« L'impact de la réduction loyer solidarité sur l'activité et l'avenir du logement social »

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L'impact de la réduction loyer solidarité sur l'activité et l'avenir du logement social », à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste .  - La Cour des comptes a dressé en décembre 2020 un premier constat sur la mise en oeuvre de la réduction loyer solidarité (RLS), sinistre mesure à laquelle le groupe CRCE est opposé.

Pourquoi ce débat ? Le dispositif a entraîné une chute préoccupante de la production de logements HLM, et son maintien risque de limiter la réhabilitation des HLM. Les préventions du Sénat sont ainsi confirmées. Par ailleurs, le dispositif doit être revu en 2022. Aussi, la Cour des comptes recommande de mesurer dès 2021 les incidences sur la situation financière et les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Nous souhaitons donc supprimer la RLS.

La Cour des comptes, habituellement plus diplomate, critique « un dispositif conçu ex nihilo, sans concertation préalable, aux conséquences indirectes préjudiciables », « une reforme peu lisible et complexe », « un impact financier sur les acteurs du logement social à évaluer avant 2022 ». Elle pointe les risques majeurs pesant sur les organismes HLM.

Après la baisse de 5 euros des aides personnalisées au logement (APL) à l'été 2017, le Gouvernement d'Édouard Philippe a réalisé une ponction massive sur les HLM lors de la loi de finances initiale pour 2018, que le Sénat a réussi à réduire la première année : 800 millions d'euros en 2018 et 2019, 1,3 milliard d'euros en 2020, 1,5 milliard ensuite.

La réduction loyer solidarité porte mal son nom, puisque la plupart des locataires n'ont pas vu leur quittance de loyer baisser. Et elle est plutôt anti-solidaire... Aucun autre secteur de l'activité publique n'a connu pareille ponction ! Il n'y a pas de solidarité lorsque la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la flat tax coûtent 3 milliards d'euros à l'État et que les HLM doivent en financer le tiers ! Les plus modestes paient pour les plus riches. La RLS ponctionne chaque année 4,5 % des loyers. Selon la Cour des comptes, les organismes accueillant davantage d'allocataires APL et pratiquant des loyers moins élevés sont les plus touchés. La RLS étant forfaitaire, plus le logement est social, plus il paie !

Depuis sa mise en place, le niveau des constructions et réhabilitations baisse ; le coronavirus ou les municipales ont bon dos !

Selon la Cour des comptes, la perte de recettes locatives, intégrée dans les coûts des opérations, a deux conséquences : la difficulté à boucler de nouvelles opérations et une hausse des loyers de sortie, de plus en plus décalés des capacités contributives des classes populaires.

Les dépenses d'entretien courant et de gros entretien ont diminué de 7 %. Si cette situation perdure, le bâti risque de se détériorer, notamment dans les quartiers de la politique de la ville. Le Gouvernement ne peut pas faire l'autruche.

Il faut relancer la construction et les opérations de rénovation - mais la RLS menace le secteur HLM en pesant sur les finances des bailleurs sociaux.

La Cour constate une baisse de l'autofinancement du secteur, d'où à une baisse des investissements.

La baisse des rendements locatifs fragilise un modèle de financement fondé sur la réutilisation des loyers et sur les prêts logements longue durée de la Caisse des dépôts et consignations.

Les fonds propres des bailleurs sont de plus en plus sollicités dans les opérations, passant de 5 % en 2000 à 15 % en 2018. La RLS programme l'asphyxie financière du secteur.

Dès 2017, l'Inspection générale des finances (IGF) et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) s'inquiétaient de la soutenabilité financière des bailleurs. Les compensations apportées - prêts de la Caisse des dépôts ou d'Action Logement, par exemple - se sont révélées des béquilles fragiles, aux effets pervers.

Le Gouvernement voudrait-il banaliser et financiariser le logement social ? Les libéraux qui l'ont fait à l'étranger font désormais marche arrière...

Le maintien du taux du livret A à 0,75 % favorise temporairement le mouvement HLM mais fragilise les épargnants et, surtout, apporte 1 milliard d'euros aux banques. D'autres ressources pourraient être trouvées pour réduire le déficit de l'État, notamment chez les banques qui se sont enrichies alors que les HLM, eux, contribuent au budget de l'État. Cherchez l'erreur...

Alors que Bercy cherche à pérenniser voire à accroître la RLS, nous nous y opposons résolument ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Pendant dix-sept ans, j'ai présidé le premier bailleur social du Gard, qui comprend 16 000 logements, dont la moitié en quartier prioritaire. La mixité sociale y est un enjeu important.

Malgré la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), de nombreuses contraintes entravent la production de logements sociaux.

La création de la RLS a amputé les recettes des bailleurs sociaux, alors que les coûts du foncier et de la construction augmentent. Les bailleurs les plus solides épuisent leurs fonds propres et leur trésorerie, alors que nous devrions produire plus de logements.

Le parc HLM est dégradé ; son entretien est une priorité, notamment pour améliorer la mixité sociale. Les opérations de rénovation sont des réussites, mais des pans entiers du parc en sont exclus. Ne laissons pas prospérer un sentiment d'abandon chez les locataires ! Il est urgent de changer l'image du logement social.

Agir pour le logement social, c'est oeuvrer pour la qualité de vie et pour le pouvoir d'achat - une économie de 250 euros par mois en moyenne - mais aussi pour la transition énergétique.

Une véritable ambition en matière de construction relancerait l'économie et l'emploi. Il faut en faire une politique publique prioritaire, fondée sur la solidarité, au lieu de laisser de grands groupes monopoliser les financements.

Alors que la crise accroît les inégalités, il est urgent de s'interroger sur la RLS et, plus largement, sur les choix politiques de ces dernières années. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDSE)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La RLS a été une erreur stratégique. Comment la réparer ? Avec la baisse de 5 euros des APL et l'obligation de réduire les loyers sociaux, moins de 90 000 logements ont été agréés cette année, contre 120 000 en 2016. C'est la conséquence des décisions gouvernementales de 2017. Le virus, les élections municipales et les maires réfractaires ont bon dos !

Cette ponction de 1,3 milliard d'euros a affecté la capacité financière des bailleurs sociaux. Pourtant, la production de logements aurait rapporté davantage à l'État qu'il n'économise en réduisant les aides au logement, passées de 2,2 % du PIB en 2010 à 1,6 % en 2019.

Le Gouvernement estime que la France dépense trop et mal pour le logement et souhaite la contribution de grands groupes qui se financeraient sur les marchés. Les attaques contre Action Logement le montrent. Les économies réalisées sur les APL réduisent leur caractère solvabilisateur : c'est une étape vers leur forfaitisation et leur dilution au sein d'un revenu universel.

Le plan de relance consacre 500 millions d'euros à la rénovation énergétique des logements sociaux ; un protocole signé avec le secteur prévoit la construction de 250 000 logements sociaux d'ici 2020 ; un milliard d'euros sera consacré à un plan d'investissement volontaire. Action Logement et la Banque des territoires agissent également.

Comme le recommande la Cour des comptes, il faut un audit de la viabilité à long terme des bailleurs sociaux et revoir le zonage qui date de 1978. Il faut aussi compenser les surcoûts de la RE2020, envisager une exception au zéro artificialisation nette pour le logement social et encourager les maires bâtisseurs, notamment en exonérant les logements sociaux de taxe foncière sur les propriétés bâties. (M. Philippe Dallier le confirme.)

C'est un vrai changement de cap que nous demandons pour assurer la viabilité de notre système de logement social, établi après 1945 pour donner un logement abordable et décent au plus grand nombre - et non seulement aux plus démunis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et RDSE et sur quelques travées des groupes CRCE et SER)

M. Franck Menonville .  - Le logement social occupe une place essentielle dans notre République. Mais les acteurs du secteur expriment de vives préoccupations depuis le début du quinquennat.

La RLS, décidée par l'État pour réduire le coût des APL, doit être évaluée. A-t-elle atteint ses objectifs ? Le référé de la Cour des comptes constate des économies pour le budget de l'État en 2018 et 2019, moindres que prévu, mais aussi des pertes de ressources préoccupantes pour les bailleurs sociaux.

Le logement social a été durement touché par la crise sanitaire. La stabilisation de la RLS ne suffira pas à relancer l'investissement. Seulement 90 000 logements ont été agréés en 2020 ! L'activité recule nettement dans les zones les plus tendues.

Dès lors, il paraît légitime de remettre en cause la RLS. La Cour des comptes préconise un dispositif moins complexe et moins onéreux ainsi qu'un un outil d'analyse partagé pour mesurer l'impact sur les bailleurs sociaux.

Le logement social manque à sa vocation initiale s'il ne favorise pas la mixité sociale. Or la RLS, en augmentant le loyer des moins modestes, les incite à quitter le parc social. Révisons-la pour maintenir la capacité d'investissement des bailleurs sociaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - La RLS a déjà donné lieu à moult débats dans cet hémicycle. Nos oppositions à la politique du Gouvernement sont connues. Que n'a-t-on entendu sur le fameux choc de l'offre qui allait entraîner un boom de la construction ! On nous promettait 100 000 à 120 000 logements par an !

Quelque 300 000 personnes sont sans logement, et des centaines de milliers de familles sont mal logées. Les besoins de logement social sont immenses, notamment dans les territoires en tension. Nous avions alerté sur la paupérisation de notre modèle.

Les résultats sont là : 50 000 logements ne sont pas sortis de terre et la pandémie n'y est pour rien, non plus que les élections municipales ; la baisse avait déjà commencé. Je m'interroge sur la trajectoire des finances publiques annoncées par le Gouvernement : 65 milliards d'euros d'économies d'ici 2027. Va-t-on encore sabrer le logement social ?

La RLS a entraîné une baisse de l'investissement de 7 %, ce qui va dégrader la qualité de vie dans les logements sociaux.

Nous devons lancer la réhabilitation thermique des logements sociaux. Cela aurait un impact positif sur l'environnement et sur le pouvoir d'achat des ménages.

Mais nous avons appauvri nos opérateurs, qui doivent répondre aux défis sociaux et environnementaux. Revenons aussi sur la baisse des APL. La Fondation Abbé Pierre parle d'une bombe à retardement : des mesures s'imposent ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE et RDSE)

Mme Patricia Schillinger .  - Je suis attachée au modèle français de logement social et je salue les opérateurs qui s'y consacrent.

L'accès au logement conditionne de nombreuses politiques publiques, comme la lutte contre la pauvreté, la santé et l'emploi.

Mais les besoins sont fluctuants ; l'offre doit donc s'adapter et se réinventer, loin de tout immobilisme. Désormais, elle doit intégrer l'enjeu environnemental et le défi du vieillissement de la population.

Cela nous conduit à réfléchir à la pérennisation des objectifs de la loi SRU au-delà de 2025 pour l'adapter aux exigences de notre époque.

En 2018, répondant aux préconisations de la Cour des comptes en matière de dépenses publiques pour le logement, la RLS a vu le jour, et permet à l'État de réduire son budget dédié aux APL.

Notre modèle est-il menacé par la RLS ? La Cour des comptes, dans son référé publié en mars, a jugé sévèrement le dispositif mais reconnaît l'impact positif de la baisse des APL sur les finances publiques.

M. Philippe Dallier.  - C'est la seule chose positive !

Mme Patricia Schillinger.  - Près de trois ans après, le secteur a absorbé la réforme.

M. Patrick Kanner.  - À quel coût !

Mme Patricia Schillinger.  - Les bailleurs ont pu mettre en oeuvre une gestion plus active et plus efficiente de leur parc. Ils ont bénéficié du gel du taux du Livret A et de la baisse du taux de TVA à 5,5 % pour les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et les opérations liées au nouveau programme de renouvellement urbain, ainsi que du soutien de la Banque des territoires.

Mais les bailleurs sociaux ont pu absorber la RLS surtout en raison de leur grande capacité d'autofinancement, qui a financé notamment la première année, soit 800 millions d'euros.

Nous pouvons légitimement nous interroger sur l'avenir de la RLS à long terme. L'État va-t-il soutenir davantage le secteur ?

La réforme de la RLS doit être appréciée en lien avec la baisse des APL, qui profitera à un grand nombre de ménages.

M. Patrick Kanner.  - Une mesure de droite !

Mme Patricia Schillinger.  - Le groupe RDPI ne peut que soutenir cette réforme de justice et de progrès.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - La RLS est une dénomination paradoxale. Il s'agit plutôt d'un transfert de charges de l'État vers les bailleurs sociaux.

S'en prendre aux personnes les plus en difficulté - même avec des compensations - interroge. Le système porte un regard culpabilisant sur le logement social, jugé trop coûteux. Il a rapidement montré ses limites, malgré les économies réalisées par l'État.

Le référé de la Cour des comptes pointe les effets induits de la réforme sur les capacités de financement et d'investissement des bailleurs sociaux, au détriment de la construction et de la réhabilitation. Dans le Pas-de-Calais, un office HLM a perdu 7,5 millions d'euros avec la RLS, empêchant des investissements pour des rénovations thermiques à hauteur de 50 à 70 millions d'euros.

Il faut une politique stable et prévisible. Les bailleurs craignent désormais une réduction arbitraire et unilatérale des loyers. Lors de la loi de finances pour 2020, le Sénat avait identifié ce risque, sous la plume de Philippe Dallier. L'État a concédé son erreur en renforçant les mesures correctrices et compensatoires. N'est-ce pas l'illustration de la fausse bonne idée, contestable dans ses fondements, complexe dans sa mise en oeuvre et limitée dans ses effets ?

Il faut, bien sûr, réaliser des économies, mais la méthode est critiquable : le Gouvernement pointe du doigt, consulte sans écouter, précipite la décision...

Évaluons rapidement la réforme pour envisager celle des APL. Les bailleurs doivent être associés à la définition des outils et des critères. Reconnaissez que cette réforme n'était pas forcément la bonne. À cette condition, nous pourrons concilier la maîtrise de nos finances publiques et notre système social. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - La RLS est une menace pour l'avenir du logement social. Nous dénonçons l'assèchement global des financements et l'externalisation de la politique du logement, qui subit un énième coup de rabot.

Après la baisse des APL en 2017, la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a marqué une étape supplémentaire vers la dérégulation, la marchandisation du secteur et la banalisation des organismes HLM, soumis à une logique purement comptable.

Le seul objectif de la RLS est d'alléger les dépenses de l'État. Les lois de finances ont accompagné ce mouvement d'économies, ramené à 1,3 milliard d'euros sur 202-2022. Par un jeu habile, la charge relevant de la solidarité nationale a été transférée aux bailleurs sociaux, privés de 4,5 % de leurs loyers. Cela ampute leurs capacités d'investissement, comme l'a reconnu la Cour des comptes. Ainsi, Périgord Habitat a perdu 2,5 millions d'euros, l'équivalent de la production de 13 logements par an.

La Cour des comptes a également pointé le caractère injuste de la réforme qui touche davantage les bailleurs les plus sociaux. Comment, dans ces conditions, lutter contre la précarité énergétique - qui touche un ménage sur cinq - et investir pour le renouvellement urbain ?

Les évolutions envisagées sont décevantes, tant les chiffres sont inquiétants : baisse de 17 % des constructions en 2020 par rapport à 2019 avec 87 500 logements sociaux, alors que le mal-logement touche quatre millions de nos concitoyens.

Le Gouvernement s'est engagé à produire 250 000 logements. Il faut changer de braquet, sur les aides à la personne comme les aides à la pierre.

Il faut également cesser de ponctionner le 1 % logement pour d'autres objectifs.

Le logement social marche sur deux jambes, une publique et une privée. Cet équilibre doit être maintenu.

D'autres leviers tels que la réduction de la charge foncière et la révision de la loi SRU doivent être actionnés.

Alors que les objectifs de mixité sont plus que jamais d'actualité, nous regrettons que le projet de loi 4D reporte à 2031 les objectifs de construction. Le séparatisme se situe aussi à ce niveau-là.

Nous demandons la suppression de la RLS. Nous avons plus que jamais besoin de politiques sociales et écologiques. D'autres pays, comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne, l'ont bien compris ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et RDSE)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La réforme de la RLS fait toujours autant débat depuis sa mise en oeuvre il y a trois ans.

L'intention de la réforme était louable, mais nous ne pouvons passer ses effets sous silence.

Pour l'État, c'est une économie de 800 millions d'euros par an en 2018 et 2019, et désormais de 1,3 milliard d'euros. Mais cette baisse est supportée par les bailleurs, privés de près de 5 % de leurs loyers, ce qui obère leurs capacités d'investissement. Soutenir la production de logements sociaux implique de ne pas amoindrir leurs ressources. La construction d'un logement neuf dépend des loyers futurs, déjà incertains sans la réforme, en raison des vacances et des impayés.

Les ressources des bailleurs avaient déjà subi la hausse de la CGLLS et celle du taux de TVA à 10 %. Toutes ces mesures compriment la production de logements.

Dans le Nord, l'office départemental Partenord Habitat, qui gère 47 000 logements, a perdu 10 millions d'euros de fonds propres par an. Cela correspond, sur deux ans, à la rénovation thermique de 4 000 logements.

La Société Immobilière Grand Hainaut, qui gère 30 000 logements, a perdu 18,4 millions d'euros en deux ans, ce qui représente 440 logements neufs non construits.

La Fédération des offices publics de HLM avait fait part de ses craintes, anticipant une diminution progressive du ratio entre autofinancement et loyers de 9,8 % en 2017 à 1,4 % sur la période 2023-2027.

L'Insee a constaté une chute de l'investissement de 2 milliards d'euros entre 2017 et 2019.

Quant à la Cour des comptes, son constat parle de lui-même.

Les collectivités territoriales supportent une partie du risque financier des offices, auxquels elles ont accordé un soutien substantiel pour faire face à la RLS. Ainsi, la métropole européenne de Lille verse 114,4 millions d'euros sur dix ans à son Lille Métropole Habitat.

Ces contraintes sur la construction ont des conséquences regrettables au moment de la relance.

Faut-il ajuster ou repenser la RLS ? Comment ? Le dispositif est désormais stabilisé, dites-vous, mais des évolutions sont-elles possibles ?

Je rejoins les recommandations de nos magistrats financiers, notamment celle de réduire l'application de la RLS aux seuls allocataires des APL, qui est de bon sens.

Le secteur du logement doit répondre au défi de la mise en oeuvre du nouveau programme de rénovation urbaine (NPNRU), dans lequel les bailleurs doivent investir. Ceux-ci doivent également atteindre l'objectif difficile de construction de 250 000 logements en deux ans.

Cessons de ponctionner Action Logement et laissons la RLS  tranquille ! Massifions la rénovation, produisons plus de logements et laissons nos opérateurs souffler ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme Viviane Artigalas .  - Nous débattons de la RLS car elle pose problème. Après la vive réaction à sa réforme des APL, le Gouvernement a proposé une réduction de loyer à ceux qui en bénéficiaient en imputant son coût aux bailleurs sociaux.

Le bilan de cette réforme n'est guère brillant. La Cour des comptes pointe ses effets sur les finances des opérateurs. En outre, sa mise en oeuvre est difficile et engendre moins d'économies pour l'État que prévu.

Il faut réfléchir à l'avenir du dispositif d'ici 2022 pour éviter de reproduire des erreurs stratégiques. Les bailleurs sociaux devront cette fois être associés aux discussions.

Faute de vraie négociation avec les bailleurs, leur soutenabilité financière n'a pas été correctement analysée.

On en vient à s'interroger sérieusement sur l'intérêt de cette réforme qui a tant fragilisé les bailleurs et dont le bénéfice pour l'État est relatif, puisque l'économie a été de 800 millions d'euros pour 2018 et 2019 au lieu de 1,5 milliard d'euros.

La réforme s'est appliquée de façon uniforme sans tenir compte des moyens des bailleurs.

Certes, des mesures de compensation ont été prises, comme le gel du taux du Livret A, qui a fait peser sur les épargnants le coût des économies de l'État.

La réforme a aussi connu des difficultés de mise en oeuvre faute d'outils informatiques adéquats.

Les bailleurs craignent une aggravation au moment de la clause de revoyure de 2022. Il faut dialoguer en amont et cartographier les besoins économiques et sociaux, car les situations des bailleurs et des territoires sont diverses.

La RLS n'est pas le seul frein à la construction, mais il serait dommageable de maintenir un dispositif qui la ralentit alors que le Gouvernement a fixé un objectif de 250 000 logements d'ici 2022.

Le Gouvernement doit engager une concertation avec tous les acteurs pour revenir sur cette réforme peu lisible, et sur la baisse des APL ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Que dire de plus ? Tout a été dit, même par Mme Schillinger, à mon avis plus inquiète qu'elle ne l'a laissé paraître.

L'année 2020 a été noire pour le logement social et la construction en général.

Le Gouvernement affiche l'objectif ambitieux de construire 250 000 logements sociaux en 2021 et 2022. Nous ne pouvons que lui souhaiter de réussir. Mais, en l'état, il n'y parviendra pas.

Les très mauvais chiffres de 2020 s'inscrivent dans une tendance baissière depuis trois ans et ceux de 2017 ne sont pas le fruit du hasard. Pour 2020, les raisons sont multiples, au-delà de la seule RLS : cycle électoral allongé, crise sanitaire...

L'objectif d'économies est atteint, la Cour des comptes le reconnaît, mais à quel prix ? Celui des mesures de compensation de pertes de recettes et des logements qui n'ont pas été construits ni rénovés.

Remplacer des ressources propres par un allongement des prêts ou par de la dette change la donne pour les bailleurs. La réforme a affecté leur capacité d'investissement.

L'objectif de 20 000 logements sociaux vendus chaque année n'est atteint qu'à 50 %. Quant aux économies d'échelle liées aux regroupements, elles ne sont pas encore visibles.

La Cour des comptes souligne l'impréparation de la réforme. Or l'incertitude et l'imprévisibilité entraînent automatiquement un ralentissement de la construction.

Madame la ministre, relisez les comptes rendus des débats de 2017 et 2018 : tout ce que la Cour des comptes constate, nous l'avions annoncé ! L'autofinancement du secteur a chuté, les engagements sont très en deçà des objectifs de 100 000 logements nouveaux par an et les dépenses d'entretien ont baissé de 7 % en valeur.

Il ne reste que quelques mois utiles au Gouvernement pour prendre des décisions. Vous devez agir.

La tendance baissière n'est pas due qu'à la RLS. La disparition de la taxe d'habitation et l'exonération de taxe foncière non compensée, entre autres, ont aussi des conséquences.

Que ferez-vous de l'article 55 de la loi SRU ? N'oubliez pas que la moitié des logements sociaux construits l'ont été dans des communes qui y sont soumises. Ne désespérez pas les maires qui veulent construire, ou nous irons à la catastrophe ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)

M. Yves Bouloux .  - La RLS - la réduction de certains loyers contre une baisse des APL - avait un objectif unique : réduire le coût des APL pour l'État en économisant 1,5 milliard d'euros par an. La réforme, neutre pour les locataires, devait être absorbée par les 250 offices publics de l'habitat.

Notre groupe avait dénoncé une réforme pensée à Paris, sans évaluation des conséquences sur les finances des bailleurs, sur la construction ni sur la mixité sociale. Le gel des loyers HLM en 2018 et l'augmentation à 10 % du taux de TVA sur les opérations de construction ont également pesé sur les bailleurs.

Alors que les économies pour l'État ont été moindres qu'attendu, la Cour des comptes dénonce les insuffisances de la préparation de la réforme. Elle note qu'en 2019, 40 000 foyers ont bénéficié d'une baisse de loyer sans être allocataires des APL et estime que les bailleurs sociaux ont été privés de 4,5 % du montant des loyers.

Les signaux d'alerte se multiplient : en 2020, seuls 90 000 logements ont été construits sur les 120 000 prévus.

Madame la ministre, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, SER et CRCE)

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement .  - Je remercie le groupe CRCE et tous les orateurs pour cet échange.

L'accès à un logement digne est essentiel à la vie de la Nation. L'OCDE note que la part consacrée au logement augmente chaque année et représente 37 % du budget des ménages les plus modestes.

Plus de 70 % des Français sont éligibles au logement social ; deux millions de ménages attendent d'y accéder. Les bailleurs sociaux doivent pouvoir investir dans la construction.

La Nation consacre 5 milliards d'euros par an au logement social. La loi ELAN a réorganisé en profondeur le secteur pour réaliser des économies d'échelle et professionnaliser les organismes, qui sont regroupés.

La RLS a été mise en oeuvre par la loi de finances pour 2018. Elle représente un effort important pour le secteur dont je salue l'esprit de responsabilité.

Elle a fait l'objet d'une montée en charge progressive : 800 millions d'euros d'économies la première année, quand l'objectif était de 1,5 milliard d'euros. Nous avons réalisé une juste répartition des efforts entre les organismes, pour que ceux qui accueillent les plus précaires ne soient pas les plus touchés. Désormais, la RLS est stabilisée à 1,3 milliard d'euros.

L'État, la Caisse des dépôts et Action Logement ont mis en place des mesures de compensation : taux de TVA à 5,5 % pour les PLAI, gel du taux du Livret A et modification de sa formule de calcul pour un gain de 1,2 milliard d'euros en 2019. La compensation sur le compte de résultat des bailleurs est intégrale.

En 2018 et 2019, l'activité du secteur s'est maintenue autour de 110 000 agréments par an, notamment des PLAI ; des chiffres qui se comparent honorablement avec ceux d'avant 2017.

Certes, les résultats de 2020 sont décevants, mais ils sont dus à la crise sanitaire et au délai de renouvellement des exécutifs municipaux.

La situation financière du secteur est satisfaisante, même depuis la RLS. Ses ressources progressent plus rapidement que son endettement et les coûts de gestion reculent depuis 2019. Les bailleurs ont une très forte capacité d'investissement et leur capacité d'autofinancement par rapport à leur chiffre d'affaires est respectable. Leurs fonds de roulement restent élevés.

Il est vrai que les conséquences de la RLS ne peuvent être pleinement mesurées. Aussi, mon ministère est attentif à toute évolution dans la perspective de la revoyure en 2022. Je suis prête à étudier rapidement tout ce qui pourra réduire les irritants.

Il nous faut rattraper, en 2021 et 2022, le retard enregistré en 2020. Pour cela, j'ai lancé une mobilisation générale. Le protocole que nous avons signé porte sur 250 000 logements, dont 90 000 très sociaux, d'ici à 2022.

L'État consacrera 500 millions d'euros à la réhabilitation lourde des logements sociaux dans le cadre du plan de relance, les aides à la pierre seront davantage mobilisées et Action Logement participera à hauteur de 920 millions d'euros. Cette mobilisation générale se fonde également sur la prolongation de la loi SRU après 2025 opérée par le projet de loi 4D, qui est équilibré et renforcera aussi la mixité sociale.

Le logement social a joué son rôle d'amortisseur social dans la crise. C'est un facteur clé de la cohésion sociale. C'est pourquoi nous relançons la construction. Je suis déterminée à oeuvrer encore et toujours en ce sens ! (Applaudissement sur les travées du RDPI)

Prochaine séance demain, jeudi 6 mai 2021, à 9 h 30.

La séance est levée à 22 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 6 mai 2021

Séance publique

À 9 h 30

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires de séance : M. Jean-Claude Tissot - M. Daniel Gremillet

1. Trente-deux questions orales

À 14 h 30

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président

2Débat sur les conclusions du rapport d'information de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières (demande de la commission d'enquête)

3. Débat sur le thème : « Écriture inclusive : langue d'exclusion ou exclusion par la langue » (demande du groupe INDEP)

4. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, en faveur de l'association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales, présentée par MM. Alain Richard, Joël Guerriau et plusieurs de leurs collègues (n° 493, 2020-2021) (demandes des groupes RDPI et INDEP)