Code mondial antidopage (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à prendre les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l'efficacité de la lutte contre le dopage.

Discussion générale

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports .  - Les conduites dopantes sont un fléau menaçant l'intégrité de nos compétitions et la santé de nos sportifs, de haut niveau comme amateurs. Elles faussent les performances et portent atteinte à l'esprit de loyauté et d'équité propres au sport.

Je salue la décision du 17 décembre 2020 du tribunal arbitral du sport qui, grâce au travail conduit par l'Agence mondiale antidopage (AMA) pendant quatre ans, a reconnu la responsabilité des autorités russes dans la dissimulation de cas positifs et l'organisation d'un programme de dopage de 2011 à 2015.

La crédibilité et la loyauté des compétitions passent par des sanctions exemplaires. La lutte antidopage est l'affaire de tous : sportifs, ministère chargé des sports désormais en lien avec l'Éducation nationale, fédérations, AMA et Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), corps médical, communauté scientifique, médias, sponsors, public amateur.

Dès mon arrivée en 2018, j'ai placé l'éthique au coeur de nos priorités, tant pour le sport de haut niveau qu'amateur. Avec Jean-Michel Blanquer, nous menons une politique volontariste de sensibilisation et d'accompagnement des fédérations dans la prévention et l'élaboration d'une stratégie antidopage, avec les moyens humains et financiers nécessaires.

Durant ma carrière de nageuse de haut niveau, j'ai manqué d'informations sur les produits dopants, et je partage la détermination du président de l'AMA, Witold Ba?ka, lui-même ancien sportif, dans ce domaine.

Le plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes pour la période 2020-2024 et le guide d'accompagnement des fédérations sportives ont pour but de développer une culture commune de vigilance contre le dopage. Je présiderai le 23 février le comité de pilotage de la mise en oeuvre de ce plan.

L'État prend aussi des engagements financiers. En 2021, 12 millions d'euros sont destinés aux opérateurs : 1 million d'euros au titre de la contribution de la France à l'AMA, et 11 millions d'euros de dotation pour l'AFLD, pour financer des recrutements visant à porter le nombre de contrôles de 7 000 en 2020 à 10 000 en 2021. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 doivent être une occasion de changer la place du sport dans notre société, de l'inscrire dans notre quotidien et de véhiculer les valeurs d'un sport propre, loyal et digne.

Le nouveau code mondial antidopage (CMA) a été adopté en novembre 2019 en Pologne. C'est la ratification en 2007 par la France de la Convention internationale contre le dopage, adoptée en 2005 sous l'égide de l'Unesco, qui lui donne une force contraignante. C'est la raison d'être de ce projet de loi de transposition, déposé à l'Assemblée nationale le 19 février 2020, qui n'a pu être examiné plus tôt en raison de la pandémie.

Le 7 décembre, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité son article unique. J'aurais souhaité un débat de fond mais, hélas, la crise sanitaire m'a contrainte à procéder par ordonnances.

J'ai écouté vos préoccupations, vos inquiétudes et échangé avec votre commission de la culture. Nous allons considérablement renforcer les prérogatives d'enquête de l'AFLD : ses enquêteurs pourront utiliser une identité d'emprunt, se rendre dans des locaux professionnels, se faire communiquer les documents qu'ils jugent nécessaires à l'enquête et entendre les personnes qu'ils souhaitent. Le travail fut long et minutieux, pour maintenir l'équilibre avec les libertés individuelles et la présomption d'innocence.

Second point d'inquiétude, le transfert du laboratoire d'analyses de Châtenay-Malabry vers l'UFR de pharmacie du campus d'excellence de Paris-Saclay est prévu pour 2022. Grâce au Sénat, nous avons accéléré la collaboration avec l'université. Un comité de pilotage se réunira chaque mois pour faire le point sur l'avancée de la réforme et élaborera le modèle économique du laboratoire à travers son fonctionnement courant, ses capacités d'investissement et la gestion de ses fonctions support. Dès 2022, le ministère des Sports apportera des ressources à l'université d'accueil pour financer les analyses et le matériel. Une convention pluriannuelle apportera toutes les garanties nécessaires.

Je sais que la lutte contre le dopage ne saurait tolérer de polémique partisane. (M. Michel Savin approuve.) J'ai transmis le texte de l'ordonnance, qui a recueilli l'accord de l'AFLD et de l'AMA, à la commission de la culture. J'envisage de le transmettre au Conseil d'État au plus vite pour que l'ordonnance définitive soit prête avant la fin mars, la date limite fixée par l'AMA étant le 12 avril.

Je remercie la rapporteure pour son travail essentiel. (M. Claude Kern approuve.) Je compte sur vous pour adopter conforme ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Elsa Schalck, rapporteure de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission) Ce projet de loi d'habilitation, très technique, modifie plusieurs dizaines d'articles du code du sport pour les mettre en conformité avec le nouveau code mondial antidopage, adopté à l'automne 2019.

Mais ses principes et objectifs sont simples : renforcer l'éthique du sport. Comment garantir l'équité des chances, identifier, juger et sanctionner les abus ? Comment protéger la santé des sportifs et bien les informer ? Comment aider les sportifs à lutter contre les tentations, dissuader les tentateurs et développer une culture de la prévention ?

Nous partageons totalement votre objectif d'adapter au plus vite le nouveau CMA. Le dopage est un fléau qui doit être combattu car il nuit aux valeurs du sport. La France a aussi un devoir d'exemplarité dans la perspective l'organisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Mais le Parlement est une nouvelle fois privé de la possibilité de débattre au fond d'un texte d'habilitation.

Le Sénat n'est pas responsable du délai entre le dépôt et l'examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également.) Doit-il pour autant l'adopter sans poser de question ?

Le délai du 12 avril n'est qu'une étape de la procédure de mise en conformité, nullement une épée de Damoclès qui justifierait que nous nous privions d'un débat.

Madame la ministre, je vous remercie pour la qualité de nos échanges : vous avez commencé à répondre à nos interrogations.

Notre premier sujet de préoccupation concerne le pouvoir d'enquête administrative de l'AFLD, qui demande depuis des années des pouvoirs d'enquête similaires à ceux de l'Autorité des marchés financiers (AMF), notamment un pouvoir de convocation et de sanction des contrevenants et le droit de recourir à des identités d'emprunt pour réaliser des « coups d'achat ». Ce dossier a, semble-t-il, bien avancé. Pouvez-vous nous préciser les pouvoirs d'enquête de l'AFLD tels que définis par l'ordonnance ?

Second sujet, le laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry doit rejoindre l'université Paris-Saclay. Mais la présidente de cet établissement, que nous avons entendue, manque d'information sur le modèle économique, le budget prévisionnel et la prise en charge de la masse salariale du laboratoire, qui ne bénéficiera plus des fonctions support de l'AFLD. L'université n'a reçu, en outre, aucun accompagnement pour organiser le rattachement juridique du laboratoire.

Vos services ont mis en place un comité de pilotage.

M. Max Brisson.  - Il était temps !

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Mais celui-ci n'a encore jamais été réuni. Quelles garanties l'État est-il prêt à apporter ?

Le Sénat souhaite améliorer les projets de loi et non les ralentir à tout prix, mais nous voulons l'assurance que l'habilitation sera bien utilisée. Madame la ministre, notre vote dépendra de ces assurances. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Pierre Decool .  - « Le sport est dépassement de soi, le sport est école de vie », disait Aimé Jacquet. Le sport est vecteur de valeurs, mais il est aussi crucial pour l'équilibre de vie et la santé. Des millions de Français sont licenciés en club : la vie associative est la plus belle école de la démocratie.

Souvent, politique et diplomatie se sont invitées dans des rencontres sportives internationales. Le sportif doit représenter un pays, une génération ; il doit être un symbole de lutte et de courage.

Le dopage, au contraire, est un poison à large spectre, à l'opposé de ces valeurs. La lutte contre le dopage doit être un combat de tous les instants, et c'est l'adaptation régulière du CMA qui la rend efficace.

J'associe à mes propos Dany Wattebled qui a mis en évidence, lors de l'examen du PLF, les effets de la crise sur les milieux sportifs et associatifs. Dans les Hauts-de-France, nous sommes sensibilisés à la pratique sportive animale, à travers la spécialité territoriale qu'est la colombophilie. Dans ce cadre, la lutte contre le dopage animal répond à des critères précis.

Ce projet de loi vise à adapter le code du sport au CMA. Mais le recours aux ordonnances est regrettable, malgré l'urgence. Je salue donc les demandes de précision de la commission. La France s'apprête à accueillir la Coupe du monde de rugby puis les Jeux olympiques et paralympiques : le dopage n'a pas sa place dans ce contexte.

Je salue aussi l'allongement de la liste de substances interdites et l'adaptabilité accrue des sanctions.

Je suis très attaché à l'indépendance des moyens de contrôle, mais aussi à l'indépendance du laboratoire antidopage. Il serait inacceptable de recourir à la sous-traitance pour les analyses, faute de moyens.

Il faut lutter pour un sport propre, fort du dépassement de soi, de l'effort, de l'esprit d'équipe et du courage.

La lutte antidopage est l'affaire de tous. Sans elle, le sport perdra son cap, qui est de rassembler, d'émouvoir, de faire vibrer, de vivre ensemble.

Le groupe INDEP votera ce projet de loi si les garanties demandées par le Sénat trouvent des réponses concrètes. (M. Claude Kern applaudit.)

M. Thomas Dossus .  - La France doit se mettre en conformité avec le nouveau CMA avant le 12 avril, faute de quoi elle se verrait interdire l'organisation d'événements internationaux sur son sol et la participation de ses athlètes à des compétitions sportives.

Pourquoi agir dans l'urgence alors que le processus de révision a commencé de 2017 et que le projet de loi d'habilitation a été déposé le 19 février 2020 ?

Ce nouveau CMA n'est pas une révolution, mais un ensemble d'améliorations techniques consensuelles : amélioration de la protection des lanceurs d'alerte, introduction d'une nouvelle catégorie d'utilisation de stupéfiants en contexte sportif, adaptation des sanctions.

Restent deux points qui ont alerté le Sénat. D'abord, nous souhaitons que l'AFLD ait des pouvoirs d'enquête administrative renforcés. Ensuite, le nouveau laboratoire antidopage doit être indépendant de l'AFLD pour éviter tout conflit d'intérêts ; or des interrogations subsistent sur le contexte économique et les moyens de fonctionnement du laboratoire.

Nous défendrons trois amendements pour inciter le ministère à lever tous les doutes.

Je sais, madame la ministre, que vous avez mené une importante concertation avec l'AFLD, l'université Paris-Saclay et la rapporteure.

Votre ordonnance prévoit de confier la prévention aux fédérations sportives. C'est louable mais assez déclaratif. On pourrait d'ailleurs faire le même reproche au CMA.

Produits dopants et stupéfiants ont de multiples similitudes, notamment au point de vue des addictions qu'ils provoquent. Le dopage est présent partout dans le sport, des amateurs aux sportifs de haut niveau. Dans ce contexte, le tout-répressif a ses limites. Il faut de la prévention, un véritable accompagnement sanitaire et une politique de sortie de l'addiction. 

Favorable aux avancées du CMA, le GEST votera ce projet de loi, une fois ses interrogations levées par la ministre.

M. Didier Rambaud .  - Au rugby comme en politique, un pack uni fait la force. Le XV de France l'a démontré dimanche face à l'Irlande, et le CMA, qui harmonise les règlements antidopage internationaux, en est aussi un symbole. Avec ses huit standards, il est nécessaire à la protection de l'éthique du sport. C'est un exemple rare de coopération internationale efficace entre le Comité international olympique (CIO), le Comité international paralympique et les fédérations sportives : près de 700 organisations l'ont accepté.

Mais il n'a jamais été conçu comme un outil statique. Il a été révisé à deux reprises déjà en 2007 et 2013. Le nouveau CMA est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Or sa mise en oeuvre est bloquée en France car ses nouvelles dispositions n'ont pas été transposées en droit français.

Nous serons tous d'accord pour que la France respecte ses engagements internationaux. Dans le cas contraire, la France reposerait à des sanctions.

Le 11 janvier, la présidente de l'AFLD a reçu un courrier de l'AMA qualifiant sa situation de non-conformité de « critique » : c'est une mise en demeure d'agir avant le 12 avril 2021. Nous devons donc autoriser le Gouvernement à prendre les ordonnances nécessaires. Alors que nous nous apprêtons à organiser la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux en 2024, nous faire sanctionner serait une véritable honte ; de plus, la France doit poursuivre sa politique de lutte contre le dopage, notamment en améliorant la protection des lanceurs d'alerte.

C'est donc une mise à jour formelle mais aussi intellectuelle qui nous est demandée. Les fédérations sportives étaient dessaisies de la lutte antidopage ; ce projet de loi axe la politique de lutte sur la collaboration.

Alors qu'il constituait un département de l'AFLD depuis 2006, le laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry doit prendre son indépendance administrative et opérationnelle pour éviter tout conflit d'intérêts. Son projet d'intégration dans l'université Paris-Saclay, prévu pour le 1er janvier 2022, est en bonne voie. Quant à l'AFLD, elle bénéficiera de prérogatives élargies et sera mieux armée pour lutter contre les pratiques dopantes.

Le Gouvernement a apporté les garanties demandées. Voter contre ce projet de loi retarderait la mise en conformité et rendrait légitimes les sanctions. C'est pourquoi le RDPI votera pour. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Fialaire .  - Avec le thème de la lutte contre le dopage, nous sommes loin du sport santé pour tous... Les disciplines sportives ont une dimension pédagogique à travers les règles du jeu ; elles développent le goût de l'effort et du dépassement de soi ; promeuvent le respect des règles et de l'arbitre ; l'esthétique de certaines embellit la vie.

Si une alimentation saine et une bonne hygiène de vie sont recommandées, attention à ne pas franchir les limites pour créer un humain augmenté par le dopage.

Le CMA, que la France reconnaît comme contraignant depuis sa ratification de la Convention internationale contre le dopage, a été conçu pour empêcher le franchissement de ces limites. La financiarisation de la société, la commercialisation du sport ont multiplié les abus. Dans ce contexte, l'AFLD doit bénéficier de moyens d'enquête efficaces.

La proximité de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux de Paris 2024 oblige la France à se doter de moyens de contrôle efficaces et indépendants. D'où les interrogations sur les pouvoirs d'enquête administrative de l'AFLD et les moyens assurés à Paris-Saclay pour financer des analyses indépendantes.

Je m'inquiète d'une décision américaine de novembre 2020, le Rodchenkov Act, qui autorise les autorités américaines à poursuivre toute personne impliquée dans un système international de dopage, quelle que soit sa nationalité.

Madame la ministre, aidez-nous à nager vers des eaux plus claires !

M. Jérémy Bacchi .  - « Plus vite, plus haut, plus fort », cette maxime du baron Pierre de Coubertin est un appel au dépassement de soi. Mais certains l'ont mal compris... Il ne s'agit pas que d'éthique, il s'agit aussi de santé publique. Depuis Arthur Linton en 1896, on ne compte plus les morts liés au dopage. Il convient d'aller aux sources, en promouvant les pratiques propres à tous les étages, et pas seulement au haut niveau.

La professionnalisation du sport a engendré des mutations. Qui aurait pu imaginer il y a cinquante ans que des athlètes auraient des pointes de vitesse à plus de 40 kilomètres heure, qu'un milieu de terrain pourrait courir plus de 15 kilomètres au cours d'un match de football ?

La pression de la performance s'exerce dès la prime jeunesse, avec l'augmentation des enjeux économiques, la médiatisation et la starification. Cela concerne tout d'abord le sport de haut niveau et ses structures employeuses, qui craignent la mauvaise performance.

Le dopage peut aussi être la marque d'une volonté de faire du sport une arme diplomatique.

Ce texte est bienvenu. Madame la ministre, vous avez souhaité un dialogue constant avec la représentation nationale mais il reste encore des zones de flou, notamment sur les missions et pouvoirs de l'AFLD.

Si l'on veut en faire le phare français de lutte contre le dopage, il faut lui donner des moyens d'enquête renforcés.

De nombreuses questions se posent autour du nouveau statut du laboratoire antidopage. Un an et demi après la réunion de l'AMA à Katowice, nous sommes toujours dans le flou...

Malgré ses limites, le groupe CRCE votera ce texte qui apporte de réelles avancées, notamment sur les lanceurs d'alerte. À cet égard, que peut faire la France pour soutenir Rui Pinto, à l'origine des football leaks au Portugal, qui ont aussi dévoilé des pratiques dopantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Claude Kern .  - Depuis l'adoption du premier CMA, en 2003, il a connu deux évolutions, en 2009 et 2015. Sa troisième version est entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

Ce texte d'origine privée est sans application directe mais doit être appliqué par la France en tant que signataire de la Convention internationale contre le dopage du 19 octobre 2005, dont l'article 3 stipule que « les États parties s'engagent à prendre des mesures appropriées au niveau national et international conformes aux principes du CMA ».

Ce code harmonise les éléments de la lutte contre le dopage, protège le droit de participer à des activités sans dopage, promeut la santé et garantit l'équité et l'égalité dans le sport.

Or la France est en queue de peloton pour sa transposition. En tant qu'organisateurs de la Coupe du monde de rugby et des Jeux de 2024, nous ne pouvons nous le permettre.

Sur le fondement de l'alinéa 2, article 25 de la loi du 26 mars 2018 sur l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques, la France avait engagé une modernisation de sa politique de lutte contre le dopage. La procédure disciplinaire avait été modifiée par ordonnance.

Or nous voilà sommés de nous mettre d'urgence en conformité avec les principes du CMA et d'intégrer ses évolutions : création de nouvelles violations, possibilité de moduler davantage les sanctions, meilleure protection des lanceurs d'alerte, indépendance du laboratoire antidopage, facilitation du recueil d'informations par l'Agence et organisation de la coopération des acteurs.

Nous sommes donc invités à voter ce texte conforme, et je salue l'excellent travail de notre rapporteure Elsa Schalck.

Le dopage est un fléau qui gangrène sport professionnel et amateur. Il faut une nouvelle donne qui fédère les acteurs. Jusqu'à l'intervention de Mme la ministre, nous étions plutôt réservés, notamment sur les moyens du laboratoire antidopage et les pouvoirs de l'AFLD. En effet, son pouvoir de contrôle était limité aux prélèvements biologiques. Mais votre intervention, madame la ministre, nous rassure. Nous attendons que vous confirmiez cet engagement lors de l'examen des amendements.

Le groupe UC devrait donc, finalement, voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. Jean-Jacques Lozach .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'harmonisation internationale des règles de lutte contre le dopage est fondamentale : le système n'est respecté que si les règles sont les mêmes pour tous. À quoi servent un plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes, une politique de contrôle et de sanction si dans les compétitions internationales, nos adversaires enfreignent l'équité ? Le talent et le travail doivent rester les seuls moteurs de la performance.

La France figure parmi les pays leaders dans la lutte contre le dopage. Depuis la création du CMA en 2003, elle a toujours veillé à sa mise en oeuvre. La création de l'AMA a été une étape historique ; ses décisions sont parfois critiquées, mais elle doit être soutenue, notamment financièrement. Bien que 191 États aient adopté en 2005 la convention internationale qui la crée, elle ne dispose que d'un budget de 32 millions d'euros, à peine 5 %du budget du PSG...

Alors que nous avions mis notre droit en adéquation avec la première version du CMA par la loi du 5 avril 2006, et transposé par ordonnance les évolutions de 2010, 2015 et 2018, le retard français dans la transposition de sa dernière version, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, a conduit l'AMA à nous accorder un délai maximal de trois mois. Le sportif est soumis à de multiples contraintes de régulation, de localisation et de suivi longitudinal ; il ne comprendrait pas que s'y ajoutent des entraves administratives et institutionnelles.

Dans la perspective des prochains Jeux olympiques, la France s'est fixé des objectifs sur le nombre de médailles et le nombre de pratiquants : elle doit aussi se fixer des objectifs déontologiques et éducatifs.

La commission d'enquête du Sénat sur la lutte contre le dopage avait mis en évidence des évolutions inquiétantes : loi du silence, internationalisation des trafics, facilité d'accès aux produits dopants via internet, pressions politiques, difficultés de détection, protocoles très individualisés, paysage audiovisuel peu enclin à la prévention. À cet égard, les avancées sur l'éducation et la prévention, la coordination des acteurs, l'individualisation des sanctions, l'actualisation de la liste des produits, la protection des lanceurs d'alerte sont intéressantes.

Deux interrogations ont conduit la commission à proposer, le 3 février, le rejet du texte. D'abord, alors que le laboratoire antidopage doit rejoindre la faculté de pharmacie de l'université de Paris-Saclay au 1er novembre prochain, ce processus semble souffrir d'un manque d'ingénierie. Le laboratoire sera amené à facturer ses prestations, ses investissements étant soutenus par une subvention d'équilibre du ministère. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les garanties apportées ? La recherche et développement apparaît peu dans le projet d'ordonnance.

Deuxième point d'achoppement, l'insuffisance des capacités d'enquête administrative de l'AFLD. J'espère que les divergences entre la chancellerie et le ministère des Sports sur ce point seront aplanies.

Depuis la loi Herzog de 1965, qui faisait de la France le deuxième pays au monde à se doter d'une législation contre le dopage, après la Belgique, le Parlement a légiféré à de nombreuses reprises. La France doit conserver sa vision humaniste du sport ; rappelons que le passeport biologique et le suivi longitudinal ont été introduits par des amendements sénatoriaux.

La lutte antidopage progresse. La finalité est claire : l'éradication des substances prohibées. Depuis les Jeux olympiques antiques, les affaires et scandales ont été autant de révélateurs fracassants d'un système en difficulté avec la vérité : affaires Festina, Pistorius, Armstrong, dopage d'État aux Jeux olympiques de Sotchi, Juventus de Turin.

Les sportifs tricheurs profitent du manque de transparence et de coopération entre les pays concernés. La valorisation des sportifs repentis, véritables briseurs d'omerta, va dans le bon sens.

Le dopage est un enjeu de santé publique : il n'est pas lié à tel ou tel sport puisqu'il concerne l'homme face à la compétition. Ceux qui remettent en cause la légitimité de la lutte antidopage sont de moins en moins nombreux.

Le combat contre le dopage est un combat juste : nous devons en tirer les conséquences en donnant les moyens financiers et juridiques d'agir à tous les acteurs.

Sur les points sur lesquels nous attendions des éclaircissements et des garanties, nous prenons acte des avancées et sommes prêts à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Michel Savin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je félicite notre rapporteure pour l'excellence de son travail. Merci également au président de la commission.

Ce texte, présenté comme une simple formalité, appelait des clarifications. Nous ne pouvons nous résoudre, bien entendu, à ce que nos athlètes soient interdits de compétitions à cause d'un manquement de la France dans la transposition du code mondial antidopage.

La coopération entre acteurs est centrale. Il faut donner aux fédérations les moyens de lutter contre le dopage. Nous serons intransigeants sur cette lutte de chaque instant. Renforcer les pouvoirs d'enquête de l'AFLD devrait lui permettre d'aller plus loin.

Lors des auditions, il a été dit que la France faisait partie des trois derniers pays à ne pas être en règle. Alors que nous organisons la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques en 2024, il est regrettable que le Gouvernement ait ainsi laissé traîner cette transposition.

Nous attendons des garanties sur deux points : les pouvoirs d'enquête administrative de l'AFLD et la gouvernance ainsi que les moyens du laboratoire antidopage intégré au sein de l'université Paris-Saclay. Celle-ci devra avoir des garanties sur la compensation de ses charges fixes, sur la pérennité de son financement et sur le régime de responsabilité du laboratoire, rattaché à la faculté de pharmacie tout en conservant son autonomie.

Vos propos, madame la ministre, nous ont rassurés.

La clarification du modèle économique entre l'État et l'université hôte du laboratoire est nécessaire et une convention signée entre toutes les parties serait bienvenue. Je me félicite néanmoins de la convocation du comité de pilotage qui ne s'était encore jamais réuni.

Le Sénat prendra ses responsabilités mais espère que le Gouvernement prendra les siennes. Nous le devons aux sportifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par MM. Kern, Savin, Lozach, Lafon et Longeot, Mme Lassarade, MM. Bourgi et Menonville, Mmes Férat et Vérien, MM. Houpert et de Nicolaÿ, Mme Herzog, MM. Burgoa et Regnard, Mme Demas, M. B. Fournier, Mme Perrot, M. Laugier, Mmes Saint-Pé, Ventalon et Muller-Bronn, MM. Canevet, Vogel, Haye, E. Blanc et Chatillon, Mme Dumont, MM. Pellevat, Wattebled et Levi, Mme Billon, MM. Bouchet, Folliot et Moga, Mme Artigalas, MM. Piednoir, Decool et Chauvet, Mme Lopez, MM. Reichardt, Brisson, Le Nay, Détraigne, Chasseing et Charon, Mmes Deroche, Di Folco et de La Provôté, MM. P. Martin, Dossus, Genet et Gremillet, Mme Gatel, M. Klinger, Mme Mélot, MM. Lagourgue et J.M Arnaud, Mme de Marco et M. Laménie.

I.  -  Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

applicable à compter du 1er janvier 2021

2° Après la deuxième occurrence du mot :

dopage

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

en facilitant :

II.  -  Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le recueil d'informations par l'Agence française de lutte contre le dopage, notamment à travers des capacités d'enquête administrative, telles qu'un pouvoir de convocation et d'audition, l'usage d'une identité d'emprunt par voie électronique, un droit de communication de pièces et documents et un pouvoir de visite de locaux sportifs et professionnels ainsi que, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, de tout autre lieu ;

2° La coopération entre les acteurs de cette lutte.

M. Claude Kern.  - Cet amendement détaille les pouvoirs d'enquête administrative à confier à l'AFLD pour qu'elle exerce ses missions nouvelles prévues par le CMA, notamment un pouvoir de convocation et d'audition et la possibilité d'utiliser une identité d'emprunt sur internet.

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Sagesse en attendant la confirmation par la ministre que cela figurera bien dans l'ordonnance.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - Je me réjouis de cette volonté partagée que notre agence antidopage soit dotée de pouvoirs d'enquête.

Ceux que nous avons prévus dans le projet d'ordonnance que vous avez pu consulter seront inédits à l'international. Les deux pouvoirs que vous visez y figurent.

L'article 25, aujourd'hui examiné par l'Assemblée nationale, établit une relation différente entre l'État et les fédérations sportives qui permet à ces dernières d'être totalement engagées dans la prévention du dopage.

Je vous invite à retirer votre amendement.

M. Claude Kern.  - Merci pour ces précisions. J'espère que votre projet d'ordonnance sera validé par le Conseil d'État

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Lozach, Savin, Kern et Todeschini, Mmes Herzog et Artigalas, MM. Houpert, Bourgi, Burgoa, Magner, B. Fournier et Pellevat, Mmes Meunier et Bonnefoy, MM. Roux, Michau et Lefèvre, Mme N. Delattre, M. Stanzione, Mme Lassarade, MM. Longeot, Montaugé, P. Joly, Grosperrin et Belin, Mme Dumas, MM. Decool, Piednoir, Redon-Sarrazy, Antiste et Bouchet, Mme Billon, MM. Cigolotti, Gold, Brisson, Vaugrenard et Guérini, Mme Berthet, MM. Le Nay, Détraigne et Chasseing, Mme Lepage, MM. P. Martin et Dossus, Mme Jasmin, M. Devinaz, Mme Gosselin, MM. Genet et Gremillet, Mmes Gatel et Mélot, M. Lagourgue et Mme de Marco.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

six

par le mot :

trois

M. Jean-Jacques Lozach.  - Nous proposons de réduire le délai de six à trois mois afin que la France se mette le plus rapidement possible en conformité avec le code mondial antidopage.

Le projet d'ordonnance étant déjà rédigé à 90 %, il est essentiel que le Gouvernement expose à la représentation nationale les différentes étapes de l'adoption de la future ordonnance.

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Sagesse : madame la ministre pourra là encore apporter des précisions.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - J'apprécie le coaching intense que vous nous prodiguez, après celui de l'Assemblée nationale. Nous sommes prêts à 99 %. Je vous prie de retirer cet amendement qui retarderait le processus législatif.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Soit.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Kern, Lozach, Lafon, Piednoir, Brisson, Grosperrin et Hugonet, Mme L. Darcos, M. D. Laurent, Mme Puissat, MM. Menonville, Paccaud, Belin, Laugier et Mouiller, Mme Joseph, M. Decool, Mme Belrhiti, MM. Cuypers, Pellevat et Bascher, Mmes Bourrat, Borchio Fontimp et Férat, MM. P. Martin et B. Fournier, Mmes Demas et Eustache-Brinio, M. Guerriau, Mmes Harribey et Dumont, MM. Chatillon et Lefèvre, Mmes M. Mercier, Deromedi, Ventalon et Lassarade, MM. Moga et Bouchet, Mmes Artigalas, Garnier et Imbert, MM. Pointereau, Reichardt, Détraigne, Chasseing, Charon, Wattebled, de Nicolaÿ et Duffourg, Mmes de La Provôté, Chauvin et Deroche, MM. Le Gleut et Laménie, Mmes Berthet et Primas, MM. Dossus, Genet et Gremillet, Mmes Gatel et Mélot et M. Lagourgue.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le statut du laboratoire antidopage mentionné au I est défini par une convention signée entre l'État et l'organisme d'accueil. Cette convention détermine notamment le modèle économique du laboratoire et les moyens qui lui sont nécessaires pour exercer ses missions.

M. Michel Savin.  - Si cet amendement était adopté, cela occasionnerait un retard considérable. Tout dépend de votre réponse, madame la ministre (Sourires), votre responsabilité n'est pas mince. Il s'agit de garantir des moyens suffisants au laboratoire, notamment pour investir dans des équipements de pointe afin que la France redevienne le leader mondial de la lutte antidopage.

Si votre réponse est positive, je le retirerai.

Mme Elsa Schalck, rapporteure.  - Sagesse, en attente de la réponse de Mme la ministre.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - Nous avons pris langue avec l'université. Dès 2019, j'ai demandé à l'inspection générale des sports d'étudier le meilleur moyen de séparer le siège de l'AFLD du laboratoire. Nous avons établi un agenda financier avec la nouvelle présidente de l'université Paris-Saclay et sa faculté de pharmacie pour que le laboratoire ne manque de rien. Il y aura une budgétisation pluriannuelle, un soutien aux fonctions supports et aux investissements. Retrait ?

M. Michel Savin.  - Soit. Madame la ministre, pourrez-vous nous faire un état des lieux de l'avancée du dossier d'ici quelques mois ? (Mme la ministre le confirme.)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

L'article unique étant adopté, le projet de loi est définitivement adopté.

(Applaudissements sur toutes les travées)

La séance est suspendue quelques instants.