SÉANCE

du mercredi 9 décembre 2020

43e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Laurence rossignol

Vice-Présidente

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

Mme la présidente. - Je vous prie d'excuser le président Larcher, qui se trouve au musée d'Orsay pour présenter nos condoléances à la famille de l'ancien président de la République, Valéry Giscard d'Estaing.

L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct par Public Sénat et sur notre site internet.

J'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres et du temps de parole.

Respect des principes de la République

M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Une seule question, Monsieur le Premier ministre : quelle est la conception du Gouvernement de l'unité de la Nation dans notre République indivisible ? (Applaudissements et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean Castex, Premier ministre . - La question, courte, pourrait vous valoir, si j'osais, une réponse de 45 minutes voire de deux heures, tellement elle est fondatrice et majeure. Vous me permettrez de faire un lien entre celle-ci et le projet de loi adopté par le Conseil des ministres ce matin, qui vise précisément à conforter l'unité de notre République.

La République est notre bien collectif le plus précieux.

Certains, hélas - ils sont divers et nombreux - ne partagent pas notre conception de cette unité et cherchent à porter atteinte à ses valeurs fondatrices. Ils le font parfois par la violence, parfois en inculquant à leurs enfants des principes contraires à nos principes républicains et ils le font en excipant de la belle loi de 1901, usant de son couvert pour détacher de la République les plus jeunes de nos enfants.

Certains viennent troubler le droit de manifester en s'adonnant à des violences inadmissibles que l'unité de la République ne saurait tolérer.

Notre conception est faite d'intransigeance et de grande fermeté - et les dispositions législatives que vous allez bientôt examiner porteront témoignage de notre engagement résolu.

Cette conception, c'est aussi une conception émancipatrice, de progrès, qui s'appuie sur l'éducation, l'habitat, toutes les politiques publiques qui font le lien entre citoyennes et citoyens. L'unité de la République appelle en effet la cohérence de nos politiques publiques et c'est à cette cohérence que travaille ardemment mon Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Roger Karoutchi. - Je ne mets pas en doute vos intentions. La Nation, pour nous, n'est pas un agrégat de communautés mais un creuset dans lequel tout le monde se retrouve.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Très bien !

M. Roger Karoutchi. - Je vous entends, monsieur le Premier ministre, mais j'entends aussi le Président de la République faire une liste de 300 à 500 personnalités issues de la diversité pour donner leur nom à des rues ou leur ériger des statues.

Sincèrement, Félix Éboué n'a pas eu besoin d'une telle liste pour entrer au Panthéon, pas plus que Gaston Monnerville pour présider cette noble assemblée, ni Michel Manouchian, ni tous ceux dont la valeur personnelle a appelé la reconnaissance de la République.

M. Christian Cambon. - Très bien !

M. Roger Karoutchi. - Figurer sur une liste réduit les mérites de ceux qui y sont inscrits parce qu'ils sont originaires de la diversité et non en raison de leur valeur personnelle. Le creuset de la Nation, c'est l'intégration, pour un avenir commun, dans une Nation unie dans les difficultés et les crises, qui ne distingue pas l'appartenance à des catégories.

Ici, beaucoup de sénateurs sont d'origines et de religions diverses. Tous sont des Français qui servent la République. Monsieur le Premier ministre, faites en sorte que l'État défende la République et la Nation, unies et indivisibles. (Bravos et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements nourris sur la plupart des travées des groupes UC, INDEP, RDSE et SER)

Menace d'un Brexit sans accord pour la pêche

Mme Catherine Fournier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, en ce jour de deuil national, la famille centriste salue la mémoire de Valéry Giscard d'Estaing, celle d'un grand homme d'État. L'Union européenne fait partie de son héritage, avec l'institution du Conseil européen, la préfiguration de l'euro, l'élection des députés européens au suffrage universel.

Or la situation de l'Union européenne est très préoccupante en ce moment avec le Brexit. L'échéance du 2 janvier est imminente, et aucun accord n'est encore en vue. Élue de la Côte d'Opale, je me fais l'écho des sourdes inquiétudes des pêcheurs. Dans 24 jours, si aucun accord n'est trouvé, la pêche française sera irrémédiablement atteinte. Les pêcheurs seront comme des agriculteurs à qui l'on retirerait leurs terres. Les pêcheurs de Boulogne pourraient tout perdre ; ils n'auraient alors plus rien à perdre.

Le Conseil européen de demain et vendredi traitera la pêche séparément du paquet global, ce qui fait le jeu des Britanniques. Si les dispositions sur la pêche adoptées par le Conseil européen ne sont pas satisfaites, la France est-elle prête à aller jusqu'au veto ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Je m'associe à votre hommage à Valéry Giscard d'Estaing, un grand homme de l'Europe moderne.

Dès ce soir, la présidente de la Commission européenne et Boris Johnson vont s'entretenir de ce sujet. Je vais vous rassurer, comme je le fais auprès des pêcheurs : ils ne seront pas les oubliés ni les sacrifiés du Brexit.

Les négociations sont en effet dans la dernière ligne droite. Il n'y aura pas d'accord global sans ces lignes rouges, qui prévalent pour huit États membres. Nous ne lâcherons rien. Quelle sera l'acceptation des pêcheurs ? Au 1er janvier 2021, nous aurons probablement perdu un peu de quotas, mais nous aurons conservé nos accès. Nous serons fermes là-dessus. Nous présenterons le plan d'accompagnement annoncé par le Premier ministre dans les jours qui viennent. Nous attendons le résultat définitif des négociations, mais nous nous préparons avec l'ensemble des ministres concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Prévention du Covid-19 et vaccination

M. Jérémy Bacchi .  - Ma question s'adressait à M. le ministre de la Santé qui brille hélas par son absence depuis huit semaines. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER ; mouvements à droite)

Une question est sur toutes les lèvres : la France va-t-elle sortir du second confinement le 15 décembre ? Nous avons 10 000 contaminations par jour au lieu de 5 000, objectif fixé par le Gouvernement...

Il nous faut une véritable stratégie de dépistage avec un accompagnement des personnes testées et isolées, sinon c'est un coup d'épée dans l'eau.

Comment protéger les populations quand un bon nombre d'entreprises ne jouent pas le jeu ? Que faire si des employeurs obligent leurs salariés cas contacts à se rendre sur leur lieu de travail dans l'attente des résultats des tests PCR ? J'ai été alerté sur de telles situations dans mon département. C'est inadmissible. Il faut des moyens pour la vaccination et la prévention.

Qu'allez-vous faire ? Comment accompagner les cas contacts isolés qui subissent des pressions de leur entreprise ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Voix sur les travées socialistes. - Où est Véran ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Nous souhaitons tous nous projeter vers l'avenir. Jusqu'au bout, 2020 aura été une année d'incertitudes.

Le Gouvernement ne s'est jamais laissé aller au fatalisme. Depuis le premier jour, le Gouvernement travaille à des mesures adaptées à la situation, dont nous avons appris à accepter qu'elle change de jour en jour.

Nous connaissons de mieux en mieux le virus. Les vaccins sont là. Pour envisager la suite, nous dévons être au plus près de l'état de nos connaissances.

Chaque jour, plus de 10 000 personnes sont testées positives. Nous restons vigilants car nous sommes loin des 5 000 cas par jour, cible présentée par le Président de la République sur la base d'un large consensus scientifique.

La tendance est malheureusement au ralentissement de la baisse et de nouvelles mesures seront annoncées demain en fonction des dernières évolutions constatées et des derniers arbitrages.

Le virus continuera à circuler activement durant ces prochaines semaines et mois, froids, où nous passons davantage de temps à l'intérieur.

M. Jérémy Bacchi.  - Je regrette l'absence de réponse à ma question.

Nous jugerons le Gouvernement sur les actes. Nous ratons cette nouvelle étape après avoir raté celles des masques et du dépistage.

À l'heure où les Français sont défiants, il faut créer un pôle public du médicament pour sortir de l'emprise du lobby des laboratoires pharmaceutiques, comme le groupe CRCE le proposera dans une heure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

Création d'un million d'emplois pour les jeunes

M. Alain Richard .  - Notre économie subit un choc majeur ; nos entreprises et services publics innovent pour remonter la pente.

Dès le début du plan de relance, le Gouvernement a mis en place des dispositifs pour l'accès à l'emploi des 800 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail.

Je salue la force de travail et l'engagement des agents de Pôle Emploi, des missions locales et des collectivités territoriales qui se mobilisent.

Madame la ministre, pouvez-vous nous faire un point d'étape sur le degré de réponse sur le terrain, sur le dispositif que vous avez mis en place et éventuellement sur l'impulsion à donner pour qu'il atteigne le succès, c'est-à-dire l'accès au marché du travail ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Le Gouvernement s'est engagé dès l'été en faveur de l'emploi des jeunes dans la crise que nous affrontons : ce sont plus de 6,7 milliards d'euros que nous mobilisons pour apporter à chaque jeune une solution, quelle que soit sa situation.

Quatre mois après le lancement de notre plan, près d'un million de jeunes ont été embauchés en CDD de plus de trois mois ou en CDI ; plus de 170 000 aides à l'embauche ont été accordées et 70 % des embauches sont en CDI.

L'apprentissage poursuit sa montée en puissance avec plus de 420 000 apprentis à la rentrée 2020. Nous pulvérisons le record de 2019 ! S'y ajoutent 300 000 parcours ou contrats d'insertion supplémentaires.

Le 26 novembre, nous avons renforcé le plan Jeunes pour donner à chacun un soutien financier dès lors qu'il s'engage dans une formation ou un parcours vers l'emploi. Et votre groupe a déposé un amendement en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2021. J'invite chacun à s'emparer de la plateforme unjeuneunesolution.gouv.fr qui a déjà reçu plus de 400 000 connexions.

Je sais pouvoir compter sur la mobilisation du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Décret du 2 décembre 2020 sur la collecte de données personnelles

M. Michel Dagbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je souhaite exprimer mon émotion aux familles des victimes du crash d'hélicoptère survenu hier.

En 2008, le fichier de police dit « Edvige » (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) avait été retiré dès sa création après une mobilisation citoyenne. Or deux ans après, au nom de la lutte contre le terrorisme, vous prenez trois décrets qui étendent les possibilités de collecte d'information de trois fichiers présentant les mêmes risques.

Le périmètre très large des données collectées, avec l'extension du filage aux personnes morales et groupements, en plus des personnes physiques, vise désormais tous les acteurs du monde économique, associatif et syndical.

Les données qui pourront être recueillies sont intrusives, de la vie professionnelle aux habitudes de vie, déplacements, pratiques sportives, santé psychiatrique mais surtout la mention des opinions, et non plus des seules activités politiques, religieuses ou philosophiques, portent atteinte aux libertés.

La protection des Français, à laquelle nous sommes tous attachés, ne peut se faire au détriment des libertés publiques. Allez-vous suivre, monsieur le ministre de l'Intérieur, les avis de la CNIL et de la Défenseure des droits ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Nous sommes tous très touchés par le crash de cet hélicoptère, sur lequel le président de la République et le Premier ministre se sont exprimés. Je me rendrai demain en Savoie. J'ai aussi un mot pour ce policier de Seine-et-Marne tué en faisant son travail lors d'un contrôle routier parce qu'une voiture n'a pas voulu s'arrêter.

Le Gouvernement a pris trois décrets : un pour les enquêtes administratives de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la préfecture de police de Paris et deux autres pour le renseignement territorial de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Entre 2008 et aujourd'hui, la RGPD a été adopté ; le terme « parti politique » a été transformé en « opinion politique » ; et c'est le Parlement qui l'a voté... Ensuite, la CNIL a fait des contrôles et révélant que certaines dispositions étaient sujettes à caution, a demandé au Gouvernement de retravailler sa copie.

De plus, la menace a évolué, comme j'ai pu le dire à la délégation parlementaire au renseignement, et lors des échanges avec les parlementaires. À chaque fois, ces décrets sont pris après avis de la CNIL et validation du Conseil d'État.

Passer « d'opinion » à « activité », conformément au RGPD, vise les opinions des extrémistes qui vont commettre des attentats.

Laïcité

Mme Nathalie Delattre .  - Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité : telle devrait être la devise de la France. C'est l'objet de la proposition de loi constitutionnelle que je viens de déposer en ce jour anniversaire de la loi de 1905, inspirée par mes illustres prédécesseurs radicaux.

Notre principe laïc est ébranlé par des dérives religieuses, mais aussi sectaires et communautaristes. Il était temps que le projet de loi confortant le respect des principes de la République soit adopté ce matin en conseil des ministres, pour étayer les murs porteurs que sont nos services publics, l'éducation, le sport, la sécurité, etc.

Il faut en effet mieux contrôler les associations cultuelles déguisées en associations culturelles, les fonds étrangers, certaines influences sur les milieux sportifs. Ce sont des avancées de ce texte. Mais nous ne sommes pas d'accord sur l'interdiction de l'école à domicile : le contrôle oui, mais pas par les élus locaux, et l'interdiction non !

Je salue la reprise dans votre projet de loi de quelques recommandations de la commission d'enquête que j'ai présidée, mais oserez-vous aller plus loin dans l'écoute du Sénat? Tiendrez-vous compte des doutes du Conseil d'État ?

La laïcité est la liberté de croire ou de ne pas croire, sans contrainte sociale ou étatique, spécificité française et modèle dans le monde depuis 115 ans. Comment allez-vous la préserver et l'affirmer dans ce nouveau siècle ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Cette question aurait pu s'adresser aussi au ministre de l'Éducation, dont je salue l'action dans ce domaine. Le Sénat apportera sa marque essentielle...

M. Gérard Larcher.  - Comme toujours ! (Marques d'approbation à droite)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Oui, monsieur Karoutchi.

M. Roger Karoutchi.  - Je n'ai rien dit ! (Sourires)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ah, mais je suis aussi à la disposition de M. Larcher, de la commission des lois et de l'ensemble des groupes politiques pour que nous trouvions un consensus sur ce texte, comme l'aurait voulu Aristide Briand, qui déclarait que le Parlement était là pour à la fois « pacifier les esprits et rendre de la force à la République ». (Exclamations à droite)

Ce texte s'attaque au champ associatif, mais aussi au vaste champ de l'action publique, comme aucun gouvernement ne l'a fait jusqu'à présent. La neutralité des agents, non seulement chargés de missions de service public, mais aussi dans les délégations de service public, doit être réaffirmée.

M. Jacques Grosperrin.  - Oui.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Chaque semaine, les conseils des ministres qui se succèdent dissolvent des associations séparatistes. Je souhaite de tout coeur que nous réussissions à y travailler avec le Sénat pour faire entendre la voix de la République. (Quelques applaudissements sur les travées du RDPI)

Politique énergétique et climatique

M. Jacques Fernique .  - Il y a cinq ans, les accords de Paris redonnaient l'espoir d'une planète habitable. Demain, le Conseil européen rehausse notre objectif climat. C'est bien, mais si des actes à la hauteur suivent, c'est mieux.

En matière écologique, les petits pas sont des reculs : c'est Nicolas Hulot qui l'a dit. (Vives exclamations à droite) Or la démarche initiée avec la Convention citoyenne pour le climat paraît compromise.

Le ton du Président rappelle la manière dont un de ses prédécesseurs avait sifflé la fin du Grenelle. Après les « Amish », viennent les« activistes », le rapport de la convention qualifié de « truc » qui ne serait « ni la Bible, ni le Coran », puis le nucléaire, et ses EPR, qui serait maintenant la « principale solution » ...

Faut-il comprendre que « le climat, cela commence à bien faire » ?

Entre coups de communication et coups de gueule, nous perdons du temps. Un temps que le climat ne rattrapera pas. La loi Convention climat ne s'appliquera pas avant le prochain quinquennat.

Comment allez-vous traduire concrètement les engagements européens de baisse de 55 % des émissions dans cette loi ?

Rénovation thermique, régulation de la publicité, interdiction des véhicules les plus émetteurs, redevance sur les engrais azotés, éco-conditionnalité... (Marques d'impatience croissantes à droite, où l'on observe que le temps de parole imparti est écoulé.)

Mme la présidente. - Il faut conclure !

M. Jacques Fernique.  - Qu'allez-vous faire des propositions de la Convention ? (Bravos et applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Depuis le début du quinquennat, nous travaillons de concert avec le Parlement, les citoyens, les sphères économiques et financières pour renforcer cette ambition écologique.

Avec la diversification des sources d'approvisionnement, le développement des énergies renouvelables par programmation pluriannuelle de l'énergie, la France s'inscrit dans une trajectoire permettant d'atteindre la neutralité carbone en 2050, grâce à un mix énergétique revu pour réussir cette ambition.

Ainsi, 30 milliards d'euros du plan de relance sont consacrés à la transition énergétique - dont 1,2 milliard d'euros pour la décarbonation de l'industrie qui pourra être atteinte par exemple par des investissements privés dans l'hydrogène ; en tout 7 milliards d'euros sont dédiés à cette technologie d'avenir.

Le bonus écologique ne cesse de progresser, avec 2 600 demandes par semaine contre 1 300 auparavant ; la part des véhicules électriques dans les ventes a été multipliée par trois dans le dernier trimestre ; enfin il faut mentionner le succès de MaPrimeRénov' avec 30 000 dossiers contre 10 000 auparavant...La route est longue, mais cette ambition va être renforcée par le projet de loi soumis aujourd'hui au Parlement...

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les petits pas comptent autant qu'une vision d'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Désenclavement des territoires par les lignes ferroviaires

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées des INDEP) Nous constatons une réduction excessive du nombre de trains - incompatible avec le respect des règles sanitaires. Ceux qui demeurent sont bondés. Quelles mesures propose le Gouvernement pour éviter qu'ils deviennent de nouveaux clusters ?

La ligne Paris-Toulouse via Orléans et Limoges, dite « POLT », dessert douze départements et trente indirectement, mais le sous-investissement chronique allonge le temps de parcours.

L'État a annoncé la mobilisation de 1,6 milliard d'euros prévus pour la régénération des lignes (Mme Éliane Assassi s'exclame.) et de 400 millions d'euros pour la rénovation du matériel Intercités. (Murmures sur les travées du groupe CRCE)

Dans le plan de relance, 380 millions d'euros étaient prévus pour réduire de 30 minutes le temps de trajet sur cette ligne.

Les dysfonctionnements de la nouvelle ligne qui dessert 3,5 millions d'usagers vont-ils se résorber ?

Le Gouvernement va-t-il demander à la SNCF de surseoir à la disparition de l'établissement Infrastructures et circulations de Limoges, qui compte trente emplois et intervient sur toute la ligne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Les lignes ferroviaires sont essentielles pour le maillage des territoires. Nous leur accordons une importance particulière. (Murmures sur les travées des groupes CRCE et SER)

Un protocole drastique a été mis en place avec port du masque, désinfection des rames, algorithmes assurant un espacement maximal des passagers dans les trains lors de la réservation, formation et protection des équipes. Seuls 1 % des clusters concernent les transports.

Certes, les points d'affluence méritent notre attention.

M. Pascal Savoldelli.  - Rien sur la loi « 3D » ? (On le déplore sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - L'offre des TGV est réduite à hauteur de 30 %, mais le taux de fréquentation est de 10 %. Le retour à la normale est prévu pour la fin de l'année.

Quant à la ligne POLT, près de 3 milliards d'euros par an sont destinés à la régénération avec le renouvellement du matériel roulant, financés à 100 % par SNCF Réseau ; 1,6 milliard d'euros, financés à 100 % par la SNCF, sont prévus pour la modernisation de la ligne.

La suppression de l'établissement Infrastructures et circulations de Limoges n'est pour l'instant qu'une rumeur.

M. Daniel Chasseing.  - Je souhaite que les citoyens des Intercités entrent dans le XXIe siècle, notamment en ayant la possibilité de téléphoner, de communiquer. Je n'ai pas eu de réponse sur l'établissement de Limoges.

Stratégie vaccinale

M. Bernard Bonne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à Monsieur le ministre des Solidarités et de la santé... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Son absence répétée relève-t-elle d'une bouderie ou d'un mépris de notre assemblée ? (Applaudissements)

Quelle est votre stratégie vaccinale contre la covid-19 ? Avoir une stratégie, c'est anticiper. Nous ne semblons pas au point, comparés à l'Allemagne ou la Grande-Bretagne qui a commencé hier à vacciner. Où en sommes-nous sur l'achat, l'approvisionnement, le conditionnement et la conservation des doses, l'acheminement ? Où les Français pourront-ils se faire vacciner ? Quel sera le rôle des médecins généralistes, celui des médecins coordonnateurs des Ehpad ? L'impréparation semble grande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Le ministre Véran n'est pas de caractère boudeur, et a le plus grand respect pour votre Haute Assemblée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est sans doute timide...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - C'est un honneur et un plaisir pour moi de le représenter auprès de vous.

La campagne vaccinale se prépare dans de bonnes conditions. La transparence et la pédagogie s'imposent, alors que 61 % des Français n'auraient pas l'intention de se faire vacciner...

Les vaccins Moderna et Pfizer devraient être les premiers à obtenir une autorisation européenne. La Haute Autorité de Santé (HAS) a d'ores et déjà fait des préconisations et défini les publics prioritaires. La nomination de l'infectiologue Alain Fischer en tant qu'expert référent participe à cette démarche de transparence. La HAS s'est également penchée sur l'impact de la sérologie sur la balance bénéfice-risque : à ce stade, le statut sérologique est neutre sur la priorisation.

La vaccination se fera après consultation médicale, en présence d'un médecin pour la phase 1 ; la question de la déléguer à d'autres professionnels de santé sera tranchée sur la base de l'avis de la HAS. Le Gouvernement veille au circuit logistique pour assurer la bonne vaccination au bon moment.

M. Bernard Bonne. - Merci pour votre réponse, même si elle ne me rassure pas vraiment. Je vous remercie surtout de votre présence régulière dans notre hémicycle et nos commissions et du respect que vous montrez de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadège Havet applaudit également.)

EDF et projet Hercule

M. Sebastien Pla . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis quelques semaines, la presse, mieux informée que le Parlement, alerte sur les risques que fait peser le projet Hercule sur le service public de l'électricité et l'indépendance énergétique du pays : perte de statut des salariés d'EDF, inflation des prix...

Nous ne pouvons accepter que l'Élysée sacrifie des biens stratégiques à la doctrine libérale de Bruxelles. Hercule, c'est le démembrement du fleuron de l'énergie qu'est EDF en trois entités - bleu, vert, azur -, la nationalisation des pertes et la privatisation des profits.

La France sera le seul pays européen à affaiblir un secteur aussi vital et rentable, à privatiser les barrages. À qui profite le crime ?

Pourquoi fragiliser EDF, qui doit être l'acteur majeur de la transition énergétique ? Où en sont les négociations avec Bruxelles, quel sera le véhicule législatif de la réorganisation, que répondez-vous aux inquiétudes des salariés ? Monsieur le Premier ministre, c'est vous que nous souhaitons entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité . - Le Gouvernement ne veut évidemment pas déstabiliser notre fleuron industriel, qui produit l'électricité la plus décarbonée d'Europe - et qui est le garant de notre souveraineté énergétique.

L'objectif de nos échanges avec Bruxelles est bien qu'EDF demeure un moteur de la transition, et que le groupe dispose d'un cadre de régulation adapté...

M. Fabien Gay. - Adapté à qui ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - ...et de capacités d'investissement accrues, car ses concurrents européens n'attendent pas. Nous sommes en négociation avec la Commission européenne avec le but de conserver un groupe intégré, qui puisse investir tout en préservant l'emploi et le savoir-faire. Nous devons financer le parc nucléaire dans la durée, et protéger les consommateurs de hausses de prix. Nous cherchons une issue au contentieux sur l'hydroélectricité et défendons avec détermination les intérêts de la France.

M. Sebastien Pla. - Vous répondez toujours à côté... Jusqu'à quand allons-nous tolérer que le Gouvernement brade en toute opacité les bijoux de famille ? Non à la privatisation d'EDF ! (Applaudissements à gauche)

Politique de sécurité

M. Henri Leroy . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Face à la délinquance qui explose, au communautarisme qui nous gangrène, au terrorisme qui tue, aux black blocs qui pillent, cassent et sèment la terreur à chaque manifestation, nous étions nombreux - parlementaires, maires, policiers, gendarmes - à attendre le Livre blanc de la sécurité intérieure.

C'est chose faite ; il servira à la Lopsi3, au Beauvau de la sécurité annoncé hier par le Président et réclamé par le Sénat depuis juin 2018 et à la remise du rapport sur l'état des forces de sécurité intérieure.

Comme le dit le Livre blanc, les maires sont des acteurs centraux de la sécurité communale. Ils sont responsables de la politique de prévention et sont, à travers leur police municipale, un réseau d'information des forces de sécurité.

Le redéploiement territorial de la gendarmerie et de la police dans les communes est une question majeure, or les critères évoqués dans le Livre blanc sont flous et intriguent. Jamais il n'est fait mention des maires, qu'il faudrait pourtant absolument associer. Quels seront les vrais critères de ce redéploiement ?

Que ferez-vous concrètement contre la fureur dévastatrice des black blocs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Les élus locaux ont été consultés pour rédiger le Livre blanc - qui n'est qu'un document de travail. Il servira de base à la discussion qui aboutira, à terme, à une grande loi de sécurité intérieure.

L'année 2021 sera l'occasion de définir les grands enjeux. Ce n'est évidemment pas une commission qui déterminera la répartition des gendarmes et de la police : nous y travaillerons en osmose avec les élus de tous les territoires, sans exclure des projets originaux, des expérimentations - association des deux armes ou spécialisation selon le type de délinquance. Les élus locaux y seront pleinement associés.

Les black blocs sont des individus violents, casseurs. Nous devons casser la dynamique de la peur. J'ai donné instruction aux préfets de définir leur profil et de réfléchir avec le garde des Sceaux aux moyens de les empêcher d'agir - par des interdictions de paraître, par exemple.

Stations de ski (I)

M. Loïc Hervé . - La montagne est en deuil depuis hier, et je rends hommage aux victimes de l'accident d'hélicoptère en Savoie.

Dans notre inconscient collectif, la montagne rime avec bons moments en famille. Mais n'oublions pas que c'est un secteur économique, dont 20 % du chiffre d'affaires se fait à Noël.

Depuis l'annonce brutale de la fermeture des remontées mécaniques, et en l'absence de date de réouverture, on sent la colère monter.

On nous a expliqué la nécessité d'une coordination européenne ; or l'Autriche et la Suisse vont laisser leurs infrastructures ouvertes.

La Tour Eiffel va rouvrir mais les remontées mécaniques restent fermées dans tout le pays, pour une durée indéterminée. Curieuse conception de la différenciation !

Quelle coordination européenne souhaitez-vous ? Quelle vraie différenciation locale allez-vous proposer ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe SER)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - Je m'associe à votre hommage.

Le Gouvernement ne prend pas ces mesures de restriction de gaîté de coeur, ni parce que les activités de plein air seraient les plus dangereuses, mais parce que les stations sont aussi des lieux de fête et de rassemblement.

Or l'épidémie n'est pas encore maîtrisée et nous devons rester vigilants. Si nous ouvrions trop tôt, nous prendrions un risque sanitaire mais aussi économique car nous hypothéquerions le mois de février, qui est le haut de la saison.

La coordination européenne a été lancée, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, afin d'éviter à la fois une concurrence déloyale et une réimportation du virus. L'Italie, l'Allemagne, la Bulgarie, la Slovénie, Andorre ont annoncé fermer les stations pour la période des fêtes.

En Autriche, hôtels, bars, restaurants seront fermés, et une quarantaine est imposée. Il n'y aura de fait pas de concurrence touristique.

En Catalogne, nous avons obtenu qu'il y ait une interdiction pour les non-résidents d'accéder aux stations de ski, avec des contrôles. C'est ce que nous demanderons aussi à la Suisse. Si nécessaire, nous ferons des contrôles aux frontières ; nous poursuivons la coordination diplomatique mais il s'agit de décisions cantonales. Nous accompagnerons les professionnels. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Loïc Hervé. - Sur quels fondements juridiques allez-vous contrôler ? Bars, restaurants, discothèques sont fermés. Ce n'est pas sur un tire-fesses que l'on attrape la covid ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et sur plusieurs travées du groupe SER)

Des protocoles sont prêts. Il faut donner de l'espoir à la montagne ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Stations de ski (II)

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quinze jours après les annonces décriées du président de la République, le monde de la montagne est en colère. La Tour Eiffel rouvre alors que les remontées mécaniques sont fermées. De qui se moque-t-on ?

On autorise néanmoins l'accès aux licenciés au sein d'une association sportive affiliée de la Fédération française de ski... Comment mettre en oeuvre une mesure aussi discriminatoire, qui créera la frustration chez les vacanciers privés de ski ? Sans compter que le coût de fonctionnement journalier d'une station avoisine les 45 000 euros...

Nous avons besoin de confiance et de visibilité. Visibilité temporelle d'abord : quels critères détermineront la date de réouverture ? Visibilité organisationnelle ensuite : comment organiser les autres activités comme les jardins d'enfants en front de neige ? Quelle responsabilité des maires ? Visibilité financière enfin : comment seront compensées les pertes de ces activités qui réalisent leur chiffre d'affaires annuel sur quatre mois ? La saison d'hiver est très courte, le temps presse. Donnez-nous des réponses au plus vite ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Le plus dangereux, ce ne sont pas les activités en plein air mais les rassemblements chez les particuliers. C'est là que se sont créés les clusters en Autriche l'hiver dernier...

Le Premier ministre recevra le 11 décembre les acteurs de la filière pour évoquer les mesures d'accompagnement. Il y aura un dispositif ad hoc de soutien, une compensation des charges fixes pour les remontées mécaniques ; le fonds de solidarité pourra être étendu à des zones territoriales entières pour couvrir toute l'activité commerciale, y compris les agences de location saisonnière ; un fonds de garantie des pertes fiscales des collectivités territoriales concernées est à l'étude ; les saisonniers déjà recrutés seront éligibles à l'activité partielle sans reste à charge ; les activités autres que le ski alpin restent possibles ; les jardins d'enfants seront ouverts.

L'État est au rendez-vous. La réunion du 11 décembre permettra d'envisager d'autres mesures. L'objectif est une réouverture progressive, pour éviter les fermetures. Les ministres Lemoyne, Blanquer et El Haïry travaillent sur une reprise des classes de neige en février, qui marque la haute saison.

Enfin, Atout France prépare une campagne de communication et de promotion.

Politique sociale du Gouvernement

Mme Martine Filleul . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Des travailleurs pauvres, des retraités, des étudiants viennent allonger les queues devant les associations d'aide alimentaire. La crise sociale est là, partout.

Nous attendions beaucoup du PLF. Vous préférez, obstinément, préserver les intérêts des plus fortunés et des grandes entreprises en refusant de les faire contribuer fiscalement.

Vous restez sourds à nos appels - refusant d'améliorer la prise en charge du chômage partiel ou d'augmenter le Smic. Vous privez les Français de leur liberté, mais aussi de fraternité, à la différence du Conseil National de la Résistance, qui avait compris en son temps qu'il fallait de grandes réformes sociales.

Quand aurez-vous une vraie politique sociale, au-delà des mesures d'urgence au coup par coup ? Quand vous inspirerez-vous des départements qui instaurent un revenu minimum de base ? Quand étendrez-vous le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ? (Applaudissements à gauche ; on ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Vous avez raison, la crise de la covid-19 a déclaré la guerre aux classes populaires, qui sont les plus exposées à la maladie, à la récession et donc au chômage. Nous avons un devoir de solidarité.

Le Gouvernement n'a pas attendu la crise sanitaire pour agir. Vous nous reprochez de ne pas avoir augmenté les minima sociaux, mais nous avons augmenté dès 2017 l'AAH et l'allocation de solidarité pour les personnes âgées, revalorisé la prime d'activité, ce qui a fait baisser le taux de pauvreté dans notre pays.

Nous consacrons 8,5 milliards d'euros à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Dès le 1er janvier 2021, les frais dentaires, optiques, auditifs seront remboursés à 100 %. Tous les frais de santé liés à la covid-19 sont intégralement pris en charge.

Nous protégeons les plus fragiles en reconduisant les droits aux minima sociaux, en dégageant 3,5 milliards d'euros d'aides directes pour 8 millions de personnes, en consacrant des dizaines de millions à la mise à l'abri, à l'aide alimentaire, à la distribution de masques - je salue l'action des associations à cet égard. Enfin, nous consacrons 6,7 milliards d'euros au plan « Un jeune, une solution ». (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Mme Martine Filleul. - Cette crise aurait pu être l'occasion pour le Gouvernement de changer de politique, de traiter la question sociale ; au contraire, vous restez le Gouvernement des riches. (Applaudissements à gauche)

Libération de suspects liés à l'attentat de Nice

M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au garde des Sceaux.

Il y a une semaine, deux individus, en détention provisoire pour leur participation présumée à l'attentat de Nice en 2016, ont été libérés pour vice de procédure. Ils ont été les premiers surpris - l'un d'entre eux aurait demandé de prolonger sa détention pour une nuit supplémentaire afin de préparer sa sortie. (On s'amuse sur les travées du groupe Les Républicains) Heureusement, ces deux Albanais, en situation irrégulière, ont été interpellés et assignés à résidence.

C'est un épisode surréaliste, mais pas unique. Plusieurs individus ont été ainsi libérés en raison de malencontreuses erreurs de procédure : un homme suspecté de crime contre l'humanité, un autre accusé d'avoir asséné des coups mortels à sa mère, un membre présumé du narco-banditisme...

La justice est indépendante, ce qui confère aux juges de nombreux pouvoirs. Le corollaire doit être un régime de responsabilité renforcée, seule réponse à la défiance dont souffre une magistrature discréditée par ces négligences, certes minoritaires mais insuffisamment sanctionnées.

Quelles dispositions allez-vous prendre pour éviter pareils errements administratifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Je tiens tout d'abord à vous souhaiter un bon anniversaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous abordez un sujet grave. Veuillez excuser M. Dupont-Moretti, retenu à l'Assemblée nationale. C'est un grave dysfonctionnement qui a conduit à la libération de deux personnes suspectées de lien avec l'attentat de Nice - j'ai une pensée pour les victimes et leurs proches.

Le garde des Sceaux a diligenté immédiatement une enquête auprès de l'inspection générale de la justice pour faire toute la lumière sur cette affaire. Si des fautes ont été commises, nous en tirerons les conséquences. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Cette enquête devra également permettre de faire des propositions pour que ce type de situation ne se reproduise pas. La hausse historique du budget de la justice doit se traduire par une plus grande efficacité.

Enfin, ces deux personnes ont immédiatement été placées sous la surveillance du ministère de l'Intérieur et sont assignées à domicile et sous contrôle judiciaire.

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Vous nous rassurez !

Situation en Nouvelle-Calédonie

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je relaie la question de Gérard Poadja, qui a mal à son pays depuis l'annonce de la reprise de l'usine du Sud qui enflamme la Nouvelle-Calédonie. C'est la première fois depuis trente ans qu'on assiste à des affrontements aussi violents.

Hier, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a déclaré vouloir une solution négociée. Dans le secteur du nickel, le consensus est la règle. En 1988, les accords de Matignon permettaient aux Kanaks d'accéder à l'économie du nickel ; en 1998, l'accord de Nouméa décidait la construction de l'usine du Nord et organisait l'entrée des Calédoniens à l'actionnariat. En 2008, l'usine du Sud était acceptée par la population locale. Le consensus ne se décrète pas, il se construit.

Le risque, à limiter l'espace du dialogue à la seule offre soutenue par l'État, c'est que les évènements des années 1980 se répètent et que la fermeture de l'usine du Sud ne mette 3 000 familles au chômage, mais aussi la rupture du dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes, et donc la fin de la paix civile.

Face à ces risques majeurs, le Gouvernement est-il prêt à ouvrir le dialogue au-delà de l'offre actuelle, pour aboutir à un projet consensuel ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer .  - Le Gouvernement est bien évidemment prêt à ce dialogue. Je condamne les violences et salue le courage des forces de l'ordre et l'action récente de l'autorité judiciaire.

Attention à ne pas banaliser la violence en Nouvelle-Calédonie : elle n'est pas inéluctable. La poignée de mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou est tout aussi symbolique que les violences de 1980.

Le dialogue est l'affaire de chacun. L'État soutient massivement les usines de nickel en Nouvelle-Calédonie et ne laissera pas supprimer les 3 000 emplois - ce n'est pas négociable. Il est hors de question de mettre l'usine sous cocon.

Il n'y a plus qu'une offre sur la table. Des accords sont en cours entre les différents protagonistes privés, mais la question de l'actionnariat calédonien doit être traitée. Je reste à la disposition de votre assemblée sur ce dossier si difficile et important. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 16 h 15.

La séance reprend à 16 h 30.