Mécanisme européen de stabilité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité.

Discussion générale

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Ce projet de loi ratifie l'accord signé à Bruxelles le 27 janvier 2021, révisant le traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES). Cette révision s'inscrit dans l'approfondissement de l'union économique et monétaire prôné par le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne, le 26 septembre 2017.

Quatre ans plus tard, nous pouvons nous réjouir des avancées réalisées grâce au patient travail de conviction et aux intenses efforts de négociation de la France. Nous avons posé les fondations d'une zone euro plus résiliente, plus intégrée et solidaire.

Saluons le mécanisme de soutien aux dépenses de chômage partiel dans les États membres, dit SURE et le dispositif d'endettement conjoint NextGenerationEU, destiné à soutenir la relance. Cela témoigne d'une coordination européenne efficiente face à la crise.

La France voulait compléter le mécanisme de résolution unique (MRU), deuxième pilier de l'union bancaire, pour éviter que les défaillances bancaires ne pèsent trop sur les finances publiques.

Le traité révisé institue un backstop, sous la forme d'une ligne de crédit du MES au conseil de résolution unique (CRU). Cet outil précieux complétera les ressources déjà disponibles du fonds de résolution unique (FRU), qui est alimenté par les établissements bancaires. Il devrait atteindre 1 % des dépôts bancaires en 2024.

Grâce au traité révisé, si les ressources du FRU sont insuffisantes, le backstop permettra au CRU d'obtenir un prêt en dernier recours du MES, jusqu'à 68 milliards d'euros, doublant ses ressources. Il sera remboursé par des contributions levées ex post sur les banques : ce sera donc neutre budgétairement pour le MES et pour les États membres.

La simple existence de ce backstop envoie un message rassurant aux marchés.

La réforme porte aussi sur l'assistance financière aux États membres dont les fondamentaux sont sains mais qui rencontrent des difficultés passagères. L'État en question n'aura plus besoin de signer un protocole d'accord comprenant des engagements contraignants sur la mise en oeuvre de réformes structurelles, mais seulement une lettre d'intention.

La réforme clarifie en outre le mandat et le rôle du MES à l'égard de la Commission européenne.

Enfin, les États de la zone euro introduiront au 1er janvier 2022 des clauses d'action collective rendant la restructuration des dettes publiques plus prévisible. Un petit groupe minoritaire d'obligataires ne pourra plus prendre en otage un pays restructurant sa dette.

Le Gouvernement reste mobilisé pour achever l'union bancaire.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur de la commission des finances .  - Cet accord, signé en janvier dernier par les dix-neuf États membres de la zone euro, devrait s'appliquer dès le début de l'année prochaine - l'objectif pourrait être difficile à tenir.

Le MES est né en 2012 sous la forme d'un simple traité intergouvernemental. Il est donc hors de l'ordre juridique de l'Union européenne.

Il vise à mobiliser des ressources financières et à soutenir la stabilité de la zone euro.

Trois questions se posent. Pourquoi modifier le traité ? Quelles sont les modifications opérées ? Quelle analyse faire de ces dernières ?

Face à la crise de la zone euro, le MES a éteint l'incendie et soutenu les États membres en difficulté. Un mécanisme puissant était nécessaire rapidement, pour rétablir la confiance des marchés. Avec une capacité de prêt de 500 milliards d'euros, il a rempli pleinement son rôle, en portant assistance à la Grèce, à Chypre et à l'Espagne, pour un total de 89 milliards d'euros.

La seconde réponse a été le lancement de l'union bancaire, pour couper le lien entre dette souveraine et bilans bancaires. Elle repose sur un mécanisme de surveillance unique, un mécanisme de résolution unique et une garantie européenne des dépôts - cette dernière restant à finaliser.

Le MES a été créé dans l'urgence, il fallait opérer des ajustements. En outre, le cadre actuel de l'union bancaire ne préserve pas totalement les finances publiques en cas de défaillance d'une banque. Il fallait concrétiser l'objectif d'étanchéifier dette souveraine et secteur bancaire.

L'ambition initiale était de transformer le MES en fonds monétaire européen. Faute de compromis, elle a été recentrée sur l'introduction d'un filet de sécurité, le backstop, que le MES pourra apporter au CRU. L'objectif est d'éviter que le contribuable d'un États membre soit mis à contribution quand une banque est en difficulté.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est mieux !

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur.  - C'est une forme de prêt-relais, le temps que le secteur bancaire rembourse.

Mais cela ne revient-il pas à transférer la charge du contribuable de l'État membre aux banques de la zone euro ? Du contribuable grec aux banques françaises ?

Actuellement, pour aider une banque en difficulté, un État membre peut bénéficier d'un prêt du MES. L'évolution proposée ne conduit pas à davantage de mutualisation, mais fait remonter l'aide à la résolution d'un cran, en transférant la charge du contribuable au secteur bancaire.

Ne soyons pas naïfs pour autant : nos banques seraient les premières exposées à une activation du FRU.

Cet accord équilibré préserve les capacités de décision de la France, ce dont nous nous félicitons.

L'entrée en vigueur du filet de sécurité est prévue au 1er janvier 2022. Or le processus de ratification a pris du temps. Un recours a été formé en Allemagne, et plusieurs pays n'ont pas encore prévu de ratification. S'agit-il d'une contingence d'agenda ou d'une difficulté politique ?

Je m'interroge aussi sur le dimensionnement du filet de sécurité. Sera-t-il suffisant ?

Enfin, les banques françaises s'inquiètent de la façon dont elles pourraient être mises à contribution. Elles souhaitent que les contributions ex post soient limitées au strict nécessaire.

La commission des finances a adopté le texte sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Bocquet .  - Loin de favoriser l'entraide entre les États de la zone euro et de les libérer du joug des marchés financiers, le MES a été dévoyé dès sa création.

Il s'est révélé être une réponse inadaptée aux constats posés lors de la crise financière de 2008.

Les modifications proposées n'y changent rien : les marchés financiers seront les grands gagnants, loin des ambitions affichées par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne.

Le filet de sécurité est le témoignage de l'impuissance du FRU. Les États membres vont engager leurs finances publiques pour sauver des banques qui s'adonnent à des pratiques spéculatives déraisonnables. Comment récupèrera-t-on ces 68 milliards d'euros de prêt ? On négociera dans l'urgence, avec des banques too big too fail.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est vrai !

M. Éric Bocquet.  - La facture sera probablement plus salée que les 68 milliards d'euros prévus. On est loin des 400 milliards d'euros de prêts interbancaires garantis par l'Allemagne...

Le prétendu assouplissement est un leurre. La liste des attentes austéritaires est longue. Les États bénéficiaires devront toujours respecter le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), et les critères d'éligibilité sont durcis. Paradoxe, la France ne pourrait pas bénéficier de cette procédure, même allégée, mais pourrait être mise à contribution pour sauver d'autres États membres !

Il est impératif de passer d'un mécanisme de stabilité à un mécanisme de solidarité, au service des peuples.

La Grèce a été le principal bénéficiaire du MES, avec 259 milliards d'euros. Quel bilan pour ce simulacre d'aide, assorti d'une cure austéritaire ? Une chute du PIB d'un cinquième entre 2008 et 2017 ; un taux de chômage à 20 % ; une dette publique en hausse de 70 points, à 178 % du PIB - 205% aujourd'hui ! ; une TVA à 24 % ; une baisse du salaire moyen de 22 points ; un niveau de vie deux fois inférieur à celui de la France, tout juste au-dessus de la Bulgarie ; l'émigration de 300 000 jeunes grecs.

Est-ce là une oeuvre de solidarité ? La rigueur qui s'est abattue sur la Grèce doit nous appeler à plus de consistance, faute de quoi nous provoquerons de nouveaux drames humains. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Patrice Joly et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'Union européenne fait régulièrement l'objet de controverses et de débats. Le projet européen repose résolument sur la solidarité. La monnaie demeure le fil rouge de ces dernières décennies. Les États membres ont toujours été enclins à faire muter la zone monétaire ; les évolutions ont pu être tardives, poussives mais les débats n'ont jamais cessé.

Cet accord modificatif témoigne d'une avancée significative et d'un approfondissement de l'union économique et monétaire.

Je salue le travail de Jean-Marie Mizzon et je regrette l'absence du ministre des comptes publics.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Les ressources mobilisées doivent permettre de faire face aux obligations financières.

Le MES, fondé sur un traité intergouvernemental, est l'héritier du fonds européen de stabilité financière et du mécanisme européen de stabilité financière. Il fait l'objet de velléités de révision depuis des années.

Quatre axes émergent : la facilitation de restructuration des dettes souveraines, le renforcement du rôle du directeur du MES et de son indépendance, la révision des instruments de précaution et la création du filet de sécurité.

Ce backstop est le dispositif le plus symbolique et le plus incontournable.

Le conseil des gouverneurs approuvera d'un commun accord l'octroi de la facilité sur demande du CRU. Ensuite, les prêts peuvent être débloqués, jusqu'à 68 milliards d'euros. La procédure d'urgence peut être activée en abaissant le seuil d'approbation des prêts et versements à 85 % des voix, pour éviter un blocage par une poignée d'États.

Je partage la vigilance du rapporteur sur le filet de sécurité. On ne pourra recourir à la procédure d'urgence que deux fois.

Seuls six États ont à ce jour déposé leur instrument de ratification. L'Italie et Chypre n'ont pas engagé le processus, pourtant ils ont été les principaux bénéficiaires des aides pendant la crise. Enfin, la cour de Karlsruhe a été saisie d'un recours.

L'information et la pédagogie, sur un texte aussi complexe, sont cruciales pour l'acceptabilité politique et sociale.

Cet accord est une arme intéressante contre la spéculation.

Malgré des réserves, le groupe UC votera en faveur de ce projet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Claude Requier .  - Le MES est, à certains égards, notre FMI européen.

Le RDSE est très attaché aux enjeux européens, et à faire oeuvre de pédagogie en la matière auprès de nos citoyens. Or ce projet de loi vise à rendre plus efficace l'action européenne et à renforcer la résilience de la zone euro en cas de crise.

Europhiles convaincus, nous sommes favorables à cette ratification, qui consolide le projet européen. Nous devons, non pas seulement maintenir nos acquis, mais les enrichir.

La solidarité est un enjeu de société fondamental, d'autant plus que la crise sanitaire a considérablement fragilisé les États. Le renforcement du MES, grâce au filet de sécurité, va dans le bon sens. Mais ne tombons pas dans les excès du « quoi qu'il en coûte » alors que la dette publique française ne baisserait qu'à partir de 2027. Les dettes ne se repoussent pas ad vitam aeternam, la soutenabilité réelle doit aussi être prise en compte.

L'Union européenne n'est ni une tour de Babel ni un Léviathan impuissant. Gardons confiance dans les solutions européennes, trouvons des compromis éclairés, gages de stabilité.

Le RDSE soutiendra unanimement ce projet de loi.

M. Patrice Joly .  - La crise de 2008, qui a atteint son paroxysme à l'été 2012, a révélé l'exigence de l'union bancaire. Le Conseil européen, en juin 2012, dotait l'Union européenne d'outils de surveillance bancaire et de résolution ordonnée des faillites.

Parallèlement, un accord intergouvernemental créait le MES. L'octroi d'une aide était toutefois conditionné au respect des règles drastiques du pacte de stabilité. Or je note que dès le début de la crise sanitaire, ces règles ont été suspendues !

Les Grecs subissent encore les conséquences des trois plans d'aide de 2010, 2012 et 2015. Le pays ne s'est toujours pas remis des politiques d'austérité imposées. Pour assainir ses finances publiques, il a dû procéder à une casse sociale sans précédent, sabrer dans les budgets de redistribution sociale, baisser les salaires, réformer les retraites, privatiser des secteurs stratégiques. Le pays, affaibli, se vide de sa jeunesse, en quête d'un avenir meilleur à l'étranger.

Les dommages causés par cette cure d'austérité soulèvent la question de la responsabilité des institutions européennes. Avec la crise sanitaire, l'Union européenne a pourtant su s'affranchir de ses règles drastiques, faire preuve de solidarité et de souplesse, mobiliser ses capacités financières et placer l'investissement au coeur de la politique de sortie de crise.

Même révisé, le MES, dépassé, conserve des faiblesses. Des zones d'ombre demeurent concernant les contreparties exigées pour la seconde ligne de crédit. Il faudra être vigilant sur la conditionnalité du recours au mécanisme, même si les exigences ont été allégées. L'Italie n'a d'ailleurs pas souhaité recourir au MES pour préserver sa souveraineté.

Je regrette que l'instrument n'ait pas été communautarisé, et que la responsabilité revienne à l'Eurogroupe.

Cette réforme ne permet pas de renforcer le contrôle démocratique, alors que les citoyens sont les premiers concernés. Le Parlement européen ne saurait rester à l'écart.

Cet accord est une occasion manquée de faire du MES un vrai Trésor européen.

Les États membres ont montré pourtant qu'ils savaient faire preuve de solidarité et partager collectivement les risques.

Le MES est encore largement perfectible. Il reste un instrument imparfait. Le groupe SER s'abstiendra. (M. Rémi Féraud applaudit.)

Mme Nadège Havet .  - Sur l'austérité, l'Europe a changé de logiciel, disait Clément Beaune en juin dernier. Nous nous félicitons de cette évolution et saluons les parlementaires français qui ont travaillé à l'adoption du plan de relance historique, assorti de ressources propres, qui pose les fondements de cette nouvelle politique en faveur de l'emploi et de la formation. Nous ne sommes pas européens un jour sur deux, mais tout le temps et profondément.

La création du filet de sécurité au FRU, qui permettra au MES de prêter jusqu'à 68 milliards d'euros au CRU, répond à un objectif simple : éviter que le contribuable ne soit appelé en secours des banques.

Cet accord crée une ligne de crédit de précaution, renforce l'indépendance du MES pour l'évaluation de la soutenabilité des dettes et simplifie la restructuration de l'endettement public, en évitant le risque de blocage par un groupe minoritaire de créanciers.

La Commission européenne vient de lancer une consultation sur la révision des règles budgétaires : il s'agira de réduire la dette, mais surtout de ne pas entraver la croissance ni les investissements en faveur de la transition écologique.

Alors qu'elle quitte la scène européenne, je salue l'engagement de la chancelière Merkel qui, avec le Président Macron, a joué un rôle moteur pour l'adoption du plan de relance qui nous permet aujourd'hui de rebondir, malgré la crise.

M. Emmanuel Capus .  - Nous sommes bien dans un processus européen : la beauté de la complexité du texte n'a rien à envier à la technicité des mécanismes ! (Sourires) Il porte néanmoins des évolutions importantes pour la stabilité de la zone euro.

Les secousses de la crise de la dette grecque ont été ressenties dans toute l'Europe ; le souvenir reste vif. Le MES, dix ans plus tard, doit être amélioré, pour une solidarité efficace en temps de crise.

Nous ne sommes pas encore sortis de la crise du Covid-19, et les questions économiques et financières vont prendre de l'ampleur. L'emprunt commun européen aura un prix : une dette se rembourse, même si elle est émise à plusieurs. Au-delà des ressources propres, nous avons besoin de stabilité économique, monétaire et bancaire.

Je reviens sur le renforcement du MES et de son indépendance. Il s'agit de clarifier les missions de la Commission européenne en matière de gouvernance économique. Le système n'a pas encore trouvé sa forme définitive.

Le filet de sécurité au FRU renforce la voilure du MES.

Ce MES révisé est synonyme de stabilité, de solidarité et de fiabilité au sein de la zone euro. Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi de ratification.

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise de 2008 a conduit à l'émergence d'un dispositif européen pérenne, se substituant à des mécanismes temporaires ad hoc, pour garantir la stabilité financière en Europe. Les dirigeants européens avaient compris qu'il fallait aller plus loin qu'une simple logique de sauvetage.

Sous l'impulsion du couple franco-allemand, et notamment du président Nicolas Sarkozy, la gouvernance a été améliorée.

Entré en vigueur en 2012, le MES peut soutenir les États membres de la zone euro qui rencontrent des difficultés de financement. Il les dote d'un mécanisme permanent de gestion de crise, à même de protéger les économies européennes contre les attaques spéculatives.

Le MES est autorisé à lever des fonds et peut prêter jusqu'à 500 milliards d'euros. Ce matin, lors de la réunion de la commission des affaires européennes, des questions ont porté sur la possibilité de provisionner des sommes pour faire face à une crise dans un pays tiers.

Il s'agit maintenant de renforcer les capacités du MES en matière de résolution des défaillances et de préparation aux crises. C'est l'objet du traité révisé dont la ratification nous est soumise.

Parmi les États membres, quatre n'ont toujours pas proposé de projet de loi de ratification, dont l'Italie, l'un des principaux contributeurs... Le calendrier sera-t-il tenu ? La présidence française de l'Union européenne devra-t-elle inscrire cette question à son ordre du jour ?

La révision du MES vise à éviter que les contribuables ne soient sollicités en cas de défaillance d'une banque.

Le nouveau filet de sécurité est très important mais trois points d'attention demeurent : délai d'entrée en vigueur problématique étant donné le recours allemand, fusil à deux coups seulement, et remboursement du prêt par des contributions ex post des banques.

Nous nous interrogeons sur la contribution des banques françaises. Le mécanisme de résolution unique est un pilier de l'union bancaire, une étape de la construction d'un cadre commun de gestion du système : il s'agissait de veiller à ce que l'ensemble de la zone puisse faire face aux défaillances.

Le MRU repose sur les contributions des banques au FRU. Initialement, la France apparaissait perdante dans la négociation : ses banques auraient contribué à hauteur de 30 % du fonds, contre 25 % pour les banques allemandes ! Un accord a été trouvé entre la France et l'Allemagne, avec une contribution équivalente de 15 milliards d'euros de leurs banques. Préservons cet équilibre.

Au-delà de cette réserve, le groupe Les Républicains soutiendra cette ratification.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Le MES parle peu à nos concitoyens et concitoyennes. C'est le mécanisme qui a permis à la Grèce de s'endetter encore davantage, à des taux plus élevés, de privatiser, de mettre la politique nationale sous tutelle, d'augmenter la TVA, de privatiser, de travailler le dimanche, de réformer le droit du travail en défaveur des salariés, entre autres. Quelle belle réussite ! Quel bel exemple de ce que peut être l'Europe ! (M. Jean-Claude Requier proteste.)

Dix ans après, la Grèce est encore plus pauvre. Le MES a servi à imposer des politiques libérales et austéritaires. Il est évident qu'il fallait le réformer. Mais aujourd'hui, on protège les banques, on renforce la logique de socialisation des pertes !

M. Jérôme Bascher.  - Ça s'appelle la solidarité !

Mme Sophie Taillé-Polian.  - La finance peut encore nous plonger dans la crise. Le taux d'endettement privé est de 154 % en France, les transactions sur les produits dérivés sont au niveau de 2007... Le système bancaire n'est pas plus vertueux qu'alors, bien au contraire ! Or on l'entérine, en protégeant les banques face à leurs dérives, en reconnaissant en creux qu'une crise est toujours possible.

L'éligibilité au mécanisme serait assouplie, entend-on. Mais le mécanisme reste quasiment inaccessible aux pays qui en ont besoin. Ils n'auront accès qu'au dispositif renforcé, qui comporte une évaluation mensuelle. En renforçant les pouvoirs du directeur du MES, on s'éloigne encore plus du cadre démocratique.

Oui, la capacité de restructurer les dettes est améliorée. Mais l'objectif reste bien de sauver les banques en faisant payer les peuples, au son de la petite musique austéritaire.

Le GEST est profondément européen. Nous ne croyons pas au repli national. Mais ce cadre n'est pas celui de la solidarité. Au contraire, il détourne les peuples de l'idée européenne.

De grâce, prenons en compte ce qui s'est passé depuis 2018 ! Alors que la crise sanitaire a conduit à suspendre les règles européennes, on nous proposerait de les renforcer ? Le GEST ne pourra pas voter ce texte. (Mme Monique de Marco et M. Patrice Joly applaudissent.)

L'article unique constituant le projet de loi est adopté.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je m'étonne des propos de Mme Taillé-Polian. Vous voulez dépasser les contraintes nationales, et pourtant, dès qu'un accord européen est signé, vous le déplorez.

Monsieur Bocquet, les traités européens que nous signons sont parfaitement démocratiques ! On ne peut pas considérer que le Gouvernement est investi démocratiquement et que les traités qu'il signe ne le sont pas. Les accords européens sont légitimes, même si on peut en contester le fond. Dire le contraire, c'est détruire le socle de l'Union européenne.

L'objectif est bien que le nouveau mécanisme entre en vigueur au 1er janvier 2022. Nous sommes confiants quant à la ratification par les différents États membres, dont l'Italie.

Il faut bien définir un mécanisme. Il n'est pas possible de mettre le whatever it takes dans un projet d'accord. Mais nous envoyons un signal suffisamment clair aux marchés. L'aspect préventif nous paraît suffisant.

La part des banques françaises dans le FRU a toujours été au coeur de nos préoccupations, mais il faut dissocier ce sujet du MES en tant que tel. Elle est calquée sur la contribution ex ante. Il ne sera fait appel au backstop qu'en dernier recours. Seule une réforme du cadre de gestion de crise aurait pu permettre une modification des contributions. Soyez assurés de notre mobilisation.

Enfin, soyons positifs : la plupart des groupes politiques du Sénat approuvent ce traité. L'approfondissement de l'Union européenne passe par celui de la solidarité financière. Malgré son aspect technique, parfois ésotérique ou libéral, ce traité est une excellente nouvelle pour l'Europe.