Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, tant le respect des uns et des autres que du temps de parole.

Pouvoir d'achat

Mme Éliane Assassi .  - « Malgré la crise sanitaire, les Français ont continué à s'enrichir », se félicite Bruno Le Maire.

Mais lesquels ? Les patrons du CAC 40, dont la rémunération annuelle a augmenté de 1,5 million d'euros en moyenne ? Les actionnaires, dont les dividendes ont bondi de plus de 50 milliards d'euros alors que les entreprises aidées par l'État licenciaient ? Les 500 familles les plus fortunées, dont le patrimoine a doublé durant le quinquennat ?

Dans ce cas, oui - mais tel n'est pas le cas de la majorité des ménages, qui subissent en cette rentrée la hausse du prix du gaz, du carburant et bientôt de l'électricité. Comme le dit Fabien Gay, si les salaires augmentaient comme les tarifs de l'énergie, tout le monde pourrait s'acheter un écran plat à la rentrée ! (Sourires à gauche.)

S'y ajoute la hausse du prix des matières premières, des denrées alimentaires mais aussi des loyers. Selon France Stratégie, les dépenses contraintes pèsent toujours plus dans le budget des ménages.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à augmenter le Smic, à débloquer le point d'indice des fonctionnaires et à contraindre le Medef à augmenter les salaires ? La croissance doit profiter à ceux qui ont consenti tant de sacrifices durant cette crise, et non pas aux plus riches ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ainsi que sur quelques travées du GEST et du groupe SER)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - La question est importante et difficile. Regardons d'abord dans le rétroviseur. Entre 2010 et 2016, le pouvoir d'achat des Français a augmenté en moyenne de 0,53 % par an. Entre 2017 et 2019, de 1,9 %. (Protestations à gauche)

M. Bernard Jomier.  - Une moyenne cache des disparités !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - En 2020, année de survenue de la crise sanitaire, grâce aux efforts décidés par le Gouvernement et votés par le Parlement, le pouvoir d'achat a quand même progressé de 0,2 %, quand il diminuait dans la plupart des pays de l'Union européenne. Nous pouvons espérer pour 2021 une hausse de 1,5 %, voire plus.

Pourquoi ? Parce que nous avons su éviter l'effondrement de l'activité économique. Notre croissance est aujourd'hui la plus vigoureuse de la zone euro : nous travaillons plus, et créons plus d'emplois. Pendant la crise, nous avons agi en faveur des plus démunis et des plus précaires.

Attaché au dialogue social, j'ai reçu les partenaires sociaux en cette rentrée. L'évolution du Smic est régie par la loi. En fonction de l'inflation -  certes moindre en France que dans la zone euro  - nous n'excluons pas une revalorisation automatique du Smic avant le 1er janvier 2022. (M. René-Paul Savary ironise.) Nous verrons bien.

J'ai proposé aux partenaires sociaux de travailler sur les métiers et les branches où les minima sont les plus faibles, comme l'hôtellerie-restauration. Il y va aussi de l'attractivité de ces secteurs.

Quoi de plus injuste que d'augmenter le point d'indice ? Le projet de loi de finances pour 2022 comportera en revanche des mesures en faveur des agents de catégorie C. Citons également l'impact sur le pouvoir d'achat du Ségur de la santé.

Je suis attentivement l'évolution des prix de l'énergie, notamment de l'électricité et du gaz. Si nous devons prendre des mesures, nous le ferons ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Compensation des pertes fiscales pour les collectivités d'outre-mer

M. Georges Patient .  - La clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales censée garantir les ressources des communes et EPCI face à la crise sanitaire n'a pas joué correctement son rôle en outre-mer.

En mai 2020, Édouard Philippe annonçait 110 millions d'euros ; à l'arrivée, seuls 500 000 euros ont été mobilisés pour sept communes ultramarines, mais toutes ont dû rembourser l'acompte versé en 2020, pour un total de 15 millions d'euros...

Elles ont pourtant bien subi une baisse de leurs recettes fiscales en 2020, mais les critères retenus les ont exclues de la clause de sauvegarde.

J'avais plaidé pour un traitement différencié en ne retenant que l'année 2019 comme référence, et non la moyenne des années 2017-2019. Mes amendements, adoptés au Sénat, n'ont hélas pas prospéré...

Le Gouvernement avait annoncé qu'il ne saurait y avoir une compensation à l'euro près : effectivement ! En Guyane, les communes ont perdu 15 millions d'euros de recettes fiscales entre 2019 et 2020, mais si l'on prend la moyenne triennale pour référence, on obtient un surplus de 10 millions... La clause de sauvegarde n'a pas joué, et nos collectivités sont doublement pénalisées.

Que compte faire le Gouvernement pour y remédier ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - J'adresse mes encouragements aux ultramarins qui affrontent une vague de Covid sans précédent.

La crise sanitaire pèse sur le budget des communes, d'où la clause de sauvegarde, financée par l'État. Votre proposition de retenir une référence dérogatoire pour les communes guyanaises -  2019 plutôt que la moyenne sur trois ans  - aurait créé une rupture d'égalité. Dix-sept communes ultramarines, dont deux en Guyane, ont reçu près de 3 millions d'euros de compensation fiscale. Le filet de sécurité se prolonge en 2021 pour l'octroi de mer -  qui n'a baissé que de 4 % entre 2019 et 2020  - et les taxes sur les carburants.

L'État mobilise 62 millions d'euros du plan de relance, dont 8 millions en Guyane, pour l'investissement des communes d'outre-mer.

Sur la base de votre rapport de 2019, nous avons engagé un rattrapage des dotations de péréquation, sur quatre ans et non plus cinq.

La dotation globale de fonctionnement des communes guyanaises a crû de 17,6 millions d'euros depuis 2017 et le rythme sera maintenu en 2022. Le Gouvernement est à l'écoute de tous les territoires. (M. Alain Richard applaudit.)

Vaccination

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Beaucoup trop de territoires et de familles vivent la même peine, dans l'Hexagone et en outre-mer, tous victimes du dénuement de l'hôpital, de la fatigue des soignants et de la surdité gouvernementale.

Quelle est l'efficacité, et la pertinence, de la politique sanitaire ? La quatrième vague n'est pas entrée par effraction, elle est la conséquence d'un sous-investissement depuis des décennies et d'un manque d'anticipation manifeste.

Votre politique porte atteinte aux libertés, pervertit la démocratie, installe une société du contrôle et ne résout en rien les carences du système de soins.

Le passe sanitaire, bientôt étendu aux adolescents, est l'alpha et l'oméga de votre politique vaccinale. Mais les Français ne pourront supporter longtemps cette vie faite d'interdits et de restrictions.

Notre position est claire : nous prônons la vaccination obligatoire, universelle et gratuite. Nous avons appelé à un référendum d'initiative partagée sur le sauvetage de l'hôpital public et déposé une proposition de loi sur l'obligation vaccinale.

Allez-vous maintenir ce passe sanitaire inégalitaire et intrusif ? Quand imposerez-vous l'obligation vaccinale ? Quand réarmerez-vous nos hôpitaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Monsieur Lurel, nous avons été collègues au sein de la même majorité, sous la précédente mandature. Marisol Touraine a fait son possible pour l'hôpital, mais n'a jamais décroché 5 % des crédits alloués par le Ségur de la santé : 9 milliards d'euros de hausses de salaires et 19 milliards d'euros de reprise de dettes et d'investissements !

Oui, un retard avait été pris, outre-mer comme en Métropole. Nous sommes en train de le combler. Accompagnez-nous et votez le PLFSS !

Je prends votre plaidoirie pour l'obligation vaccinale comme un appel à la population guyanaise à se faire vacciner, alors que 70 % de la population n'est pas protégée. Quelles sanctions prévoit votre proposition de loi contre les 70 % de non-vaccinés ? (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)

La quatrième vague n'est pas le résultat d'une carence hospitalière mais d'un virus hyper-contagieux, qui fait des ravages partout où il circule. Une seule solution, la vaccination. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Joël Guerriau applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous refusez la vaccination obligatoire !

Prix des matières premières dans le bâtiment

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Le retour à une vie normale est espéré par tous. L'Insee prévoit une croissance de 6,25 % en 2021.

Mais le plan de relance de 1 500 millions d'euros risque d'être insuffisant pour soutenir le redressement de notre économie.

Les collectivités territoriales, avec 75 % des investissements publics, sont en première ligne de la relance. Hélas, la hausse des prix des matières premières obère leurs capacités d'investissements : le prix de l'aluminium a augmenté de 39 % depuis janvier, celui du cuivre de 21 %, le PVC de 52 % et le bois est rare et cher.

Dans une commune du Lot de 450 habitants le coût prévisionnel d'une école est passé en quelques mois d'1,5 à 1,8 million d'euros. Aussi, de nombreux projets, devenus trop coûteux, sont à l'arrêt malgré l'intérêt pour l'emploi. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Tout est juste dans votre question. La vigueur de la reprise, je l'espère, nous permettra dans les prochains moins de retrouver le PIB détruit depuis mars 2020 ; il nous faut travailler sur tous les leviers de la croissance.

Nous créons des emplois à un rythme supérieur aux prévisions. Hélas, nous avons parfois du mal à les pourvoir.

En outre, se pose le problème international du renchérissement et de la raréfaction de certaines matières premières, ce qui limite nos moyens d'action.

Dès le 15 juin, Bruno Le Maire et Emmanuelle Wargon ont réuni les filières concernées et installé un comité de suivi de crise qui s'est penché sur des cas de surstocks à des fins spéculatives ou de problématiques clients-fournisseurs.

Les acheteurs publics de l'État n'appliquent pas de pénalités en cas de retard de livraison ou d'exécution lié à l'envolée des prix ou à la pénurie des matières premières.

Le bois représente un sujet à part, avec le problème de l'exportation des grumes vers le Sud-Est asiatique. J'ai saisi sur ce point la Commission européenne, compétente en matière de commerce international ; nous attendons sa réponse avant de prendre des mesures nationales.

Le renchérissement des matières premières a un impact sur les opérations conduites en maîtrise d'ouvrage par les collectivités territoriales et financées par le plan de relance. Des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont conclus partout en France, l'effort est massif.

Nous réfléchissons à abonder la DSIL et la DETR ; je ferai bientôt des annonces. (« Très bien » sur les travées du RDSE)

Rentrée universitaire

Mme Monique de Marco .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La mission d'information du Sénat sur la condition étudiante a mis en évidence des difficultés amplifiées par la crise sanitaire : la précarité matérielle, l'accès au logement et à la santé.

Le coût de la vie étudiante a augmenté de 2,5 % par rapport à l'an dernier et de 10 % par rapport à 2017, tandis que les aides directes ont baissé de 39 euros, après avoir augmenté sous le précédent quinquennat. Les bourses ne concernent qu'un quart des étudiants, et la moitié sont inférieures à 200 euros.

Les repas à 1 euro ont permis de lutter contre la précarité alimentaire ; nous regrettons la suppression de cette mesure et souhaitons qu'elle soit réexaminée.

Nous approchons de l'examen du dernier projet de loi de finances du quinquennat, budget de la dernière chance pour les étudiants. Les postes de psychologues, d'assistantes sociales, de tuteurs seront-ils pérennisés ? Allez-vous financer la construction de résidences universitaires ? À quand une vraie réforme des bourses ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Je souhaite une excellente rentrée universitaire à tous les étudiants. À Dunkerque, à Nîmes, à Avignon, j'ai pu constater que le plaisir de reprendre une vie étudiante normale était partagé par les étudiants et les enseignants. Ils ont fait preuve de résilience et de courage. Près de 85 % des étudiants sont engagés dans une procédure vaccinale, ce qui permet cette rentrée en présentiel.

Le Gouvernement ne va pas cesser de les accompagner : le budget 2022 consacre 3,3 milliards d'euros à la vie étudiante, un record. 

Les repas à 1 euro sont bien maintenus pour les boursiers et les étudiants bénéficiant d'aides des Crous. Idem pour l'accompagnement psychologique. L'an dernier, 77 000 consultations de psychologues ont été prises en charge. Les 22 000 emplois créés dans les établissements et dans les Crous sont maintenus. Pas moins de 3,6 millions d'heures de tutorat ont été réalisées pour lutter contre l'isolement des étudiants.

Le Gouvernement a été présent durant la crise sanitaire et continuera à l'être, en espérant qu'elle sera bientôt derrière nous.

Missions des agences de l'eau

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Les évènements climatiques de cet été, notamment les inondations, interrogent sur la politique de gestion des cours d'eau en France et sur les missions des agences de l'eau.

Juridiquement, une clarification s'impose : les travaux, les aménagements des cours d'eau, des fossés, relèvent-ils du régime de la déclaration ou de l'autorisation ? Tout le monde s'y perd, y compris les services de l'État, ce qui devrait inciter la police de l'eau et de l'environnement à plus de souplesse !

Pour la gestion des cours d'eau, l'agence de l'eau est aux abonnés absents, alors qu'elle devrait accompagner, conseiller et financer.

Les agences de l'eau sont devenues des superstructures administratives déconnectées du terrain, principalement soucieuses de réimplantation et de biodiversité. C'est indispensable, certes, mais ne laissons pas au bord du chemin les territoires qui subissent les conséquences de ce manque d'investissement.

Allez-vous revoir les missions des agences ainsi que leur mode de gouvernance pour renforcer la place des collectivités locales dans les conseils d'administration ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; Mme Lana Tetuanui et M. Laurent Somon applaudissent également.)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - J'adresse toute la solidarité du Gouvernement aux Français victimes des inondations. Le dérèglement climatique va accroître la fréquence et l'intensité des événements extrêmes.

Le Président de la République l'a rappelé au congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature : la biodiversité a un impact sur le climat. Tout est lié !

Les agences de l'eau sont un instrument de cette politique. La loi NOTRe s'est déjà attaquée à la complexité des différentes structures, mais on peut encore progresser et clarifier les missions.

Les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) contrôlent mais mènent aussi des actions d'expertise, de concertation, de sensibilisation.

Vous êtes sévères envers les agences de l'eau, qui sont surtout victimes de leur succès. Le prochain projet de loi de finances confortera leurs moyens, en lien avec le plan de relance.

Leurs financements vont autant à l'eau et à l'assainissement qu'à la biodiversité (M. François Bonhomme ironise.) car encore une fois, tout est lié : quand les écosystèmes fonctionnent, l'eau est de meilleure qualité. Nous poursuivons le travail.

Salon « Désir d'enfant » et GPA

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le projet de loi bioéthique a été adopté en juillet. À cette occasion, le Gouvernement avait clairement qualifié la gestation pour autrui (GPA) de ligne rouge infranchissable. Nous partageons cette position, qui correspond à des limites éthiques.

Or le salon « Désir d'enfant », qui s'est récemment tenu à Paris, a pour partenaires des entreprises étrangères qui font la promotion, sur notre territoire, de la GPA à l'étranger - au mépris des limites fixées par le Gouvernement et le Parlement.

Quelle est la position du Gouvernement sur la tenue de tels évènements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Il s'agit d'un salon purement privé, qui relève du droit privé régissant les salons. Il est effectivement parrainé par plusieurs structures ou associations étrangères qui promeuvent des pratiques interdites par le droit français. Une plainte a été déposée l'an dernier par une association, mais la justice ne s'est pas encore prononcée. À elle de dire s'il y a illégalité.

La loi bioéthique ouvre de nouveaux droits, dont la PMA pour les couples de femmes et les femmes seuls - le décret sortira bientôt - mais entérine l'interdiction de la GPA. Attendons la décision de justice.

Mme Catherine Deroche.  - Nous attendons encore la décision sur la première édition du salon !

Cela montre l'ambiguïté des déclarations politiques qui s'effacent devant les faits, et s'en trouvent décrédibilisées...

Je porte le ruban doré de septembre pour sensibiliser aux cancers de l'enfant : nous sommes aux côtés des petits guerriers et de leurs familles. (Applaudissements)

Diplomatie française face au régime taliban

M. Jacques Le Nay .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afghanistan, j'associe à ma question le président Cambon et la majorité sénatoriale.

Un fait s'impose désormais : les Talibans sont maîtres du pays, avec une ligne islamiste dure. Cette réalité désolante fait craindre le pire pour les femmes, pour les activistes, pour les Afghans qui ont travaillé pour d'autres gouvernements. Malgré les déclarations, les premières images sont inquiétantes.

La France et l'Europe ne peuvent rester à l'écart. Pour protéger les vaincus du Panchir, éviter les répressions aveugles, préserver notre présence historique dans ce pays comme les acquis dans le domaine de l'éducation, tous les leviers doivent être utilisés. Mettre les Talibans au banc de la communauté internationale nous priverait de tout moyen d'action et les rapprocherait des terroristes. Quelle sera votre stratégie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous n'avons pas de dialogue politique avec les Talibans, mais de simples contacts opérationnels pour l'évacuation des Français et des Afghanes et Afghans menacés en raison de leur engagement, de leur métier, de leur combat passé pour le respect de la liberté.

En dix jours, nous avons évacué 2 800 personnes, dont 2 600 Afghans, grâce à la médiation bénévole du Qatar. Nous sommes en discussion pour vérifier si, lorsque l'aéroport de Kaboul aura rouvert, nous pourrons reprendre les exfiltrations.

Les déclarations des Talibans ne suffisent pas, nous attendons des actes. « Nous », cela ne signifie pas seulement la France, mais aussi l'Europe et le Conseil de Sécurité tout entier. Nous avons des exigences sur les droits des femmes et des opposants, sur la rupture d'avec les terroristes, le libre accès de l'aide humanitaire. Pour l'instant, le compte n'y est pas.

Mme Laurence Cohen.  - C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Avant d'aller au-delà, nous attendons mieux, nous attendons des actes.

Réforme des retraites

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réforme des retraites, naguère mère des réformes si je vous ai bien compris (exclamations et rires à droite) fait l'objet d'un second renoncement, après le premier il y a un an. Entre tout changer et rien changer, il y a pourtant une marge de manoeuvre. Si l'on renonce à une réforme systémique, il reste la possibilité d'une réforme paramétrique.

Quelles sont les intentions du Gouvernement vis-à-vis de cette préoccupation majeure pour les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail .  - La priorité du Gouvernement est d'accompagner la reprise de l'activité et de capitaliser sur des indicateurs économiques, grâce à l'action énergique du Gouvernement.

Le sujet des retraites tient à coeur du Gouvernement comme du Président de la République. Celui-ci s'est exprimé clairement le 12 juillet : la réforme est indispensable.

Il faudra la faire pour protéger le système par répartition, car il est en déséquilibre chronique et il est injuste.

Quand la ferons-nous ? Lorsque la situation sanitaire sera revenue à la normale et quand la croissance sera assurée. Mais l'urgence est à la santé de nos concitoyens.

M. René-Paul Savary.  - Peu de précisions sur cette réforme dans votre réponse. Monsieur le ministre des retraites, vous avez l'avenir devant vous ! (Sourires)

On ne voit pas venir la réforme des retraites, ni celle de la dépendance ; les petites retraites ne sont pas améliorées. Vous avez renoncé à réformer.

Dans quelques mois, sera-ce la fin de la crise sanitaire, l'économie sera-t-elle stabilisée ? Non et il faudra pourtant rembourser le « quoi qu'il en coûte ». Quant aux partenaires sociaux, leur attitude ne s'assouplira pas en période électorale. Quand on ne veut pas réformer, on trouve toujours les bons prétextes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Plan tourisme en Martinique

Mme Catherine Conconne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je parlerai de la Martinique - pour éviter la situation de ce matin où le ministre a parlé à M. Lurel de la Guyane au lieu de la Guadeloupe ! (Sourires)

La quatrième vague continue à frapper la Martinique, mais déjà, il faut préparer l'avenir et la relance. Le tourisme souffre particulièrement alors que c'est un secteur stratégique. On ne voit aucune amélioration à moyen terme. Le fonds de solidarité outre-mer et les autres mesures économiques sont une bonne chose, mais les critères excluent trop d'entreprises. Même chose pour la prise en charge des coûts fixes dans l'hôtellerie et la restauration : peu d'entreprises ont un chiffre d'affaires de 1 million d'euros !

M. Lecornu a indiqué que le plan de reconquête et de transformation du tourisme prendrait en compte les spécificités outre-mer. Je m'en réjouis, mais comment ? Chaque territoire outre-mer est différent. Il faut un dialogue étroit avec les acteurs locaux. Ne les abandonnons pas. Je propose de changer la logique et de partir du terrain !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Le tourisme a été particulièrement touché par la crise sanitaire. Le Président de la République en avait fait une priorité dès le début de la crise. Déjà 37 milliards d'euros lui ont été consacrés.

Avec les ministres Sébastien Lecornu et Alain Griset, nous avons adapté les dispositifs de soutien dès cet été. Et nous restons à l'écoute des acteurs pour éviter tout « trou dans la raquette ». Nous les avons déjà interrogés par voie écrite sur les meilleures solutions pour rebondir. Nous allons en région, et en outre-mer dès que la situation l'autorisera.

Le tourisme ultramarin est une pépite pour la destination France. Soyez assurée de notre détermination.

Fuite des cerveaux et place de la recherche en France

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Depuis les années 1980, il semble que la France ait perdu sa culture industrielle. Malgré les atouts de notre pays, les étudiants sont-ils condamnés à s'expatrier ? La réussite de la réindustrialisation dépend des capacités de recherche et d'innovation. Je formule deux voeux : redonnez l'appétit de la France aux étudiants et agissez contre l'émigration des natifs de France.

L'École polytechnique de Lausanne compte 41 % d'étudiants français. Pour beaucoup, le choix des formations étrangères s'impose, notamment dans les filières économiques.

L'émigration des Français n'est pas une chance pour le rayonnement international de notre pays, c'est un révélateur des faiblesses de la formation et du manque de reconnaissance des jeunes talents ; et à terme, une perte de souveraineté.

Les constats du désamour pour notre enseignement supérieur sont innombrables : nombre déclinant de professeurs, recul dans le classement international PISA, fuite des cerveaux, financement timide de la recherche, désintérêt pour les filières d'excellence.

Que compte faire le Gouvernement pour prendre le virage du XXIe siècle, au-delà du seul plan de relance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - J'aurais pu partager le même constat en 2012 ou en 2017, lorsque j'étais présidente d'université ; mais plus aujourd'hui.

En 2017, on tirait au sort les étudiants ; la France n'apparaissait pas dans les classements internationaux ; le financement de la recherche stagnait depuis vingt ans.

Aujourd'hui, la France est la troisième nation la plus attractive après les États-Unis et le Royaume-Uni ; elle a la première université en mathématiques, elle est deuxième en océanographie et troisième pour l'écologie. En 2020, nous avons eu 370 000 étudiants étrangers, soit une hausse de 23 % en trois ans.

L'application de la loi d'orientation pour la recherche, qui porte un budget supplémentaire de 25 milliards d'euros, suit son cours, avec les chaires de professeurs juniors et la revalorisation du doctorat, entre autres. Je salue le retour d'Esther Duflo en France.

Remise en cause des contrats photovoltaïques

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La loi de finances pour 2021 a prévu de baisser le tarif de rachat d'énergie photovoltaïque pour les contrats souscrits entre 2006 et 2011. C'est une remise en cause de la parole donnée et un signal négatif pour les autres investissements dans les énergies renouvelables.

Les acteurs ont protesté. Ils subissent des baisses de tarif jusqu'à 90 % et en moyenne de 55 %. La mesure ne prend pas suffisamment en compte les spécificités agricoles : 500 exploitants seraient menacés de faillite.

Qu'en est-il des textes d'application et de la clause de sauvegarde prévue ? Les enveloppes libérées, 500 millions d'euros, seront-elles fléchées vers d'autres projets dans les énergies renouvelables ?

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - Le Gouvernement engage des moyens considérables - 6 milliards d'euros en 2021  - pour la transition énergétique. Mais nous ne devons pas nous satisfaire de rentes qui captent l'argent public et empêchent de financer des projets utiles.

C'est pourquoi la loi de finances initiale pour 2021 a prévu de revoir la tarification de certains gros contrats, soit 1 000 des 235 000 contrats signés entre 2006 et 2010. Cela ne doit pas conduire des exploitants à la faillite. Dès le départ, une clause de sauvegarde était prévue. J'y serai attentive dans la rédaction des textes réglementaires, élaborés après une large consultation des acteurs.

Notre ambition envers les énergies renouvelables reste intacte. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Jean-François Longeot.  - Quand on veut inciter nos concitoyens à produire des énergies renouvelables, on ne remet pas en cause les contrats passés ! C'est ce qui me gêne. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Sophie Primas approuve.)

Vaccination des Français de l'étranger

Mme Jacky Deromedi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) De nombreux Français de l'étranger n'ont plus vu leur famille depuis deux ans, car ils risquent de ne pouvoir rentrer. Certains, qui ont reçu un vaccin non reconnu en France, doivent subir de nombreux tests, souvent payants. Vous proposez une troisième dose pour valider leur passe sanitaire. Mais cette dose est-elle compatible avec le vaccin reçu ?

En outre, dans certains pays, comme l'Iran, l'Indonésie ou le Vietnam, les Français ne peuvent accéder à la vaccination. Que comptez-vous faire pour eux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Nous sommes le seul pays au monde à se préoccuper de la vaccination de nos agents et de nos diasporas. Cela est effectif dans 45 pays, avec l'appui de l'association International SOS. Nous restons au plus près de nos communautés.

Pour délivrer les QR-Codes -  100 000 hier  - à ceux qui ont reçu des vaccins homologués, nos services ont déployé beaucoup d'énergie. Le conseil de défense a également ouvert la voie à la reconnaissance des vaccins admis par l'OMS. Le ministre de la santé prendra un décret dans quelques jours. Les leçons de morale n'ont pas lieu d'être. Nous sommes à la tâche !

Mme Jacky Deromedi.  - Nos compatriotes ont droit à la protection sanitaire de la France, comme lors de l'épidémie H1N1.

Élections des sénateurs représentant les Français établis hors de France

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Un an, c'est le temps dont vous disposiez pour organiser l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Neuf jours, c'est le temps qui reste avant le scrutin.

Nous vous avons alertés sur les cas d'Israël, de l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais nos demandes dérogatoires sont restées lettre morte. C'est ce matin seulement que vous avez consulté les parlementaires sur l'élection des conseillers consulaires qui n'avaient pas pu être élus l'année dernière.

Il y a trois jours, vous nous informiez que le vote par internet ne serait pas possible, alors qu'il a été six fois plus utilisé l'an passé que le vote physique à l'urne. Vous pouviez prolonger le contrat passé avec l'entreprise qui en était chargée !

Deux mois, c'est le temps qui vous reste donc, pour organiser ces élections partielles et l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.

Quelles instructions donnerez-vous pour que les grands électeurs en Australie et en Nouvelle-Zélande puissent voter ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Les élections sénatoriales se préparent en bon ordre.

En Australie et en Nouvelle-Zélande, les règles sanitaires interdisent la mobilité. C'est le rôle de la diplomatie française d'obtenir des autorités étrangères que les grands électeurs puissent se déplacer pour aller voter. C'est acquis pour l'Australie ; c'est en bonne voie pour la Nouvelle-Zélande. Je ne peux cependant décider à la place des autorités locales. Cela s'appelle le principe de souveraineté...

Dans trois circonscriptions seulement, sur un total de 130 -  en Inde et à Madagascar  - les élections des conseillers consulaires n'ont pas pu se tenir. Dans le temps imparti, avec l'exigence d'un marché public, nous ne pouvons pas organiser le vote par internet.

La différence avec vous, c'est qu'au Paraguay en 2015, vous aviez refusé cette option au motif du coût. Ce n'est pas notre cas, mais il y a le droit !

L'Assemblée des Français de l'étranger pourra se réunir en bon ordre et en toute sérénité en décembre, après le scrutin qui se tiendra en Inde et à Madagascar autour du 7 novembre. (M. Alain Richard applaudit.)

Règlementation européenne sur les huiles essentielles de lavande

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Monsieur le ministre, les producteurs de lavande et lavandiers s'inquiètent du projet de la Commission européenne concernant le règlement européen Reach. Le risque est de voir classer les huiles essentielles de lavande en produit dangereux, ce qu'elles ne sont pas, vous en conviendrez...

Cela affecterait le tourisme et la production - 4 000 hectares, 9 000 emplois directs et 17 000 emplois indirects.

Réunissez au plus tôt le comité de suivi de Reach et exigez une approche spécifique sur les huiles essentielles. Nous voulons un soutien franc et massif des cinq ministres concernés, le vôtre ainsi que l'Agriculture, le Travail, l'Économie, la Transition énergétique. (M. Christian Cambon approuve ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - Je vous prie de bien vouloir excuser Julien Denormandie, retenu à Innov-Agri dans le Loiret. Il a réuni ce matin tous les acteurs de la filière.

Le règlement européen Reach sert à recenser, évaluer et contrôler des substances chimiques variées. La filière des huiles essentielles était déjà concernée par le règlement. Quant au texte de sa révision, nous n'avons pas encore de contenu ni de calendrier précis.

M. Julien Denormandie a annoncé un comité interministériel d'information et de suivi, associant les cinq ministères cités et tous les acteurs de la filière.

Une éventuelle réglementation ne s'appliquera pas avant fin 2022. Nous répondrons aux inquiétudes ; le ministre Denormandie s'y est engagé.

Réforme de l'APL et dysfonctionnements des CAF

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La réforme de l'aide personnalisée au logement (APL) complique la tâche des caisses d'allocations familiales (CAF) et a des conséquences sur les allocataires.

Les retards s'accumulent et les délais de paiement des allocations s'allongent. Il faut trouver des solutions pérennes, mais aussi d'urgence en cette période de crise. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La réforme des APL s'applique depuis le 1er janvier. Le calcul des droits ne change pas, mais il fallait un changement de système d'information pour pouvoir prendre en compte les ressources les plus récentes. Je salue l'engagement des salariés des CAF pour sa mise en oeuvre.

Des bugs informatiques, inévitables, ont concerné jusqu'à 3 % des dossiers au plus ; ils sont en voie de règlement. Les agents de la CNAF sont mobilisés auprès des allocataires, pour que les APL soient recalculées chaque trimestre.

Le Gouvernement suit la situation avec attention, d'autant que le système d'information des CAF devra continuer à évoluer, pour améliorer encore le traitement des dossiers et pour cheminer, via un rapprochement des prestations, vers le futur revenu universel d'activité qui reste notre objectif.

Mme Jocelyne Guidez.  - Plusieurs prestataires demeurent en difficulté. Il faut les régler au plus vite.

Modes d'accès à la fonction publique

M. Jean Louis Masson .  - Le recrutement dans la fonction publique suivait jusqu'à présent une logique de méritocratie, fondée sur la valeur personnelle de chacun. Or, sous couvert d'une fausse égalité des chances, le Gouvernement veut soumettre les nominations à des appréciations subjectives et arbitraires.

On le voit déjà pour certains préfets, pour des ambassadeurs en Équateur ou aux pôles, pour des conseillers d'État au tour extérieur : on se demande si la nomination dépend des compétences ou des relations.

Cela ne saurait que s'aggraver. La carrière doit dépendre de la valeur de chacun. Pourtant, les nommés seront demain ceux qui ont des relations familiales ou de réseaux occultes tels que la franc-maçonnerie. (Marques d'ironie sur toutes les travées). Ou tout simplement un piston politique ! Faire croire que la réforme est une bonne chose, c'est une tromperie !

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques - En République, il y a un principe, celui de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : l'emploi public est ouvert à tous, avec la prise en compte des mérites et des talents.

Je ne veux pas qu'à coups de complotisme et de fake news, vous remettiez en cause l'engagement et les mérites de ceux qui, depuis l'ordonnance de 1945, tiennent le pays.

Mais, en 2021, les choses ont changé, du fait de la décentralisation notamment, et de la moindre attractivité de la fonction publique auprès des jeunes.

Nous devons fixer les besoins au plus près des territoires, mettre en avant les métiers plus que les corps et être à l'écoute des aspirations des agents.

Les fonctionnaires attendent qu'on protège leur engagement, leur rémunération et leur liberté.

Je soutiendrai devant vous une réforme indispensable.

M. le président.  - Je vous rappelle que les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 22 septembre.