Projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement (Suite)

Discussion de l'article unique

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article unique

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme V. Boyer.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 5 de la Charte de l'environnement de 2004 est ainsi modifié :

1° Les mots : « bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques » sont remplacés par les mots : « dont la probabilité de survenue est scientifiquement étayée » ;

2° Le mot : « précaution » est remplacé par le mot : « prudence responsable ».

Mme Valérie Boyer.  - Le principe de précaution est devenu le grand épouvantail utile du débat politique alors que sa définition originelle était plus étroite. Il a constitué une plus-value admirable au service de la protection de l'environnement, mais a aussi entrainé l'interdiction de produits qui ne disposaient d'aucune alternative viable, parfois en l'absence de certitude scientifique sur leur dangerosité. Il faut remettre la connaissance scientifique au coeur du débat public pour rationaliser les débats.

Nous avons besoin d'innovations scientifiques pour agir contre le changement climatique et rendre viable notre modèle économique et industriel. Quand il neige, la précaution consiste à ne pas rouler, la prudence à rouler moins vite... (Exclamations moqueuses sur les travées du GEST) Défendons une prudence avisée et responsable plutôt que de prôner une précaution zélée ! Cet amendement est issu des travaux d'Oser la France. (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Quelle référence !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ce principe de prudence responsable viserait un dommage dont la probabilité de survenue est scientifiquement étayée.

L'amendement est satisfait, car le principe de précaution ne vise pas des dommages chimériques. La rédaction de 2005 est équilibrée : lorsqu'il existe une probabilité de dommage, même légère, les pouvoirs publics doivent l'évaluer et prendre des mesures provisoires et proportionnées. Ne touchons pas à cet équilibre. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement démontre qu'il n'y a pas toujours d'accord sur les mots... Il constitue une régression par rapport à la Charte. Avis totalement défavorable.

L'amendement n°7 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6 de la Charte de l'environnement de 2004, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ....  -  Par application du principe de non-régression, la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante. »

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement et le suivant montrent que d'autres voies étaient possibles pour renforcer l'assise des principes environnementaux dans le bloc de constitutionnalité. Le principe de non-régression environnementale devrait figurer dans la Charte, ce qui le ferait intégrer le bloc de constitutionnalité : il aurait empêché la réintroduction des néonicotinoïdes.

Cela conduirait à une évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous enverrions ainsi un signal positif à nos concitoyens, notamment à ceux qui ont participé à la Convention pour le climat, et au législateur. À défaut, cette réforme ne sera qu'une gesticulation et une manipulation démagogique sans utilité concrète.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le principe de non-régression est satisfait par la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, notamment par la décision du 10 décembre 2020. Il ne serait pas raisonnable d'aller plus loin. Aucun pays au monde n'a adopté un principe aussi strict.

Dans certains cas, je pense au texte dit « betteraves », il doit être possible de revenir sur des mesures de protection de l'environnement pour des raisons très précises et limitées dans le temps. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - En 2016 comme en 2020, le Conseil constitutionnel a affirmé ce principe que notre droit connaît déjà à l'article 110-1 du code de l'environnement. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Comme Mme Assassi, nous sommes favorables à une réaffirmation constitutionnelle de la protection de l'environnement, mais nous ne voterons pas ces amendements car nous voulons que ce projet de loi constitutionnelle aille jusqu'au bout. Nous ne voulons pas être instrumentalisés en votant un amendement qui ne permettrait pas de soumettre le texte au référendum. Allons au bout de ce jeu de dupes entre le Gouvernement et Les Républicains !

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur Benarroche, vous avez raison de dénoncer un jeu de dupes, mais je ne comprends pas votre démarche politique. Il est singulier de prôner des enrichissements de la Charte de l'environnement tout en soutenant ce soir le texte du Gouvernement...

M. Éric Kerrouche.  - Le Conseil constitutionnel n'a pas dégagé de l'article 2 de la Charte le principe de non-régression en matière environnementale. Ce serait une avancée importante. Le vote conforme semblant exclu, nous voterons ces amendements.

M. Joël Labbé.  - Savoir que, de toute façon, le vote conforme n'aura pas lieu me déstabilise. Autant arrêter les frais si tout est couru d'avance ! (Exclamations à droite)

Le principe de non-régression est pourtant fondamental. Nous avions eu ce débat sur les néonicotinoïdes et le Conseil constitutionnel ne nous avait hélas pas suivis.

Je ne prendrai pas part au vote et refuse ce jeu de dupes.

M. Guillaume Gontard.  - Nous souhaitons que le texte de l'Assemblée nationale soit soumis aux électeurs car il nous semble aller dans le bon sens. C'est le sens de notre position. Nous sommes bien d'accord avec vous, Madame Assassi ! (Exclamations et rires à droite)

Ensuite, si la droite décide qu'il n'y aura pas de référendum, il n'y en aura pas.

Mme Éliane Assassi.  - Et la navette ?

M. Fabien Gay.  - J'entends dire que le référendum est enterré. Mais il y a une navette parlementaire ! S'il n'y a pas de vote conforme, le texte reviendra devant l'Assemblée nationale puis devant le Sénat. (M. le ministre le confirme.)

Dans ce jeu vicié, il y a aussi le respect des institutions et de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau.  - Bravo !

M. Fabien Gay.  - Je le dis à nos collègues écologistes : si vous ne voulez pas enrichir le texte, ne déposez pas d'amendement... (Mêmes mouvements)

Nous pourrions nous retrouver sur la non-régression environnementale. Dans les temps compliqués que nous traversons, la gauche gagnerait à s'unir sur de tels sujets. D'ailleurs, nous voterons l'amendement des écologistes qui viendra tout à l'heure.

M. Philippe Bas.  - Le Gouvernement a été bien content de pouvoir revenir sur des décisions environnementales - je pense à la taxe sur le diesel - pendant la crise des Gilets jaunes... Il faut garder la mesure, sauf à risquer de perdre beaucoup plus que les avancées que l'on entend réaliser.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6 de la Charte de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ....  -  Le principe de solidarité écologique appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l'environnement, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés. »

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Satisfait. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

ARTICLE UNIQUE

Mme Nicole Bonnefoy .  - Alors que la pandémie tue, notamment en Inde et au Brésil, notre seule arme pour parvenir à une immunité collective réside dans les vaccins.

Nous devons favoriser l'accès de tous à ces vaccins et en faire un bien commun mondial.

Joe Biden et l'Union européenne s'y sont déclarés favorables. C'est d'autant plus justifié que les laboratoires ont été massivement soutenus par les États, et donc par les contribuables.

D'après les scientifiques, d'autres pandémies surviendront : la France doit se mobiliser pour faire des vaccins et des traitements des biens communs mondiaux ! Nous appelons de nos voeux ce changement de société. (Applaudissement sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Nous arrivons au coeur des débats avec cet article unique.

Les commissions des lois et de l'aménagement du territoire proposent de reprendre l'avis du Conseil d'État. Pourtant, les formules retenues manquent d'ambition : le Sénat, ainsi, joue le rôle qu'on attendait de lui en vidant le projet de loi constitutionnelle de sa substance et en le condamnant à une navette permanente. Il a ainsi fait le choix d'être le meilleur alibi du Président de la République pour un renoncement qui aura un goût amer pour les membres de la Convention citoyenne et pour nous autres parlementaires.

Il n'existe pourtant pas de hiérarchie entre les droits et libertés constitutionnels, contrairement à ce qu'affirme la commission des lois. Le terme « garantir » ne pose pas un droit.

En réalité, cette guerre sémantique ne vise qu'à une régression du droit de l'environnement, comme ce fut le cas sur les néonicotinoïdes et la loi ASAP.

Nous ne voterons pas l'article unique.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Folliot.

Supprimer cet article.

M. Philippe Folliot.  - « Charles, réveille-toi, ils sont devenus fous ! » : telle est l'injonction que nous pourrions faire au fondateur de la Vème République. (Murmures désapprobateurs sur plusieurs travées)

Les enjeux environnementaux sont essentiels. Faut-il pour autant changer la Constitution ?

De par sa genèse, ce texte pose problème : les commissions parlementaires auraient-elles moins de légitimité que des citoyens tirés au sort ?

En outre, il ne faut toucher à la Constitution que d'une main très tremblante, pour paraphraser Montesquieu.

Enfin, je ne reviendrai pas sur les conséquences de ce texte ; M Philippe Bonnecarrère l'a très bien démontré.

Nous risquons une judiciarisation de la société néfaste aux projets portés par les collectivités locales.

Cet amendement supprime donc l'article unique.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. La commission des lois préfère réécrire l'article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois.

Remplacer les mots :

Elle garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique

par les mots :

Elle préserve l'environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement réécrit l'article premier pour éviter les effets inconnus du verbe « garantir ». Il s'agit d'établir une articulation claire entre l'article premier de la Constitution et la Charte de l'environnement, mais aussi d'inclure la lutte contre le dérèglement climatique dans les objectifs de cette Charte, car cette dernière ne le mentionne pas. La commission des lois s'y est montrée majoritairement favorable.

M. le président.  - Amendement identique n°3, présenté par M. Chevrollier, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis.  - Cet amendement présente l'avantage juridique de suivre l'avis du Conseil d'État et il invite à des politiques publiques plus ambitieuses sans créer de hiérarchie entre les principes constitutionnels. Enfin, il a une portée symbolique en intégrant la lutte contre le changement climatique dans la Constitution. La France serait ainsi le premier pays du Nord à s'engager dans cette voie.

M. le président.  - Amendement identique n°5 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Marseille, Allizard, Anglars, J.M. Arnaud, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti, Berthet et Billon, MM. J.B. Blanc, Bonne, Bonneau, Bonnecarrère et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier, Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cadic et Calvet, Mme Canayer, MM. Canévet, Capo-Canellas, Cardoux et Cazabonne, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon et Chauvet, Mme Chauvin, MM. Cigolotti, Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Daubresse et de Belenet, Mmes de La Provôté et Demas, M. S. Demilly, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco, Dindar et Doineau, M. Duffourg, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Férat, M. B. Fournier, Mmes C. Fournier, Garnier et Gatel, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, N. Goulet et Gruny, MM. Guené et Gueret, Mme Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, MM. Hingray, Houpert et Husson, Mmes Imbert, Jacquemet et Jacques, M. Janssens, Mmes Joseph et M. Jourda, MM. Karoutchi, Kern, Klinger et Lafon, Mme Lassarade, MM. Laugier et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Le Gleut, Le Nay et H. Leroy, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Le Rudulier et Longuet, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli, P. Martin et Maurey, Mme M. Mercier, MM. Mizzon et Moga, Mme Morin-Desailly, M. Mouiller, Mme Muller-Bronn, MM. Nachbar et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Perrin, Mme Perrot, M. Piednoir, Mme Pluchet, M. Poadja, Mme Primas, M. Prince, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Rietmann et Rojouan, Mme Saint-Pé, MM. Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mmes Vérien et Vermeillet et MM. C. Vial et Vogel.

M. Bruno Retailleau.  - On ne perd jamais son temps à lire le journal le dimanche matin. On en a généralement pour son argent... (Exclamations agacées à gauche)

Avant même que le Sénat n'examine ce texte, d'aucuns l'accusaient de bloquer la révision et le référendum. Il faudrait que nous votions conforme un texte issu d'une conférence de 150 citoyens tirés au sort - la démocratie du hasard, de la courte paille !

On ne peut pas reprocher au Sénat de ne pas faire un travail de fond. Nos commissions ont travaillé sérieusement, en prenant en compte la formulation suggérée par le Conseil d'État. D'ailleurs, vous nous proposiez ce terme il y a un an. Ce n'est donc pas une lubie du Sénat. N'introduisons pas, avec le mot « garantir », le virus de la décroissance dans notre Constitution ! (Protestations à gauche) Nos concitoyens veulent que nous conciliions développement économique et respect de l'environnement.

Nous n'abdiquerons pas notre responsabilité de constituant au profit d'un Gouvernement de juges !

Je ne suis pas opposé à un referendum ; j'ai même hâte d'en connaître le résultat ! (Exclamations à gauche tandis qu'on applaudit sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°19 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après le mot :

préservation

insérer les mots :

et l'amélioration constante

M. Guy Benarroche.  - L'objectif d'amélioration constante de l'environnement n'a aujourd'hui qu'une valeur législative, inscrite à l'article 110-1 du code de l'environnement.

Afin de renforcer sa portée juridique et d'élargir son champ d'application, ce principe doit être élevé au rang constitutionnel, dans le but de lui conférer une valeur égale à celles des principes constitutionnels de droits de propriété ou de liberté des entreprises.

La France serait ainsi mieux armée pour se conformer aux objectifs instaurés par l'Accord de Paris et, plus généralement, à ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de promotion de la résilience.

Si les amendements précédents n'étaient, par extraordinaire, pas adoptés, nous retirerions le nôtre conformément à nos engagements, afin de ne pas modifier le texte original et d'aller au référendum que M. Retailleau appelle de ses voeux.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Remplacer les mots :

et de la diversité biologique

par les mots :

, de la diversité biologique et de l'ensemble des biens communs mondiaux

M. Patrick Kanner.  - Le Président de la République n'a plus que sa réélection en tête et confond la Constitution avec un tract de campagne...

Les Français, cependant, n'ont pas la mémoire courte et un peu de vernis vert ne fera pas oublier les renoncements sur les néonicotinoïdes, le glyphosate, le chlordécone, la multiplication des accords de libre-échange sans clauses environnementales, l'artificialisation des sols, la poursuite des forages, la limitation des propositions de la Convention, quand elles n'étaient pas effacées.

Mais là, la proposition est reprise sans filtre...

Ce débat est une occasion rare d'enrichir notre arsenal constitutionnel. Un référendum ne saurait se réduire à un plébiscite. Règle verte, non-régression, écocide... Nous aurions pu en débattre, mais le débat est clos. Le Gouvernement veut faire endosser au Sénat la responsabilité de l'échec de la réforme. La dernière année de ce quinquennat est décidément marquée par les manigances et les faux-semblants !

Oui mais non, non mais oui, peut-être, on ne sait pas... Comme pour la levée des brevets sur les vaccins, comme sur cette réforme, le Gouvernement joue une valse à trois temps. Il voudrait plomber cette réforme qu'il ne s'y prendrait pas autrement !

Le vote du texte par les deux assemblées dans des termes différents ne fait pas constitutionnellement obstacle au référendum : celui-ci n'empêche pas la discussion de se poursuivre.

Dans cet amendement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reprend la proposition de loi de Nicole Bonnefoy examinée le 20 décembre par le Sénat, qui intègre dans la Constitution la notion de biens publics mondiaux. La France en sortirait grandie.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°13, en raison de l'opposition de notre commission au verbe « garantir ». De plus, cet amendement est satisfait par l'article 2 qui introduit l'obligation pour toute personne de « prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ».

Avis également défavorable à l'amendement n°11 : la notion de biens communs mondiaux est encore trop floue pour être intégrée à la Constitution, comme le concluait le rapport d'Arnaud de Belenet sur ce sujet en décembre dernier.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'entends les inquiétudes de certains, qui cherchent la démocratie comme Diogène cherchait la justice. Mais elle est partout dans ce texte. Dans la Convention citoyenne pour le climat d'abord, dont les recommandations doivent être entendues. Le Président de la République les a transmises à l'Assemblée nationale qui, à ce que je sache, compte aussi des juristes. Personne n'a le monopole de l'écologie, certes, mais personne n'a celui de la perfection juridique.

Monsieur Retailleau, monsieur Bas, vous avez-vous aussi proposé une modification de la Constitution sur la laïcité en tenant à vos mots. Souffrez que le Gouvernement tienne aux siens. Que puis-je dire de plus ?

Je suis défavorable à votre amendement n°2 qui vide de sa substance la proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Elle deviendrait alors purement symbolique, n'ajoutant rien à la Charte si ce n'est la mention du dérèglement climatique.

Ce renvoi à la Charte se surajoute à celui qui figure dans le Préambule de la Constitution de 1958. De plus, il fragilise le droit environnemental en encadrant la préservation de l'environnement dans les conditions prévues par la Charte, excluant implicitement les autres normes dont le code de l'environnement.

Notre projet apporte au contraire une plus-value grâce à l'emploi du terme « garantir » qui met à la charge de l'État une quasi-obligation de résultat ou, si vous préférez, une obligation de moyens renforcée en matière de préservation de l'environnement. C'est une exigence impérieuse au regard de la situation. Avis défavorable aux amendements identiques nos2, 3 et 5 rectifié. La démocratie suivra son cours avec la navette.

Il est effectivement utile de lire le Journal du Dimanche. J'y ai lu que ma participation à ce débat était inutile, mais je suis venu ! Je crois au débat parce que la démocratie m'importe.

Avis également défavorable aux amendements nos13 et 11. Je me suis déjà exprimé sur le principe de non-régression.

Quant à l'idée d'inscrire dans la Constitution les biens communs mondiaux...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est beau !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est beau, mais ce n'est pas assez précis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous ne méconnaissons pas le code de l'environnement, mais il y a la hiérarchie des normes : la Constitution est supérieure à la loi, qui est supérieure au règlement, qui est supérieur au décret. Par définition, la Constitution couvre l'ensemble des dispositions.

M. Alain Richard.  - Et elle ne cite jamais de loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - En effet. Nos doutes sur les conséquences du mot « garantir » ont été renforcés par nos auditions, et surtout l'avis du Conseil d'État, qui est d'une grande clarté à cet égard.

M. Éric Kerrouche.  - La Convention citoyenne pour le climat ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité. N'ayons pas de condescendance pour cette forme de consultation citoyenne. Cette procédure vient compléter la démocratie parlementaire et il convient de le prendre au sérieux.

Ne nous laissons pas prendre au piège de la procédure : ce que laisse entendre le Gouvernement, c'est que le Président de la République pourrait arrêter la navette en rendant le Sénat responsable de l'échec.

Quant au gouvernement des juges, nous nous sommes tous félicités que le juge constitutionnel prenne toute sa compétence en donnant à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen une valeur constitutionnelle, en dégageant des principes de valeur constitutionnelle et des principes particulièrement nécessaires à notre temps. Il s'est ainsi fait le garant de nos libertés.

L'amendement de la majorité sénatoriale et des commissions minore l'effet du texte, sous prétexte des effets néfastes du verbe « garantir ». Or vous le savez bien, il n'a pas la force que vous lui prêtez - sinon l'égalité entre hommes et femmes serait assurée depuis longtemps ! La querelle sémantique permet d'éviter de débattre du fond. Nous ne voterons pas ces amendements.

Mme Esther Benbassa.  - Le Sénat s'apprête à vider ce texte de sa substance, alors que la situation est des plus préoccupantes, voire menaçante. Notre responsabilité est de trouver des solutions et de les appliquer. Rien ne semble pouvoir arrêter la destruction de la planète, que ni le profit ni les dividendes ne pourront sauver. Les jeunes l'ont compris et manifestent par dizaines de milliers pour obtenir des changements.

On trahit la Convention citoyenne pour le climat en refusant de « garantir » et de « lutter contre », d'affirmer la primauté de l'écologie sur l'économie ! Le projet est dans l'impasse. Il n'y aura pas de référendum... Le président Macron a sûrement d'autres préoccupations en tête. L'écologie ne sert qu'à verdir les bulletins de temps à autre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Ronan Dantec.  - Je suis un peu déçu par ce débat, qui manque quelque peu de souffle au regard des enjeux. Nous voyons beaucoup de calculs politiciens... Beaucoup d'interventions reviennent à dire que l'économie et la société française ne sont pas capables de garantir la préservation de l'environnement.

Lire le journal, c'est intéressant, mais il faut aussi lire le Préambule de la Constitution de 1946 : « Le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » Il ne vise pas seulement les Français.

Or la dégradation de l'environnement est devenue une des grandes atteintes aux droits de l'Homme. Renouons avec l'universalisme qui est l'essence de 1789 et du Préambule de 1946 ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thomas Dossus.  - Nous ne voterons pas cette version du texte édulcorée par la droite. Que pèsent les risques d'instabilité juridique par rapport au chaos climatique ? Les études économiques ont prouvé que le coût de l'inaction est supérieur à celui de l'action. Le temps est venu d'un cadre juridique clair, avec une obligation de réussite. C'est ce que permet le terme « garantir ».

Depuis des mois, la majorité sénatoriale accuse les élus écologiques de défendre une idéologie totalitaire, nous caricaturant en despotes de la piste cyclable... Vous aviez l'occasion d'un recours au peuple (Interruptions à droite) pour avoir enfin un débat démocratique sur l'avenir de notre République. Vous pouviez faire trancher ce choix de société par les Français, mais vous préférez le renoncement. Le GEST ne votera pas cette nouvelle formulation. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Guillaume Gontard.  - Le terme « garantit » implique une obligation de moyens contraignants. C'est une avancée importante qu'il faut soutenir, surtout lorsqu'on affirme que l'écologie n'est pas le fait d'un parti. Mais certains préfèrent défendre une somme d'intérêts privés plutôt que l'intérêt général. M. Retailleau a raison : nous devons débattre du sujet. Rejetons donc les amendements des rapporteurs et allons au référendum.

M. Guy Benarroche.  - Le moment où l'on refuse d'avancer est toujours grave et signifiant.

Cet amendement illustre les contradictions de votre raisonnement. La majorité sénatoriale dit vouloir rectifier les incertitudes juridiques du texte, mais oublie qu'il reviendra toujours au juge d'arbitrer entre différents objectifs constitutionnels.

De plus, on ne peut pas reprocher à la fois au texte d'être trop incertain et trop prescripteur. Deux médecins, trois avis, a-t-on coutume de dire...

Le terme « garantit » ne fait pas consensus parmi les constitutionnalistes. Au pire, il serait inutile. En réalité, il vous fait peur, comme la référence à des propositions issues de la démocratie participative. Si vous voulez une formulation plus sobre, c'est que la rédaction d'origine est plus percutante.

En empêchant l'adoption du texte en des termes identiques à ceux de l'Assemblée nationale, le référendum est compromis. De la sobriété, nous passons à l'abstinence. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-Yves Leconte.  - On peut certes avoir des doutes sur la rédaction du Gouvernement, mais ce qui est sûr, c'est que, avec les amendements des commissions, on ne fera plus rien. Philippe Bas l'a reconnu en commission : une fois retiré le venin du texte, il ne reste plus grand-chose...

La Charte de 2005 a été un progrès, mais elle ne suffit pas, comme l'affaire dite du siècle le montre. ?uvrons à la préservation des biens communs - climat, santé, eau - comme le groupe SER le propose !

Cet enjeu n'a pas de frontières : nous devons trouver ensemble des solutions. Soyez fidèles à notre histoire universaliste et innovez ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le rapporteur, pourquoi donc présentez-vous cet amendement n°2 ? Je comprends vos arguments contre l'emploi du terme « garantit ». Mais vous proposez d'écrire que la France « agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004 ». Or la Charte de l'environnement a déjà valeur constitutionnelle : vous nous proposez donc d'écrire dans la Constitution qu'il faut respecter la Constitution... Cela s'appelle une aporie ! Éclairez-moi, car je n'ai pas entendu un seul argument en faveur de cette rédaction.

Préserver les biens communs de l'humanité, comme l'ont évoqué Nicole Bonnefoy et Patrick Kanner, est une belle idée. Elle est dans la continuité de tous ceux qui défendent des politiques sociales et progressistes depuis deux siècles. Le but de la politique est le bien commun. Plutôt que l'aporie proposée par l'amendement du rapporteur, écrivons quelque chose de fort.

Mme Éliane Assassi.  - Je tiens à clarifier la position du groupe CRCE, qui préfère renforcer la Charte de l'environnement.

Certains oublient que l'article premier de la Constitution définit d'abord des valeurs, pas des principes d'action ou des politiques sectorielles. Il définit le rôle des pouvoirs publics et leurs relations entre eux. Il nous paraît donc préférable de compléter la Charte de l'environnement pour lui donner sa pleine puissance.

M. Alain Richard.  - Je m'exprimerai à titre personnel sur ces amendements. Je ne comprends pas les objectifs mêmes de cette révision constitutionnelle, qui est proclamatoire et peu productive.

La lutte pour la biodiversité et contre le réchauffement climatique est multiforme, négociée et exige un approfondissement scientifique constant. Le code de l'environnement ne contient pas une seule règle de fond : il n'est fait que de procédures, assorties de multiples dérogations pour permettre la mise en oeuvre de projets de protection de l'environnement, notamment en matière d'énergie et d'épuration.

Vouloir résumer en un mot l'ensemble de ces politiques serait contre-productif et contraindrait nos politiques industrielles, agricoles et d'aménagement.

La biodiversité encore mal connue. Lisez la littérature scientifique : les zones d'incertitude sont considérables. Ne nous méprenons pas sur le rôle d'une Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Labbé.  - Nous sommes en situation de péril ; l'urgence est scientifiquement prouvée. La Charte de l'environnement a été un progrès à l'époque, mais depuis 2004 la situation continue à se dégrader.

Les jeunes générations ont besoin de symboles et de projets collectifs alors que 50 % de nos concitoyens ne s'intéressent plus à la politique. De plus en plus de jeunes couples ne veulent plus d'enfants. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut se remettre en question et aller vers une nouvelle société. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Joël Bigot et Mme Nicole Bonnefoy applaudissent également.)

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos2, 3 et 5 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°117 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 216
Contre 123

Le Sénat a adopté.

Les amendements nos13 et 11 n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Guiol, Mme Pantel et M. Requier.

Compléter cet article par les mots :

, et ses conséquences

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Le rapport de la délégation à la prospective du Sénat, présenté par Ronan Dantec et Jean-Yves Roux en mai 2019 et intitulé « Adapter la France aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050 : urgence déclarée », souligne la nécessité pour la France « de se préparer à absorber un choc climatique inévitable » lié à l'aggravation des risques naturels, à l'apparition de maladies, au stress hydrique, aux dangers pour l'agriculture et l'alimentation.

Adopté à l'unanimité, il préconise des mesures d'accompagnement des territoires, d'adaptation du bâti, d'évolution de notre modèle agricole.

Cet amendement précise dans la Constitution que la lutte contre le dérèglement climatique suppose une lutte contre ses conséquences qui menacent la vie quotidienne de nos concitoyens.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Lutter contre la cause, c'est lutter aussi contre les effets. La précision n'est pas indispensable. De plus, il n'est pas opportun d'introduire des mesures trop indéterminées.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Compléter cet article par les mots :

, dans le respect des limites planétaires

M. Guy Benarroche.  - Il est nécessaire d'introduire une quantification des objectifs environnementaux de notre pays.

Proposé en 2009 par une équipe internationale, ce concept de limites planétaires est déjà utilisé par des grands groupes industriels privés pour confronter leur impact sur l'environnement à la capacité de notre planète à l'absorber.

Notre société ne doit pas évoluer au détriment de notre planète. Ainsi, cette inscription dans la Constitution imposerait d'inscrire dans le droit des limites chiffrées d'émission de CO2, de destruction forestière, de limites de pêche, etc.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement me semble superflu. Avis défavorable. (On ironise sur les travées du GEST.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mêle avis.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle garantit aux générations présentes et à venir le droit de vivre dans un environnement sain et sûr.

M. Guy Benarroche.  - Nous demandons de consacrer dans la Constitution le droit des générations actuelles et futures à vivre dans un environnement sain.

Les atteintes à la biodiversité et à l'environnement pourraient, à terme, entraîner la destruction de l'humanité. La France doit mettre en oeuvre les politiques environnementales nécessaires pour limiter l'impact des activités humaines à un niveau permettant à l'humanité de disposer des fonctions essentielles de la biosphère. Nous n'héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. Le comité des droits de l'homme des Nations unies a, le 30 octobre 2018, dit ses craintes quant aux effets de la dégradation de l'environnement.

Le droit à un environnement sain est inscrit dans la Charte de l'environnement. Renforçons sa portée juridique en l'érigeant en principe constitutionnel à l'article premier de la Constitution.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le Préambule de la Charte de l'environnement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle assure un haut niveau de protection de l'environnement selon le principe de non-régression.

M. Guy Benarroche.  - Après satisfait et superflu, j'attends le troisième S... (Sourires)

Le principe de non-régression protège les droits des générations futures en renforçant les exigences écologiques lors des prises de décision. Il crée une obligation positive, notamment pour le législateur, de ne pas dégrader les avancées écologiques.

En dépit de l'urgence climatique, certaines décisions sont moins-disantes au niveau environnemental. Il est essentiel d'affirmer qu'à défaut de faire plus, on ne peut plus se permettre de faire moins. (Mme Esther Benbassa applaudit.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable comme sur l'amendement n° 9. L'article 2 de la Charte est clair sur ce point.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable : je n'ai pas, moi non plus, changé d'avis depuis l'examen de l'amendement n°9.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par MM. Guiol, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Lozach et Mizzon, Mme Varaillas et M. Iacovelli.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le premier alinéa du même article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle reconnait la diversité de ses territoires et assure leur cohésion par un développement social, économique et environnemental équilibré. »

M. André Guiol.  - A la proposition du Président de la République d'inscrire dans l'article premier de la Constitution notre engagement en faveur de l'environnement, doivent être associés l'ensemble de nos concitoyens et des territoires, qu'ils soient urbains, péri-urbains ou ruraux. Il existe un lien intime et subtil qui relie environnement et territoires. La cohésion des territoires doit être le moteur de la transition écologique.

Souvenons-nous d'Hubert Reeves : si l'homme gagne sa guerre contre la nature, il est perdu !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui présente une rédaction complexe.

Quels seraient les effets juridiques de la reconnaissance de la diversité des territoires ? La proposition de loi constitutionnelle de MM. Bas et Larcher y faisait référence en 2015, mais c'était explicitement pour qu'ils soient bien représentés au sein de notre assemblée.

La nécessité d'assurer la cohésion des territoires me semble satisfaite par l'article 6 de la Charte de l'environnement. Cet objectif n'est au demeurant pas suffisamment défini pour avoir valeur constitutionnelle. La solidarité entre les Français est déjà garantie par la Constitution.

Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis pour les mêmes raisons.

M. André Guiol.  - Cet amendement est soutenu par une centaine de maires de petites communes.

L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article unique, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article unique

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le quinzième alinéa est complété par les mots : « , de la protection du sol et de la garantie de la sécurité et de l'autonomie alimentaires » ;

2° ° Après le dix-septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La loi détermine les mesures garantissant le respect des biens communs par l'encadrement du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre. »

L'amendement n°12 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article 39 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets et propositions de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat sont accompagnés d'une évaluation de leur impact climatique, dont les modalités sont définies par une loi organique. »

M. Guy Benarroche.  - La France ne dispose pas de moyens pour piloter et mesurer l'impact des lois au regard de l'objectif carbone fixé pour 2050. Il est indispensable d'intégrer une évaluation des impacts climatiques dans le processus de conception des politiques publiques.

Le Haut Conseil pour le climat, dans un rapport publié le 18 décembre 2019, recommandait de mettre en place l'évaluation climatique des projets et propositions de loi.

Cette évaluation permettrait d'instaurer un principe d'irrecevabilité climatique, applicable aux lois et aux investissements publics jugés incompatibles avec l'Accord de Paris et la stratégie nationale bas carbone.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Je suis déçu !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'étude d'impact existe déjà pour les projets de loi. Avons-nous la capacité de les mener pour les propositions de loi ? Cela parait difficile et peu adapté. Les études d'impact sur les projets de loi, enfin, peuvent être de toute nature. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le titre XI bis de la Constitution, il est inséré? un titre ainsi rédigé? :

« Titre ...

« Le Défenseur de l'environnement

« Art. 71-....-Le Défenseur de l'environnement veille a? la préservation de l'environnement par l'État, ses collectivités territoriales, ses établissements publics, ses organismes investis d'une mission de service public ainsi que par toute autre personne.

« Il veille au respect de cette préservation et du principe de non-régression associé.

« Il veille a? ce que les politiques publiques respectent les limites qui conditionnent l'habitabilité? de la terre pour les générations actuelles et futures.

« Il rend public, a? ce titre et lorsqu'il l'estime nécessaire, des avis sur les projets et les propositions de loi ainsi que sur les évaluations qui les accompagnent avant leur discussion au Parlement.

« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne estimant que la préservation de l'environnement est menacée. Il peut se saisir d'office.

« La loi organique définit les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur de l'environnement. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assiste? par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions.

« Le Défenseur de l'environnement est nommé? par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.

« Le Défenseur de l'environnement rend compte de son activité? au Président de la République et au Parlement. »

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement, qui reprend une demande de plusieurs associations, crée, sur le même modèle que le défenseur des droits, un défenseur de l'environnement. (On ironise à droite.) C'est le défenseur des droits ou le défenseur de l'environnement qui vous fait cet effet ?

Cette autorité constitutionnelle indépendante veillerait au respect par l'État et ses administrations de l'engagement écologique. L'action du défenseur des droits est très utile, nous l'avons observé ces derniers temps.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. L'idée est intéressante. Le Gouvernement a confié à une députée, Cécile Muschotti, une mission temporaire sur le sujet.

Il pourrait être utile de créer un mécanisme de médiation. Le droit de l'environnement étant très complexe, il est toujours préférable de réduire le nombre de contentieux. La commission est moins convaincue par la création d'une instance consultative. N'oublions pas qu'il existe un Conseil économique, social - et environnemental - que nous avons réformé il y a quelques semaines. Rappelons aussi que le défenseur des droits pourrait défendre, plus qu'il ne le fait actuellement, le droit de vivre dans un environnement sain.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le Premier ministre a confié une mission à Mme Muschotti pour définir le contour d'un futur défenseur de l'environnement. Son rapport sera rendu à l'été ; attendons ses conclusions. Retrait ou avis défavorable.

Nul besoin, en outre, de l'inscrire dans la Constitution.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

INTITULÉ DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme V. Boyer.

Compléter cet intitulé par les mots :

, de la biodiversité, du climat et de nos paysages naturels.

Mme Valérie Boyer.  - Cet amendement ajoute les notions de « biodiversité, de climat et de paysages naturels » à des fins de lisibilité et d'une plus grande cohérence avec les modifications prévues par le texte.

La biodiversité est définie par la Convention sur la diversité biologique comme « la variabilité des êtres vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi que celle des écosystèmes »

Face aux écologistes hors-sol qui opposent écologie et écosystèmes, défendons nos paysages, une écologie du bon sens, dans le respect de notre territoire, de son identité et de ses spécificités. (M. Ronan Dantec hoche la tête d'un air désolé.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement n'aura aucun effet juridique. En outre, nous avons cité la « diversité biologique » et non la biodiversité, pour être en cohérence complète avec la Charte.

La protection des paysages, enfin, depuis la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, relève de la défense du patrimoine, non de l'environnement. Nos paysages sont au demeurant fort peu naturels, mais bien plutôt les produits de l'histoire. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°8 est retiré.

Interventions sur l'ensemble

M. Patrick Kanner .  - Quel gâchis ! Une grande cause soutenue par les Français va exploser en vol ce soir ! (Mme Françoise Gatel proteste.) À qui la faute ? Sûrement à l'exécutif qui, avec un cynisme assumé, n'a pas pris les voies et moyens pour arriver à un vote conforme, espérant que le référendum n'ait pas lieu.

La manipulation de l'opinion et l'instrumentalisation du Parlement ne sont pas à votre honneur, monsieur le garde des Sceaux, ni à celui du chef de l'État.

Ce crash est aussi dû à la droite sénatoriale qui s'est engouffrée dans le piège avec délectation. (M. Loïc Hervé proteste.)

Devant une telle situation, nous vous laisserons dos à dos en nous opposant à ce texte. (On ironise sur les travées du groupe UC.) La protection de l'environnement et des biens communs méritait mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Nadège Havet .  - Dans certains cas, le Sénat bénéficie d'une forme de dernier mot, notamment lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution. Il a choisi une rédaction sans portée juridique sous prétexte d'une incertitude sur celle de l'Assemblée nationale.

Dans ce référendum que nous souhaitons tous, soutenir le oui équivaudrait à tenter de convaincre nos compatriotes de voter un texte sans portée juridique...

Notre groupe votera majoritairement contre la version sénatoriale, insuffisamment protectrice de l'environnement.

Je regarderai ce soir avec nostalgie les photos de notre planète si belle et si fragile, prises par Thomas Pesquet depuis l'espace... (Applaudissements sur les travées du groupe du RDPI)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - A l'heure où la légalité de nos institutions est parfois menacée, le tirage au sort est une mauvaise idée. Nous déplorons solennellement une reprise « sans filtre » des textes qui affaiblit nos institutions. Vous soumettez au Parlement un texte qui n'a pas vocation à évoluer : quelle conception du débat parlementaire !

Les rumeurs de l'Élysée le montrent : il n'y aura pas de référendum ; ce texte est un moyen facile de donner des gages aux conventionnels, tout en vous défaussant sur le Sénat. C'est une manipulation grossière !

La droite républicaine défend une écologie de progrès, (on ironise sur les travées du groupe SER) qui soit en accord avec le développement économique et le progrès social, dans l'esprit de l'article 6 de la Charte de l'environnement.

Je salue le travail de nos deux rapporteurs, qui ont levé toute ambiguïté juridique. Nous ne voulions pas « constitutionnaliser le doute » et laisser au juge constitutionnel un trop fort pouvoir d'appréciation.

Nous voterons ce texte. La balle est dans le camp du Gouvernement et de la majorité : à eux de prouver que tout cela n'était pas un jeu cynique aux dépens du Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - Je regrette ce qui ressemble à un énorme gâchis. Si nous modifions la Constitution, c'est bien pour cela serve à quelque chose !

La droite craint que la rédaction de l'Assemblée nationale conduise à une obligation de résultat ; nous l'espérons, au contraire ! Comme l'a dit Jean-Pierre Sueur, si vous étiez contre cette révision, il fallait le dire clairement et voter contre. Nous aurions pu ainsi consulter les Français sur l'opportunité d'un cadre contraignant.

Des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le Président de la République n'en a gardé que 14, dont celle-ci. Mais il savait très bien que le référendum n'aurait pas lieu : ce jeu de dupes est très regrettable.

M. Guy Benarroche .  - (Protestations à droite contre l'intervention d'un deuxième orateur du même groupe) Le monde est en danger et nous devons le sauver.

Nous avons perdu une occasion d'avancer sur un enjeu essentiel. La majorité gouvernementale et la droite sénatoriale sont complices dans cette opération d'enfumage.

Le GEST votera contre ce texte, qui tente de faire échec au recours au peuple. Les Français jugeront !

Nous voterons contre le résultat de vos positions caricaturales, contre un texte qui ne prend pas la mesure de l'urgence climatique. Nous aurions voulu voter pour un texte qui établisse une garantie. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Françoise Gatel .  - Personne, ici, n'a le monopole de l'environnement. Nombre d'élus locaux le protègent dans les territoires.

Le modèle de développement durable place l'homme en son centre. Je suis très attachée à la démocratie participative mais il faut avoir le même respect pour le Parlement et ses élus. N'instrumentalisez pas nos votes en nous taxant de conservateurs et de massacreurs de l'environnement !

Mme Esther Benbassa.  - C'est pourtant vrai !

Mme Françoise Gatel.  - C'est faux. (M. Philippe Bas renchérit.) Simplement, nous n'acceptons pas votre modèle extravagant et caricatural ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; protestations sur les travées du GEST)

Mme Éliane Assassi .  - Démocratie participative et démocratie représentative se nourrissent l'une l'autre. Il ne s'agit pas de les opposer.

Je me félicite du travail de la Convention citoyenne pour le climat ; mais je dénonce la récupération politique qu'on en a faite. Chacun veut se l'approprier...

Ce qui a été écrit dans un journal dominical - qui n'est pas l'Humanité Dimanche (Rires) - illustre cette volonté d'instrumentaliser. Tout a été fait ce week-end pour plomber ce débat. Nous n'avons pas été dupes. Mon groupe était contre la rédaction du Gouvernement ; il est contre sa réécriture par la majorité sénatoriale.

Le projet de loi sur le climat sera l'occasion d'un vrai débat de fond sur ce que chacun propose.

Le projet de loi constitutionnelle est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°118 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 212
Contre 124

Le Sénat a adopté.