que le Conseil des ministres, dans un Conseil de défense dénaturé...

Le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), Jean-Marie Burguburu, craint une accoutumance aux restrictions des libertés, en l'absence de contrôle. Nous partageons cet avis. Dans ce contexte, il ne devrait pas être question de s'invectiver ! (M. Philippe Bas, rapporteur, le confirme.) Pourtant, vous passez votre temps à culpabiliser les jeunes, les députés d'opposition, le Sénat, qui devrait s'aligner sur ce texte d'un gouvernement qui n'inspire pas vraiment confiance.

Cette deuxième vague était plus que prévisible. Pour sauver la face, vous feignez la surprise. Vous traitez les plateformes numériques en ennemis de l'État : faux-semblant ! Elles sont imbriquées dans le système libéral et capitaliste que vous prônez. Vous prononcez de grands plaidoyers pour les soignants alors qu'ils n'ont pas attendu le Covid-19 pour tirer la sonnette d'alarme sur leurs conditions de travail. Nous étions à leurs côtés, alors, comme nous le sommes aujourd'hui.

Comme en première lecture, nous vous proposerons à nouveau de placer la fin de l'état d'urgence au 14 décembre : le Sénat n'est pas une chambre d'enregistrement. Le pouvoir législatif n'est pas le bras armé d'un conseil de défense qui ferait la pluie et le beau temps dans le quotidien des Français. Nous vous demanderons à nouveau de mettre en place un comité de suivi national pluraliste.

Comme en première lecture, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s'opposera à la philosophie générale de ce texte que le Sénat n'a pas remis en cause. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous voici donc rassemblés pour une nouvelle lecture, précédée par une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale mouvementée, venant après une première lecture au Sénat bien plus calme. Pourtant, derrière le calme, nous annoncions déjà la tempête, faute de concertation. Certains de vos collègues, monsieur le ministre, devraient prendre exemple sur notre capacité d'écoute, au lieu de pratiquer le simulacre de concertation consistant à réunir les groupes politiques pour ne rien leur dire. Comme je le disais à Mme Bourguignon, pour être unies, il faut que les deux parties le veuillent.

Les commerçants sont les seuls Français à être interdits de travail. Tout le monde peut aller à l'école, au travail, dans le métro, mais pas chez le coiffeur.

Nous vous avions annoncé la tempête, puisque vous ne mesuriez pas l'impact de vos mesures.

Oui, il faut être prudent et respecter les gestes barrières, mais sans imposer deux poids deux mesures. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.) Combien d'intérimaires n'ont plus rien ; combien de petits commerçants accumulent les prêts, sans savoir quand ils retrouveront du chiffre d'affaires ? Le dépôt de bilan risque d'être la seule issue.

Nous n'avons pas assez de place en réanimation. Certes, on ne forme pas une infirmière en deux mois. Mais si vous aviez trouvé l'argent magique plus tôt pour l'investir dans le système de santé, nous n'en serions pas là.

Récemment, le délégué régional de l'Agence régionale de santé de Bourgogne voulait fermer le Centre 15 d'Auxerre pour renforcer un échelon régional lointain, en se permettant de donner des leçons de responsabilité aux maires.

J'ai entendu la grosse colère du ministre de la Santé, qui racontait sa visite d'un hôpital pour susciter l'émotion. Il a raison. Toute vie mérite d'être vécue. Mais on ne dirige pas avec des émotions. Où est l'émotion face à la dépression des Français, à la faillite d'entreprises, à la détresse des enfants ? Je sais que ce sujet vous touche, monsieur le ministre.

Les sénateurs n'auraient pas conscience de la gravité de la situation ? Non, le Sénat ne fait pas de manoeuvre politicienne, comme l'ont prétendu des députés de la majorité. Voyez la qualité du travail de notre rapporteur, notamment sur les habilitations, loin de la facilité avec laquelle la majorité de l'Assemblée nationale abandonne son rôle de législateur. (Mme Sophie Primas et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent.)

Vous avez à résoudre la quadrature du cercle ; ce n'est pas simple, surtout quand vous vous entêtez à faire seul. Nous vous demandons de rouvrir les librairies, vous nous répondez en fermant les rayons livres des supermarchés. Nous vous demandons de laisser une marge d'appréciation au préfet, vous répondez qu'on ne revient pas sur la parole du Président de la république. Nous vous demandons de laisser le Parlement contrôler, vous répondez par des ordonnances...

Nous finirons sur un désaccord. Mais quand le Parlement gronde, derrière, c'est la France qui gronde. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je m'associe, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, à la mise au point du président de la commission des lois. Les propos tenus à l'égard du Sénat sont inacceptables et relèvent de la faute.

Considérer que manifester un désaccord revient à faire preuve d'irresponsabilité, c'est une accusation indigne. Nous avons tous, autour de nous, des parents, amis, qui sont malades, voire qui sont morts.

Le Parlement est dans sa mission de contrôle du Gouvernement. Votre conception de la démocratie est inquiétante. Faire des propositions, exprimer des nuances, des désaccords, ce serait priver le Gouvernement de toute capacité d'initiative ?

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, jamais le Parlement n'a hésité à donner au Gouvernement les moyens de lutter contre l'épidémie. C'est la première fois depuis 2015 que le Parlement n'est pas d'accord sur la prorogation d'un état d'urgence.

Ce n'est pas une injure de dire que le Gouvernement est en grande difficulté, que sa politique n'est pas comprise, pas acceptée et insuffisamment appliquée. Or ici, vous avez les représentants des collectivités territoriales qui peuvent vous aider à appliquer ces mesures. Le Parlement a proposé de donner au préfet - quelle audace ! - de décider de rouvrir quelques commerces... Vous refusez.

Nous pensions que le nouveau Premier ministre prendrait davantage en compte les élus locaux : il vantait le couple préfet-maire. Or ce couple ne s'est jamais formé, sinon sans le Gouvernement - il y a eu un premier épisode à Marseille, un deuxième, un troisième... C'est devenu une théorie.

Nous n'avons pas refusé le principe de l'état d'urgence sanitaire, une prorogation et sa sortie, mais nous vous refusons six mois de pouvoirs exceptionnels sans contrôle du Parlement. (M. Philippe Bas, rapporteur, renchérit.)

Le groupe socialiste, écologiste et républicain s'est abstenu la semaine dernière, il s'abstiendra aujourd'hui.

Le texte a été amélioré, mais nous vous l'avons dit à plusieurs reprises, il manque la prise en compte des questions sociales, notamment sur le RSA jeunes, les difficultés des salariés d'entreprises fermées, la trêve hivernale... La crise sociale va exploser.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est en désaccord avec votre méthode. Le Parlement est là pour contrôler le Gouvernement, le Sénat doit nécessairement y participer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis de nombreux mois, nous sommes confrontés à un ennemi redoutable. Des dizaines de milliers de citoyens ont été ou sont touchés par la covid, 38 000 sont décédés.

La dégradation de la situation a conduit le Gouvernement à élargir, le 24 octobre, le couvre-feu de quelques métropoles à la moitié du pays, avant d'imposer un nouveau confinement le 28, devant l'aggravation de la situation. Tout doit être mis en oeuvre pour limiter le nombre de décès et sortir du confinement.

Mais la réponse ne doit pas reposer sur l'affaiblissement du Parlement. Il est important que le Gouvernement évalue régulièrement la situation, en fonction de laquelle le Parlement décide ou non la prorogation des pouvoirs exceptionnels. Nous ne sommes pas pour une sortie prématurée de l'état d'urgence sanitaire, mais il faut un contrôle régulier, qui garantira son acceptabilité. Contourner ce contrôle ne fera qu'accroître la méfiance des Français.

Or le succès ne viendra que de l'adhésion de tous. Je me réjouis que le Sénat ait adopté à l'unanimité un amendement pour autoriser les préfets, en liaison avec les élus locaux, à rouvrir certains commerces.

Vous devez vous appuyer sur la représentation nationale et sur une concertation avec les corps intermédiaires. Nos institutions ne doivent pas fonctionner en mode dégradé ; vous rassurerez ainsi les Français.

Le groupe INDEP veut concilier la lutte contre l'épidémie et le respect des pouvoirs du Parlement. Il soutiendra le texte amendé par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Mme Esther Benbassa .  - ll y a deux jours, le ministre de la Santé a évoqué le quotidien des soignants dans un service de réanimation, comme si nous, parlementaires irresponsables, n'avions pour but que de lui chercher des noises.

Nous nous inclinons toutes et tous devant le travail des soignants ; ici, des parlementaires, des collaborateurs, des fonctionnaires, des membres de leur famille ont été touchés, et certains sont passés à deux doigts du pire. Cela nous autorise à ne pas tout accepter d'un Gouvernement qui travaille dans le cadre d'une verticalité effrayante.

Vous demandez au Parlement de garder le silence jusqu'en février 2021 ? C'est inacceptable. L'union nationale ne se décrète pas. Nos institutions démocratiques sont déjà éprouvées par la multiplication des états d'urgence, et le risque d'accoutumance en a été dénoncé par la nouvelle Défenseure des droits et par le président de la CNCDH.

Vous excluez les librairies et les petits commerces, livrés à la concurrence déloyale des plateformes. Pourquoi ne pas les ouvrir comme en Belgique, dans le strict respect des règles sanitaires et sous le contrôle du préfet et du maire ? Vous avez provoqué la colère d'élus de tous bords, dont certains ont pris des arrêtés illégaux en guise de protestation.

Pensez aussi à nos jeunes. Pourquoi ne pas élargir le RSA aux 18-25 ans sans ressources ? Au vu de l'urgence, cette proposition devrait déjà être à l'étude.

Depuis le début de l'épidémie, députés et sénateurs vous demandent une gestion collégiale. Puisque vous restez sourd à ces demandes, le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires votera contre ce projet.

Mme Nadège Havet .  - Comme en première lecture, je pourrais décliner le triste état de la situation sanitaire. Les chiffres donnés par le Gouvernement ce soir parlent d'eux-mêmes. Ils sont préoccupants car ils risquent d'engager des enjeux éthiques, si les soignants doivent choisir qui soigner...

Nous avons tous conscience de la situation. Il ne s'agit pas d'opposer la responsabilité des uns et l'irresponsabilité des autres. Aucune décision n'est prise de gaieté de coeur. (M. Philippe Bas, rapporteur, approuve.) Je salue la position du rapporteur d'accorder la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. La seule divergence entre les deux chambres réside dans une différence de deux semaines.

Seul le Parlement pourra proroger l'état d'urgence sanitaire ; un régime transitoire serait possible, avec un contrôle du juge et une autorisation du Parlement.

Sur les systèmes d'information, la proposition du Gouvernement n'est pas incompatible avec nos positions de mai dernier, qui ont consisté à mettre un terme à leur utilisation six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire.

Nous voulons tous prolonger ou réactiver des mesures d'urgence économique et sociale, comme le dispositif d'activité partielle ou le fonds de solidarité. La divergence porte sur les méthodes. La mobilisation du Gouvernement est totale, à preuve les mesures déjà prises pour protéger les plus fragiles.

Il en est de même pour les commerces non alimentaires de proximité : depuis la première lecture, des mesures ont été prises pour ceux-ci. Nous ne voulons en aucun cas opposer la protection de la vie et l'économie, mais tenir ces deux impératifs ensemble.

Le groupe RDPI s'abstiendra sur ce texte modifié.

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP ; Mme Françoise Gatel applaudit également.) Malgré la mise en oeuvre de mesures contraignantes, la situation s'est aggravée. La représentation nationale doit tenir son rôle et être responsable.

Le RDSE ne s'interroge pas sur la nécessité de prolonger l'état d'urgence sanitaire. Mais nous regrettons que les députés n'aient pas retenu les initiatives modérées du Sénat. Nous avons aussi des comptes à rendre à nos concitoyens. Il n'est donc pas illégitime de demander au Gouvernement de revenir devant le Parlement. (Mme Françoise Gatel le confirme.)

Nous avons conscience de la lourdeur de la tâche. Mais, depuis le printemps, quelles leçons ont-elles été tirées ? Une fois la règle posée, chacun cherche l'exception. Mieux vaut simplifier et clarifier pour légitimer la décision.

Le Sénat avait unanimement voté pour l'adaptation locale des mesures nationales par les préfets. Nous avons entendu l'appel des maires, inquiets pour leurs territoires. L'Assemblée nationale ne les a pas entendus.

Les enjeux sont les mêmes pour les élections à venir : nous espérons que le report permanent ne sera pas la seule réponse. Il faudra imaginer des outils d'adaptation.

Partout, la misère sociale augmente, mettant nos concitoyens dans une précarité financière et humaine. Elle touche les plus vulnérables, ceux qui étaient déjà en marge. Il est urgent que le Gouvernement apporte des solutions concrètes pour que personne ne reste au bord du chemin.

Le RDSE est satisfait que le Sénat ait modifié ce texte en apportant des garanties essentielles sur le rôle du Parlement, et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains votera ce texte issu de la commission des lois. (Applaudissements au centre et à droite) J'entends à la fois un enthousiasme et une absence de surprise ! (Sourires)

Le Gouvernement nous demande de l'autoriser à faire usage de l'état d'urgence pour plus d'un mois. Nous sommes d'accord sur le principe, mais pas sur les modalités. Comme l'a justement rappelé notre rapporteur, jamais le Sénat n'a fait défaut sur ce chapitre : jamais il n'a manqué au pays, lorsqu'il s'est agi de donner au pays les moyens de gouverner.

Mais nous ne saurions nous dessaisir de notre pouvoir législatif, en autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances dans des domaines qui sont les nôtres, lorsque la situation ne le justifie pas et que le Parlement peut agir. De plus, le Gouvernement nous demande aussi de renoncer pendant plusieurs mois à réexaminer la situation, quitte à lui donner, éventuellement, de nouveaux pouvoirs. Que le Gouvernement ne vienne pas rendre des comptes, mais également se relégitimer devant nous n'est pas acceptable.

Le Gouvernement nous demande, monsieur le ministre, de lui donner les moyens de mener la mission qui lui est confiée par les institutions, souffrez que la Représentation nationale exerce la sienne. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État .  - Je ne voudrais pas que subsiste un malentendu entre le Gouvernement et le Sénat. Le Gouvernement n'a jamais dit que le Sénat prenait ce texte en otage en voulant mettre fin au confinement le 8 décembre. Au contraire, j'ai salué cette exigence démocratique, et déclaré, à cette tribune, que le Parlement se montrait à la hauteur de ce défi historique que nous affrontons collectivement. Nulle invective, nulle culpabilisation, madame Assassi.

Le Sénat n'est pas une chambre d'enregistrement. Le Parlement dispose toujours de moyens de contrôle, à travers les questions au Gouvernement, les auditions, les missions, les commissions d'enquête. Puis il y a l'article 3131-13 que vous avez modifié lors du vote de la loi de mars 2020, qui prévoit une information sans délai des chambres sur les mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence et nous le faisons chaque semaine, à l'égard des présidents des deux chambres.

Monsieur le rapporteur, vous dressiez un parallèle entre les cordonniers et l'école. Vous qui étiez mon illustre prédécesseur, en charge de la protection de l'enfance, vous savez mieux que moi combien il importe que les écoles restent ouvertes pendant ce confinement, pour éviter le décrochage scolaire et limiter les risques de violences familiales.

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 20 h 5, reprend à 20 h 20.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article sera rétabli dans sa version initiale par l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Il ne s'agit pas d'un débat sur le délai mais d'une question de fond.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est opposé au régime de l'état d'urgence sanitaire, parce que tous les outils juridiques étaient déjà à la disposition du Gouvernement. Le régime d'exception finira par entrer dans le droit commun à force de prolongations, comme l'indique l'exposé des motifs. Cela relève d'un fonctionnement vertical qui n'a que trop duré.

Réintroduisons un équilibre entre les pouvoirs, indispensable à la démocratie.

L'amendement n°1, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

L'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n°2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire est prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Cet amendement rétablit l'article premier dans sa version transmise au Sénat, afin de permettre une prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 inclus. Compte tenu de l'évolution récente de la situation sanitaire et des spécificités de la période hivernale pour la circulation du virus, cette échéance est mieux adaptée aux circonstances.

En outre, l'introduction d'une autorisation spécifique du législateur pour la mise en oeuvre de mesures de confinement au-delà du 8 décembre n'est pas opportune, dès lors que la prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois exige déjà une autorisation du Parlement, et que les mesures d'interdiction de sortie du domicile comptent parmi les facultés prévues par le régime de l'état d'urgence sanitaire.

Une évolution réglementaire récente prévient toute différence de traitement entre les grandes surfaces et les petits commerces, concernant les activités pour lesquels ces derniers ne sont pas autorisés à ouvrir. (Mme Sophie Primas s'exclame.) Le Gouvernement est opposé à l'introduction dans la loi d'une disposition imposant au pouvoir réglementaire de permettre des ouvertures dérogatoires de commerces au niveau local. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Enfin, les enseignements pourront être examinés à l'occasion de l'examen du projet de loi visant à créer un régime pérenne de gestion de l'urgence sanitaire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Vous avez de la mémoire, monsieur le ministre : vous savez qu'en période de crise, le Gouvernement sait agir vite. Fin 2018, face aux mouvements de rue émaillés d'actes de vandalisme terribles, d'agressions contre les biens dans le quartier de l'Étoile, alors que le Gouvernement était dans un certain embarras, et que nous étions, comme nos compatriotes, saisis d'émotion, le Gouvernement a présenté un projet de loi. Vous souvenez-vous en combien de temps il fut adopté ? En trois jours !

Pendant les sept derniers mois, vous n'avez pas jugé impossible de saisir le Parlement à cinq reprises, dont une fois pour retirer un texte de l'ordre du jour, dont nous avions débattu longuement. L'idée que revenir devant nous serait du temps perdu est donc en contradiction avec votre propre pratique et avec l'essence même de la démocratie.

En larguant les amarres pour vous éloigner de la discussion parlementaire, le Gouvernement prend - à tort - le grand risque de la solitude, de l'isolement, de l'unilatéralisme, d'une verticalité excessive où plus rien ne sépare le Président et le peuple, qui nie la Représentation nationale que nous incarnons avec l'Assemblée nationale, et s'agissant de pouvoirs exceptionnels restreignant les libertés publiques et individuelles, peut verser dans l'autoritarisme.

Avis défavorable à cet amendement que vous n'auriez même pas dû déposer. (« Très bien » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupUC)

M. Marc Laménie.  - Je soutiens l'avis du rapporteur...

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Merci.

M. Marc Laménie.  - ...même si je comprends l'amendement du Gouvernement.

Faire confiance au Sénat qui représente l'ensemble des territoires est important. De nombreuses personnes sont obligées de se déplacer, mais la fermeture de commerces « non essentiels » pose problème. Beaucoup de commerçants ont investi, et se trouvent désemparés par la fermeture. J'ai reçu beaucoup de témoignages de leur part, notamment de coiffeurs.

Ils ont investi durant le premier confinement, alors qu'il n'y avait ni masques ni gel, ont fourni un effort de respect strict des règles sanitaires, et se tournent vers le Parlement, les élus, les maires dont certains ont pris des arrêtés. Il faut faire preuve de bon sens. Nous sommes conscients de la nécessité de privilégier la santé, mais pas n'importe comment. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Franck Menonville.  - Très bien !

Mme Françoise Gatel.  - Avec tout le respect républicain que je dois au ministre, je remercie le président Buffet de sa position, qui confère au Sénat une attitude très responsable, citoyenne, républicaine, ainsi que M. Bas pour ses compliments.

Je ne suis pas du tout en accord avec cet amendement. Notre pays vit des moments extrêmement difficiles. Nous traversons une crise économique et sociale violente. Monsieur le ministre, notre pays ne pourra guérir que si le peuple a confiance en vous et dans ses leaders.

Ne sous-estimez pas nos alertes : lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, Jean-François Husson vous alertait déjà sur la faible acceptabilité de certaines mesures par les gens qui habitant loin des villes, étaient contraints d'utiliser leur voiture. Prenez au sérieux notre alerte de ce soir, que je formule avec gravité et sérieux.

Il n'y aura pas de victoire sans confiance et responsabilité. Pourquoi pourrait-on aller dans une boulangerie et non dans une librairie ? Personne ne le comprend ! L'heure est grave. Le Sénat est très courageux de prendre les positions qu'il défend, ne l'insultez pas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je suis très frappée de lire dans votre exposé des motifs que « Compte tenu de la situation sanitaire, et du partage entre la loi et le règlement, le Gouvernement est opposé à l'introduction dans la loi d'une disposition imposant au pouvoir réglementaire de permettre des ouvertures dérogatoires de commerces au niveau local. »

Nous souhaitons que le préfet puisse autoriser et non imposer l'ouverture des commerces. Ne laissez pas croire que nous donnons injonction au Gouvernement d'ouvrir les commerces de détail, ce n'est absolument pas dans le texte adopté par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Le troisième alinéa de l'article premier prévoit qu'un décret « détermine les conditions dans lesquels le préfet... » C'est donc bien une injonction ! (Marques de protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains)

Monsieur le rapporteur, dans votre récent entretien au Figaro, vous dites que le Gouvernement est légitime à amender. Je vous en remercie...et je ferai usage de ce droit, garanti par la Constitution.

M. Jean-François Husson.  - Vous vous trompez d'assemblée, vous n'êtes pas à l'Assemblée nationale !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Selon vous, je n'aurais pas dû déposer cet amendement, mais je l'ai fait...C'est au nom du respect du débat, du Sénat, afin que ce débat ait lieu. Si je ne l'avais pas déposé, vous m'auriez reproché d'avoir attendu la dernière lecture par l'Assemblée nationale pour le faire...

Mmes Anne Chain-Larché et Catherine Dumas et M. Jean-François Husson. - Mais non !

M. Vincent Éblé.  - Retirez votre amendement ! (Sourires)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je fais pleine confiance, au-delà de ce vote, au Sénat pour exercer tous les moyens de contrôle dont il dispose...

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. Jean-François Husson.  - Pas de chance ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier 2021

par la date :

14 décembre 2020

Mme Éliane Assassi.  - Ce débat est aimable... Un contrôle attentif du Parlement est nécessaire. La prorogation de l'état d'urgence sanitaire doit être relativement limitée. Au vu de l'évolution rapide de la situation sanitaire, le Parlement doit se réunir dans un délai d'un mois après la prolongation de l'état d'urgence sanitaire.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

1er janvier

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

L'amendement n°2, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté non plus que l'amendement n°12.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 12

Supprimer les mots :

à titre dérogatoire et

Mme Esther Benbassa.  - Nous saluons l'initiative de la commission des lois de créer un dispositif pour aider les petits commerçants. Les maires doivent pouvoir alerter les préfets sur les besoins de la population et la détresse de certains commerçants.

Prolongeons un dispositif qui a bien fonctionné pendant le premier confinement, d'autant que les mesures sanitaires sont plus faciles à mettre en oeuvre dans les petits commerces que dans les grandes surfaces.

L'amendement allège légèrement le texte de la commission en supprimant la mention « à titre dérogatoire ».

L'amendement n°11, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - A compter de la promulgation du présent texte, est instauré un Comité national de suivi de l'état d'urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité de scientifiques, d'un représentant par formation politique représentée au Parlement, des présidents de groupe parlementaire et d'un représentant par association nationale d'élus locaux.

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement instaure un comité de santé pluraliste à la place de l'aréopage qu'est le conseil de défense. L'article 15 de la Constitution en fait un conseil uniquement militaire, une sorte de PC jupitérien rappelant les officines de la Maison blanche, il est antidémocratique. Et le secret-défense invoqué, en l'absence de publicité des délibérations, n'a pour but que de protéger l'exécutif de procédures qui ne manqueront pas d'avoir lieu, avec une gestion aussi erratique de la crise sanitaire.

L'heure est venue d'affirmer la prééminence des institutions démocratiques.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je partage votre souhait de mettre en place des contrepoids pour la prise de décision publique et son évaluation.

Mais pour faire contrepoids, ce comité ne doit pas être composé du Premier ministre, des ministres, du directeur général de la santé... Il serait alors aux mains du pouvoir !

Le Sénat est libre, indépendant et non aligné, n'est-ce pas, monsieur le ministre ? Si vous voulez un comité qui ne soit pas Théodule, comme eût dit le général de Gaulle, et qui exerce un contre-pouvoir, en plus de celui du Sénat, inventez-en un autre. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. En effet, le Sénat est libre, indépendant et non aligné et exerce son pouvoir de contrôle, je suis tout à fait d'accord.

Les ministres et le directeur général de la santé prennent régulièrement la parole pour informer les concitoyens ; ils informent aussi le Parlement et les élus locaux. Nous en reparlerons lors du débat sur le projet de loi visant à créer un régime pérenne d'urgence sanitaire. Avis défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Le I de l'article 1er de la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La date : « 30 octobre 2020 » est remplacée par la date : « 1er avril 2021 » ;

b) Les mots : « hors des territoires mentionnés à l'article 2, » sont supprimés ;

2° Le 4° est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « aérien » et le mot : « biologique » sont supprimés ;

b) Au second alinéa, le mot : « aérien » est supprimé.

II.  -  L'article 2 de la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 2. ? L'article 1er de la présente loi est applicable dans les territoires où l'état d'urgence sanitaire n'est pas en cours d'application. »

III.  -  Les I et II du présent article s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Au risque de m'attirer à nouveau les foudres du rapporteur, (Celui-ci s'en défend ; exclamations à droite.) je défends cet amendement qui rétablit l'article 2, supprimé en commission, prorogeant jusqu'au 1er avril 2021 l'application du régime de transition définie par l'article premier de la loi du 9 juillet 2020.

Il est indispensable de disposer d'un régime intermédiaire afin de maintenir des mesures sanitaires proportionnées à l'évolution de la situation.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Pour que ce débat soit utile, monsieur le ministre, le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire est le même que celui de l'état d'urgence sanitaire à deux exceptions près : le confinement et le couvre-feu. Mais si vous prolongez l'état d'urgence sanitaire, vous pouvez conserver tous ces pouvoirs...

Le Gouvernement n'a pas décidé de le faire pour éviter un vote du Parlement. Nous l'avons bien compris, vous n'en voulez à aucun prix, bien que le Sénat vous ait toujours accordé ces prolongations. Avis défavorable.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous voulez ce régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire qui est cosmétique. Monsieur le ministre, nous avons voté la loi du 23 mars instaurant l'état d'urgence sanitaire sans régime de sortie. Nous avons à nouveau voté une loi le 11 mai, toujours sans régime de sortie.

Il a fallu attendre juillet pour que ce régime de sortie « indispensable » apparaisse. Avouez-le : vous voulez un état d'urgence sanitaire jusqu'en avril, au lieu de l'échéance de février que vous annoncez !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Très bien !

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 3

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

1er janvier

Mme Esther Benbassa.  - L'article 3 permettait la poursuite jusqu'au 1er avril 2021 de l'utilisation de tous les dispositifs informatiques mis en place afin de lutter contre l'épidémie, et de retracer les chaînes de contaminations. Le Sénat a fixé cette date au 31 janvier en cohérence avec la date butoir de l'état d'urgence proposée par la Haute Assemblée.

Nous avions déjà souligné le risque de ces types de fichiers, qui portent atteinte aux données personnelles et au secret médical et posent les jalons d'une société de contrôle et de la marchandisation des données de santé, sans démontrer leur efficacité pour retracer les chaînes de contaminations.

Nous voulons donc limiter la portée du dispositif prévu à cet article au 1er janvier, en cohérence avec la date de fin de l'état d'urgence proposée dans notre amendement à l'article premier.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

1er avril

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Cet amendement était de cohérence avec l'article premier dans votre rédaction. Je le retire donc.

Mme Sophie Primas et M. Jérôme Bascher.  - Ah !

M. Jean-François Husson.  - La sagesse gagne ! (Sourires)

L'amendement n°15 est retiré. 

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°9 rectifié.

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

L'article 3 bis A demeure supprimé. 

Les articles 3 bis, 3 ter, 3 quater, 3 quinquies, 3 sexies, 3 septies, 3 octies, 3 decies, 3 undecies, 3 duodecies, 3 terdecies et 3 quaterdecies sont successivement adoptés.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Le GEST est opposé à la méthode consistant à recourir à l'article 38 de la Constitution pour déposséder le Parlement de ses prérogatives législatives.

L'exécutif s'est livré à un exercice solitaire du pouvoir. Il est grand temps que le législateur retrouve sa pleine part dans le processus d'élaboration de la loi.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis. Le Gouvernement a besoin d'une habilitation à rétablir et prolonger certaines mesures d'accompagnement prises au printemps pour répondre au plus vite à l'évolution de la crise sanitaire et de ses multiples conséquences.

Avis défavorable, ainsi qu'à la logique de la commission.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 3

Après les mots :

c à

insérer les mots :

d et du f au

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Au e du 1° du I de l'article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'année : « 2020 » est remplacée par l'année : « 2021 ».

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La loi du 23 mars 2020 prévoyait une habilitation permettant au Gouvernement de prolonger la trêve hivernale pour les expulsions locatives de 2020-2021, d'où cet amendement adaptant l'habilitation pour 2021.

Pourquoi le faire dès maintenant, alors que la trêve hivernale se termine en mars 2021 ? Parce que le Gouvernement ne veut pas revenir devant le Parlement avant mars prochain...Nous n'aurons donc pas l'occasion de nous prononcer d'ici là sur la possibilité de prolonger éventuellement la trêve hivernale au-delà de cette date. D'où notre amendement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Merci pour cet amendement. Le Gouvernement partage votre préoccupation : avis favorable.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 23

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Ces projets de loi de ratification font l'objet d'une inscription à l'ordre du jour du Parlement et d'un vote avant le 31 janvier 2021, pour une ratification expresse.

M. Pascal Savoldelli.  - Nous demandons une ratification expresse des ordonnances. Travail du dimanche, congés payés, temps de travail : les limitations apportées aux droits des salariés ont-elles l'assentiment des organisations syndicales ?

Le Gouvernement dépose en catimini, à la dernière minute, un amendement n°52 qui prolonge les ordonnances prises au printemps dernier dans le cadre de l'état d'urgence. Cela manque de sérieux et de rigueur. Auriez-vous un problème de majorité à l'Assemblée nationale ? (Sourires) Le Sénat, lui, est prêt à débattre, dans un esprit de responsabilité.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Et la démocratie ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement est redondant, puisque depuis la réforme constitutionnelle de 2008, il n'y a plus de ratification explicite. Cela dit, vu le nombre inédit de demandes d'habilitations, il n'est pas anormal de solliciter cette ratification. Nous avions proposé que cela fût fait via la procédure de législation en commission.

Votre Gouvernement entend-il présenter des projets de loi de ratification des ordonnances ? Votre réponse sera déterminante.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - J'aurais pu reprendre les arguments que vient de développer le sénateur Sueur sur la réforme constitutionnelle de 2008.

La ministre du Travail rencontre très régulièrement les organisations syndicales pour déterminer avec elles comment accompagner aux mieux salariés et employeurs.

M. Pascal Savoldelli.  - Par des ordonnances ? Voyons !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - La loi impose au Gouvernement de déposer des projets de loi de ratification ; il s'y soumet évidemment.

Mme Éliane Assassi.  - Quand ?

M. Pascal Savoldelli.  - Après l'état d'urgence sanitaire !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois partage en grande partie les préoccupations des auteurs de l'amendement. Nous considérons qu'il ne convient pas d'imposer aux salariés des réductions de temps de travail pour répondre à la baisse d'activité de leur entreprise, comme cela avait été fait au printemps.

Hélas, l'article 48 de la Constitution ne nous rend pas maîtres de notre ordre du jour. Il faudrait une révision constitutionnelle pour que le Parlement puisse exiger du Gouvernement le dépôt d'un projet de loi de ratification. Je le déplore, mais cet amendement est contraire aux principes fondamentaux de l'organisation de la Ve République.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est pourquoi j'ai demandé au Gouvernement quelles étaient ses intentions !

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous avons une maîtrise partielle de notre ordre du jour : rien n'empêche le groupe majoritaire de mettre à l'ordre du jour, de sa propre initiative, les projets de loi de ratification que la Constitution impose au Gouvernement de déposer, s'il estime qu'un sujet mérite un débat approfondi.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- Les dispositions prises sur le fondement des habilitations autorisées dans le cadre du présent article ne peuvent être prorogées par décret au-delà de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement s'inscrit dans la ligne de la position de la commission. Le Gouvernement s'est réservé la possibilité d'allonger la période de validité des mesures prévues par les ordonnances au-delà de la période de l'état d'urgence sanitaire, et ce par décret. Il pourra donc décider de prolonger, par décret, des mesures de nature législatives !

Nous demandons au Gouvernement de revenir devant le Parlement à chaque fois qu'il souhaitera prolonger au-delà de l'état d'urgence sanitaire un dispositif pris par ordonnance.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté, de même que les articles 4 bis, 4 ter, 6, 7 bis, 8, 9 et 10.

ARTICLE 10 BIS

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet article corrige un contresens déjà fait par la commission en première lecture. La dérogation à la suspension de la propagande électorale pendant les six mois précédant une élection fait bénéficier les sortants d'un avantage injustifié et entame l'équité entre les candidats.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Les collectivités territoriales doivent pouvoir communiquer sur leurs dispositifs d'aide aux entreprises pour s'assurer que ces dernières en bénéficient effectivement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela n'a rien à voir !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La frontière entre dépenses électorales et nécessaires dépenses de communication est floue. En 2011, les dépenses d'un candidat à la présidence de la région Île-de-France pour faire connaître les mesures prises par la région en faveur des transports et de l'emploi ont été requalifiées en dépenses électorales. Il est bon de clarifier les règles.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous ne les clarifiez pas, vous les suspendez !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je rejoins l'analyse de Mme de la Gontrie. Les règles sont claires, elles sont mises en oeuvre sous le contrôle du juge de l'élection. L'article L. 52-1 du code électoral n'empêche pas les collectivités de communiquer sur les dispositifs ouverts, dès lors que cela ne relève pas de l'autopromotion. Avis favorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 10 bis est adopté, de même que les articles 11, 12 et 13.

Explication de vote

M. Philippe Bonnecarrère .  - Personne n'a le monopole de vouloir sauver des vies, personne n'a le monopole de la responsabilité.

La régression démocratique ne relève pas du débat politique classique. Le Gouvernement demande à se passer de l'accord du Parlement jusqu'au 1er avril 2021, pour légiférer par ordonnance et exercer les pouvoirs considérables liés à l'état d'urgence.

Il ne faut pas réduire la visibilité et la capacité d'action du Gouvernement, dit le ministre. Le vote du Parlement entraverait donc la capacité du Gouvernement à agir contre l'épidémie ? Comment le Gouvernement en est-il arrivé à l'idée que le Parlement serait le problème et non la solution ? Notre soutien vous a pourtant été acquis à chaque crise depuis 2018. Comment l'exécutif peut-il abaisser ainsi le Parlement et, plus grave, habituer les Français à un tel déséquilibre des pouvoirs ? Entendez les préoccupations du Sénat, projetez-vous dans quelques années, dans un contexte politique différent, et prenez la mesure de ce que vous nous demandez... (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance, lundi 9 novembre 2020, à 16 heures.

La séance est levée à 21 h 20.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du lundi 9 novembre 2020

Séance publique

À 16 heures

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 (discussion générale) (n°101, 2020-2021)

Le soir

Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président

2Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 (discussion des articles) (n°101, 2020-2021)