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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Stratégie vaccinale (I)

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Élections départementales et régionales

M. Mickaël Vallet

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Nouvelles mesures contre la pandémie

M. Jean-Claude Requier

M. Jean Castex, Premier ministre

Vaccination dans les écoles

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire

La filière viande rouge menacée

M. Franck Menonville

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Réunions racisées de l'UNEF

M. Jérôme Bascher

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Tensions diplomatiques avec la Chine

M. Olivier Cadic

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Travailleurs des plateformes numériques

M. Pascal Savoldelli

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail

Difficultés des petits commerces

Mme Pascale Gruny

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Retrait de la Turquie de la convention d'Istanbul

Mme Claudine Lepage

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Explosion de l'insécurité

M. Philippe Pemezec

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Détresse des éleveurs

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Stratégie vaccinale (II)

Mme Chantal Deseyne

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Système de combat aérien futur (SCAF)

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants

Actualisation de la programmation militaire

M. Dominique de Legge

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants

Numéro d'appel d'urgence unique

Mme Françoise Dumont

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Rapport de la Cour des Comptes

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. Jean-Claude Requier

M. Pascal Savoldelli

M. Jérôme Bascher

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Didier Rambaud

M. Vincent Capo-Canellas

M. Rémi Féraud

M. Arnaud Bazin

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

Conférence des présidents

CMP (Nominations)

Avis sur une nomination

« Quel rôle pour le préfet à l'heure de la relance ? »

M. Jean-Yves Roux, pour le groupe RDSE

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Mme Cécile Cukierman

M. Michel Canevet

M. Hervé Gillé

M. Philippe Mouiller

M. Daniel Chasseing

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Nicole Duranton

M. Stéphane Artano

M. Yves Détraigne

M. Franck Montaugé

Mme Brigitte Lherbier

Mme Annie Le Houerou

Mme Catherine Belrhiti

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Laurent Burgoa

Mme Else Joseph

M. Bernard Fialaire, pour le groupe RDSE

« Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? »

M. Jérémy Bacchi, au nom du groupe CRCE

M. Claude Kern

M. Jean-Jacques Lozach

M. Michel Savin

M. Dany Wattebled

M. Thomas Dossus

Mme Marie Evrard

M. Éric Gold

Mme Céline Brulin

M. Philippe Folliot

M. Cyril Pellevat

Mme Anne Ventalon

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports

Ordre du jour du jeudi 25 mars 2021




SÉANCE

du mercredi 24 mars 2021

75e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun veillera à respecter son temps de parole et les autres orateurs - sans oublier les gestes prophylactiques.

Stratégie vaccinale (I)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Hier, l'épidémie causait 292 décès supplémentaires, nous rapprochant de la barre des 100 000 morts. Je pense aux familles endeuillées et aux soignants épuisés. Un an après, le virus est toujours là mais les professionnels de santé font face. La semaine dernière, le Premier ministre a annoncé, pour seize départements où les services hospitaliers sont submergés, des mesures spécifiques. Elles sont nécessaires, territorialisées - comme à Mayotte - et variées. Le virus mute et rythme encore nos journées.

La vaccination sur tout le territoire est notre unique issue. Les scientifiques ont fait des prouesses en un an, avec des vaccins aux taux d'efficacité inégalés. Quelque 91 % des résidents en Ehpad ou en unité de soins longue durée sont vaccinés, mais certaines personnes âgées ne trouvent pas de place et d'autres sont inquiètes des effets secondaires.

Alors que la fatigue prend le pas sur la résilience, nos compatriotes ont besoin d'un horizon clair. Quelles sont les perspectives de vaccination de tous les citoyens ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Je rends hommage aux familles endeuillées et aux soignants qui font preuve d'un grand dévouement.

Le Gouvernement adapte sa stratégie, en concertation avec tous les acteurs, dont les élus locaux. Les mesures prises sont de plus en plus territorialisées : nous avons opté pour des mesures de freinage fortes dans les seize départements à ce stade. Les quatre semaines à venir seront déterminantes. Notre seul objectif est de rester le plus efficace.

Les vaccins sont le principal espoir de sortir de cette crise. Il faut intensifier la vaccination, y compris à Mayotte, où quelque 75 % des doses livrées ont été inoculées. Notre objectif est que dix millions de personnes soient vaccinées à la mi-avril et vingt millions à la mi-mai. La vaccination est désormais ouverte aux plus de 70 ans et l'Assurance maladie appellera tous les plus de 75 ans non vaccinés pour leur proposer un rendez-vous.

Nous allons ouvrir prochainement 35 vaccinodromes : il faudra optimiser les livraisons des doses qui augmenteront dès la mi-avril, et mieux mobiliser les professionnels, y compris l'armée. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Élections départementales et régionales

M. Mickaël Vallet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je constate que le ministre de l'Intérieur est absent...

Il y a un an, nous entrions en état d'urgence. Par définition, celui-ci répond à l'urgence ; il ne saurait affecter de façon déraisonnable nos rendez-vous démocratiques, planifiés très à l'avance.

La loi de report des élections départementales et régionales prévoit une clause de revoyure au 1er avril, après avis du conseil scientifique. Mais le contenu de cet avis dépendra des moyens et des innovations que nous pouvons mettre en oeuvre pour assurer le bon déroulement des opérations de vote.

Comment proposez-vous d'organiser la vie démocratique dans un sens qui incite le conseil à rendre un avis positif ? Car les élections sont un temps fort ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté .  - Les deux assemblées ont voté le report des élections régionales aux 13 et 20 juin (« Et les départements ? » sur plusieurs travées des groupes SER et Les Républicains) et le décret de convocation des électeurs a été pris dès le mois de mars. Le rapport du conseil scientifique sera remis avant le 1er avril au Gouvernement, qui le transmettra au Parlement... Celui-ci aura le dernier mot.

À ce stade, nous souhaitons le maintien des régionales aux 13 et 20 juin (murmures sur les travées du groupe SER ainsi qu'à droite) et bien sûr pareillement pour les départementales. (On feint le soulagement sur diverses travées.)

M. François Bonhomme.  - Ah ! Vous vous souvenez enfin des départements !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - C'est pourquoi Gérald Darmanin et moi-même travaillons avec les maires à l'élaboration d'un protocole sanitaire strict, avec notamment la mutualisation des fonctions d'assesseur et de président de bureau de vote. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Mickaël Vallet.  - L'Allemagne, les États-Unis, le Kosovo, la Chine, la Côte d'Ivoire, l'Espagne, le Niger... En tout, plus de cinquante pays ont réussi à tenir des élections ces six derniers mois. Et la cinquième puissance mondiale aurait encore des doutes sur les dates, à trois mois du scrutin ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit ! (M. François Patriat renchérit.)

M. Mickaël Vallet.  - Pendant ce temps, le Gouvernement a rejeté toutes nos propositions d'innovation démocratique et électorale sur la double procuration, le vote par correspondance ou l'étalement des opérations électorales sur trois jours. Chacun devra assumer ses responsabilités. Le Sénat, en faisant ces propositions, a pris les siennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Bruno Retailleau et Jacques Grosperrin applaudissent également.)

Nouvelles mesures contre la pandémie

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Monsieur le Premier ministre, le comité de liaison parlementaire pour la gestion de la crise sanitaire vous a demandé, au nom du groupe RDSE, de retarder le couvre-feu de 18 heures à 20 heures, parce que les jours rallongent et que nous passerons bientôt à l'heure d'été. Vous avez reconnu le problème et décalé le couvre-feu à 19 heures, faisant gagner une heure de lumière et de liberté à nos concitoyens. Je vous en remercie.

Pour seize départements, vous avez annoncé une troisième voie : en quelque sorte, un confinement moins confiné... Mais c'était sans compter sur l'attestation de deux pages, quinze motifs et trois limites différentes - un, dix et trente kilomètres. Un chef-d'oeuvre bureaucratique. (On renchérit sur de nombreuses travées.)

Vous l'avez très vite retirée et remplacée par une autre, plus simple. Mais cette complexité et cet excès de normes aggravent la morosité et la lassitude de nos concitoyens.

Demain, monsieur le Premier ministre, en cas d'aggravation de la pandémie, quelles mesures supplémentaires envisagez-vous pour les zones rouges, et pour les vertes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées au centre)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Merci de rappeler la concertation que j'organise régulièrement avec les présidents de tous vos groupes politiques, ici comme à l'Assemblée nationale. Contrairement à ce que d'aucuns affirment, cet exercice est extrêmement utile et j'en tiens le plus grand compte. Ainsi, sur l'horaire de couvre-feu, votre argument était tout à fait pertinent.

Notre stratégie est territorialisée. Nous la maintiendrons aussi longtemps qu'il sera possible.

Face à cette troisième vague particulièrement virulente (on feint de le découvrir sur diverses travées), nous devons prendre les mesures de freinage les plus adaptées, que nous pourrions durcir si nécessaire. Nous tenons compte de ce que nous avons appris depuis l'an dernier. (On s'en félicite ironiquement à droite.) En particulier, le retour d'expérience montre que les lieux clos sont beaucoup plus dangereux que l'extérieur. Ce qui ne signifie pas que l'on puisse faire n'importe quoi dehors. (« Ah bon ? » sur les travées du groupe Les Républicains)

L'attestation est claire sur ce qu'on peut faire. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Claude Requier.  - Continuez à faire confiance aux élus locaux. Quand vous devez rédiger une attestation simple et applicable, demandez de l'aide à un maire, à un conseiller départemental... ou à un sénateur ! (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles des groupes Les Républicains, UC, INDEP et SER)

Vaccination dans les écoles

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation. Les nombreuses remontées de terrain, dans l'académie de Créteil, font état d'un tsunami de cas positifs.

Les médecins de l'Éducation nationale sont sur le pont ; mais vous êtes débordés. Dans 600 écoles du Val-de-Marne, soit toutes les écoles du département, le retard dans les réactions est évident : ni fermeture, ni stratégie du « tester, isoler, tracer ».

Faute de remplaçants, on mélange les élèves et les personnels enseignants ne sont pas protégés. On manque de vaccins ? Renouvelez au moins les masques ! Ceux des enseignants, en tissu, datent de septembre et ne sont pas de catégorie 1.

Nous voulons garder les écoles ouvertes, mais pas n'importe comment ! Prenez les mesures afin de maintenir la situation sous contrôle. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire .  - Notre responsabilité est double : assurer la protection des élèves et du personnel ; garantir la réussite scolaire.

Nos protocoles sanitaires sont adaptés constamment. Il y a 2 200 remplaçants dans le premier degré et 2 700 assistants d'éducation dans le second degré.

Quelque 320 000 tests salivaires ont été proposés...

M. Fabien Gay.  - Où ça ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - Et 200 000 réalisés avec un taux de positivité qui oscille entre 0,3 et 0,5 %. (Murmures dubitatifs sur diverses travées)

Pour garantir la réussite scolaire, l'accueil à l'école est important, en particulier pour les élèves plus fragiles.

Il faut lutter contre le décrochage scolaire. C'est parce que nos écoles sont ouvertes - notre fierté ! - que les résultats des élèves se sont améliorés entre l'évaluation nationale de septembre dernier et celle de janvier. Nous avons rattrapé notre retard.

Une campagne ciblée de vaccination a été annoncée par le Président de la République. Les professeurs pourront en bénéficier.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Il n'y a pas seulement les professeurs, mais tout le personnel. Arrêtez aussi de brasser les élèves.

À l'école des Hautes Bruyères, à Villejuif, les parents ont dû occuper l'école pour obtenir des remplaçants ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

La filière viande rouge menacée

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Monsieur le ministre de l'Agriculture, les ventes de viande bovine ont progressé en 2020, mais le prix payé aux éleveurs a baissé de façon alarmante, alors que les coûts de production augmentent.

La filière bovine représente 485 000 emplois. La viande rouge représente 63 % de la viande consommée en France et fait partie de notre patrimoine gastronomique. Nous ne pouvons laisser nos éleveurs disparaître ! Les prix sont inexplicablement bas, inférieurs d'un euro par kilogramme au coût de production.

La loi EGalim tarde à porter ses fruits. En pleines négociations de la PAC, les inquiétudes sont fortes. Comment allez-vous donner de nouvelles perspectives aux éleveurs français ? Ils ont besoin d'aides conjoncturelles mais aussi d'un soutien structurel. Comment comptez-vous rendre la loi EGalim efficiente ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je serai clair : la situation actuelle est inacceptable. Malgré les progrès liés à la loi EGalim, certains grands distributeurs ou industriels n'en respectent ni l'esprit ni la lettre.

Nos agriculteurs ont, chevillée au corps, la volonté de nourrir le peuple et d'améliorer la qualité de leurs productions. Cela n'est pas compatible avec la guerre des prix.

Il faut aller plus loin. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER) La négociation commerciale est un rapport de force. L'État y est entré depuis six semaines : la DGCCRF a réalisé l'équivalent de six mois de contrôles. (Même mouvement)

J'ai demandé un rapport à Serge Papin, ancien président de Système U, pour améliorer la contractualisation et la transparence ; il me rendra ses préconisations demain.

Je m'engage à agir, car c'est une question de souveraineté ! (M. François Patriat applaudit.)

Réunions racisées de l'UNEF

M. Jérôme Bascher .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En fin de semaine dernière, la présidente de l'UNEF a annoncé réserver des réunions aux personnes de couleur : des réunions dites racisées - mais pas racistes...

En 2019, ce syndicat avait déjà tenté d'empêcher la représentation d'une pièce d'Eschyle. Quant à l'émotion suscitée par l'incendie de Notre-Dame de Paris, il l'a qualifiée de « délire de petits blancs »... (M. Bruno Sido s'indigne.) Il y a aussi l'affaire récente à l'IEP de Grenoble.

La loi pénale sanctionne le délit de provocation à la discrimination. Appliquez-la !

L'UNEF perçoit une subvention de 600 000 euros par an. (« C'est honteux ! » à droite) L'État doit-il continuer à subventionner des réunions racisées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Ces réunions sont inacceptables et je les condamne. Elles trahissent les valeurs fondamentales de notre République, à commencer par l'universalisme. Elles sont contraires à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme qui est l'affaire de tous. Je regrette qu'une partie des membres de l'UNEF s'éloigne de l'universalisme en cédant à de telles dérives.

Ces réunions étaient dans la sphère privée, hors de l'université. (Exclamations à droite) Néanmoins nous pouvons demander à l'UNEF de clarifier ses positions et ses valeurs. Les étudiants se prononceront ensuite dans les urnes.

Nous avons besoin de tous les étudiants et des corps intermédiaires ; or l'UNEF et le deuxième syndicat étudiant dans notre pays. L'universalisme n'est pas réservé aux livres d'histoire : il est une valeur moderne, utile, exigeante, qui fait la grandeur de notre Nation !

M. Jérôme Bascher.  - Il y a trois ans, j'interrogeais le Gouvernement sur la candidate voilée à la vice-présidence de l'UNEF. Vous disiez que vous feriez tout pour défendre les valeurs de la République. Mais soit vous n'avez rien fait, soit votre discours performatif est tout aussi inefficace que dans la lutte contre la covid...

Votre réponse est un peu molle, comme dirait M. Darmanin : rien sur les 600 000 euros de subvention, rien sur une possible action judiciaire.

Ne laissons pas le pire du monde anglo-saxon nous envahir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Tensions diplomatiques avec la Chine

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Petite frappe », « hyène furieuse » : voici comment l'ambassadeur de Chine en France a qualifié le chercheur Antoine Bondaz, auteur de Taiwan, puissance diplomatique à part entière. L'ambassadeur, en outre, a menacé les membres du groupe sénatorial d'échanges et d'études Sénat-Taïwan, qui veulent se rendre sur place.

Le ministre des Affaires étrangères a convoqué ce triste diplomate. Il est légitime de réagir avec fermeté à ces saillies piteuses dans le combat idéologique qui nous oppose à la Chine. Les parlementaires français ne reçoivent pas d'ordres du Parti communiste chinois.

Dans les médias, nous découvrons avec effroi l'emprise de la dictature de Pékin sur son peuple, avec l'aide des nouvelles technologies.

Lundi, pour la première fois depuis Tian'anmen, il y a trente ans, l'Union européenne a pris des sanctions contre ceux qui ont porté atteinte aux droits de l'homme en opprimant la minorité ouïghoure. La Chine a rétorqué, s'en prenant à des députés européens.

Qu'allez-vous faire ? Peut-on dans ces conditions ratifier l'accord commercial avec la Chine ? (Applaudissements au centre et à droite ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - J'ai été choqué par les propos et la conduite de l'ambassadeur de Chine : ils n'ont pas leur place dans nos relations diplomatiques. En outre, les parlementaires français décident librement de leurs déplacements.

M. Christian Cambon.  - Très bien.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - M. Lu Shaye a été convoqué par le ministère des Affaires étrangères pour ses propos intolérables.

M. Christian Cambon.  - Il n'est pas venu.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Notre condamnation a été forte et sans ambiguïté. Pour la première fois depuis trente ans, l'Union européenne a pris des sanctions historiques, légitimes et nécessaires. Ce n'est pas ainsi que la Chine répondra aux interrogations sur les droits de l'Homme dans le Xinjiang.

La Chine est un partenaire commercial incontournable mais il faut de la réciprocité et nous serons très fermes sur nos exigences, notamment touchant le travail forcé. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Cadic.  - La Chine a annoncé que les dix personnes sanctionnées ne pourraient désormais plus se rendre en Chine, à Hong-Kong et Macao. En omettant de mentionner Taïwan, la Chine reconnaît implicitement ce territoire : rien désormais ne s'oppose à ce que Taïwan rejoigne l'OMS et Interpol ! (Applaudissements au centre)

Travailleurs des plateformes numériques

M. Pascal Savoldelli .  - Le 4 juin dernier, le Sénat a rejeté notre proposition de loi sur le statut des travailleurs des plateformes numériques Uber, Deliveroo et autres.

L'intégration de ces travailleurs autonomes - et non « indépendants » - dans le code du travail aurait renforcé leur protection. Hélas la droite a voté contre et les socialistes se sont abstenus.

Pourtant, les requalifications en salariat par la justice se multiplient, en France et ailleurs. Allez-vous enfin confirmer le statut de salarié de ces travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail .  - Les plateformes offrent des services et des emplois. Elles permettent notamment aux restaurateurs de développer leur offre livrée à domicile. Mais tout cela ne doit pas se faire au détriment des conditions de travail et de rémunération des travailleurs indépendants.

Un dialogue structuré avec eux est nécessaire pour rééquilibrer les relations. Dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, le Gouvernement va légiférer par ordonnance sur la représentation et la rémunération des travailleurs indépendants. Un rapport a été confié à l'ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation ; trois personnalités qualifiées rédigeront sur cette base les dispositions législatives, en concertation avec les partenaires sociaux, les plateformes, leurs travailleurs.

Les préconisations seront connues très prochainement, puis le projet d'ordonnance sera remis au Conseil d'État en vue d'une adoption en Conseil des ministres en avril. Ainsi, les travailleurs seront représentés de manière équilibrée dans la durée. Nous pouvons au moins nous retrouver sur ce point !

M. Pascal Savoldelli.  - Vous ne m'avez pas répondu. Je vous ai parlé du code du travail. (L'orateur brandit ledit code.) Vous les avez vus, ces livreurs qui apportent aux clients des burgers puis vont faire la queue à la banque alimentaire ? Vous n'écoutez pas nos propositions et méprisez les décisions de justice.

La ministre espagnole, Yolanda Díaz Pérez, communiste (« Tout s'explique ! » à droite), a décidé d'une évolution vers le salariat. Le courage et la volonté sont de ce côté ! Quant à vous, vous ne nous proposez que des usines à gaz.

Je demande que le droit du travail s'applique aux travailleurs des plateformes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Difficultés des petits commerces

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Fermeture, ouverture, refermeture : autant de coups de massue pour les commerçants. Ils n'ont plus de réserves, plus de fonds propres, des stocks sur les bras et les banques sur le dos. Ils n'en peuvent plus ; la colère monte.

Qu'est-ce qu'un produit de première nécessité ? Le choix devient absurde. Comment expliquer qu'on se contamine davantage dans un petit commerce qui respecte les gestes barrières que dans un magasin de bricolage ? Que les esthéticiennes ferment mais pas les coiffeurs ?

Les commerçants, comme tous les Français, sont prêts à faire des efforts, mais vos décisions doivent être logiques et équitables.

Un mot aussi des oubliés du fonds de solidarité : rien pour les entrepreneurs qui ont repris un fonds de commerce sous le statut de holding, aides insuffisantes pour les bars-épiceries... Les réponses sont urgentes, sinon ce sera le dépôt de bilan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.)

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Les restrictions d'ouverture sont en vigueur dans la plupart des pays européens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) « Commerce essentiel », « de première nécessité » - peu importe le vocabulaire, seule compte la préoccupation sanitaire. Il ne s'agit nullement de stigmatiser ou de favoriser tel ou tel commerce, mais uniquement de freiner l'épidémie.

Le fonds de solidarité mis en place en mars 2020 a accompagné deux millions d'entreprises ; à date, nous avons décaissé 20 milliards d'euros.

Nous sommes le pays européen qui indemnise le plus les indépendants, les commerçants et les entreprises fermées. C'est une fierté.

Le fonds de solidarité a été modifié à dix-sept reprises pour répondre au plus grand nombre de situations, comme celle de la multi-activité.

Quelque 15 % des entreprises aidées n'ont pas le bon code APE mais nous sommes passés outre pour nous adapter à la réalité. Nous aidons les entreprises qui ont des coûts fixes importants ; à l'issue des discussions avec la Commission européenne, l'aide entrera en application au 31 mars.

Il nous faut encore travailler sur les stocks et sur les commerces repris, pour lesquels il manque un référentiel. Ce sont des sujets sur lesquels nous avançons.

Mme Frédérique Puissat.  - Non !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Les modifications apportées et la réactivité de la DGFiP permettent de faire face. Nous travaillons aussi avec la Banque de France pour faciliter le remboursement des prêts garantis par l'État. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Pascale Gruny.  - Il faut assumer ses décisions. On est en confinement, ou pas. Les Français ont besoin d'objectifs, de visibilité. On a l'impression qu'il n'y a plus de pilote dans l'avion, de capitaine dans le navire - ou alors, c'est Le Titanic ! Même M. Griset s'embrouille ! Les commerçants n'en peuvent plus, ils ont le moral à terre. Où allez-vous acheter votre veste pour les prochaines élections ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Retrait de la Turquie de la convention d'Istanbul

Mme Claudine Lepage .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La décision de la Turquie de quitter la convention d'Istanbul, premier traité international contre les violences faites aux femmes, a été un choc. Cette décision a été prise en catimini par simple décret du président Erdo?an, quelques jours seulement après le 8 mars. Nos pensées et notre solidarité vont aux milliers de manifestants qui ont eu le courage de dénoncer cette décision brutale et aux femmes turques.

En 2020, trois cents d'entre elles ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Ce chiffre est en constante augmentation. Après avoir muselé l'opposition, s'être attaqué aux Kurdes, cette énième provocation du président Erdo?an, à quelques jours du Conseil européen, appelle une réaction forte.

L'Europe ne peut se contenter d'un simple communiqué face à une décision qui, de fait, encourage les féminicides. Quelles mesures compte prendre notre pays pour mettre fin à la dérive autoritaire de la Turquie ? (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE)

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - Comme l'ont dit Jean-Yves Le Drian, Élisabeth Moreno et Clément Beaune avec force samedi, comme l'ont redit les ministres des affaires étrangères de l'Union lundi, nous déplorons le retrait de la Turquie de la convention d'Istanbul qui va affecter en tout premier lieu les femmes turques. Les féminicides sont en forte progression dans ce pays. Or la convention d'Istanbul est l'instrument international le plus abouti en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. La France promeut son universalisation, et ces sujets sont au coeur de ses priorités diplomatiques.

Ce retrait marque une régression des droits de l'homme en Turquie. La France reste très vigilante sur la situation de l'État de droit et des libertés fondamentales dans ce pays. Les autorités turques ne peuvent vouloir se rapprocher de l'Union européenne et en même temps s'éloigner de ses valeurs. Le sujet sera évoqué au Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Explosion de l'insécurité

M. Philippe Pemezec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 15 février à Poissy, des policiers étaient victimes de tirs de mortiers par une bande de jeunes. Le ministre de l'Intérieur avait alors annoncé des caméras et des effectifs. Le 26 février à Marseille, il annonçait trois cents policiers supplémentaires dont cent dès 2021. Cela m'intrigue. Auriez-vous des policiers en réserve, ou bien déshabillez-vous Pierre pour habiller Paul ?

La réalité, c'est l'explosion de l'insécurité : hausse de 20 % dans les villes moyennes, hausse de 407 % de la délinquance violente à Paris en cinq ans, cent mille peines de prison en attente d'exécution, plus de quatre cents jours en moyenne pour faire exécuter une peine !

Quelle est votre stratégie pour rétablir l'ordre et la liberté dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté .  - Le Gouvernement est engagé pour la sécurité. Pour concrétiser les annonces, nous avons augmenté le budget tant de la sécurité que de la justice : la hausse est historique.

Nous avons les moyens de nos ambitions. Gérald Darmanin sillonne la France (on ironise sur de nombreuses travées, à droite comme à gauche) et répond aux demandes des élus locaux pour garantir la sécurité des Français.

Notre stratégie nationale de prévention de la délinquance cible tout particulièrement la violence juvénile et entre bandes ; plusieurs ministères sont mobilisés. J'ai lancé hier un comité des parents contre le harcèlement, avec la police, la gendarmerie et des associations. (Marques d'ironie sur de nombreuses travées)

Mme Laurence Rossignol.  - Avec un numéro vert ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Nous n'opposons pas prévention et répression.

Le comité interministériel de la ville a décidé de nouveaux moyens pour la vidéoprotection, et nous serons en déplacement samedi sur ce sujet avec le Premier ministre et Nadia Hai.

Enfin, en 2018, nous avons fait voter une loi contre le harcèlement de rue : des milliers de verbalisations ont été réalisées sur cette base grâce à l'engagement des forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Pemezec.  - Vous êtes encore dans les effets d'annonce, mais la réalité saute aux yeux des Français.

L'État obèse veut tout faire, mais fait tout mal. Il n'assure même plus ses missions régaliennes dans le domaine de la santé, de l'alimentation, de l'éducation, de l'industrie ou de l'immigration. Le virus de la délinquance connait un taux d'incidence record.

Quand va-t-on passer de la communication à l'action, quand va-t-on reconstruire une France pacifiée, dont nos concitoyens soient fiers ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François Patriat.  - Pas avec Les Républicains !

Détresse des éleveurs

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre de l'Agriculture, vous affichez volontiers votre attachement aux éleveurs qui travaillent plus de 70 heures par semaine pour quelques centaines d'euros par mois, pour nourrir les Français ; vous vantez le modèle d'élevage bovin à la française, extensif, familial, herbager, le plus durable au monde, bien loin des feedlots canadiens et brésiliens qui pénètrent pourtant nos marchés, en application des traités commerciaux.

La situation des 80 000 éleveurs bovins continue de se dégrader. Ils s'enfoncent dans la pauvreté et le désespoir, jusqu'à l'acte ultime, comme le montre le rapport de nos collègues Férat et Cabanel.

Trois ans après, la loi EGalim se révèle impuissante à garantir des prix corrects. La faute à la filière ? À l'Union européenne ? La nouvelle PAC priverait les éleveurs de 250 millions d'euros d'aides. Oubliées vos promesses de redistribution vers les agriculteurs les plus démunis, et vers les zones à faible rendement, qui sont déjà les plus mal loties ! C'est la triple peine.

Avez-vous mesuré les conséquences humaines et sociales de cette politique ? Quelle est votre vision de l'avenir de l'élevage en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous connaissez ma vision de l'agriculture française : c'est une vision de souveraineté, car il n'y a pas de pays fort sans agriculture forte ! Les défis sont nombreux : création de valeur, filières, débouchés...

Le plan de relance prévoit des financements importants, dont 50 millions d'euros pour la création de valeur par les filières. Nous avons aussi annoncé dernièrement une aide conjoncturelle de 60 millions d'euros pour nos éleveurs.

Comment mieux structurer sur le long terme ? C'est la mère des batailles ! L'application d'EGalim ne dépend pas de l'Europe mais de la France. Il faut cesser le jeu de dupes mortifère qui consiste à empêcher la hausse de la qualité tout en menant une guerre des prix. Je veux faire bouger les lignes sur la base du rapport Papin.

Poser la question de la PAC, c'est demander quelle agriculture nous voulons en 2027. La PAC doit accompagner la volonté de souveraineté, la création de valeurs par les filières, tout en tenant compte de la réalité de nos territoires, zones intermédiaires ou zones de montagne.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Les négociations sont en cours, nous menons les consultations pour une PAC souveraine et juste. (M. François Patriat applaudit.)

Stratégie vaccinale (II)

Mme Chantal Deseyne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'épidémie flambe et la vaccination reste en deçà des prévisions. Vous aviez dit qu'il fallait optimiser l'organisation pour ne jamais être contraint de jeter les doses surnuméraires.

Or plusieurs départements, dont le Maine-et-Loire, la Savoie et la Haute-Saône, font état de difficultés. Il semblerait que le recueil de la dernière dose, si précieuse, ne soit pas possible faute de seringues : 15 % des vaccins AstraZeneca et 10 % des Pfizer seraient jetés. Si on ajoute les doses d'AstraZeneca jetées après la suspension de la vaccination décidée par le Président de la République, quel gâchis !

Y a-t-il pénurie de seringues ou défaut d'information des ARS ?

Ne pourrait-on pas favoriser des équipements mobiles pour vacciner les populations éloignées des centres de vaccination ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles .  - Je ne peux vous laisser parler de gâchis. Il faut montrer notre confiance dans cette période-clé, car la vaccination est au coeur de la bataille contre le virus. À ce stade, 8,6 millions de doses ont été injectées : c'est 10 % des plus de 18 ans.

Il n'est pas question de laisser la moindre dose dormir dans un frigo. Le taux d'utilisation des vaccins est de 80 %, et même de 90 % pour le Pfizer, soit un quasi-flux tendu. La campagne de vaccination dépend de la livraison, qui va s'accélérer dès la fin mars : nous attendons 10 millions de doses de Pfizer, 1,5 million de Moderna et 500 000 doses de Janssen.

Nous allons permettre aux centres existants de monter en charge pour vacciner mille à deux mille personnes par jour et créer trente-cinq vaccinodromes avec l'aide de l'armée. En outre, des équipes mobiles vont déjà vers les populations isolées dans les territoires - par exemple à Prades.

M. Bruno Sido.  - Ce n'était pas la question !

Mme Chantal Deseyne.  - Votre réponse n'est que partielle. Je vous fais part de remontées de terrain. Je suis d'accord avec vous : il faut une vaccination massive, alors, allons-y : vaccinons ! Vaccinons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Système de combat aérien futur (SCAF)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2017, la France et l'Allemagne lançaient le système de combat aérien du futur, le SCAF, sous leadership français, et le futur char de combat, le MGCS (Main Ground Combat System), sous leadership allemand, pour consolider leur coopération et concrétiser notre vision d'une défense européenne forte et autonome.

Or nous observons que notre vision ne semble pas partagée outre-Rhin. Entendons-nous les réserves allemandes ? Pas vraiment. Il a fallu un entretien de la presse puis une audition au Sénat d'un de nos grands industriels pour dévoiler les blocages au grand jour.

L'Allemagne demeure très attachée au lien transatlantique et à l'OTAN, quand la France croit en un avenir européen et tout particulièrement franco-allemand. Ces coopérations sont-elles dictées par la volonté d'afficher une entente parfaite avec l'Allemagne ?

Qui décide vraiment de la politique industrielle de défense en France : Brienne ou le quai d'Orsay ? Sommes-nous prêts à fragiliser notre base industrielle au service d'un projet politique qui semble de moins en moins partagé par notre partenaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Le projet SCAF est emblématique d'une industrie européenne aéronautique et de défense à la pointe, capable de répondre à nos besoins sur la durée. Deux contrats sont en cours : l'un, de février 2019, sur l'étude d'architecture, pour 65 millions d'euros sur deux ans ; l'autre, de février 2021, sur le lancement du démonstrateur, pour 150 millions d'euros sur dix-huit mois.

La France travaille avec ses partenaires allemand et espagnol et avec les industriels pour définir les travaux qui se dérouleront sur la période 2021-2027. Chaque pays prévoit de contribuer à parts égales, la France restant leader du projet ; nous visons une entrée en service à l'horizon 2040.

Nous veillons à une répartition équilibrée. Il faut que chacun oeuvre dans ses domaines d'excellence. Florence Parly le dit : il ne faut pas perdre de vue les principes établis par la France et l'Allemagne au lancement du projet.

Actualisation de la programmation militaire

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lors de son audition devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, la ministre des Armées a déclaré qu'il n'était pas prévu de procéder à l'actualisation législative de la loi de programmation militaire.

Devant le Sénat, elle a dit souhaiter associer le Parlement à sa révision - mais a aussi affirmé qu'il n'y avait pas lieu de le saisir pour l'actualisation. Je ne suis pas sûr de bien comprendre. (Sourires)

Auriez-vous la gentillesse de me dire si le Gouvernement entend respecter la lettre et l'esprit de l'article 7 de la loi de programmation militaire qui prévoit que le Parlement soit saisi avant la fin de l'année ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Le Président de la République défend un modèle d'armée complet et cohérent, il l'a rappelé lors de ses voeux aux armées. Il a confirmé que la trajectoire financière serait respectée jusqu'en 2023.

La loi de programmation militaire est mise en oeuvre et les engagements sont tenus à l'euro près. Nous avons conclu de notre analyse de l'actualisation stratégique, à laquelle le Parlement a été associé, que la loi de programmation militaire conservait toute sa pertinence. Il n'est donc pas prévu d'actualisation législative.

La ministre des Armées procédera toutefois à des ajustements. Le Parlement y sera pleinement associé. La ministre a ainsi été auditionnée par la commission des affaires étrangères et des forces armées du Sénat mercredi dernier.

La loi de programmation militaire nécessite un temps long. Il convient de se donner du temps. La programmation et ses enjeux sont et seront respectés.

M. Dominique de Legge.  - Bref, tout va bien, circulez, il n'y a rien à voir ! Petit problème, nous sommes en République : l'exécutif propose, le Parlement dispose et contrôle le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Au nom de quoi le chef de l'État, gardien de la loi, peut-il s'affranchir du respect de la loi qui prévoit une révision ? L'article 7 est très clair !

En ne respectant ni la loi ni le Parlement, vous aggravez la crise de confiance entre les citoyens et les institutions. On ne peut se draper dans l'autosatisfaction en s'affranchissant ainsi du respect de la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner et Mme Michelle Meunier applaudissent également.)

Numéro d'appel d'urgence unique

Mme Françoise Dumont .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Chaque jour, hors période de Covid, les sapeurs-pompiers reçoivent en moyenne 11 700 appels et le SAMU environ 2 500. Mais dans 30 % des cas, la réponse se limite à une information ou un conseil médical. Un appel sur trois contribue donc à une saturation inutile des plateformes.

Résultat, le temps d'attente peut atteindre 45 minutes, alors qu'il devrait être inférieur à 30 secondes, selon les scientifiques, pour un bon traitement des situations de détresse immédiate comme l'arrêt cardiaque.

La question n'est pas nouvelle. Le 6 octobre 2017, le Président Macron annonçait aux professionnels de la sécurité civile son intention de mettre en place une plateforme unique, le 112. Mais le « en même temps » a ses limites... Il n'y a eu finalement qu'une proposition d'action timorée et, en octobre 2020, l'annonce d'une expérimentation régionale.

Comment accepter ce manque d'ambition et d'action ? La population y est prête, je le vois dans le Var où 40 % des appels au SDIS proviennent du 112. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté .  - Ce numéro unique, le 112, matérialise une ambition européenne. Il ne se substitue pas aux numéros existants que les Français connaissent bien.

Depuis que le Président de la République a souhaité, en 2017, simplifier les appels d'urgence afin de gagner en efficacité et en lisibilité, le Gouvernement y travaille et la mission Marcus (modernisation de l'accessibilité et de la réception des communications d'urgence pour la sécurité, la santé et les secours) a proposé divers scénarios.

Le numéro unique a différents avantages, comme de permettre l'activation simultanée de plusieurs services. Plusieurs pays européens tels que l'Espagne et le Danemark y sont passés, avec succès.

Mais nous rencontrons aussi certaines difficultés, notamment l'articulation avec le service d'accès aux soins ou l'absence d'interopérabilité entre les systèmes d'information des pompiers et des urgences. La piste de salles communes entre pompiers et urgentistes qui existent dans dix-huit départements est à creuser.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Je saisis cette occasion pour saluer le travail remarquable de tous les pompiers, professionnels et volontaires, engagés également dans la campagne de vaccination. (M. Julien Bargeton applaudit.)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 45.

Rapport de la Cour des Comptes

M. Gérard Larcher, président du Sénat.  - L'ordre du jour appelle le débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Huissiers, veuillez faire entrer M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, ainsi que Mme la rapporteure générale de la Cour des comptes.

(M. Pierre Moscovici, Premier président, prend place au banc du Gouvernement, ainsi que Mme Carine Camby, rapporteure générale près la Cour des comptes.)

Nous accueillons avec plaisir le Premier président de la Cour des comptes, que nous entendons en cette qualité pour la première fois.

Je salue également la présence de Mme la rapporteure générale de la Cour et lui souhaite pleine réussite dans ses fonctions.

La présentation de votre rapport annuel devant notre assemblée s'inscrit dans le cadre de la mission d'assistance du Parlement au contrôle du Gouvernement que la Constitution confie à la Cour des comptes.

Pour la deuxième année consécutive, nous avons souhaité que cette présentation prenne la forme d'un débat permettant à tous les groupes politiques de s'exprimer. J'y suis personnellement très attaché.

Le contrôle de l'action du Gouvernement est au coeur de notre démocratie parlementaire ; et l'année exceptionnelle que nous venons de traverser exige, de notre part, une vigilance rigoureuse et un contrôle accru des politiques mises en oeuvre.

À contexte exceptionnel, pouvoirs exceptionnels et surtout contrôle exceptionnel du Parlement : en cette période où des lois comme l'état d'urgence sanitaire restreignent les libertés, le contrôle est encore plus nécessaire.

Nos politiques publiques ont subi de plein fouet les effets de la crise et ont dû se réorganiser dans l'urgence pour s'adapter à la situation sanitaire.

Nous avons voté des mesures de soutien aux conséquences financières très importantes. De nombreux secteurs d'activité ont été très sévèrement touchés par la crise.

C'est donc sans surprise que votre rapport public constitue une forme de premier regard sur la gestion de la crise sanitaire par l'exécutif. Comment a-t-elle été pilotée ? Quelle en a été la gestion opérationnelle ? Quel en a été et quel en est encore aujourd'hui le coût pour nos finances publiques ? Quels enseignements en tirer ? Quelles erreurs, quelles insuffisances pourra-t-on s'épargner à l'avenir ?

Vous avez travaillé dans des conditions particulièrement contraintes. Dès l'été, vous avez lancé des enquêtes sur l'impact de la crise sur certaines politiques publiques, comme celles de la réanimation et des soins critiques, ou de l'hébergement et du logement des personnes sans domicile, ou encore sur certains opérateurs comme la SNCF.

Vous avez également consacré une partie de votre activité à répondre aux demandes d'enquêtes formulées par le Parlement en application des articles 47-2 de la Constitution et 58 de la loi organique relative aux lois de finances. Vous avez ainsi remis pas moins de six enquêtes à la commission des finances du Sénat et deux enquêtes à la commission des affaires sociales, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Elles vous ont d'ailleurs à nouveau sollicités cette année, en particulier sur le pilotage et la mise en oeuvre des crédits du plan de relance, qui fera l'objet d'un rapport présenté début 2022.

En cette période, notre responsabilité d'éclairer les citoyens est immense. Je souhaite que le Sénat y prenne toute sa part et joue pleinement son rôle. Cette responsabilité vous incombe aussi, tandis que vous tirez comme première leçon de cette année de crise une trop faible anticipation et une impréparation des services publics concernés par la situation sanitaire.

Votre analyse nous est précieuse ; elle a enrichi les travaux de notre commission d'enquête qui, après avoir remis son rapport en décembre 2020, se prolonge sous la forme d'une mission commune d'information.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes .  - Merci, monsieur le Président, pour vos mots de bienvenue et pour l'accueil réservé à la Cour. Je suis particulièrement attaché aux liens de qualité qui unissent nos deux institutions.

C'est le premier rapport public d'activité que j'ai l'honneur de vous présenter depuis ma nomination, plus d'un an après le déclenchement de la crise sanitaire.

La crise a affecté le fonctionnement des juridictions financières à plusieurs niveaux : confinement, allongement des délais de contradiction, engagement à ne pas perturber les administrations en première ligne, prolongation de la période de réserve du fait du report des élections municipales.

Celles-ci ont toutefois continué à remplir leurs missions, notamment à la demande du Parlement : seize rapports ont été remis à l'Assemblée nationale et au Sénat, et au total pas moins de trois cents travaux. Nous avons remis au Sénat des enquêtes très attendues, comme sur la fraude sociale, la lutte contre la pollution de l'air et les grands projets numériques de l'État.

La solidité de nos relations en temps de crise manifeste notre attachement à la continuité de la vie démocratique.

Nous avons fait évoluer nos programmes de contrôle pour tenir compte de la crise : ainsi une grande partie du rapport public d'activité pour 2021 est consacrée aux efforts de gestion de cette crise.

Ce rapport présente deux autres singularités. D'abord, il n'y a pas de chapitre sur la situation d'ensemble de nos finances publiques. En effet, la Cour doit remettre au Premier ministre à la fin avril un diagnostic et des recommandations sur la stratégie d'après-crise, que je serai heureux de présenter à votre commission des finances.

Ensuite, il ne comporte pas de volet consacré au suivi des recommandations antérieures. Nous n'avons pas souhaité solliciter les administrations au cours du deuxième trimestre, soit au coeur de la première vague ; mais nous reviendrons sur cette période dans le prochain rapport.

Le premier tome du rapport aborde les enseignements de la crise, le second la gestion des politiques publiques.

Le premier tome traite des sujets les plus opérationnels. La crise sanitaire a été mal anticipée par plusieurs acteurs publics : service public numérique éducatif, hébergement des personnes sans domicile, entraînant une absence de continuité du service public au début de la crise. Environ 5 % des élèves, soit 600 000, se sont ainsi trouvés en rupture numérique lors du premier confinement.

Autre secteur mal armé, les services de réanimation et de soins critiques ont su se mobiliser, mais au prix d'un renoncement sans précédent aux autres soins. Il faut revoir ce modèle : le vieillissement de la population pose la question d'une augmentation des capacités de réanimation et d'une refonte des modalités financières. Les chambres régionales de comptes de Nouvelle-Aquitaine et de Bourgogne-Franche-Comté ont identifié le système de collecte et de remontée de l'information comme un chantier prioritaire.

Mais la faible anticipation n'a pas empêché la réactivité et l'innovation des acteurs publics pendant la crise. Ainsi du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et d'Air France, qui ont rapatrié quelque 370 000 Français, dont 240 000 aidés directement par le ministère, pour un coût maîtrisé de 8,5 millions d'euros.

La SNCF a su assurer la continuité du transport de passagers et du fret, et anticiper la reprise d'activité.

Le fonds de solidarité a été un succès, limitant les effets de la crise grâce à la distribution de 11,8 milliards d'euros à 1,8 million d'entreprises. Toutefois, son extension aux établissements de plus grande taille justifie un renforcement des contrôles.

Le coût financier très élevé de la crise remet en cause certains modèles, dont celui de la SNCF ou de l'assurance chômage. Celle-ci a joué son rôle de stabilisateur économique et social, au prix d'un déficit historique de 17 milliards d'euros en 2020, contre 2 milliards en 2019. L'Unedic devait quant à elle afficher une dette de 65 milliards d'euros en 2021.

Le secteur culturel a lui aussi beaucoup souffert, comme le montre le chapitre consacré à l'Institut Lumière de Lyon. De tels établissements, peu subventionnés, devront être accompagnés sur le long terme, via des politiques publiques coordonnées.

Le second tome du rapport comprend onze chapitres dont les thèmes recoupent ceux du Grand débat national.

L'inclusion bancaire et la lutte contre le surendettement ont progressé avec le droit d'accès au compte bancaire, mais restent perfectibles, d'autant que la pauvreté est appelée à s'étendre.

L'innovation de défense est indispensable à notre indépendance stratégique dans un contexte d'intensification de la compétition internationale. Il convient de consolider notre indépendance économique en soutenant les grands groupes industriels, notamment aéronautiques et spatiaux. Pour cela, la Cour recommande un programme budgétaire consacré à l'innovation, qui sanctuariserait l'effort de recherche.

Les chambres régionales des comptes, dont je veux renforcer l'intégration fonctionnelle à la Cour, se sont intéressées à des exemples concrets d'action publique territoriale. Parmi les thèmes retenus, l'éclairage public en Auvergne-Rhône-Alpes, où des efforts encourageants ont été menés pour réduire la consommation ; toutefois la lutte contre la pollution lumineuse reste en retrait. Autre thème, la gestion de l'eau, avec l'exemple de la compagnie des coteaux de Gascogne.

Enfin, un chapitre est consacré à la gestion des quelque deux cents communes qui accueillent un casino sur leur territoire. Le prélèvement sur le produit des jeux peut représenter, pour certaines, plus du tiers des recettes de fonctionnement, or la crise a révélé la grande fragilité de ce qui leur apparaissait comme une rente de situation. Les communes doivent renforcer leur expertise juridique pour protéger leurs intérêts.

Le second tome aborde aussi les réseaux des chambres de commerce et d'industrie (CCI), des chambres des métiers et de l'artisanat (CMA) et des chambres d'agriculture qui doivent poursuivre leur travail de structuration. La question du maintien du financement public des CCI et CMA est posée.

Des choix stratégiques devront également être faits pour d'autres organismes. Ainsi, l'héritage de l'ex-Agence du numérique doit être consolidé, au vu des 17 % de la population qui restent concernés par l'illectronisme. D'autres dispositifs présentent un bilan plus satisfaisant, comme la French Tech, mais doivent être mieux coordonnés et pilotés.

L'Institut de recherche pour le développement (IRD), très impliqué dans la lutte contre la pandémie, souffre d'une certaine dispersion de ses missions, ce qui a conduit la Cour à recommander un rapprochement organique avec le CNRS.

Le rapport évoque enfin le pilotage des acteurs de la formation professionnelle par le ministère du Travail et la nécessaire évolution de la gouvernance des ordres professions de santé, qui doivent placer la protection des droits des patients au centre de leur action.

Vous le voyez, les thèmes abordés sont variés et concrets. Le rapport propose quelques pistes de résilience et de bonnes pratiques, dans l'anticipation d'une nouvelle épidémie.

Le rapport public annuel 2022 sera intégralement consacré aux conséquences de la crise sanitaire.

Nous travaillons déjà sur plusieurs sujets que vous nous avez soumis, comme le pilotage du plan de relance et le fonds de soutien à la filière aéronautique ou l'audit des finances publiques demandé par le Gouvernement.

Je serai heureux de poursuivre nos échanges tout au long de l'année 2021. Vous pourrez toujours compter sur le concours de la Cour.

Monsieur le Président, en application de l'article L. 143-6 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur de vous remettre notre rapport public annuel. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)

M. le président.  - Je vous remercie.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. André Guiol applaudit également.) Moment unique et solennel que la présentation du rapport public annuel par le premier président de la Cour des comptes, légèrement décalée cette année pour permettre l'achèvement des enquêtes.

Le Premier ministre a confié à la Cour une mission relative à la situation des finances publiques et aux priorités de l'après-crise qui explique l'absence d'analyse sur les finances publiques dans ce rapport. Nous serons attentifs aux résultats de ses travaux.

La Cour des comptes produit des rapports très utiles au Parlement et notre commission des finances lui commande régulièrement des enquêtes : le 10 mars dernier, nous entendions les magistrats de la cinquième chambre sur l'application de l'article 55 de la loi SRU. Avant l'été, nous recevrons ses conclusions sur l'intégration de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur et le déploiement de la 4G.

De nouvelles enquêtes sont prévues en 2022, en particulier sur la mise en oeuvre du plan de relance, qui sera suivie par Jean-François Husson. Elles complètent utilement le travail des rapporteurs spéciaux.

Dans ce rapport, la Cour tire un premier bilan de certaines politiques publiques pendant la crise. Elle se montre assez critique sur l'hébergement et le logement d'urgence des personnes sans domicile : faible préparation, manque d'outils opérationnels. L'hébergement ne peut cependant pas se penser sans le logement social.

La Cour se penche aussi sur le déploiement des outils numériques dans le contexte de fermeture des écoles. La crise a révélé des inégalités d'accès dont il faudra tenir compte.

La SNCF a su faire preuve de réactivité, mais sa situation financière est inquiétante, alors qu'elle présentait déjà des fragilités structurelles avant la pandémie. Nos collègues Hervé Maurey et Stéphane Sautarel viennent d'engager un travail sur ce sujet.

Le fonds de solidarité a fait l'objet d'un regard approfondi et, dans l'ensemble, positif. La Cour pointe toutefois une complexification du dispositif et un risque pour les finances publiques qui justifie une augmentation des contrôles. Notre commission partage son inquiétude.

Les collectivités territoriales se sont mobilisées pendant la crise, en particulier les régions qui ont apporté 467 millions d'euros au fonds de solidarité. La Cour conteste l'autorisation donnée aux régions d'imputer ces dépenses en investissement ; or cela leur a permis d'assurer un haut niveau d'engagement sans compromettre leurs capacités d'investir.

Le déficit de l'assurance chômage a atteint 17,4 milliards d'euros avec la baisse des cotisations, la hausse des indemnisations et le financement d'un tiers de l'activité partielle. Cela pose la question de la responsabilité de l'État dans le redressement de sa trajectoire financière, par exemple via la reprise d'une partie de la dette qui s'élève à 54,2 milliards d'euros. En effet, cette situation résulte en partie de décisions prises par l'État et auxquelles l'Unedic est insuffisamment associée. Nos collègues Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian ont rappelé que cette situation préexistait à la crise, avec la baisse de la subvention de l'État à Pôle Emploi.

Le deuxième tome du rapport annuel traite notamment des réseaux consulaires dont la Cour remet en cause le financement public par taxes affectées - elle les considère comme des prestataires de services devant se financer par leurs activités commerciales. Nous ne partageons pas tous cette analyse, car les CCI et les CMA exercent une mission d'intérêt général et contribuent à la péréquation territoriale.

La Cour se penche enfin sur l'inclusion bancaire et le surendettement, sujets chers à notre commission. Elle observe un recul du recours au droit au compte depuis 2015, du fait de la complexité des dispositions et de la faible mobilisation de certaines banques. Cela plaide pour une poursuite de notre travail.

La Cour des comptes joue son rôle auprès du Gouvernement comme du Parlement et je l'en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Le rapport public annuel prend une forme particulière cette année : il est allé au plus près du vécu et des préoccupations des Français, comme l'a fait la commission d'enquête du Sénat sur la gestion de la crise sanitaire présidée par Alain Milon.

Une mission commune d'information présidée par Bernard Jomier, rapporteur de la commission d'enquête, en prendra le relais pour mesurer les effets du confinement et des restrictions d'activité.

La commission des affaires sociales a pris connaissance avec intérêt de vos préconisations sur l'organisation des unités de réanimation. Comme la commission d'enquête, vous soulignez que le nombre de lits dans ces unités, souvent brandi comme preuve du retard structurel de la France sur l'Allemagne, doit être complété par celui des unités de soins continus. Avec 27 lits pour 100 000 habitants, la France se place au troisième rang de l'OCDE, derrière l'Allemagne et l'Autriche.

Les causes réelles des transferts sanitaires ne nous sont pas connues. En effet, la déprogrammation des soins lors de la première vague a été comparable dans toutes les régions, quel qu'ait été le niveau de circulation du virus. Vous recommandez de mieux tenir compte des besoins locaux dans la planification ; le Sénat vous rejoint sur ce point. Nous avons en effet tenté, en vain, de promouvoir les projets territoriaux de santé lors de la traduction législative du Ségur. Espérons que vos recommandations donneront plus de poids à nos arguments.

Vous proposez aussi d'augmenter les effectifs de médecins réanimateurs et d'infirmiers qualifiés. Le problème, a constaté la commission d'enquête, réside principalement dans l'évaluation locale des besoins en temps réel.

La Cour des comptes n'a pas davantage réussi que la commission des affaires sociales à évaluer les capacités disponibles dans le privé : il faudra avancer sur ce point.

La situation des services de réanimation au cours de cette troisième vague apportera de nouveaux enseignements. Notre système de santé est encore trop centralisé pour être pleinement efficace.

La situation financière de l'Unedic était déjà dégradée à l'aube de la crise. Les décisions extraordinaires de 2020 ont été prises par l'État, dans un contexte d'urgence, sans que les partenaires sociaux, cogestionnaires de l'Unedic, aient leur mot à dire.

Vous préconisez donc de préciser les rôles de l'État et des partenaires sociaux, de définir une nouvelle trajectoire financière, de statuer sur la reprise d'une partie de la dette de l'assurance chômage et de déterminer le niveau de participation de l'Unedic au financement de Pôle emploi.

La commission des affaires sociales vous suit largement sur ces recommandations. Il faut sortir de l'ambiguïté sur la gouvernance : l'assurance chômage doit intégrer le champ du PLFSS, comme la Cour l'avait déjà préconisé.

Je remercie la Cour des comptes pour son travail comme toujours utile et rigoureux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)

M. Jean-Claude Requier .  - Après les récents bouleversements, il est rassurant de retrouver cette échéance traditionnelle, qui est l'occasion de faire le point sur la situation des finances publiques.

Je regrette toutefois la brièveté du délai - une semaine ! - entre la publication du rapport public annuel et notre débat.

L'an dernier, nous avons adopté quatre projets de loi de finances rectificative, ce qui interroge sur la prévisibilité des lois de finances.

Le manque d'anticipation aura été l'un des principaux défauts de la gestion de la crise sanitaire, mais les moyens financiers mobilisés ont été massifs grâce à l'assouplissement du cadre européen. Le Parlement a été au rendez-vous.

Ancien enseignant, je suis solidaire et reconnaissant envers le monde éducatif. La réouverture des écoles après le premier confinement a été une chance : dans d'autres pays, elles seront restées fermées plus d'un an. Je salue aussi les professeurs qui ont relevé un véritable défi éducatif lors du premier confinement.

La Cour salue à juste titre l'efficacité du fonds de solidarité, dont les critères d'éligibilité souples ont évolué au fil du temps. Mais ces mesures ont un coût budgétaire, qui sera fonction de l'efficacité de la campagne vaccinale.

De nombreux secteurs ont été fragilisés par la crise, comme celui des transports qui doit investir à la fois dans les infrastructures et la transition écologique. Je songe aussi à l'hôtellerie-restauration et à la fermeture des lieux de convivialité.

Les réseaux consulaires sont indispensables à cette sortie de crise. Ils se sont réorganisés depuis la loi Pacte et leur activité continue à progresser. Le RDSE propose le renforcement du stage préalable à l'installation des artisans et le maintien des centres de formation des entreprises. Interlocuteurs de proximité des entrepreneurs et artisans, les réseaux consulaires sont essentiels au maillage économique du territoire et le maintien de leur financement public est indispensable. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - Henry Kissinger aurait affirmé : « Il ne peut pas y avoir de crise la semaine prochaine, mon agenda est déjà plein ! » (Sourires) Cette citation illustre bien le refus, année après année, d'anticiper les crises.

La Cour des comptes a souligné l'impréparation de ce gouvernement - comme d'autres avant lui - à une crise qui, au demeurant, préexistait. Aucun rapport sur la saturation des services de réanimation depuis une décennie, alors qu'en Île-de-France, 88 % des lits sont occupés en temps normal. Conséquence : en temps de pandémie, les occupations dépassent de huit points les capacités d'accueil. Cela fait huit patients sur cent reçus dans des conditions précaires. Nous aurions au moins pu tirer des leçons entre deux vagues !

Comment faire face à des besoins croissants avec des moyens amputés ?

Entre 2013 et 2019, l'hôpital a perdu 21 000 lits. Sur les capacités de réanimation, je vous renvoie à la page 164 du rapport : « Pour la réanimation, cette progression de 0,17 % par an s'avère dix fois plus faible que celle des effectifs de personnes âgées (+ 1,7 % par an), qui constituent pourtant près des deux tiers des malades hospitalisés dans ce secteur. » En 2013, on comptait 44 lits de réanimation pour 100 000 habitants de plus de 65 ans ; en janvier 2020, plus que 37...

Nous savions que 5 % des jeunes avaient des difficultés d'accès aux outils informatiques et que les 600 000 élèves en rupture numérique ne pourraient pas continuer à étudier.

Nous savions aussi que les personnes sans domicile et sans-abri étaient chaque année plus nombreuses : le nombre de SDF augmente de 10 % par an depuis 2012.

« L'absence de préparation opérationnelle » était connue, alors que l'épidémie d'H1N1 ou la canicule de 2006 auraient dû permettre une réponse moins confuse.

L'État n'a pas su proposer des solutions d'hébergement et d'accueil ni fournir des équipements de protection et de dépistage. On le savait mais on n'en a pas tenu compte. Je remercie la Cour de le rappeler.

Alors que l'hôpital public était dépassé - il accueillait 80 % des patients Covid en soins critiques - le secteur privé n'a pas été associé : l'exécutif a préféré les transferts et la déprogrammation. Un acte chirurgical majeur sur deux a été déprogrammé en avril !

L'État n'envisage que des solutions de court terme onéreuses pour loger les sans-abri. Il a payé les places d'hôtel 14 % plus cher à Paris que les tarifs hivernaux. Au centre Kellermann, c'est 113 euros par nuit, et il a réservé 400 places.

Je vous remercie de ce rapport, exercice critique qui amène à l'audace et à l'inédit politique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également.)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue Mme Camby et j'ai une pensée pour Mme Pappalardo, partie à la retraite.

La France est-elle bien gérée ? Je l'ignore, mais je sens la Cour des comptes lassée de faire toujours les mêmes recommandations, avec des mots choisis. Mais ses jugements, comme ceux de la justice pénale, ne sont pas bien sévères.

Les collectivités territoriales ont joué un rôle crucial dans la gestion de la crise : vous soulignez leur action intelligente, adaptée et novatrice. Certes, cela a nécessité quelques aménagements comptables, mais la crise obligeait à quelques contorsions. Fâcheux parisianisme que de vouloir expliquer, depuis la capitale, comment gérer les collectivités ! Ces dernières démontrent d'ailleurs encore leur réactivité en mettant en place des centres de vaccination mobiles, à l'instar de l'Oise.

Les CCI et les CMA n'ont pas été inactives : elles ont agi avec leurs propres moyens, leurs propres réseaux. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain !

Vous auriez pu aller plus loin dans vos préconisations sur l'Unedic, dont le financement à long terme pose question : les recettes de Pôle emploi sont fondées sur celles de l'Unedic à l'année N-2. Il y a donc urgence à se préoccuper de 2022, qui verra probablement une hausse du chômage.

La dette de l'Unedic serait transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) mais cette dernière paie plus cher que l'État ses émissions de dette. Est-ce une bonne gestion des finances publiques ? Ce modèle qui oblige à des contorsions de gestion a peut-être vécu, comme le rappelait Jean Arthuis devant la commission des finances.

Votre rapport gagnerait à lister des économies qui pourraient être utilement faites. Vos recommandations sont toujours les bienvenues lorsqu'elles sont chiffrées (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Parlement est un lieu de tradition. Ce débat en est une et c'est pour moi une première.

Il ne ressemble pourtant pas à ceux des années précédentes, non plus que le rapport lui-même. Celui-ci porte essentiellement sur la gestion de la crise sanitaire et souligne le manque d'anticipation de la plupart des acteurs publics impliqués. La Cour des comptes est-elle incluse dans ce périmètre ? Dans son rapport du 25 février 2020, elle appelait à infléchir la trajectoire du déficit structurel en renforçant l'effectivité du cadre pluriannuel. Dans sa grande sagesse, la Cour des comptes n'avait donc rien vu venir. Personne ne lui en tiendra rigueur... Seuls les pays du Sud-Est asiatique, forts de l'expérience du SRAS, ont su gérer une telle crise.

Il me semble plus important de penser l'avenir de notre pays brisé par la crise. Nous devons maintenant réfléchir aux lits de réanimation, à la situation financière de la SNCF ou encore au pilotage de l'innovation de défense. L'augmentation des dépenses publiques n'est pas synonyme d'efficacité du service public. Nous avons besoin de grands projets d'infrastructure, d'investir massivement dans nos réseaux. Enfin, nous devons faire appel à toutes les ressources, y compris celles de la société civile, pour investir dans les territoires.

Si nous ne voulons pas condamner les générations futures à payer la gestion de la crise, nous devons inventer de nouveaux moyens de financer la relance en privilégiant les investissements dans les territoires.

C'est le sens d'une proposition de loi que je viens de déposer et dont, j'espère, nous pourrons prochainement débattre. (MM. Daniel Chasseing et Vincent Capo-Canellas applaudissent.)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - C'est assez rare pour être souligné : cette année, le rapport public annuel fait l'éloge des services publics et de leurs agents. Oui, notre service public est un joyau : c'est grâce aux fonctionnaires, dont la boussole est l'intérêt général et non le profit, que le pays a tenu dans la crise. Mais les suppressions massives de postes ont désarmé l'État.

L'hôpital, abîmé, fragilisé depuis des années, a fait ce qu'il a pu. Nous devons mettre fin à cette logique infernale !

Idem dans le secteur de l'hébergement - après avoir baissé les moyens pendant des années, l'État s'est retrouvé contraint de payer plus cher des nuits d'hôtel. Les acteurs du logement social voient leurs moyens fondre, or le mal-logement est une bombe à retardement : la crise, dans son volet social, se poursuivra encore pendant des années.

L'État n'a pas lésiné sur les moyens alloués aux entreprises. Il fallait le faire, mais il n'a pas été regardant. On adjoint aux agents de la Direction générale des finances publiques des vacataires pour renforcer les contrôles, après avoir supprimé des postes. Si l'on veut mieux contrôler l'usage des aides publiques, cessons de désarmer l'État !

Les services publics sont si fragiles qu'ils peinent à répondre aux attentes de la population.

Qui doit payer la crise et quand ? Bruno Le Maire ose affirmer que la réforme de l'assurance chômage, qui dégagera un milliard d'euros d'économies, aidera à rétablir les comptes de l'Unedic. Les plus précaires seraient mis à contribution pour résorber les déficits ? Ce n'est pas juste. Nous appelons l'État à prendre ses responsabilités. Une réforme fiscale s'impose.

Je remercie la Cour des comptes pour ce travail utile au débat. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) À l'image de cette année, ce rapport est singulier, dans sa structure comme dans son contenu.

La crise sanitaire s'éternise, l'état des finances publiques s'aggrave.

Les enseignements de la crise nous incitent à l'humilité. Ils éclairent des dysfonctionnements qui existent depuis de nombreuses années.

La Cour identifie certains secteurs à réformer, comme celui des services de santé. Le nombre de lits en réanimation a augmenté de 0,17 % en six ans - dix fois moins que le nombre des personnes âgées. Il faut dire que l'ouverture d'un lit de réanimation génère un déficit moyen de 115 000 euros par an ! Nous devons réformer le système. (M. Fabien Gay proteste.)

Avec 3 milliards d'euros de dette, la SNCF ne connaîtra pas d'embellie les prochaines années, estime la Cour. Le Pacte ferroviaire de 2018 a été utile, mais après tant d'années de négligence et d'abandon, on ne peut tout régler d'un coup.

Nous devons également améliorer l'accès au numérique à l'école.

Le rapport salue certains choix bénéfiques pour les finances publiques. Le fonds de solidarité, créé en deux semaines, est un succès dont nous pouvons être fiers. Il a limité les effets de la crise en distribuant 15,5 milliards d'euros d'aides à plus de deux millions d'entreprises et d'indépendants. Nous devrons être prudents au moment de l'éteindre pour éviter des faillites dans les secteurs les plus touchés.

Le coût de l'aide au retour des Français de l'étranger a été maîtrisé : 8,5 millions d'euros, soit 35 euros par personne aidée. La Commission européenne a pris en charge les trois quarts des frais des 2 635 ressortissants d'autres pays rapatriés par la France. La solidarité européenne a ainsi démontré ses bienfaits.

Retenons la réactivité inédite de nombreux services publics qui ont su s'adapter avec efficacité.

La gestion des finances publiques va se heurter au choc économique de la crise à la hausse sans précédent de l'endettement, alors que le PIB a diminué de 8,3 % l'an dernier, un repli inédit depuis 1945, et que notre dette avoisine les 120 % du PIB.

Le Premier ministre a confié à la Cour des comptes une mission sur l'état des finances publiques, et nous venons d'auditionner Jean Arthuis, président de la Commission sur l'avenir des finances publiques.

Ce rapport est instructif. Nous devons ajuster nos dépenses et reprendre la trajectoire initiée en 2017. S'il est légitime de s'endetter en temps de crise, il faut résorber les dépenses hors crise. C'est ce que le Gouvernement s'était employé à faire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Vincent Capo-Canellas .  - La publication du rapport annuel intervient dans un contexte particulier : celui d'une dégradation vertigineuse de nos finances publiques, à la hauteur du cataclysme économique qui nous frappe.

Entre les mesures de soutien exceptionnel et la moindre collecte fiscale, la France a vu son déficit doubler en 2020 et sa dette atteindre 120 % du PIB.

Nous partageons les conclusions de la Commission sur l'avenir des finances publiques présidée par Jean Arthuis : l'argent magique n'existant pas, il nous faudra rembourser l'argent dépensé pendant la crise en réduisant nos dépenses.

La Cour des comptes souligne les insuffisances des services de réanimation alors que les besoins augmentent avec le vieillissement de la population. La crise a révélé les carences de l'hôpital public et les inégalités territoriales.

Nos dépenses de santé atteignent 11,3 % du PIB, le plus haut niveau de l'Union européenne, où la moyenne est de 9,8 %. Nous avons manqué de médecins réanimateurs. Or 34 % du personnel à l'hôpital n'a pas de fonction médicale - le plus fort taux de l'OCDE.

La rhétorique du manque de moyens ne doit pas nous aveugler. La question est celle de la bonne allocation des moyens, qui suppose de définir et de hiérarchiser les priorités.

La Cour s'émeut de la forte dégradation de l'assurance chômage, dont le déficit atteint 17 milliards d'euros en 2020, même si elle a joué son rôle d'amortisseur. La réforme de l'Unedic devra aller au-delà de ce que le Gouvernement prévoyait en 2019. Son endettement est passé de 37 milliards à 54 milliards d'euros, ce qui pose la question de l'amortissement et de la reprise d'une partie de la dette par l'État. Enfin, la confusion des rôles entre l'État et les partenaires sociaux appelle à réformer la gouvernance.

Il faut surmonter la pandémie et définir un nouveau pacte social. Le niveau de nos dépenses sociales est très élevé, alors que leur efficacité est régulièrement mise en doute, notamment par la Cour des comptes.

Le fonds de solidarité était indispensable à la survie des entreprises. Plus de 15 milliards d'euros d'aides ont été distribués de façon simple et efficace à deux millions d'entreprises. Le taux de fraude est faible. Alors que la Cour regrette que ce fonds, généraliste, soit devenu plus sectoriel, je me félicite de cette malléabilité, gage d'adaptabilité. Sans doute le ciblage et les contrôles pourraient-ils être améliorés : il ne faudrait pas que le cumul des aides dépasse le préjudice subi.

Le groupe UC est particulièrement sensible à la lutte contre la fraude, qui doit être implacable. L'élargissement du fonds doit s'accompagner d'une instruction renforcée des dossiers pour prévenir les fraudes.

Ce rapport montre combien le coût élevé de la crise nous oblige à repenser nos modèles de financement. Notre commission des finances ne manquera pas de s'appuyer sur ses recommandations pour reconstruire la trajectoire de nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce rapport, toujours très utile, dresse le lourd bilan de l'année passée, mais s'inscrit aussi dans une tendance plus longue.

L'an dernier, la Cour estimait que « les faibles marges de manoeuvre de la France en cas de retournement conjoncturel restent limitées, et nettement inférieures à celles de certains de nos partenaires. »

Le président Éblé dénonçait les baisses d'impôt consenties aux plus aisés. Après les gilets jaunes, le Gouvernement est revenu sur la fiscalité énergétique ; après le Grand Débat, il a baissé l'impôt pour les classes moyennes. Depuis la crise sanitaire, il a privilégié les grandes entreprises en baissant les impôts de production et en menant une politique de l'offre. Il refuse toujours de mettre à contribution les plus aisés et les gagnants de la crise. La politique menée depuis 2017 aura été vaine : trois années pour rien !

En janvier 2020, Mme Buzyn affirmait avoir tiré la sonnette d'alarme sur l'hôpital public. Rien n'a été fait et nous en avons vu les conséquences. Avec la tarification à l'activité, la création d'un lit de réanimation génère un déficit de 115 000 euros. On en a donc réduit le nombre, entraînant les besoins criants que nous voyons aujourd'hui.

Le Gouvernement n'écoute aucune des oppositions : espérons qu'il écoutera la Cour des comptes !

La Cour salue l'action en faveur de l'hébergement des sans-abri - près de 300 000 personnes en France ont été mises à l'abri, en limitant le risque de contamination, alors que l'hébergement collectif comportait des risques. Pourquoi arrêter un dispositif qui fonctionne bien ? Les 326 millions d'euros de surcoût sont absorbables au vu de l'enjeu, sachant que le Président de la République s'était engagé à ce qu'il n'y ait plus aucun SDF fin 2017.

Rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », je salue l'efficacité du plan de rapatriement de 370 000 Français de l'étranger, le tout pour un coût maîtrisé. Cela montre l'intérêt de protéger notre réseau diplomatique et consulaire.

L'inclusion bancaire et la maîtrise des frais bancaires est un enjeu de justice sociale, que j'ai défendu dans une proposition de loi qui n'a pas trouvé grâce aux yeux du Gouvernement. Un quart des particuliers sont concernés et deux millions de Français sont en situation de fragilité bancaire. L'opacité des frais pour incidents de paiement et l'absence d'informations de la part des pouvoirs publics est un obstacle à une appréhension correcte. La Cour met ce sujet au coeur du rapport ; au Gouvernement de s'en saisir pour avancer.

Le rapport pose une question fondamentale, qui sera au coeur des débats de l'an prochain : qui va payer ? En fonction des décisions prises sur l'Unedic, les indemnisations pourront être maintenues ou devront être réduites.

Sortons des blocages idéologiques, budgétaires et fiscaux qui ont marqué ces dernières années ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Arnaud Bazin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2020, l'État a dépensé 455 milliards d'euros et récupéré 283 milliards d'euros de recettes, cumulant donc un déficit de 178 milliards d'euros.

En 2019, ce déficit était déjà de 93 milliards d'euros, hors de toute crise sanitaire. Les dépenses étaient financées à 23 % par la dette.

Le Haut Conseil des finances publiques a demandé une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Un consensus se dessine sur la stabilisation de la dette autour de 120 % du PIB. Cela impliquerait que le déficit reste autour de 3 %...

Il faut veiller à la qualité de la dépense publique. Les dépenses publiques n'ont pas servi à investir mais à arroser les sables d'une bureaucratie galopante qui ne sait qu'imaginer des normes et autres attestations...

Que reste-t-il de la promesse de supprimer 50 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat ? Rien ! L'investissement public net de dépréciation est nul en 2015 et 2016 et atteint à peine 0,4 % du PIB en 2019. On croirait commune fort mal gérée... Le budget de l'État ne participe même pas au financement du Grand Paris Express, qui sera pourtant un investissement rentable !

Résultat, l'État est incapable d'aider les conseils départementaux à supporter les conséquences sociales de la crise - or les dépenses sociales représentent 60 % de leurs dépenses de fonctionnement. Ces dernières années, les départements avaient amélioré leurs finances grâce à des efforts de gestion et à la dynamique des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), et ainsi pu augmenter leurs investissements.

Mais la crise sanitaire entraîne un effet ciseau, entre baisse des DMTO et explosion des dépenses sociales, notamment pour le RSA.

Face à ces difficultés prévisibles, l'État s'est montré indifférent en n'octroyant que 200 millions d'euros pour un maigre fonds de stabilisation. Il n'a pas reconduit les avances remboursables sur DMTO en 2021, a refusé de financer l'augmentation du RSA au-delà de 5 %, n'a pas répondu sur la perte de 10 % de contribution sur la valeur ajoutée (CVAE) et a privé les départements de la dynamique naturelle de TVA, compensant la perte du foncier bâti.

Les départements n'ont plus de levier fiscal pour équilibrer leurs comptes. Leur rôle sera pourtant essentiel en sortie de crise pour investir, lutter contre la pauvreté, agir pour l'autonomie, financer l'aide sociale à l'enfance et les collèges ou encore sécuriser les routes départementales.

Le Gouvernement doit s'engager sur une clause de sauvegarde pour compenser cet effet de ciseau. Sinon, les départements seront en situation de défaillance ! Je vous laisse imaginer les conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Pascale Gruny.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Ce débat annuel traduit la qualité des liens entre la Cour des comptes et le Parlement. L'une comme l'autre, nous travaillons à améliorer la transparence et la qualité de l'action publique.

Le rapport public annuel dresse le bilan du fonds de solidarité et de l'activité partielle. Cette dernière a évité des licenciements mais a mis à mal les finances de l'assurance chômage, déjà en déséquilibre avant la crise. Fin 2020, la dette devrait atteindre 54,2 milliards d'euros et le déficit 17 milliards d'euros, dont 9,2 milliards d'euros liés au financement de l'activité partielle.

Je m'interroge sur son coût réel. Dans le secteur privé, le dispositif a coûté quelque 30 milliards d'euros. Mais nous ne savons pas évaluer le coût du recours à l'autorisation spéciale d'absence dans la fonction publique. Il y a là un problème de transparence... D'autant que les agents publics concernés percevaient la totalité de leur salaire - contrairement aux salariés du privé. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas fait converger les modalités d'indemnisation ?

La Cour doit poursuivre ses investigations sur le coût réel du dispositif. Pas de confiance sans transparence des chiffres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes .  - Je suis très sensible à la place que le Sénat réserve à notre rapport, dans un agenda chargé. Il est important que nos travaux soient débattus, car ils sont destinés à éclairer le débat public. Le débat de cet après-midi me paraît plus vivant et plus riche que celui d'hier à l'Assemblée nationale.

Mme Pascale Gruny.  - C'est toujours ainsi !

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.  - Monsieur Requier, il est bon que le débat parlementaire suive de près la remise du rapport au Président de la République, par respect pour le Parlement.

Nous voulons nous inscrire dans le temps réel de la vie des Français. Il était évident qu'il fallait travailler immédiatement sur la crise sanitaire.

La tonalité de notre rapport est équilibrée. La Cour des comptes ne lit pas dans une boule de cristal. Nous contrôlons et évaluons mais nous devons aussi, de plus en plus, nous projeter.

Nous ne faisons pas dans le spectaculaire ou le croustillant ; nous pointons ce qui a manqué pendant cette crise en matière d'action publique, pour accroître notre résilience face aux crises à venir.

Je n'ai pas de jugement de valeur à porter sur les services publics. Mais les acteurs publics, parfois désarçonnés par la crise, ont été réactifs et innovants. Notre système public a tenu. Cela ne veut pas dire qu'on peut tout lui demander... La crise a été un test grandeur nature de sa robustesse.

Nos vues convergent largement et vos observations sont pour nous un aiguillon des plus précieux, et marquent la solidité de nos relations.

La Cour est à équidistance du Gouvernement et du Parlement, mais elle est à la disposition de ce dernier, et nous approfondissons certaines thématiques à la demande de vos commissions.

Le rapport public annuel 2022 sera plus complet et abordera des questions urticantes que nous n'avons pas eu le temps de traiter. Nous avons arrêté les compteurs à la fin de la première partie de la crise sanitaire.

Permettez-moi de revenir sur un sujet transversal et cher aux élus : les CCI. Elles n'exercent pas seulement des activités de service public, mais aussi des activités concurrentielles d'expertise et de conseil. De plus en plus, elles sont en compétition avec des opérateurs privés. Sans nier les activités de service public, il faut en tenir compte. Mieux vaudrait qu'elles se financent par ces activités privées que par une taxe affectée. Elles doivent faire la preuve de leur utilité pour justifier un financement public.

Après ce débat, nous serons amenés à nous revoir souvent et c'est heureux. Je viendrai devant la commission des finances rapidement en tant que président du Haut Conseil des finances publiques pour présenter son avis sur la loi de règlement et le programme de stabilité. Sur le rôle de ce dernier, je ne suis pas tout à fait d'accord avec Jean Arthuis...

Le Haut Conseil des finances publiques est un organe indépendant. Encore faut-il accroître ses moyens et élargir ses missions.

La parution de notre rapport sur le budget de l'État et nos travaux sur la stratégie d'évolution des finances publiques demandés par le Premier ministre suppléeront l'absence de chapitres sur ces sujets dans le présent rapport. Il eut été incohérent de revenir par deux fois en un mois sur ce sujet avec des données différentes.

Ces sujets essentiels mériteront des débats étayés ; je suis à la disposition de la représentation nationale pour poursuivre ces échanges, cruciaux pour l'institution que j'ai l'honneur de présider ! (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)

M. le président.  - Acte est donné de la remise du rapport public annuel.

La séance est suspendue à 18 h 50.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 18 h 55.

Conférence des présidents

Mme le président.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observation d'ici à la fin de la séance.

CMP (Nominations)

Mme le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Avis sur une nomination

Mme le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable (24 voix pour, aucune voix contre) à la reconduction de M. Jean-François Delfraissy à la présidence du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

« Quel rôle pour le préfet à l'heure de la relance ? »

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le rôle des préfets à l'heure de la relance.

M. Jean-Yves Roux, pour le groupe RDSE .  - Chaque crise majeure invite à repenser l'efficacité de l'État. Je pense à la lettre écrite par Léon Blum en 1918 sur la réforme gouvernementale.

La présente crise sanitaire, économique et sociale n'échappe pas à la règle. Elle agit comme un révélateur de dysfonctionnements, de rigidités, mais aussi de solutions qui mériteraient d'être pérennisées.

Le couple maire-préfet de département a joué un rôle central l'an passé, attestant d'une décentralisation et d'une déconcentration de fait.

C'est en effet vers les maires et les conseillers départementaux que nos concitoyens se tournent pour obtenir des réponses, tandis que les élus s'adressent au préfet.

Leur binôme contribue aussi à faire accepter les mesures de restrictions sanitaires nécessaires.

Cette décentralisation doit être généralisée à l'ensemble de nos territoires. Le représentant de l'État dans le département a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois.

Si nous sommes, comme le dit le Président de la République, en état de guerre sanitaire, les préfets de département doivent jouer un rôle majeur. Ils sont souvent, hélas, loin de l'état-major...

D'autant que des administrations comme l'Éducation nationale échappent encore largement à la déconcentration.

L'agence régionale de santé (ARS) ne peut répondre à chacun des élus ; le préfet le peut. Nous disposons pour cela d'un outil quelque peu oublié : le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration, qui traite des missions des préfets de département et de région à l'égard des administrations déconcentrées, et de l'adaptation aux spécificités des territoires concernés.

En outre, la Conférence nationale de l'administration territoriale de l'État a « toute légitimité pour proposer au Premier ministre tout projet de modification législative ou réglementaire nécessaire à la modernisation et à l'efficacité de l'administration territoriale de l'État ». Nous y sommes prêts !

Le projet de loi 4D arrive. Nous veillerons à ce que la décentralisation de fait devienne une décentralisation de droit.

Mais le temps de la loi et des décrets est long, aussi proposons-nous que soient lancées des expérimentations préalables à la loi 4D, pour renforcer dès à présent le rôle des préfets de département dans les territoires ruraux : ils deviendraient les interlocuteurs décisionnaires des élus et s'appuieraient sur le maillage des sous-préfectures. « Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d'agir », disait Einstein.

Alain Lambert, auditionné par la délégation aux collectivités territoriales, indiquait que peu de préfets utilisaient leur pouvoir de dérogation, pourtant utile. Il convient d'en améliorer l'usage.

En temps de crise, il faut aller plus loin dans la déconcentration et la décentralisation. Nous sommes prêts à travailler avec les grands serviteurs de l'État que sont les préfets. Eux et nous savons combien la proximité n'est pas un simple principe, mais bien une condition de l'efficacité de nos actions communes. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je me réjouis de ce débat. Le 3 septembre, le plan de relance, doté de 100 milliards d'euros, était annoncé.

Nos priorités sont claires : accélérer la transformation écologique, économique et numérique. Ce plan se déploie rapidement : 11 milliards d'euros avaient été dépensés en décembre pour la SNCF, les collectivités territoriales, les ménages avec MaPrimeRénov', « Un jeune, une solution », etc...

Ce déploiement s'accélère depuis avec 16 milliards d'euros dépensés à ce jour, auxquels s'ajoutent les 10 milliards d'euros de baisse d'impôts de production.

Nous avons associé les services déconcentrés de l'État pour décliner ce plan localement, sous l'autorité des préfets. Un référent relance, qui peut être l'un des trente sous-préfets, est désigné dans chaque département comme interlocuteur unique et coordinateur entre les différents opérateurs concernés.

Les préfets doivent associer les collectivités territoriales à la mise en oeuvre du plan de relance. Sur les 100 milliards d'euros du plan, 16 milliards d'euros leur seront consacrés, dans des enveloppes régionalisées. Les élus sont associés au déploiement du plan et un guide a été envoyé aux maires à cet effet.

La territorialisation sera un gage d'efficacité, d'adaptabilité et d'équité. Elle passe d'abord par des accords régionaux - dont neuf ont déjà été signés - qui peuvent être déclinés au niveau départemental et intercommunal. Les contrats de relance et de transition écologique devront aussi préciser les objectifs poursuivis par les politiques publiques, dans la durée et pour chaque territoire.

Le premier contrat de relance et de transition écologique (CRTE) a été signé à Nantes fin février. Un second l'a été avec la métropole de Lyon. Ce fut également le cas avec la Charente-Maritime, de la Gironde ou encore de l'Ardèche. Il faut accélérer cette dynamique : la totalité des territoires devrait être couverte d'ici fin 2021.

Nous privilégions autant que faire se peut les mesures locales. Nous travaillons avec les référents, les départements et les communes dans le domaine de la transition écologique et des politiques énergétiques. Au regard de la forte demande, le Gouvernement a ajouté 150 millions d'euros aux 400 millions prévus pour le développement industriel des territoires.

L'État travaille avec les communes et les départements pour la rénovation énergétique des collèges et des écoles. La DSIL France Relance est dotée d'un milliard d'euros pour soutenir l'investissement local au titre de l'accompagnement énergétique.

Monsieur Roux, vous avez évoqué les perspectives ouvertes par la loi 4D. Nous aurons l'occasion d'en débattre.

Je vous remercie de débattre de ce thème ce soir et je me réjouis des questions que vous allez me poser.

Mme Cécile Cukierman .  - Lors de leur prise de fonction en décembre et janvier derniers, plusieurs préfets à la relance ne connaissaient pas l'enveloppe financière dont ils disposaient...

Alors que les élus locaux sauraient gérer ces crédits, le Gouvernement souhaite manifestement garder la main. Certes, 8 milliards d'euros sont affectés aux régions dans les CPER et les CRTE, mais cela manque de carté entre les nouveaux crédits, les recyclages et les reports.

La transparence doit être de mise dans le processus de décision. Comment allez-vous la garantir, ainsi que l'égalité entre les territoires ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Ces crédits relèvent des politiques nationales, sans rapport avec les collectivités territoriales. Ainsi en est-il de MaPrimeRénov' ou de la prime à la reconversion du parc automobile.

Les 100 milliards d'euros du plan de relance sont avant tout des crédits d'État, pouvant être articulés avec les moyens et les politiques des collectivités territoriales.

Nous veillons à associer les collectivités territoriales dès que possible, notamment dans le cadre des CPER ou pour la rénovation énergétique des collèges et des lycées - avec deux enveloppes de 300 millions d'euros chacune.

Les critères d'éligibilité sont connus et transparents. Enfin, les choix des préfets n'ont jamais été remis en cause au niveau de l'État central.

Mme Cécile Cukierman.  - Cela me rassure que nous ne soyons pas d'accord sur tout ! La Gazette des communes indiquait cette semaine que l'État utilisait une partie des crédits du plan de relance pour lui-même et notamment la rénovation énergétique de ses propres bâtiments !

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous avons compris que l'objectif du plan de relance était d'agir vite pour soutenir l'économie, d'où la nomination de sous-préfets ad hoc. Seront-ils déployés dans tous les départements ?

Les élus ont apprécié le milliard supplémentaire de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) accordé l'an passé. Des enveloppes complémentaires sont-elles prévues pour répondre à l'objectif de transition énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Nous avons nommé trente sous-préfets à la relance. Dans les autres préfectures, des référents relance ont été désignés. D'autres sous-préfets pourraient être nommés si le besoin de muscler le dispositif se faisait sentir.

Une partie du milliard d'euros supplémentaires de la DSIL pourra être dépensée en 2021, année pour laquelle une enveloppe de 3,7 milliards d'euros a été votée pour la rénovation énergétique des bâtiments : 2,7 milliards pour les bâtiments de l'État et les universités et 950 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Les notifications seront connues dans les tout prochains jours par les préfets.s

Les projets DETR seront éligibles à cette DSIL verte. En outre, les préfets ont été exonérés de la règle de minimis de 20 % pour les collectivités territoriales qui n'auraient pas les moyens de financer cette part.

M. Michel Canevet.  - Nous nous réjouissons des opérations de rénovation énergétique sur les bâtiments d'État et de l'enveloppe dédiée aux collectivités territoriales, mais il faut désormais relayer l'information.

M. Hervé Gillé .  - Le 16 juillet, le Premier ministre rappelait son souhait de s'appuyer sur les territoires pour que l'État puisse agir en proximité. Mais cette option n'a pas été retenue à l'heure du déploiement du plan de relance.

La majorité des crédits étant sous la responsabilité des préfets, les élus locaux ne peuvent en disposer, ce qui témoigne d'un manque de confiance envers les territoires.

Les différences de traitement des élus locaux dans les territoires témoignent de l'absence de cap gouvernemental. Certains préfets limitent au minimum les échanges avec les élus ; c'est le cas dans mon département. Comment les élus peuvent-ils faire vivre le plan de relance sans y être associés ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Je le rappelle : il s'agit de crédits d'État qui répondent aux priorités qui lui appartiennent. Nous associons les élus locaux autant que possible ; c'est une nécessité pour la mise en oeuvre du plan de relance.

Votre département de la Gironde a signé un accord de relance avec l'État et obtenu 40 millions d'euros pour des projets qu'il a choisis. Le débat a été plus fécond que le laisse entendre votre question.

M. Hervé Gillé.  - Je parlais de la méthode partagée sur tous les territoires. Il n'existe pas de cadre commun. Les parlementaires ne sont pas associés. Cela rend difficile toute évaluation de cette politique publique. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les communes et EPCI bénéficient de moyens financiers importants via le plan de relance pour investir rapidement.

Les travaux portés par les collectivités territoriales nécessitent cependant d'établir des dossiers préalables et les services instructeurs sont souvent saturés. Cela se comprend au regard de la crise sanitaire et du nombre de dossiers déposés, mais ne permet pas d'atteindre l'objectif de rapidité. Je pense notamment à l'archéologie préventive qui répond parfois tardivement.

Les préfets ne pourraient-ils pas être simplificateurs et facilitateurs ? Des dérogations ne seraient-elles pas envisageables ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Nous avons demandé de simplifier au maximum l'instruction des dossiers, mais il existe un cadre législatif et règlementaire, même assoupli par la loi ASAP qui a exonéré les collectivités de la règle des 20 %.

De même, nous avons augmenté le seuil à partir duquel les marchés publics sont obligatoires, de 40 000 à 100 000 euros.

Ces deux éléments ont d'ores et déjà un impact : un quart de la DSIL supplémentaire a été consommé ; l'État a sélectionné 4 200 bâtiments à rénover et 500 marchés ont déjà été notifiés aux entreprises.

Nous simplifions à chaque fois que cela est possible.

M. Philippe Mouiller.  - Il faut aller encore plus loin dans la simplification, en renforçant les moyens humains des services instructeurs.

Les services de l'État pourraient d'eux-mêmes, spontanément, réduire les délais. Sans modifier la loi, on peut aller plus vite et plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - Je remercie le RDSE pour ce débat. Dans le contexte de la crise sanitaire, le rôle du préfet est primordial.

Le plan de relance a pour but de reconstruire le tissu économique et l'attractivité des territoires. La tâche du préfet est immense. Au-delà de ce rôle de développeur, le préfet doit accompagner les collectivités territoriales.

Pendant les premiers mois de la crise, nous avons pu constater l'efficacité du couple maire-préfet pour adapter les mesures à la réalité du terrain et je m'en réjouis. À l'heure de la relance, ce lien doit perdurer.

Dans le cadre de la différenciation, le rôle du préfet sera-t-il renforcé, notamment dans les territoires ruraux ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Les débats sur le projet de loi 4D seront l'occasion d'approfondir la question de la différenciation.

Je suis convaincu que le couple maire-préfet fonctionne dès lors que chacun... est l'interlocuteur de l'autre ! Mais pour cela, il faut des marges de manoeuvre et une capacité d'adaptation.

J'ajoute à l'attention de M. Mouiller que la dernière circulaire du Premier ministre aux préfets insiste sur la nécessité de réduire les délais d'instruction.

M. Daniel Chasseing.  - L'État être le garant de l'égalité de tous les territoires, y compris les territoires hyper-ruraux. Cela passe par la différenciation. Le rôle de l'État est fondamental pour assurer la présence des professionnels de la santé, le maintien des services publics ou le soutien à l'agriculture.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Le 14 novembre, plus d'une centaine de maires ont lancé un appel au Gouvernement pour que 1 % du plan de relance soit consacré aux Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces revendications ont été entendues mais une inquiétude demeure sur la déclinaison opérationnelle. Les élus locaux déplorent le manque d'informations de la part des services locaux de l'État. C'est le cas dans le Val-de-Marne.

Il ne semble pas y avoir de pilotage centralisé ni de fléchage. Comment faire en sorte que cet argent arrive dans ces quartiers qui en ont bien besoin ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Outre le milliard d'euros fléché vers les QPV, le Premier ministre a annoncé 3,3 milliards d'euros supplémentaires.

Élisabeth Borne et Nadia Hai veillent à la déclinaison et au suivi de ces crédits. Nous avons développé un outil qui rend compte des réalisations du plan de relance et élaboré un guide pratique à l'attention des maires faisant apparaître les critères d'éligibilité et le calendrier des appels à projet.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Je prendrai l'attache des ministres que vous citez. Je tiens à vous alerter sur l'utilisation des crédits, notamment dans le cadre du plan « Un jeune, une solution » : les missions locales attendent encore, cependant, la notification des crédits supplémentaires à percevoir.

N'oublions pas non plus les quartiers en veille active.

Mme Nicole Duranton .  - Lors des questions au Gouvernement du 4 novembre, j'ai demandé des précisions sur l'installation des sous-préfets à la relance. Depuis, trente sous-préfets à la relance sont entrés en fonction. Au total, ce sont cent un référents relance.

Je profite de ce débat pour saluer le travail remarquable du préfet et des sous-préfets de l'Eure.

De nombreux sujets sont entre les mains du préfet : la revitalisation des friches pour éviter l'étalement urbain et parvenir à zéro artificialisation nette ou l'inclusion numérique, promue par une circulaire du 4 février 2021 et dont l'enveloppe de 280 millions d'euros a été portée à près d'un milliard d'euros.

De nombreuses mesures ont été mises en place depuis le début de la crise : contrats de relance, DSIL additionnelle, subventions aux entreprises, CRTE, programmes territoires d'industrie, appels à projets divers, etc.

Les maires sont parfois un peu perdus face à la diversité d'outils et d'interlocuteurs.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Nous devons informer les élus locaux : le guide de la relance est là pour cela. La publication du calendrier sur tous les appels à projets est une préconisation de la mission parlementaire sur la territorialisation du plan de relance.

Les contrats de relance et de transition écologique doivent être les plus lisibles possible, en lien avec les accords régionaux et les CPER.

Tous ces outils n'ont pas vocation à se superposer. Ainsi, le contrat de relance écologique se substitue à d'autres outils contractuels.

Nous tâchons d'informer au mieux, en nous appuyant sur tous les acteurs des territoires, notamment les référents relance que je félicite pour leur travail.

M. Stéphane Artano .  - Le préfet est souvent le bras armé de l'État. Pour Odilon Barrot, c'était « le même marteau qui frappe, mais avec un manche plus court »... Nous n'en sommes heureusement plus là, et l'Acte I de la décentralisation a fait évoluer son rôle vers plus de partenariat : le préfet est aujourd'hui un acteur local presque comme les autres.

Mais dans mon territoire, le préfet joue un rôle central et il est parfois tenté d'interférer dans les affaires des collectivités territoriales. Il me semble de mauvaise politique qu'il devienne juge de l'opportunité de décisions qui relèvent entièrement des collectivités territoriales, comme le goudronnage d'une piste submersible.

Quelles règles garantissent le respect de la libre administration des collectivités ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe SER ; Mme Brigitte Lherbier applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Je ne connais pas le préfet de Saint-Pierre et Miquelon. Je ne peux donc pas me prononcer. Mais sachez que l'État reste attaché, lui aussi, au respect de ses propres compétences.

Nous travaillons à Saint-Pierre et Miquelon avec une enveloppe de 2,3 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Je pense que tout se passe en bonne intelligence mais si vous me signalez des difficultés, je me pencherai sur le dossier.

M. Stéphane Artano.  - Il faut que chacun reste à sa place. Lorsque l'État met zéro financement, il n'a pas à se prononcer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur diverses travées)

M. Yves Détraigne .  - Comment les préfets à la relance peuvent-ils faciliter les démarches et raccourcir les délais ? Certaines administrations déconcentrées n'ont pas abandonné leur interprétation restrictive de la loi et continuent à accabler de contraintes les porteurs de projet...

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Le Premier ministre, dans sa circulaire sur la territorialisation, a demandé aux services de l'État de réduire les délais d'instruction et de simplifier les procédures. Nous y veillons dans l'ensemble de nos services déconcentrés, mais aussi à la DGFiP et plus largement au ministère, afin d'éviter toute double instruction. En outre, le référent relance doit être l'interlocuteur unique.

Il peut y avoir des difficultés. Il y a aussi des critères à respecter pour que les dossiers soient éligibles. Si vous avez connaissance de difficultés, faites-le moi savoir. Mais je n'ai pas entendu parler de tels blocages chez vous...

M. Yves Détraigne.  - Il n'y a pas de problème dans la Marne : c'est que j'interviens au nom d'un collègue absent.

M. Franck Montaugé .  - Le professionnalisme des fonctionnaires de l'État doit être salué : leur mérite est encore plus grand si l'on considère les incertitudes, les ordres et contre-ordres,...

Pour suivre des indicateurs relatifs à la santé, au social, à l'économie, et mieux cerner l'évolution de la situation, un tableau de bord normé nous serait très utile. Le plan de relance et l'ensemble de l'action de l'État au plan local devraient être suivis de la sorte. Le prévoyez-vous ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Un site internet, relance.gouv.fr, fait apparaître quinze items avec un tableau de bord quantitatif et qualitatif de suivi de l'application du plan de relance, département par département. La situation du Gers y apparaît avec précision. Par exemple, on apprend que 600 Gersois ont bénéficié de MaPrimeRénov' ; le site indique aussi combien de jeunes ont été recrutés en apprentissage, combien font l'objet d'un autre accompagnement.

Il n'existe pas de tableau unique consolidé. Cela serait certainement utile, mais le Gouvernement préfère concentrer ses efforts sur la réponse concrète à la crise.

Nous veillons à associer les élus. Je vous remercie d'avoir salué l'action du préfet Brunetière. J'ai visité récemment avec lui des entreprises et des associations du Gers, elles semblaient satisfaites de leur collaboration.

M. Franck Montaugé.  - Les préfets pourraient jouer un rôle moteur sur la démarche documentée que j'appelle de tous mes voeux - au-delà même de cette crise.

Cela pourrait aussi s'appliquer aux contrats de relance et de transition énergétique. Les préfets et les élus doivent être associés à ce processus de progrès collectif.

Mme Brigitte Lherbier .  - De nombreuses entreprises sont sous perfusion. Un retrait brutal entraînerait leur mort subite. Au tribunal de commerce de Lille Métropole, le président Éric Feldmann se bat afin que les entreprises le sollicitent dès les premières difficultés, pour trouver avec lui des solutions. Lui et le préfet ont mis en place une coopération utile, qui a sauvé 3 000 emplois.

De telles énergies sont vitales pour nos territoires. Y êtes-vous favorable ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Je serai bref : oui ! (Sourires)

Nous y sommes favorables, à condition de laisser un maximum de liberté aux acteurs locaux - chambre de commerce et d'industrie, tribunal de commerce, élus locaux, etc.... En visite dans le Nord, j'ai pu constater la mobilisation de tous dans les instances de concertation pilotées par le préfet.

Grâce aux mesures de soutien, le nombre de liquidations en 2020 a été inférieur d'environ 40 % à ce qu'il était en 2019. Cela nous incite à un débranchement très progressif des aides. Certaines mesures du plan de relance pourront être arrêtées, d'autres devront être pérennisées. Nous devrons faire des choix très judicieux à cet égard. C'est une responsabilité. Les mesures prises ne seront pas soutenables dans le temps long.

Mme Brigitte Lherbier.  - J'invite mes collègues à solliciter les tribunaux de commerce, qui sont toujours de bon conseil.

Mme Annie Le Houerou .  - Le plan de relance de 100 milliards d'euros est inédit mais les moules sont trop souvent façonnés à Paris et les acteurs locaux doivent se livrer à bien des contorsions pour y faire entrer leurs projets.

Réarmer les territoires ? Réarmez plutôt les collectivités, en leur apportant l'ingénierie manquante ! Les appels à projets favorisent les plus réactifs, les mieux équipés ; mais les projets les plus adaptables au moule ne sont pas forcément les plus fructueux pour le territoire considéré.

Il manque de la cohésion et de l'animation locale face à la multitude des dispositifs - voyez, pour les jeunes, la garantie Jeunes, le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi, le contrat initiative emploi, l'insertion par l'activité économique, le parcours emploi compétences et j'en passe. Il serait temps d'évaluer la pertinence de la méthode des appels à projets, et de se pencher sur la multiplicité des dispositifs.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Les comités locaux de l'emploi ont un rôle à jouer même si leurs capacités sont inégales d'un département à l'autre. Je partage une partie de votre diagnostic sur le besoin d'ingénierie dans les territoires.

Chaque fois que possible, nous privilégions des modalités d'attribution calquées sur le modèle de la DSIL ou de la DETR, plutôt que des appels à projets.

En outre, le Premier ministre a demandé aux préfets de laisser un mois de plus de délai aux petites communes pour présenter leurs dossiers.

Enfin, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) accorde des crédits d'aide à l'ingénierie. Je l'ai constaté lors d'un déplacement à Aurillac.

Mme Catherine Belrhiti .  - Le Gouvernement a voulu faire piloter le plan de relance par des hauts fonctionnaires dédiés. Ceux-ci ont pour mission en particulier de s'assurer que les fonds ne sont pas orientés préférentiellement vers les grands groupes et les grandes collectivités.

Mais ces postes ne sont-ils pas redondants avec ceux du développement économique ? N'y-a-t-il pas un risque de court-circuitage de ces derniers ? Que répondez-vous à l'accusation de jacobinisme déguisé ?

Les sous-préfets, qui ont une moyenne d'âge de 30 ans, ont été recrutés dans des grands groupes, parfois dans les services de communication. Ils sont trop éloignés des problématiques économiques locales. En outre, leur apprentissage fera perdre un temps précieux. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils viennent plutôt des secteurs de l'économie productive. Quelle est la plus-value réelle de ces sous-préfets ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Il nous est plus souvent reproché l'absence de sous-préfet à la relance dans un département... Je n'ai guère entendu dénoncer une redondance.

Nous avons reçu 400 candidatures. Nous souhaitions attirer des candidats issus d'horizons divers, par cohérence avec la réforme de la fonction publique qui vise à favoriser la mobilité interministérielle et inter-versants. Ces sous-préfets sont, pour une trentaine, exclusivement réservés à la relance, et ont un rôle de coordination. Leur plus-value est extrêmement sensible, car ils débloquent les dossiers et soutiennent les collectivités dans le processus.

Mme Catherine Belrhiti.  - Nos remontées viennent du terrain.

M. Jean-Baptiste Blanc .  - La crise sanitaire a remis la verticalité à l'ordre du jour. La nomination d'un sous-préfet à la relance en est un exemple. Souvent, les sous-préfets méconnaissent les territoires. Ce sont des rustines, des patchs pour cacher le démantèlement de l'État : car les services préfectoraux sont vidés de leurs experts, qui ont au fil du temps rejoint les agences.

Au regard de l'inflation galopante du corps préfectoral, ces recrutements sont étonnants. On a le sentiment d'une approche toujours plus « technocratique ». Pourquoi ne pas avoir dépêché sur place des agents du contrôle économique et financier de Bercy ? Il paraît qu'il y en a 300, qui pourraient servir...

Le préfet pourrait être un médiateur, qui sache simplifier les démarches dans le magasin de farces et attrapes qu'est devenu l'État avec ses appels à projets et aides de toute sorte.

Le bon échelon, c'est le département. Il faut s'appuyer sur le préfet départemental !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - L'État, magasin de farces et attrapes ? J'ai trop de considération pour les agents de l'État pour laisser passer cette expression.

Tant de départements sont heureux de disposer d'un sous-préfet à la relance... Vous mettez en cause le travail de celles et ceux qui défendent l'État au quotidien.

M. Laurent Burgoa .  - Il y a peu votre Gouvernement voulait promouvoir une relation maire-préfet plus étroite. Pourtant certaines dotations sont attribuées de façon occulte par des hauts fonctionnaires qui n'ont de comptes à rendre à personne. Au moins, la réserve parlementaire était répartie par des parlementaires qui, eux, rendent des comptes...

Les grandes villes, par leurs services d'ingénierie et leur proximité avec le préfet, ont un avantage sur les petites communes pour obtenir des aides. Il faut s'inspirer des modalités d'attribution de la DETR, avec des comités regroupant parlementaires, élus et préfets.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - C'est le cas. Nous veillons aussi à ce que les petites communes aient plus de temps - un mois de plus - pour rendre leurs dossiers. Les préfets ont des comptes à rendre, au Premier ministre, aux ministres, je vous rassure !

M. Hervé Gillé.  - Mais pas aux parlementaires !

M. Laurent Burgoa.  - Monsieur le ministre, je vous écoute depuis tout à l'heure. Vous maîtrisez parfaitement la théorie, mais les maires ruraux du Gard, dans des communes de 50 à 100 habitants, n'ont pas le temps de lire un document de 50 ou 100 pages. Il serait temps qu'à Paris, on intègre ces réalités. Ne soyez pas hors sol ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Else Joseph .  - La crise sanitaire a révélé les fragilités, les lenteurs et inadaptations de l'organisation de l'État. Pourtant, les Français y sont attachés. Nous avons raté la crise, ne ratons pas la reprise ! Pour cela, il faudra agir au plus près du terrain.

Les préfets sont aux côtés des collectivités territoriales pour développer des projets économiques et industriels. Mme Primas proposait il y a un an de créer des taskforces de simplification administrative. C'est nécessaire pour relocaliser les activités économiques. On peut imaginer une articulation entre les différents échelons publics mais aussi avec les acteurs privés, autour du préfet.

Quel est le rôle du préfet en tant que délégué territorial de l'ANCT ?

Quelle articulation entre le préfet et le sous-préfet à la relance ? Quels liens avec les acteurs économiques, par exemple pour les friches contrôlées par l'État ?

Le préfet est plus qu'une image d'Épinal de la déconcentration. II doit aussi être l'incarnation de l'État stratège. Pourquoi ne pas renforcer ses compétences en matière d'éducation et de santé ? Sachons réinventer le rôle de l'État dans une logique de complémentarité avec les élus locaux - comme l'illustre le pacte Ardennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - La représentation de l'État dans les départements est assurée par le préfet, qui a autorité sur les sous-préfets à la relance. Il est aussi délégué de l'ANRU et de l'ANCT.

Pour que le préfet ait autorité sur les administrations de santé, il faudrait modifier la loi et revoir le périmètre de l'organisation territoriale de l'État, qui n'englobe pas les administrations de santé, les administrations militaires, les administrations des finances publiques, ni les représentations territoriales du ministère de l'Éducation nationale. Ce serait un modèle nouveau. Le débat serait certainement intéressant, mais il n'est pas ouvert à ce stade.

Monsieur Burgoa, vous êtes conseiller départemental depuis cinq ans et avez été adjoint au maire de Nîmes pendant trois ans : c'est une expérience substantielle. Pour ma part, ayant été député de l'Ardèche et maire d'une commune de 17 000 habitants pendant plus de dix ans, j'estime ne pas avoir de leçons à recevoir sur ma capacité à tenir le sol !

M. Bernard Fialaire, pour le groupe RDSE .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Quel rôle pour le préfet, à un moment où la société qui a besoin de clarté et d'autorité ?

Le plan de relance de 100 milliards d'euros sur deux ans vise à reconstruire le tissu économique local, accompagner la transition écologique et lutter contre la précarité. Sa mise en oeuvre sera territorialisée ; deux comités de pilotage et de suivi, au niveau régional et départemental, ont été créés.

Le déploiement du plan de relance passera par un accord régional de relance signé entre l'État et la région en parallèle du CPER.

Un contrat de relance et de transition écologique pourra être signé entre l'État et les collectivités, sur des projets qu'elles cofinanceront. Certains crédits seront gérés de façon déconcentrée, d'autres seront placés sous l'autorité du préfet.

Manifestement, il faut mieux coordonner les efforts de relance. La superposition des niveaux de décision, des couches contractuelles, des enveloppes est source de confusion et de retards. La double contractualisation avec les collectivités prendra du temps.

Les collectivités ne sont pas des opérateurs de l'État, elles attendent une meilleure reconnaissance de leur rôle.

Or la grande majorité des financements destinés à irriguer les territoires restent octroyés par les préfets, de façon verticale, sans prise en compte de la vision stratégique des collectivités. Une simplification s'impose si l'on ne veut pas encore retarder le stimulus...

Le déploiement de sous-préfets à la relance ne risque-t-il pas de court-circuiter les préfets et de brouiller les relations établies avec les élus locaux ? Ne feront-ils pas doublon avec les commissaires au redressement productif et les 450 sous-préfets en poste ?

La crise sanitaire nous a éclairés sur la difficile coordination des services déconcentrés et sur l'absence de pilotage du millefeuille administratif. Ainsi, l'autonomie des ARS ou de l'ANRU complique la mise en oeuvre des politiques publiques dans les territoires.

Les interférences de la double tutelle locale et nationale sont nombreuses. Le décret de 2020 accorde au préfet un pouvoir de dérogation aux normes réglementaires dans sept domaines afin de réduire les délais et faciliter l'accès aux aides. Cette mesure de simplification sera particulièrement appréciée dans le cadre du plan de relance et nourrira le dialogue au niveau local.

Merci à tous ceux qui ont participé à ce débat. Comme l'a dit Jean-Yves Roux, le RDSE sera très attentif au projet de loi 4D. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier.  - Très bien.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

La séance est suspendue à 20 h 30.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 22 heures.

« Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? »

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? », à la demande du groupe CRCE.

M. Jérémy Bacchi, au nom du groupe CRCE .  - Le sport transcende les clivages, y compris dans cet hémicycle. Sa portée universelle nous permet de mettre de côté nos différends. Face au délitement de la société, il fait partie des outils de la République émancipatrice que nous souhaitons et permet aux populations fragiles d'échapper aux difficultés du quotidien. Ce n'est pas un hasard si la fermeture des lieux sportifs s'accompagne d'une hausse de 80 % des troubles psychologiques chez les moins de 15 ans.

La pandémie nous oblige à revoir notre objectif de trois millions pratiquants supplémentaires d'ici les Jeux de 2024. Aujourd'hui, 180 000 clubs et 108 fédérations sont en souffrance, plus de 70 000 structures craignent de ne pas pouvoir rouvrir. Le nombre de licenciés a baissé de 30 % ; 260 millions d'euros de cotisations ont été perdus.

Je me suis récemment rendu au comité de veille de la Busserine, dans les quartiers nord de Marseille. Là-bas, 65 % des licenciés qui ne sont pas revenus Pire, les locaux sont occupés par des dealers que les bénévoles craignent de ne plus pouvoir faire partir.

Les recettes liées aux événements et au sponsoring ont baissé de plus de 120 millions d'euros. Je salue le soutien apporté aux clubs : 92 % des collectivités territoriales, premiers financeurs du sport français, ont augmenté leurs contributions.

Les pouvoirs publics se doivent de répondre à ces trois questions : qu'est-ce qui a été fait jusqu'ici, quelles réponses apporter dans les semaines et les mois à venir, et quelles leçons tirer de cette situation ?

Madame la ministre, les réponses de votre ministère de tutelle ne sont pas satisfaisantes, notamment pour le sport amateur : 900 000 euros du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et de l'Agence nationale du sport (ANS), 15 millions au titre de l'aide d'urgence, les 100 millions du Pass'Sport. Il faut y ajouter le chômage partiel et le prêt garanti par l'État (PGE) qui bénéficient à 30 000 associations employeurs.

Le déséquilibre avec le monde professionnel est patent. Un président de club amateur me disait récemment : « le sport spectacle, le sport-business où de gros intérêts sont en jeu est visiblement plus important que les autres, on ne l'a pas sacrifié. L'économie prime sur tout, on l'a compris... »

Il est vrai que le sport professionnel a perdu 1 milliard d'euros de recettes et que 350 000 emplois directs sont menacés, ainsi que des milliards d'euros de rentrées fiscales. Mais les clubs professionnels ont bénéficié de 600 millions d'euros de PGE. Ce deux poids, deux mesures interroge.

Du reste, les compétitions amateurs ont été interdites, mais les compétitions professionnelles maintenues. C'est incompréhensible ! Ainsi, des clubs de Martigues, Marseille et Sète, seul celui de Martigues, en Nationale 2, est interdit de compétition. Or il est aussi structuré qu'une équipe professionnelle.

Il y a deux politiques sanitaires et sportives : une pour les amateurs qui ne rapportent pas d'argent, mis en extinction, et une pour les professionnels, pour qui le jeu en vaut la chandelle.

Les compétitions amateurs reprendront-elles, en extérieur ou en salle ? Il a déjà été annoncé que la saison de Nationale 2 était terminée.

Le nouveau masque Salomon est-il une porte de sortie et, le cas échéant, les clubs seront-ils aidés pour en acquérir ?

Plus généralement, le sport professionnel est-il devenu fou ? Moi-même, je suis victime de cette schizophrénie : je voudrais voir les joueurs de mon club de coeur, l'OM, toutes les semaines, tout en restant attaché à l'esprit sportif historique français.

Certains clubs ont exprimé des velléités d'indépendance vis-à-vis de l'État, tout en attendant son soutien financier : toujours la privatisation des profits et la mutualisation des pertes ! La solidarité entre sport professionnel et amateur - les clubs amateurs assurant la pré-formation des jeunes pour les clubs professionnels, qui les soutenaient financièrement en retour - perdurera-t-elle avec le retrait de l'État ?

L'une des conséquences du scandale Médiapro, passée sous silence, est de priver les clubs amateurs d'une manne essentielle. Leur risque d'endettement est réel et suppose de réfléchir au financement du sport.

L'Assemblée nationale a examiné la semaine dernière une proposition de loi sur la démocratisation du sport, déjà annoncée par Laura Flessel en 2017. C'est une bonne nouvelle, mais je partage la colère de la députée Marie-George Buffet : comment démocratiser sans réguler le sport professionnel, ni s'atteler à la gestion de l'État, ni évoquer le sport scolaire, ni enfin s'atteler aux freins à la pratique ? Le sport ressemble à un champ de ruines. Ce texte doit être l'occasion de refonder les pratiques pour faire vivre les valeurs sportives.

Je sais qu'ici, nombreux sont ceux qui partagent cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du GEST et du groupe Les Républicains)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vous nous annonciez il y a trois semaines que le sport amateur ne reprendrait pas avant plusieurs semaines, à Pâques, voire à la Trinité ou, qui sait, aux calendes grecques ? Ironie du sport, à la veille des Jeux olympiques...

Plusieurs fédérations ont déjà annoncé l'arrêt du sport amateur pour cette saison. Pourtant, c'est l'impact individuel et collectif du sport, son caractère essentiel pour la santé physique et l'hygiène mentale, qui devraient guider nos décisions.

Il est heureux que le Président de la République ouvre des perspectives, mais la majorité se gargarise de belles paroles. Certes, beaucoup d'efforts financiers ont été faits mais les jeunes doivent être notre priorité, car ils subissent les restrictions plus que d'autres. Quel est votre projet pour eux ?

Quelles nouvelles alarmes de santé nous faut-il encore attendre pour que le Gouvernement agisse ? L'heure n'est plus au pansement sur une jambe de bois - et les jeunes ne sont pas des jambes de bois. L'inactivité et la sédentarité sont une entaille profonde dans la santé publique.

Les jeunes, premiers touchés par la démoralisation de masse, sont bien une génération sacrifiée, même si le terme est galvaudé. Dans leur vie, une année compte pour beaucoup plus.

Quelles activités sportives allez-vous leur proposer ? Selon quel agenda et avec quels moyens ? Comment dépasser l'horizon funeste de l'inactivité des jeunes ? Le sport a-t-il encore une place dans la politique de ce Gouvernement ? On se le demande...

Je remercie le groupe CRCE d'avoir pris l'initiative de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes CRCE et Les Républicains)

M. Jean-Jacques Lozach .  - Je félicite à mon tour le groupe CRCE.

Le sport sortira affaibli de la crise sanitaire. Des clubs fermeront, des licenciés auront disparu. L'écosystème sportif est touché. Je reconnais les actions menées mais il faut une politique publique affirmée et globale.

Le service public du sport est un bien à partager. Il faudrait prendre au moins trois mesures exceptionnelles : porter de 60 à 80 % le plafond de réduction fiscale, traiter les acquisitions de licences en dons éligibles à un crédit d'impôt et relever le plafond des taxes affectées à l'ANS.

Le Pass'Sport doit devenir une orientation structurelle de nos politiques. D'après une enquête, 40 % des élèves ont vu leur masse graisseuse augmenter ; leur capacité aérobie a reculé de 16 %. Le rapprochement des ministères de l'Éducation nationale et du Sport restera un symbole tant que le nombre d'heures d'EPS ne sera pas augmenté, de la maternelle à l'université.

Le retour à la vie normale s'accompagnera d'une soif d'expression corporelle que l'État devra soutenir. Il faudra aussi encourager d'autres formes de financement, comme le mécénat.

Il convient également de développer la mixité dans le sport, de lutter contre le sexisme et de mieux inclure les personnes en situation de handicap.

Nos équipements sportifs, notamment les piscines, oubliées depuis le grand plan d'équipement de 1971, doivent être modernisés avec un accent mis sur la mixité des usages - sport de haut niveau et de loisirs.

Les exigences territoriales et environnementales devront être prises en compte.

Depuis les années 1980, les pratiques autonomes se sont multipliées tandis que le nombre de licences a stagné, voire diminué - il est à 16,4 millions auxquels s'ajoutent deux millions d'autres titres. Les inégalités territoriales, socioculturelles et genrées demeurent fortes.

L'après-Covid sera une période test pour les acteurs du sport français.

Notre débat rappelle l'importance du sport pour tous. Ce doit être un droit au même titre que l'éducation ou la sécurité, ce qui suppose un accès aux équipements pour tous, un développement équilibré des pratiques et une diversification des métiers d'accompagnement du sport. Dans Parcoursup, les licences STAPS sont les plus demandées, or le recul de 80% en trois ans des emplois aidés du secteur associatif est pénalisant. Le rebond de la pratique passe par une relance de l'emploi sportif qualifié dans les clubs.

Éducation, santé, développement économique, aménagement du territoire, environnement, tourisme, réinsertion sociale : le sport doit être pensé dans sa transversalité et proposer un service à chacun, dans chaque territoire.

Au-delà des mesures d'urgence, le sport français a besoin d'un nouveau cadre et de perspectives claires. Le club doit rester la cellule de base. Un grand quotidien du soir titrait hier : « La proposition de loi visant à démocratiser le sport provoque frustration et regrets ». Espérons que nous saurons lui donner un contenu à la hauteur des ambitions affichées.

Il faut des moyens supplémentaires. Le sport français est en danger ! Or c'est un outil au service de la cohésion sociale et contre les populismes.

La crise sanitaire aura rappelé l'importance du sport dans notre société, pour lutter contre les comorbidités, et, au-delà, l'importance du corps dans nos vies. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Michel Savin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie moi aussi le groupe CRCE pour cette initiative.

Depuis un an, nos espaces de vie sociale se sont modifiés. Durant le premier confinement, 38 % des Français ont réduit leur pratique sportive même si 65 % des Français ont pratiqué une activité physique en 2020, soit presque autant qu'en 2019.

Le sport amateur a connu un coup d'arrêt brutal. Entre juin et octobre, la pratique en club n'a été autorisée que quelques semaines. Malgré les aides, ces structures sont en grande difficulté financière. Il est regrettable qu'aucun plan spécifique n'ait été proposé.

La crise financière sera longue, d'autant qu'il n'est pas certain que les clubs retrouvent leurs licenciés.

Un Pass'Sport a été annoncé, avec un financement de 100 millions d'euros. Quelle forme prendra-t-il ? Quel montant ? Quels bénéficiaires ? À la différence du Pass Culture, il ne sera, hélas, pas universel - nouveau signe de la différence de traitement entre le sport et la culture.

Il serait également utile de considérer l'achat d'une licence comme un don éligible à la défiscalisation. Qu'en pensez-vous ?

De nombreux pratiquants ont pris leur première licence en septembre 2020 : ils n'ont quasiment pas pu pratiquer leur sport... La reprise sera difficile. Les pratiques libres se développent, soutenues par la digitalisation.

Les fédérations s'adaptent, mais l'appui de l'État est nécessaire. Or le plan de relance est insuffisant. Comment le Gouvernement va-t-il aider les clubs et les fédérations lors de la reprise des activités ? Avez-vous un plan ambitieux pour les clubs ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Dany Wattebled .  - La crise a durement fragilisé les pratiques sportives, mais le sport reste indispensable à la santé physique et mentale des Français.

À trois ans des Jeux olympiques, ce débat tombe donc à point nommé. Les clubs, privés de billetterie, de sponsoring et d'une partie de leurs licenciés, souffrent. La situation est inquiétante.

Le sport est un facteur déterminant de santé publique et de cohésion sociale. Le rendre accessible à tous doit être une priorité.

Selon l'OMS, la France se classe au 110e rang pour ce qui est de la pratique sportive régulière des jeunes. Ils sont nombreux à être en surpoids, nous dit l'Agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS). On consacre trop peu de temps à l'apprentissage du sport à l'école : sur les trois heures prévues, seule une heure et demie est effective ; la natation souffre, quant à elle, du manque de structures. Inspirons-nous de la Finlande, qui a pris des initiatives intéressantes. Il faut diffuser une culture sportive dès le plus jeune âge en s'appuyant sur les initiatives locales, dans le cadre scolaire et extra-scolaire.

Il faut également lutter contre les dispenses de complaisance et la disparité entre hommes et femmes dans l'accès aux équipements.

Le sport est aussi un élément important de santé au travail et pourrait être intégré, à ce titre, dans les plans de prévention des affections et maladies professionnelles.

La proposition de loi pour la démocratisation du sport sera l'occasion de réfléchir au soutien aux pratiques sportives, qui peuvent être utiles en prévention de la perte d'autonomie ou en accompagnement de l'insertion en milieu carcéral. La vigilance s'impose néanmoins sur la radicalisation dans le milieu sportif : les auditions conduites en janvier 2020 par Nathalie Delattre dans le cadre de la commission d'enquête sur la radicalisation islamiste ont été édifiantes. Promouvoir le sport pour tous suppose aussi un cadre sécurisé.

Le sport est un enjeu de santé et de cohésion. Avant la recherche de la performance, c'est une école de la volonté et du vivre-ensemble.

Espérons que la reprise du sport en intérieur arrive vite, avec des protocoles adaptés à chaque pratique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Dossus .  - Merci au groupe CRCE pour ce débat. Dans le monde d'après, un monde plus solidaire, plus libre, qui revient à l'essentiel, le sport populaire aura une place centrale.

Pendant le confinement, le sport individuel a constitué un rare espace de liberté. D'après une enquête de Vélo & Territoires, la pratique du vélo a augmenté de 28 %, mais la tendance est fragile. Une étude de 2017 a mis en évidence un risque cardiovasculaire et de cancer réduit de 40 à 50 % pour les personnes qui se rendaient au travail en vélo.

En revanche, la pratique du sport en club est en chute libre, et la reprise de licences en septembre a été très variable selon les sports.

Mais la soif de sport reviendra : notre rôle est d'accompagner et de redynamiser ce mouvement, en soutenant les bénévoles et en renforçant la dimension éducative.

Des mesures spécifiques bienvenues ont été prises - je songe au soutien à la rénovation des équipements ou aux emplois Fonjep (fonds jeunesse et éducation populaire).

Hélas, chaque pas que fait le Gouvernement dans la bonne direction est suivi d'un recul majeur... Ainsi, le projet de loi sur les principes de la République impose, dans ses articles 25 et additionnels, une série d'obligations et de restrictions dans l'accès aux équipements des associations sportives. Le Gouvernement accable ainsi un monde du sport à l'arrêt avec des règles aberrantes et une suspicion détestable.

Une simple promenade en ville ou le long des véloroutes atteste du succès du vélo, qui pourrait bientôt devenir le premier mode de transport en zone urbaine, comme dans les pays du Nord de l'Europe. Pour ancrer une pratique populaire du vélo, la loi d'orientation des mobilités a prévu un programme d'apprentissage visant à ce que chaque enfant maîtrise la pratique autonome du vélo dans l'espace public à son entrée au collège. Malgré nos amendements pour donner corps à cette ambition dans le projet de loi de finances, rien n'a avancé. Dégagez donc les moyens nécessaires !

Les écologistes appellent à une politique globale en faveur du sport populaire, une politique inclusive qui accompagne les changements de notre société. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Anne Ventalon applaudit également.)

Mme Marie Evrard .  - La pratique sportive est variée : individuelle ou collective, en intérieur ou en extérieur, en amateur ou en professionnel.

On a peu parlé du monde sportif, qui traverse pourtant une crise très grave. La pandémie a bouleversé la vie des sportifs, notamment amateurs. La vie sportive ne peut plus se dérouler comme avant et les compétitions sont à l'arrêt.

On estime à 25 % la perte de licences, sur 18 millions, ce qui remet en cause l'équilibre financier des fédérations et la vie des clubs, qui animent la vie sportive dans nos territoires. Bénévoles et dirigeants continuent de se mobiliser pour garder le contact avec les adhérents, avec l'aide des collectivités territoriales. Le conseil départemental de l'Yonne vient ainsi de voter plus de 2 millions d'euros pour le sport.

Il est plus que jamais nécessaire d'offrir des perspectives de reprise au sport amateur et de réfléchir à la place du sport de demain, ouvert au plus grand nombre.

Le Covid-19 a mis en évidence le caractère essentiel du sport, et les mesures renforcées contre l'épidémie annoncées le 18 mars en ont tenu compte, en permettant les déplacements dans un rayon de dix kilomètres pour la pratique sportive, sans limite de temps.

La reprise normale de l'éducation physique et sportive sur le temps scolaire est également bienvenue. Le sport est bon pour le physique comme le moral, et il est vital de rester actif.

Nous devons faire preuve d'agilité, continuer d'innover et de soutenir les associations sportives. Le monde sportif est aidé dans notre pays comme dans nul autre, notamment avec les 120 millions d'euros du plan de relance et le Pass'Sport.

Mais il faut lever les freins pour développer la pratique sportive et faire de la France une nation sportive, selon l'engagement du Président de la République.

Il faut, pour cela, donner un nouveau souffle au monde sportif local. Ancienne adjointe au maire de Migennes chargée du sport, je peux témoigner de son importance.

La Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques sont des opportunités à saisir. Fédérons les énergies locales. L'Yonne, labellisée Terre de jeux, accentue son engagement pour le sport. Libérer les énergies sportives aura un impact positif pour nos territoires mais aussi pour la relance.

Comment comptez-vous encourager la mobilisation des collectivités locales dans la perspective de ces grands évènements, et aborder un avenir meilleur ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Anne Ventalon, M. Cyril Pellevat et Mme Else Joseph applaudissent également.)

M. Éric Gold .  - Je remercie le groupe CRCE de ce débat. En 1928, Jean Giraudoux écrivait dans Le Sport : « il y a des épidémies de tout ordre ; le goût du sport est une épidémie de santé ».

Les mesures sanitaires, drastiques, ont lourdement affecté le monde sportif. On ne compte plus le nombre d'événements annulés. Les salles de sport, gymnases et piscines sont fermés.

Les amateurs, privés de championnats, sont dans l'expectative. Les difficultés risquent d'être durables, compte tenu de l'évaporation des licenciés et des déséquilibres financiers liés à la baisse des recettes de billetterie. Les associations sportives redoutent les défections d'adhérents et de bénévoles, mais aussi le désengagement des sponsors.

Le recul du nombre de licenciés pourrait mettre à mal, lors de la reprise, les championnats de sports collectifs. Certains adhérents pourraient demander un remboursement des cotisations.

Par les valeurs qu'il transmet, par son utilité sociale et son effet sur la santé, le sport est indispensable au vivre ensemble.

Le Pass'Sport financera une licence à hauteur de 50 à 80 euros, ce qui réduira le coût de la pratique sportive pour 1,8 million de jeunes licenciés, touchés de plein fouet par la crise.

Ne peut-on imaginer des mesures fiscales, notamment un crédit d'impôt pour les frais d'adhésion ou des déductions fiscales pour les dons aux associations sportives ? Une part du coût de la licence sportive tient aux frais d'assurance. Les assureurs ne pourraient-ils supprimer leur appel à cotisations, puisqu'il n'y a plus d'événements, et donc plus de risque d'accident ? (MDidier Rambaud applaudit.)

Mme Céline Brulin .  - La pratique sportive est entravée depuis un an. Responsables, bénévoles, familles, pratiquants sont malmenés. Les différents protocoles ont suscité l'incompréhension. Même la pratique du sport libre en plein air, dans les parcs et sur les plages, avait été interdite !

Actuellement, seize départements vivent un troisième confinement. Heureusement, l'activité sportive en milieu scolaire reprend, y compris en intérieur. Il y a quelques semaines, la pratique en salle avait été interdite sans préavis, y compris pour la danse...

Les clubs sont réactifs et sérieux, mais risquent de perdre jusqu'à 30 % des licenciés.

Une pétition lancée par Jason Lorcher, hockeyeur de Rouen, pour dénoncer l'arrêt du sport a déjà recueilli la signature de 30 000 sportifs en détresse.

Chacun connaît les bienfaits du sport pour la santé. La cohésion sociale et l'équilibre psychique sont aussi en jeu. Le sport est facteur de partage en cette période de repli sur soi.

Il ne faudrait pas non plus assécher le vivier qui alimente le sport professionnel. Sport amateur et professionnel se font rayonner l'un l'autre.

Il y a quelques heures, la Fédération française de football a suspendu les rencontres amateurs départementales alors que les éliminatoires de la Coupe du monde commencent. Cela interroge sur le modèle sportif qui émergera de cette crise... Pour nous, le sport est un véritable outil d'éducation, d'inclusion, d'épanouissement et de solidarité. Il est plus utile que jamais. Il faut soutenir la reprise du secteur, ce que nombre de collectivités font déjà. Les financements de l'État doivent être au rendez-vous, au-delà du Pass'Sport.

Il faut réviser en profondeur le financement du monde sportif. Nous faisons des propositions précises et concrètes pour redéfinir un modèle ambitieux. Nous sommes heureux de contribuer ainsi à la relance du monde sportif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Monique de Marco, M. Éric Gold et Mme Anne Ventalon applaudissent également.)

M. Philippe Folliot .  - Enjeu de société, enjeu économique, enjeu populaire, le sport ne représente que 1,7 % du PIB, et 0,14 % du budget de l'État.

Pourtant, dix millions de Français sont licenciés dans des fédérations sportives, et deux sur trois pratiquent un sport chaque semaine.

Pendant longtemps, nous avons opposé sport professionnel et sport de masse. Il faut favoriser la complémentarité des pratiques, non les opposer. À Castres, le rugby est puissamment fédérateur : chaque match rassemblait tous les quinze jours 10 000 personnes, un quart de la population de la ville. C'est la magie du sport ! Président de l'amicale parlementaire de rugby, madame la ministre, je vous demande de continuer à aider les clubs du Top 14.

Notre pays est capable d'organiser des grands événements sportifs, comme la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques ; 310 000 billets ont été vendus en quelques heures pour la Coupe du monde ! Leur réussite dépend du socle que constitue le sport amateur. La pandémie risque d'avoir des effets dévastateurs à cet égard, ainsi qu'en termes de santé publique.

Privés de sport, les jeunes tombent dans diverses addictions - alcool, tabac, voire drogues. La reprise du sport doit être la plus rapide et la plus massive possible.

J'ai consulté les élus de Gaillac, Mazamet, Saint-Sulpice-la-Pointe. Autorisons les acteurs locaux à adapter des règles nationales pour favoriser cette reprise, expérimentons des protocoles spécifiques. Comme l'a écrit Giraudoux, le goût du sport est aussi une épidémie, que nous espérons la plus durable possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Éric Gold, Michel Savin et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Cyril Pellevat .  - Le monde sportif souffre depuis un an, sans perspective de reprise. Seuls les clubs professionnels peuvent s'entraîner, sans masque et avec contact ; les autres restent sur la touche s'ils comptent moins de 70 % de sportifs professionnels. Ce seuil n'est pas adapté aux clubs semi-professionnels.

Je vous ai interpellée sur le sujet, madame le ministre, et vous ai proposé d'autres critères, comme la participation à des compétitions nationales ou européennes. Vous m'avez répondu que la situation sanitaire ne permettait pas une reprise des sports de contact, mais ma proposition ne concernait que des clubs de haut niveau, dont les budgets ne sont pas compensés.

Les conséquences sont catastrophiques pour les clubs qui annulent leur participation à des championnats nationaux et à des compétitions européennes. Certains voient leurs adhérents partir dans des pays limitrophes où les compétitions sont autorisées -  Allemagne, Suisse, Italie, Finlande, Espagne, entre autres. Il est trop tard pour rattraper cette situation.

Les clubs sont conscients de la situation et leurs revendications sont proportionnées à la situation sanitaire. D'ici l'été, il faudra reprendre les sports de contact, au moins pour les clubs qui évoluent en compétition nationale ou européenne. En aucun cas, il ne faut reconduire cette règle absurde des 70 %. Êtes-vous prête à étudier cette proposition raisonnable ?

Les salles de sport ont fermé durant le premier confinement, puis depuis octobre dernier. Plus de 300 ont déjà déposé le bilan. Pourtant, le sport participe de la lutte contre la pandémie puisque ceux qui le pratiquent seront moins exposés aux formes graves. Une pratique en extérieur, avec distanciation, ne présente que très peu de risques. Allez-vous défendre leur réouverture dans les départements où le virus circule peu ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Anne Ventalon .  - (M. Michel Savin applaudit.) Le sport joue un rôle essentiel dans nos sociétés. La culture physique a même une portée civilisationnelle.

Au-delà du désarroi des professionnels et des pratiquants, j'ai senti en Ardèche un sentiment d'incompréhension et de gâchis. Des protocoles adaptés à la crise auraient été préférables. Aucun cluster n'a été constaté dans une salle, d'autant qu'il est aisé de contrôler les arrivées et les départs.

Le masque est indispensable mais peu compatible avec l'activité physique. Devons-nous alors renoncer au sport ? Non ! Une entreprise ardéchoise, Chamatex, développe des masques adaptés. Soutenons-la, et faisons confiance au French flair.

En cas de nouvelle épidémie, il faudra songer à adapter les pratiques. Vos services doivent travailler sur un modus operandi.

Nous connaissons désormais l'importance du sport en matière sanitaire. Des protocoles adaptés pourront ainsi être appliqués. Le Collectif événementiel sportif Outdoor propose des expérimentations encadrées en plein air. Accompagnons-les.

Nous avons été surpris en 2020 ; nous devons désormais être préparés. Passons à ce format adapté plus vite, avec un niveau de maintien de la pratique plus haut, et nous en sortirons plus forts.

Madame la ministre, vous qui avez jadis prêté le serment olympique, engagez-vous aujourd'hui pour l'avenir du sport ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Claude Kern et Jérémy Bacchi applaudissent également.)

La séance est suspendue pour quelques instants.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports .  - Je remercie le groupe CRCE d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour du Sénat. Votre assemblée affirme ainsi sa motivation à traiter ce sujet, notamment à la faveur de l'examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.

Ce texte est au coeur de notre actualité sanitaire et des préoccupations tant des associations sportives que des collectivités territoriales. Soutenir le sport est essentiel à la cohésion sociale et au vivre ensemble. Il s'agit d'ouvrir de nouveaux champs d'action aux associations sportives : à l'école, dans l'entreprise, auprès des personnes handicapées, dans le domaine de la santé...

Il faut aussi structurer différemment ce secteur associatif créateur d'emplois. Le sport est non seulement une activité économique, il est aussi vital pour nos enfants, nos adolescents, qui y trouvent l'expression d'une passion, d'un engagement personnel, voire un projet de vie.

Le titre I ouvre davantage le champ d'intervention du secteur associatif, pour l'aider à se structurer, à aller chercher de nouveaux publics, à renforcer ses liens avec les collectivités locales.

Le titre II évoque le renouveau du monde sportif. Lorsque je suis arrivée au ministère, Laura Flessel avait déjà initié une réforme, en lien avec les collectivités territoriales et le monde économique, afin de nouer des relations différentes et autoriser des financements nouveaux. L'Agence nationale du sport a été créée pour instaurer une gouvernance partagée. En contrepartie d'une autonomie accrue, le monde sportif devait se repenser et se renouveler : parité, lien plus fort entre instances fédérales et clubs, limitation du nombre de mandats à la tête des fédérations pour favoriser le renouvellement des générations.

Enfin, le titre III concerne le modèle économique du sport amateur comme professionnel, car les deux sont liés.

Le sport sera également abordé à l'article 25 du projet de loi confortant le respect des principes de la République : les contrats de délégation renforceront le lien entre les clubs, les fédérations et l'État. Seront évoquées la performance sociale du sport et ses externalités positives. Ces contrats ne visent pas à contrôler les fédérations mais à valoriser les initiatives positives, qui défendent les valeurs républicaines, l'éthique, l'intégrité sportive.

Je me suis permis de faire la promotion de ces deux textes car ils sont d'une importance majeure dans la gestion de la crise.

La pratique en intérieur et la pratique collective sont compliqués par la pandémie. Je souhaite défendre au mieux l'action sportive et son écosystème. Il faut aussi soutenir le secteur économique du sport - salles de sport privées et magasins.

Nous sommes tous embarqués dans la même aventure, qui nous mènera à deux événements marquants : la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Nous devons être à la hauteur de nos candidatures, malgré la crise.

Aussi, il me semble essentiel de privilégier la pratique des professionnels. D'abord arrêtés durant le premier confinement, ils sont devenus public prioritaire en septembre. Ils doivent subir des tests réguliers et se protéger au maximum du virus. Nous sommes en lien avec le sport professionnel pour maintenir cette activité et motiver les sportifs.

Nous aidons aussi les organisateurs d'événements, qui proposent des protocoles adaptés. Nous sommes également attachés à la thématique du sport-santé, que le Président de la République entendait valoriser dès avant la crise. Nous avons labellisé 300 maisons sport-santé sur les 500 annoncées d'ici la fin du quinquennat. La deuxième vague est lancée, et 3,5 millions d'euros y seront dédiés sur les territoires.

Nous préservons au mieux la pratique scolaire et associative pour les enfants. La reprise du sport est possible pour tous, mais en extérieur.

Nous comptons beaucoup sur le développement du masque « sportif » de seconde génération qui permettra une respiration plus facile, et donc une pratique plus large en intérieur. Ce masque pourra aussi servir aux métiers du bâtiment ou aux professionnels qui parlent beaucoup.

La reprise des cours d'EPS est possible pour les enfants d'une même classe. L'arrêt de toute pratique sportive depuis le 15 janvier avait inquiété. Les enfants ont besoin de faire du sport.

La reprise se dessine : d'abord avec les enfants, dans le cadre scolaire et périscolaire, à l'intérieur. Nous nous rapprochons aussi des associations indoor pour les inciter à se rapprocher d'associations pratiquant en extérieur, et à demander la mise à disposition d'espaces publics municipaux. (M. Michel Savin semble dubitatif.)

Le report d'une heure du couvre-feu offrira une motivation accrue et un espace de liberté pour pratiquer le sport après l'école ou le travail. Nous aiderons financièrement les collectivités territoriales à anticiper l'ouverture d'équipements comme les piscines extérieures ou les cours de tennis pour les mettre à la disposition des associations.

Je compte sur vous pour transmettre ce message aux collectivités territoriales : nous les aiderons à financer le fonctionnement de ces équipements.

Conscients des difficultés nées de la crise, nous avons mis en place de nombreuses aides. Les associations qui ont des salariés ont bénéficié des mêmes aides que les entreprises - fonds de solidarité de la DGFiP, chômage partiel, fonds de solidarité.

Pour celles qui ne fonctionnent qu'avec des bénévoles, l'ANS a débloqué deux fois 15 millions d'euros : 8 000 associations sportives ont bénéficié de cette aide d'urgence. En temps normal, l'État aide 20 000 associations sportives sur les 380 000 existantes. Nous avons rempli notre part du contrat.

Nous avons veillé à l'équité entre sport professionnel et sport amateur. Nous avons débloqué 107 millions d'euros pour compenser les pertes de billetterie ; certains clubs ont touché jusqu'à 5 millions d'euros. Une deuxième salve d'aides est en cours de négociation à Bercy.

Les clubs qui accueillaient du public ont été aidés autant que possible, même si la compensation était plafonnée.

Le plan de relance prévoit 50 millions d'euros pour la rénovation des équipements sportifs ; 30 millions d'euros supplémentaires sont destinés aux équipements des quartiers prioritaires de la ville (QPV).

Avec le Pass'Sport, nous aidons les personnes en difficulté financière pour la rentrée. Y sont éligibles les enfants de 6 à 16 ans, voire 20 ans pour les jeunes en situation de handicap. Ce sont 100 millions d'euros, pour deux millions de personnes, en sus des aides des collectivités. Nous continuerons à travailler main dans la main pour soutenir les structures associatives du sport amateur.

Je suis très attachée à la solidarité entre sport amateur et professionnel. Par mon parcours, je connais l'importance du sport en termes d'insertion. Le sport m'a permis de trouver ma place en France, de connaître la République et ses valeurs. Il faut encourager les talents et soutenir, avec les collectivités territoriales, les associations et les entreprises, toutes les pratiques, car le sport est essentiel au bien-être physique et psychologique des Français. Je compte sur votre engagement au service du sport ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur diverses travées du groupe UC)

Prochaine séance demain, jeudi 25 mars 2021, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 35.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 25 mars 2021

Séance publique

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires de séance : Mme Esther Benbassa - M. Daniel Gremillet

1. Débat sur le thème : « Veolia-Suez : quel rôle doit jouer l'État stratège pour protéger notre patrimoine industriel ? » (demande du groupe SER)

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste (texte de la commission, n°468, 2020-2021) (demande du groupe UC)

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (texte de la commission, n°473, 2020-2021) (demande du Gouvernement)