Prévention d'actes de terrorisme et renseignement (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.

Discussion générale

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Le Gouvernement maintient sa ligne depuis 2017, en responsabilité : garantir l'équilibre entre efficacité de l'action antiterroriste et préservation des libertés individuelles.

Ce texte est essentiel pour renforcer l'arsenal législatif, en particulier pour les personnes condamnées pour terrorisme qui sortent de prison.

Nous visons toujours plus d'efficacité opérationnelle, de pragmatisme, entre respect de l'équilibre initial et recherche du plus large consensus.

Je remercie la commission des lois du Sénat, la délégation parlementaire au renseignement et la mission d'information sur le renseignement. J'espère que le travail commun se poursuivra, pour agir ensemble avec responsabilité.

Je salue aussi le travail excellent de nos forces de l'ordre et des services de renseignement qui identifient, suivent et mettent en échec les projets meurtriers des terroristes.

Alors qu'il y avait un consensus sur la plupart des dispositions de ce texte, nous assumons que la CMP ait achoppé sur le cas des sortants de prison. Quelque 188 condamnés terroristes islamistes sortiront de détention d'ici 2025. Ces individus, le « haut du spectre », présentent des enjeux sécuritaires multiples à court, moyen et long terme, avec un risque de prosélytisme, de récidive ou de redéploiement à l'étranger.

Le placement sous mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (Micas) est particulièrement utile et adapté pour les surveiller à leur sortie de prison et d'observer leurs efforts de réinsertion. L'expérience le montre. Une surveillance physique et technique à plein temps serait difficile et coûteuse.

Mais la durée de douze mois est insuffisante. Dix-neuf Micas sont arrivées à échéance depuis 2017, alors que ces individus demeurent dangereux. L'allongement des Micas serait très encadré pour sécuriser la mesure sur le plan constitutionnel. La Micas ne pourra être prolongée jusqu'à vingt-quatre mois qu'à l'encontre d'individus condamnés à au moins cinq ans de détention, trois en cas de récidive. Au-delà de douze mois, le renouvellement de la mesure sera soumis à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires.

Le Conseil constitutionnel s'était prononcé sur des Micas beaucoup plus larges que celles que vise le texte du Gouvernement - y compris celles de personnes non passées à l'acte. Si les Micas ne peuvent se prolonger indéfiniment, elles sont acceptées par le Conseil constitutionnel à condition d'être bornées et de concerner des individus dangereux. Il y aurait donc une différence objective de situation.

La mobilisation du Gouvernement contre le terrorisme ne serait pas possible sans le soutien du Parlement, qui a permis de renforcer les moyens humains, juridiques et budgétaires de nos services. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois .  - (M. Philippe Mouiller applaudit.) Chacun souhaite la prévention la plus efficace des actes de terrorisme.

Nous nous associons à l'hommage de la ministre à nos forces de l'ordre et à nos services de renseignement.

La CMP a échoué le 9 juillet 2021, alors que dix-neuf articles restaient en discussion. L'Assemblée nationale en a adopté six sans modification et a confirmé une suppression. Elle a modifié substantiellement les douze articles restant, notamment les articles 2, 3 et 5.

L'intransigeance du Gouvernement a rendu l'échec en CMP inévitable, alors que nous étions très proches d'un accord. Notre désaccord portait sur les modalités de suivi des personnes condamnées pour terrorisme.

Nous partagions le constat  - l'insuffisance des dispositifs existants pour surveiller les 200 détenus qui sortiront bientôt, dont un quart sont très dangereux, susceptibles de récidive.

Nous divergeons sur les solutions. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale veulent des Micas de deux ans, afin d'assurer la surveillance de ces individus, tout en instaurant une mesure judiciaire qui se concentrerait sur leur réinsertion. Nous proposons une mesure judiciaire de réadaptation sociale mais aussi de surveillance de l'individu, en remettant sur le métier la loi votée en juillet dernier. Nous étions prêts à évoluer sur les deux ans, à condition de conserver une mesure de sûreté. Les mesures de suivi judiciaire, prononcées par un juge, permettent une surveillance plus longue et plus contraignante ; elles présentent de meilleures garanties pour l'individu car elles sont issues d'une procédure contradictoire ; elles comportent également un volet réinsertion.

L'Assemblée nationale n'a pas donné suite à nos propositions de compromis sur l'article 5. Nous proposons donc de supprimer l'allongement des Micas prévu à l'article 3, et à l'article 5 d'articuler correctement mesures judiciaires et administratives : les premières n'entrent en vigueur que lorsque les secondes sont levées.

Nous rétablissons aussi la version du Sénat sur l'article 2, afin de caractériser les locaux annexes au lieu de culte pouvant être utilisés pour faire échec à l'exécution d'une mesure de fermeture du lieu de culte. Dans un souci de conciliation avec l'Assemblée nationale, nous proposons de supprimer la mention d'accueil habituel de réunions publiques. Comme les mesures de police administrative ne peuvent concerner des lieux privés, cette mention semble satisfaite.

Voilà pour le volet terrorisme du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) S'agissant du volet renseignement, le Sénat a eu comme priorité de doter les services de renseignement de moyens adaptés pour faire face aux évolutions technologiques, tout en veillant au respect des libertés constitutionnelles, notamment à la préservation de la vie privée.

En première lecture, le Sénat était parvenu à un bon équilibre entre liberté et sécurité.

Malgré un accord sur la partie renseignement avec mon homologue rapporteur Loïc Kervran, la CMP a échoué et les députés ont rétabli l'accès des services du second cercle pour l'expérimentation relative à l'interception des données satellitaires. Ce n'est pas un point de blocage, car l'Assemblée nationale a précisé que les services concernés sont ceux dont les missions le justifient et qui seront déterminés par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Les conditions de participation des services du second cercle sont donc suffisamment précises.

Par contre, les députés ont supprimé à l'article 13 le caractère expérimental du traitement de l'algorithme des URL, prévu par le Sénat jusqu'au 31 juillet 2025. Or nous voulons une expérimentation préalable avant l'extension, car elles sont des données mixtes, à la fois de connexion et de contenu des communications. La DPR avait souligné cette nécessité d'expérimenter.

Le régime français a été remis en cause par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Nous avons précisé que les données d'identité, de contacts et de paiements et les adresses IP conservées par les opérateurs restent accessibles aux autorités judiciaires lors d'une procédure de réquisition. Nous vous proposerons de rétablir ce point, qui respecte la jurisprudence européenne et facilite le travail des enquêteurs.

Alors que le Sénat avait adopté deux amendements rédactionnels à l'article 7, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de fond apportant des garanties supplémentaires à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet dernier : la transmission des données les plus sensibles par les autorités administrations aux services de renseignement serait davantage encadrée, et les exigences de traçabilité renforcées. Je vous propose de ne pas modifier ces dispositions.

Nous avons eu des débats très approfondis sur les archives, mais puisque l'article 19 a été adopté conforme, nous ne sommes pas appelés à en rediscuter en nouvelle lecture. Le dialogue se poursuivra avec la profession et les services concernés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDPI et RDSE)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'actualité du renseignement nous montre que des acteurs privés peuvent développer des outils puissants et les utiliser. Cela ira de plus en plus en ce sens.

Face à cela, il est paradoxal de ne pas habiliter les opérateurs publics qui ont vocation à nous protéger. La maîtrise technique des renseignements est essentielle. L'affaire Pegasus nous le rappelle. Il faut encadrer les services de renseignement, cela relève d'un principe démocratique.

La loi de 2015 est, à cet égard, une rupture, avec la création de la CNCTR et l'encadrement de l'utilisation des nouvelles technologies. Mais leur évolution exige d'améliorer la loi. Nous soutenons la proposition de la rapporteure de réaliser une expérimentation, compte tenu de la nature intrusive des URL.

Ce texte ne tient pas compte de l'arrêt de la CEDH du 25 mai dernier, ce que je regrette. Nos partenaires, qui le respectent, ne pourront plus travailler avec nous. Ce qu'il n'est pas possible de faire dans un pays peut être fait ailleurs... Il faut encadrer les échanges. Les menaces au Levant, en Afghanistan et en Libye nous imposent de protéger les Français. La prévention relève du pouvoir administratif, mais dès que cela est possible, il faut un contrôle du juge judiciaire. Les moyens donnés aux services de renseignements, à la justice et aux forces de l'ordre seront toujours plus indispensables que la loi.

Les Micas, très intrusives, sont peut-être nécessaires. Nous ne sommes pas opposés à leur maintien, dès lors qu'il existe un contrôle régulier du Parlement. La CMP ne l'a pas retenu.

Nous nous opposons à certaines convergences entre Sénat et Assemblée nationale et saisirons le Conseil constitutionnel.

L'article 15 sur la conservation des données de connexion pose aussi problème. Les parquets craignent de ne pas pouvoir continuer leurs enquêtes avec la même fiabilité. La question, dans son aspect européen, est peut-être traitée avec désinvolture.

L'article 19 sur les archives est scandaleux. Comme il a été adopté conforme, nous ne pouvons pas l'amender. Construire l'histoire de notre pays se fait sur la réalité et non sur les mythes. Il faut pouvoir déclassifier des documents pour nos chercheurs.

Malgré notre accord sur certains points, nous nous abstiendrons en raison de cet article 19. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La CMP a échoué. Je le regrette d'autant plus que c'était de peu. Un compromis avait été trouvé sur le renseignement. La CMP n'a pas divergé sur le principe d'un suivi des sortants de prison, condamnés pour terrorisme, mais sur ses modalités.

Rappelons que 469 personnes sont détenues pour terrorisme islamique dans les prisons françaises, 253 sont condamnées et 162 seront libérées dans les quatre prochaines années tout en représentant un risque élevé de récidive.

Il faut agir pour protéger les Français de ce risque endogène. Il y va du droit à la sûreté. À chaque attaque, la République entière est atteinte. Le terrorisme constitue un défi majeur de notre temps.

La menace, variée, se nourrit des progrès technologiques. Nous avons le devoir d'y faire face en donnant les moyens adéquats aux services de renseignement : moyens technologiques, juridiques et opérationnels.

Si la menace existe, elle doit être prise en compte. Tout vide juridique doit être comblé.

Je félicite la commission des lois qui a préféré le renforcement du suivi judiciaire aux Micas.

Le groupe INDEP votera ce texte tel qu'amendé par notre commission des lois. Il fixe le cadre législatif dont nous avons besoin pour garantir notre sécurité.

« La défense est la première raison d'être de l'État. Il ne peut y manquer sans se détruire lui-même », a dit le général de Gaulle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

M. Guy Benarroche .  - La menace terroriste existe ; nul ne peut s'en désintéresser, ni refuser de donner des moyens suffisants à cette lutte. Mais à quel prix ? Celui de l'affaiblissement des droits garantis par la Constitution, comme la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et familiale ? Au prix de la surveillance généralisée par des IMSI-catcher ou du dessaisissement du juge, au profit de procédures administratives semblables à celles d'un état d'urgence ?

De quels moyens parlons-nous, quand la justice manque à ce point de ressources matérielles et humaines ? Cette lacune est au coeur de nos difficultés.

Votre réponse sécuritaire signe l'échec de la politique de prévention des actes de terrorisme en France. Cette loi est disproportionnée au regard des besoins des services de renseignement et au risque terroriste. Elle renforce l'arsenal pénal et tombe dans le piège des précédentes lois sur le sujet, en portant atteinte aux libertés individuelles.

L'article 19 contrevient à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Que cache-t-il ?

Nulle réponse n'est apportée au problème de la radicalisation en prison.

Nous tirons la sonnette d'alarme face à l'état d'urgence permanent et à la multiplication des textes d'exception -  huit depuis 2015.

Ce texte relève-t-il d'une manoeuvre politique avant l'élection présidentielle ? Quoi qu'il en soit, comme en première lecture, le GEST votera contre. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Richard .  - Ce texte répond globalement au défi de la menace terroriste en renforçant les moyens de lutte, notamment les Micas. Il apporte aussi une sécurisation juridique de la technologie des algorithmes, du brouillage anti-drones agressifs et une amélioration de la transmission des données entre services. Il répond à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur la conservation des données, même s'il demeure un doute sur son efficacité dans la lutte contre la criminalité. Le travail législatif mené est parfaitement correct.

Un désaccord subsiste sur la méthode de surveillance des anciens condamnés pour terrorisme. Deux thèses juridiques s'opposent - je m'exprime avec prudence, car nous avons tous connu des mésaventures du contrôle constitutionnel. La mesure administrative me semble adaptée, compte tenu de la spécificité de ce groupe d'individus et de l'expérience des services compétents ; nous la défendons aux côtés du Gouvernement.

Le texte fournit des outils efficaces pour protéger les Français. Je rends hommage aux professionnels qui luttent contre le terrorisme.

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et UC) Je regrette que sur un tel texte, nous n'ayons pas trouvé d'accord.

Sa nécessité légale ne faisait aucun doute, de nombreuses mesures de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) arrivant à échéance en 2021.

Le désaccord a porté sur le suivi des détenus dangereux, une fois libérés. L'Assemblée nationale propose que le tribunal d'application des peines ordonne des mesures de prévention de la récidive et de réinsertion, et laisse aux Micas le contrôle administratif et la surveillance. Le Sénat préfère une mesure administrative dont le contenu serait mixte : réinsertion et surveillance des individus les plus dangereux. Cela nous semblait cohérent et efficace.

La commission des lois a montré son souci de compromis en adoptant une nouvelle version de l'amendement en cause, apportant des garanties suffisantes et écartant le risque de censure constitutionnelle.

L'article 19, qui fixe le régime juridique de la communicabilité des archives secret-défense, nous inquiète. Hélas, nos amendements n'ont pas été adoptés en première lecture. Nous craignons une minimisation des enjeux.

Pour autant, le groupe RDSE votera majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Catherine Di Folco applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Les dispositions de ce texte nous sont désormais familières et nous laissent un goût amer.

Ce texte s'inscrit dans la ligne des lois sécuritaires dérogeant au droit commun. Vous pérennisez des dispositifs de la loi SILT équivalant à l'assignation à résidence ou à la perquisition, qui ont des conséquences lourdes sur des personnes jugées pour des motifs flous.

Les Micas ont conduit à l'échec de la CMP, pourtant l'Assemblée nationale et le Sénat en acceptent la philosophie globale.

Vous opérez un tournant radical en matière de police administrative, inspirés par un principe de précaution incompatible avec nos principes démocratiques fondés sur un droit pénal d'interprétation stricte.

La loi Renseignement de 2015 avait été déférée devant le Conseil constitutionnel par François Hollande lui-même. Le texte consacre l'extension du champ de l'action et des techniques de renseignement. Le Gouvernement se dote d'un arsenal de surveillance de masse que nos concitoyens récusent, soucieux de préserver leur vie privée.

Le Monde a fait état d'un rapport confidentiel transmis à la délégation parlementaire au renseignement : les algorithmes n'ont abouti à aucun objectif opérationnel en matière de renseignement, alors que vous expliquez en parallèle que toutes les mesures prises sont efficaces et nécessaires.

Mieux vaut accroître les ressources humaines de ces services. Le recours déraisonnable aux techniques de surveillance massive n'ont jamais fait la preuve de leur efficacité.

Pour ces raisons et du fait de l'article 19 qui tourne le dos à la communauté des historiens et archivistes, nous nous opposerons avec détermination à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; MMJean-Pierre Sueur et Jean-Yves Leconte applaudissent également.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - La France fait face depuis 2015 à de nombreuses attaques terroristes, parfois endogènes. Les services de renseignement s'inquiètent de l'émergence de radicalités multiformes : politiques, religieuses, survivalistes, conspirationnistes.

Les lois de 2015 et de 2017 ont renforcé les moyens de lutte contre le terrorisme. Ce texte pérennise plusieurs dispositions introduites à titre expérimental par la loi SILT : mesures de surveillance, fermeture des lieux de culte, renforcement des pouvoirs de police administrative notamment. Il crée en outre une mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste.

La mise en oeuvre de ces mesures a été évaluée par une mission de la commission des lois : elles s'avèrent très utiles pour l'autorité administrative, et complémentaires avec l'intervention de l'autorité judiciaire.

Je salue le travail de nos rapporteurs et regrette l'échec de la CMP, car l'objectif était atteignable.

À l'article 3, le Sénat a créé une mesure de sûreté à l'issue de la détention qui comporterait des obligations tant d'accompagnement à la réinsertion que de surveillance.

Le Sénat a voté, à l'article 5, au lieu de la prolongation des Micas, une mesure de sûreté comportant des obligations tant d'accompagnement à la réinsertion que de surveillance. L'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas souhaité aller au-delà des obligations de réinsertion adoptées en première lecture. L'Assemblée nationale a pris la responsabilité de l'absence d'accord entre nos deux chambres. Elle a rétabli sa version des articles 3 et 5, ne conservant que des apports modestes du Sénat, comme la suppression de l'article 4 bis.

Trois points de divergence demeurent : l'allongement à vingt-quatre mois des Micas, l'article 5 sur les mesures de sûreté et l'article 13 sur les URL traitées par algorithme. Deux d'entre eux ont fait l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel qui invite le législateur à la prudence.

Sur le troisième point, la Cour de justice de l'Union européenne et le Conseil d'État nous ont alertés. Il faut éviter tout conflit entre le droit interne et le droit européen.

La rédaction du Sénat présente de nombreux avantages : elle assure l'efficacité opérationnelle et garantit la conformité tant constitutionnelle que conventionnelle du dispositif.

Le groupe UC votera en faveur de ce texte, dans sa version issue des travaux de notre commission des lois. (Applaudissements sur le banc des commissions et sur les travées du groupe UC)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À l'heure où l'on mesure la dangerosité de l'affaire Pegasus pour la sécurité nationale, nous abordons l'ultime lecture de ce texte après l'échec de la CMP, le 9 juillet. Échec d'autant plus regrettable que l'on pouvait espérer un accord, au vu des échanges constructifs entre les rapporteurs. Comment l'expliquer, malgré un constat partagé ?

Je remercie la commission des lois de poursuivre la discussion, plutôt que de déposer une motion. En effet, des accords ont été trouvés en CMP, notamment sur le volet renseignement. Je pense en particulier à l'échange de données entre services.

Le Gouvernement, hélas, s'est montré intransigeant. Les principaux points de désaccord sont l'article 2 - la définition des lieux annexes aux lieux de culte proposée par les députés nous semble trop floue pour lutter contre le risque de déport de certains prédicateurs - et, surtout, les articles 3 et 5 du texte. Déjà en première lecture, la ministre avait déposé des amendements rétablissant la rédaction de l'Assemblée nationale.

Nous sommes défavorables à l'allongement de la durée des Micas. Le Conseil constitutionnel en avait fixé la durée maximale à douze mois. J'ai du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement et l'Assemblée nationale s'entêtent à passer à vingt-quatre mois.

Nous soutenons nos rapporteurs qui ont réintroduit, à l'article 5, la proposition de loi du président Buffet adopté par le Sénat en mai dernier, créant une mesure judiciaire de suivi et de surveillance, association des mesures sociales de réinsertion. Cette option nous semble plus efficace et respectueuse des libertés.

Nos rapporteurs ont veillé à l'équilibre entre les mesures de sécurité et le respect des libertés constitutionnelles.

Il faut renforcer notre arsenal législatif pour assurer une meilleure protection des Français qui aspirent à vivre en sécurité, dans un État de droit. À cet égard, les propositions du Sénat nous semblent plus efficaces et nous sommes satisfaits que le Sénat imprime sa marque, celle de l'efficacité et de l'humanité.

Le groupe Les Républicains votera le texte des rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je suspends la séance pour que la commission des lois examine les amendements.

La séance, suspendue à 21 h 55, reprend à 22 h 10.

Discussion des articles

L'article premier bis est adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Le régime des Micas, particulièrement attentatoires aux libertés publiques, avait été mis en place à titre expérimental étant donné leur caractère exorbitant du droit commun.

Une personne faisant l'objet d'une Micas peut se voir obligée de pointer, être assignée à résidence et être interdite de paraître dans certains lieux. Jusque-là, la durée des Micas était limitée à douze mois.

Le Gouvernement a souhaité rétablir la rédaction de l'Assemblée nationale qui les prolonge jusqu'à vingt-quatre mois. Il ne fait pas de différence entre suspect et condamné. Le Conseil constitutionnel estime pourtant que quelle que soit la gravité de la menace qui la justifie, une telle mesure de police administrative ne peut se prolonger aussi longtemps que dure cette menace.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Cet article 3 a été réécrit par la commission pour limiter la durée des Micas à un an. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est opposé à la suppression de l'article 3, qui apporte des ajustements utiles. Il crée une interdiction temporaire de paraître et une obligation de respecter un périmètre de déplacement.

L'interdiction de paraître en certains lieux ne peut être imposée pour l'instant, or un évènement à risque peut être organisé dans le périmètre de la personne - par exemple, un procès d'auteurs d'actes de terrorisme au tribunal judiciaire de Paris. L'article 3 corrige l'anomalie que constitue la possibilité de ne pas respecter le périmètre dans certains cas.

L'allongement du délai des Micas est nécessaire.

Enfin, cet article répond à la nécessité de pérenniser de nombreuses mesures de la loi SILT arrivant à échéance. Avis défavorable.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Cet article a cristallisé les oppositions. Il reprend les dispositions de la proposition de loi dite Mesures de sûreté, censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020.

Le Conseil d'État s'était déjà interrogé sur l'utilité d'une telle mesure de sûreté. De nombreuses mesures du code pénal favorisent déjà le suivi post-détention.

Cette disposition, par ailleurs d'application rétroactive, porte une atteinte excessive aux libertés individuelles.

En outre, cet article ne répond en rien au problème de la radicalisation en prison des détenus de droit commun.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le suivi judiciaire est le point nodal de la position de la commission : avis défavorable à sa suppression. Nous nous sommes inscrits dans la voie tracée par le Conseil constitutionnel.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - L'article 6 autorise la communication aux préfets et à certains services de renseignements des données à caractère personnel issues du fichier relatif au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement, lorsqu'un patient représente une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics à raison de sa radicalisation à caractère terroriste.

Le décret du 6 mai 2019 autorise déjà l'interconnexion de ce fichier avec le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. C'est une nouvelle fuite en avant dans l'amalgame entre folie et terrorisme. La logique sécuritaire prime sur la logique sanitaire. La lutte antiterroriste est le prétexte au fichage et au traçage des personnes atteintes de troubles mentaux, comme le dénonce le Syndicat de la magistrature.

Ce texte entérine l'idée que même les fous doivent être jugés - et si possible sévèrement !

Le débat n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi sur l'irresponsabilité pénale.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Il n'y a pas d'amalgame entre trouble psychiatrique et terrorisme. Nous améliorons les dispositifs existants. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Cet article acte la fin du principe selon lequel les renseignements ne peuvent être utilisés pour des finalités autres que celles motivant la procédure de surveillance.

En autorisant la transmission de renseignements entre service, cet article est attentatoire aux libertés publiques. Il contrevient au droit au respect de la vie privée.

De même, l'absence de contrôle préalable aux mesures de surveillance est problématique. Quid de la traçabilité et de la durée de conservation de ces informations une fois transmises ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable car l'article 7 a trouvé un équilibre satisfaisant sur la transmission d'information, avec un contrôle suffisant.

Il a été renforcé par l'Assemblée nationale pour le rendre conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 9 à 11

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces transmissions sont subordonnées à une autorisation du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dans les conditions prévues aux articles L. 821-1 à L. 821-4.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il est logique que les informations circulent entre services de renseignement. Toutefois, la CNCTR donne son accord à l'utilisation d'une technique de renseignement dans une finalité précise : l'information ainsi recueillie ne peut circuler sans le même niveau de contrôle, sans quoi l'équilibre est rompu.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 9

1° Remplacer la référence :

L. 821-4

par la référence :

L. 821-3

2° Après le mot :

avis

insérer le mot :

conforme

M. Guy Benarroche.  - Il est regrettable que l'avis de la CNCTR ne soit pas contraignant. Il est primordial de renforcer son contrôle pour le rendre effectif. Compte tenu du caractère attentatoire aux libertés et à la vie privée des pouvoirs donnés aux services, des garanties doivent être apportées.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 9

Après le mot :

avis

insérer le mot :

conforme

Mme Éliane Assassi.  - La CNIL recommande que - sauf cas d'urgence absolue - le Premier ministre ne puisse autoriser la mise en oeuvre d'une technique de renseignement après un avis défavorable de la CNCTR.

Le Conseil d'État avait préconisé un contrôle préalable par une autorité indépendante dotée d'un pouvoir d'avis conforme ou une juridiction, et la Cour européenne des droits de l'homme exige que les activités d'interception de masse soient soumises à une autorisation spécifique d'une autorité indépendante.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'amendement 6 est contraire à la position de la commission des lois. L'article 7 est équilibré : avis défavorable.

Avis défavorable également à l'amendement n°3, satisfait, dans l'esprit, par l'article 16. Si le Premier ministre délivre une autorisation contre l'avis de de la CNCTR, le Conseil d'État est immédiatement saisi.

Même avis à l'amendement n°19, pour les mêmes raisons.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Il faut préserver l'équilibre du texte qui concilie droit à la vie privée et efficacité opérationnelle : avis défavorable à l'amendement n°6.

Seront soumises à autorisation préalable du Premier ministre délivré après l'avis de la CNCTR, les transmissions de renseignements bruts motivées par une finalité différente de celles ayant justifié la mesure de surveillance ; sont aussi concernés les cas où le service destinataire n'aurait pas pu mettre en oeuvre lui- même la mesure de surveillance.

L'article 7 ne concerne que la transmission d'informations entre services et entre l'administration et les services, pas le principe même de la technique de renseignement : avis défavorable à l'amendement n°19.

Défavorable enfin à l'amendement n°3 : les échanges d'informations entre services échappent au droit européen.

L'amendement n°6 n'est pas adopté non plus que les amendements nos3 et 19.

M. le président.  - Amendement n° 7, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 32

Compléter cet alinéa par les mots :

et au plus tard dans un délai de six mois

M. Jean-Yves Leconte.  - Les services de renseignement ne sont pas des services d'archives. Ils peuvent avoir besoin d'informations transmises par d'autres administrations, mais ils doivent les utiliser dans un délai court -  sans quoi ils ne sont plus dans leur rôle. Nous proposons de fixer la durée maximale de conservation à six mois.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'article 7 prévoit que les informations transmises le sont sur l'initiative des autorités administratives. Au demeurant, il peut être utile de conserver certaines informations au-delà de six mois, pour la mission de renseignement. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Après l'article L. 811-1 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 811-... ainsi rédigé :

« Art. L. 811-....  -  Dans le respect du droit et des conventions internationales auxquelles la France est partie, le Premier ministre fixe des orientations relatives aux échanges entre les services spécialisés de renseignement et des services étrangers ou des organismes internationaux. »

M. Yannick Vaugrenard.  - Le contrôle a posteriori des échanges de renseignements entre services de différents pays est une question cruciale. Or le Président de la République, lançant le Collège du renseignement en Europe, s'est lui-même étonné que les coopérations entre services soient parfois méconnues des décideurs politiques. Nous proposons que des orientations relatives à ces échanges soient fixées par le Premier ministre.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article L. 833-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au 4°, les mots : « à l'exclusion » sont remplacés par les mots : « y compris » et les mots : « ou qui pourraient donner connaissance à la commission, directement ou indirectement, de l'identité des sources des services spécialisés de renseignement » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des orientations fixées par le Premier ministre » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Elle remet un rapport annuel à la délégation parlementaire au renseignement relatif aux échanges avec les services étrangers. »

M. Yannick Vaugrenard.  - La CNCTR serait chargée de contrôler le respect des orientations prévues par l'amendement précédent. Elle remettrait un rapport annuel à la délégation parlementaire au renseignement.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Concernant les échanges avec les services étrangers, le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2022 afin de travailler à la définition d'un cadre légal sur ces échanges et de se conformer aux exigences européennes.

M. Yannick Vaugrenard.  - J'espère qu'au moins cet amendement de repli sera adopté. Seul pays européen dépourvu d'une autorité de contrôle a posteriori, la France risque d'être condamnée par la justice européenne. Travaillons à la définition d'un cadre légal pour les échanges avec les services étrangers. Il n'est pas urgent d'attendre !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Il faut une réflexion approfondie sur cet enjeu essentiel, sous le contrôle de la délégation parlementaire au renseignement. Celle-ci va s'emparer de la question en vue d'alimenter un travail législatif ultérieur. Retrait ou avis défavorable aux trois amendements.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Je rappelle que l'article 7 concerne les transferts entre seules administrations françaises...

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est bien le problème !

M. Alain Richard.  - La présentation qu'a faite M. Vaugrenard de la méconnaissance qu'auraient les responsables politiques de ces échanges est réductrice. Il me semble que ces échanges, le plus souvent bilatéraux, sont bien à la connaissance des autorités politiques. (Mme la ministre déléguée opine.)

L'amendement n°9 n'est pas adopté non plus que les amendements nos10 et 8.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 11

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Nous nous opposons à l'expérimentation de l'interception des communications empruntant la voie satellitaire. Ce dispositif ne présente pas les garanties nécessaires sur le non-recueil de données sensibles et personnelles.

Nous ne sommes pas opposés à une expérimentation de cette technique, mais strictement limitée à la prévention d'actes terroristes. Prenons le temps d'affiner le dispositif pour éviter tout risque de surveillance de masse -  d'autant que, comme toutes les autres en la matière, l'expérimentation sera pérennisée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4, première phrase

Supprimer les mots :

et les services mentionnés à l'article L. 811-4 désignés, au regard de leurs missions, par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement,

M. Jean-Yves Leconte.  - Compte tenu de l'état des techniques d'interception des correspondances par voie satellitaire, il est prudent de les réserver, au début, aux services du premier cercle, qui savent les utiliser de façon robuste et sans risque.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La limitation au deuxième cercle est un équilibre satisfaisant. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un lien avec la personne concernée par l'autorisation est établi lorsqu'il est utile à la poursuite de l'une des seules finalités mentionnées au présent I.

M. Jean-Yves Leconte.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le code de la sécurité intérieure est suffisamment précis sur la question. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - Nous nous opposons fermement à l'extension aux URL de la portée des boîtes noires. Le Conseil d'État a souligné qu'elle ouvrirait un champ d'investigations nouveau, potentiellement attentatoire à la protection des données personnelles.

La CNIL estime que le recueil des URL est susceptible de faire apparaître des données relatives à la vie privée des personnes - orientation sexuelle ou état de santé, par exemple.

Par ailleurs, aucun bilan de la technique des boîtes noires n'a été réalisé, contrairement à ce que prévoyait la loi Renseignement de 2015.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La pérennisation des algorithmes est nécessaire et son extension aux URL prometteuse. Des contrôles sont certes nécessaires. C'est la raison pour laquelle nous avons rétabli l'expérimentation.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

I.  -  Après le mot :

internet

insérer les mots :

, à l'exclusion de celles pouvant figurer au sein de contenus de correspondances électroniques.

II.  -  Compléter cet alinéa par le mot :

précitées

M. Jean-Yves Leconte.  - Il faut encadrer strictement la place des algorithmes. Dans cet esprit, nous proposons d'exclure du traitement algorithmique les éventuels liens hypertextes contenus dans les correspondances électroniques.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le Gouvernement a apporté les garanties nécessaires en première lecture. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Aucune donnée de contenu ne peut faire l'objet d'un traitement algorithmique. L'amendement est donc plus que satisfait. Retrait.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté, de même que les articles 15, 16 bis et 17.

ARTICLE 17 BIS

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Les recommandations et observations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse au Premier ministre en application des articles L. 833-6 et L. 855-1 C du même code. »

M. Yannick Vaugrenard.  - La délégation parlementaire au renseignement doit disposer chaque année d'un bilan des recommandations adressées par la CNCTR à l'exécutif. Elle pourra ainsi savoir si des contournements du cadre juridique ont été constatés et, le cas échéant, apporter les modifications législatives nécessaires.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Un compromis a été trouvé sur le rôle de la délégation parlementaire au renseignement. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

I.  -  Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Aux fins de mener ces missions sus-citées, la délégation peut donner des instructions générales aux services de renseignement, notamment en ce qui concerne les stratégies d'alliance avec d'autres services de renseignement. » ;

II.  -  Après l'alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le II est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « quatre députés et de quatre sénateurs » sont remplacés par les mots : « dix députés et de dix sénateurs » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les groupes d'opposition et minoritaires doivent être représentés. » ;

M. Guy Benarroche.  - Nous entendons élargir la composition de la délégation parlementaire au renseignement et renforcer ses prérogatives. Porter son effectif à vingt membres assurerait la représentation en son sein des groupes minoritaires et d'opposition. Par ailleurs, cet organe devrait disposer d'un pouvoir d'injonction renforcé.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La composition actuelle est équilibrée et le pouvoir d'injonction serait contraire à la séparation des pouvoirs. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« La délégation entend le Premier ministre, chaque année, sur le réexamen périodique de l'existence d'une menace pour la sécurité nationale justifiant la conservation généralisée des données de connexion. » ;

M. Yannick Vaugrenard.  - Le Parlement avait prévu que la délégation parlementaire au renseignement auditionnerait chaque semestre le Premier ministre sur l'application de la loi de 2015. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, la jugeant obsolète, ce que l'on peut entendre.

Toutefois, il serait utile de la remplacer par une audition annuelle du Premier ministre sur le réexamen périodique de l'état de la menace, qui sous-tend le maintien de la conservation généralisée des données de connexion.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La délégation parlementaire au renseignement auditionne le Premier ministre quand elle le souhaite. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

L'article 17 bis est adopté.

Intervention sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je ne reviendrai pas sur toutes les raisons de notre abstention ; mes collègues Leconte et Vaugrenard les ont suffisamment exposées.

En revanche, je tiens à revenir sur l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas voter ce texte. Je veux parler de la question des archives, que le vote conforme de l'article 19 nous a empêchés de soulever à nouveau ce soir.

Ce dispositif pose des problèmes considérables en étendant à quatre domaines, à la définition vague, la possibilité de non-communication d'un document, en contradiction avec la loi de 2008 sur les archives. Le refus pourra, en outre, être perpétuel. Pour certains dispositifs, la divulgation sera même systématiquement interdite...

Alertés par de nombreux universitaires, historiens et archivistes, nous avions déposé un amendement fixant des conditions claires, dont un délai de dix ans. Nul compte n'en a été tenu.

Nous saisirons le Conseil constitutionnel sur cette question qui met en jeu des principes fondamentaux : droit à l'histoire, droit à la mémoire, droit de savoir.

À la demande du groupe CRCE, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 163 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l'adoption 252
Contre 26

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance, jeudi 22 juillet 2021, à 21 h 30, sous réserve de la transmission du projet de loi Pass sanitaire.

La séance est levée à 23 heures.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 22 juillet 2021

Séance publique

À 21 h 30

Présidence : M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires :

M. Joël Guerriau M. Pierre Cuypers

Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire (Discussion générale) (Procédure accélérée)