« Défense extérieure contre l'incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport : « Défense extérieure contre l'incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires », à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Rappels au règlement

Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation .  - Les débats à l'initiative du Sénat sont particulièrement constructifs. Mon propos ne vous vise pas madame la ministre, mais soyez-en la messagère.

Ce débat sur les questions de défense incendie est issu des récriminations des maires et des communes, qui voient leurs finances asséchées par le coût des installations. Certaines ne peuvent plus construire une seule habitation supplémentaire.

Le travail d'évaluation mené par MM. Maurey et Montaugé est accompagné de propositions, saluées par tous les maires, qui attendent un plan d'action.

La question de la protection incendie relève du ministère de l'intérieur et de celui des territoires. Le lien avec la biodiversité m'échappe en revanche... Je ne comprends pas l'absence au banc des deux ministres concernés. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI et du groupe CRCE)

Mme Céline Brulin .  - Même étonnement : le lien entre la défense extérieure contre l'incendie et la protection de la biodiversité n'est pas vraiment évident.

Les maires rencontrent des difficultés immenses, en matière de finances, de débits d'eau, d'urbanisme. Deux ministres et quatre secrétaires d'État auraient pu apporter des réponses à nos questions. Il y va du crédit même de la parole publique. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité.  - Merci pour cet accueil chaleureux... (Sourires) Je porte la parole du Gouvernement, à la demande de Mme Schiappa et de Mme Gourrault, retenues par d'autres engagements.

Comme ancienne élue de la Haute-Marne, je suis très concernée par ces problématiques. Je me réjouis donc de pouvoir échanger avec vous.

Débat interactif

M. Hervé Maurey, pour la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation .  - Je partage l'étonnement de mes collègues.

Ce débat est organisé à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dans le prolongement de notre rapport de juillet dernier réalisé à la suite d'une saisine du Président du Sénat.

La loi du 17 mai 2011 a instauré le principe d'une réglementation départementale établie par le préfet en concertation avec les élus locaux, afin de répondre aux spécificités des territoires. Malheureusement, cette réforme souhaitée par les élus n'a pas répondu à leurs attentes. Au contraire, elle ne suscite que mécontentement.

La concertation prévue par le décret de 2015 a été menée de manière très inégale. Selon notre enquête, 70 % des maires estiment qu'elle n'a pas été satisfaisante et 81 % que leur territoire n'est pas correctement couvert. De fait, une habitation sur trois et six à sept millions de nos concitoyens ne sont pas couverts.

L'absence d'étude d'impact préalable est dommageable : les disparités territoriales ne sont pas prises en compte. Or les investissements demandés sont très lourds, surtout pour les petites communes, qui doivent renoncer à d'autres dépenses. Dans la commune des Bottereaux dans l'Eure, 380 habitants, les travaux de mise en conformité s'élèvent à 3,6 millions d'euros pour un budget d'investissement annuel de 210 000 euros...

À ces aspects financiers s'ajoutent des contraintes techniques : débit d'eau, foncier... Il est ainsi parfois impossible de construire : voilà le début du cercle vicieux du dépeuplement et du déclin pour des territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

M. Franck Montaugé, pour la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La mission du Sénat a permis de dresser un premier bilan de la défense extérieure contre l'incendie, qui devra être complété par un audit national conduit par l'État.

Un meilleur suivi des dépenses des communes en défense incendie est nécessaire, grâce à une nomenclature comptable plus détaillée.

Les décisions relatives au règlement départemental devront être précédées d'une étude d'impact afin d'en mesurer les conséquences financières. Les solutions alternatives devront être mieux valorisées.

Une méthodologie de concertation devra être établie pour fédérer tous les acteurs. Jusqu'à présent la concertation a été plus formelle que réelle. Désormais, tous les maires doivent être consultés.

Un soutien budgétaire significatif s'impose, car le manque de financements constitue le principal frein pour les petites communes. Le Plan de relance représente, à cet égard, une opportunité, avec une enveloppe de 1,2 milliard d'euros sur trois ans. En outre, il serait bon que la dotation pour l'équipement des territoires ruraux (DETR) soit mobilisée dans tous les départements, jusqu'à 100 % du coût du projet le cas échéant. Puis, dans trois ans, il sera temps de trouver une source de financement plus pérenne.

Entre services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et communes, la répartition des coûts doit être revue, dans une logique fine d'évaluation infradépartementale de la couverture des risques. À cet égard, les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (Sdacr) doivent être revus.

Cependant, les pouvoirs publics ne peuvent pas tout. La notion d'autoprotection doit aussi être promue, alors que la culture du risque est faible dans notre pays. À titre d'exemple, l'installation de détecteurs, obligatoire depuis 2015, est très peu respectée...

Le numérique et l'invention technologique offrent des pistes intéressantes d'optimisation de la protection incendie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDPI et du GEST ; Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation, applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je suis honorée de débattre avec vous de la question de la défense contre les incendies, dont le nombre et la violence seront accrus par le réchauffement climatique. Nous devons améliorer notre culture du risque et notre gestion de l'eau.

La visite de la plaine des Maures, dévastée cet été, nous a conduits à revoir l'entretien des espaces protégés dans un objectif de lutte contre les incendies.

Les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation apportent des réponses intéressantes.

La défense extérieure contre les incendies (DECI) relève des maires et des présidents d'EPCI. Elle doit s'adapter aux besoins des territoires. Nous poursuivons donc le même objectif.

La réforme a d'ailleurs décentralisé le cadre réglementaire et prévu une consultation des élus. Les volumes d'eau, les débits et l'espacement des points d'eau sont précisés dans le règlement départemental, établi par le préfet, après avis des SDIS et consultation des maires.

Nous devons rechercher un équilibre entre les moyens mobiles des SDIS et les ressources communales. Si le schéma est départemental, il peut être décliné à l'échelle de la commune et de l'EPCI, avec une priorisation sur plusieurs années des équipements à mettre en place.

Votre rapport insiste sur la nécessaire adaptation de la DECI aux besoins des territoires. Il est vrai que la consultation des élus n'a pas toujours été suffisante et que dans certains départements -  Seine-Maritime, Charente, Eure et Gers  - les règles, trop rigides, semblent inapplicables. Nous avons à coeur de résoudre ces difficultés.

Il faut concilier la sécurité des Français et des sapeurs-pompiers avec la maîtrise de la dépense publique.

Les règlements départementaux gagneraient parfois à mieux prendre en compte les besoins des communes. Partageant certains de vos constats, le Gouvernement souhaite donc ajuster le cadre réglementaire selon quatre axes de progrès : harmoniser les pratiques entre SDIS en encourageant la diffusion des bonnes pratiques ; faire établir un état des lieux exhaustif par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur ; encourager les élus à faire part de leurs difficultés au préfet de département ; établir un rapport d'audit, commandé à l'Inspection générale de la sécurité civile et qui sera remis à la fin du premier trimestre 2022.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Le projet de loi 3DS permettra la mise en oeuvre des nouvelles règles.

M. Pascal Martin .  - Je remercie la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour son initiative et félicite ses deux rapporteurs.

Le sujet est localement sensible. Comme élu local et ancien colonel de sapeurs-pompiers professionnel, il me tient particulièrement à coeur.

Les communes peinent à délivrer des permis de construire et à financer les investissements de défense extérieure incendie, notamment dans les communes rurales à l'habitat dispersé. Il faut revoir la réglementation pour mieux l'adapter. Pourquoi ne pas prendre en compte des points d'eau naturels comme la Seine ou de nouveaux matériels mobiles comme les motopompes flottantes qui offrent un débit compris entre 30 000 et 60 000 mètres cubes par heure ?

Que répondez-vous aux maires ruraux ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. François Bonhomme.  - Nous attendons une réponse claire !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Comme vous, nous sommes attachés au pragmatisme et à la prise en compte de la diversité des territoires. Les règles ne peuvent pas être identiques partout. Le règlement départemental doit s'imposer, mais de manière souple et adaptée aux différents territoires. La co-construction est possible à chaque instant. Nous avons mobilisé les préfets sur le sujet. Il faut adapter les moyens aux besoins, avec la sécurité comme priorité.

M. François Bonhomme.  - Ça commence bien !

Mme Céline Brulin .  - Quelles consignes le Gouvernement entend-il donner aux préfets pour que la loi de 2011 soit appliquée ?

Le Sénat a demandé un rapport dans le projet de loi 3DS. Les communes doivent-elles attendre ses conclusions avant de lancer des investissements ? C'est particulièrement vrai en Seine-Maritime, où le préfet vient de consentir à une révision du règlement.

La loi de 2011 étend les compétences des communes. En application de la Constitution, des ressources supplémentaires devraient leur être accordées, mais vous l'avez refusé en projet de loi de finances...

La définition de la zone urbaine, entre les panneaux d'entrée et de sortie de ville, n'est pas pertinente. Ce qu'il faut prendre en compte, c'est la densité du bâti et des distances. Il y a des bourgs moins denses que des hameaux.

M. François Bonhomme.  - Nous attendons avec impatience la réponse. (On renchérit à droite : « Question intéressante ! »)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Tel est justement l'objet de la révision, dans un esprit d'ouverture et de concertation. En juillet 2022, les communes auront davantage de visibilité.

Mme Céline Brulin.  - Que font-elles en attendant ? Aujourd'hui !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Elles peuvent interpeller le préfet, dès demain !

Les études en cours nous permettront de comparer les moyens mis en oeuvre et de déterminer des solutions alternatives.

M. François Bonhomme.  - Attention à ne pas réfléchir trop longtemps !

M. Laurent Burgoa.  - Cela ne sert à rien !

M. Guy Benarroche .  - L'importance du sujet est réelle. Les modifications apportées aux réseaux d'eau sont gérées par les EPCI, mais pas toujours de manière souple. Il y a parfois des conflits avec les SDIS, certains judiciarisés...

Le Gouvernement envisage-t-il de rendre obligatoire la concertation en cas de modification ?

Dans les Bouches-du-Rhône, le débroussaillage pose de nombreux problèmes financiers et techniques aux petites communes, lorsque les particuliers sont défaillants. Elles ne devraient pas avoir à choisir entre la sécurité et leur équilibre financier. Qu'envisage le Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La priorité est la sécurité des personnes et des sapeurs-pompiers. Ceux-ci doivent disposer des moyens de lutte. Les EPCI demeurent compétents s'agissant des réseaux d'eau, mais les SDIS peuvent les conseiller. Je ne crois pas à un transfert du pouvoir de police aux syndicats d'eau, moins armés, d'autant que la compétence ira obligatoirement aux EPCI à fiscalité propre en 2026.

M. Éric Gold .  - L'une des principales difficultés que pose la défense extérieure contre l'incendie réside dans la complexité des règles, comme l'a montré l'enquête menée auprès des élus par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il faut y ajouter les freins budgétaires pour les petites communes et un régime de responsabilité administrative et personnelle confus entre le maire et la commune en cas de sinistre lié à la défaillance du service de défense incendie. Le juge administratif a abandonné l'exigence d'une faute lourde pour engager la responsabilité de l'autorité communale en cas de sinistre lié à la défaillance du service de lutte contre l'incendie.

Quel régime juridique imaginer pour ne pas faire peser une telle charge sur les élus locaux ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La difficulté d'appropriation par les maires est réelle, pour mettre en oeuvre la DECI.

Nous avons préféré laisser les acteurs de terrain choisir les outils les plus adaptés aux réalités des territoires. Il est vrai que la responsabilité personnelle et administrative pèse sur les maires. La meilleure manière de se protéger est d'avancer sur la mise en oeuvre des schémas communaux et intercommunaux.

M. François Bonhomme.  - Parfaite langue de bois !

M. Lucien Stanzione .  - Les discussions relatives à l'excellent rapport de nos collègues montrent combien il est nécessaire de s'adapter aux territoires et aux capacités financières des communes.

Le volontariat doit également être encouragé. Le Parlement a voté une bonification de trois trimestres de cotisations retraite supplémentaires après dix ans d'engagement ; mais l'abandon de la réforme des retraites a conduit l'Assemblée nationale à la remplacer par un renforcement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, dont les montants sont revalorisés par voie réglementaire.

Où en sont les discussions entre l'État et les sapeurs-pompiers ? Il faut davantage reconnaître leur engagement. Le Président de la République lui-même, au congrès de la fédération des sapeurs-pompiers de France à Marseille, a repris l'idée d'une bonification de la retraite, au titre de la solidarité nationale. Ces femmes et ces hommes le méritent amplement.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous nous éloignons un peu du sujet...

Tous nos pompiers doivent intervenir dans les meilleures conditions de sécurité.

Nous sommes attachés au modèle français de sécurité civile et aux 200 000 pompiers volontaires. L'engagement du Président de la République porte sur une allocation fonction de la durée de l'engagement.

Une revalorisation de la prestation de fidélisation a été annoncée. Nous y travaillons avec les financeurs des SDIS.

M. Didier Rambaud .  - Votre présence ne me choque pas : une meilleure biodiversité, c'est la meilleure prévention contre le risque incendie. (On ironise à droite.)

Une défense incendie efficace nécessite une bonne préparation et des moyens adéquats. Oui, il faut développer la culture du risque. Mais comment faire ? Les incendies se multiplient, les pompiers volontaires sont moins nombreux et leur engagement dure moins longtemps. La loi Matras est une première réponse ; je crois à la création de réserves citoyennes ouvertes aux plus de 16 ans.

Comment le Gouvernement suit-il leur mise en oeuvre ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Oui, nous devons mobiliser le plus largement possible en soutien des sapeurs-pompiers. C'était l'un des axes de la loi Matras. Les réserves communales, les réserves permettant aux sapeurs-pompiers retraités de rester mobilisés, les réserves des SDIS peuvent faire porter des messages de prévention et de sensibilisation.

Le ministère de l'Intérieur a également lancé une expérimentation avec la mission service civique et le site jeveuxaider.gouv.fr.

M. Alain Marc .  - La réforme de 2011 semble ne pas avoir répondu aux attentes des élus ruraux. Le coût de la mise aux normes a dépassé les possibilités des communes rurales. Les bornes incendie et la rénovation des réseaux d'eau sont trop chères ; la contrainte de distance entre toute nouvelle habitation et les bornes incendie est délétère : les maires ne peuvent plus délivrer de permis de construire ! C'est une entrave à la revitalisation des territoires ruraux.

Pourquoi ne pas créer des retenues collinaires dans les endroits les plus isolés ? Le rapport recommande de consacrer 1,2 milliard d'euros sur trois ans à la défense contre les incendies, dans le cadre du Plan de relance.

Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir les petites communes ?

M. François Bonhomme.  - Très bonne question !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avec les règlements départementaux apparus en 2017, les élus ont été éclairés sur les lacunes de la défense contre l'incendie et sur la nécessité d'une remise aux normes. Il en est résulté une incompréhension car ils attendaient plutôt des assouplissements...

La concertation est une réalité de tous les instants pour les préfets et les SDIS. Nous devons rester attachés à ces règles adaptées aux territoires.

Vous avez fait référence aux retenues collinaires ; il faut effectivement développer une réflexion autour du partage des ressources.

M. François Bonhomme.  - Et le plan de relance ?

M. Daniel Laurent .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La DECI coûte cher, au détriment des projets structurants. Pour installer des bâches, par exemple, il faut acheter des terrains. En Charente-Maritime une intercommunalité de 129 communes devra dépenser 25 millions d'euros pour installer 2 500 bâches.

Le rapport sénatorial préconise une étude d'impact pour tenir compte du coût pour les communes. Lors d'une réponse à une question orale, Marlène Schiappa parlait d'une évaluation pour 2021. Mais aujourd'hui, toujours rien...

Les collectivités espèrent de votre part une impulsion : demandez donc aux préfets une évaluation préalable avant toute révision des règlements départementaux ! Eux-mêmes attendent vos instructions ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Vous m'interrogez sur le cas spécifique...

M. Pierre Cuypers.  - C'est partout pareil !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les bâches sont une question spécifique à ce territoire, selon le préfet de Charente-Maritime.

Le règlement départemental a permis de créer 663 nouveaux points d'eau et un outil numérique assure une meilleure couverture opérationnelle. Il y a lieu de s'en féliciter.

Une concertation au plus près du terrain doit faire émerger des solutions. Je salue votre saisine du préfet ; le travail d'évaluation en cours, remis au Parlement en juillet 2022, sera une nouvelle marche dans la construction de la concertation.

M. Daniel Laurent.  - Pas de réponse à ma question...

M. Jean-Marie Mizzon .  - Le décret de 2015 a modifié en profondeur les règles de la DECI. Il revient aux communes de contrôler les bouches d'incendie, mais certaines ne le font pas et les SDIS n'ont aucun moyen de les y contraindre.

Des communes souvent rurales n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre un plan de défense extérieure. Ne faudrait-il pas leur dédier une enveloppe spécifique, en fonction du potentiel financier ?

Le Gouvernement envisage-t-il cette aide spécifique pour les communes les plus pauvres ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Le contrôle des équipements de lutte contre l'incendie relève de la compétence du maire ou de l'EPCI en cas de délégation. Le SDIS n'en a ni la compétence ni la responsabilité mais, en tant que conseiller technique du maire, il peut l'aider dans ses arbitrages. Nous avons toutes les compétences en présence. Si la commission locale l'estime prioritaire, la DETR peut être mobilisée.

M. Jean-Marie Mizzon.  - La DETR est une enveloppe fixe qui ne suffit déjà pas pour satisfaire tout le monde. J'évoquais une enveloppe spécifique.

Vous prêtez au préfet des initiatives ; Paris devrait les inciter à en avoir plus.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Les enjeux sont techniques mais chacun est capable de saisir les contraintes de fond, entre les nécessités de sécurité et la limitation des moyens humains et financiers.

La clé est la concertation pour concilier normes et coûts et n'engager que les investissements réellement efficaces, sans céder à la dictature des normes. Le consensus permet d'échapper à l'arbitraire.

Le rapport sénatorial met en relief des avancées significatives mais aussi des retards et des incompréhensions. Quelles leçons tirez-vous de ce retour d'expérience ? Que pensez-vous de la proposition d'établir une méthodologie précise de concertation ? Faut-il inscrire des critères de différenciation dans la loi 3DS ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - C'est tout le rôle de ce projet de loi. Le nouveau règlement défini en 2011 doit s'adapter au contexte local. Je n'ose imaginer votre réaction si nous avions préconisé une démarche descendante à partir d'un cadre national !

Certains élus locaux résistent à l'idée de se saisir de cette compétence. Quant aux financements, ils existent : des préfets signalent des enveloppes DETR non intégralement consommées. Faites-moi part des défauts de crédits si vous en constatez. Mais lorsque les projets sont concertés et s'imposent comme manifestement nécessaires, les moyens suivent...

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 6 décembre dernier, la Cour administrative d'appel de Marseille a enjoint au maire de Murs, 410 habitants, d'équiper une parcelle d'une bouche d'incendie, dans les six mois et sous peine d'astreinte. Cette décision est impossible à appliquer en l'état ; mais la Cour n'a pas retenu l'argument selon lequel cela obérerait tout autre investissement de la commune. Si cela faisait jurisprudence, ce serait une catastrophe pour les communes rurales. À Murs, 50 propriétaires pourraient s'en prévaloir pour un coût unitaire de 20 000 euros !

Que répondez-vous aux élus locaux, qui sont dans l'impossibilité d'appliquer cet article du code général des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - C'est tout l'objet de ce décret : ne pas imposer un schéma identique partout, mais adapté. Saisissez vos préfets, vos présidents de SDIS ... (Protestations à droite)

Mme Céline Brulin.  - Ils ne répondent pas !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Faites-moi remonter les cas.

M. Lucien Stanzione .  - Je remercie le sénateur Blanc d'avoir parlé de Murs, commune de mon département.

Dans un contexte toujours plus contraint, les communes sont confrontées à des conséquences financières lourdes. Un soutien de l'État s'impose pour les communes les plus faibles. Les rapporteurs de la mission proposent un budget de 1 milliard d'euros au sein du plan France relance. Qu'en pensez-vous ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Je suis preneuse de noms de préfets qui ne seraient pas à l'écoute ou de dossiers qui n'auraient pas abouti par manque de crédits.

Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation.  - Nous n'allons pas dénoncer les préfets !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Ce rapport doit nous permettre d'éclairer des situations concrètes, circonstanciées, précises. Je le dis au nom du Gouvernement, elles trouveront une solution concrète.

M. Lucien Stanzione.  - (Faisant mine de téléphoner) Dès demain !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les financements du plan de relance ne visaient pas l'investissement au titre de la DECI mais les agences de l'eau participent à l'amélioration, par exemple en travaillant sur l'interconnexion des réseaux.

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapport de nos collègues se fait l'écho des préoccupations de nombreux élus ruraux qui estiment que leur voix compte trop peu. L'article 6 du règlement national prévoit bien la consultation des élus, mais le périmètre des acteurs varie d'un département à l'autre.

Les élus locaux peuvent éprouver un sentiment d'abandon, a fortiori là où la sécurité incendie est difficile à assurer.

Je peux citer une commune qui avait demandé le soutien de l'État pour installer des points d'eau, ce qui avait été relayé par le département.

Que fera le Gouvernement pour davantage consulter les élus et mieux anticiper ces difficultés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Je ne peux que vous rejoindre dans l'idée qu'il faut mener le plus de concertations possible pour s'adapter au contexte local.

Les règlements départementaux, vous le savez, sont préparés par les SDIS, et leurs conseils d'administration, qui comprennent des élus locaux, se prononcent sur le règlement final.

Nous accompagnerons avec beaucoup de volontarisme tout élu qui souhaite saisir le préfet.

Mme Isabelle Raimond-Pavero.  - Nous espérons que vous prendrez en compte les propositions du Sénat. Le mandat actuel s'est montré décevant, jusqu'ici, pour les collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pas une rencontre avec les maires sans que la DECI ne soit évoquée. Trois sénateurs de Seine-Maritime sont ici concernés, à cause de différentes contraintes locales.

Comment adapter les règles ? Vous me répondrez : concertation. En Seine-Maritime, le préfet a prévu une adaptation à la marge, avec une concertation minimale. Y a-t-il une circulaire sur le sujet ? Dans quel texte sont définies les modalités de la concertation ?

Comment le Gouvernement accompagnera-t-il les départements, financeurs des SDIS, pour qu'ils puissent alléger les charges des communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous nous sommes engagés à retrouver des moyens pour les SDIS en mobilisant toutes les parties prenantes.

De nombreux préfets ont proposé à la commission DETR une répartition qui permette de financer des points d'eaux, des réserves, avec des taux fixés avec des élus locaux. Ceux-ci sont donc bien associés, et le secrétariat général de la sécurité civile a été mobilisé.

M. François Bonhomme.  - Et la circulaire ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous préciserons aux préfets la nécessité de rouvrir le dialogue.

Mme Agnès Canayer.  - Nous pouvons vous transmettre toutes nos interventions auprès du préfet de Seine-Maritime depuis 2017. Nous avançons avec une lenteur extrême. Dans la commission DETR, les élus sont peu entendus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gilbert Favreau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Jusqu'en 2011, la DECI était mal connue des élus. La loi de 2011 a montré que le sujet était particulièrement complexe. Le décret d'application n'a été publié qu'en 2015.

La concertation avec les élus et l'élaboration du schéma communal ou intercommunal de DECI posent problème. Le schéma communal, dans le décret, est optionnel. À mon avis, c'est une erreur majeure. Aujourd'hui, 71 % des communes n'en sont pas dotées. Au dire des SDIS, cela pourrait être aisément réglé.

La concertation doit être accompagnée de l'élaboration du schéma. Dans les Deux-Sèvres, 138 schémas communaux ont été réalisés, sur 256 communes. Les documents ont utilement mis en lumière les difficultés. Ne serait-il pas bon de rendre le schéma obligatoire, dans un délai raisonnable ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Malheureusement, le sujet de la DECI était méconnu des élus locaux jusqu'en 2011. La concertation locale, si elle est réputée exister, ne vous semble pas suffisante. Mais rendre le schéma communal obligatoire introduirait une rigidité dont nous ne voulons pas.

Il me semble aussi que les conseils d'administration des SDIS rassemblent tous les élus. Je perçois mal la pertinence de l'obligation.

M. Jean-Claude Anglars .  - Je salue le travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de MM. Hervé Maurey et Franck Montaugé. Un diagnostic était nécessaire. Le rapport clarifie la situation et établit vingt propositions pertinentes pour une défense proportionnée contre les incendies.

Il faut des solutions locales adaptées. Je suis favorable à ce que la DECI reste une compétence des communes, car elle relève des pouvoirs de police du maire.

À chaque fois qu'une question de financement a été posée, vous avez répondu : DETR. Or cette enveloppe est insuffisante dans de nombreux départements ! Il faut aider les communes à réaliser les investissements sans faire appel à cette dotation.

Si vous voulez des idées sur la mobilisation financière, c'est possible ! Songeons à la fibre : nous avons su faire des propositions et trouver des solutions.

Que comptez-vous mettre en place ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Un tel fléchage d'office me semble contraire à l'esprit de la dotation : ce sont les élus locaux qui définissent les priorités au sein de la commission DETR.

Les niveaux de dotations aux collectivités sont historiques, à plus de 2 milliards d'euros, montant auquel il faut ajouter les crédits de France relance. Les collectivités territoriales ne souffrent pas d'un manque de moyens.

Les moyens dont elles disposent doivent leur permettre de réaliser ces programmes. La DSIL est importante, elle augmente à nouveau en 2022.

Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation .  - La ministre va peut-être me trouver définitivement désagréable...

Je remercie MM. Montaugé et Maurey qui proposent des vraies solutions à des vrais problèmes qui se posent dans tous les départements. Les recommandations du rapport - je vous remercie de l'avoir lu - sont extrêmement précises.

En Ille-et-Vilaine, 80 maires sont très préoccupés : j'espère qu'ils n'ont pas écouté le débat lunaire d'aujourd'hui. Madame la ministre, nous ne nous sommes pas compris. Ce n'est pas le passe-temps d'un mercredi après-midi, mais un travail que nous menons depuis 2020.

Madame la ministre, vous ne prenez pas la mesure de ce dont nous parlons.

La loi fixe aux maires des responsabilités énormes en matière de sécurité incendie. S'il y a un problème, c'est leur responsabilité qui sera mise en cause.

Les maires ne décident pas, mais paient. Or le Sénat a un principe : qui décide paie. (On approuve sur de nombreuses travées.)

Nous demandons qu'une injonction soit faite à tous les préfets de France (« Bravo » sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE)

Il faut procéder à des révisions de schéma. Quand j'entends qu'une maison brûle et que les pompiers n'utilisent pas l'eau de la piscine voisine pour ne pas abîmer le liner, nous tombons sur la tête.

Si nous avions parlé aux maires dans des termes aussi vagues que ceux de ce soir, nous n'aurions pas tenu une heure ! Nous devons donner aux élus la capacité d'assumer leurs responsabilités. Avançons. Donnez des injonctions aux préfets !

Quant au financement, arrêtons de plaisanter avec la DETR. Elle est l'auberge espagnole, alors qu'elle n'est pas faite pour financer la réserve incendie.

Au-delà de la responsabilité très grave confiée aux maires, ce Gouvernement est responsable du déclin des communes. Quand une commune ne peut plus construire une seule maison, elle n'est pas loin de fermer des classes. La survie de notre ruralité est en jeu. (Marques d'approbation sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Dès demain matin, j'espère que vous ferez le nécessaire pour sortir de la situation. Vous êtes très attendue. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.