« Quel rôle pour le préfet à l'heure de la relance ? »

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le rôle des préfets à l'heure de la relance.

M. Jean-Yves Roux, pour le groupe RDSE .  - Chaque crise majeure invite à repenser l'efficacité de l'État. Je pense à la lettre écrite par Léon Blum en 1918 sur la réforme gouvernementale.

La présente crise sanitaire, économique et sociale n'échappe pas à la règle. Elle agit comme un révélateur de dysfonctionnements, de rigidités, mais aussi de solutions qui mériteraient d'être pérennisées.

Le couple maire-préfet de département a joué un rôle central l'an passé, attestant d'une décentralisation et d'une déconcentration de fait.

C'est en effet vers les maires et les conseillers départementaux que nos concitoyens se tournent pour obtenir des réponses, tandis que les élus s'adressent au préfet.

Leur binôme contribue aussi à faire accepter les mesures de restrictions sanitaires nécessaires.

Cette décentralisation doit être généralisée à l'ensemble de nos territoires. Le représentant de l'État dans le département a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois.

Si nous sommes, comme le dit le Président de la République, en état de guerre sanitaire, les préfets de département doivent jouer un rôle majeur. Ils sont souvent, hélas, loin de l'état-major...

D'autant que des administrations comme l'Éducation nationale échappent encore largement à la déconcentration.

L'agence régionale de santé (ARS) ne peut répondre à chacun des élus ; le préfet le peut. Nous disposons pour cela d'un outil quelque peu oublié : le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration, qui traite des missions des préfets de département et de région à l'égard des administrations déconcentrées, et de l'adaptation aux spécificités des territoires concernés.

En outre, la Conférence nationale de l'administration territoriale de l'État a « toute légitimité pour proposer au Premier ministre tout projet de modification législative ou réglementaire nécessaire à la modernisation et à l'efficacité de l'administration territoriale de l'État ». Nous y sommes prêts !

Le projet de loi 4D arrive. Nous veillerons à ce que la décentralisation de fait devienne une décentralisation de droit.

Mais le temps de la loi et des décrets est long, aussi proposons-nous que soient lancées des expérimentations préalables à la loi 4D, pour renforcer dès à présent le rôle des préfets de département dans les territoires ruraux : ils deviendraient les interlocuteurs décisionnaires des élus et s'appuieraient sur le maillage des sous-préfectures. « Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d'agir », disait Einstein.

Alain Lambert, auditionné par la délégation aux collectivités territoriales, indiquait que peu de préfets utilisaient leur pouvoir de dérogation, pourtant utile. Il convient d'en améliorer l'usage.

En temps de crise, il faut aller plus loin dans la déconcentration et la décentralisation. Nous sommes prêts à travailler avec les grands serviteurs de l'État que sont les préfets. Eux et nous savons combien la proximité n'est pas un simple principe, mais bien une condition de l'efficacité de nos actions communes. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je me réjouis de ce débat. Le 3 septembre, le plan de relance, doté de 100 milliards d'euros, était annoncé.

Nos priorités sont claires : accélérer la transformation écologique, économique et numérique. Ce plan se déploie rapidement : 11 milliards d'euros avaient été dépensés en décembre pour la SNCF, les collectivités territoriales, les ménages avec MaPrimeRénov', « Un jeune, une solution », etc...

Ce déploiement s'accélère depuis avec 16 milliards d'euros dépensés à ce jour, auxquels s'ajoutent les 10 milliards d'euros de baisse d'impôts de production.

Nous avons associé les services déconcentrés de l'État pour décliner ce plan localement, sous l'autorité des préfets. Un référent relance, qui peut être l'un des trente sous-préfets, est désigné dans chaque département comme interlocuteur unique et coordinateur entre les différents opérateurs concernés.

Les préfets doivent associer les collectivités territoriales à la mise en oeuvre du plan de relance. Sur les 100 milliards d'euros du plan, 16 milliards d'euros leur seront consacrés, dans des enveloppes régionalisées. Les élus sont associés au déploiement du plan et un guide a été envoyé aux maires à cet effet.

La territorialisation sera un gage d'efficacité, d'adaptabilité et d'équité. Elle passe d'abord par des accords régionaux - dont neuf ont déjà été signés - qui peuvent être déclinés au niveau départemental et intercommunal. Les contrats de relance et de transition écologique devront aussi préciser les objectifs poursuivis par les politiques publiques, dans la durée et pour chaque territoire.

Le premier contrat de relance et de transition écologique (CRTE) a été signé à Nantes fin février. Un second l'a été avec la métropole de Lyon. Ce fut également le cas avec la Charente-Maritime, de la Gironde ou encore de l'Ardèche. Il faut accélérer cette dynamique : la totalité des territoires devrait être couverte d'ici fin 2021.

Nous privilégions autant que faire se peut les mesures locales. Nous travaillons avec les référents, les départements et les communes dans le domaine de la transition écologique et des politiques énergétiques. Au regard de la forte demande, le Gouvernement a ajouté 150 millions d'euros aux 400 millions prévus pour le développement industriel des territoires.

L'État travaille avec les communes et les départements pour la rénovation énergétique des collèges et des écoles. La DSIL France Relance est dotée d'un milliard d'euros pour soutenir l'investissement local au titre de l'accompagnement énergétique.

Monsieur Roux, vous avez évoqué les perspectives ouvertes par la loi 4D. Nous aurons l'occasion d'en débattre.

Je vous remercie de débattre de ce thème ce soir et je me réjouis des questions que vous allez me poser.

Mme Cécile Cukierman .  - Lors de leur prise de fonction en décembre et janvier derniers, plusieurs préfets à la relance ne connaissaient pas l'enveloppe financière dont ils disposaient...

Alors que les élus locaux sauraient gérer ces crédits, le Gouvernement souhaite manifestement garder la main. Certes, 8 milliards d'euros sont affectés aux régions dans les CPER et les CRTE, mais cela manque de carté entre les nouveaux crédits, les recyclages et les reports.

La transparence doit être de mise dans le processus de décision. Comment allez-vous la garantir, ainsi que l'égalité entre les territoires ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Ces crédits relèvent des politiques nationales, sans rapport avec les collectivités territoriales. Ainsi en est-il de MaPrimeRénov' ou de la prime à la reconversion du parc automobile.

Les 100 milliards d'euros du plan de relance sont avant tout des crédits d'État, pouvant être articulés avec les moyens et les politiques des collectivités territoriales.

Nous veillons à associer les collectivités territoriales dès que possible, notamment dans le cadre des CPER ou pour la rénovation énergétique des collèges et des lycées - avec deux enveloppes de 300 millions d'euros chacune.

Les critères d'éligibilité sont connus et transparents. Enfin, les choix des préfets n'ont jamais été remis en cause au niveau de l'État central.

Mme Cécile Cukierman.  - Cela me rassure que nous ne soyons pas d'accord sur tout ! La Gazette des communes indiquait cette semaine que l'État utilisait une partie des crédits du plan de relance pour lui-même et notamment la rénovation énergétique de ses propres bâtiments !

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous avons compris que l'objectif du plan de relance était d'agir vite pour soutenir l'économie, d'où la nomination de sous-préfets ad hoc. Seront-ils déployés dans tous les départements ?

Les élus ont apprécié le milliard supplémentaire de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) accordé l'an passé. Des enveloppes complémentaires sont-elles prévues pour répondre à l'objectif de transition énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Nous avons nommé trente sous-préfets à la relance. Dans les autres préfectures, des référents relance ont été désignés. D'autres sous-préfets pourraient être nommés si le besoin de muscler le dispositif se faisait sentir.

Une partie du milliard d'euros supplémentaires de la DSIL pourra être dépensée en 2021, année pour laquelle une enveloppe de 3,7 milliards d'euros a été votée pour la rénovation énergétique des bâtiments : 2,7 milliards pour les bâtiments de l'État et les universités et 950 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Les notifications seront connues dans les tout prochains jours par les préfets.s

Les projets DETR seront éligibles à cette DSIL verte. En outre, les préfets ont été exonérés de la règle de minimis de 20 % pour les collectivités territoriales qui n'auraient pas les moyens de financer cette part.

M. Michel Canevet.  - Nous nous réjouissons des opérations de rénovation énergétique sur les bâtiments d'État et de l'enveloppe dédiée aux collectivités territoriales, mais il faut désormais relayer l'information.

M. Hervé Gillé .  - Le 16 juillet, le Premier ministre rappelait son souhait de s'appuyer sur les territoires pour que l'État puisse agir en proximité. Mais cette option n'a pas été retenue à l'heure du déploiement du plan de relance.

La majorité des crédits étant sous la responsabilité des préfets, les élus locaux ne peuvent en disposer, ce qui témoigne d'un manque de confiance envers les territoires.

Les différences de traitement des élus locaux dans les territoires témoignent de l'absence de cap gouvernemental. Certains préfets limitent au minimum les échanges avec les élus ; c'est le cas dans mon département. Comment les élus peuvent-ils faire vivre le plan de relance sans y être associés ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Je le rappelle : il s'agit de crédits d'État qui répondent aux priorités qui lui appartiennent. Nous associons les élus locaux autant que possible ; c'est une nécessité pour la mise en oeuvre du plan de relance.

Votre département de la Gironde a signé un accord de relance avec l'État et obtenu 40 millions d'euros pour des projets qu'il a choisis. Le débat a été plus fécond que le laisse entendre votre question.

M. Hervé Gillé.  - Je parlais de la méthode partagée sur tous les territoires. Il n'existe pas de cadre commun. Les parlementaires ne sont pas associés. Cela rend difficile toute évaluation de cette politique publique. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les communes et EPCI bénéficient de moyens financiers importants via le plan de relance pour investir rapidement.

Les travaux portés par les collectivités territoriales nécessitent cependant d'établir des dossiers préalables et les services instructeurs sont souvent saturés. Cela se comprend au regard de la crise sanitaire et du nombre de dossiers déposés, mais ne permet pas d'atteindre l'objectif de rapidité. Je pense notamment à l'archéologie préventive qui répond parfois tardivement.

Les préfets ne pourraient-ils pas être simplificateurs et facilitateurs ? Des dérogations ne seraient-elles pas envisageables ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Nous avons demandé de simplifier au maximum l'instruction des dossiers, mais il existe un cadre législatif et règlementaire, même assoupli par la loi ASAP qui a exonéré les collectivités de la règle des 20 %.

De même, nous avons augmenté le seuil à partir duquel les marchés publics sont obligatoires, de 40 000 à 100 000 euros.

Ces deux éléments ont d'ores et déjà un impact : un quart de la DSIL supplémentaire a été consommé ; l'État a sélectionné 4 200 bâtiments à rénover et 500 marchés ont déjà été notifiés aux entreprises.

Nous simplifions à chaque fois que cela est possible.

M. Philippe Mouiller.  - Il faut aller encore plus loin dans la simplification, en renforçant les moyens humains des services instructeurs.

Les services de l'État pourraient d'eux-mêmes, spontanément, réduire les délais. Sans modifier la loi, on peut aller plus vite et plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - Je remercie le RDSE pour ce débat. Dans le contexte de la crise sanitaire, le rôle du préfet est primordial.

Le plan de relance a pour but de reconstruire le tissu économique et l'attractivité des territoires. La tâche du préfet est immense. Au-delà de ce rôle de développeur, le préfet doit accompagner les collectivités territoriales.

Pendant les premiers mois de la crise, nous avons pu constater l'efficacité du couple maire-préfet pour adapter les mesures à la réalité du terrain et je m'en réjouis. À l'heure de la relance, ce lien doit perdurer.

Dans le cadre de la différenciation, le rôle du préfet sera-t-il renforcé, notamment dans les territoires ruraux ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Les débats sur le projet de loi 4D seront l'occasion d'approfondir la question de la différenciation.

Je suis convaincu que le couple maire-préfet fonctionne dès lors que chacun... est l'interlocuteur de l'autre ! Mais pour cela, il faut des marges de manoeuvre et une capacité d'adaptation.

J'ajoute à l'attention de M. Mouiller que la dernière circulaire du Premier ministre aux préfets insiste sur la nécessité de réduire les délais d'instruction.

M. Daniel Chasseing.  - L'État être le garant de l'égalité de tous les territoires, y compris les territoires hyper-ruraux. Cela passe par la différenciation. Le rôle de l'État est fondamental pour assurer la présence des professionnels de la santé, le maintien des services publics ou le soutien à l'agriculture.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Le 14 novembre, plus d'une centaine de maires ont lancé un appel au Gouvernement pour que 1 % du plan de relance soit consacré aux Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces revendications ont été entendues mais une inquiétude demeure sur la déclinaison opérationnelle. Les élus locaux déplorent le manque d'informations de la part des services locaux de l'État. C'est le cas dans le Val-de-Marne.

Il ne semble pas y avoir de pilotage centralisé ni de fléchage. Comment faire en sorte que cet argent arrive dans ces quartiers qui en ont bien besoin ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Outre le milliard d'euros fléché vers les QPV, le Premier ministre a annoncé 3,3 milliards d'euros supplémentaires.

Élisabeth Borne et Nadia Hai veillent à la déclinaison et au suivi de ces crédits. Nous avons développé un outil qui rend compte des réalisations du plan de relance et élaboré un guide pratique à l'attention des maires faisant apparaître les critères d'éligibilité et le calendrier des appels à projet.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Je prendrai l'attache des ministres que vous citez. Je tiens à vous alerter sur l'utilisation des crédits, notamment dans le cadre du plan « Un jeune, une solution » : les missions locales attendent encore, cependant, la notification des crédits supplémentaires à percevoir.

N'oublions pas non plus les quartiers en veille active.

Mme Nicole Duranton .  - Lors des questions au Gouvernement du 4 novembre, j'ai demandé des précisions sur l'installation des sous-préfets à la relance. Depuis, trente sous-préfets à la relance sont entrés en fonction. Au total, ce sont cent un référents relance.

Je profite de ce débat pour saluer le travail remarquable du préfet et des sous-préfets de l'Eure.

De nombreux sujets sont entre les mains du préfet : la revitalisation des friches pour éviter l'étalement urbain et parvenir à zéro artificialisation nette ou l'inclusion numérique, promue par une circulaire du 4 février 2021 et dont l'enveloppe de 280 millions d'euros a été portée à près d'un milliard d'euros.

De nombreuses mesures ont été mises en place depuis le début de la crise : contrats de relance, DSIL additionnelle, subventions aux entreprises, CRTE, programmes territoires d'industrie, appels à projets divers, etc.

Les maires sont parfois un peu perdus face à la diversité d'outils et d'interlocuteurs.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Nous devons informer les élus locaux : le guide de la relance est là pour cela. La publication du calendrier sur tous les appels à projets est une préconisation de la mission parlementaire sur la territorialisation du plan de relance.

Les contrats de relance et de transition écologique doivent être les plus lisibles possible, en lien avec les accords régionaux et les CPER.

Tous ces outils n'ont pas vocation à se superposer. Ainsi, le contrat de relance écologique se substitue à d'autres outils contractuels.

Nous tâchons d'informer au mieux, en nous appuyant sur tous les acteurs des territoires, notamment les référents relance que je félicite pour leur travail.

M. Stéphane Artano .  - Le préfet est souvent le bras armé de l'État. Pour Odilon Barrot, c'était « le même marteau qui frappe, mais avec un manche plus court »... Nous n'en sommes heureusement plus là, et l'Acte I de la décentralisation a fait évoluer son rôle vers plus de partenariat : le préfet est aujourd'hui un acteur local presque comme les autres.

Mais dans mon territoire, le préfet joue un rôle central et il est parfois tenté d'interférer dans les affaires des collectivités territoriales. Il me semble de mauvaise politique qu'il devienne juge de l'opportunité de décisions qui relèvent entièrement des collectivités territoriales, comme le goudronnage d'une piste submersible.

Quelles règles garantissent le respect de la libre administration des collectivités ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe SER ; Mme Brigitte Lherbier applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Je ne connais pas le préfet de Saint-Pierre et Miquelon. Je ne peux donc pas me prononcer. Mais sachez que l'État reste attaché, lui aussi, au respect de ses propres compétences.

Nous travaillons à Saint-Pierre et Miquelon avec une enveloppe de 2,3 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Je pense que tout se passe en bonne intelligence mais si vous me signalez des difficultés, je me pencherai sur le dossier.

M. Stéphane Artano.  - Il faut que chacun reste à sa place. Lorsque l'État met zéro financement, il n'a pas à se prononcer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur diverses travées)

M. Yves Détraigne .  - Comment les préfets à la relance peuvent-ils faciliter les démarches et raccourcir les délais ? Certaines administrations déconcentrées n'ont pas abandonné leur interprétation restrictive de la loi et continuent à accabler de contraintes les porteurs de projet...

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Le Premier ministre, dans sa circulaire sur la territorialisation, a demandé aux services de l'État de réduire les délais d'instruction et de simplifier les procédures. Nous y veillons dans l'ensemble de nos services déconcentrés, mais aussi à la DGFiP et plus largement au ministère, afin d'éviter toute double instruction. En outre, le référent relance doit être l'interlocuteur unique.

Il peut y avoir des difficultés. Il y a aussi des critères à respecter pour que les dossiers soient éligibles. Si vous avez connaissance de difficultés, faites-le moi savoir. Mais je n'ai pas entendu parler de tels blocages chez vous...

M. Yves Détraigne.  - Il n'y a pas de problème dans la Marne : c'est que j'interviens au nom d'un collègue absent.

M. Franck Montaugé .  - Le professionnalisme des fonctionnaires de l'État doit être salué : leur mérite est encore plus grand si l'on considère les incertitudes, les ordres et contre-ordres,...

Pour suivre des indicateurs relatifs à la santé, au social, à l'économie, et mieux cerner l'évolution de la situation, un tableau de bord normé nous serait très utile. Le plan de relance et l'ensemble de l'action de l'État au plan local devraient être suivis de la sorte. Le prévoyez-vous ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Un site internet, relance.gouv.fr, fait apparaître quinze items avec un tableau de bord quantitatif et qualitatif de suivi de l'application du plan de relance, département par département. La situation du Gers y apparaît avec précision. Par exemple, on apprend que 600 Gersois ont bénéficié de MaPrimeRénov' ; le site indique aussi combien de jeunes ont été recrutés en apprentissage, combien font l'objet d'un autre accompagnement.

Il n'existe pas de tableau unique consolidé. Cela serait certainement utile, mais le Gouvernement préfère concentrer ses efforts sur la réponse concrète à la crise.

Nous veillons à associer les élus. Je vous remercie d'avoir salué l'action du préfet Brunetière. J'ai visité récemment avec lui des entreprises et des associations du Gers, elles semblaient satisfaites de leur collaboration.

M. Franck Montaugé.  - Les préfets pourraient jouer un rôle moteur sur la démarche documentée que j'appelle de tous mes voeux - au-delà même de cette crise.

Cela pourrait aussi s'appliquer aux contrats de relance et de transition énergétique. Les préfets et les élus doivent être associés à ce processus de progrès collectif.

Mme Brigitte Lherbier .  - De nombreuses entreprises sont sous perfusion. Un retrait brutal entraînerait leur mort subite. Au tribunal de commerce de Lille Métropole, le président Éric Feldmann se bat afin que les entreprises le sollicitent dès les premières difficultés, pour trouver avec lui des solutions. Lui et le préfet ont mis en place une coopération utile, qui a sauvé 3 000 emplois.

De telles énergies sont vitales pour nos territoires. Y êtes-vous favorable ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Je serai bref : oui ! (Sourires)

Nous y sommes favorables, à condition de laisser un maximum de liberté aux acteurs locaux - chambre de commerce et d'industrie, tribunal de commerce, élus locaux, etc.... En visite dans le Nord, j'ai pu constater la mobilisation de tous dans les instances de concertation pilotées par le préfet.

Grâce aux mesures de soutien, le nombre de liquidations en 2020 a été inférieur d'environ 40 % à ce qu'il était en 2019. Cela nous incite à un débranchement très progressif des aides. Certaines mesures du plan de relance pourront être arrêtées, d'autres devront être pérennisées. Nous devrons faire des choix très judicieux à cet égard. C'est une responsabilité. Les mesures prises ne seront pas soutenables dans le temps long.

Mme Brigitte Lherbier.  - J'invite mes collègues à solliciter les tribunaux de commerce, qui sont toujours de bon conseil.

Mme Annie Le Houerou .  - Le plan de relance de 100 milliards d'euros est inédit mais les moules sont trop souvent façonnés à Paris et les acteurs locaux doivent se livrer à bien des contorsions pour y faire entrer leurs projets.

Réarmer les territoires ? Réarmez plutôt les collectivités, en leur apportant l'ingénierie manquante ! Les appels à projets favorisent les plus réactifs, les mieux équipés ; mais les projets les plus adaptables au moule ne sont pas forcément les plus fructueux pour le territoire considéré.

Il manque de la cohésion et de l'animation locale face à la multitude des dispositifs - voyez, pour les jeunes, la garantie Jeunes, le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi, le contrat initiative emploi, l'insertion par l'activité économique, le parcours emploi compétences et j'en passe. Il serait temps d'évaluer la pertinence de la méthode des appels à projets, et de se pencher sur la multiplicité des dispositifs.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Les comités locaux de l'emploi ont un rôle à jouer même si leurs capacités sont inégales d'un département à l'autre. Je partage une partie de votre diagnostic sur le besoin d'ingénierie dans les territoires.

Chaque fois que possible, nous privilégions des modalités d'attribution calquées sur le modèle de la DSIL ou de la DETR, plutôt que des appels à projets.

En outre, le Premier ministre a demandé aux préfets de laisser un mois de plus de délai aux petites communes pour présenter leurs dossiers.

Enfin, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) accorde des crédits d'aide à l'ingénierie. Je l'ai constaté lors d'un déplacement à Aurillac.

Mme Catherine Belrhiti .  - Le Gouvernement a voulu faire piloter le plan de relance par des hauts fonctionnaires dédiés. Ceux-ci ont pour mission en particulier de s'assurer que les fonds ne sont pas orientés préférentiellement vers les grands groupes et les grandes collectivités.

Mais ces postes ne sont-ils pas redondants avec ceux du développement économique ? N'y-a-t-il pas un risque de court-circuitage de ces derniers ? Que répondez-vous à l'accusation de jacobinisme déguisé ?

Les sous-préfets, qui ont une moyenne d'âge de 30 ans, ont été recrutés dans des grands groupes, parfois dans les services de communication. Ils sont trop éloignés des problématiques économiques locales. En outre, leur apprentissage fera perdre un temps précieux. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils viennent plutôt des secteurs de l'économie productive. Quelle est la plus-value réelle de ces sous-préfets ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Il nous est plus souvent reproché l'absence de sous-préfet à la relance dans un département... Je n'ai guère entendu dénoncer une redondance.

Nous avons reçu 400 candidatures. Nous souhaitions attirer des candidats issus d'horizons divers, par cohérence avec la réforme de la fonction publique qui vise à favoriser la mobilité interministérielle et inter-versants. Ces sous-préfets sont, pour une trentaine, exclusivement réservés à la relance, et ont un rôle de coordination. Leur plus-value est extrêmement sensible, car ils débloquent les dossiers et soutiennent les collectivités dans le processus.

Mme Catherine Belrhiti.  - Nos remontées viennent du terrain.

M. Jean-Baptiste Blanc .  - La crise sanitaire a remis la verticalité à l'ordre du jour. La nomination d'un sous-préfet à la relance en est un exemple. Souvent, les sous-préfets méconnaissent les territoires. Ce sont des rustines, des patchs pour cacher le démantèlement de l'État : car les services préfectoraux sont vidés de leurs experts, qui ont au fil du temps rejoint les agences.

Au regard de l'inflation galopante du corps préfectoral, ces recrutements sont étonnants. On a le sentiment d'une approche toujours plus « technocratique ». Pourquoi ne pas avoir dépêché sur place des agents du contrôle économique et financier de Bercy ? Il paraît qu'il y en a 300, qui pourraient servir...

Le préfet pourrait être un médiateur, qui sache simplifier les démarches dans le magasin de farces et attrapes qu'est devenu l'État avec ses appels à projets et aides de toute sorte.

Le bon échelon, c'est le département. Il faut s'appuyer sur le préfet départemental !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - L'État, magasin de farces et attrapes ? J'ai trop de considération pour les agents de l'État pour laisser passer cette expression.

Tant de départements sont heureux de disposer d'un sous-préfet à la relance... Vous mettez en cause le travail de celles et ceux qui défendent l'État au quotidien.

M. Laurent Burgoa .  - Il y a peu votre Gouvernement voulait promouvoir une relation maire-préfet plus étroite. Pourtant certaines dotations sont attribuées de façon occulte par des hauts fonctionnaires qui n'ont de comptes à rendre à personne. Au moins, la réserve parlementaire était répartie par des parlementaires qui, eux, rendent des comptes...

Les grandes villes, par leurs services d'ingénierie et leur proximité avec le préfet, ont un avantage sur les petites communes pour obtenir des aides. Il faut s'inspirer des modalités d'attribution de la DETR, avec des comités regroupant parlementaires, élus et préfets.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - C'est le cas. Nous veillons aussi à ce que les petites communes aient plus de temps - un mois de plus - pour rendre leurs dossiers. Les préfets ont des comptes à rendre, au Premier ministre, aux ministres, je vous rassure !

M. Hervé Gillé.  - Mais pas aux parlementaires !

M. Laurent Burgoa.  - Monsieur le ministre, je vous écoute depuis tout à l'heure. Vous maîtrisez parfaitement la théorie, mais les maires ruraux du Gard, dans des communes de 50 à 100 habitants, n'ont pas le temps de lire un document de 50 ou 100 pages. Il serait temps qu'à Paris, on intègre ces réalités. Ne soyez pas hors sol ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Else Joseph .  - La crise sanitaire a révélé les fragilités, les lenteurs et inadaptations de l'organisation de l'État. Pourtant, les Français y sont attachés. Nous avons raté la crise, ne ratons pas la reprise ! Pour cela, il faudra agir au plus près du terrain.

Les préfets sont aux côtés des collectivités territoriales pour développer des projets économiques et industriels. Mme Primas proposait il y a un an de créer des taskforces de simplification administrative. C'est nécessaire pour relocaliser les activités économiques. On peut imaginer une articulation entre les différents échelons publics mais aussi avec les acteurs privés, autour du préfet.

Quel est le rôle du préfet en tant que délégué territorial de l'ANCT ?

Quelle articulation entre le préfet et le sous-préfet à la relance ? Quels liens avec les acteurs économiques, par exemple pour les friches contrôlées par l'État ?

Le préfet est plus qu'une image d'Épinal de la déconcentration. II doit aussi être l'incarnation de l'État stratège. Pourquoi ne pas renforcer ses compétences en matière d'éducation et de santé ? Sachons réinventer le rôle de l'État dans une logique de complémentarité avec les élus locaux - comme l'illustre le pacte Ardennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - La représentation de l'État dans les départements est assurée par le préfet, qui a autorité sur les sous-préfets à la relance. Il est aussi délégué de l'ANRU et de l'ANCT.

Pour que le préfet ait autorité sur les administrations de santé, il faudrait modifier la loi et revoir le périmètre de l'organisation territoriale de l'État, qui n'englobe pas les administrations de santé, les administrations militaires, les administrations des finances publiques, ni les représentations territoriales du ministère de l'Éducation nationale. Ce serait un modèle nouveau. Le débat serait certainement intéressant, mais il n'est pas ouvert à ce stade.

Monsieur Burgoa, vous êtes conseiller départemental depuis cinq ans et avez été adjoint au maire de Nîmes pendant trois ans : c'est une expérience substantielle. Pour ma part, ayant été député de l'Ardèche et maire d'une commune de 17 000 habitants pendant plus de dix ans, j'estime ne pas avoir de leçons à recevoir sur ma capacité à tenir le sol !

M. Bernard Fialaire, pour le groupe RDSE .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Quel rôle pour le préfet, à un moment où la société qui a besoin de clarté et d'autorité ?

Le plan de relance de 100 milliards d'euros sur deux ans vise à reconstruire le tissu économique local, accompagner la transition écologique et lutter contre la précarité. Sa mise en oeuvre sera territorialisée ; deux comités de pilotage et de suivi, au niveau régional et départemental, ont été créés.

Le déploiement du plan de relance passera par un accord régional de relance signé entre l'État et la région en parallèle du CPER.

Un contrat de relance et de transition écologique pourra être signé entre l'État et les collectivités, sur des projets qu'elles cofinanceront. Certains crédits seront gérés de façon déconcentrée, d'autres seront placés sous l'autorité du préfet.

Manifestement, il faut mieux coordonner les efforts de relance. La superposition des niveaux de décision, des couches contractuelles, des enveloppes est source de confusion et de retards. La double contractualisation avec les collectivités prendra du temps.

Les collectivités ne sont pas des opérateurs de l'État, elles attendent une meilleure reconnaissance de leur rôle.

Or la grande majorité des financements destinés à irriguer les territoires restent octroyés par les préfets, de façon verticale, sans prise en compte de la vision stratégique des collectivités. Une simplification s'impose si l'on ne veut pas encore retarder le stimulus...

Le déploiement de sous-préfets à la relance ne risque-t-il pas de court-circuiter les préfets et de brouiller les relations établies avec les élus locaux ? Ne feront-ils pas doublon avec les commissaires au redressement productif et les 450 sous-préfets en poste ?

La crise sanitaire nous a éclairés sur la difficile coordination des services déconcentrés et sur l'absence de pilotage du millefeuille administratif. Ainsi, l'autonomie des ARS ou de l'ANRU complique la mise en oeuvre des politiques publiques dans les territoires.

Les interférences de la double tutelle locale et nationale sont nombreuses. Le décret de 2020 accorde au préfet un pouvoir de dérogation aux normes réglementaires dans sept domaines afin de réduire les délais et faciliter l'accès aux aides. Cette mesure de simplification sera particulièrement appréciée dans le cadre du plan de relance et nourrira le dialogue au niveau local.

Merci à tous ceux qui ont participé à ce débat. Comme l'a dit Jean-Yves Roux, le RDSE sera très attentif au projet de loi 4D. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier.  - Très bien.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

La séance est suspendue à 20 h 30.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 22 heures.